Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1234/2024 du 16.12.2024 ( OCPM ) , REJETE
REJETE par ATA/426/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 16 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1980, est ressortissant tunisien.
2. Le 18 juin 2022, par le biais de son conseil, il a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour et de travail en sa faveur.
3. Par décision du 3 août 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui cette demande avait été transmise pour raison de compétence, a refusé de délivrer, après examen du dossier par la commission tripartite, une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative indépendante en faveur de M. A______ et a retourné le dossier de ce dernier à l’OCPM.
L’art. 19 al. 1 let. a et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’était pas respecté.
4. Par acte du 5 septembre 2022, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/2835/2022.
5. Par décision du 9 septembre 2022, faisant suite à la décision de l’OCIRT du 3 août 2022, l’OCPM a prononcé le renvoi de M. A______ et lui a imparti un délai au 9 octobre 2022 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.
6. Par acte du 10 octobre 2022, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision entreprise, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de rendre une décision favorable à sa demande d’autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative indépendante, subsidiairement à l’octroi d’un permis de séjour sous condition en sa faveur, voire un permis de séjour « F » en cas de refus d’instruction de l’OCPM. Préliminairement, il a requis une nouvelle décision « au sens de l’allégué 14 du présent recours » et, dans le cas contraire, la jonction de cette cause à celle A/2835/2022.
À l’âge de 14 ans, en 1994, il s’était installé à Genève et y avait fréquenté, avec succès, l’institut B______. Il avait ensuite rejoint la Tunisie et y avait été actif dans le monde professionnel, gardant ses liens avec la Suisse, notamment avec ses amis d’adolescence. Sa sœur, de nationalité suisse, vivait à Genève. Désireux d’ouvrir une entreprise en suisse, il avait développé un business plan avec l’aide d’une fiduciaire. Outre son projet professionnel, il avait une autre raison à faire valoir pour son séjour, à savoir une persécution personnelle qu’il avait subi en Tunisie avant de venir en Suisse. Un conflit de voisinage s’était rapidement dégradé avec l’appui d’autorités étatiques. La personne en conflit avec lui étant un islamiste ayant des liens très étroits avec divers politiciens et autorités de sa région. Cette personne avait utilisé son influence politique pour l’empêcher de faire valoir certains de ses droits.
La décision querellée se référait intégralement à la décision négative de l’OCIRT, qui était attaquée notamment pour établissement incomplet des faits et absence de motivation et qui n’était donc pas entrée en force. La décision entreprise n’apportait aucun autre élément que la mention à la décision de l’OCIRT. Dès lors, « la décision de l’OCPM, se basant sur la décision préalable de l’OCIRT, revêt[ait] aussi les mêmes griefs ».
Enfin, compte tenu du fait qu’il subirait un grave risque d’atteinte à son intégrité physique et psychologique en cas de retour en Tunisie vu ses conflits avec une personne influente, de milieu islamiste très strict et conservateur, alors qu’il était modéré et progressiste, il devait bénéficier d’une admission provisoire (permis de séjour « F »).
Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/3342/2022.
7. Dans ses observations du 8 décembre 2022, l’OCPM a expliqué avoir prononcé le renvoi de Suisse du recourant dépourvu d’une quelconque autorisation de séjour dans la mesure où la décision de l’OCIRT était exécutoire nonobstant recours. Eu égard à la procédure A/2835/2022, il proposait la suspension de la présente procédure jusqu’à droit connu sur l’issue de cette affaire ou, cas échéant, la jonction desdites causes.
8. Le 3 janvier 2023, l’OCPM a refusé de délivrer un visa de retour au recourant, qui voulait se rendre dans son pays d’origine.
9. Le 26 janvier 2023, sous la plume de son conseil, le recourant a requis la suspension de la présente procédure jusqu’à droit connu dans le cadre du recours A/2835/2022, à différer la présentation de la réplique à l’éventuelle reprise d’instruction après la suspension de procédure, subsidiairement, à lui accorder une prolongation de délai de 30 jours pour présenter sa réplique.
La suspension de la présente procédure semblerait mieux adaptée aux circonstances que la jonction des causes. La présente affaire n’était pas uniquement basée sur la question du travail, mais aussi sur un cas de rigueur relatif à sa situation personnelle, actuellement visé par des situations particulières dangereuses envers sa personne dans son pays d’origine, ainsi que face à ses liens avec la Suisse. Les deux causes différaient donc dans leur approche, quand bien même la première pourrait influer dans la deuxième.
