Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1050/2024 du 28.10.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 28 octobre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Adrien BOREL, avocat, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige porte sur le rappel et la soustraction des impôts cantonal, communal (ICC) et fédéral direct (IFD) de l’année 2016.
2. Depuis 2006, Monsieur A______ a exercé une activité indépendante d’« installation téléphonique et informatique », sous la raison B______ qu’il avait inscrite simultanément au registre du commerce de Genève et à celui du canton de Valais.
3. Dès 2010, il a commencé sa deuxième activité indépendante, sous la raison C______, consistant en la location ou sous-location de chambres et de studios meublés, d'arcades et de vitrines à des prostituées exerçant dans le quartier des Pâquis (Genève). Il mettait également à leur disposition des terminaux de paiements par cartes, sur lesquels il prélevait une commission.
4. Le ______ 2015, il a inscrit cette raison individuelle au registre du commerce de Genève et à celui du canton du Valais.
5. Selon les données figurant au registre de l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM), le contribuable a quitté Genève le 1er août 2016 pour le canton du Valais.
6. Le ______ 2017, B______ et C______ ont été radiées du registre de commerce de Genève.
7. Le ______ 2017, le contribuable a inscrit au registre du commerce du Valais sa troisième entreprise indépendante, sous la raison D______, active notamment dans la création et la gestion d’établissements de débit de boissons.
8. Dans ses déclarations d’impôt genevoises 2011, 2012, 2013 et 2015, le contribuable a indiqué des bénéfices nets de respectivement CHF 55'947.-, CHF 48'739.-, CHF 134'044.- et CHF 33'523.-. Pour l’année 2014, il a été taxé d’office, à défaut d’avoir déposé la déclaration fiscale y relative. Les taxations que l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) lui a notifiées pour ces années sont entrées en force.
9. En décembre 2017, le contribuable a déposé auprès de l'AFC-GE sa déclaration fiscale vaudoise pour l’année 2016 (avec les comptes 2016 de ses entreprises B______ et C______), laquelle mentionnait le 16 décembre 2016 comme date de son arrivée dans le canton du Valais.
10. Les 14 février, 4 et 5 mars 2019, le contribuable a été entendu par la police judiciaire genevoise (brigade financière), dans le cadre d’une procédure pénale menée à son encontre par le Ministère public genevois (pour fraude fiscale aggravée, blanchiment et faux dans les titres). A teneur des procès-verbaux y relatifs (versés aux présent dossier et celui de la cause A/4116/2022 citée ci-après), il avait déclaré que :
- son activité de location s’étant « agrandie » (depuis une date qu’il n’avait pas précisée), il avait créé l’entité C______ « en 2014 ou en 2015 » ;
- D______ était en lien avec le fait que POSTFINANCE « ne voulait pas ouvrir un comte (…) pour l’encaissement des prestations facturées à mes filles de mes salons de massage » ;
- en réalité, l’activité de D______ était la même que celle de C______, mais « présentée d’une autre manière » ;
- il avait inscrit D______ dans le canton du Valais, car il y avait son « domicile officiel » ;
- il était « officiellement domicilié » dans ledit canton, n’y avait jamais « réellement » déménagé, son domicile « réel » étant toujours à E______, et n’avait jamais habité dans son appartement situé en Valais (dont il était propriétaire), mais il y allait « uniquement de temps en temps » ;
- il s’était laissé taxer d’office pour l’année 2014 parce qu’il avait « payé beaucoup [d’impôt] en 2013 » ;
- entre 2014 et 2018, il avait versé à des tiers, en cash, des sommes totalisant CHF 874'880.- provenant notamment des comptes de ses entreprises ;
- il estimait que son chiffre d’affaires annuel provenant des travailleuses du sexe s’élevait à CHF 220'000.- ;
- il avait encaissé des loyers de CHF 226'600.- en 2013 et de CHF 419'300.- en 2015 ;
- pour son activité de sous-location des années 2014 et 2015, il avait fait établir une double comptabilité, présentant l’une à l'AFC-GE et l’autre à des établissements financiers ;
- le chiffre d’affaires qu’il avait déclaré pour les années 2015, 2016 et 2017 se montait à respectivement CHF 419'300.-, CHF 232'200.- et CHF 236'556.-, alors que selon le compte bancaire de C______, ce chiffre s’élevait à respectivement CHF 722'695.-, CHF 1'337'463.- et CHF 1'264'820.- ;
- entre 2016 et 2017, sa fortune était passée de CHF 173'720.- à CHF 1'099'614.- ;
- il n’avait jamais payé la TVA pour son activité C______ ;
- il payait l’une de ses employées en espèce (CHF 6'000.- par mois) ;
- il n’avait pas établi de comptes pour l’exercice 2014 ;
- il avait conscience que les chiffres portés aux comptes 2015 étaient faux.
11. Le 2 juillet 2019, entendu également par ladite police, le mandataire du contribuable a notamment déclaré que ce dernier lui avait dicté certains chiffres notés dans la seconde version des comptes (qui avaient été présentés à des établissements financiers) et qu’il avait cherché à payer moins d’impôt.
12. Le 12 novembre 2020, l'AFC-GE a informé le contribuable de l'ouverture à son encontre de procédures en rappel et en soustraction des ICC et IFD 2011 à 2016 et en tentative de soustraction de ceux de l’année 2017, au motif qu’il n'avait pas déclaré les commissions perçues pour la mise à disposition de terminaux de paiements, ni l'intégralité des produits de sous-location. Elle lui a par ailleurs demandé de lui remettre une comptabilité complète de son activité de sous-location et d’indiquer le chiffre d’affaires brut y relatif et les montants bruts des commissions encaissées.
13. Le contribuable n’a pas donné suite à cette demande, ni aux rappels de l'AFC-GE des 15 février et 29 novembre 2021. Par ce dernier rappel, elle l’informait par ailleurs du montant de la reprise en revenu envisagée pour l’année 2016 (CHF 335'774.-).
14. Par courrier recommandé du 13 décembre 2021, l'AFC-GE a invité le contribuable à déposer sa déclaration fiscale 2016 genevoise, en lieu et place de celle vaudoise déposée en décembre 2017, au motif qu’il était assujetti aux impôts à Genève de manière illimité, le centre de ses intérêts ne se situant pas en Valais, où il ne disposait que d’une résidence secondaire. Elle lui demandait en outre de produire des relevés bancaires mensuels, en lien avec les dépenses courantes de son ménage, et les baux de ses appartements genevois et valaisan.
15. Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.
16. Le 17 décembre 2021, l'AFC-GE a notifié au contribuable les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende pour les ICC et IFD 2011 à 2015. Les reprises concernaient les chiffres d’affaires non déclarés. Les rappels des ICC et IFD y relatifs totalisaient CHF 168'723,65. La quotité des amendes était fixée à 0,75 fois les impôts soustraits, compte tenu de la faute intentionnelle.
17. Ces bordereaux ont été confirmés par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal ; JTAPI/161/2024 du 26 février 2024 dans la cause A/4116/2022), sauf en ce qu’ils concernaient les reprises sur les commissions 2011 et 2012, de respectivement CHF 4’157.- et CHF 4’194.-, que l'AFC-GE avait accepté d’annuler. Ce jugement, non contesté, est entré en force.
18. Le 27 mars 2023, l'AFC-GE a notifié au contribuable les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende pour les ICC et IFD 2016, fondés sur un assujettissement illimité et tenant compte d’une reprise sur les recettes de C______, s’élevant à CHF 335'774.-. La quotité des amendes était également fixée à 0,75 fois les impôts soustraits, compte tenu de la faute intentionnelle.
19. Le 26 avril 2023, le contribuable, sous la plume de son mandataire, a formé réclamation contre ces bordereaux, au seul motif que « les reprises [avaient] été effectuées sur la base de ratios » qu’il contestait.
20. Par décision du 26 juillet 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.
Pour l’exercice 2016 de son activité de sous-location, le contribuable avait tenu une double comptabilité, découverte par le Ministère public genevois. Les comptes 2016 qu’il avait déposés initialement faisaient état d’un bénéfice de CHF 25'574,80, alors que ceux découverts par cette autorité indiquaient un bénéfice de CHF 254'352,15. En plus, il n’avait pas déclaré les commissions réalisées sur les terminaux de paiements, soit un montant de CHF 106'997.- correspondant à 8 % de CHF 1'337'463.-.
Compte tenu des éléments figurant au dossier, le domicile du contribuable se situait à Genève en 2016, ce dernier n’ayant fourni aucune preuve du contraire. En conséquence, il y était assujetti aux impôts de manière illimité.
Enfin, s’agissant des amendes, le contribuable avait réduit artificiellement ses impôts dus et commis ainsi une soustraction fiscale. En conséquence, la quotité des amendes avait été fixée à 0,75 fois les impôts soustraits.
21. Par acte du 28 août 2023, sous la plume de son conseil, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation en tant qu’elle concernait son assujettissement illimité et confirmait les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende du 27 mars 2023, sous suite des frais et dépens. Subsidiairement, il a conclu à ce que la quotité des amendes soit fixée au minimum légal.
Il ne contestait pas le fait d’avoir été domicilié à Genève en 2016. Toutefois, il contestait la décision d’assujettissement de l'AFC-GE, afin de pouvoir, « le moment venu », demander l’annulation des taxations valaisannes pour cause de la double imposition intercatonale.
En 2016, il avait loué 23 chambres. Ses comptes 2016, établis par son comptable, avaient un caractère « purement factice » et ne reflétaient pas la réalité de ses activités, raison pour laquelle le redressement du bénéfice de CHF 162'003.- était infondé.
Il avait encaissé des commissions « avoisinant » 8 % sur des paiements par cartes de crédits.
S’agissant de la soustraction d’impôt, il n'avait pas cherché à induire les autorités fiscales en erreur afin d'obtenir une taxation moins élevée. Electricien de formation, il ne maitrisait « rien » de la comptabilité, ni du droit fiscal. Il avait remis à son comptable l'ensemble des documents nécessaires pour l'établissement de ses comptes et déclarations fiscales. En 2014, souffrant d’une dépression sévère, il n’était pas en mesure de gérer ses affaires administratives et activités professionnelles. À compter de 2015, il avait confié à Monsieur F______ la gestion de ses affaires sur la base d'une procuration générale. En 2017, dans le cadre d'un projet en Valais, M. F______ avait établi de faux comptes pour les années 2014 à 2016 afin de lui permettre d'obtenir un prêt hypothécaire auprès de la banque G______. Ce faisant, il avait artificiellement « gonflé » les recettes des activités de sous-location et supprimé certaines charges. Sous « l'impulsion » de M. F______, il avait fait « le choix naïf et inconscient » de signer les comptes « maquillés », afin qu'ils soient adressés à cette banque. Cette « manœuvre » avait en effet exclusivement pour but d'obtenir un prêt. Il ne pouvait dès lors anticiper ni imaginer les conséquences fiscales de son erreur. Si une telle manière d'agir était certes « hautement critiquable », il avait prouvé à satisfaction de droit que ces documents étaient des faux et qu'ils ne reflétaient en rien la réalité de ses activités de sous-location. Ainsi, les conditions d’une soustraction n’étaient pas données.
Subsidiairement, la quotité des amendes devait être ramenée au minimum légal, compte tenu des circonstances atténuantes, à savoir notamment sa méconnaissance de la comptabilité et de la fiscalité, le fait que ses comptes avaient été établis par un spécialiste en matière comptable et fiscale, l’absence des antécédents et l’importance du montant qu’il devait à l'AFC-GE (CHF 267'953,30).
22. Dans sa réponse du 7 juin 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
S’agissant de l’assujettissement, étant donné que la seule raison pour laquelle le recourant avait déposé son recours était de pouvoir demander l'annulation des décisions de taxation valaisannes, sa décision sur cette question devait être confirmée.
Concernant les reprises, les comptabilités 2014, 2015 et 2016 découvertes lors d'une perquisition chez le comptable du recourant faisaient état d’un bénéfice supérieur aux comptes déposés avec les déclarations fiscales. En particulier, la comptabilité 2016 signée par le contribuable (avec la mention « j'atteste et certifie, Genève le ______ 21017 ») indiquait un total des loyers encaissés de CHF 442'335.-. Or, les comptes déposés initialement, et signés également par lui-même, mentionnaient un montant de CHF 232'200.- à ce titre. Elle s'était fondée sur les comptes découverts chez le comptable pour effectuer les reprises. S'agissant des commissions, la reprise y relative devait être confirmée pour les mêmes raisons que celles que le tribunal avait retenues dans la cause A/4116/2022.
Enfin, toutes les conditions d’une soustraction fiscale étaient réunies, la faute ayant été commise intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel. Concernant la quotité des amendes, bien que la présente cause ne portait que sur une seule période fiscale, il convenait de retenir que la soustraction fiscale s'était déroulée de 2011 à 2016, la période 2016 ayant été examinée séparément uniquement en raison de l'assujettissement du recourant. En outre, la reprise opérée de CHF 228'777.- devait être considérée comme non négligeable. La quotité correspondant à 3/4 des impôts soustrait devait en conséquence être confirmée.
23. Le recourant n’a pas déposé de réplique.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Préalablement, il convient de constater, avec l'AFC-GE, qu’il n’y pas lieu d’examiner la question de l’assujettissement illimité à Genève, étant donné que dans son recours le recourant admet expressément y avoir été domicilié en 2016, soit l’élément décisif pour la résolution de cette question. Il l’avait au demeurant confirmé en 2019 déjà, lors de son audition par la police judiciaire.
4. Conformément aux art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.
5. Selon les art. 16 al. 1 LIFD et 17 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions. Ces dispositions expriment la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (cf. ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1).
Sont en particulier imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, et de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD et 19 al. 1 LIPP).
6. La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 19 al. 4 LIPP et 18 al. 3 LIFD).
7. Les personnes physiques dont le revenu provient d’une activité lucrative indépendante doivent joindre à leur déclaration, à chaque période fiscale, les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats et, le cas échéant, annexe) de la période concernée ou, à défaut d’une comptabilité tenue conformément à l’usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés (art. 125 al 2 LIFD et 29 al. 2 LPFisc). Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte. Sur demande de l’autorité de taxation, il doit notamment fournir des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires. Les personnes physiques qui exercent une activité lucrative indépendante doivent conserver pendant dix ans les livres ou les relevés, ainsi que les pièces justificatives en relation avec leur activité (art. 126 LIFD et 31 LPFisc).
Les exigences auxquelles doivent répondre les pièces comptables requises par les dispositions précitées dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, elles doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlées dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêts 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.4.4; 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque le contribuable entend alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266), ce qu'il lui incombe de prouver (ATF 133 II 153 consid. 4.3).
La fonction première de la comptabilité commerciale est de fournir un système d’information fiable. Cette fiabilité intéresse en particulier les créanciers et les actionnaires de l’entreprise ou encore l’administration fiscale (déclaration d’impôt). Le principe d’intégralité (art. 957a al.2 ch.1 et 958c al.1 ch.1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse - CO - RS 220) exige que toutes les informations qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation économique de l’entreprise (art. 957a al.1 CO) soient communiquées. Le principe de fiabilité, quant à lui, englobe les principes de l’exactitude des comptes, de la sincérité (fidélité) du bilan et de l’absence d’arbitraire. Selon ce principe, les informations fournies dans les comptes doivent être exemptes d’erreurs importantes et de distorsions. En particulier, les écritures ne doivent pas être falsifiées ou déformées. De plus, les transactions doivent être enregistrées chronologiquement et intégralement dans un journal, la comptabilité doit être tenue en partie double et les comptes doivent s’aligner sur une structure logique qui soit conforme à un plan comptable reconnu. Le principe de justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, qui concerne l’établissement de la comptabilité (art.957a al.2 ch. 2 CO), commande de documenter chaque opération significative par une pièce comptable reflétant l’élément de fait concerné (MSA 2014, 33). La pièce justificative doit porter le libellé de l’écriture, son montant, les références de l’émetteur et la date de son établissement (Robert DANON in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, art. 58 § 21 - 24, p. 1059-1060).
8. En matière fiscale, si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 et les références; 144 II 427 consid. 8.3.1; 140 II 248 consid. 3.5; 133 II 153 consid. 4.3). Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés. L'omission ou l'échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2).
9. En l’espèce, tout comme dans la cause A/4116/2022 (années 2011 à 2015), le recourant semble ne pas contester la reprise sur les commissions qu’il a prélevées sur des paiements par cartes de crédits, mais uniquement celle sur son chiffre d’affaires de sous-location, soutenant à nouveau que ses comptes initiaux joints à sa déclaration seraient exacts et que ceux découverts par le Ministère public ne refléteraient pas la réalité de ses recettes 2016. Or, ce faisant, il ne fournit aucun élément objectif permettant au tribunal de s’écarter de la solution retenue dans la cause précitée. Il se limite à soutenir encore une fois que les comptes produits en annexe à sa déclaration 2016 seraient exacts, sans toutefois produire des justificatifs attestant des écritures y figurant, de sorte que le principe de justification de chaque enregistrement par une pièce comptable n’est pas respecté.
Dans ces conditions, la reprise sur les recettes découlant de la sous-location, que l'AFC-GE a fixée par la différence entre les deux versions de comptes, ne peut être que confirmée. Il sera rappelé que le recourant a signé sa double comptabilité établie en 2017 et que son comptable a déclaré à la police judiciaire que c’était lui-même qui lui avait « dicté » les montants du chiffre d’affaires y figurant. Ainsi, dans la mesure où il n’a pas produit de justificatifs démontrant le caractère exact de sa comptabilité initiale, c’est à bon droit que l'AFC-GE a pris en compte celle de 2017.
Pour le surplus, le recourant admet avoir encaissé les commissions non déclarées selon un pourcentage de 8 %, soit celui que l'AFC-GE a retenu pour calculer la reprise litigieuse.
Au vu de ce qui précède, les rappels d’impôt doivent être confirmés.
10. Le recourant s’oppose également au principe des amendes, soutenant en particulier n’avoir commis aucune faute, sa comptabilité ayant été établie par son mandataire de l’époque. Subsidiairement, leur quotité devait être réduite au minimum légal (un tiers des impôts soustraits), compte tenu des circonstances atténuantes, à savoir en particulier sa méconnaissance de la comptabilité et de la fiscalité, le fait que ses comptes avaient été établis par un spécialiste en matière comptable et fiscale, son absence des antécédents et l’importance du montant qu’il devait à l'AFC-GE (CHF 267'953,30).
11. Est notamment puni d'une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée, alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète (art. 69 al. 1 LPFisc et 175 al. 1 LIFD).
Pour que cette infraction soit retenue, il faut qu'il y ait soustraction d'un montant d'impôt, en violation d'une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 7 ; 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 10.1 ; 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.2 et les arrêts cités).
12. Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui-même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable ; il ne peut se libérer en faisant valoir qu'il s'est fait assister ou conseiller. Il ne faut en effet pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités).
Ainsi, le contribuable qui mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale par avance, laissant à la fiduciaire la charge de l'envoyer sans effectuer aucun contrôle, il s'accommode de la réalisation d'une éventuelle infraction fiscale si la déclaration fournie est inexacte. Pour retenir l'intention par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger. S'agissant de savoir si une soustraction est intentionnelle ou procède d'une négligence non punissable, l'importance des montants en cause joue aussi un rôle non négligeable, dès lors que l'absence d'un montant sur la déclaration d'impôt peut d'autant plus difficilement échapper au contribuable que la somme est élevée (ATA/1282/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4a et la jurisprudence citée).
13. La preuve d’un comportement intentionnel d’une soustraction incombe à l’autorité fiscale et elle est considérée comme apportée lorsqu’il est établi de façon suffisamment sûre que le contribuable était conscient que les informations données étaient incorrectes ou incomplètes. Si tel est le cas, il faut présumer qu’il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales, ou du moins qu’il a agi par dol éventuel afin d’obtenir une taxation moins élevée ; cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes. Cela est d’autant plus vrai que le contribuable peut compter avec la possibilité que l’autorité fiscale s’en tienne à sa déclaration sans l’examiner de manière plus approfondie. En revanche, le contribuable agit avec négligence lorsque, par une imprévoyance coupable, il ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable quand le contribuable n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; ATA/222/2019 du 5 mars 2019 consid. 9a). Il n'est toutefois pas aisé de distinguer le dol éventuel de la négligence consciente. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait. La négligence consciente se distingue du dol éventuel par l'élément volitif. Alors que celui qui agit par dol éventuel s'accommode du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, celui qui agit par négligence consciente escompte - ensuite d'une imprévoyance coupable - que ce résultat, qu'il envisage aussi comme possible, ne se produira pas (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10.2).
14. En règle générale et pour autant que toutes les autres conditions soient remplies, une soustraction est commise dès qu’il y a irrégularité dans la comptabilité (ATF 135 II 86 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_508/2014, 2C_509/2014 du 20 février 2015 consid. 5.3.1 ; 2C_907/2012, 2C_908/2012 du 22 mai 2013 consid. 5.2.1).
15. En l’espèce, les éléments objectifs d’une soustraction fiscale sont donnés dès lors que la déclaration fiscale 2016 était incomplète et que cela a causé un dommage pour la collectivité, équivalent au montant du rappel d'impôt dont le bien-fondé est confirmé.
S’agissant de l'élément subjectif, force est d’admettre que la faute du recourant relève, à tout le moins, du dol éventuel. A cet égard, il sera rappelé que le fait que sa comptabilité et ses déclarations fiscales aient été établies par une fiduciaire n'est pas suffisant pour admettre qu'il aurait pris toutes les précautions nécessaires et que cela ne l'a pas libéré de ses obligations et responsabilités fiscales. En ne contrôlant pas l’exactitude de sa déclaration fiscale établie par son mandataire, il a accepté le risque que sa taxation s’avère insuffisante. Il faut enfin relever que son comptable a indiqué à la police judiciaire qu’il avait « cherché à payer moins d’impôt ».
Ainsi, toutes les conditions de la soustraction fiscale sont remplies, si bien que les amendes litigieuses sont justifiées dans leur principe.
16. En cas de faute grave, l'amende doit en principe être supérieure à une fois l'impôt soustrait et peut être au plus triplée (cf. art. 175 al. 2 in fine LIFD et 69 al. 2 in fine LPFisc ; ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid. 8.1). Par faute grave, il faut comprendre, entre autres, la récidive, de même que l'attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier circonstance aggravante, lorsque la soustraction d'impôt s'étend sur plusieurs années et s'effectue selon différents procédés, en cas d'existence d'un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans sur plusieurs exercices (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n. 54 ad art. 175).
En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3 et les références citées).
Lorsque le contribuable cache un élément de sa fortune et omet de signaler les revenus qui en découlent dans plusieurs déclarations, on est en présence d'un concours réel : le contribuable commet une nouvelle soustraction fiscale à chaque déclaration (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 46 s., 54 et 56 s. ad art. 175).
17. Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi, disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende, l'autorité de recours ne censurant que l'abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).
Enfin, selon la jurisprudence, l'importance des montants soustraits et donc des rappels d'impôts ne constitue pas une sorte de double sanction et n'est donc pas un critère devant jouer en faveur du contribuable, le critère légal des art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc étant celui de la gravité de la faute (cf. ATF 144 IV 136 consid. 7.3.2).
18. En l’espèce, il faut retenir que le recourant a commis une soustraction fiscale consécutivement sur six années, soit depuis 2011 (cf. cause A/4116/2022 le concernant), portant sur des montants de revenu non négligeables. Dans ces conditions, il faut admettre que cette soustraction procède d'une faute grave, qui doit être sanctionnée, conformément à ce que prévoient les art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc, par une amende supérieure à une fois le montant de l'impôt soustrait.
Pourtant, quand bien même elle n’a retenu explicitement aucune circonstance atténuante, l'AFC-GE a fixé la quotité des amendes aux 3/4 des impôts soustraits, nonobstant les circonstances aggravantes, si bien que cette quotité apparait plutôt indulgente. Pour le surplus, il sera rappelé que le recourant ne saurait se prévaloir de sa prétendue méconnaissance du droit fiscal et comptable (cf. not. ATF 126 V 308 consid. 2b). Enfin, le fait qu’il doive verser à l'AFC-GE un montant de CHF 267'953,30 ne saurait être retenu comme une circonstance atténuante dès lors que, selon la jurisprudence précitée, l'importance des montants soustraits n'est pas un critère pouvant jouer en sa faveur.
Dans ces conditions, la quotité retenue par l'AFC-GE ne consacre aucun abus de son pouvoir d'appréciation.
19. Le recours, mal fondé, sera rejeté.
20. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
21. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 26 juillet 2023 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
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La greffière |