Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1123/2024 du 13.11.2024 ( LCR ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 13 novembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______
contre
DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES MOBILITÉS
1. La rampe du B______ est une voie de circulation appartenant au domaine public de la commune de C______ (ci-après: la commune).
Route communale principale, elle fait partie du réseau routier de quartier structurant et est délimitée par la place des D______ et la route du E______. Le chemin des F______ et celui des G______ ainsi que la rampe de la H______ et y aboutissent. La passerelle du B______ pour les piétons (ci-après: la passerelle) l’enjambe.
2. Dans le cadre des mesures d’amélioration de la sécurité des cycles (avec la mise en place d’une continuité cyclable sécurisée) et de la vitesse commerciale des Transports Publics Genevois (ci-après : TPG), une voie de bus avec autorisation aux taxis et cycles d’y circuler a été créée sur le tronçon de la rampe du B______ compris entre la place des D______ et la hauteur de la passerelle (dans le sens de circulation en direction de la route du E______).
Ce nouvel aménagement en faveur des transports collectifs et de la mobilité douce a impliqué la suppression de la circulation des véhicules individuels motorisés à la descente sur le tronçon précité.
3. Par arrêté du ______ 2022 règlementant la circulation notamment à la rampe du B______, à la place des D______, à la rampe de la H______ et au chemin des F______, le département des infrastructures (ci-après : DI) a mis à l’essai cette modification du schéma de circulation, pour une durée d’une année en vue, de permettre un monitoring et un bilan de ladite mesure.
4. Par arrêté du ______ 2023, le DI a modifié l’arrêté de mise à l’essai du ______ 2022 pour des raisons de sécurité routière : la circulation - sauf celle des cycles, des taxis, des poids lourds, des véhicules des TPG et des services communaux - était interdite dans la rampe du B______ à partir de la place des D______ jusqu’à la hauteur de la passerelle. Les poids lourds devant accéder à cette place (pour desservir les commerces avoisinants) ne pouvaient en effet pas la quitter par une autre voie que la rampe du B______.
Cette mesure modifiée était prévue pour une durée déterminée allant jusqu’au 16 janvier 2024.
5. Par arrêté du ______ 2023, valable pour une durée d’une année et déployant ses effets dès mi-septembre 2023, le département de la santé et des mobilités (ci-après : DSM, qui a repris ce domaine de compétence suite à une nouvelle organisation de l’administration cantonale) a introduit une autre modification. À la demande de certains habitants privés d’accès direct à leur domicile depuis la rampe du B______ en venant de la place des D______, la circulation sur ladite rampe n’a été interdite que sur le tronçon compris entre la hauteur du chemin des F______ et la hauteur de la passerelle. En outre, il a aussi été autorisé - outre aux cycles, taxis, poids lourds et véhicules des TPG et des services communaux - aux habitants résidant au chemin de la I______ 1, à la rampe du B______ 1, 3, 3a, 4, 4a, 4b, 5, 5a, 7, 7a, 8, 9, 9a, 9b, 9c, 12-24, et au chemin des G______ 1, 1b, 1c, 2, 3, 4, 4a, 8 et 10 d’y circuler.
6. Le 21 mai 2024, un bilan de la mesure instaurée à l’essai par l’arrêté du ______ 2023 a été effectué. En substance, après consultation de la commune, des habitants de la rampe du B______ et du chemin des G______, de l’office cantonal des transports (ci-après : OCT), rattaché au DSM, des services communaux et de ceux de secours ainsi que des TPG, il en est ressorti:
• une nette amélioration de la vitesse commerciale des bus TPG, une fiabilité accrue des horaires des bus TPG aux arrêts L______ et M______ ainsi qu’une augmentation du nombre d’usagers de 30% ;
• une pacification améliorée de la circulation à la place des D______ et aucun report de trafic significatif relevé ;
• une sécurité accrue pour les cycles à la descente de la rampe du B______ ;
• une baisse significative des remontées de files aux heures de pointe ;
• dans le quartier d’habitation, un accès des habitants à leur domicile redevenu normal, une réduction importante des nuisances sonores et de pollution et une amélioration de la sécurité aux accès riverains.
7. Au vu des observations des différents acteurs et des données récoltées, principalement la diminution du temps de parcours des bus et la sécurité accrue pour les cycles à la descente, l’OCT a décidé de pérenniser la mesure prise à la rampe du B______ et d’ajouter aux exceptions les habitants desservis par ladite rampe suite à différents échanges avec ceux-ci au sujet de l’accessibilité directe à leurs domiciles depuis la rampe du B______.
8. Compte tenu de ces éléments, le DSI a mis à l’enquête publique le ______ 2024 puis adopté, par arrêté OC 1______ du ______ 2024 publiée dans la Feuille d’avis officielle du ______ 2024, pour une durée indéterminée, les mesures suivantes :
« 1 a) À la rampe du B______, sur son tronçon compris entre le chemin des F______ et la passerelle du B______, pour le sens de circulation en direction de la route du E______, la circulation est interdite à l’exception des bus TPG, des camions, des taxis, des services communaux, des cycles et des habitants des adresses suivantes :
• Chemin de la I______ 1 ;
• Rampe du B______ 1, 3, 3a, 4, 4a, 4b, 5, 5a, 7, 7a, 8, 9, 9a, 9b, 9c, 12, 14, 16, 18, 20, 22, 24 ;
• Chemin des G______ 1, 1b, 1c, 2, 3, 4, 4a, 8, 10.
b) Une signalisation "Interdiction générale de circuler dans les deux sens"
(2.01 OSR) munie d’une plaque complémentaire complétée par des sigles "Voitures automobiles lourdes" (5.21 OSR) et "Cycle" (5.31 OSR) et le texte "Taxis, services communaux, ayants droit seuls autorisés" indique cette prescription à l’accès du tronçon précité.
2. a) Au chemin des F______, à son intersection avec la rampe du B______, les véhicules ont l’obligation de tourner à droite en direction de la place des D______ à l’exception des bus, des taxis, des services communaux, des cycles et des habitants des adresses suivantes :
• Chemin de la I______ 1 ;
• Rampe du B______ 1, 3, 3a, 4, 4a, 4b, 5, 5a, 7, 7a, 8, 9, 9a, 9b, 9c, 12, 14, 16, 18, 20, 22, 24 ;
• Chemin des G______ 1, 1b, 1c, 2, 3, 4, 4a, 8, 10.
b) Un signal "Obliquer à droite" (2.37 OSR) muni d’une plaque complémentaire complétée par des sigles "Voitures automobiles lourdes" (5.21 OSR) et "Cycle" (5.31 OSR) et le texte "Taxis, services communaux, ayants droit, exceptés" indique cette prescription. (…) ».
9. Par acte du 29 juillet 2024, Monsieur A______, domicilié 2______ chemin des G______, a interjeté recours contre cet arrêté auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
Il a invoqué une discrimination injustifiable provoquée par cette interdiction, pour les habitants résidants, dont l’accès se faisait par la partie supérieure du chemin des G______ (qui est interrompu en son milieu par une barrière) et par ceux du chemin de la I______, lesquels, contrairement aux usagers du 1 chemin de la I______ et 1 à 10 du chemin des G______, ne bénéficiaient pas d’une dérogation à l’interdiction de circuler sur la voie descendante de la rampe du B______. Cette interdiction avait pour conséquence un détour de 2 à 3 km (7 à 15 minutes) pour sortir du quartier. Il en résultait aussi une augmentation des nuisances (circulation, pollution) et des frais supplémentaires pour les habitants concernés, sans qu’aucune compensation financière ne soit prévue.
10. Le 5 août 2024, M. A______ a complété son recours, précisant que celui-ci portait sur le point 2 de l’arrêté du ______ 2024 qui limitait aux seuls habitants du chemin des G______ 1 à 10 l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de circuler sur le tronçon descendant de la Rampe du B______. Il a conclu que la dérogation soit accordée à tous les habitants dudit chemin. À défaut, il demandait que les motifs ayant présidé à une telle différence de traitement lui soient communiqués et à ce qu’on lui explique en quoi cette différence n’était pas discriminatoire. Si la dérogation était accordée à tous les habitants du chemin des G______, il en résulterait approximativement une augmentation d’une quinzaine de véhicules par période d’heure de pointe. Aucune perturbation ni impact, notamment sur les bus, ne pouvait donc être envisagée. La discrimination entre les habitants du chemin des G______ était injustifiée alors que les conséquences en découlant étaient lourdes (allongement du trajet de 2,2 km et perte de temps de 7 à 15 minutes).
11. Dans ses observations du 29 août 2024, le DSM a conclu, préalablement, au retrait de l’effet suspensif attaché au recours et, sur le fond, au rejet du recours et à la confirmation de l’arrêté attaqué. Il s’en est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours.
Après avoir exposé les motifs justifiant le retrait de l’effet suspensif, le DSM a relevé que le recourant ne démontrait pas en quoi il aurait un intérêt légitime à ce que l’arrêté de réglementation locale du trafic querellé ne soit pas mis en œuvre, n’ayant d’ailleurs jamais mis en cause les différentes mesures à l’essai ni fait d’observations à l’enquête publique du 21 mai 2024. Il contestait en tout état l’augmentation de trajet alléguée, le détour étant au maximum de 1 km. Pour le surplus, contrairement aux parkings des habitants du chemin des G______ 1 à 10, lesquels n’étaient accessibles que depuis la rampe du B______, le parking du recourant restait totalement accessible depuis la place des D______. Partant, non seulement les mesures querellées ne péjoraient pas sa situation ni ne portaient atteinte à ses intérêts privés, mais le recourant ne démontrait pas en quoi, cas échéant, ses intérêts primeraient les intérêts publics en jeu de maintien des mesures en vigueur. Or, à cet égard, tant les habitants du chemin des G______ que les riverains de la rampe du B______ avaient souligné l’efficacité de la mesure, tout en remerciant l’OCT pour son efficacité.
12. Dans sa réplique du 11 septembre 2024, le recourant a notamment indiqué ne pas s’opposer à la « suppression de l’effet suspensif prononcée » (sic) par l’OCT. La mesure d’interdiction de transit de la rampe du B______ avait permis aux heures de pointe d’éliminer ou diminuer des gênes occasionnées par les bouchons dans la voie descendant en direction du carrefour de l’J______. Interdire le trafic de transit était une bonne solution, l’intérêt général primant à l’intérêt privé mais les inconvénients en découlant devaient être gérés de manière égalitaire. En particulier, les dérogations permanentes devaient rester disponibles pour les habitants du quartier et être distribuées équitablement non par besoin individuel ou par catégorie sociale, mais par proximité des habitations du lieu présentant une restriction. Il s’agirait dès lors de compléter la période d’essai en testant progressivement l’attribution des dérogations accordées aux habitants, en étendant les zones géographiques testées jusqu’à identifier le point à partir duquel le trafic des TPG serait impacté. L’absence de dérogation pour les habitants du chemin des G______ « Haut », quasiment tous locataires, était discriminatoire ; il a rappelé les divers inconvénients qui en découlaient. Cette discrimination accordée à l’association des propriétaires venait par ailleurs s’ajouter à une 1ère discrimination décidée il y a une quarantaine d’année, leur interdisant l’accès de sa partie basse pour ne pas perturber l’accès des propriétaires de la partie basse du chemin, laquelle se justifiait toutefois par l’accès à la rampe du B______ en version sans restrictions.
Il s’interrogeait sur les arguments factuels du législateur (sic) qui faisaient perdurer une telle différence de traitement pour des habitants d’un même chemin, alors même que la dernière mesure de circulation représentative du trafic aux heures de pointe montrait que le trafic des bus n’était en rien perturbé. L’extension demandée de dérogation pour tous les habitants du chemin des G______ représenterait une quinzaine de voitures par heure de pointe au maximum, et quasiment aucunes en dehors de ces plages horaires. Les critères généraux d’attribution des dérogations n’avaient pas été communiqué et la finalisation d’une étude d’impact respectueuse des habitants du quartier n’avait pas été faite ou présentait de sérieuses lacunes.
Divers schémas et mesures étaient intégrés à ses écritures.
13. Par décision du 16 septembre 2024 (DITAI/472/2024), le tribunal a admis la demande de retrait de l’effet suspensif au recours formée par le DSM.
14. Par duplique du 7 octobre 2024, le DSM a persisté dans ses conclusions prises le 29 août 2024.
La dérogation avait été accordé aux habitants des logements ayant un accès direct à la rampe du B______, ce qui n’était pas le cas des résidents du haut du chemin des G______ puisque l’entrée et la sortie de leurs parkings s’effectuaient sur le chemin de la I______. Par ailleurs, octroyer une dérogation aux habitants du haut du chemin des G______ serait discriminatoire par rapport aux habitants du chemin de la I______ 19-21 qui partageaient le même parking souterrain. Si une dérogation devait être accordée aux habitants de logements n’ayant pas directement accès à la rampe du B______, il serait objectivement impossible voire discriminatoire de ne pas étendre cette dérogation à l’ensemble des habitants du quartier. Ce serait alors plus de six cents véhicules, en comptabilisant les parkings privés sis dans le quartier, qui seraient autorisés à emprunter la rampe du B______ à la descente, ce qui prétériterait voire réduirait à néant l’objectif poursuivi par la réglementation contestée. Il rappelait qu’avaient été prises en considération les adresses d’origine des habitants des chemins concernés et non pas des questions de droits réels touchant aux notions de propriétaires ou de locataires.
S’agissant du détour que le recourant devait effectuer pour atteindre le carrefour de l’J______, il lui fallait parcourir 1’630 m s’il empruntait le chemin des F______, la route de N______, la rampe K______ et la route des O______, contre 700 m en empruntant la rampe du B______. La distance supplémentaire n’était donc que de 930 mètres, et non 2 à 3 km. Le détour pour atteindre la mairie de C______ en empruntant le chemin des P______, la route du Q______ et la route du E______ était de 1’730 m, soit 730 m de plus que la distance de 1 km en passant par la rampe du B______ ; à nouveau, il ne s’agissait pas d’une distance de 2 à 3 km comme le prétendait à tort le recourant.
Il n’y avait enfin que trois feux de circulation en passant par la place des D______, et non pas quatre ou cinq comme affirmé par le recourant.
15. Le 12 octobre 2024, le recourant a transmis des écritures spontanées au tribunal.
La justification d’une dérogation à une décision d’interdiction de circulation d’une seule des deux voies impliquait de prouver l’existence d’un dol significatif. Si ce dernier était retenu, il fallait étendre la dérogation autant que possible à tous les habitants de la zone, sous peine d’en discriminer certains. Le fait d’attribuer une dérogation générale à tous les habitants utilisant des chemins donnant sur la rampe du B______ « partie basse » indiquait que le DSM avait reconnu l’existence d’un dol significatif.
L’accès à leur garage par les habitants ayant des accès routiers donnant sur la partie supérieure de la rampe du B______ était possible par la voie montante, libre. Avant dérogation, la seule différence était que les habitants ayant des accès routiers donnant sur la partie basse de la rampe subissaient des ralentissements significatifs dans les trajets de retour à leur domicile, alors que ceux du haut de la rampe les subissaient lorsqu’ils quittaient leur domicile. Les habitants au milieu de la rampe subissaient le même temps total d’attente : une partie le matin et une partie le soir. Cette constatation était vraie pour les heures de pointe ; le trafic sur la rampe du B______ n’avait, pour tout le reste de la journée, jamais posé de problème. La version d’origine était égalitaire puisque les problèmes qu’elle engendrait étaient comparables pour tous les habitants du quartier, « ni plus ni moins ».
L’autorité intimée avait déclaré que la dérogation n’était accordée qu’aux habitants ayant un accès direct à la rampe du B______, mais les habitants du chemin de la I______ avaient un tel accès. Si le motif appliqué pour l’octroyer la dérogation était cette question d’accès, il y avait discrimination pour tous ces « oubliés ».
Le dernier argument du DSM, en ce qui concernait le chemin des G______, était qu’il n’avait pas d’accès direct à la rampe, et que si une dérogation devait être offerte au chemin des G______ « haut », il faudrait aussi l’attribuer au chemin de la I______ en raison des garages communs. Ce faisant, le DSM validait que le chemin des G______ devait être assimilé au chemin de la I______. Les habitants du chemin de la I______ ayant un accès direct à la rampe du B______, ils étaient éligibles selon le critère annoncé par le DSM. Les usagers du chemin des G______ « haut », qui n’avaient d’autres choix pour sortir de leur zone de parcage que de passer par le haut de la rampe du B______, en empruntant les mêmes chemins que les habitants du chemin de la I______, devaient être assimilés à ceux de la I______ pour le trajet de leurs véhicules, puisqu’ils partageaient le même garage. De manière incohérente, l’autorité intimée déclarait qu’ils n’avaient pas droit à cette dérogation car ils n’avaient pas un accès direct.
