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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3579/2024

JTAPI/1097/2024 du 07.11.2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3579/2024 MC

JTAPI/1097/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1968, est originaire d'Algérie.

2.            Le 29 novembre 2012, M. A______ a été renvoyé dans son pays d'origine par les autorités suisses.

3.            L'intéressé est revenu en Suisse courant 2022.

4.            Le 2 décembre 2022, il s'est vu signifier par le commissaire de police du canton de Genève une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (ensemble du territoire genevois) pour une durée de douze mois (art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 ; LEI − RS 142.20). Il a été retenu, en fait, que, depuis 2002, l'intéressé, alias B______, né le ______ 1968, originaire d'Irak, avait occupé les services de police à de nombreuses occasions. Il avait été condamné à cinq reprises entre 2007 et 2009, soit les 2 mai 2007, 19 novembre 2007, 5 août 2008, 25 août 2008 et 26 mai 2009, notamment pour vols et tentative de vol, recel, escroquerie, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, faux dans les certificats, rupture de ban et infraction à l'art. 19 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951(LStup –RS 812.121). Le 13 novembre 2007, les autorités algériennes avaient fait part de leur accord pour la délivrance d'un laissez-passer en faveur de M. A______, véritable identité de B______, Irak. Le 28 mars 2008, l'Office fédéral des migrations (ODM ; devenu depuis lors le Secrétariat d'État aux migrations, ci-après : SEM) avait prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 24 avril 2018. Le 16 octobre 2008, l'office cantonal de la population (OCP ; devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations, ci-après : OCPM) avait prononcé à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi de Suisse. Le renvoi de M. A______ avait été exécuté le 29 novembre 2012. Le 1er décembre 2022, l'intéressé avait été interpellé alors qu'il faisait l'objet d'un avis d'arrestation provisoire pour avoir été filmé en train de voler le porte-monnaie d'un client de l'établissement « C______ » le 18 novembre 2022. Entendu, il avait admis les faits. L'intéressé n'avait ainsi pas respecté cette mesure.

5.            Le 5 avril 2023, l'OCPM a prononcé le renvoi de l'intéressé de Suisse, ainsi que des territoires des États-membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen conformément à l'art. 64 LEI, avec un délai de départ au 5 mai 2023. M. A______ n'a pas quitté le territoire helvétique.

6.            A teneur de l'extrait de casier judiciaire suisse de M. A______, ce dernier a été condamné :

-          Le 23 janvier 2023, par le Ministère public du canton de Genève, à une amende de CHF 300.-, ainsi qu'à une peine privative de liberté de 150 jours, sous déduction de 24 jours de détention avant jugement, avec sursis exécutoire et délai d'épreuve de 3 ans à partir du 23 janvier 2023, pour vol simple (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 CP), vol simple (tentative) (art. 139 ch. 1 CP cum art. 22 al. 1 CP), séjour illégal au sens de la LF sur les étrangers et l'intégrations (art 115 al. 1 let. b LEI), exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une régions déterminée (art. 119 al.1 LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup), sursis révoqué le 4 octobre 2023 par le Tribunal de police de la Côte, Nyon ;

-          Le 4 octobre 2023, par le Tribunal de police de la Côte, Nyon, à une peine privative de liberté de douze mois, sous déduction de 149 jours de détention avant jugement, sans sursis exécutoire, peine d'ensemble se rapportant au jugement du 23 janvier 2023 (Ministère public du canton de Genève), pour vol simple (art. 139 ch. 1 CP), vol simple (tentative) (art. 139 ch. 1 CP cum art. 22 al. 1 CP), séjour illégal au sens de la LF sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. b LEI), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de la LF sur les étrangers et l'intégration (art. 119 al. 1 LEI), consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup), ainsi qu'à son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66abis CP).

L'intéressé a par ailleurs été condamné le 15 février 2024, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine privative de liberté égale à zéro (peine complémentaire à celle prononcée le 23 janvier 2023), pour vol (P/______/2024). Cette décision a fait l'objet d'une opposition et n'est pas entrée en force.

7.      A teneur du rapport d'arrestation du 15 octobre 2024, M. A______, démuni de documents d'identité, a été interpellé par les services de police genevois au Supermarché / Foodcourt COOP, sis rue des Bossons 21, 1213 Onex, après qu'il avait été observé en train de subtiliser le porte-monnaie d'un client dans la poche de sa veste, laquelle était posée sur le dossier de sa chaise, prélever CHF 60.-, remettre le porte-monnaie à sa place puis quitter cet établissement.

Au moment de son arrestation, l'intéressé était en possession d'un téléphone portable de marque SAMSUNG non signalé volé et d'un porte-monnaie contenant les sommes de CHF 825.25 ainsi qu'EUR 210.-. Ces valeurs patrimoniales ont été saisies et portées en inventaire.

8.            Entendu par les services de police, M. A______ a reconnu les faits lui étant reprochés. Il se trouvait en Suisse depuis 25 ans, subvenait à ses besoins en faisant des petits boulots, n'avait pas d'adresse officielle et ne souhaitait pas quitter Genève car il était suivi à l'hôpital pour des problèmes cardiaques.

9.            Le 16 octobre 2024, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, montant du jour-amende à CHF 10.-, pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), séjour illégal (art. 115 alinéa 1 let. b LEI) et exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI), ainsi qu'à une amende de CHF 500.- pour vol de peu d'importance (art. 139 ch. 1 CP cum art. 172ter CP) (P/______/2024). Cette décision est frappée d'opposition et n'est ainsi pas entrée en force.

10.        Le 16 octobre 2024 à 14h00, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour une durée de 24 mois.

11.        Le 28 octobre 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé opposition contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

12.        M. A______ a été dûment convoqué le 6 novembre 2024 aux fins d'être entendu par la tribunal.

13.        Lors de cette audience, il a indiqué maintenir son opposition. Il ne contestait pas la mesure prononcée dans son principe ni dans son périmètre, mais sous l’angle de la proportionnalité uniquement, au motif que la durée de 24 mois était excessive, en particulier en raison de son suivi médical régulier aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG).

A l'appui de ses déclarations, il a produit un certificat médical établi par le Dr D______ du 3 mai 2024, ainsi qu’une convocation pour un test de fonction pulmonaire aux HUG le 6 novembre 2024 à 13h10. Il était suivi pour une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Il respirait très mal. Il avait des problèmes au cœur. Il avait de l'asthme et mal au dos. Il n’arrivait pas vraiment à dormir. C'était trop dur pour lui. Il avait également des crises d’estomac. Il voyait son médecin chaque semaine ou dix jours. Il suivait un traitement. Il prenait de l’aspirine cardio chaque jour pour la circulation sanguine, du SERETIDE, ainsi que des calmants le soir pour dormir. Il était suivi aux HUG depuis 2010.

Il était arrivé en Suisse au début des années 90. Il était exact qu'il avait été condamné à cinq reprises entre 2007 et 2009, puis qu'il avait été renvoyé par les autorités suisses en Algérie le 29 novembre 2012. Il avait fait l'objet d'une interdiction d’entrée en Suisse durant dix ans qu'il avait respectée. A la fin, il était dans une situation précaire : il avait perdu sa femme qui était suissesse. Il avait passé ces dix années en Algérie. Son avocat de l’époque lui avait expliqué qu’après son renvoi de force, il devait rester une année hors de Suisse avant d’y revenir. Ensuite, il n'avait plus eu de nouvelles de son conseil qui avait peut-être changé d’avis. Il était resté en contact avec sa femme. Il était revenu en Suisse en 2018 par la mer. Il était exact que, le 2 décembre 2022, il avait fait l’objet d’une première interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.

Après que le tribunal lui a fait remarquer que le commissaire de police avait retenu qu'il n'avait pas respecté cette interdiction, il a expliqué qu'il était parti à E______(France). Le juge lui avait dit qu'il devait se rendre soit en France soit dans le canton de Vaud. Il n'avait rien à voir avec la France, État qui avait fait du mal à son père. Il n'avait pas pu et il était revenu à Genève deux jours plus tard. Il savait faire l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée à son encontre le 5 avril 2023. Il n'avait pas respecté cette décision. Il n'avait pas quitté le territoire.

Interrogé sur son domicile à Genève et ses moyens de subsistance, il a déclaré qu'il se débrouillait. Il vendait des vêtements avec un ami à Genève, à la place du Cirque. Le soir, ils vendaient des vêtements dans les cafés et les bistrots aux Pâquis. Il gagnait entre CHF 50.- et CHF 150.- par jour. Il ne se plaignait pas. Il vivait à F______ (GE). Il avait un toit chez un ami de longue date qui le dépannait. Il avait aidé cet ami à l’époque et ce dernier lui rendait la pareille.

A la question de savoir s'il était conscient que travailler à Genève sans autorisation était constitutif d'une infraction pénale, il a répondu qu'il ne travaillait pas vraiment. Il a ajouté que lorsque la police lui avait posé la question deux ans auparavant, il avait dit la vérité, à savoir qu'il travaillait dans un restaurant. La police lui avait dit qu'il n'avait pas le droit d’être en Suisse et il avait reçu une amende salée.

Il aimait la Suisse plus que son pays d'origine. Il n'avait pas de famille en Suisse. Il avait deux sœurs âgées qui étaient mariées et vivaient en Algérie. Il n'avait pas d'autre famille. Il avait à Genève cet ami qui l'hébergeait.

S'agissant des faits du 15 octobre 2024 ayant donné lieu à l'interdiction territoriale prononcée à son encontre, il les avait admis. Il avait été condamné par ordonnance pénale à laquelle il avait fait opposition s'agissant de la peine uniquement. Les CHF 825.25 et EUR 210.- saisis en sa possession au moment de son interpellation étaient toutes ses économies, notamment l’argent qu'il avait gagné en prison. Il était sorti de prison sept mois auparavant. Il avait passé une année en détention. A ce jour, il ne parvenait pas à comprendre pourquoi il avait commis ce vol.

Il savait faire l’objet d’une mesure d’expulsion judiciaire prononcée à son encontre par le Tribunal de police de La Côte, à Nyon, le 4 octobre 2023. Il souhaitait faire preuve d'honnêteté avec le tribunal. Il avait eu une femme, suissesse, qui avait un bistrot. A l'époque, il avait été très honnête avec la personne de l’office de la population. Il avait attendu trois ans, soit entre 2010 et 2012, pour avoir un permis de séjour, qu'il n'avait cependant jamais obtenu. Il avait demandé le divorce en 2017. Sa femme l’appelait et lui demandait de revenir en Suisse car elle se sentait seule. Il n'avait pas pu revenir en Suisse tant que la mesure d’interdiction n’avait pas pris fin en novembre 2018. Sauf erreur, le divorce avait été prononcé en 2017 alors qu'il se trouvait en Italie. Il n'avait aucun titre de séjour dans un autre pays de l’espace Schengen.

Sur questions de la représentante du commissaire de police, il a indiqué avoir été incarcéré à la prison de Champ-Dollon et non dans le canton de Vaud. Il s'était rendu dans le canton de Vaud pour son travail. Il n'y était jamais allé pour voler malgré les faits qu'il avait admis avoir commis dans ce canton. Il n'avait jamais été suivi médicalement dans le canton de Vaud car il n'y avait jamais résidé. Il avait uniquement commis une petite infraction dans le canton de Vaud en 30 ans.

Sur question du tribunal qui lui a demandé s'il consommait des stupéfiants au vu de ses deux condamnations en 2023 pour infractions à la LStup, il a répondu que cela faisait des années qu’il était considéré comme un consommateur alors que tel n'était pas le cas. Il s'était trouvé à une reprise en possession de deux feuilles de tabac à rouler dans son porte-monnaie. Lorsque le policier lui avait demandé s'il fumait, il lui avait répondu qu’il lui arrivait de tirer quelques taffes au vu de ses problèmes de sommeil. Il ne touchait pas à la drogue. Par ailleurs, il ne consommait plus d'alcool en raison de ses problèmes de santé.

Invité à se déterminer sur la mesure d'expulsion judicaire prononcée à son encontre, il a indiqué que la police avait à une occasion perquisitionné son domicile, sis à F______, à 06h00 du matin. La police avait saisi son passeport et l'avait conduit à l'aéroport. Il avait été relâché quatre ou cinq heures plus tard. Ces faits étaient survenus le 25 novembre 2012. Depuis cette date, il ne trouvait plus son passeport. Il préférerait retourner en prison plutôt que d'être expulsé vers l'Algérie.

Le conseil de l'intéressé a conclu à la réduction de la durée de la mesure d'interdiction prononcée à l'encontre de son mandant le 16 octobre 2024, une durée de 24 mois apparaissant manifestement disproportionnée. Son mandant s'en rapportait à justice s'agissant de la durée de la mesure. Le tribunal devait cependant tenir compte des circonstances du cas d'espèce. De manière générale, ces interdictions avaient un effet désastreux sur le plan humain, en particulier dans le cas de M. A______, ce dernier ayant toutes ses attaches, ainsi que son suivi médical à Genève.

La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure d'interdiction de pénétrer dans l'ensemble du canton de Genève prononcée le 16 octobre 2024 à l'encontre de M. A______ pour une durée de 24 mois.

 

 

 

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;

b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;

c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

5.             Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.

6.             De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

7.             Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).

8.             L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).

9.             En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant n'est titulaire ni d'une autorisation de courte durée (art. 32 LEI), ni d'une autorisation de séjour (art. 33 LEI) ni d'une autorisation d'établissement (art. 34 LEI).

Il fait par ailleurs l'objet de soupçons concrets et sérieux d'avoir commis un vol de peu d'importance, ainsi que d'avoir persisté à séjourner en Suisse et d'y avoir travaillé alors qu'il savait faire l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire prononcée à son encontre le 4 octobre 2023, ayant été interpellé par la police en flagrant délit et l'argent du vol ayant été saisi en sa possession. Ce dernier a par ailleurs admis l'ensemble des faits reprochés, son opposition à l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 16 octobre 2024 ne se rapportant qu'à la quotité de la peine prononcée par le Ministère public.

Les conditions au prononcé d'une interdiction territoriale, au demeurant non contestées, sont donc réalisées.

10.         Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

11.         Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).

12.         Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).

13.         Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

14.         A titre d'exemple, dans sa jurisprudence récente, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé une mesure prise pour douze mois en raison du vol de deux parfums, pour un montant total de CHF 330.80, au préjudice d’une grande enseigne, ce comportement étant constitutif d’un crime (art. 10 al. 2 CP), relevant qu'en poursuivant un séjour illégal en Suisse et en s’en prenant au patrimoine d’autrui, le recourant était une menace pour la sécurité et l’ordre publics et rappelant qu'une durée inférieure à six mois n'était guère efficace (ATA/1319/2023 du 8 décembre 2023).

Elle a confirmé une première mesure d’interdiction de pénétrer visant tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre un ressortissant portugais, condamné notamment pour vols et violation de domicile (non-respect d’une interdiction d'entrer dans un magasin MIGROS), relevant que l’intéressé n’avait aucun emploi, ni titre de séjour en Suisse, ni de lien avéré avec ce pays ou même avec le canton de Genève, ne disposait pas de moyens de subsistance et n’avait pas allégué une nécessité de se rendre à Genève. Il n’avait également pas respecté la mesure d’interdiction qui faisait l’objet de la procédure (ATA/385/2024 du 19 mars 2024 du 19 mars 2024).

Elle a confirmé un jugement du tribunal réduisant de vingt-quatre à douze mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonale prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à sept reprises en Suisse entre avril 2020 et octobre 2022, notamment pour vol et recel, puis condamné une huitième fois en décembre 2022 notamment pour consommation de stupéfiants, et enfin une neuvième fois en janvier 2023 notamment pour vol, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que lésions corporelles simples (ATA/105/2023 du 31 janvier 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de 18 mois prononcée contre une personne ayant fait l'objet d'une précédente interdiction cantonale d'une durée de douze mois, puis de deux condamnations pénales pour violation de cette interdiction, d'une troisième pour contravention contre la LStup et enfin d'une quatrième pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur et délit contre la LStup (ATA/152/2023 du 14 février 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de 18 mois prononcée contre une personne condamnée à douze reprises entre 2013 et 2022, essentiellement pour des vols et des infractions contre la LEI (ATA/607/2023 du 8 juin 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal réduisant de 24 à 18 mois une interdiction de périmètre prononcée à l'encontre d'une personne qui avait fait l'objet de onze condamnations pénales depuis 2019, notamment pour des infractions à la LStup, ainsi qu'une précédente décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).

15.         En l'occurrence, l'étendue géographique arrêtée par le commissaire de police prend en considération le fait que l'intéressé est susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton où il n'a aucune raison de se trouver. Le périmètre de l'interdiction n'est par ailleurs pas contesté par l'intéressé de sorte qu'il sera confirmé.

S'agissant de la durée de la mesure, de 24 mois, le tribunal retient qu'elle est conforme à la jurisprudence et adaptée aux circonstances du cas d'espèce. En effet, l'on a affaire ici à des troubles contre l'ordre public qui ne sauraient être qualifiés de peu de gravité dès lors qu'il s'agit, certes d'un vol de peu d'importance s'agissant des faits du 15 octobre 2024, mais que cette infraction succède à deux précédentes condamnations en 2023, entrées en force, pour vols, respectivement tentatives de vol, notamment. L'intéressé a purgé une peine privative de liberté à la prison de Champ-Dollon d'un peu plus de onze mois entre le 9 mai 2023 et le 13 avril 2024. Il est ainsi fortement soupçonné d'avoir récidivé quelques mois seulement après sa sortie de prison. A cela s'ajoute le fait qu'il fait l'objet d'une procédure pénale encore en cours. Par ailleurs, force est de constater que l'intéressé fait fi des mesures prises à son encontre, ce dernier n'ayant respecté ni l'interdiction territoriale prononcée à son encontre le 2 décembre 2022, ni la décision de renvoi prononcée le 5 avril 2023, ni encore la mesure d'expulsion judiciaire ordonnée à son encontre le 4 octobre 2023, ce qu'il a par ailleurs admis lors de son audition par le tribunal, ajoutant être opposé à son expulsion du territoire. S'il est certes établi, vu les pièces produites en audience, que l'intéressé souffre d'une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) nécessitant un suivi médical régulier, le tribunal constate que M. A______ n'a pas démontré qu'il lui serait impossible d'être soigné dans un autre canton, notamment au sein du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), cas échéant en sollicitant parallèlement une aide d'urgence auprès du service de la population du canton de Vaud (SPOP), canton dont les autorités sont en charge d'exécuter son expulsion judiciaire de Suisse.

16.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ pour une durée de 24 mois.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

18.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 28 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 16 octobre 2024 pour une durée de 24 mois ;

2.             la rejette ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 16 octobre 2024 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de 24 mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

 

 

Genève, le 7 novembre 2024

 

Le greffier