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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2837/2019

ATA/1077/2020 du 27.10.2020 sur JTAPI/488/2020 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2837/2019-ICC ATA/1077/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 octobre 2020

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
8 juin 2020 (JTAPI/488/2020)


EN FAIT

1) Le litige porte sur l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour l'année fiscale 2017 de A______ SA (ci-après : A______ SA), société de droit suisse laquelle avait son siège à Chêne-Bougeries durant l'exercice litigieux, et dont le but social était : « opérations de financements, constructions et prises de participations dans le domaine de l'immobilier ; services d'engineering, d'architecture et de construction ; commerce, importation, exportation et représentation de tous produits et articles, notamment dans le domaine de la construction ».

A______ SA détient 75 % du capital-actions, soit septante-cinq actions d'une valeur nominale de CHF 1'000.- chacune, de B______ SA (ci-après : B______ SA), société genevoise dont le but social est : « réalisation d'opérations mobilières et immobilières, principalement en Suisse ».

2) a. Le 23 septembre 2016, le service des titres de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a transmis à B______ SA une estimation de la valeur de ses titres, pour permettre aux actionnaires de compléter leur déclaration d'impôt 2015.

b. Dans l'état des titres de sa déclaration fiscale 2015, A______ SA a indiqué une valeur comptable brute de CHF 479'512.- pour ses actions de B______ SA. Compte tenu d'une provision de CHF 230'000.- pour la dépréciation de leur valeur, la valeur comptable nette desdites actions était de CHF 249'512.-.

3) a. Le 15 mai 2017, le service des titres de l'AFC-GE a estimé la valeur des titres B______ SA, afin de permettre aux actionnaires de compléter leur déclaration d'impôt 2016.

b. Dans l'état des titres de sa déclaration fiscale 2016, A______ SA a mentionné une provision pour dépréciation de valeur de ses actions B______ SA de CHF 345'000.-. La valeur nette de ces actions s'élevait désormais à CHF 134'512.- (soit CHF 479'512.- ./. CHF 345'000.-).

c. Par bordereaux de taxation du 5 octobre 2017, l'AFC-GE a taxé A______ SA pour l'année 2016, en refusant la provision de CHF 345'000.- pour dépréciation de valeur des actions B______ SA.

d. A______ SA a formé opposition contre sa taxation 2016, puis a interjeté recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions de l'AFC-GE rejetant sa réclamation.

4) Par jugement du 11 juin 2018 (JTAPI/550/2018), le TAPI a retenu, s'agissant de l'année fiscale 2016, que A______ SA était en droit de comptabiliser une provision pour dépréciation de la valeur de cette participation.

Dans sa déclaration fiscale 2015, A______ SA avait mentionné les parts de B______ SA pour une valeur comptable brute de CHF 479'512.-. Compte tenu d'une provision de CHF 230'000.-, la valeur nette de ces titres s'élevait à CHF 249'512.-. Dans sa réponse au recours, l'AFC-GE avait admis de porter la provision à CHF 289'202.-, ramenant ainsi la valeur des actions au 31 décembre 2016, à CHF 190'310.-. Ce montant représentait les 75 % des fonds propres de B______ SA à cette date.

Au vu de son but et de son activité effective, A______ SA faisait partie de la catégorie des sociétés de financement. En conséquence, en application du chiffre 38 de la circulaire de la Conférence suisse des impôts n. 28 du 28 août 2008 (ci-après : la circulaire n° 28), sa valeur correspondait à sa valeur substantielle.

5) Le 7 août 2018, le service des titres de l'AFC-GE a communiqué à B______ SA l'estimation de ses titres pour l'année 2017, sur la base de ses comptes clos en 2016, à savoir une valeur fiscale brute de CHF 845.- et une valeur fiscale nette de
CHF 591.50 par action.

6) Le 17 octobre 2017, A______ SA a déposé sa déclaration fiscale 2017.

Dans l'état des titres (annexe A), A______ SA a mentionné la participation auprès de B______ SA pour une valeur comptable brute et nette de CHF 134'512.-.

7) Par demande de renseignements du 23 janvier 2019 relative à sa déclaration fiscale 2017, l'AFC-GE a invité A______ SA à lui faire parvenir le détail et la justification de la valeur de la participation, en particulier la méthodologie employée pour déterminer son montant.

8) Le 19 février 2019, A______ SA a indiqué que les titres avaient été achetés pour CHF 479'512.-. Il convenait de prendre en considération les pertes, étant donné que le cours fiscal brut et net de ses actions avait été arrêté par l'AFC-GE, selon son estimation des titres, à respectivement CHF 845.- et CHF 591.50 pour l'année 2017.

