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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2751/2023

JTAPI/419/2024 du 03.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : RENOUVELLEMENT(EN GÉNÉRAL);AUTORISATION DE SÉJOUR;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : ALCP.16.par2; ALCP.24.par1; ALCP.24.par2; ALCP.4; ALCP.6.par1; OLCP.20
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2751/2023

JTAPI/419/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1957, est ressortissante espagnole.

2.             Le 26 janvier 2017, l’entreprise B______ SA a déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de l’intéressée, domiciliée à ______[ESP], auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), en vue d’une activité en qualité de conseillère à la clientèle et vendeuse dans son établissement de C______(VD).

3.             Mme A______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour, valable jusqu’au 6 novembre 2021.

4.             Le 25 octobre 2021, elle en a demandé le renouvellement. A l’appui de sa demande, elle a transmis une attestation de l’Hospice générale (ci-après : l’hospice) datée du 22 octobre 2021 indiquant qu’elle était aidée financièrement depuis le 1er août 2020, à raison de CHF 1'770.- par mois.

5.             Le 22 février 2022, l’OCPM lui a demandé plusieurs compléments. Faisant suite à cette demande par courrier du 21 avril 2022, l’intéressée a expliqué avoir sollicité des prestations complémentaires n’ayant plus d’emploi depuis 2020 du fait de son âge, de ses problèmes de santé et du stress. Elle a produit différents documents, soit :

-          un extrait du registre des poursuites vierge daté du 5 avril 2022 ;

-          une nouvelle attestation de l’hospice du 7 avril 2022 faisant état d’une aide financière mensuelle de CHF 1'971.- ;

-          un certificat de travail de B______ SA du 10 février 2017 attestant d’une activité du 3 janvier au 8 février 2017 ;

-          un certificat de travail d’D______ du 25 août 2020, attestant avoir engagé l’intéressée comme polyvalente, du 22 juin 2018 au 15 octobre 2019 ;

-          un certificat de travail de Madame E______ du 20 août 2020, attestant d’une activité concernant des tâches ménagères pour son foyer, du 15 août 2019 au 31 janvier 2020 ;

-          un certificat de travail du 29 avril 2022 de F______ SA, attestant d’une activité à temps partiel, en qualité d’employée d’entretien, du 1er au 19 septembre 2020 ;

-          un certificat de travail de G______ SA du 26 avril 2022, attestant de différentes missions durant la période du 9 octobre 2020 au 3 mai 2021, notamment en qualité de dame de buffet / caissière ;

-          un certificat médical du 10 août 2020 du Dr. H______ faisant état d’une probable pullulation bactérienne de l’intestin grêle et d’une possible intolérance au lactose, avec traitement via Flagyl puis des cures de probiotiques et alimentation très pauvre en sucre ;

-          un certificat médical du 17 janvier 2022 du centre des allergies et de l’asthme faisant état d’une allergie de type retardée à l’amoxicilline et à la pénicilline ainsi qu’une absence d’allergie environnementale.

6.             Par courriel du 8 juin 2022, Mme A______ a notamment transmis à l’OCPM la décision de refus du service des prestations complémentaires en raison de l’absence de permis de séjour ainsi qu’une attestation de rente AVS démontrant qu’elle percevait une rente de CHF 163.- par mois en 2022.

7.             Par courrier du 10 juin 2022, l’OCPM a fait part à l’intéressé de son intention de rejeter sa demande de renouvellement d’une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendue.

Elle était arrivée à Genève le 7 novembre 2016. En raison de l’âge légal de sa retraite à 64 ans, soit le 6 mai 2021, elle avait perdu la qualité de travailleuse en application de l’art. 6 par. 1 annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). N’ayant pas exercé d’activité lucrative durant les douze derniers mois avant son droit à la retraite, elle avait perdu son droit de demeurer. Dans la mesure où elle percevait des prestations de l’aide sociale depuis le 1er août 2020 pour un montant total de CHF 35'751.- (état au 21 mai 2022) et ne disposait pas de moyens financiers nécessaires et suffisants pour séjourner en Suisse, elle ne remplissait pas les conditions pour une autorisation de séjour sans activité (art. 24 par. 1 annexe I ALCP). De plus, aucun motif important au sens de l’art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203) ne justifiait la poursuite de son séjour en Suisse. Enfin, elle remplissait également un motif de révocation de son autorisation de séjour au sens de l’art. 62 al. 1 let. e de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). A titre subsidiaire, elle n’était pas intégrée au sens de l’art. 58a LEI et ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une autorisation d’établissement.

8.             Le 4 juillet 2022, Mme A______ a fait part de ses observations à l’OCPM. Elle avait travaillé pour G______ SA entre le 9 août 2020 et le 3 mai 2021 de sorte que seule la période entre le 20 mai et le 9 août 2020 pouvait être prise en compte. Si elle recevait de l’aide de l’hospice lorsqu’elle y travaillait, c’était car son salaire n’était pas très élevé mais elle y travaillait bel et bien. Elle avait donc bien la qualité de travailleuse. Entre janvier et août 2020, elle avait fait des recherches d’emploi, sans succès vu la pandémie. A cette période, elle avait eu des problèmes de santé. Sa fille unique vivait à I______[VD] et bénéficiait d’une carte de légitimation. Elle était enceinte de jumelles à naître. Elle souhaitait pouvoir l’aider. Elle n’avait plus de famille dans son pays. Elle avait également des problèmes d’hernie discale depuis la période de son activité auprès d’D______. Elle était très engagée auprès de l’église J______, notamment en tant que trésorière auprès de son Conseil, ce qui était certifié par une attestation qu’elle produisait.

9.             Par décision du 7 août 2023, l’OCPM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de Mme A______, de lui octroyer une autorisation d’établissement et prononcé son renvoi de Suisse, avec un délai au 7 novembre 2023 pour ce faire, pour les motifs ressortant de sa lettre d’intention du 10 juin 2022.

10.         Par acte du 1er septembre 2023, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation. Préalablement, elle a sollicité son audition et celle de sa fille.

L’OCPM n’avait pas pris en compte que la pandémie avait eu un effet considérable sur ses possibilités de retrouver un emploi stable avant ses 64 ans. Son dernier emploi en tant que dame de buffet / caissière n’était pas suffisant pour lui permettre de couvrir toutes ses dépenses. Il s’agissait d’un emploi précaire et sur appel, ne lui garantissant pas de stabilité financière. Elle avait été ainsi contrainte d’émarger à l’aide sociale. Cela aurait dû être pris en compte dans l’analyse du cas sous l’angle de l’art. 20 OLCP. La conjoncture économique et son âge avancé rendaient les possibilités de retrouver et maintenir un emploi durant douze mois de manière ininterrompue avant ses 64 ans plus difficiles que pour une personne plus jeune. Cette exigence aurait dû être amoindrie. Elle avait fait preuve d’une bonne intégration depuis son arrivée en Suisse. Elle avait travaillé du 9 août 2020 au 3 mai 2021, soit durant huit mois et vingt-cinq jours pour G______ SA, jusqu’à la veille de ses 64 ans. Se sachant exigible à une rente AVS, elle avait pensé en toute bonne fois qu’elle devait déposer une demande de retrait ordinaire sans soupçonner que le renouvellement de son permis de séjour en pâtirait. Sa seule famille composée de sa sœur, sa fille et ses deux petites filles vivait à Genève. Elle s’occupait quotidiennement de ses petites filles en bas-âge et cette aide était indispensable à sa fille. Cette dernière était prête à se porter garante et d’éventuellement la laisser faire ménage commun avec elle tout en garantissant son entretien. Elle n’avait aucun proche en Espagne ni en Equateur. Ses possibilités de réintégration dans ces deux pays étaient inexistantes. Cela faisait sept ans qu’elle vivait à Genève, son nouveau centre de vie.

Elle a produit un chargé de pièces dont une attestation du 17 août 2023 de sa fille expliquant que sa mère avait déménagé en Suisse pour être proche d’elle, que son soutien était indispensable, notamment pour s’occuper de ses deux filles qu’elle gardait tous les jours de la semaine et qu’elle la prenait en charge financièrement hormis son loyer et son assurance maladie qu’elle ne pouvait assumer vu sa propre situation financière alourdie depuis la naissance de ses filles, une attestation de sa sœur du 30 août 2023 attestant qu’elle était parfaitement intégrée en Suisse ainsi qu’une attestation du 31 août 2023 de Madame K______ soulevant son honnêteté, sa rigueur et son caractère agréable.

11.         Dans ses observations du 30 octobre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours et persisté dans l’argumentaire de la décision contestée.

Il a produit son dossier dont une décision de prestations d’aide sociale du 1er juin 2023 du service des prestations complémentaires indiquant que Mme A______ avait droit dès le 1er juillet 2023, à des prestations mensuelles d’un montant de CHF 2'336.- et une attestation de l’école club Migros du 17 février 2020 attestant que l’intéressée possédait un niveau de compétence A2 en français.

12.         La recourante a répliqué le 27 novembre 2023. La durée de son séjour, de sept ans, était longue selon la jurisprudence. Son intégration économique était décente au vu des circonstances sanitaires et de son âge avancé. Elle avait créé un cercle social à Genève et suivi des cours de français. Dès lors, son intégration était suffisante. Elle n’avait aucune possibilité de réintégration en Espagne. Au surplus, elle a persisté dans ses conclusions et argumentaire.

13.         Dans sa duplique du 8 décembre 2023, l’OCPM n’a pas fait valoir d’observations complémentaires.

14.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante a sollicité préalablement sa comparution personnelle ainsi que celle de sa fille.

4.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

5.             Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

6.             En l’espèce, le tribunal estime que la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit et de produire tous moyens de preuve aptes à démontrer ses allégués, de sorte que son audition et celle de sa fille, qui a écrit un courrier circonstancié pour appuyer le recours de sa mère, n’apparaissent pas nécessaires. Ainsi, il convient de retenir que le dossier contient les éléments suffisants et utiles, tels qu'ils ressortent des écritures de la recourante et de l’OCPM, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige. Par conséquent, les demandes d'instruction, en soi non obligatoires, seront rejetées.

7.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

8.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

9.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

10.         La recourante sollicite la prolongation de son autorisation de séjour.

11.         La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l'ALCP.

12.         L’ALCP et l’OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE. La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

13.         En l'espèce, la recourante est de nationalité espagnole, de sorte que sa situation doit être examinée sous l'angle de l'ALCP et de l'OLCP.

14.         Le champ d’application personnel et temporel de l’ALCP ne dépend en principe pas du moment auquel un ressortissant UE arrive ou est arrivé en Suisse, mais seulement de l’existence du droit de séjour garanti par l’accord au moment où l’étranger le fait valoir (ATF 134 II 10 consid. 2 ; 131 II 339 consid. 2). En outre, l'application de l'ALCP suppose que la personne visée entre dans l'une des différentes situations de libre circulation prévues par l'accord (travailleur salarié, indépendant, chercheur d'emploi, étudiant, etc.) et qu'elle remplisse les conditions afférentes à son statut (ATF 131 II 329 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.169/2004 consid. 6).

15.         Aux termes de l’art. 16 par. 2 ALCP, dans la mesure où l’application de l’accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (actuellement : Cour de justice de l’Union européenne; ci-après : la Cour de justice UE) antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature de l’ALCP est cependant prise en compte par le Tribunal fédéral pour assurer le parallélisme du système qui existait au moment de la signature de l’accord et tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de l’UE (ATF 136 II 5 consid. 3.4).

16.         Pour prétendre à l'application des dispositions de l'ALCP, il faut que le ressortissant étranger dispose d'un droit de séjour fondé sur l'accord (arrêt 2C_308/2017 du 21 février 2018 consid. 5.1).

17.         Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'Annexe I ALCP (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

18.         À teneur de l'art. 24 par. 1 Annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans le pays de résidence reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant son séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).

19.         Les conditions posées par cette disposition servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l'État d'accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d'assurer le minimum existentiel de l'étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.4.2).

20.         L’art. 24 par. 2 Annexe I ALCP précise que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s'ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : normes CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d'autres termes, on considère que la condition de l'art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d'un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l'accès à l'aide sociale (ATF 144 II 113 consid. 4.1).

21.         Selon l'art. 4 ALCP, le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'art. 10 ALCP et conformément aux dispositions de l’annexe I. Les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de séjourner et d'exercer une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante selon les modalités prévues aux chapitres II à IV de l'Annexe I ALCP (art. 2 al. 1 Annexe I ALCP).

22.         Selon l’art. 6 par. 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance.

23.         La notion de travailleur, qui délimite le champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l’objet d’une interprétation stricte (ATF 131 II 339 consid. 3.2). Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d’une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d’autre part, une personne à la recherche réelle d’un emploi doit être qualifiée de travailleur. La recherche réelle d’un emploi suppose que l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à en chercher un et qu’il a des chances véritables d’être engagé ; sinon il n’est pas exclu qu’il soit contraint de quitter le pays d’accueil après six mois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_390/2013 du 10 avril 2014 consid. 3.1 et les divers arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne [CJCE] cités).

24.         Conformément à l'art. 2 par. 1 let. a du règlement (CEE) 1251/70, a le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d'un État membre, le travailleur qui, au moment où il cesse son activité, a atteint l'âge prévu par la législation de cet État pour faire valoir des droits à une pension de vieillesse et qui y a occupé un emploi pendant les douze derniers mois au moins et y a résidé d'une façon continue depuis plus de trois ans.

25.         Selon les Directives du SEM concernant l'introduction progressive de la libre circulation des personnes, le droit de demeurer est en principe maintenu, indépendamment du fait que la personne ait bénéficié ou non d'éventuelles prestations de l'aide sociale, et s'étend aux membres de la famille indépendamment de leur nationalité (Directives OLCP, version octobre 2022, ch. 10.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral F-2589/2017 du 23 avril 2019 consid. 5.1).

26.         En l’espèce, la recourante ne peut ainsi pas prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative puisqu’elle n’en n’exerce pas. Elle a atteint l’âge de la retraite le 6 mai 2021. Durant les douze mois précédents cette date, elle a travaillé pour le compte de F______ SA du 1er au 19 septembre 2020 et pour le compte de G______ SA du 9 octobre 2020 au 3 mai 2021. Elle a ainsi travaillé durant environ huit mois sur la période précédant sa retraite au lieu des douze exigés, de sorte qu’elle ne peut tirer un droit de demeurer sur sol helvétique fondé sur l’art. 2 par. 1 let. a du règlement (CEE) 1251/70. Par ailleurs, au vu du caractère accessoire et marginal de ces emplois, que la recourante qualifie elle-même de précaires et sur appel, se pose la question de savoir si elle pouvait légitimement être considérée comme travailleuse au sens de la jurisprudence précitée. Cette question peut toutefois restée ouverte vu l’absence d’activité lucrative durant la période de douze mois exigée. En tout état, ni la pandémie ni l’âge avancé de la recourante ni les affections dont elle a souffert, somme toute bénignes, ne peuvent être pris en compte pour contourner l’exigence des douze mois d’activité lucrative avant son droit à la retraite.

La recourante est sans emploi, bénéficie de prestations complémentaires, de prestations de l’hospice et d’une rente AVS. Elle ne peut pas non plus prétendre à une autorisation de séjour sans activité lucrative, ne disposant manifestement pas des moyens financiers suffisants afin de subvenir à ses besoins sans l'aide de l'assistance publique. Il sera également relevé que quand bien même sa fille a déclaré la prendre en charge financièrement, cette dernière a clairement indiqué ne pas avoir les moyens de payer le loyer de sa mère vu sa situation économique alourdie depuis la naissance de ses enfants ni son assurance maladie.

27.         Aux termes de l’art. 20 OLCP, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies notamment au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM ; art. 29 OLCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). Cette liberté d’appréciation est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l’interdiction de l’arbitraire et l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

28.         Les conditions posées à l’admission de l’existence de motifs importants au sens de cette disposition correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l’art. 31 OASA, de sorte qu’une application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait entrer en ligne de compte si les exigences prévues par l’art. 20 OLCP ne sont pas réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

29.         À teneur de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

30.         L’art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l’examen de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l’état de santé, étant précisé qu’il convient d’opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l’intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3).

31.         Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l’art. 20 OLCP, il s’agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d’un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

32.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas particulier.

33.         Les directives et commentaires du SEM concernant l’ordonnance sur la libre circulation des personnes, état janvier 2023, (ci-après : directives OLCP) (ch. 6.5), précisent que dans la mesure où l’admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP en relation avec l’art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

34.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal constate qu’aucun motif important ne commande que la recourante puisse demeurer en Suisse en vertu de l’art. 20 OLCP.

35.         Elle séjourne en Suisse depuis le 7 novembre 2016, soit depuis sept ans et demi environ. Elle ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle vu les activités exercées de manière très sporadique. Il convient en outre de rappeler que le fait de ne pas avoir contracté de dettes et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu du domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Enfin, aucun élément ne permet de retenir qu'elle serait confrontée à des problèmes insurmontables pour se réintégrer en Espagne, pays où elle vivait avant sa venue en Suisse et dont elle connait la culture et la langue. En tout état, en sa qualité de ressortissante européenne, elle pourra, si elle le désire, revenir en Suisse pour des visites à sa famille.

36.         Dans ces circonstances, aucun motif important n’exige la poursuite du séjour de la recourante en Suisse.

37.         Par conséquent, le tribunal parvient à la conclusion que l'autorité intimée n'a pas méconnu la législation applicable ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de prolonger l'autorisation de séjour sollicitée.

38.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

39.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

40.         La recourante n'obtenant pas d’autorisation de séjour, c'est également à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse. Il n'apparaît en outre pas que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

41.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

42.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

43.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

44.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er septembre 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 7 août 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière