Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/675/2025 du 20.06.2025 ( MC ) , CONFIRME
REJETE par ATA/753/2025
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 20 juin 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Déborah GREAUME, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1999, et originaire d'Algérie, démuni de documents d'identité, est entré en Suisse, selon ses dires, en 2022 et s'est présenté devant les autorités helvétiques sous un alias – Monsieur B______, né le ______ 1998, Algérie.
2. Le 28 juillet 2023, il a été arrêté à la suite d'une tentative de vol de porte-monnaie, commise au préjudice d'un voyageur de la gare Cornavin. Entendu par les enquêteurs, M. A______ a notamment indiqué n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu. Il a été prévenu de tentative de vol et de vol (au sens des articles 22 et 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) ainsi que d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), condamné le jour même par le Ministère public, notamment pour vol et tentative de vol, puis il s'est vu notifier par le commissaire de police une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève (ensemble du territoire genevois) pour une durée de douze mois.
3. Il a été condamné depuis à quatre reprises par les instances pénales genevoises, notamment, une fois, pour infraction à l'art 22/139 al. 1 CP (tentative de vol), et quatre fois pour infraction à l'art 119 LEI (non-respect de l'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire du canton de Genève notifiée par le commissaire de police le 28 juillet 2023 pour une durée de douze mois).
4. Le 28 février 2024 il incarcéré à la prison de Champ-Dollon pour purger divers écrous.
5. Lors de sa dernière audition par la police (le 29 février 2024), M. A______ a expliqué qu'il faisait des allers-retours entre la Suisse et la France. Il était revenu à Genève trois jours auparavant dans le but de récupérer son dossier médical. Il dormait dehors, dans la rue, et dépendait de l'aide financière de personnes tierces pour subvenir à ses besoins. Il avait une fille de deux ans, laquelle vivait chez sa mère, en France.
6. Par décision du 15 mars 2024, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse et de l'espace Schengen de l'intéressé et a simultanément chargé les services de police de l'exécution de cette décision de renvoi.
7. Le 13 septembre 2024, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) a introduit auprès du Consulat général d'Algérie en Suisse une demande d'identification pour M. A______ et d'émission d'un laissez-passer.
8. Le 24 septembre 2024, dans le cadre d'un entretien de départ avec la Brigade migration et retour, l'intéressé a expliqué qu'il ne voulait pas retourner en Algérie, qu'il voulait se rendre en Espagne pour rejoindre la mère de son enfant même s'il était interdit de l'espace Schengen, qu'il n'était pas en possession d'un document de voyage valable et qu'il était diabétique.
9. Le 2 décembre 2024, le SEM a informé l'OCPM que l'intéressé avait été identifié par les autorités algériennes, mais qu'avant une réservation de vol pour l'Algérie soit faite une présentation consulaire était nécessaire. À l'issue du counselling un vol pouvait être réservé avec un préavis de 30 jours ouvrables.
10. Le 10 janvier 2025, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______. La juridiction estimait entre autres que l'intéressé n'avait aucun projet viable à sa sortie si ce n'est de se mettre en situation illicite dans un autre pays européen (France/Espagne), M. A______ refusant tout retour dans son pays d'origine.
11. Le 16 juin 2025, à sa libération de détention pénale, M. A______ a été remis aux services de police.
12. Le 16 juin 2025, à 14h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, considérant que cette mesure pouvait se fonder sur sa condamnation pour vol et pour violation d'une interdiction de pénétrer dans une zone qui lui avait été interdite. La date du counseling n'était pas encore confirmée, les places octroyées au canton de Genève par le SEM (deux ou trois) pour les rendez-vous mensuels avec le consul d'Algérie ayant systématiquement été occupées jusqu'au mois de mai 2025 par des citoyens algériens déjà en détention administrative dans les centres de Favra et Frambois, ou faisant l'objet de lourdes expulsions judiciaires. L'intéressé avait toutefois été annoncé comme un candidat prioritaire à conduire au consulat. Une fois la présentation de l'intéressé au consul algérien effectuée, les services de police pourraient procéder à la réservation d'un vol en faveur de M. A______, à moins qu'il ne se déclare par écrit rapidement volontaire au retour en Algérie et prenne contact avec le consulat algérien au téléphone. Dans ce dernier cas, un vol volontaire/DEPU pourrait être réservé avec un délai de trois semaines.
Selon le procès-verbal de son audition devant le commissaire de police, la détention pour motif de droit des étrangers avait débuté le 16 juin 2025 à 14h00. M. A______ a déclaré qu’il s'opposait à son renvoi en Algérie.
13. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
14. Entendu le 19 juin 2025 par le tribunal, M. A______ a attiré l’attention du tribunal sur le fait qu’il avait subi deux opérations durant sa détention pénale. Pour ces raisons, un retour en Algérie lui paraissait inenvisageable. Il avait déjà bénéficié de traitements médicaux à C______ (Espagne), D______ (Espagne) et E______ (France). Sur question du tribunal, il n’avait pas de titre de séjour en Espagne, mais il comptait entreprendre des démarches à cette fin. Sur question de son conseil, s’il était remis en liberté, il se rendrait immédiatement à D______ (Espagne) par le chemin le plus court. Il avait de la famille à D______ (Espagne), à savoir son épouse d’un mariage religieux, leur enfant et une tante. Ses parents vivaient en Algérie, mais sa mère était décédée en 2012 et son père il y avait trois mois alors qu’il était en détention à Genève. Il n’avait en Algérie plus qu’une sœur qui vivait dans une grande ville à l’extérieur d’F______ (Algérie). En Espagne, il avait du travail soit dans le maraîchage soit en tant que poseur de placoplâtre. Sur question de son conseil de savoir quelles démarches il comptait faire en Espagne pour obtenir un titre de séjour, il a répondu que ce seraient celles qui lui permettraient d’obtenir ce titre.
Le conseil de l’intéressé a déposé des documents que son mandant venait de lui remettre et qu’elle transmettait au tribunal. Ces documents faisaient allusion notamment à une opération à la main et à une opération colo-rectale. En plus de cela, il souffrait d’un diabète de type 1.
La représentante du commissaire de police a indiqué que la date de l’entretien consulaire pour M. A______ était fixée au 26 juin 2025 et elle a déposé des échanges de courriels qui s’y rapportaient.
La représentante du commissaire de police a plaidé et a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative prononcé à l’encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois.
Le conseil de l’intéressé a plaidé et a conclu à la mise en liberté immédiate de son client avec une mesure d’interdiction pénétrer dans le canton de Genève et subsidiairement à la réduction de sa détention à six semaines.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 16 juin 2025 à 14h00.
3. L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP).
4. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI.
5. En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prise à son encontre par l'OCPM le 15 mars 2024. Il a en outre été condamné pour vol, soit une infraction constitutive de crime, par ordonnance pénale du 28 juillet 2023. Il a de plus été condamné à quatre reprises, par la suite, par le Ministère public du canton de Genève, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence. Par conséquent, sur le principe, les conditions de sa détention administrative sont réalisées, à un double titre, au sens des dispositions susmentionnées.
6. S'agissant de l'argument de M. A______ selon lequel sa détention ne pourrait pas se fonder sur l'interdiction prononcée sur la base de l'art. 74 LEI le 28 juillet 2023, étant donné que cette mesure a cessé de déployer ses effets 12 mois plus tard, le précité se méprend sur la portée de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), qui suppose uniquement qu'une condamnation ait été prononcée pour violation d'une telle mesure, et non pas que celle-ci soit encore exécutoire au moment du prononcé de la détention administrative.
7. Quant au fait que, selon M. A______, l'OCPM ne pouvait pas prononcer son renvoi de l'espace Schengen, le tribunal souligne que cette question relève de la décision prononcée par cette autorité le 15 mars 2024 et est donc exorbitante à l'objet du présent litige (soit l'ordre de mise en détention du 16 juin 2025), de sorte que le tribunal n'entrera pas en matière sur ce grief.
8. Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.
9. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).
10. Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).
11. Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).
12. En l'espèce, s'agissant tout d'abord de l'aptitude de la détention de M. A______ a assuré l'exécution de son renvoi de Suisse, rien n'indique pour leur qu'un tel renvoi ne serait pas possible.
13. Concernant la question de savoir si cette détention est nécessaire à cette fin, M. A______ conclut à ce qu'il soit mis en liberté immédiatement, cet ordre étant assorti d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève. Cependant, la question n'est pas tant d'empêcher M. A______ de continuer à séjourner dans le canton de Genève, que d'être certain qu'il soit à disposition des autorités suisses au moment où devra intervenir son renvoi à destination de l'Algérie. Or, le fait qu'il quitte le territoire genevois ne donne aucune garantie à cet effet, bien au contraire. S'agissant d'une autre mesure telle qu'une assignation à un territoire déterminé, M. A______ s'est suffisamment prononcé jusqu'ici à l'encontre d'un renvoi en Algérie, pour que l'on ne puisse raisonnablement envisager qu'il se prêterait volontairement à un tel renvoi s'il était remis en liberté. À cela s'ajoute les quatre condamnations pénales prononcées contre lui suite à la violation répétée de l'interdiction territoriale que le commissaire de police avait prononcée contre lui le 28 juillet 2023. Le peu de cas qu'il a fait à l'époque de cette interdiction indique également qu'il n'est pas possible de s'en remettre à M. A______ pour respecter un engagement à se rendre dans un pays dans lequel il a répété ne pas vouloir retourner.
14. Enfin, il existe un intérêt public important à pouvoir éloigner M. A______ de Suisse, compte tenu de son comportement délictueux en Suisse.
15. Les autorités suisses sont quant à elles agi avec diligence, respectant ainsi leur obligation de célérité, étant rappelé qu'un entretien consulaire aura déjà lieu le 26 juin 2025.
16. Pour finir, le tribunal constatera que les problèmes de santé de M. A______, qui sont attestés dans les documents qu'il a remis au tribunal, ne contre-indiquent pas a priori l'exécution de son renvoi par avion, étant précisé que cette question devra encore être examinée le moment venu par l'instance compétente. Ces problèmes de santé ne font pas non plus apparaître son renvoi comme inexigible au sens de l'art. 83 LEI. Quant au fait que le précité a en Espagne une compagne et un enfant, le tribunal relèvera, d'une part, qu'aucun élément du dossier ne permet de vérifier cette assertion et, d'autre part, qu'en tout état, M. A______ ne dispose d'aucun titre de séjour en Espagne, de sorte que la question d'une réadmission dans ce pays ne se pose pas en l'état.
17. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, durée qui n'apparaît pas a priori disproportionnée eue égard aux démarches qu'il reste encore à effectuer avant qu'un vol ne puisse effectivement avoir lieu à destination de l'Algérie.
18. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 16 juin 2025 à 14h20 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 15 octobre 2025 ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| La greffière |