10. Le 6 mars 2023, après avoir requis et obtenu diverses prolongations du délai pour répliquer, le recourant a fait valoir qu’il faisait le nécessaire pour se procurer la copie du dossier relatif à son conflit de voisinage, mais il était difficile de traiter ces démarches en Tunisie ; il produirait toutefois ces pièces dans les quinze jours. La situation dans ce pays ne cessant de péjorer, il craignait pour sa propre vie du fait du conflit précité.
11. Par jugement du 7 mars 2023 (JTAPI/249/2023), dans le cadre de la cause A/2835/2022, le tribunal a rejeté le recours interjeté contre la décision de l’OCIRT.
12. Par duplique du 23 mars 2023, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.
13. Par décision du 30 juin 2023 (DITAI/289/2023), le tribunal a suspendu l’instruction du recours jusqu’à droit connu sur le recours déposé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) dans la procédure A/2835/2022.
14. Par arrêt du 5 septembre 2023 (ATA/959/2023), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté contre le jugement du 7 mars 2023.
15. Le 16 juillet 2024, l’OCPM a sollicité la reprise de l’instruction et la confirmation de sa décision du 9 septembre 2022.
L’ATA/959/2023 était entrée en force et compte tenu qu’il ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi du recourant constituait la conséquence logique et inéluctable du rejet de sa demande d’autorisation. La décision querellée apparaissait justifiée et fondée en droit. Le recourant s’opposait certes à l’exécution de son renvoi au motif des risques qu’il encourrait en cas de retour en Tunisie, mais sa promesse du 6 mars 2023 de produire sous quinzaine tout document utile pour convaincre le tribunal de l’inexigibilité de son renvoi était demeurée vaine.
16. Le 13 septembre 2024, le recourant a indiqué que sa fille aînée, C______, ressortissante tunisienne née le ______ 2009, était venue lui rendre visite à Genève et qu’un club s’était « beaucoup intéressé à elle » du fait qu’elle faisait des compétitions d’équitation. Elle avait donc fait quelques compétitions suisses et le club souhaitait la garder dans l’équipe, étant précisé qu’elle bénéficiait d’un sponsor. De ce fait, elle déposait une demande de permis de séjour par les motifs précités, mais plus précisément pour pouvoir étudier et contribuer au sport en Suisse. Les sports hippiques étant une discipline pointue, il convenait de garder les meilleurs atouts.
Il sollicitait dès lors le maintien de la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’OCPM se soit manifesté sur la demande de permis de séjour de sa fille.
La copie de la demande de permis de séjour en faveur de cette dernière a été versée à la procédure ; il en résulte notamment que cette enfant a débuté sa scolarité le lundi 19 août 2024 au cycle d’orientation de l’D______ et que le recourant requiert qu’un permis de séjour soit attribué à sa fille et qu’il obtienne une autorisation pour regroupement familial.
17. Le 23 septembre 2024, l’OCPM a fait valoir que la demande de permis pour études déposée en faveur de C______ n’avait aucune influence sur la situation administrative de son père.
La demande d’autorisation de séjour pour formation déposée en faveur de C______ sera traitée par son service compétent. Sans préjuger de la réponse qui y sera apportée, le regroupement familial inversé n’existait que dans des situations restrictives bien précises ; en particulier, l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) qui présupposait que le bénéficiaire principal du permis disposait d’un droit de séjour, ce qui n’était pas le cas d’un étudiant.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives ainsi que le contenu des pièces versées aux dossiers seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1077/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.2).
5. Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20).
Qu’il s’agisse d’une première prise d’emploi, d’un changement d’emploi ou du statut de travailleur salarié vers un statut de travailleur indépendant, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admission en vue de l’exercice de l’activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI et 83 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative - OASA - RS 142.201).
6. Dans le canton de Genève, le département des institutions et du numérique est l’autorité compétente en matière de police des étrangers, compétence qu’il peut déléguer à l’OCPM (art. 1 al. 1 et 2 LaLEtr) sous réserve des compétences dévolues à l’OCIRT en matière de marché de l’emploi.
La compétence pour traiter les demandes d’autorisation de séjour avec prise d’emploi est dévolue à l’OCIRT (art. 17A de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05 et 35A du règlement d’application de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 23 février 2005 - RIRT - J 1 05.01). Sa décision lie l’OCPM, qui peut néanmoins refuser l’autorisation si des considérations autres que celles qui ont trait à la situation de l’économie ou du marché du travail l’exigent (art. 6 al. 6 du règlement d’application de la loi fédérale sur les étrangers - RaLEtr - F 2 10.01).
7. Selon l’art. 17 LEI, l’étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d’autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l’étranger (al. 1). L’autorité cantonale compétente peut autoriser l’étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d’admission sont manifestement remplies (al. 2).
8. En l’espèce, l’OCIRT a refusé l’octroi d’un permis de séjour avec activité lucrative, décision confirmée tant par le tribunal que par la chambre administrative. Dès lors que l’OCPM était lié par la décision de l’OCIRT, c’est à juste titre qu’il n’a pas autorisé le recourant à séjourner en Suisse pour y exercer une activité lucrative.
Le grief du recourant à cet égard sera par conséquent écarté.
9. Selon l’art. 64 al. 1 LEI, l’autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse (let. b) et d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).
Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 1321/2024 du 12 novembre 2024 consid. 4.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
10. En l’espèce, l’OCIRT a rendu une décision défavorable à l’endroit du recourant concernant l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative. Cette décision a été attaquée devant le tribunal, puis devant la chambre administrative, qui ont tous deux rejeté le recours dont ils ont été saisis.
L’octroi d’un titre de séjour pour activité lucrative selon les art. 18 ss LEI ayant définitivement été refusé au recourant, il n’est dès lors plus possible de revenir sur les questions qui y sont abordées.
La décision subséquente de l’OCPM, qui fait l’objet du présent recours, n’est que la conséquence du fait que le recourant ne remplit pas les conditions pour un séjour avec activité lucrative en Suisse et qu’il n’est pas au bénéfice d’une autorisation de séjour en Suisse.
Dès lors, la décision de l’OCPM de prononcer le renvoi de Suisse du recourant est conforme à la loi et ne peut qu’être confirmée.
11. Le recourant sollicite, dans le cadre de l’autorisation de séjour requise en faveur de sa famille, un permis au titre du regroupement familial.
12. Un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l’art. 8 par. 1 CEDH pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu’il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse, qu’il soit au bénéfice d’une autorisation d’établissement ou d’un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 146 I 185 consid. 6.1 ; 144 II 1 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1). D’après une jurisprudence constante, les relations visées par l’art. 8 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire (« Kernfamilie »), soit celles qui existent entre époux ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 145 I 227 consid. 5.3 ; 144 II 1 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1).
Une simple autorisation de séjour, qui revêt un caractère révocable, ne suffit en général pas pour fonder un droit de présence assuré dans le pays (cf. ATF 126 II 335 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_435/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5141/2018 du 17 décembre 2019 consid. 9.1).
13. En l’espèce, la conclusion du recourant concerant l’octroi en sa faveur d’un permis de séjour au titre du regroupement familial est à l’évidence prématurée, aucune décision relative au statut administratif de sa fille n’ayant été rendue à ce jour.
À titre superfétatoire, même si le séjour de celle-ci était autorisé, elle n’obtiendrait pas un droit de présence assuré en Suisse par le biais d’une autorisation de séjour pour formation, de sorte que le recourant ne pourrait pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH.
14. Reste enfin à examiner si l’exécution du renvoi serait contraire à l’art. 83 LEI, le recourant soutenant à cet égard que l’exécution de son renvoi ne serait pas raisonnablement exigible compte tenu des conséquences d’un conflit qu’il aurait avec un voisin islamiste.
15. Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6776/2023 du 15 décembre 2023).
L’admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L’art. 83 al. 6 LEI a un caractère facultatif et implique que le SEM n’est saisi que si l’avis de l’autorité cantonale s’avère positif. Les intéressés n’ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande au SEM une admission provisoire en leur faveur sur la base de cette disposition (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3). Néanmoins, l’existence même de l’art. 83 LEI implique que l’autorité cantonale de police des étrangers, lorsqu’elle entend exécuter la décision de renvoi, statue sur la question de son exigibilité (ATA/1539/ 2017 du 28 novembre 2017 consid. 7c).
16. Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.
Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949).
17. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).
À cet égard, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_431/2023 du 26 octobre 2023 consid. 3.3).
18. En l’occurrence, la Tunisie ne connaît pas, sur l’ensemble de son territoire, une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d’emblée - et indépendamment des circonstances du cas d’espèce - de présumer l’existence d’une mise en danger concrète au sens de l’art. 83 al. 4 LEI. En outre, les affirmations quant à un conflit avec un voisin ne sont nullement documentées, de sorte que le tribunal ne saurait en retenir le bien-fondé. De plus, il serait loisible au recourant, le cas échéant, de demander la protection des autorités locales, voire de s’établir dans une autre localité et/ou région du pays (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6255/2013 du 13 mai 2015 consid. 7.2.3).
L’exécution de son renvoi est dès lors raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer son admission provisoire au SEM.
19. Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.
20. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
21. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 9 septembre 2022 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
Genève, le |
| Le greffier |