Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1042/2024 du 25.10.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 25 octobre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1986, ressortissant de Guinée-Bissau, est démuni de documents d'identité, de titre de séjour en Suisse et de ressources financières.
2. Il a été condamné le 31 janvier 2019, par le Ministère public de Berne-Mittelland, à une peine privative de liberté de 60 jours, pour faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) et entrée et séjour illégaux (art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005) (LEI - RS 142.20), ainsi que le 29 juillet 2023, par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 90 jours, pour trafic de stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951) (LStup - RS 812.121) et à nouveau, pour entrée et séjour illégaux (art. 115 al. 1 let. a et b LEI).
3. Par décision du 29 juillet 2023, fondée sur l'art. 74 al. 1 let. a LEI, le commissaire de police lui a fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.
4. Le renvoi de Suisse de M. A______ a été prononcé par décision du 12 septembre 2023, immédiatement exécutoire, l'intéressé devant quitter sans délai le territoire helvétique.
5. Le 9 novembre 2023, il a à nouveau été condamné par le Ministère public de Genève à une peine privative de liberté de 100 jours, pour séjour illégal et non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).
6. Le 16 novembre 2024, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a notifié à l'intéressé une d'interdiction d'entrée en Suisse du 26 septembre 2023 au 25 septembre 2025.
7. Selon l'extrait de son casier judiciaire daté du 27 septembre 2024, il fait l'objet de quatre procédures pénales en cours :
- depuis le 13 avril 2024, par-devant le tribunal de police de Genève, pour infractions aux art. 115 et 119 LEI et rupture de ban (art. 291 CP) ;
- depuis le 26 avril 2024, par-devant le tribunal de police de Genève, pour infractions aux art. 115 et 119 LEI et trafic de stupéfiants (art. 19 LStup) :
- depuis le 16 juin 2024, par-devant le Ministère public de Genève, pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), infractions aux art. 115 et 116 LEI et vol (art. 139 CP) ;
- depuis le 4 septembre 2024, par-devant le Ministère public de Genève, pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP), infraction à l'art. 115 LEI et trafic de stupéfiants (art. 19 LStup).
8. Auditionné par la police le 13 avril 2024, M. A______ a notamment déclaré fumer de la marijuana et du haschich quotidiennement et ne pas avoir de moyens de subsistance.
9. Il ressort du rapport de police du 25 avril 2024 que l'intéressé avait été observé par les forces de l'ordre, le même jour, à la B______ à Genève, alors qu'il vendait une boulette de cocaïne de 0,65 g bruts à un consommateur l'ayant formellement mis en cause pour ces faits.
10. Il ressort du rapport de police du 16 juin 2024 que M. A______ avait été arrêté le même jour, à proximité de la B______, après avoir volé un téléphone portable à un quidam. Auditionné dans la foulée par la police, l'intéressé a nié les faits et expliqué avoir bu quelques verres avec un inconnu qui avait fait un malaise. Il avait utilisé le téléphone de ce dernier pour appeler une ambulance. Comme des Africains lui avaient dit que les ambulanciers lui factureraient l'ambulance s'il restait, il avait donc quitté les lieux avec le téléphone. Il l'avait fait pour rendre service à l'inconnu en état d'ébriété avancé. Paniqué lorsqu'il avait constaté que la police était à ses trousses, il avait jeté le téléphone portable sous une voiture.
11. Selon le rapport de police du 4 septembre 2024, M. A______ a vendu de la cocaïne à sept ou huit reprises durant les deux mois précédents, à un consommateur l'ayant formellement reconnu et incriminé pour ces faits.
12. Après avoir purgé une peine privative de liberté, M. A______ a été libéré le 27 septembre 2024.
13. Le même jour à 20h30, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 24 mois.
M. A______ séjourné en Suisse sans autorisation. Il participait activement à un trafic de cocaïne ne fût-ce déjà en tant que consommateur, ce qui représentait une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Il avait violé à pas moins de quatre reprises l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève qui avait été prise à son encontre le 29 juillet 2023. Il n'avait pas mis en œuvre la décision de renvoi prise à son encontre le 12 septembre 2023 par les autorités bernoises.
14. M. A______ a formé opposition contre cette décision par courrier du 30 septembre 2024, reçu au tribunal le 7 octobre 2024.
15. M. A______ a été dûment convoqué pour l'audience du 25 octobre 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
16. L'intéressé a à nouveau été appréhendé à Genève, le 1er octobre 2024 à la rue de Monthoux ainsi que le 7 octobre 2024, au jardin des Alpes. La police a dénoncé ces faits au Ministère public respectivement les 1er et 7 octobre 2024.
17. Lors de l'audience du 24 octobre 2024, M. A______ a déclaré qu'il ne faisait rien de spécial à Genève où il logeait chez un ami contre la somme de CHF 400.- mensuellement. Il avait des amis à Genève mais ni famille, ni petite amie. Il travaillait dans la construction. Il avait un problème au pouce gauche mais n'avait pas d’autres problèmes de santé. S'il n’avait pas quitté Genève après la notification de l’interdiction de territoire contestée, c'était car il n’avait pas d’argent pour partir au Portugal où il comptait se rendre. Il n'avait pas vendu huit boulettes de cocaïne à un consommateur comme il était indiqué dans le rapport de police du 4 septembre 2024. En réalité, il était assis sur la terrasse d'un bar lorsqu’un gars était venu à vélo et lui avait fait un signe. Il était donc parti avec lui. Cette personne lui avait demandé de lui vendre un gramme de cocaïne contre la somme de CHF 60.-. Il lui avait répondu que personne ne lui vendrait de la cocaïne pour CHF 60.-. Deux autres Africains étaient venus et l'individu était parti avec eux. Il ne lui avait pas vendu de cocaïne. Par la suite, la police avait arrêté le monsieur et les deux Africains avant de l'appréhender également. Il consommait de la marijuana et de la cocaïne régulièrement, à savoir toutes les semaines.
Le conseil de M. A______ a versé à la procédure l’avis de prochaine clôture du Ministère public du 10 octobre 2024 ainsi que des photographies des images de vidéosurveillance des événements du 4 septembre 2024 démontrant que les policiers s'étaient trompés de personne. Il a conclu à la réduction de la durée de l'interdiction territoriale prise à son encontre, durée laissée à l'appréciation du tribunal.
Le représentant du commissaire de police a produit les rapports d'arrestation des 1er et 7 octobre 2024, l’extrait du casier judiciaire du 22 octobre 2024 de M. A______ ainsi que différentes décisions judiciaires d’autres cantons. Il a conclu au rejet de l'opposition et au maintien de la mesure prononcée le 27 septembre 2024 à l'encontre de M. A______.
18. Par avis de prochaine clôture du 10 octobre 2024, le Ministère public a informé M. A______ qu'il entendait dresser un acte d'accusation pour le vol de téléphone le 16 juin 2024, la violence et la résistance lors de ses interpellations des16 juin 2024 et 4 septembre 2024, pour séjour illégal à différentes périodes entre le 27 avril et le 7 octobre 2024 et pour violation d'une interdiction de périmètre les 16 juin 2024, 1er et 7 octobre 2024. S'agissant de la vente de huit à neuf boulettes de cocaïne à un consommateur, pour la dernière fois le 4 septembre 2024, il entendait rendre une ordonnance de classement partiel.
1. Le tribunal est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.
3. Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.
4. Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :
a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;
b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;
c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).
5. Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.
6. De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.
7. Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).
8. L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).
9. Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).
10. D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).
11. Même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contact répété avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).
12. Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.3 ; cf. aussi ATA/45/2014 du 27 janvier 2014).
13. A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).
14. Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).
15. Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).
16. Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).
17. Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).
18. Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).
19. Dans un jugement relativement récent (JTAPI/68/2024 du 29 janvier 2024), le tribunal a passé en revue la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) rendue en 2023, constatant que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, font l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation peut parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) ont, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à dix-huit mois, et non pas systématiquement pour des durées de vingt-quatre mois.
20. En l'espèce, M. A______, à raison, ne conteste pas la légalité de la décision litigieuse. De manière conforme à l'art. 74 LEI, celle-ci se fonde, d'une part, sur l'absence d'autorisation de séjour de l'intéressé et, d'autre part, sur les soupçons de sa participation à du trafic de cocaïne, à tout le moins par sa consommation, un vol, des oppositions à ses arrestations ainsi que des infractions à la LEI.
21. En revanche, il considère que la durée de vingt-quatre mois d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève devrait être réduite car il n'avait pas vendu huit à neuf boulettes de cocaïne à un consommateur comme indiqué dans le rapport de police du 4 septembre 2024. Il en voulait pour preuve l'avis de prochaine clôture du Ministère public du 10 octobre 2024 qui entendait classer ces faits, les agents de police s'étant trompé de prévenu ce que démontrait les images de vidéosurveillance versées à la procédure.
22. M. A______ passe sous silence le fait qu'il a été condamné à plusieurs reprises et fait l'objet de différentes procédures pénales, depuis le prononcé de l'interdiction territoriale du 29 juillet 2023 qu'il a bravé à tout le moins, à quatre reprises, démontrant ainsi qu'il fait fi des décisions judiciaires le concernant. Par ailleurs, il a été observé le 25 avril 2024 alors qu'il vendait une boulette de cocaïne, drogue qu'il admet consommer régulièrement, tout comme de la marijuana. Enfin, il est poursuivi pour le vol d'un téléphone portable et violence et résistance lors de deux interpellations. Au sujet du vol du téléphone portable et des faits survenus le 16 juin 2024, ses déclarations farfelues n'emportent pas conviction, étant rappelé que le Ministère public entend dresser un acte d'accusation pour ces faits. Il est ainsi indéniable que M. A______ a troublé l'ordre et la sécurité publics suisses à réitérées reprises depuis le 29 juillet 2023, ce qui justifie en soi qu'une mesure plus sévère soit prise à son encontre.
Cela étant, la durée de vingt-quatre mois prononcée par la décision litigieuse se fonde également sur le fait que M. A______ aurait vendu huit à neuf boulettes de cocaïne à un consommateur durant l'été 2024. Or, ces faits vont être classés par le Ministère public, ce qu'il convient de prendre en compte dans l'examen du principe de proportionnalité et justifie en soi, de réduire la durée de l'interdiction. Certes, au moment de prendre sa décision, l'autorité intimée n'en avait pas connaissance. C'est donc sans faute de sa part qu'elle n'en a pas tenu compte. Toutefois, nanti de cette information, le tribunal ne saurait en faire abstraction.
23. Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______, mais la réduira à une durée de vingt mois.
24. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
25. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 7 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 27 septembre 2024 pour une durée de 24 mois ;
2. l'admet partiellement ;
3. confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 27 septembre 2024 à l'encontre de Monsieur A______, mais la réduit à une durée de vingt mois ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
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Genève, le |
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