9) Par bordereaux et avis de taxation du 4 avril 2019, l'AFC-GE a taxé A______ SA pour l'année 2017 en effectuant une reprise de CHF 224'028.- dans son bénéfice, pour le motif que la provision n'était pas justifiée par l'usage commercial. En application de la méthode employée par le TAPI, la provision admise fiscalement, d'un montant de CHF 65'174.-, se calculait en retranchant la valeur de la participation de B______ SA fin 2017 de CHF 414'338.- (CHF 552'451.- x 75 %) de la valeur de ces titres à la fin de l'année précédente (CHF 479'512.-).

10) Le 1er mai 2019, A______ SA a formé une réclamation contre la taxation précitée. Au vu du JTAPI/550/2018 du 11 juin 2018, l'AFC-GE aurait dû accepter l'amortissement de CHF 224'028.- effectué sur la participation de B______ SA.

11) Par décisions ICC et IFD du 27 juin 2019, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Conformément au JTAPI/550/2018 susmentionné, la provision avait été admise à concurrence de la valeur des fonds propres de B______ SA. La valeur de celle-ci correspondait à sa valeur substantielle, laquelle, faute de réserves légales apparentes, correspondait aux fonds propres de la société. En 2017, ceux-ci s'élevaient à CHF 552'451.-, si bien que le montant de la participation de A______ SA s'élevait à CHF 414'338.- (CHF 552'451.- x 0.75).

12) Par acte daté du 29 juillet 2019, A______ SA a interjeté recours par-devant le TAPI à l'encontre de ces décisions. Elle avait comptabilisé une provision de
CHF 230'000.- en 2015 et de CHF 115'000.- en 2016, qui avaient été acceptées par le TAPI et la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), mais aucune en 2017.

13) Le 16 août 2019, A______ SA a complété son recours en faisant valoir que le cours fiscal net d'une action de B______ SA pour 2017 avait été évalué par l'AFC-GE à CHF 591.50, si bien que sa participation devait être évaluée à CHF 44'362.50. Il en résultait des charges extraordinaires enregistrées en 2015 et 2016. En 2017, A______ SA n'avait comptabilisé ni charge extraordinaire, ni provision, mais avait porté la valeur de sa filiale à CHF 134'512.-.

14) Dans sa réponse du 7 octobre 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle a réexpliqué la manière dont elle avait calculé le montant de la provision admissible, à savoir CHF 65'174.-. Dans son bilan 2017, A______ SA avait inscrit directement la valeur nette de la participation, soit CHF 134'512.-, après déduction d'une provision de CHF 345'000.-. C'était à juste titre que l'autorité intimée avait tenu compte d'une valeur de CHF 414'338.- pour la valeur de la participation au 31 décembre 2017.

Elle a joint, sous le couvert du secret fiscal, les comptes 2016 et 2017 de B______ SA.

15) Par réplique et duplique des 24 octobre et 11 novembre 2019, les parties ont persisté dans leurs écritures.

16) Par jugement du 8 juin 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Le principe de la constitution d'une provision pour dépréciation de valeur de la participation B______ SA n'était pas litigieux, puisqu'il avait été admis par le TAPI dans le JTAPI/550/2018 du 11 juin 2018. Le litige portait ainsi sur la question du montant de la provision afférente à l'année 2017.

Pour ce faire, il convenait de déterminer la valeur de la participation au
31 décembre 2017, qui équivalait à 75 % du total des fonds propres de B______ SA. Cette dernière étant une société de financement, elle devait être évaluée sur la base de sa valeur substantielle, conformément au ch. 38 de la circulaire n° 28. À la lecture du bilan de cette société, ce total se chiffrait à CHF 552'451.-, ce qui implique qu'à cette date, la valeur de la participation en question s'élevait à CHF 414'338.- (CHF 552'451.- x 0.75). La provision admissible se calculait par différence entre la valeur fiscale brute (CHF 479'512.-) et la valeur fiscale nette (CHF 414'338.-), à savoir CHF 65'174.-. La reprise s'établissait ainsi à CHF 224'028.- (CHF 289'202.- CHF 65'174.-), comme l'avait déterminé l'AFC-GE dans ses bordereaux du 4 avril 2019.

17) Par acte mis à la poste le 10 juillet 2020, A______ SA a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.

L'AFC-GE lui avait transmis une estimation fiscale des titres de B______ SA pour l'année 2017, laquelle s'élevait à CHF 591.50 par action, représentant une valeur totale de CHF 44'362.50, causant une « perte de capital pour A______ SA ». Le TAPI avait accepté cela en 2015 et 2016 selon le JTAPI/550/2018 du 11 juin 2018.

Elle contestait par ailleurs le fait que B______ SA fasse partie de la catégorie des sociétés de financement.

18) Le 20 juillet 2020, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

19) Dans son mémoire réponse du 17 août 2020, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours et au maintien de ses décisions.

Après avoir pris connaissance du recours de A______ SA, elle constatait qu'aucun argument nouveau susceptible d'influer sur le sort du litige n'était avancé et qu'aucune nouvelle pièce déterminante n'était produite.

20) Le 20 août 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

21) Par courrier du 3 septembre 2020, la chambre administrative a demandé à l'AFC-GE si une estimation des titres de B______ SA avait été établie postérieurement à celle du 7 août 2018 et, dans l'affirmative, a sollicité une copie de celle-ci, relevant qu'il existait une divergence apparente entre la valeur fiscale retenue par le service des titres dans l'estimation du 7 août 2018 et celle ressortant de la taxation 2017 de la recourante.

22) Par courrier du 14 septembre 2020, l'AFC-GE a transmis, sous couvert du secret fiscal, une estimation de la valeur des titres de B______ SA datée du 13 décembre 2019, laquelle indiquait être basée sur les comptes annuels 2017 de la société et invitait notamment la société à communiquer l'estimation aux actionnaires afin qu'ils puissent compléter leur déclaration fiscale 2017.

L'AFC-GE a précisé que ladite estimation fiscale était celle déterminante, dès lors qu'elle se basait sur les comptes annuels clos en 2017 de B______ SA. La valeur fiscale qui ressortait de ladite estimation correspondait bien à celle retenue dans la taxation 2017 de la recourante.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/784/2020 du 20 août 2020 consid. 2b ; ATA/821/2018 du 14 août 2018 consid. 2).

c. En l'espèce, la recourante n'a pas pris de conclusions formelles en annulation du jugement du TAPI et des décisions de taxation. L'on comprend toutefois de son recours qu'elle conteste la valeur de la reprise de CHF 224'028.-.

3) Le litige porte sur la valeur fiscale pour l'année 2017 des actions de B______ SA, détenues à hauteur de 75 % par la recourante.

4) a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/191/2020 du 18 février 2020
consid. 4b ; ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

b. En l'espèce, le présent litige porte sur la taxation 2017 de la recourante, tant en matière d'ICC que d'IFD. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du
23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

c. La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

5) a. Selon les art. 11 LIPM et 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial sont considérés comme bénéfice net imposable (art. 12 al. 1 let. e LIPM et 58 al. 1 let. b LIFD). L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu'il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 57, 58, al. 1 LIFD ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 224).

Tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial sont ajoutés au bénéfice imposable (art. 58 al. 1 let. b LIFD), telle par exemple une provision non justifiée. L'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce également le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal, et sur lequel il sera revenu ci-après.

b. Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net, dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultat, ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultat (art. 24 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

c. À Genève, le 30 mars 2016, est entrée en vigueur la nouvelle teneur de plusieurs dispositions de la LIPM dont notamment l'art. 12 LIPM, adopté le
29 janvier 2016 par le Grand Conseil. La LIPM ne comprend aucune disposition transitoire prévoyant notamment l'application de la nouvelle teneur desdites dispositions aux causes pendantes au moment de son entrée en vigueur. Il sera ainsi fait application des dispositions légales pertinentes dans leur teneur antérieure aux décisions de taxation en cause.

Selon l'art. 12 let. a LIPM, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvement énoncés aux art. 12 let. b à i LIPM. L'art. 12 LIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l'art. 58 al. 1 LIFD (ATA/380/2018 du 24 avril 2018 et les arrêts cités).

6) a. Édictée par la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI), qui regroupe les administrations fiscales cantonales et l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), la circulaire n° 28, qui porte sur l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune, a fait l'objet de plusieurs éditions depuis les années 1940, dont la dernière date du 28 août 2008, laquelle est ainsi applicable à la période fiscale 2017 faisant l'objet du présent litige. La CSI édite annuellement un commentaire à la circulaire n° 28, la dernière version datant de 2019 (ci-après : commentaire 2019).

b. La circulaire n° 28 a pour objectif l'estimation uniforme en Suisse, pour l'impôt sur la fortune, des titres nationaux et étrangers qui ne sont négociés dans aucune bourse, et sert à l'harmonisation fiscale intercantonale (ch. 1 § 1 de la circulaire n° 28). Les principes d'estimation doivent être choisis de telle manière que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique, la circulaire contenant des instructions à cet égard, auxquelles il peut être dérogé, pour des motifs d'égalité de traitement, lorsque leur application se révélerait contraire au droit ou si la valeur vénale d'un titre peut être mieux évaluée (commentaire 2019 p. 2 ad. ch. 1).

c. L'activité effective d'une société détermine son mode d'estimation (ch. 6 de la circulaire n° 28).

Pour les sociétés commerciales, industrielles et de services, la valeur de l'entreprise résulte de la moyenne pondérée entre la valeur de rendement qui est doublée, d'une part, et la valeur substantielle déterminée selon le principe de continuation de l'exploitation, d'autre part (ch. 34 de la circulaire n° 28), étant précisé que, même si elles se révèlent importantes, des fluctuations de rendement ne justifient pas de déroger à ce principe, dès lors que des oscillations conjoncturelles sont à considérer comme immanentes au système économique (commentaire 2019 ch. 34 p. 48). Cette méthode est généralement appelée
« méthode des praticiens » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.3). La valeur de rendement s'obtient par la capitalisation du bénéfice net des exercices déterminants augmenté ou diminué des reprises ou déductions (ch. 8.1 de la circulaire n° 28).

Les sociétés holding pures, les sociétés de gérance de fortune, les sociétés de financement et les sociétés immobilières sont en revanche estimées sur la base de leur valeur substantielle uniquement (ch. 38 de la circulaire n° 28), c'est-à-dire en faisant abstraction d'une valeur de rendement. À cet égard, la circulaire n° 28 précise que les titres et participations non cotés sont estimés au minimum à leur valeur comptable, mais qu'on peut s'écarter de cette règle dans des cas justifiés (ch. 24.1).

Sont réputées sociétés de financement pures seules les sociétés dont l'activité commerciale se limite à la mise à disposition du capital à l'intérieur du groupe ou à des sociétés apparentées. Lesdites sociétés sont estimées sur la base de leur valeur intrinsèque. Tant les sociétés de financement que les sociétés de gérance de fortune dont l'activité commerciale consiste dans la fourniture de prestations de service à des tiers indépendants et qui sont de ce fait actives sur le plan opérationnel sont estimées conformément au chiffre 34 et ss de la même circulaire (commentaire 2019 p. 54 ad. ch. 38).

L'appréciation de la valeur substantielle se base sur les comptes annuels
(ch. 11.1 de la circulaire n° 28). Les passifs doivent être subdivisés en fonds étrangers et en fonds propres. Les réserves de crise, de réévaluation et de remplacement, les provisions à des fins de remplacement, les réserves latentes imposées ainsi que les réserves comptabilisées sous le poste créanciers sont également considérées comme des fonds propres (ch. 14 de la circulaire n° 28). Les titres et participations non cotés sont estimés selon la circulaire, mais au minimum à leur valeur comptable (ch. 24.1 de la circulaire n° 28).

7) En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3).

8) La recourante a mentionné pour l'année 2017 dans son bilan, tout comme dans l'état des titres (annexe A) de sa déclaration fiscale, une valeur brute et nette de la participation qu'elle détient auprès de B______ SA pour un montant de
CHF 134'512.-, comme elle l'avait fait pour la période fiscale 2016. Bien qu'elle ait indiqué ne pas avoir comptabilisé de provision pour l'année 2017, il appert qu'elle a vraisemblablement obtenu ce montant en déduisant de la valeur fiscale brute de ses actions (CHF 479'512.-) une provision pour dépréciation de valeur de ses actions B______ SA de CHF 345'000.-, comme elle l'a fait dans le cadre de sa déclaration fiscale 2016, étant précisé qu'une provision a été partiellement admise par l'intimée et le TAPI.

Il convient ainsi de déterminer la valeur de la participation que la recourante détient auprès de B______ SA. Pour ce faire, le mode d'estimation de la société, compte tenu de son activité effective, doit être fixé au préalable.

La recourante conteste le fait que B______ SA soit qualifiée de société de financement, en se référant à l'extrait du registre du commerce la concernant, sans toutefois développer plus sa position. L'AFC-GE relève dans ses écritures que B______ SA doit être classée dans la catégorie des sociétés de financement au regard de la circulaire n° 28 et donc estimée sur la base de sa valeur substantielle uniquement , se fondant uniquement sur le JTAPI/550/2018 précité dans lequel TAPI avait considéré qu'« au vu de son but et de son activité effective ressortant de ses comptes, [B______ SA] fait partie de la catégorie des sociétés de financement ».

À titre préalable, la chambre de céans relèvera que le jugement du TAPI précité, lequel concerne la taxation de la recourante pour l'année 2016, ne précise pas pour quel motif les comptes de B______ SA durant l'année 2016 permettraient de considérer que celle-ci doit être qualifiée de société de financement. Par ailleurs, à teneur de l'extrait du registre du commerce relatif à B______ SA, cette dernière a pour but la réalisation d'opérations mobilières et immobilières, principalement en Suisse. De l'avis de la chambre de céans, la description de son but, tel qu'il ressort du registre du commerce, ne permet pas à lui seul de déterminer l'activité effective de B______ SA au sens de la circulaire n° 28. Cela étant, ladite description serait un indice permettant de qualifier celle-ci bien plus de société commerciale que de société de financement pure au sens de la circulaire précitée.

Le site internet de B______ SA résume ses activités de la manière suivante : « Le but de cette structure est de concevoir des projets immobiliers intéressants et variés, allant de la promotion à la valorisation en passant par la vente et la rénovation. L'avantage majeur de cette structure spécifique se trouve dans la séparation entre l'investissement et la réalisation ; ce qui permet d'avoir deux pôles de professionnels bien distincts avec une répartition des tâches rigides, offrant aux investisseurs une qualité et une fiabilité accrues de leurs engagements. Les réalisations immobilières sont entièrement prises en charge par une équipe de professionnels comprenant une entreprise générale [A______ SA] (www.A______ sa.ch) agréée par le domaine bancaire, ingénieurs et architectes de renom. D'un côté nous trouvons [B______ SA] qui est en charge des promotions immobilières ainsi que du pouvoir décisionnaire d'investissement et de l'autre, nous avons la partie réalisation qui est assurée par notre collège de professionnels spécialisés » (https://www.B______.com/ consulté le 12 octobre 2020). Ainsi, il n'apparaît pas que B______ SA se limite à la seule mise à disposition du capital à l'intérieur d'un groupe ou à des sociétés apparentées, mais développe également une activité de promotion immobilière, laquelle ne permet pas de qualifier celle-ci de société de financement pure. Enfin, les comptes de B______ SA pour l'année 2017, produits par l'AFC-GE sous le couvert du secret fiscal, ne permettent pas non plus de considérer que B______ SA exerçait une activité se limitant à la mise à disposition du capital, eu égard au montant de ses charges d'exploitation et plus particulièrement de personnel.

En définitive, à teneur du but social de B______ SA, tel qu'il ressort du registre du commerce, des éléments ressortant de son site internet, lequel décrit ses activités, mais également des comptes de celle-ci, il convient de considérer que cette dernière exerce une activité commerciale et opérationnelle.

S'il est vrai que l'AFC-GE argumente dans le cadre de la présente procédure contentieuse que B______ SA doit être qualifiée de société de financement et évaluée sur la base de sa valeur substantielle uniquement, il ressort des estimations du service des titres des 7 août 2018 et 13 décembre 2019, portant respectivement sur les comptes 2016 et 2017 de cette dernière, que la valeur de l'entreprise a pourtant été déterminée selon la méthode dite « des praticiens ». La page 2 de chacune desdites estimations mentionne d'ailleurs « l'estimation a été effectuée d'après le modèle 2 selon ch. 7/8 », lequel précise certains éléments pour déterminer la valeur de rendement de l'entreprise.

Les constatations qui précèdent conduisent à considérer que la valeur de B______ SA doit être déterminée, sur la base de ses comptes clos en 2017, selon la méthode dite des praticiens, à savoir la moyenne pondérée entre la valeur de rendement qui est doublée, d'une part, et la valeur substantielle déterminée selon le principe de continuation de l'exploitation, d'autre part, au sens du chiffre 34 de la circulaire n° 28.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, le jugement querellé et les bordereaux litigieux seront annulés et le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE pour nouvelle taxation dans le sens des considérants qui précèdent.

9) Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante n'y ayant pas conclu et n'étant pas assistée d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juillet 2020 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 juin 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 juin 2020 ainsi que les bordereaux de taxation du 4 avril 2019 et les décision sur réclamation du 27 juin 2019 ;

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation de A______ SA pour l'année 2017 au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :