Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1102/2024 du 08.11.2024 ( OCPM ) , REJETE
recours terminé sans jugement
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 8 novembre 2024
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dans la cause
Madame A______, représentée par Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 1998, est originaire de Maurice.
2. Par décision du 6 mars 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a refusé de lui renouveler son autorisation de séjour pour études et a prononcé son renvoi de Suisse.
S'agissant des faits, cette décision retient que Mme A______ était arrivée en Suisse le 4 juillet 2022 afin de suivre des cours de français pour pouvoir intégrer un programme de bachelor à la Haute Ecole de Viticulture et Œnologie. Elle avait été mise au bénéfice d’un permis de séjour pour études valable du 1er septembre 2022 au 30 septembre 2023.
En juin 2023, elle avait arrêté les cours de français et s’était inscrite auprès de la Swiss School of Business Management (SSBM) pour suivre un bachelor en administration des affaires. L’OCPM lui avait notifié en date du 25 janvier 2024 son intention de refuser sa demande de renouvellement de permis de séjour pour études. Un délai de 30 jours lui était accordé pour faire valoir ses observations, qu’elle a transmises en date du 1er mars 2024.
Il ressortait du dossier que Mme A______ ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour selon l’art. 27 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), puisque celle-ci lui avait été délivrée pour suivre des cours de français à la Haute Ecole de Viticulture et Œnologie et non auprès de la SSBM. Le motif de cette demande d’autorisation n’était alors plus considéré comme justifié puisque Mme A______ pouvait suivre une formation similaire dans son pays d’origine.
3. Par acte du 22 avril 2024, sous la plume de son conseil, Mme A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant préalablement à ce que l’effet suspensif lui soit accordé, à ce qu’un délai lui soit octroyé afin de compléter le recours et, principalement, à l’annulation de la décision et à l’octroi d’une autorisation de séjour pour études.
En substance, elle reprenait les éléments de fait exposés dans la décision de l’OCPM, ajoutant que c’était à tort que l’OCPM retenait qu’elle n’avait pas démontré la réelle nécessité de suivre la formation envisagée en Suisse. Elle indiquait que son changement de formation était dû non pas à un échec mais à une réorientation. En effet, la Suisse était réputée pour la qualité de son système éducatif et ses institutions d’enseignement supérieur de renommée mondiale. Durant la préparation du cours de viticulture, elle avait fait la découverte du cursus en commerce international et avait finalement choisi cette voie. Elle suivait cette formation depuis la rentrée 2023 et était une brillante étudiante. Elle avait d’ailleurs obtenu une bourse d’études de la part de la direction de SSBM. Ses compétences relationnelles et scolaires étaient reconnues par certains membres du corps professoral. Elle soulignait que Genève offrait un programme d’études beaucoup mieux adapté qu’en son pays d’origine et que la Suisse était un pays phare dans le domaine du trading. En étudiant dans cette ville, elle tisserait un grand réseau pour son avenir. Elle indiquait encore que son pays d’origine offrait une formation en management mais pas celle souhaitée. Elle avait en effet l'intention de faire un « majoring » en « business administration », puis une spécialisation en « commodity trading » chez B______, étant précisé que cette branche d'études n'existait pas dans son pays d'origine.
L'OCPM avait établi les faits de manière incomplète, puisqu'il n'avait pas pris en considération l'importance de la formation souhaitée et surtout de la spécialisation visée. Par ailleurs, la décision litigieuse violait le droit, car les conditions générales relatives à un séjour en vue de formation étaient remplies. Quant au fait de posséder les qualifications requises, elle s'était fortement engagée dans son cursus auprès de SSBM et était une étudiante brillante. Cette formation s'inscrivait dans la continuité de ses études. Enfin, il existait un intérêt pour la Suisse de pourvoir compter avec une étudiante active enrichissant la diversité culturelle et apte, après ses études, à répandre le savoir-faire Suisse dans le monde.
4. Dans ses observations du 27 juin 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.
Quand bien même toutes les conditions de l’art. 27 LEI étaient réunies, il disposait toujours d’un large pouvoir d’appréciation pour statuer sur la requête. En l’occurrence, la recourante avait changé son plan d’études une fois arrivée sur le territoire suisse et il n’y avait dès lors plus la nécessité de suivre la nouvelle formation dans ce pays puisqu’elle pouvait l’être à l’étranger. A cet égard, il relevait que même si l’utilité de la formation n’était pas contestable, cela n’était pas suffisant pour justifier l’octroi ou le renouvellement d’une autorisation de séjour pour études.
A cela s’ajoutait qu’à ce jour, la recourante ne disposait plus de moyens financiers nécessaires comme le prévoyait l’art. 27 al. 1 let. c LEI. En effet, Monsieur C______, qui avait signé une attestation de prise en charge financière en faveur de la recourante, avait retiré son engagement de soutien financier, ce dont atteste un courrier adressé par la personne précitée à l'OCPM le 12 juin 2024, figurant au dossier transmis au tribunal.
5. Par courrier daté du 6 juin 2024 mais posté le 23 juillet 2024 et reçu par le tribunal le 9 août suivant, le conseil de la recourante a sollicité un délai pour répliquer aux observations de l’OCPM en raison de documents relatifs aux examens de Mme A______ que celle-ci devait encore lui transmettre mais qui n’étaient pas encore en sa possession, ainsi qu’un formulaire O mentionnant un nouveau garant financier. Il sollicitait ainsi un délai au 16 août 2024 pour déposer une réplique.
6. Par courrier du 9 août 2024, le tribunal a répondu favorablement à cette requête, à laquelle Mme A______ n'a cependant donné aucune suite à ce jour.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Le présent litige a pour objet le refus par l'autorité intimée d'octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour études. La recourante lui reproche, d'une part, de se fonder sur une constatation incomplète des faits et, d'autre part, de violer les dispositions légales applicables en ce que l'autorité intimée aurait à tort retenu qu'elle n'aurait pas les qualifications requises pour les études qu'elle souhaite mener en Suisse.
4. La LEI et ses ordonnances, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI)
5. Aux termes de l'art. 27 al. 1 LEI, un étranger peut être admis en vue d'une formation ou d'un perfectionnement si la direction de l'établissement confirme qu'il peut suivre la formation ou le perfectionnement envisagés (let. a), s'il dispose d'un logement approprié (let. b), s'il dispose des moyens financiers nécessaires (let. c) et s'il a un niveau de formation et les qualifications personnelles requis pour suivre la formation ou le perfectionnement prévus (let. d). Ces conditions étant cumulatives, une autorisation de séjour pour l'accomplissement d'une formation ne saurait être délivrée que si l'étudiant étranger satisfait à chacune d'elles (ATA/40/2019 du 15 janvier 2019 consid. 6 et les références citées).
6. L'art. 27 LEI est une disposition rédigée en la forme potestative (ou « Kann-Vorschrift »). Ainsi, même dans l'hypothèse où toutes ces conditions sont réunies, l'étranger n'a pas droit à la délivrance d'une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse se prévaloir d'une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui conférant un tel droit (ATF 135 II 1 consid. 1.1 et la jurisprudence citée). Autrement dit, l'autorisation doit être refusée lorsque ces conditions ne sont pas remplies ; lorsqu'elles le sont, l'autorité n'en dispose pas moins d'un large pouvoir d'appréciation pour statuer sur la requête, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-6364/2018 du 17 mai 2019 consid. 8.1 ; C-7279/2014 du 6 mai 2015 consid. 7.1). La nécessité d'effectuer des études en Suisse ne constitue certes pas une des conditions posées à l'art. 27 LEI pour l'obtention d'une autorisation de séjour en vue d'une formation ou d'un perfectionnement. Cette question doit toutefois être examinée sous l'angle du large pouvoir d'appréciation conféré à l'autorité dans le cadre de l'art. 96 al. 1 LEI (arrêts du TAF F-6364/2018 précité consid. 8.2.2 ; C-5436/2015 du 29 juin 2016 consid. 7.3).
7. Selon l'art. 23 al. 1 OASA, l’étranger peut prouver qu’il dispose des moyens financiers nécessaires personnelles à une formation ou à une formation continue – mentionnées à l'art. 27 al. 1 let. c LEI – en présentant notamment une déclaration d’engagement ainsi qu’une attestation de revenu ou de fortune d’une personne solvable domiciliée en Suisse, étant précisé les étrangers doivent être titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement (let. a), la confirmation d’une banque reconnue en Suisse permettant d’attester l’existence de valeurs patrimoniales suffisantes (let. b) ou alors une garantie ferme d’octroi de bourses ou de prêts de formation suffisants (let. c).
8. À teneur de l'art. 23 al. 2 OASA, les qualifications personnelles – mentionnées à l'art. 27 al. 1 let. d LEI – sont suffisantes notamment lorsqu'aucun séjour antérieur, aucune procédure de demande antérieure, ni aucun autre élément n'indique que la formation ou le perfectionnement invoqués visent uniquement à éluder les prescriptions générales sur l'admission et le séjour des étrangers.
9. Compte tenu du grand nombre d'étrangers qui demandent à être admis en Suisse en vue d'une formation ou d'un perfectionnement, les conditions d'admission fixées à l'art. 27 LEI, de même que les exigences en matière de qualifications personnelles et envers les écoles (art. 23 et 24 OASA), doivent être respectées de manière rigoureuse. Il y a lieu d’empêcher que les séjours autorisés au motif d'une formation ou d'un perfectionnement ne soient exploités de manière abusive afin d'éluder des conditions d'admission plus sévères (ATA/1129/2022 du 8 novembre 2022 consid. 3h ; ATA/303/2014 du 29 avril 2014 consid. 7).
10. Le bénéfice d’une formation complète antérieure (arrêts C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3143/2013 du 9 avril 2014 ; C-2291/2013 du 31 décembre 2013), la position professionnelle occupée au moment de la demande (arrêt C-5871/2012 du 21 octobre 2013), les changements fréquents d’orientation (arrêt C-6253/2011 du 2 octobre 2013), sont des éléments importants à prendre en compte en défaveur d’une personne souhaitant obtenir une autorisation de séjour pour études (cf. ATA/303/2014 du 29 avril 2014 consid. 8).
11. Conformément à l’art. 96 LEI, il convient de procéder à une pondération globale de tous les éléments en présence afin de décider de l’octroi ou non de l’autorisation de séjour pour études (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-517/2015 du 20 janvier 2016 consid. 7.2 ; C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3139/2013 du 10 mars 2014 consid. 7.2 ; C-2291/2013 du 31 décembre 2013 consid. 7.2 ; cf. aussi ATA/303/2014 du 29 avril 2014 consid. 8).
12. En l'espèce, les éléments du dossier ont évolué depuis le dépôt du recours, étant précisé à ce sujet, d'une part, que le tribunal applique le droit d'office (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a) et, d'autre part, que l'autorité de recours est légitimée à tenir compte de faits nouveaux qui se sont produits après la décision litigieuse (ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4b). Cette modification des circonstances concerne en l'occurrence le fait que la personne qui avait signé le formulaire O de garantie financière en faveur de la recourante a signalé à l'OCPM, par courrier du 12 juin 2024, qu'elle retirait son soutien à cette dernière. La recourante a réagi à ceci en indiquant au tribunal qu'elle lui fournirait le nom d'un nouveau garant financier, mais n'a pas donné suite à cet engagement. Par conséquent, force est de constater qu'en l'état, la recourante ne satisfait plus à la condition de l'indépendance financière imposée par les art. 27 al. 1 let. c LEI et art. 23 al. 1 OASA, dont le contenu a été rappelé plus haut.
13. Dans la mesure où il s'agit de l'une des conditions cumulatives prévues par la loi pour l'octroi d'une autorisation de séjour en vue de formation, le refus litigieux en l'espèce s'avère quoi qu'il en soit conforme au droit, quand bien même ce serait uniquement par substitution de motifs.
14. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner pour le surplus les mérites du recours. Le tribunal relèvera néanmoins que la décision était également correctement fondée en ce qu'elle constatait que la recourante ne remplissait pas la condition, rappelée plus haut, des qualifications personnelles au sens des art. 27 al. 1 let. d LEI et 23 al. 2 OASA. En effet, contrairement à ce que semble soutenir la recourante, cette condition se rapporte non pas seulement à la question de l'aptitude de la personne concernée à pouvoir effectuer les études visées, mais également à celle de savoir si cette personne paraît disposée à quitter la Suisse au terme de son cursus. Or, dans le cas d'espèce, on ne saurait reprocher à l'autorité intimée un abus de son pouvoir d'appréciation du fait de retenir que la volte-face de la recourante en ce qui concerne son cursus d'études, peu de temps après son arrivée en Suisse, marquerait surtout son intention de s'engager dans un séjour durable dans ce pays. En effet, dans sa demande d'autorisation de séjour initiale, la recourante avait motivé de manière circonstanciées les raisons qui la poussaient à vouloir faire des études à la Haute Ecole de Viticulture et Œnologie, sans donner ensuite la moindre explication sur les raisons pour lesquelles ce cursus ne lui apparaissait en lui-même plus utile dans le cadre de son avenir dans son pays. Elle a parallèlement fortement insisté sur les opportunités professionnelles que lui offrirait le canton de Genève en tant que plateforme d'envergure internationale, ce qui relève plutôt d'intentions à long terme que du bref séjour d'une étudiante appelée à se concentrer sur ses études. Enfin, le tribunal relèvera que même l'aptitude de la recourante à poursuivre les études dans lesquelles elle s'est nouvellement engagée paraît pouvoir être remise en cause, puisque, contrairement à l'engagement qu'elle avait pris dans son courrier daté du 6 juin 2024, elle n'a par la suite fourni aucun renseignement sur les examens qu'elle était censée avoir passés à la fin de l'année académique 2023-2024.
15. Pour toutes ces raisons, le recours sera rejeté et la décision litigieuse confirmée.
16. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
17. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 6 mars 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
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