Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/822/2024 du 26.08.2024 ( ICC ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 26 août 2024
|
dans la cause
A______ SA, représentée par Me Antoine BERTHOUD, avocat, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
1. A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme qui a été inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève entre le ______ 1982 et le ______ 2008, date à laquelle elle a transféré son siège à B______ dans le canton de Schwytz, avec comme but notamment l'importation, la fabrication, la vente, l'installation et la réparation d'appareils électroniques, particulièrement dans le domaine de l'audiovisuel.
Son siège genevois se situait à l’adresse 1______, avenue C______ à D______ (GE), qui correspondait à celle du domicile de son actionnaire et administrateur unique (avec signature individuelle), Monsieur E______. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), ce dernier a également quitté Genève, le 1er décembre 2008, pour B______.
2. M. E______ est également l'associé-gérant, avec signature individuelle, d'F______ Sàrl (ci-après : F______). Il en détient 49 parts (sur 50) du capital social, une part étant détenue par son épouse. À teneur du RC de Genève, son but est l'importation, le commerce et la réparation d'appareils audiovisuels _____. Son siège se situe également au 1______, avenue C______ à D______ (GE). Elle dispose de locaux sis 2______, rue G______ à H______ (GE).
3. Du 15 au 17 janvier 2018, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a effectué un contrôle dans les locaux d’F______. Les contrôleurs fiscaux se sont entretenus avec des collaborateurs présents sur place.
4. A la suite de ce contrôle, le 6 février 2018, trois contrôleurs de l'AFC-GE ont établi un « Rapport de contrôle sur place », qui n’a pas été communiqué à A______, ni signé par ses représentants. Ils y ont notamment noté les propos de M. E______ :
- il était ingénieur en informatique, n'était pas salarié d’F______, mais d’A______, et s'occupait pour celle-ci du développement d'installations professionnelles audiovisuelles (logiciels software, design et autres) ;
- lesdits produits, une fois finalisés, étaient revendus à F______, qui les commercialisait grâce à ses « contacts » à elle ;
- F______ louait à A______ un appartement (d’une surface de 84 m2, soit 2,5 pièces) situé à B______, que cette dernière lui sous-louait ;
- il utilisait cet appartement à la fois comme son logement et comme bureau d’A______ ;
- la délocalisation de la contribuable à B______ avait été opérée pour des raisons privées, mais également au motif qu’à Genève, elle était éloignée de l'important marché allemand ;
- Madame I______ et Monsieur J______ étaient employés d’A______.
A teneur de ce rapport, M. J______ a notamment remis aux contrôleurs de l'AFC-GE sa carte de visite établie au nom d’A______ et mentionnant uniquement l’adresse des bureaux à H______ (GE) et les numéros de téléphones et de fax genevois.
A cette occasion, les contrôleurs de l'AFC-GE ont saisi des factures, datées de 2015, envoyées à A______ à l’adresse des bureaux à H______ (GE), ainsi que des factures que cette dernière a adressées à F______ entre 2015 et 2018, indiquant Mme I______ et Madame K______ comme sa « référence ». Ces factures indiquaient par ailleurs deux adresses d’A______, soit celles à Genève et B______.
5. Le 26 novembre 2020, l'AFC-GE a informé A______ de l’ouverture à son encontre de procédures en rappel et en soustraction d’impôts pour les années 2010 à 2014 et d’une procédure en tentative de soustraction pour les années 2015 à 2018. Selon les informations dont elle disposait, la contribuable exerçait, à tout le moins depuis 2010, une partie de ses activités commerciales dans les locaux de H______ (GE). De ce fait, elle entendait l’assujettir aux impôts à Genève de manière limitée. La contribuable était invitée à lui remettre ses grands livres 2010 à 2018 ainsi que « des propositions » de répartition intercantonale pour toutes ces périodes fiscales.
6. Le 31 mai 2021, A______ a indiqué être l'importateur officiel et « en partie exclusif » de systèmes audiovisuels pour la Suisse et qu’elle les vendait à des revendeurs et partenaires dans le pays. L’un de ces revendeurs était F______, qui vendait et installait des systèmes de communication audiovisuelle à des organisations internationales, entreprises, écoles, universités et autres clients depuis plus de 30 ans. Outre ses propres produits, elle proposait ceux de fournisseurs tiers. Elle fournissait des services également à F______ en les facturant au prix du marché. Elle ne maintenait aucune installation commerciale fixe à Genève et, donc, aucun établissement stable au sens de la loi, si bien qu’aucune répartition intercantonale ne devait être établie. Elle ne produirait donc pas ses grands livres 2010 à 2018.
7. Le 10 décembre 2021, l'AFC-GE a notifié à A______ un bordereau de taxation pour les impôts cantonal et communal (ci-après : ICC) 2016, à teneur duquel son bénéfice (CHF 519’325.- après un préciput de CHF 129'831.- attribué au canton de Schwytz) était imposé à Genève à concurrence de 50 %, tandis que son capital imposable était entièrement attribué au canton de Schwytz.
8. Le 10 janvier 2022, A______ a formé réclamation contre ce bordereau, concluant à ce qu’il soit déclaré « sans objet » et à l’annulation de son assujettissement limité à Genève.
Les produits qu’elle commandait à l’étranger étaient livrés à l'entrepôt d’F______, d’où ils étaient transmis aux clients. F______ « achetait » des services de ses employés à A______, pour l'accomplissement de certaines tâches administratives et notamment pour des travaux de comptabilité. Ces mandats étaient rémunérés aux prix du marché et comptabilisés par les deux sociétés.
Elle ne disposait d'aucune installation commerciale fixe dans le canton de Genève. L'entrepôt d’F______, où les produits commandés par A______ étaient livrés et réexpédiés, n’était qu’un simple entrepôt de transit. Son utilisation pour stocker temporairement des produits s'expliquait par le fait que le siège des deux sociétés se trouvait dans la même commune genevoise, avant son déplacement à B______. À part cet entrepôt et l'exécution « commune de commandes de tiers », les deux sociétés sœurs n'avaient aucun point de contact. Le déroulement technique de l'approvisionnement ainsi que la vente effective des produits s'effectuaient depuis ses bureaux à B______ et non pas dans le canton de Genève. La livraison des produits à l'entrepôt d’F______ et leur transmission aux clients finaux était de nature secondaire et rémunérée de manière appropriée. Le simple stockage local de produits, sans gestion ni exploitation d'un entrepôt, constituait une activité quantitativement négligeable et ne générait pas de rendement économique permettant de considérer qu'il s'agissait d'un établissement stable. Ses principales activités commerciales se déroulaient exclusivement à B______.
Les deux employés d'A______, qui travaillaient parfois pour F______, n'exerçaient pas d'activités commerciales pour A______ durant leurs activités pour F______. En conséquence, ils étaient rémunérés séparément pour leurs mandats d'importance mineure exécutés chez F______.
Enfin, elle disposait de locaux à B______ qui lui permettaient d'exercer pleinement ses activités « en relation avec les visites régulières et étendues de ses clients ».
9. Par décision du 17 mai 2022, l'AFC-GE a rejeté la réclamation, maintenu l'assujettissement limité à l'impôt à Genève, en raison d'un rattachement économique, et confirmé le bordereau de taxation ICC 2016.
Elle s’est fondée sur les éléments suivants :
- lors du contrôle d’F______, les trois employés de la contribuable, soit MM. E______ et J______ et Mme I______, se trouvaient dans les locaux de cette première, où ils disposaient de places de travail fixes ;
- des classeurs, des documents et des « pelles de classements » d'A______ se trouvaient dans les locaux d’F______ à H______ (GE) ;
- un contrôle de la TVA de la contribuable avait eu lieu dans ces mêmes locaux ;
- les comptes de la contribuable étaient établis en français, par le même mandataire, situé à Genève, que celui d’F______ ;
- la carte de visite que M. J______ avait remise lors du contrôle mentionnait l’adresse genevoise d’A______ ainsi que ses numéros de téléphones et de télécopie genevois ;
- M. J______ était responsable de la préparation du matériel « L______ » distribué par A______. La préparation du matériel à destination de la Suisse romande s'effectuait dans les bureaux à H______ (GE). M. J______ fournissait des conseils sur les projets importants des « intégrateurs » (entreprises tierces qui effectuaient l'installation), comme l'entité sœur, quant aux produits « L______ » les plus adaptés. Il avait indiqué, lors du contrôle, travailler environ 50% de son temps à H______ (GE) et environ 50% à Schwytz. Il disposait dans les locaux à H______ (GE) d’un bureau contenant divers documents établis aux noms de l’A______ et d’F______ ainsi que d’une pièce beaucoup plus grande destinée au contrôle technique des objets « L______ ». Cette pièce était utilisée en tant qu’atelier et disposait de tout l'outillage nécessaire pour effectuer cette activité ;
- Mme I______, qui effectuait des tâches administratives pour les deux sociétés, était présente à H______ (GE) une partie de la semaine et y disposait également d’un bureau ;
- M. E______ - qui s'occupait de la prospection, du design et de la programmation - possédait également un bureau dans les locaux à H______ (GE) et y disposait de tout le matériel nécessaire pour effectuer son travail ;
- à Schwytz, les locaux d’A______ se situaient dans l'habitation privée de M. E______, qui y vivait avec Mme I______. L'appartement en question comportait 2,5 pièces d'environ 80 m2 et était loué à l'entité sœur, F______ ;
- les comptes 2016 d’A______ ne faisaient état d’aucune immobilisation (matériel informatique, matériel de bureau ou autres), excepté un véhicule. Les charges d’exploitation étaient très basses. Par exemple, le coût annuel de l’électricité n’était que d’environ CHF 240.-. Les seules charges importantes étaient les salaires des employés ;
- en 2018, au moment du contrôle sur place, le site internet d’A______ indiquait qu’elle avait une succursale à H______ (GE) à l'adresse d’F______ ;
- à la suite du contrôle d’F______ et aux remarques formulées par les contrôleurs sur place, A______ avait modifié son site internet en supprimant la mention de l'adresse genevoise. Néanmoins, pendant un certain temps, la carte géographique y figurant continuait à mentionner l'adresse genevoise même si celle-ci n'était plus formellement indiquée sur le site ;
- les factures adressées par A______ à ses clients mentionnaient simultanément les adresses et les numéros de téléphones et de fax de la succursale à Genève et du siège à B______.
Au vu de ces éléments, A______ avait constitué un établissement stable dans le canton de Genève. L'AFC-GE avait réparti le bénéfice et le capital imposables entre le siège et la succursale de la manière suivante : les actifs avaient été attribués au siège (Schwytz), et partant l'intégralité du capital propre, et le bénéfice restant, après octroi d'un préciput au siège, avait été réparti à 50% à la succursale de Genève et à 50% au siège, considérant la répartition sur les différents sites du temps de travail de M. E______.
10. Par acte 16 juin 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : tribunal) concluant à son annulation.
Son activité se déployait dans le domaine des installations professionnelles de communication audio-visuelle, en particulier de vidéoconférence. À titre principal, elle œuvrait dans le concept de projets d'infrastructures (établissement des plans, détail du matériel et budget), dont l'installation était effectuée par des entreprises tierces (« intégrateurs »). Une fois l'installation effectuée, elle assurait un support technique et le développement des logiciels. Par ailleurs, elle était le distributeur en Suisse de « plusieurs marques de pointe reconnues dans le monde professionnel », qu’elle livrait aux « intégrateurs ».
F______ avait pour activité principale l'installation de systèmes de communication audio-visuelle. A______ lui vendait du matériel.
A______ avait trois collaborateurs, soit MM. E______ et J______ et Mme I______. Le premier, lorsqu'il n’était pas en déplacement chez les clients, effectuait principalement son travail depuis son domicile de B______. Mme I______ assumait tout le suivi administratif, activité qu'elle effectuait exclusivement depuis le domicile de M. E______, dont elle était la compagne. Elle consacrait environ 64 heures de travail par mois au suivi administratif d’F______, activité qu’elle accomplissait dans ses locaux situés à H______ (GE). M. J______ était le responsable technique. Il accomplissait son activité principalement dans les locaux des clients. Il n'effectuait aucune réparation de matériel et n'avait pas besoin d'un atelier. Pour les interventions « logicielles sur les installations », il utilisait un ordinateur portable chez les clients. Il disposait d'un bureau à B______ et venait occasionnellement dans les locaux d’F______ à H______ (GE), où il ne disposait toutefois d'aucune place de travail fixe.
A______ ne disposait d'aucun stock physique. Le matériel choisi par ses clients était commandé à l'étranger et livré en Suisse. Pour des raisons « historiques et pratiques », ce matériel transitait par les locaux d’F______ à H______ (GE), qui ne fonctionnait que comme lieu de stockage temporaire géré par un magasinier.
En janvier 2017, F______ avait fait l'objet d'un contrôle TVA. Lorsqu'il était sur place, le contrôleur avait demandé à étendre son examen à la société sœur, soit à A______. Pour « lui être agréable », M. E______ avait accepté de transférer ses dossiers de B______ à H______ (GE), ce qui expliquait leur présence lors du contrôle effectué par l’AFC-GE en 2018.
Compte tenu de ces éléments, A______ ne disposait, en 2016, d'aucune installation fixe dans le canton de Genève. Le seul fait d'utiliser régulièrement les locaux d’F______ « pour la réception et la réexpédition de matériel commandé » par A______ n'était pas, « en tant que simple lieu de stockage », constitutif d'établissement stable.
11. Dans sa réponse, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Lors du contrôle mené dans les locaux d'F______, M. E______ avait indiqué qu'il était ingénieur en informatique, n'était pas salarié d’F______, mais d’A______, et s'occupait pour celle-ci du développement d'installations professionnelles audiovisuelles (logiciels software, design et autres). Ces produits, une fois finalisés, étaient revendus à F______, qui les commercialisait grâce aux contacts de M. E______. Selon les indications de ce dernier, F______ louait un appartement situé à B______, d’une surface d’environ 80 m2, soit 2,5 pièces, à A______ qui le sous‑louait à M. E______. Il utilisait cet appartement à la fois comme son logement et comme bureau d’A______. La délocalisation d'A______ à B______ avait été opérée pour des raisons privées, mais également au motif qu’à Genève, elle était éloignée de l'important marché allemand.