Aucune mesure n’avait été effectuée pour connaître le nombre par tranche horaire et la nature des véhicules empruntant la rampe du B______ depuis la mise en œuvre de l’arrêté litigieux. L’impact montrant la limite tolérable pour assurer le trafic des transports publics, ce qui permettrait de justifier la limitation des bénéficiaires de dérogation à ceux actuellement déclarés, n’était donc pas quantifié.
1. L’art. 6A al. 1 de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 (LaLCR - H 1 05) prévoit que les réglementations locales du trafic édictées pour une durée supérieure à soixante jours ou se répétant régulièrement peuvent faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif de première instance.
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. La recevabilité du recours suppose également que son auteur dispose de la qualité pour recourir.
4. À teneur de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, a qualité pour recourir toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée.
5. Le recourant doit ainsi avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui éviter de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2). Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant, tandis qu’un intérêt purement théorique à la solution d’un problème est insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_472/2021 du 1er mars 2022 consid. 5.4). Le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général, dans l’intérêt de tiers ou qui tendent seulement à une application correcte du droit est, partant, irrecevable (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_456/2023 du 23 juillet 2024 consid. 2.6.1 destiné à publication).
6. En matière de signalisation routière, la qualité pour recourir est reconnue aux riverains (qu’ils soient propriétaires ou locataires) ainsi qu’à toute personne qui utilise plus ou moins régulièrement la route concernée (tels que résidents des environs ou encore pendulaires), dans la mesure où ils subissent des inconvénients sensibles en lien avec la restriction contestée ; en revanche, l’intérêt n’est pas jugé suffisant lorsque le trajet n’est effectué que de manière occasionnelle (ATF 136 II 539 consid.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_615/2021 du 15 mars 2024 consid. 1.1, destiné à publication).
Le Tribunal fédéral a admis la qualité pour recourir de particuliers se plaignant d’un rallongement des trajets de l’ordre de 2 minutes 30 secondes pour accéder à leurs propriétés (arrêt 1C_300/2018 du 8 janvier 2019 consid. 1 et 4).
7. Il incombe au recourant d’alléguer les faits propres à fonder sa qualité pour agir lorsqu’ils ne ressortent pas à l’évidence de la décision attaquée ou du dossier en cause (ATF 133 II 249 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3.1.3), de prouver qu’il est atteint par la décision et de rendre vraisemblable que l’annulation ou la modification de la décision peut influencer sa situation de fait ou de droit (ATF 123 II 115 consid. 2a).
8. En l’espèce, à la lumière des jurisprudences susmentionnées et du fait que le recourant empruntait régulièrement la rampe du B______, l’arrêté litigieux lui interdisant d’y circuler sur la voie descendante lui cause des inconvénients qu’il convient à l’évidence de qualifier de sensibles, nonobstant les explications du DSM. En effet, même si les trajets supplémentaires à parcourir sont inférieurs à 1 km, ils se feront sur des axes accueillant un trafic important et sur lesquels plusieurs feux de circulation sont positionnés, de sorte que le temps de déplacement du recourant, durant les heures de pointe, s’allongera vraisemblablement de plus de 2 minutes 30 secondes par rapport au temps nécessaire pour descendre la rampe du B______.
Le recourant dispose ainsi de la qualité pour recourir.
9. L’admission de la qualité pour recourir ne signifie toutefois pas encore que toutes les conclusions, respectivement griefs, formulés par un recourant sont recevables.
En effet, un recourant ne peut pas présenter n’importe quel grief ; il ne se prévaut d’un intérêt digne de protection, lorsqu’il invoque des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Tel est souvent le cas lorsqu’il est certain ou très vraisemblable que l’installation ou la construction litigieuse sera à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le grief soulevé (ATA/257/2024 du 27 février 2024 consid. 2.5 à 2.9 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b). Il doit en outre se trouver dans le champ de protection des dispositions dont il allègue la violation et être touché par les effets prétendument illicites de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1P.282/2005 du 7 juillet 2005 consid. 1 ; 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 1.3 ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014 consid. 6d).
L’application du droit d’office par les juridictions administratives ne saurait avoir un quelconque effet sur la question d’un refus d’examiner un grief. En effet, si la juridiction administrative arrive à la conclusion que l’administré ne dispose pas d’un avantage pratique par rapport au grief soulevé, les règles de procédure imposent à celle-ci de ne pas entrer en matière et de déclarer irrecevable le grief invoqué (ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 11d ; ATA/881/2022 du 30 août 2022 consid. 3d).
10. Le recourant se plaint d’une discrimination par rapport aux riverains bénéficiant de la dérogation à l’interdiction de circuler sur la voie descendante de la rampe du B______.
11. Selon l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1); nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique (al. 2).
Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu’elle contredit clairement la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu’elle heurte d’une manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (ATF 147 II 454 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_673/2022 du 16 août 2023 consid. 6.1). Il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable, pour que la décision soit annulée ; il faut qu’elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 III 95 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_494/2023 du 2 février 2024 consid. 3.1).
La protection contre l’arbitraire et celle de l’égalité (art. 8 Cst.) sont étroitement liées. Une décision est arbitraire lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n’a ni sens ni but. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst., lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_673/2023 du 17 septembre 2024 consid. 5.1 ; 1C_393/2023 du 30 mai 2024 consid. 6.1). Il n’y a pas d’arbitraire du seul fait qu’une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable.
12. La Confédération légifère sur la circulation routière (art. 82 al. 1 Cst.). Elle exerce la haute surveillance sur les routes d’importance nationale ; elle peut déterminer quelles routes de transit doivent rester ouvertes à la circulation (art. 82 al. 3 Cst.). La Confédération réglemente la circulation routière dans la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) et dans les ordonnances qui en découlent. Le droit fédéral de la circulation routière s’applique aux routes ouvertes à la circulation par les cantons. Les cantons et les communes ne sont pas habilités à restreindre de manière générale le trafic motorisé sur leur territoire par une disposition légale (ATF 130 I 134 consid. 3.2).
13. Aux termes de l’art. 3 al. 2 LCR, les cantons sont compétents pour interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes. Ils peuvent déléguer cette compétence aux communes sous réserve de recours à une autorité cantonale.
L’art. 3 al. 3 LCR permet aux cantons et aux communes d’interdire complètement ou de restreindre la circulation des véhicules automobiles et des cycles sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit - à savoir des routes qui ne sont pas des autoroutes, des semi-autoroutes et des routes principales (art. 1 de l’ordonnance concernant les routes de grand transit du 18 décembre 1991 - RS 471.272). Ils peuvent également édicter d’autres limitations ou prescriptions lorsqu’elles sont nécessaires, notamment, pour assurer la sécurité, faciliter ou régler la circulation, ou pour satisfaire à d’autres exigences imposées par les conditions locales (al. 4).
À la différence de l’art. 3 al. 4 LCR qui fixe des conditions particulières et restrictives auxquelles l’autorité cantonale doit se soumettre pour édicter d’autres limitations ou prescriptions, l’art. 3 al. 3 LCR n’impose aux cantons ni restrictions ni conditions à leur pouvoir d’interdire complètement ou partiellement la circulation sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit. Les cantons sont donc libres d’agir comme ils l’entendent dans ce domaine. Les décisions d’interdiction qu’ils prennent, pour autant qu’elles émanent d’une autorité compétente et répondent aux exigences formelles de la loi, ne sauraient donc - sous réserve des droits constitutionnels des citoyens (art. 3 al. 2 2ème phrase LCR) - être critiquées ou revues, faute d’une norme fédérale les subordonnant au respect de certains critères de fond. Cela découle déjà de l’art. 37bis al. 2 Cst. C’est précisément en raison de cette disposition constitutionnelle que le législateur a distingué les interdictions et restrictions à la circulation, d’une part (art. 3 al. 3 LCR), et les autres limitations ou prescriptions relatives à la façon de rouler, d’autre part (art. 3 al. 4 LCR ; cf. FF 1955 II 11, ad art. 4 al. 1 du projet de LCR; et Bull. stén. Conseil National 1956 p. 335, 336; Conseil des États 1958 p. 80, ATF 100 IV 63 consid. 1 c).
14. À Genève, l’art. 2 al. 1 LaLCR prévoit que le département chargé des transports est compétent en matière de gestion de la circulation, notamment pour interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes, sous réserve de l’art. 2A LaLCR ; selon l’al. 1 de cette disposition, les communes sont compétentes en matière de gestion de la circulation, notamment pour la mise en place de marquage, sur le réseau de quartier communal non structurant.
15. Selon l’art. 107 al. 5 de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR - RS 741.21), qui rappelle le principe de la proportionnalité en matière de réglementation et de restriction de trafic, on optera parmi les mesures devant nécessairement être prises en ce domaine pour celle qui atteint son but en restreignant le moins possible la circulation, en d’autres termes pour celle qui se trouve dans un rapport raisonnable avec le but recherché et n’outrepasse pas le cadre qui lui est donné (arrêt du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 6.1).
Les cantons peuvent ainsi adopter toutes les mesures que les prescriptions fédérales sur la circulation routière mettent à leur disposition et qui sont admissibles selon les principes, posés à l’art. 107 al. 5 OSR, de nécessité et de proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1C_558/2008 du 28 juillet 2009 consid. 2.2 ; 2A.23/2006 du 23 mai 2006 consid. 3.1 cité in JdT 2007 I p. 490).
Seraient arbitraires les mesures qui ne seraient pas fondées sur des motifs objectifs sérieux, seraient dépourvues de sens et non raisonnablement justifiées par la situation à régler, par exemple par des motifs de sécurité ou par d’autres raisons techniques (André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, n. 4.4.1 ad art. 3 LCR p. 36 et les arrêts cités). Il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable, pour que la décision soit annulée ; il faut qu’elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 III 95 consid. 4.1 ; 143 IV 500 consid. 1.1 ;
arrêt du Tribunal fédéral 1C_494/2023 du 2 février 2024 consid. 3.1).
16. En l’espèce, il sied en premier lieu de noter que la rampe du B______ appartient au domaine public communal et fait partie du réseau de quartier structurant. Partant, le DSM est compétent en matière de gestion de la circulation, ce qui n’est, à juste titre, pas contesté.
La limitation de trafic litigieuse constitue une interdiction à la circulation sur une voie de circulation qui n’est pas ouverte au grand transit telle que prévue à l’art. 3 al. 3 LCR. Par conséquent, et conformément à la jurisprudence susmentionnée, le DSM est libre de l’édicter, n’étant limitée dans ce domaine que par le respect des principes constitutionnels, dont les interdictions de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement.
À cet égard, le tribunal notera, d’une part, que l’arrêté litigieux ne peut à l’évidence pas être qualifié d’arbitraire. En effet, il a été adopté après différentes mesures d’essai ainsi qu’une enquête publique, dans le respect de la procédure prévue par les art. 4 à 6 LaLCR. Il s’insère en outre dans la marge de manœuvre considérable dont dispose le DSM lors du prononcé de restriction de circulation du type de celle dont il est question ici, laquelle d’ailleurs est liée à des pesées d’intérêts complexes. Le fait que la mesure litigieuse n’impacte pas les riverains ou les personnes situées à proximité d’une manière parfaitement identique n’implique de plus pas que le DSM ait excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation. Le choix final du DSM apparait au demeurant parfaitement justifié, au vu des explications qu’il a fournies.
D’autre part, force est de constater que la situation du recourant, qui se plaint de « discrimination », n’est pas semblable à celles des habitants ayant été mis au bénéfice d’une dérogation à l’interdiction de circuler sur la voie descendante de la rampe du B______ dans le cadre de l’arrêté litigieux et étant ainsi autorisés à emprunter cette voie de circulation. En effet, la dérogation a été accordé aux habitants des logements ayant un accès direct à la rampe du B______, ce qui n’est pas le cas du recourant qui réside sur le haut du chemin des G______ et qui accède à son parking par le chemin de la I______. Il ne peut par conséquent exigé d’être traité de manière identique. Il ne subit ainsi aucune « discrimination », terme employé par le recourant pour désigner, en fait, une inégalité de traitement. En particulier, il n’y a pas d’inégalité selon les situations socio-économiques des intéressés ; comme rappelé par le département, le fait que les propriétaires domiciliés au chemin des G______ soient autorisés à emprunter la rampe du B______ ne résulte pas du fait qu’ils soient propriétaires de leurs logements, mais du fait que le chemin des G______ est barré et que leur seul accès à leur parcelle passe par ladite rampe.
Enfin, le fait que certains des habitants de logements ayant un accès direct à la rampe du B______ n’ont pas été inclus dans la liste des ayants droit autorisés à emprunter la voie descendante de la rampe du B______ n’impacte nullement la situation du recourant, lequel ne peut en tout état pas se plaindre d’une inégalité de traitement qui ne le concerne pas personnellement.
17. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et l’arrêté litigieux confirmé.
18. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 900.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours.
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2024 par Monsieur A______ contre l’arrêté OC 1______ du département de la santé et des mobilités du ______ 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| Le greffier |