Lors de leur visite des locaux à H______ (GE) en janvier 2018, les contrôleurs fiscaux avaient constaté que le bâtiment où travaillaient les employés d'A______ et d’F______ se composait de deux étages. Le rez-de-chaussée comportait des bureaux, une salle de conférence, une salle de montage et une cuisine. Au sous-sol, se trouvaient une salle d'archives et un entrepôt où était stocké le matériel d'A______. Ce bâtiment appartenait à F______, qui disposait d'un droit de superficie sur le terrain. M. E______ y disposait d’un bureau pour son activité de salarié chez A______. Celle-ci versait un loyer à F______ pour la location de ce bureau. M. E______ avait indiqué aux collaborateurs de l'AFC-GE qu'il se rendait à Genève deux à trois fois par semaine pour son activité pour le compte d'A______. Il séjournait alors dans une maison sise à M______, en France voisine.
M. J______ avait indiqué aux contrôleurs de l'AFC-GE être responsable de la réparation du matériel « L______ » distribué par A______ et fournir des conseils à des « intégrateurs » sur des produits « L______ » les plus adaptés. La facturation finale était établie par A______. Pour cette activité, il disposait de deux pièces dans ce bâtiment, soit un bureau et un atelier avec l'outillage nécessaire. Il avait expliqué que les bureaux genevois d'A______ étaient utilisés pour la réparation du matériel à destination de la Suisse romande, tandis que le bureau à B______ était destiné au matériel distribué en Suisse alémanique. Il passait la moitié de la semaine à Schwytz (soit du jeudi au vendredi) et la nuit du jeudi au vendredi à l'hôtel. Le trajet de son domicile de N______ à B______, qu'il effectuait avec son véhicule privé, durait environ 2h30, alors que selon le calculateur d'itinéraire du Touring Club Suisse Genève (ci-après : TCS), le temps de parcours annoncé était de 3h57, avec un départ à 8h20 (distance de 339 km et 3h31 sans trafic). M. J______ avait répondu, mais après une longue hésitation, aux contrôleurs de l'AFC-GE que la nuit d'hôtel passée dans le canton de Schwytz lui était remboursée par A______. Il avait remis auxdits contrôleurs sa carte de visite mentionnant l'adresse des bureaux genevois d'A______ et des numéros de téléphone genevois.
Les contrôleurs de l'AFC-GE avaient aussi constaté que Mme I______, troisième employée d'A______, avait également un bureau dans les locaux à H______ (GE) et y disposait de tout le matériel nécessaire à son activité (notamment courriers, classeurs, pelles, etc., au nom d'A______). Le contrôle initial d'F______ par l'autorité fiscale en matière de TVA avait eu lieu en septembre 2017, et celui de l'AFC-GE en janvier 2018.
Dans la mesure où l’appartement de 80 m2 à B______ servait non seulement de bureau pour l'activité menée par A______ en Suisse alémanique, mais également de domicile de Mme I______ et M. E______, il était difficilement imaginable que toute sa documentation comptable y fût stockée. Par ailleurs, Mme K______, une employée d’F______, avait indiqué « donner un coup de main de temps en temps » à A______, lorsque celle-ci avait beaucoup de travail, ce qui expliquait le fait que son nom figurait régulièrement sur les factures établies par A______. Ainsi, cette employée devait disposer, à H______ (GE), des dossiers d'A______.
Des factures établies en 2015 et 2016 à l’attention des clients mentionnaient comme adresse, de même que numéros de téléphone et de télécopie, tant ceux de son adresse genevoise que ceux du siège social à B______, ce qui démontrait qu’elle exerçait son activité à tout le moins à parts égales entre son siège social et l'établissement stable de H______ (GE). En outre, ses bilans 2015 et 2016, établis par une société genevoise, ne faisaient état d’aucune immobilisation ou stocks.
Après le contrôle de janvier 2018, le site internet d'A______ faisait seulement référence à son adresse dans le canton de Schwytz, alors qu'elle mentionnait auparavant non seulement son siège social, à B______, mais également, sous « succursale » l'adresse de ses locaux au 2______, rue G______, à H______ (GE). Le site internet d'F______ indiquait que MM. E______ et J______ et Mme I______ étaient ses employés, alors que dans son recours, A______ précisait que ces personnes étaient ses salariés à elle. Depuis lors, le site internet d'F______ avait été modifié en ce sens que sous la rubrique « composition du personnel » d'F______, il n'était plus fait mention que du « chef d'entreprise, M. E______ ». Les noms de M. J______ et de Mme I______ ne figuraient désormais plus sur le site internet d'F______.
La régularité de la présence de ces trois salariés - chargés respectivement du développement des produits, de la réparation du matériel « L______ » et du suivi administratif d'A______ - dans les locaux de H______ (GE) permettait de qualifier ceux‑ci d'installation fixe et permanente dans laquelle était exercée une partie quantitativement et qualitativement importante de l'activité technique et commerciale d'A______. Les locaux de H______ (GE) ne servaient ainsi pas seulement de simple « lieu de stockage temporaire géré par un magasinier ».
Il en résultait qu'A______ exploitait un établissement stable à Genève au sens du droit intercantonal, créant un rattachement économique et donc un assujettissement limité d'A______ dans le canton de Genève, nonobstant l'existence de son siège à B______, dans le canton de Schwytz.
L'AFC-GE a produit notamment une carte de visite établie au nom d'A______, pour M. J______, mentionnant exclusivement les bureaux de la rue G______ 2______ à H______ (GE), et les numéros de téléphones et de télécopie à Genève, une facture établie le 30 novembre 2015 d'un transporteur adressée à A______ mentionnant l'adresse à H______ (GE), des factures établies par Mme K______ en 2015 et 2016 au nom d'A______ comportant les adresses à H______ (GE) et à Schwytz, une page internet (non datée) d'A______. Selon cette pièce, son « siège social » se situait à B______ et elle disposait d’une « succursale » à H______ (GE). L'AFC-GE a également remis une page internet imprimée le 19 septembre 2022 du site d'A______ ne mentionnant que l'adresse du siège social dans le canton de Schwytz, une page internet (non datée) d'F______ mentionnant que celle-ci employait treize personnes avec un rayon d'activité principal sur la Suisse romande ; une société sœur de taille identique s'occupait des projets en Suisse alémanique (M. E______, M. J______ et Mme I______ figuraient dans la « Composition du personnel » d'F______), la page internet imprimée le 19 septembre 2022 du site d'F______ ne faisant pas mention de la société sœur, ni de M. J______ ou de Mme I______. M. E______ figurait toujours dans la composition du personnel.
L'AFC-GE n’a pas produit son rapport du 6 février 2018.
12. Dans sa réplique, A______ a relevé que M. E______, M. J______ et Mme I______ ne travaillaient pas pour A______ à H______ (GE). Elle n’y déployait pas une activité commerciale, mais y disposait seulement d’un entrepôt, dans lequel elle stockait temporairement des articles commandés pour les clients et qui leur étaient livrés à partir de ce lieu. Aucun document produit par l'AFC-GE ne démontrait le contraire.
M. E______ ne disposait pas d'un bureau à H______ (GE). Le versement du loyer, relevé par l'AFC-GE dans sa réponse, correspondait à la location de locaux situés à B______, dont F______ était propriétaire, et non un loyer pour des locaux de H______ (GE).
M. J______ avait indiqué à A______ ne pas avoir tenu les propos rapportés par l'AFC-GE. En particulier, celui-ci n'effectuait aucune réparation ni contrôle du matériel « L______ » et ne disposait d'aucun atelier à cet effet. Il avait nié avoir remis à l'AFC-GE sa carte de visite professionnelle, et les numéros de téléphone y figurant n'étaient plus utilisés depuis des années. L'adresse électronique n'était pas non plus celle d'A______.
Les factures produites par l'AFC-GE ne permettaient pas de justifier l'existence d'un établissement stable à Genève dans la mesure où elles provenaient d'un ancien stock de papier utilisé. Les propos prêtés à Mme K______ étaient également contestés. Il était en revanche possible qu'elle eût préparé les factures destinées à F______, raison pour laquelle son nom y figurait.
L'absence, dans ses bilans, d'immobilisations et de stocks confirmait ce qu’elle avait déjà indiqué, à savoir qu'elle ne procédait à des commandes de matériel auprès des fournisseurs qu'en vue de leur livraison immédiate aux clients. Dès lors, l'entreposage à H______ (GE) n'était que temporaire et ne pouvait donc constituer un établissement stable.
Son site internet était à l'abandon depuis plusieurs années, parce qu'elle n'y effectuait aucune vente par ce canal. Pour cette raison, sa mise à jour avait été effectuée tardivement.
13. Dans sa duplique, l'AFC-GE s’est étonnée qu'A______ soutienne que la carte de visite de M. J______ n'aurait pas été remise par ce dernier aux contrôleurs, alors même qu'une copie avait été jointe à sa réponse du 22 septembre 2022. À toutes fins utiles, elle en produisait l’original, observant que cette pièce ne pouvait pas se trouver dans son dossier sans avoir été remise par l’intéressé lui-même ou par M. E______.
À la suite du contrôle de janvier 2018, ses contrôleurs avaient établi, le 6 février 2018, un compte rendu des éléments constatés et des entretiens qu’ils avaient tenus notamment avec M. E______, M. J______ et Mme K______. C’était dans le cadre de leur fonction, qui relevait du pouvoir d'autorité, que les contrôleurs avaient établi ce compte rendu. Ils étaient au bénéfice d'une carte de légitimation attestant de leur statut de fonctionnaires d’une autorité publique. De manière générale, les comptes rendus par des fonctionnaires, dans le cadre de leurs prérogatives légales, avaient une force probante particulière. Un simple déni d'éléments factuels consignés par eux ne pouvait remettre en cause leur force probante.
M. E______ avait informé les contrôleurs du fait qu’il n’était pas salarié d’F______, mais d'A______, et fourni les renseignements sur M. J______ et Mme I______. Il leur avait par ailleurs indiqué que lors de ses venues à Genève (deux à trois jours par semaine), il occupait un appartement de fonction situé en France voisine (M______) et qu’F______ ne refacturait pas à A______ son utilisation des locaux et aménagements à H______ (GE). On devait en déduire que si M. E______ disposait d'un appartement de fonction lorsqu'il venait travailler à Genève deux à trois jours par semaine, c'était pour éviter de faire les trajets de B______ à Genève et, qu'en journée, il travaillait dans les locaux ______(GE) de ses deux sociétés, en s'occupant de leurs affaires commerciales et de la gestion de leurs employés.
L'AFC-GE détaillait les éléments recueillis auprès M. J______ lors de l'entretien du 16 janvier 2018 avec les contrôleurs. Il leur avait expliqué que les bureaux genevois (c/o F______) étaient utilisés pour la réparation du matériel à destination de la romandie tandis que le bureau à B______ (siège d'A______) était destiné au matériel distribué en Suisse alémanique. Sa carte de visite leur avait été remise à ce moment-là.
Il ne découlait pas de l'expérience de la vie et du bon sens que l'administrateur et détenteur des deux sociétés, qui partageaient le même espace professionnel à H______ (GE), travaillait exclusivement pour F______ lorsqu'il était à Genève et pour A______ seulement depuis son bureau de B______. Ce prétendu découpage de l'activité commerciale exercée par M. E______ pour ses deux sociétés avait pour finalité de préserver l'assujettissement d'A______ uniquement dans le canton de Schwytz, même si son activité commerciale s’effectuait également à Genève. À cela s’ajoutait le fait que les locaux d'A______ à B______ étaient situés dans le logement de M. E______ et de Mme I______.
Les contrôles TVA des deux sociétés avaient eu lieu en janvier et mai 2017. Si le back office était mené de manière aussi étanche que le soutenait A______, ses dossiers auraient dû logiquement être retransférés à B______ après le contrôle TVA d'A______. Tel n'avait pas été le cas, puisque des dossiers de cette dernière avaient été trouvés dans les locaux à H______ (GE).
Elle reprenait son argumentation précédente, en reproduisant des extraits du contenu du compte rendu de ses contrôleurs du 6 février 2018 sans toutefois produire ledit document.
14. Le 16 janvier 2023, A______ a répondu que les explications de l'AFC-GE à propos de sa prise de possession de la carte de visite de M. J______ étaient contradictoires et confuses, si bien que ce document n'avait aucune force probante. Il pouvait s'agir d'une ancienne carte de visite, plus utilisée par M. J______, découverte fortuitement à l'occasion du contrôle sur place.
Alors que l'AFC-GE faisait référence à un compte rendu du déroulement du contrôle et des entretiens menés, elle n'avait produit ni ce document ni les procès-verbaux des auditions.
Elle contestait les propos prêtés à M. J______, M. E______ et Mme K______. Enfin, elle n'était pas responsable d'une erreur dans la facture émise par un fournisseur.
15. Le 9 février 2023, l'AFC-GE a souligné que M. J______ lui avait bien remis sa carte de visite le jour de la venue des contrôleurs.
A______ reconnaissait que M. E______ passait un certain temps à Genève, dans les locaux de H______ (GE). Étant salarié d’A______, cette dernière ne pouvait soutenir qu'il n'effectuait aucune tâche pour elle lorsqu'il se trouvait à Genève et qu'il réservait cette activité uniquement lorsqu'il se trouvait dans le canton de Schwytz.
La « charge de travail importante » de Mme K______ « pour son employeur F______ » ne justifiait en rien le fait qu'elle travaille pour A______, en établissant des factures pour cette dernière.
Les entretiens avec M. E______, M. J______ et Mme K______, effectués par des contrôleurs fiscaux, avaient été consignés. Ces derniers se tenaient à disposition du tribunal pour être entendus.
16. Par jugement du 21 août 2023 (JTAPI/882/2023), le tribunal a rejeté le recours.
17. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), se plaignant notamment de la violation de son droit d’être entendue, dans la mesure où elle n’avait pas pu prendre connaissance du « compte rendu » de l'AFC-GE du 6 février 2018.
18. Par arrêt du 19 décembre 2023 (ATA/1366/2023), la chambre administrative a admis partiellement le recours, annulé le jugement précité et renvoyé la cause au tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
Il n'était pas contesté que des contrôleurs fiscaux s’étaient rendus dans les locaux situés à l'adresse 2______, rue G______ à H______ (GE) du 15 au 17 janvier 2018 et que des personnes se trouvant sur place, avaient répondu à des questions posées par ces derniers. L'AFC-GE n'avait toutefois pas produit, devant le tribunal, de pièces relatives aux constats effectués sur place ou aux déclarations de ces personnes. Elle n'avait pas produit le « compte rendu » du 6 février 2018 à l'appui de sa duplique devant le tribunal, ni d’ailleurs devant la chambre de céans. De ce fait, elle avait privé la recourante de se déterminer à son propos et de s'exprimer par rapport aux éléments qu'il contenait. La violation du droit d’être entendue de la recourante devait donc être retenue, ce qui conduisait au renvoi de la cause au tribunal, afin qu’il ordonne la production du procès-verbal litigieux en question et, si le secret fiscal l’exigeait, en en communiquant les éléments essentiels à la recourante, afin qu’elle puisse se déterminer sur ceux-ci. Ce renvoi permettrait également d’approfondir les éléments de faits relatifs à la location de l'appartement à Schwytz, en ce sens qu’il convenait de déterminer si c’était F______ qui louait ce logement à A______ ou l’inverse. Il en était de même de la question d'un éventuel loyer versé par la recourante à F______ pour la location d'un bureau dans le bâtiment sis à H______ (GE).
Par ailleurs, il convenait d’établir la date à laquelle le contrôle TVA avait eu lieu dans les locaux à H______ (GE).
Enfin, l'on ignorait quand la page du site internet de la recourante (produite par l'AFC-GE) avait été imprimée et la période pendant laquelle elle était disponible. Une instruction complémentaire sur ce point pouvait également apporter des éléments pertinents aux fins de statuer sur la question litigieuse, à savoir la présence d'un établissement stable de la recourante dans le canton de Genève.
19. Le 19 mars 2024, le tribunal a requis de l'AFC-GE la production de :
- la copie complète du « compte rendu du 6 février 2018 » cité dans sa duplique du 28 novembre 2022 ;
- tout document relatif aux constats qu’elle avait effectués lors du contrôle sur place d'F______ entre les 15 et 17 janvier 2018 et aux déclarations des personnes auditionnées à cette occasion ;
- toutes les pièces annexées à la réclamation d’A______ contre les bordereaux de taxation du 10 décembre 2021 ;
- toute pièce attestant de la date du contrôle TVA d’A______ ;
- tous les documents, notamment les pages du site internet de la recourante avant et après janvier 2018 dûment datées, lui ayant permis de retenir les éléments avancés dans sa réponse quant au contenu de ce site.
20. Le même jour, le tribunal a demandé à la recourante de produire :
- une copie du contrat de location du ______ 2008, conclu entre A______ et F______, relatif à la location de l'appartement à Schwytz ;
- tout document attestant du versement d’un loyer à F______ pour la location d'un bureau dans le bâtiment sis à H______ (GE).
Il lui a par ailleurs demandé d’indiquer les dates exactes du contrôle TVA des deux sociétés.
21. Le 17 avril 2024, A______ a répondu que pour l’appartement à B______ il y avait deux baux successif entre elle et F______, le premier conclu le ______ 2008 et le second le ______ 2014. Elle ne versait aucun loyer à F______ pour la location de bureaux à H______ (GE). En revanche, depuis 2018, F______ lui facturait CHF 500.- par mois la mise à disposition de surfaces pour un stock temporaire.
Le contrôle TVA d’F______ avait eu lieu le 31 octobre 2016 et les 11 et 12 janvier 2017.
Le contrôle TVA d’A______ avait été effectué à Genève les 5 et 7 mai 2017, pour les périodes 2012 à 2015. Un second contrôle avait eu lieu en 2020 et s’était clôturé par un entretien sur place à B______ le 1er juillet 2020.
Elle a produit :
- les deux baux conclus entre elle et F______ les ______ 2008 et ______ 2014, relatif à la location de l’appartement à Schwytz ;
- quatre factures qu’F______ a adressées à A______ en 2021, 2022 et 2023 pour le paiement des loyers des années 2018 à 2023, relatifs aux locaux à H______ (GE).
22. Le 19 avril 2024, l'AFC-GE a transmis au tribunal un bordereau complémentaire de pièces, accompagné de ses commentaires.
Elle produisait, sous couvert du secret fiscal, le « Rapport de contrôle sur place » établit par ses contrôleurs en date du 6 février 2018 (ci-après : pièce A1). Il s’agissait d’un compte rendu du travail effectué par ces derniers les 15, 16, et 17 janvier 2018 auprès d’F______. Ce rapport faisait état des documents remis lors de ce contrôle, tels que des extraits de comptes et diverses factures d’A______, une carte de visite et « enveloppe ». Il retranscrivait les déclarations de Mme K______, de M. E______ et de M. J______, lors de leur audition au cours du contrôle.
Les autres pièces qu’elle produisait n’étaient pas soumises au secret fiscal, dont :
- la réclamation d’A______ de janvier 2022 avec toutes ses annexes, dont le contrat de location du ______ 2008 conclu entre F______ et A______, relatif à l’appartement de 90 m2 à Schwytz, selon lequel cette première louait à la seconde ce logement pour CHF 1'400.- par mois. Etaient joints également les comptes d’F______ au 31 décembre 2016, à teneur desquels aucun loyer n’était comptabilisé, à titre de recette, pour la location de l’appartement à Schwytz ;
- la copie d’un rapport TVA, indiquant que le contrôle d’A______ avait eu lieu les 4 et 5 mai 2017 dans les locaux d’F______ à H______ (GE), ainsi qu’une lettre d’ouverture de ce contrôle du 13 janvier 2017, dans lequel le représentant de la division de la TVA indique notamment : « Conformément à l’entretien téléphonique avec vous, je vous confirme le rendez-vous fixé à sa convenance pour procéder au contrôle fiscal de votre entreprise, à H______ (GE) chez F______ (…) » ;
- les copies d’un courriel échangé, le 12 janvier 2018, entre deux de ses contrôleurs et des pièces qui y étaient jointes, dont les captures des sites internet d’F______ et d’A______ non datées (pièces n° 6 et 8). Ces pièces démontraient que les modifications du contenu de ces sites avaient été effectuées après le contrôle. En effet, ces captures étaient antérieures au contrôle puisqu’elles étaient jointes audit courriel. Or, elles faisaient état de la succursale d’A______ à H______ (GE), d’une part, et du fait que Mme K______, M. E______ et M. J______ étaient collaborateurs d’F______, d’autre part ;
- la capture du site d’A______ datée du 22 février 2018. Celle-ci ne faisait plus état de la succursale à H______ (GE). Elle avait été faite peu après le contrôle ;
- la capture du site d’F______ du 19 septembre 2022. On y constatait que Mme K______ et M. J______ ne figuraient plus dans la composition du personnel d’F______.
23. Le 15 mai 2024, le tribunal a communiqué à A______ une copie caviardée de la pièce A1.
24. Le 29 mai 2024, A______ a remis au tribunal une confirmation d’F______ qu’elle levait le secret fiscal sur la pièce A1 et qu’elle autorisait tant l'AFC-GE que le tribunal à la transmettre dans son intégralité à A______. Elle a requis une copie non caviardée de cette pièce.
25. Le 30 mai 2024, A______ s’est déterminé sur le bordereau complémentaire de pièces de l'AFC-GE.
La teneur des propos des salariés d’A______ et d’F______, relatés dans la pièce A1, étaient expressément contestée, certains d’entre eux ne correspondant pas à la réalité des faits. Ce document ne pouvait pas être considéré comme un procès-verbal dès lors qu’il n’était pas lu et signé par les personnes entendues. En outre, il avait été établi trois semaines après le contrôle. De plus, il ne permettait pas de savoir si ces salariés avaient, de manière totalement libre, accepté de répondre aux questions des contrôleurs. Par ailleurs, A______ n’avait pas pu participer à l’audition des personnes cités, en violation de son droit d’être entendue. En raison de tous ces vices formels, cette pièce devait être considérée comme dénuée de toute force probante et établie en violation des règles fondamentales de la procédure. Elle devait dès lors être écartée du dossier.
Les seules indications sur une capture d’écran non datée d’un site internet n’avaient aucune force probante. Elle réitérait que son site internet était à l’abandon, parce qu’elle n’effectuait aucune vente par ce canal. Le fait que son site internet avait été mis à jour de manière imparfaite démontrait à lui seul que ce canal ne lui était d’aucune utilité pratique.
De même, aucune conclusion utile au présent litige ne pouvait être tirée de l’examen de la capture du site d’F______ datée du 19 septembre 2022.
Le seul fait d’utiliser les locaux à H______ (GE) comme emplacement de stockage temporaires de produits destinés à être livrés aux clients n’était pas constitutif d’un établissement stable.
Enfin, au regard de la très faible activité déployée à H______ (GE), en lien avec ce stockage temporaire, retenir 50 % du bénéfice comme imposable à Genève était manifestement disproportionné. Il en découlait de plus une double imposition intercantonale, l’intégralité du bénéfice ayant déjà été taxé par le canton du siège.
26. Dans sa détermination du 21 juin 2014, l'AFC-GE a exposé que le levé du secret fiscal dû à F______ ne légitimait pas A______ à obtenir l’accès à une pièce interne de l'AFC-GE, telle que la pièce A1. De plus, le contenu essentiel de cette pièce lui avait été communiqué et elle avait déjà contesté, en janvier 2023, les propos attribués à Mme K______, à M. E______ et à M. J______. Elle n’avait ainsi pas d’intérêt concret à en obtenir la communication.
La pièce A1 était un élément de preuve qu’il appartenait au tribunal d’apprécier. Par ailleurs, le tribunal pourrait auditionner les employés d’A______ afin de vérifier s’ils avaient librement répondu aux questions posées par les contrôleurs. A cet égard, elle soulignait effectuer ses contrôles externes dans le respect des lois et règlements et n’utiliser aucun moyen coercitif lors de ses entretiens avec les employés des sociétés auditées.
Elle avait fourni assez d’indices pour qu’A______ soit imposée à Genève à concurrence de 50 %. Ainsi, le jugement JTAPI/882/2023 restait pleinement d’actualité pour juger la présente cause.
27. Le 9 juillet 2024, A______ a requis formellement du tribunal une décision incidente relative à la consultation de la pièce A1.
L'AFC-GE ne pouvait soutenir à la fois que cette pièce était de nature purement interne et un élément de preuve utile pour trancher le litige. En effet, des documents internes ne pouvaient pas être utilisés comme moyens de preuve, mais servaient uniquement à la formation de l’opinion interne de l’autorité. De plus, l'AFC-GE n’expliquait pas sur la base de quels critères le caviardage de cette pièce avait été effectué.
Aucun intérêt public ou privé ne s’opposait à une consultation intégrale de cette pièce. En conséquence, subsidiairement, elle concluait à ce que ce document lui soit communiqué dans son intégralité.
28. Le 11 juillet 2024, le tribunal a communiqué à la recourante l’intégralité de la pièce A1.
29. Le 18 juillet 2024, en consultant, via www.archive.org, le contenu des sites internet d’F______ et d’A______ (état au 8 décembre 2017, respectivement au 22 septembre 2017), le tribunal a constaté que cette première y indiquait M. E______, M. J______ et Mme K______ comme étant ses propres collaborateurs, tandis que qu’A______ y mentionnait disposer d’une succursale à H______ (GE), dont elle affichait l’adresse à cet endroit et le numéro de téléphone genevois. Dès fin février 2018, ces indications n’y figuraient plus. Les pages de ces sites ont été imprimées et communiquées aux parties le même jour.
30. Le 23 juillet 2024, la recourante, sous la plume de son conseil, s’est déterminée sur le contenu de la pièce A1 et des pages internet communiquées par le tribunal le 18 juillet précédent.
Aucun élément contenu dans la pièce A1 ne permettait de conclure à l’existence d’une quelconque activité commerciale à H______ (GE). Les pages internet imprimées le 18 juillet 2024 ne prouvaient pas le contraire, puisqu’elle avait abandonné son site internet et ne faisait aucune vente par ce biais.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.
3. Dans un grief d’ordre formel, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la recourante demande que la pièce A1 soit écartée de la procédure.
4. La chambre administrative a jugé récemment que même si un compte-rendu de l'AFC-GE, non signé par les représentants du contribuable, n’avait pas la même valeur probante qu’un procès-verbal d’audience établi par les juridictions, n’étant pas dicté en présence des parties ni signé par elles, rien ne s’opposait à sa prise en compte à titre d’élément de preuve, qu’il appartenait à l’autorité judiciaire d’apprécier, en tenant, notamment, compte du fait qu’il n’avait pas été établi de manière contradictoire (ATA/761/2023 du 11 juillet 2023 consid. 9).
5. En l’espèce, au vu de la jurisprudence précitée, il n’y a pas lieu d’écarter la pièce A1 de la procédure pour la seule raison qu’elle n’a pas été signée par le ou les représentants de la recourante. Toutefois, le tribunal en tiendra compte avec retenue, sans tenir compte des propos des employés de la recourante.
6. Aux termes de l’art. 3 al. 1 de loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), les personnes morales qui n’ont ni leur siège ni leur administration effective dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison de leur rattachement économique, notamment lorsqu’elles sont associées à une entreprise établie dans le canton (let. a) ou lorsqu’elles y exploitent un établissement stable (let. b).
Selon l’art. 3 al. 3 LIPM, on entend par établissement stable toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité de l’entreprise. Sont notamment considérés comme établissements stables les sièges de direction, succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d’exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage d’une durée d’au moins 12 mois.
L’assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité à la partie du bénéfice et du capital qui est imposable dans le canton (art. 4 al. 2 LIPM).
7. Selon la jurisprudence, il existe un établissement stable lorsqu'une société possède des structures et des installations matérielles permanentes qui forment une partie de l'entreprise en-dehors du canton et grâce auxquelles l'activité technique et commerciale est exercée d'une manière qualitativement et quantitativement relevante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_518/2010 du 9 février 2011 in RDAF 2011 II 379 consid. 4.1 à 4.4)
En principe, la notion d'établissement stable n'a pas en soi un contenu différent selon que l'établissement se trouve en Suisse ou à l'étranger. Cette notion recouvre toute installation fixe dans laquelle s'exerce tout ou partie de l'activité d'une entreprise, tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif (ATF 134 I 303 consid. 2.2). Un établissement stable suppose qu'une activité commerciale y soit exercée. Pour être qualitativement importante, l’activité doit entrer dans le cercle de celle, principale, de l’entreprise. L’exigence d’une activité quantitativement importante s’analyse, quant à elle, différemment suivant chaque type d’entreprise et signifie que l’installation en cause doit exercer une activité qui n’est pas accessoire ou d’importance secondaire. En outre, l’établissement doit effectuer une partie de l’activité de l’entreprise (cf. ATF 139 II 78 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2016, 2C_397/2016 du 14 novembre 2016 consid. 8.3 ; 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 11.2 ; 2C_708/2011 du 5 octobre 2012 consid. 3.1.2).
L'établissement stable se définit par deux critères cumulatifs : l'existence d'une installation fixe et l'exercice de tout ou partie de l'activité dans ladite installation. La première condition implique l'existence de locaux dans lesquels l'activité se déploie pendant une certaine durée. L'installation doit avoir non seulement une consistance matérielle, mais également une certaine permanence (J.-B. PASCHOUD, D. DE VRIES REILINGH, in Y. NOËL/F. GIRARDIN AUBRY [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n. 31). La jurisprudence admet cette condition lorsque la location de locaux et l'engagement d'employés participant à l'exercice de l'activité sont démontrés (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_708/2011 du 5 octobre 2012 consid. 3.1.1). La deuxième condition exige que l'activité soit réalisée en tout ou en partie par l'intermédiaire de ladite installation fixe (J.-B. PASCHOUD, D. DE VRIES REILINGH, op. cit., n. 31).
Le Tribunal fédéral a encore récemment rappelé qu’en matière intercantonale, il faut entendre par établissement stable toute installation fixe et permanente dans laquelle s'exerce une partie quantitativement et qualitativement importante de l'activité technique et commerciale de l'entreprise. La reconnaissance d'un établissement stable implique une installation fixe. Cela signifie tout d'abord une installation physique, établie en un lieu précis. Il importe peu que l'entreprise soit propriétaire ou locataire de l'installation, mais il faut qu'elle ait à tout le moins un certain droit de disposition sur celle-ci. L'installation doit ensuite, pour être qualifiée de fixe, être permanente ; elle ne doit pas avoir un caractère temporaire ou provisoire (arrêt 2C_110/2018 du 28 février 2019 consid. 3.3 et les références).
Tombent typiquement sous la définition d’établissement stable, notamment, les succursales, sites de fabrication et représentations permanentes (ATF 142 II 113 consid. 7.3).
En droit suisse, une succursale est une partie d'une entreprise principale qui dispose durablement de ses propres installations où elle exerce une activité analogue à celle de l'entreprise principale et qui jouit d'une certaine indépendance financière et commerciale. La succursale n'a pas la personnalité juridique. Elle est néanmoins considérée comme un établissement stable et est assujettie à l'impôt à raison d'un rattachement économique (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 28 avril 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).
8. En matière fiscale, l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 et les références; 144 II 427 consid. 8.3.1; 140 II 248 consid. 3.5; 133 II 153 consid. 4.3). Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'un revenu non déclaré, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2021 du 29 juillet 2021 consid. 3.2). L'omission ou l'échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/513/2021 du 11 mai 2021 consid. 5b ; ATA/1077/2020 du 2 octobre 2020 consid. 7).
En matière inercantonale, plus particulièrement, le Tribunal fédéral a très récemment jugé qu’un faisceau d’indices réuni par le fisc est suffisant et que la « vraisemblance prépondérante » était un degré de preuve acceptable compte tenu du fait que le droit fiscal était un droit administratif de masse (cf. arrêt 9C_591/2023 du 2 avril 2024). Il appartient à la personne morale d'établir les faits propres à détruire cette vraisemblance (cf. Jean-Blaise PASCHOUD, Raphaël GANI in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, ad art. 50 LIFD n. 16 et les références).
9. Par ailleurs, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue, qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (ATA/1103/2022 du 1er novembre 2022 consid 11 ; ATA/513/2021 du 11 mai 2021 consid. 5b et les références citées).
10. En l’espèce, il n'est pas contesté que lorsque les contrôleurs fiscaux se sont rendus dans les locaux d’F______ à H______ (GE), en dates des 15, 16 et 17 janvier 2018, ils y ont trouvé sur place tant les membres du personnel d’A______, soit MM. E______ et J______, que des documents comptables de cette dernière, dont notamment ses factures de 2015 et 2016 indiquant son adresse genevoise. A cela s’ajoute que selon les extraits des sites internet d’A______ et d’F______, joints au courriel échangé entre les contrôleurs fiscaux du 12 janvier 2018, cette première y indiquait également l’adresse de sa succursale à H______ (GE), tandis que la seconde y mentionnait MM. E______ et J______ et Mme I______ comme ses propres employés. Ces extraits ne comportent certes pas date, mais dans la mesure où ils ont été joints audit courriel, il faut admettre que ces indications étaient affichées à tout le moins jusqu’au 12 janvier 2018, ce qui est corroboré par les extraits que le tribunal a lui-même tirés du site www.archive.org, en date du 17 juillet 2024. En effet, selon ce site, il apparait que ces indications étaient affichées jusqu’en février 2018 et supprimées par la suite. De plus, à teneur de la lettre de l’ouverture du contrôle TVA du 13 janvier 2017, il apparaît que la recourante aurait elle-même requis que ce contrôle s’effectue dans les locaux d’F______, et non dans ces propres locaux à Schwytz. Il convient de tenir compte également du fait qu’A______ et F______ sont très étroitement liées, ce tant par leur relation commerciale que de par leur lien d’actionnariat. Elles exercent en effet dans le même domaine économique, la seconde étant en plus la cliente de la première, relation dans laquelle elles ont partagé, en 2016 en tout cas, une partie desdits locaux à H______ (GE). Par ailleurs, elles sont détenues par le même actionnaire, qui, au demeurant, les administre.
L’ensemble de ces éléments constitue indéniablement un faisceau d’indices rendant vraisemblable l’existence d’une activité commerciale à H______ (GE). Dans ces conditions, et selon la jurisprudence susmentionnée, il incombait alors à la recourante d'infirmer ces éléments par la preuve du contraire. Or, elle s'est limitée à contester les faits retenus sans toutefois fournir de preuves matérielles les renversant ou permettant une autre interprétation. En effet, premièrement, l’on peine à comprendre les raisons de la présence, en janvier 2018, de ses employés et de sa documentation comptable chez F______ si la recourante, comme elle le prétend, n’exerçait aucune activité commerciale dans les locaux de sa société sœur. S’agissant en particulier de M. J______ - qui, selon la recourante, n’était aucunement employé par F______, l’on ne voit pas pourquoi il était présent chez cette dernière aux dates des contrôles, s’il travaillait exclusivement pour A______. De même, si la documentation comptable d’A______ devait être transférée à H______ (GE) en mai 2017, afin de faciliter le contrôle TVA, celle-ci n’explique pas pourquoi cette documentation a été gardée à H______ (GE) jusqu’à janvier 2018. Du reste, la recourante n’explique pas pourquoi le contrôle TVA la concernant devait s’effectuer à H______ (GE), alors que son siège se situait à Schwytz et que, comme elle le prétend, elle n’accomplissait aucune activité dans le canton de Genève. Par ailleurs, il n’est pas démontré que les opérations de commandes et de reventes du matériel ont été effectuées depuis le canton de Schwytz. La recourante se limite à soutenir que ses locaux à B______ se situaient dans l’appartement qu’elle y louait à sa société sœur, puis sous-louait à son actionnaire unique, au titre de sa résidence principale et celle de sa conjointe. Or, au vu de la petite taille de ce logement (2,5 pièces d’une surface de 90 m2) et du volume de ses activités, il n’apparait pas vraisemblable qu’elle ait pu les accomplir intégralement à cet endroit, d’autant moins que, selon ses propres dires, à tout le moins deux personnes y travaillaient simultanément pour elle, à savoir Mme I______ et M. E______. Elle n'a d'ailleurs pas fourni le moindre indice d’un accomplissement dans cet appartement d’une quelconque activité commerciale, tel que, par exemple, des factures qui lui auraient été adressées en 2016. Au contraire, ses factures 2015 et 2016, que l'AFC-GE a versées au dossier, indiquent clairement son adresse genevoise. Il faut aussi rappeler qu’elle a expressément refusé de remettre à l'AFC-GE ses grands livres 2010 à 2018. Par ailleurs, elle ne démontre pas, ni n’allègue d’ailleurs, avoir disposé en 2016 d’un entrepôt dans le canton de son siège, alors qu’elle y aurait agi depuis décembre 2008 comme distributeur du matériel audiovisuel pour toute la Suisse, le marché alémanique étant potentiellement bien plus important que celui de Suisse romande.
Comme indiqué par la recourante, son activité commerciale consiste en deux volets. D’une part, elle conceptualise et commercialise des projets d'infrastructure de communications audiovisuelles et, d’autre part, agit comme distributeur en Suisse du matériel y relatif, qu’elle commande auprès des fournisseurs étrangers puis les revend à des « intégrateurs », activité pour laquelle elle a nécessairement besoin de locaux d’entreposage, comme ceux dont elle a disposé en 2016 à H______ (GE). Au vu de tous les éléments figurant au dossier, il apparaît qu’en 2016, elle a exercé à Genève, à tout le moins son activité de distributeur du matériel audiovisuel. C’est en effet uniquement à Genève qu’elle a disposé de locaux pour la réception et la distribution de ce matériel. La recourante indique elle-même que les locaux à H______ (GE) lui ont servi « pour la réception et la réexpédition de matériel », soit les opérations intégrantes et indissociables de son activité de distribution, lesquelles nécessitaient la présence physique permanente en ce lieu d'au moins l’un/e de ses employés. Dès lors, il ne s’agissait pas d’un « simple lieu de stockage ». Enfin, le fait que jusqu’en janvier 2018 à tout le moins, la recourante indiquait publiquement à ses clients potentiels, sur son site internet, disposer d’une « succursale » à H______ (GE) plaide fortement en faveur de l’existence effective, en 2016, d’un établissement stable à cet endroit.
Compte tenu de tous les éléments susmentionnés, il convient de retenir que la recourante a effectivement disposé en 2016 d’un établissement stable à Genève. Ainsi, son assujettissement limité pour cette période doit être confirmé dans son principe.
11. La contribuable estime encore que l’attribution de la moitié de son bénéfice au canton de Genève est disproportionnée et se plaint d’une double imposition intercantonale prohibée.
12. Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'elle est confrontée au caractère déficient de la comptabilité d'une société, l'administration fiscale peut procéder à une taxation par estimation. Il existe deux méthodes de taxation par estimation auxquelles l'AFC-CH a recours : d'une part, la méthode reconstructive, qui vise à compléter ou reconstruire une comptabilité déficiente, et, d'autre part, la méthode des chiffres d'expérience ou coefficients expérimentaux. Il appartient au contribuable de s'accommoder de l'imprécision ou de l'approximation qui résulte nécessairement d'une estimation fiscale, laquelle a elle-même été déclenchée à cause d'une tenue lacunaire de sa comptabilité (arrêt 2C_657/2012 du 9 octobre 2012 consid. 3). La procédure par estimation vise à éviter que, les cas où le contribuable se soustrait à son obligation de coopérer ou dans lesquels les documents comptables se révèlent incomplets, insuffisants, voire inexistants, ne se soldent par une perte d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_82/2014 du 6 juin 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités).
La taxation par estimation intervient également lorsque les documents comptables se révèlent incomplets ou insuffisants. Dans la mesure où le contribuable admet la présence d'un chiffre d’affaires non déclaré mais conteste les montants retenus par l'AFC-GE, il lui appartient de chiffrer et de prouver les reprises qui auraient dû être faites (cf. ATA/218/2016 du 8 mars 2016).
Lorsqu'elle procède à une estimation du chiffre d'affaires, l'autorité de taxation doit tenir compte des conditions particulières prévalant dans l'entreprise en cause ; elle doit s'appuyer sur des données plausibles et aboutir à un résultat s'approchant le plus possible de la réalité. Le contribuable qui a présenté une comptabilité non conforme aux exigences légales et qui est dans l'incapacité d'établir que l'estimation faite par l'administration ne correspondrait manifestement pas à la réalité doit supporter les désavantages d'une situation illégale qu'il a lui-même créée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_82/2014 du 6 juin 2014 consid. 3.1 et les arrêts cités ; 2C_657/2012 du 9 octobre 2012 consid. 2.2 et 3.4).
13. En l’espèce, l'AFC-GE a opéré la répartition du bénéfice entre les deux cantons en fonction du temps que l’administrateur de la recourante, M. E______, aurait travaillé à Genève, soit 50 %. La recourante, quant à elle, se limite à soutenir que l’attribution de la moitié de son bénéfice au canton de Genève serait disproportionnée, sans avancer un montant qui serait selon elle plus proche à la réalité. Dans ces conditions, la proportion du bénéfice retenue par l'AFC-GE ne peut qu’être confirmée.
14. Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_974/2019 du 17 décembre 2020 consid. 13.1), le principe de l'interdiction de la double imposition énoncé à l'art. 127 al. 3 1ère phr. de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à des impôts analogues (double imposition effective) ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit jurisprudentielles, entende prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle).
En vertu de la jurisprudence, l’interdiction de la double imposition intercantonale est restreinte, sur le plan de la procédure, par l’absence de bonne foi caractérisant le comportement du contribuable s’en prévalant, et à ce titre son grief devient constitutif d’un abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_663/2019 du 26 mars 2020).
La jurisprudence a admis l’existence d’un comportement contraire à la bonne foi lorsqu’un contribuable savait ou devait savoir, en raison de la présence d’un établissement stable dans l’autre canton, que le canton de l’établissement stable ferait valoir une prétention conflictuelle et qu’il ne mentionnait pourtant pas l’existence d’un établissement stable dans l’autre canton dans la déclaration d’impôt du premier canton (arrêt 2C_655/2016 du 17 juillet 2017 consid. 2.4.2) et lorsqu’un contribuable donnait sciemment de fausses indications au premier canton (arrêt 2C_592/2018 du 1er octobre 2019 consid. 6.4 et 6.6).
15. En l’espèce, la recourante n’a versé aucune pièce fiscale relative à son éventuelle imposition dans le canton de Schwytz pour l’année 2016. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où il apparait qu’elle n’a pas déclaré dans ce canton l’existence de son établissement stable genevois, elle ne saurait plus - en vertu du principe de la bonne foi - se plaindre d’avoir subi une double imposition intercantonale.
16. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
17. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'100.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
18. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 16 juin 2022 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 17 mai 2022 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’100.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |