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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1275/2022

ACST/25/2022 du 22.12.2022 ( ABST ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.02.2023, rendu le 05.04.2024, PARTIELMNT ADMIS, 2C_79/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1275/2022-ABST ACST/25/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 22 décembre 2022

 

dans la cause

 

A______
et
B______ SA
et
C______ SÀRL
et
D______ SA
et
E______ SÀRL
représentées par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

GRAND CONSEIL


EN FAIT

1) L’A______ (ci-après : l’association) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ayant son siège à Genève. Elle a notamment pour but de défendre et faire respecter les intérêts professionnels de ses membres, à savoir toute entreprise de location de voitures et de minibus avec chauffeur établie à Genève et ayant adhéré à l’association.

B______ SA, C______ Sàrl, D______ SA et E______ Sàrl (ci-après : les sociétés) sont des entreprises de service de limousine et de minibus avec chauffeurs avec sièges à Genève, canton dans lequel elles sont inscrites au registre du commerce et où elles exercent leurs activités. Elles sont membres de l’association.

2) Le 15 mai 2005 est entrée en vigueur l’ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles du 21 janvier 2005 - aLTaxis - H 1 30) et son règlement d’exécution du 4 mai 2005 (aRTaxis - H 1 30.01). L’aLTaxis prévoyait trois catégories de transport professionnel de personnes, à savoir les taxis de service public, lesquels étaient soumis à un numerus clausus et disposaient d’un usage accru du domaine public (art. 19 aLTaxis), les taxis de service privé et les limousines, ces dernières pouvant se voir accorder l’accès à des zones ou rues où la circulation était restreinte dont l’usage apparaissait nécessaire à un bon exercice de leur service (art. 13 al. 4 aRTaxis). Elle subordonnait l’exercice de l’activité en tant qu’employé à l’obtention de la carte professionnelle de chauffeur de taxi pour les deux premières catégories (art. 6 aLTaxis) et de la carte professionnelle de chauffeur de limousine pour la troisième (art. 7 aLTaxis), la carte professionnelle de chauffeur de taxi permettant d’exercer l’activité de chauffeur de limousine, mais pas l’inverse. En vue de l’exercice en qualité d’indépendant, les chauffeurs devaient en outre obtenir l’autorisation d’exploiter respectivement un taxi de service privé (art. 10 aLTaxis), un taxi de service public (art. 11 aLTaxis) ou un service de limousine (art. 14 aLTaxis). L’exploitation d’une entreprise de limousines était subordonnée à l’obtention de la carte professionnelle de chauffeur de limousine, de la carte de dirigeant d’une entreprise et de l’autorisation d’exploiter une entreprise de limousine (art. 8 et 15 aLTaxis).

3) Le 27 mars 2014, le Grand Conseil a adopté la loi n° 10'697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes (aLTSP).

4) a. Le 13 octobre 2016, le Grand Conseil a adopté la loi n° 11'709 sur les taxis et les voitures de transport de personnes avec chauffeur (aLTVTC - H 1 31), entrée en vigueur le 1er juillet 2017, qui a abrogé l’aLTaxis et l’aLTSP, cette dernière n’étant jamais entrée en vigueur.

L’aLTVTC prévoyait deux catégories de transport professionnel de personnes, soit les taxis (art. 4 let. a aLTVTC), regroupant les anciennes catégories de taxis de service public et de service privé, et les voitures de transport avec chauffeur (ci-après : VTC ; art. 4 let. b aLTVTC), correspondant aux limousines. Pour exercer l’activité de chauffeur de taxi et de VTC, le chauffeur devait être titulaire d’une carte professionnelle, subordonnée à la réussite d’examens (art. 5 aLTVTC), aux exigences différentes pour les taxis et les VTC mais portant pour les deux catégories notamment sur la topographie (art. 8 et 9 du règlement d’exécution de la LTVTC du 21 juin 2017 - aRTVTC - H 1 31.01). Seuls les taxis, au bénéfice d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP), soumise à un numerus clausus, pouvaient utiliser le domaine public de manière accrue (art. 11 et 19 aLTVTC). La carte professionnelle de chauffeur de taxi ne conférait à son titulaire le droit d’exercer la profession que s’il disposait d’une voiture immatriculée pour l’usage accru du domaine public ; à défaut, il pouvait exercer une activité en tant que chauffeur de VTC (art. 3 al. 2 aRTVTC). Les entreprises de transport proposant des services de taxis ou de VTC avaient pour seule obligation de s’annoncer auprès de l’autorité cantonale compétente (art. 8 al. 1 aLTVTC).

b. Il résulte de l’exposé des motifs relatif à l’aLTVTC, qui s’inspirait de l’aLTSP, que les activités de taxi et de VTC étaient similaires dans leur définition et devaient assurer une complémentarité dans l’offre de transports, le chauffeur de taxi bénéficiant toutefois d’un usage accru du domaine public, de la visibilité liée à l’enseigne « taxi » et d’emplacements privilégiés, contrairement aux chauffeurs de VTC. Il avait été renoncé à la carte professionnelle de dirigeant d’entreprise et à l’autorisation d’exploiter une entreprise, aucun intérêt public ne commandant de faire passer un examen à un tel dirigeant. L’autorité devait néanmoins connaître les entreprises actives sur le marché, s’agissant d’une profession réglementée, si bien que celles-ci devaient s’annoncer auprès d’elle.

Lors de ses travaux, la commission parlementaire des transports (ci-après : la commission parlementaire) a procédé à plusieurs auditions, dont celle des représentants de l’association, qui ont expliqué que les entreprises de limousines proposaient un service de taxis de luxe, disposaient d’une flotte de véhicules haut de gamme et employaient des chauffeurs expérimentés, « stylés » et polyglottes. Ces prestations étaient offertes, sur commande et selon un prix convenu à l’avance, à une clientèle internationale composée de diplomates, de cadres supérieurs ainsi que de vedettes du sport et du « show business ». Les transactions s’effectuaient en général entre deux entreprises, le client transporté étant amené par des hôtels, des voyagistes et des banques, si bien qu’il n’existait pas de contact direct avec ce dernier. Un tel service était donc très différent de celui proposé par les taxis, requérant un statut particulier dévolu aux limousines. Le fait d’assimiler ces dernières aux VTC réduisait en outre leur visibilité. Par ailleurs, l’association n’était pas favorable à la suppression de la carte de dirigeant d’entreprise et l’autorisation d’exploiter une entreprise en raison de son impact sur la qualité des services offerts sur le marché des transports de personnes.

5) Le 25 février 2020, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un rapport n° RD 1'327 sur le bilan intermédiaire de l’aLTVTC.

6) Le lendemain, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un PL 12'649 sur les taxis et la voitures de transport avec chauffeur (LTVTC - H 1 31).

Selon l’exposé des motifs y relatif, le PL conservait le même intitulé que l’aLTVTC, l’essentiel de son dispositif, son champ d’application et les définitions des professions. Il visait à renforcer le dispositif existant, sans le remplacer. Ces renforcements concernaient essentiellement, outre la réglementation des baux à ferme, la rotation des AUADP, les contrôles et les sanctions, le rétablissement du système de l’autorisation. Le PL visait ainsi à instituer le système de l’autorisation pour l’ensemble des professions soumises à son champ d’application, dès lors qu’en matière de professions réglementées, le principe de l’autorisation constituait la règle et prévalait déjà sous l’égide de l’aLTaxis. Ce système avait été maintenu dans l’aLTVTC pour les chauffeurs, de taxi ou de VTC, ces derniers devant obtenir la carte professionnelle pour accéder à la profession. Pour les exploitants d’entreprises de transport ou de diffusion de courses, le système de l’autorisation avait été aboli par l’aLTVTC et remplacé par une simple obligation d’annonce, ce qui avait permis auxdites entreprises d’exercer immédiatement leur activité, sans contrôle préalable de l’autorité. La suppression de cette étape s’était toutefois révélée problématique, notamment lorsque l’activité annoncée ne correspondait pas à celle effectivement exercée. Ainsi, le rétablissement du système de l’autorisation permettrait à l’autorité compétente de procéder à un contrôle systématique de tous les acteurs du secteur, et pas uniquement les chauffeurs, en vérifiant notamment que les entreprises respectent leurs obligations en matière d’assurances sociales et de lutte contre le travail au noir. Ces aspects étaient particulièrement importants, dès lors que le non-respect des prescriptions sociales précarisait les chauffeurs concernés, entraînait des distorsions de concurrence, pénalisait les entreprises les plus loyales et s’ajoutait de manière indue aux difficultés structurelles rencontrées par ces dernières.

Comme sous l’empire de l’aLTVTC, les AUADP étaient limitées en nombre et en durée, attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance selon des critères objectifs. L’immatriculation des VTC reprenait également la teneur de l’aLTVTC, en leur attribuant des numéros spécialement dédiés. Une nouveauté résidait dans la possibilité, pour les voitures de taxi, d’être utilisées en tant que VTC, moyennant le retrait de la bonbonne lumineuse, ainsi que du logo officiel. L’étendue du droit d’usage accru du domaine public accordé aux taxis n’était pas modifiée et ne bénéficiait pas, comme dans l’aLTVTC, aux VTC, lesquels ne pouvaient ni s’arrêter sur la voie publique pour prendre en charge un client qui les aurait spontanément hélées, ni stationner sur le domaine public dans l’attente de recevoir une course, ni circuler dans cette même attente. Le principe du prix des courses des VTC était repris de l’aLTVTC, qui prévoyait que ledit prix était fixé, avant la course, librement entre le client et le chauffeur. En matière de prescriptions autonomes pouvant être édictées par l’AIG, la teneur de l’aLTVTC était également reprise, afin de réguler l’accès des taxis et des VTC à son périmètre. Le Conseil d’État devait toutefois conserver un droit de regard sur la réglementation mise en place par l’AIG, raison pour laquelle celle-ci était soumise à son approbation.

7) Le 16 août 2021, après avoir tenu vingt-deux séances entre avril 2020 et janvier 2021, la commission parlementaire a rendu son rapport au sujet du PL 12'649.

Selon la présentation par le département du PL, les VTC exerçaient leurs activités selon le principe de la liberté économique et n’avaient, de ce fait, pas d’obligation de complémentarité avec les transports publics et aucun numerus clausus ne pouvait leur être imposé, les règles et restrictions posées par le PL ne visant qu’à protéger le client et l’ordre public. Le chauffeur de VTC ne pouvait pas exercer en qualité de chauffeur de taxi, mais ce dernier pouvait « faire VTC », une distinction devant être effectuée entre la carte professionnelle et l’AUADP.

Par ailleurs, la commission parlementaire a notamment procédé à l’audition de l’Union des taxis genevois, de l`Association genevoise des VTC ou encore de l’Association des chauffeurs de taxi sans plaques à Genève.

Durant les débats, un amendement à l’art. 18 du PL a été adopté, consistant à limiter progressivement les émissions de CO2 des voitures utilisées pour le transport individuel de personnes, au vu des objectifs de réduction de 60 % des émissions de CO2 d’ici 2030 et d’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 selon le plan climat cantonal. Selon les discussions des commissaires, les taxis et VTC parcouraient actuellement environ 60'000 km par année, circulant toute la journée au regard des prestations offertes. À court terme, de nombreux nouveaux moyens seraient mis en place pour les recharges électriques ou hydrogènes, ce qui permettait aux chauffeurs de s’organiser et amortir leurs véhicules. Un système d’exclusion de certains véhicules par étapes, en fonction de leurs valeurs d’émission, était proposé, afin d’améliorer progressivement le niveau qualitatif des véhicules en matière d’émission de CO2. Actuellement, plus de 50 % des taxis à Genève étaient des véhicules hybrides, fonctionnant à l’électricité et à l’essence, et 41,6 % du parc automobile était constitué de véhicules de catégorie « A » selon l’étiquette-énergie. Il n’était donc pas impensable que dans six ans, les véhicules automobiles de classe « A » représenteraient la totalité dudit parc. Par ailleurs, un véhicule d’une certaine classe énergétique, lors de sa mise en service, conservait cette classe durant son existence, malgré les évolutions technologiques. Les véhicules de taxi étaient en outre en majorité changés tous les trois ans. Le non-respect des obligations relatives aux voitures pouvait conduire à une suspension de l’AUADP, mais non au retrait des plaques, en l’absence de compétence y relative du point de vue du droit fédéral conférées à l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV).

8) Le 16 août 2021 également, la commission parlementaire chargée d’étudier le rapport n° RD 1'327 a rendu son rapport, qui relève notamment que les associations de limousines n’avaient pas été consultées par le département, dès lors qu’elles n’étaient pas directement concernées par les modifications projetées de l’aLTVTC.

9) Lors de sa séance du 8 octobre 2021, le Grand Conseil a renvoyé le PL 12'649 à la commission parlementaire.

10) Le 11 janvier 2022, la commission parlementaire a rendu un deuxième rapport concernant le PL 12'649, après avoir tenu huit séances entre octobre et décembre 2021.

Lors de la présentation de certaines problématiques du PL, la représentante du département a indiqué qu’un délai de dix ans était prévu pour arriver à une situation « zéro carbone », ce qui permettait une transition naturelle vers des taxis n’émettant pas de gaz à effet de serre. Il était probable que le marché évoluerait naturellement et spontanément dans ce sens. L’État pouvait encourager les chauffeurs à procéder plus rapidement à ce transfert, par exemple en aménageant des stations dans lesquelles des bornes de recharge seraient mises à disposition de leur véhicule et dont la mise en œuvre pouvait être financée par le biais de la taxe AUADP.

Durant les débats, un amendement concernant le prix des courses des VTC a été proposé, en particulier en lien avec ceux pratiqués lors de l’incident ferroviaire dit du « trou de Tolochenaz », lors duquel certaines personnes, désespérées, avaient payé jusqu’à CHF 350.- pour rentrer chez elles. Dans ce type de situation, une limite de prix devait être fixée, y compris pour les VTC, afin d’enrayer des abus manifestes.

11) Le 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la loi 12'649, qui a notamment la teneur suivante :

« Chapitre I Dispositions générales

Art. 1 But

1 La présente loi a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité.

2 Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique.

( )

Art. 5 Définitions

Au sens de la présente loi et de ses dispositions d’application, on entend par :

a) « taxi » : une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, contre rémunération dans les limites maximales de la loi, offrant une complémentarité en matière de transport public et bénéficiant de l’usage accru du domaine public ainsi que du droit exclusif de faire usage de la dénomination « Taxi », notamment dans le cadre de sa publicité ;

b) « voiture de transport avec chauffeur » (ci-après : VTC) : une voiture automobile des catégories M1 ou M2 jusqu’à 3,5 tonnes au sens du droit fédéral, dont le chauffeur se met à la disposition de tout public pour effectuer le transport professionnel de personnes et de leurs effets personnels, par commande ou réservation préalable uniquement, contre rémunération convenue d’entente avec le client, ne bénéficiant ni de l’usage accru du domaine public ni du droit de faire usage de la dénomination « Taxi » ;

( )

Chapitre II Accès aux professions

Section 1 Chauffeurs

Art. 7 Carte professionnelle

Principes

1 La carte professionnelle de chauffeur vaut autorisation d’exercer, en qualité d’employé ou d’indépendant, la profession pour laquelle le diplôme visé à l’article 8 a été obtenu. La carte professionnelle de chauffeur de taxi permet en outre d’exercer la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de VTC.

( )

Section 2 Entreprises de transport

Art. 10 Autorisation d’exploiter

Conditions de délivrance

2 L’autorisation est délivrée à une personne physique ou morale lorsque la requérante :

c) est titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi, respectivement de VTC selon la catégorie des services qu’elle propose, et en réalise toujours les conditions de délivrance. Lorsque la requérante est une personne morale, le titulaire de la carte professionnelle doit être une personne ayant le pouvoir d’engager et de représenter valablement l’entreprise ;

( )

Section 4 Immatriculations

Art. 13 Autorisation d’usage accru du domaine public

Principes

1 Les autorisations d’usage accru du domaine public sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique.

( )

Art. 14 Immatriculation des VTC

1 Les VTC sont immatriculées au moyen de plages de numéros qui leur sont spécialement dédiées.

( )

Chapitre III Exercice des professions

Section 1 Dispositions communes

Art. 18 Obligations relatives aux voitures

2 Afin de limiter progressivement les émissions de CO2, les voitures utilisées doivent :

a) dès le 1er juillet 2024, avoir une efficacité énergétique correspondant aux catégories étiquette-énergie A, B, C ou D ;

b) dès le 1er juillet 2027, avoir une efficacité énergétique correspondant à la catégorie étiquette-énergie A ;

c) dès le 1er juillet 2030, ne plus émettre de CO2.

3 Lorsqu’une voiture de taxi est utilisée en tant que VTC, l’équipement visé à l’article 21, alinéa 1, lettres b et c, de la présente loi doit être retiré. Durant le changement d’affectation, la section 3 du présent chapitre s’applique à l’activité déployée, à l’exclusion de la section 2.

( )

Section 2 Droits et obligations spécifiques aux taxis

Art. 20 Usage du domaine public

1 Tout taxi en service dispose d’un droit d’usage accru du domaine public, lui permettant, aux endroits où la mention « Taxi » ou « Taxis exceptés » est spécifiquement indiquée :

a) de s’arrêter aux stations de taxis dans l’attente de clients ;

b) d’utiliser les voies réservées aux transports en commun ;

c) d’emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte.

( )

Section 3 Droits et obligations spécifiques aux VTC

Art. 24 Usage du domaine public

1 Les VTC ne disposent d’aucun droit d’usage accru du domaine public ; elles ne peuvent ni circuler sur le domaine public dans l’attente de recevoir une course ni s’arrêter sur la voie publique pour accepter une course lorsqu’elles sont hélées par un client.

2 Les VTC ne peuvent effectuer des courses que sur commande ou réservation préalable et doivent, en tout temps, pouvoir en justifier.

( )

Art. 26 Prix des courses

2 Le Conseil d’État peut fixer des prix maximum si des abus sont constatés.

( )

Chapitre IV Aéroport international de Genève

Art. 33 Prescriptions autonomes

3 Pour les services de VTC, le règlement de l’Aéroport international de Genève peut :

a) définir une zone de son périmètre (zone de prise en charge) suffisamment distincte de celle des taxis, dont l’accès est réservé aux VTC, assurant la prise en charge des clients qui les ont commandées préalablement, à l’exclusion de toute course spontanée ;

b) fixer une taxe d’accès à la zone de prise en charge, servant à son aménagement, sa gestion et sa surveillance, notamment pour contrôler que la prise en charge de clients n’intervient que sur réservation ou commande préalable ;

c) prendre toutes mesures opérationnelles pour réguler l’accès à la zone de prise en charge et garantir une prise en charge fluide des clients ;

d) limiter, pour des motifs de sécurité et d’ordre public, le nombre de voitures présentes simultanément dans la zone de prise en charge ;

e) interdire l’accès à la zone de prise en charge des clients, lorsqu’il apparaît que le chauffeur ne respecte pas ses obligations ;

f) fixer des critères d’exclusion temporaire ou définitive, en particulier lorsque le chauffeur exerce en étant sous le coup d’une mesure ou d’une sanction, ou si, sur le périmètre aéroportuaire, notamment, il entrave la circulation, crée un trouble à l’ordre public ou stationne hors de la zone de prise en charge.

( )

Chapitre X Dispositions finales et transitoires

Art. 45 Entrée en vigueur

Le Conseil d’État fixe la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

( ) »

12) La LTVTC a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 4 février 2022, le délai référendaire étant fixé au 16 mars 2022.

13) Bien qu’ayant été demandé, le référendum n’a pas abouti, ce qu’a constaté le Conseil d’État par arrêté du 13 avril 2022, publié dans la FAO du lendemain.

14) Par arrêté du 23 mars 2022, publié dans la FAO du 25 mars 2022, le Conseil d’État a promulgué la LTVTC pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de la publication dudit arrêté, l’entrée en vigueur de la loi devant être fixée ultérieurement par le Conseil d’État.

15) a. Par acte expédié le 22 avril 2022, les sociétés et l’association ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la loi 12'649, concluant à l’annulation de l’art. 5 al. 1 let. b, de l’art. 7 al. 1, de l’art. 10 al. 2 let. c, de l’art. 13 al. 1, de l’art. 14 al. 1, de l’art. 18 al. 2 et 3, de l’art. 20 al. 1 let. c, de l’art. 24 al. 1 et 2, de l’art. 26 al. 2 et de l’art. 33 al. 3 LTVTC et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Leur droit d’être entendu n’avait pas été respecté, malgré leur demande formelle. Le milieu des limousines n’avait ainsi pas été auditionné lors du processus d’élaboration de la loi, seules l’Association genevoise des VTC, qui ne représentait pas leur milieu, et une centrale téléphonique de réservation de courses de VTC l’ayant été. Elles n’avaient ainsi pas été en mesure de présenter leurs arguments au sujet des dispositions adoptées, en particulier concernant la possibilité laissée aux taxis d’officier comme VTC et de la délimitation des différents services, questions n’ayant au demeurant pas été abordées par les députés lors de l’élaboration de la loi.

Sur le fond, les dispositions contestées, outre qu’elles violaient la liberté économique et contrevenaient au principe d’égalité de traitement, étaient également contraires à la primauté du droit fédéral, qui réglait de manière exhaustive l’admission des véhicules à la circulation.

Ainsi, contrairement à ce qui était prévu antérieurement, les VTC ne disposaient plus d’un usage accru du domaine public leur permettant d’emprunter certaines zones ou rues où les clients voulaient se rendre et dans lesquelles la circulation était restreinte, alors qu’une telle possibilité était laissée aux taxis, qui se trouvaient privilégiés. Une telle différence de traitement, dont on peinait à voir la pertinence, n’était justifiée par aucun intérêt public, en présence de besoins identiques de la clientèle et d’absence de nuisances ou de risques plus élevés de la part des VTC que de celle des taxis. Le fait d’empêcher l’accès des VTC à ces secteurs réduisait dès lors leurs possibilités de satisfaire leur clientèle et diminuait de ce fait leur activité. Les art. 5 al. 1 let. b, 20 al. 1 let. c et 24 al. 1 LTVTC devaient donc être annulés.

Il en allait de même de l’art. 7 al. 1 LTVTC, qui ne permettait pas aux chauffeurs de VTC d’exercer la profession de chauffeur de taxi alors que l’inverse était possible, sans aucun motif d’intérêt public justifiant de différencier les deux cartes professionnelles. À supposer que tel soit néanmoins le cas, les chauffeurs de taxi devaient également être titulaires d’une carte de VTC pour conduire cette dernière catégorie. Il convenait en outre d’instaurer une carte professionnelle de chauffeur de limousine avec des exigences particulières liées à ce service, dont les connaissances étaient spécifiques.

En exigeant que l’autorisation d’exploiter une société soit subordonnée à la titularité d’une carte professionnelle par l’une des personnes pouvant l’engager et la représenter, l’art. 10 al. 2 let. c LTVTC portait atteinte à la liberté de l’entreprise de choisir son mode de fonctionnement. Transposée au domaine aérien, une telle réglementation revenait à exiger le brevet de pilote d’une personne habilitée à représenter ou engager l’entreprise, ou, dans le domaine des transports publics, que des chauffeurs soient membres du conseil d’administration des Transports publics genevois (ci-après : TPG). La disposition en cause était également potentiellement contraire au droit supérieur, puisque les prescriptions relatives aux entreprises de transport de personnes par véhicules automobiles étaient du ressort de la seule Confédération.

L’art. 14 al. 2 LTVTC omettait de faire les distinctions imposées par les circonstances, puisque la situation des services de VTC de type « Uber » était très différente d’un service de limousines, qui assurait un service de grande qualité, avec des exigences accrues de la part de la clientèle, tant concernant la qualité que l’entretien des véhicules, que des prestations assurées par les chauffeurs, en particulier au niveau de la tenue, des usages et des connaissances linguistiques. Étant donné qu’il s’agissait de deux métiers différents, qui devaient être distingués, deux cartes de chauffeurs distinctes devaient être prévues, l’une pour les services de taxi et VTC de type « Uber », l’autre spécifique au service traditionnel de limousines. Dans ce cadre, le fait de permettre aux taxis d’officier également comme VTC créait une grave distorsion de la concurrence par rapport aux entreprises spécialisées de limousines, puisqu’il leur suffisait d’enlever leurs signes distinctifs pour faire un service de VTC à un coût d’exploitation moindre, contrairement aux limousines, qui ne pouvaient affecter leur parc de véhicules qu’à un seul service.

Sous l’intitulé « obligations relatives aux voitures », l’art. 18 al. 2 LTVTC réglementait l’emploi de véhicules automobiles en tant que tel sur le réseau routier, alors que seule la Confédération était habilitée à édicter des règles en matière de circulation routière concernant l’admission des véhicules automobiles à la circulation. Ainsi, l’obligation, étalée dans le temps, de ne faire usage que de certains véhicules équivalait à interdire l’usage d’autres véhicules que ceux prévus par la loi pour le transport de personnes, alors qu’ils étaient autorisés par le droit fédéral. Les cantons ne disposaient pas non plus de compétences en matière de réglementations complémentaires dans le domaine des véhicules automobiles ni sur la base des dispositions en matière de protection de l’environnement ou de celles relatives à la limitation progressive des émissions de CO2, puisque l’importation et la construction de véhicules étaient de la compétence de la Confédération. À cela s’ajoutait que le critère de l’étiquette-énergie était étranger au droit de la circulation routière puisque, d’une part, il ne pouvait que servir de base d’information pour le consommateur dans le choix d’un véhicule et que, d’autre part, les critères admis pour la réduction des émissions de CO2 par les véhicules automobiles étaient calculés en fonction d’autres données. La disposition litigieuse emportait également une violation du principe de l’égalité de traitement, notamment par rapport au transport professionnel de marchandises, qui n’était pas soumis à de telles limitations. Par ailleurs, du point de vue la liberté économique, un parc automobile de limousines classiques consistait en un investissement financier important et était prévu pour une utilisation sur le long terme, l’amortissement n’étant réalisé qu’après cinq à sept ans. Or, en imposant aux sociétés concernées des délais fixes pour changer de véhicule et acquérir ceux mentionnés, la loi était de nature à mettre en péril leur survie.

L’art. 18 al. 3 LTVTC devait également être annulé, puisque le fait d’autoriser les taxis à assurer parallèlement un service de VTC était contraire à l’égalité de traitement entre concurrents, dans le sens où les entreprises ou particuliers assurant un service de VTC ne pouvaient pas assurer parallèlement un service de taxi.

La justification de la course prévue à l’art. 24 al. 2 LTVTC, outre qu’elle ne pouvait s’appliquer au service de limousines, n’était pas légitime, puisque le principe de la libre concurrence permettait déjà d’éviter tout risque d’abus dans le cadre de la fixation des prix.

L’art. 33 al. 3 LTVTC n’opérait aucune distinction entre les zones accessibles aux VTC de type limousines classiques, en violation de l’égalité de traitement, et contrevenait à l’interdiction de prévoir une taxe pour l’usage des routes ouvertes à la circulation.

b. Elles ont notamment produit un courrier adressé par l’association au conseiller d’État en charge du département le 11 mars 2020 qui attirait son attention sur la situation économique difficile des entreprises de limousines en raison de la situation sanitaire et requérait la prise de mesures de soutien. L’association sollicitait en outre de sa part une « audience » afin de discuter du PL 12'649, lequel ne tenait pas compte des spécificités du métier des chauffeurs de limousine ni ne l’évoquait. Certaines de ses dispositions, dont l’art. 18 al. 2, étaient de nature à mettre ses membres en difficultés et entraîner leur fermeture à court termes. Le fait d’autoriser les taxis à retirer leur bonbonne et à vendre au forfait créerait en outre une concurrence déloyale envers les limousines et un « mélange des genres » préjudiciable aux utilisateurs de tels services.

16) Le 23 juin 2022, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

Contrairement aux affirmations des recourantes, les chauffeurs de VTC pouvaient toujours accéder aux zones dans lesquelles la circulation était restreinte, notamment pour prendre en charge ou déposer des clients, sur la base de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée du 5 juin 2016 (LMCE - H 1 21), raison pour laquelle la LTVTC ne contenait pas de clause spécifique les concernant.

Les art. 7 al. 1, 14 al. 1, 18 al. 3 et 33 al. 3 LTVTC étaient conformes au principe d’égalité de traitement et à la liberté économique. Dans la mesure où l’art. 7 al. 1 LTVTC prévoyait que le titulaire de la carte professionnelle de taxi pouvait également exercer l’activité de chauffeur de VTC, il appartenait au Conseil d’État, en application de la délégation de l’art. 8 al. 3 LTVTC, de prévoir des prescriptions plus strictes en matière d’acquisition de connaissances pour les taxis que pour les VTC, ce qui était déjà été le cas dans l’aLTVTC et de l’aLTaxis, et ne prêtait pas le flanc à la critique, en présence de situations différentes. De jurisprudence constante, la limitation de l’accès à la profession de taxi, dont les chauffeurs bénéficiaient d’une AUADP, soumise à un numerus clausus, était conforme à la liberté économique et ne violait pas le principe de l’égalité de traitement entre concurrents, en présence d’une différence de traitement inhérente au système voulu par le législateur. Tel était aussi le cas du droit des chauffeurs de taxi d’utiliser leur véhicule pour exercer l’activité de VTC en retirant les logos et l’enseigne lumineuse « taxi », au vu de la distinction entre les deux professions, fondée sur le droit des taxis d’utiliser le domaine public de manière accrue, et de l’adage « qui peut le plus peut le moins ». Le fait d’offrir des services de meilleure qualité ne pouvait constituer un intérêt public prépondérant pour exiger l’obtention d’une autorisation étatique spécifique, dont la délivrance serait subordonnée à des conditions plus contraignantes que celles prévues pour les VTC, catégorie à laquelle appartenaient les limousines. Il revenait à ces derniers de se distinguer des autres VTC, en mettant l’accent sur la qualité supérieure de leurs prestations dans le cadre de leur communication avec la clientèle, par exemple par l’instauration de normes de qualité avec des labels. Une carte professionnelle de limousine constituerait par contre une contrainte supplémentaire d’accès à la profession, étant précisé que l’intervention étatique dans la réglementation de certaines professions devait se limiter au strict nécessaire, comme l’indiquait l’art. 1 LTVTC.

L’art. 10 al. 2 let. c LTVTC correspondait d’ailleurs à l’intérêt public énoncé à l’art. 1 LTVTC. Il était en particulier nécessaire que les personnes dirigeant une entreprise de transport connaissent l’activité pour assurer un service efficace, économique et de qualité, et soient au fait des droits et obligations des chauffeurs ainsi qu’aux exigences relatives aux véhicules. L’aLTVTC avait supprimé le régime de l’autorisation instauré par l’aLTaxis au profit d’une obligation d’annonce, à la suite de quoi il était apparu que les dirigeants ne disposaient que d’une compréhension très limitée du domaine d’activité et méconnaissaient les règles applicables, ce à quoi la LTVTC voulait remédier. Le régime de l’aLTaxis, jugé trop contraignant, n’avait toutefois pas été repris, seule la titularité de la carte professionnelle, dont l’acquisition était subordonnée à la connaissance de nouvelles matières, étant exigée, de sorte à laisser les entreprises libres de s’organiser comme elles l’entendaient. L’inégalité invoquée avec d’autres entreprises de transport n’était du reste pas fondée, au regard des réglementations différentes les concernant.

L’art. 24 al. 2 LTVTC visait à promouvoir un service public efficace et de qualité et permettait de distinguer les taxis des VTC, ces derniers ne bénéficiant pas d’un usage accru du domaine public et par conséquent le droit de se faire héler. Il en résultait que leurs clients n’avaient d’autre choix que de commander une course ou de procéder à une réservation préalable. La disposition en cause était ainsi le corollaire de la prérogative historique conférée aux taxis.

La jurisprudence avait admis la compétence des cantons pour légiférer tant en matière de taxis que de limousines et le fait que l’art. 10 al. 2 let. c LTVTC concernait des entreprises de transport n’y changeait rien. L’art. 18 al. 2 LTVTC était également conforme au droit supérieur, puisque les cantons pouvaient poursuivre les mêmes intérêts publics protégés par le droit fédéral dans d’autres domaines, comme celui de la profession de chauffeur de taxi et de VTC. La LTVTC n’interdisait pas les véhicules à la circulation, mais en limitait l’usage dans son application, de sorte que le grief était infondé. En toute hypothèse, les cantons étaient habilités à prévoir des restrictions en matière de circulation routière ayant pour but de protéger l’environnement, comme le prévoyait l’art. 18 al. 2 LTVTC, lequel participait au plan climat cantonal 2030 en vue d’atteindre la neutralité carbone. Cette disposition n’empiétait pas sur la compétence de la Confédération, puisqu’elle portait sur un domaine particulier, concernant une profession réglementée, dont l’accès était soumis à condition, et non pas à tout véhicule fabriqué ou importé. Il permettait à un groupe de professionnels, dont l’activité consistait essentiellement à transporter des personnes, d’utiliser des véhicules avec une efficacité énergétique respectueuse de l’environnement. Les différents paliers temporels prévus tenaient compte de la rotation naturelle des véhicules utilisés pour le transport professionnel de personnes, dès lors qu’il avait été constaté que les chauffeurs de taxi conservaient leur véhicule en moyenne pendant trois ans. Il avait ainsi été choisi de prévoir trois paliers à intervalle de trois ans afin de permettre un changement progressif adapté au mode de consommation des chauffeurs.

La rotation des véhicules des chauffeurs VTC ne se distinguait pas substantiellement de celle des chauffeurs de taxi, compte tenu du fait que l’acquisition de ces véhicules se faisait principalement par le biais de contrats de leasing. Les véhicules ne réalisant plus ces conditions n’étaient pas interdits à la circulation, mais pouvaient être revendus ou utilisés à d’autres fins. Par ailleurs, la notion d’efficacité énergétique n’était pas contraire au droit fédéral, puisqu’elle en découlait. L’égalité de traitement n’était pas non plus violée, dès lors que la situation des chauffeurs de taxi ou de VTC n’était pas assimilable à celle des autres transporteurs professionnels de personnes ou de marchandises. Dans les autres domaines de transport, les professionnels n’utilisaient pas des véhicules de tourisme, dont la production et l’investissement étaient foncièrement différents, ce qui justifiait une distinction.

La taxe imposée par l’art. 33 al. 3 let. b LTVTC ne concernait pas l’utilisation des routes publiques, mais d’une zone située dans le périmètre de l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG), qui, dans le cadre de sa mission, aménageait des zones spécifiques aux voitures utilisées pour le transport professionnel de personnes en contrepartie du paiement d’une taxe de stationnement.

Les recourantes avaient conclu à l’annulation des art. 13 al. 1 et 26 al. 2 LTVTC, sans pour autant expliquer dans quelle mesure ces dispositions contrevenaient au droit supérieur.

Les milieux professionnels des VTC avaient été entendus durant la procédure législative, puisque l’Association genevoise des VTC avait pu s’exprimer sur le texte législatif. Les recourantes n’expliquaient par ailleurs pas dans quelle mesure elles seraient touchées de manière plus importante que le grand nombre des professionnels exerçant le transport professionnel de personnes au moyen de VTC. Dans le cadre des auditions menées, il n’avait pas été possible d’entendre tous les acteurs du secteur, si bien qu’un choix avait dû être effectué.

17) Le 8 juillet 2022, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 19 août 2022, prolongé au 9 septembre 2022, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

18) Le 19 août 2022, les recourantes ont persisté dans leur recours.

L’aLTVTC avait fait l’objet d’une consultation sérieuse, prenant en compte les avis de l’ensemble des milieux concernés par le transport professionnel de personnes, dont ceux des services de limousine, ce qui avait conduit les autorités à se rendre compte qu’il s’agissait d’une profession spécifique et différente de celle des VTC. L’aLTVTC permettait aux limousines de se voir accorder un accès au cas par cas aux zones dans lesquelles la circulation était restreinte, dont l’usage paraissait nécessaire au bon exercice de la profession. Tel n’était pas le cas de la LTVTC, qui n’avait pas fait l’objet d’un examen attentif en commission parlementaire les concernant, puisque seuls la situation et les impératifs des VTC de type « Uber » avaient été abordés en détail.

Les privilèges que la loi voulait imposer aux taxis devaient avoir pour corollaire des examens moins stricts pour les chauffeurs de limousine, en particulier sans examen approfondi de la topographie, inutile pour l’exercice de leur profession. De plus, il existait une distorsion de la concurrence s’agissant de l’affectation des véhicules VTC, qui ne pouvaient offrir que ce service et ne leur permettait pas de répartir leurs coûts. Ainsi, ceux qui assuraient un service de limousine classique ne pouvaient pas couvrir leurs coûts élevés du fait du recours à du personnel et des véhicules de grande qualité, ce qui était pourtant dans l’intérêt d’un canton à vocation internationale comme Genève. L’usage de véhicules de taxi pour un service de limousine aurait à l’inverse pour conséquence une baisse de la qualité attendue. Par ailleurs, le Grand Conseil n’avait pas expliqué pourquoi le titulaire d’une carte de chauffeur aurait une connaissance plus approfondie de l’activité concernée qu’une personne habituée à l’exploitation d’une entreprise dans le domaine des VTC. Il en allait de même de la quittance exigée, puisque dans le service des limousines, le client qui avait commandé la course était une autre personne que le bénéficiaire du transport, si bien que cette exigence était impraticable. En outre, s’agissant de leur admission à la circulation, certains véhicules, comme les minibus de transport de personnes, n’étaient pas disponibles sur le marché dans les délais fixés, ce qui ne permettrait ainsi pas aux intervenants d’offrir leurs services. Le fait d’empêcher l’usage dans un délai aussi court de certains véhicules mettrait à mal les investissements consentis et réalisés par de nombreux professionnels. Le délai n’était pas non plus suffisant pour amortir le parc de véhicules. Le fait d’imposer une procédure d’autorisation pour les personnes au bénéfice d’une annonce ne reposait sur aucun intérêt public, d’autant moins en l’absence de toute disposition transitoire, la nécessité de requérir une autorisation ne devant être imposée que pour les personnes et entreprise exerçant nouvellement leur activité.

19) Le Grand Conseil ne s’est pas déterminé à l’issue du délai imparti.

20) Le 3 octobre 2022, les recourantes ont produit un extrait des débats de la commission parlementaire, qui montrait, selon elles, que les représentants des limousines n’avaient jamais été entendus avant l’élaboration de la LTVTC.

21) Le 14 octobre 2022, le juge délégué a transmis ce courrier au Grand Conseil, précisant aux parties que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Le recours est formellement dirigé contre une loi cantonale, à savoir la loi 12'649, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 1b).

Il a, au surplus, été interjeté dans le délai légal à compter de la promulgation de ladite loi dans la FAO, qui a eu lieu le 25 mars 2022 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) et satisfait également aux réquisits de forme et de contenu prévus aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 3 LPA.

2) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L’art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/12/2022 précité consid. 4a).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 147 I 308 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_357/2021 du 19 mai 2022 consid. 2.2). La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 147 I 478 consid. 2.2).

b. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir en son nom propre lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure. De même, sans être touchée dans ses intérêts dignes de protection, cette possibilité lui est reconnue pour autant qu’elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et que chacun de ceux-ci ait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; ACST/35/2021 du 21 octobre 2021 consid. 2b). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l’un de ses membres ou pour une minorité d’entre eux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2).

c. En l’espèce, les sociétés recourantes, dotées de la personnalité juridique, exploitent des services de limousine et de minibus avec chauffeurs, activité de transport professionnel de personnes tombant dans le champ d’application de la LTVTC. Elles sont dès lors directement concernées par ladite loi, qui s’applique à leurs activités, si bien qu’elles ont qualité pour recourir, y compris à l’encontre des dispositions consacrées aux taxis, dès lors qu’elles font valoir qu’elles conféreraient à ces derniers un traitement de faveur du point de vue de l’égalité entre concurrents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2018 du 10 mars 2020 consid. 1.3 et les références citées). L’association, qui a pour but de défendre et de faire respecter les intérêts professionnels de ses membres, qui sont des entreprises de location de voitures et de minibus avec chauffeur disposant de la qualité pour recourir à titre individuel, a également qualité pour recourir.

Le recours est par conséquent recevable.

3) À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/12/2022 précité consid. 5 et les références citées).

4) Les recourantes se plaignent de ne pas avoir été entendues durant la procédure législative ayant conduit à l’adoption de la LTVTC.

a. De manière générale, les citoyens ne disposent pas du droit d’être entendus dans une procédure législative (ATF 137 I 305 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_636/2020 du 24 août 2022 consid. 3.1). Une exception n’est admise que lorsque certaines personnes (destinataires dits « spéciaux ») sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires « ordinaires », par exemple lorsqu’un décret de portée générale ne touche qu’un très petit nombre de propriétaires (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Un droit d’être entendu dans une procédure législative peut cependant découler de certaines normes constitutionnelles particulières (ATF 137 I 305 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a notamment admis que la liberté syndicale (art. 28 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), si elle ne confère pas aux organisations syndicales de la fonction publique le droit de participer au processus législatif portant sur le statut du personnel, leur accorde néanmoins celui d’être entendues sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres (ATF 144 I 50 consid. 5.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_789/2020 du 4 novembre 2021 consid. 3.1).

b. En l’espèce, l’on ne saurait considérer les recourantes comme gravement et spécialement touchées par l’acte entrepris, qui a trait aux chauffeurs de taxi et de VTC, aux entreprises de transport et de diffusion de course en matière de transport professionnel de personnes. La situation des recourantes n’est ainsi pas affectée avec une intensité suffisante propre à leur conférer la qualité de destinataires spéciales de la loi entreprise, si bien qu’elles ne jouissaient pas d’un droit particulier d’être entendues dans la procédure législative ayant conduit à l’adoption de celle-ci, étant précisé que d’autres représentants du milieu, comme celui des VTC, catégorie à laquelle les sociétés recourantes sont rattachées depuis l’entrée en vigueur de l’aLTVTC et dans le cadre de l’élaboration de laquelle elles ont au demeurant été entendues, ont été auditionnés en commission parlementaire. À cela s’ajoute que la loi entreprise a repris pour l’essentiel les dispositions préexistantes de l’aLTVTC et n’a introduit aucun changement significatif par rapport à cette dernière pour les services de limousines et de minibus en particulier, qui ne sont au demeurant pas touchés de manière plus grave que les autres destinataires de la loi, notamment les autres VTC. Par ailleurs, la LTVTC n’ayant pas trait au statut de la fonction publique, l’art. 28 Cst. ne peut être invoqué dans ce contexte sous l’angle du droit d’être entendu dans le cadre de l’élaboration de ladite loi. Il s’ensuit que le grief sera écarté.

5) Les recourantes invoquent une violation de la liberté économique, du principe de l’égalité entre concurrents et, dans une certaine mesure, de la primauté du droit fédéral.

a. Aux termes de l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1). Cette liberté comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). L’art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.

La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu, et peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 143 II 598 consid. 5.1). Elle a une fonction institutionnelle, en tant qu’elle exprime, conjointement avec d’autres dispositions constitutionnelles (notamment l’art. 94 Cst.), le choix du constituant en faveur d’un système économique libéral, fondé sur la libre entreprise et la concurrence, et une fonction individuelle, en tant qu’elle assure une protection contre les mesures étatiques restreignant la liberté d’exercer toute activité économique privée, exercée aux fins de production d’un gain ou d’un revenu, à titre principal ou accessoire, dépendant ou indépendant (ATF 143 II 598 consid. 5.1). Ces deux aspects, institutionnel et individuel, sont étroitement liés (ATF 148 II 121 consid. 7.2).

Qu’il y ait ou non usage du domaine public, l’État peut soumettre l’exercice de la profession de chauffeur professionnel de personnes à l’obtention d’une autorisation, les restrictions à l’exercice de ladite profession étant ainsi, sur le principe, admissibles. Eu égard à l’atteinte à la liberté économique, ces limitations doivent toutefois reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_139/2021 du 12 juillet 2021 consid. 4.1 et les références citées).

b. La liberté économique comprend le principe de l’égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique. On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s’adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (ATF 148 II 121 consid. 7.1 et les références citées). L’égalité de traitement entre concurrents directs n’est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu’elles répondent à des critères objectifs, soient proportionnées et résultent du système lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d’intérêt public poursuivi (ATF 143 I 37 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 du 13 mai 2019 consid. 3.1.1 et les références citées). Sous l’angle de l’égalité de traitement, les art. 27 et 94 Cst. garantissent aux concurrents directs une protection plus étendue que celle offerte par l’art. 8 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 précité consid. 3.1.2).

6) a. En l’espèce, les recourantes se plaignent que les règles pour les VTC (art. 5 al. 1 let. b LTVTC), qui ne prévoient pas de catégorie dédiée aux limousines (art. 14 al. 1 LTVTC), en particulier d’accès à certaines zones (art. 20 al. 1 let. c, 24 al. 1 et 33 al. 3 LTVTC) et de l’impossibilité pour ceux-ci d’exercer en qualité de taxi (art. 7 al. 1 et 18 al. 3 LTVTC), alors que les examens pour l’obtention de la carte professionnelle, semblables pour les deux professions, seraient contraires à leur liberté économique sous l’angle de l’égalité de traitement entre concurrents directs.

Elles perdent toutefois de vue qu’à l’instar de l’aLTVTC, la LTVTC prévoit un système fondé sur deux catégories de transporteurs professionnels de personnes, en introduisant une distinction entre la catégorie des « taxis » (art. 2 al. 1 let. a et 5 let. a LTVTC) et celle de VTC (art. 2 let. b et 5 let. b LTVTC). Comme dans l’ancienne loi, bien que ces deux catégories relèvent du transport professionnel de personnes et que les activités exercées soient analogues, la LTVTC confère des droits et impose des obligations variant selon le type d’activité exercée par le transporteur.

Les chauffeurs de taxi, à l’exclusion des chauffeurs de VTC, peuvent ainsi s’arrêter aux stations de taxi dans l’attente de clients, utiliser les voies réservées aux transports en commun et emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte (art. 20 al. 1 let. a à c LTVTC). Ils ont le droit de prendre en charge un client qui les hèle dans la rue (art. 20 al. 3 LTVTC) et de porter l’enseigne « taxi » (art. 5 let. a LTVTC). Ils peuvent en outre se voir attribuer un droit d’accès prioritaire à une zone privilégiée, dite « zone réservée », dans le périmètre de l’AIG (art. 33 al. 2 let. a LTVTC). En contrepartie, les chauffeurs de taxi sont soumis à des obligations spécifiques. Ils doivent notamment s’acquitter d’une taxe annuelle (art. 36 LTVTC), être équipés d’un compteur horokilométrique ou d’un autre dispositif reconnu pour calculer le prix des courses (art. 21 al. 1 let. a LTVTC), respecter les montants tarifaires maximaux fixés par le Conseil d’État (art. 22 al. 3 LTVTC) et accepter en principe toutes les courses (art. 23 al. 1 LTVTC).

À l’inverse, les chauffeurs de VTC ne sont pas au bénéfice du droit d’usage accru du domaine public, ne bénéficient en particulier d’aucun emplacement de stationnement réservé et ont interdiction d’utiliser les voies réservées aux transports en commun. Ils ne jouissent pas des autres prérogatives réservées aux taxis, comme l’enseigne « taxi », l’accès privilégié à l’AIG, ou le droit de se faire héler par un client dans la rue.

Le statut de ces deux catégories de transporteurs professionnels de personnes, tel que prévu par la LTVTC, qui reprend sur ce point l’aLTVTC précédemment en vigueur, et les droits et obligations en dérivant sont dès lors suffisamment différents pour leur appliquer certaines règles ou restrictions distinctes – comme l’admet la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 précité consid. 3.1.5 et les références citées) –, qui poursuivent en outre un intérêt public légitime, en particulier promouvoir un service public efficace, économique et de qualité, ce que rappelle l’art. 1 al. 1 LTVTC. Cette distinction limite en effet le nombre de personnes pouvant disposer d’une AUADP, tout en veillant à ne pas restreindre de manière disproportionnée l’exploitation du service de transport professionnel de personnes dans son ensemble, conformément aux exigences posées par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2017 du 13 mai 2019 consid. 4.2.2 et les références citées).

Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, bien que les examens portent sur les mêmes matières, énumérées à l’art. 8 al. 2 LTVTC, les règles qui leur sont applicables pour l’obtention de la carte professionnelle de chauffeur nécessaire à l’exercice de la profession en question suivent la même distinction, comme l’indique l’art. 8 al. 1 LTVTC, qui sépare le diplôme de chauffeur de taxi de celui de chauffeur de VTC, l’art. 8 al. 3 LTVTC chargeant en outre le Conseil d’État de déterminer le contenu et les modalités des examens ainsi que les matières auxquelles les candidats doivent se soumettre en vue de l’obtention de chacun de ces deux diplômes (art. 8 al. 3 LTVTC). Comme sous l’aLTVTC, pour obtenir la carte professionnelle de chauffeur, les chauffeurs de VTC, à l’inverse de ce qui prévaut pour les chauffeurs de taxi, ne doivent ainsi pas se soumettre à des épreuves pratiques (art. 7 al. 1 et 2 du règlement d’exécution de la LTVTC du 19 octobre 2022 - RTVTC - H 1 31.01, qui ne fait pas l’objet du litige mais constitue une indication sur la manière dont les autorités envisagent l’application de la LTVTC) notamment comprenant la topographie de la ville et du canton (art. 7 al. 7 let. a RTVTC). Cette dernière matière, qui ne fait l’objet que d’un examen théorique pour les chauffeurs de VTC (art. 7 al. 5 let. a RTVTC), se justifie étant donné l’activité déployée visant au transport professionnel de personnes au sein du canton.

Compte tenu des différents droits et obligations imposés aux chauffeurs des deux catégories en question, et notamment du fait que les chauffeurs de VTC sont soumis à des examens moins contraignants que les chauffeurs de taxi en vue de l’obtention de la carte de chauffeur professionnel, l’exercice, par les titulaires de la carte professionnelle de taxi, de la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de VTC (art. 7 al. 1 LTVTC), moyennant le changement d’équipement du véhicule (art. 18 al. 3 LTVTC), et non l’inverse, ne prête ainsi pas le flanc à la critique, pas plus que le fait de ne pas exiger des chauffeurs de taxi d’être en sus titulaire d’une carte de chauffeur de VTC. Une telle réglementation est conforme au principe de proportionnalité et n’emporte aucune inégalité de traitement entre concurrents directs.

Il en va de même de l’accès dévolu aux seuls taxis à certaines zones ou rues dans lesquelles la circulation est restreinte (art. 20 al. 1 let. c LTVTC), qui est l’une des prérogatives réservées aux titulaires d’une AUADP. Comme l’a toutefois relevé l’intimé, l’accessibilité du transport professionnel de personnes, y compris les VTC, reste garanti dans les zones I et II, soit là où la priorité est donnée à la mobilité douce et aux transports publics (art. 7 al. 2 et 7 LMCE), si bien qu’il importe peu qu’une telle réglementation ne soit pas prévue dans la LTVTC. Par ailleurs, le fait que les taxis disposent d’un accès privilégié à l’AIG ne prête pas non plus le flanc à la critique du point de vue de l’égalité de traitement entre concurrents directs, pour les mêmes motifs, étant précisé que les VTC peuvent également se voir accorder l’accès à une zone de son périmètre, distincte de celle des taxis, dont l’accès leur est ainsi réservé (art. 33 al. 3 let. a LTVTC).

Comme l’a déjà relevé la chambre de céans s’agissant de l’aLTVTC, qui a créé, aux côtés des taxis, la catégorie des VTC, celle-ci permet de conserver un équilibre répondant à l’intérêt public à limiter le nombre de taxis et à la protection de la liberté économique de tous les acteurs susceptibles d’exercer dans cette branche (ACST/9/2017 du 30 juin 2017 consid. 7 ; ACST/10/2017 du 30 juin 2017 consid. 13). Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, il n’y a ainsi pas lieu de créer une troisième catégorie de transporteurs professionnels de personnes, constituée des seules limousines, en l’absence de situations suffisamment différentes justifiant un traitement distinct des VTC. Le fait, comme l’indiquent les recourantes, que les limousines offriraient un service de grande qualité, tant au niveau des véhicules que des prestations offertes par les chauffeurs, ne constituent pas des particularités propres à en faire une catégorie particulière au bénéfice d’une carte professionnelle spécifique, au regard du système déjà instauré par l’aLTVTC et repris par la LTVTC, distinguant deux catégories de transporteurs professionnels de personnes, à savoir les bénéficiaires d’une AUADP, soit les taxis, et les autres, soit les VTC. Le même raisonnement vaut pour l’accès à l’AIG (art. 33 al. 3 LTVTC).

Les dispositions contestées n’emportent par conséquent pas de violation de la liberté économique sous l’angle de l’égalité entre concurrents directs.

b. L’on comprend en outre des écritures des recourantes que serait d'après elles contraire à la liberté économique le fait de subordonner l’autorisation d’exploiter une entreprise à la titularité d’une carte professionnelle (art. 10 al. 2 let. c LTVTC), de devoir justifier la course (art. 24 al. 2 LTVTC), de se voir imposer un prix maximum fixé par le Conseil d’État (art. 26 al. 2 LTVTC) ainsi que certaines obligations relatives aux voitures (art. 18 al. 2 LTVTC), lesquelles seraient au demeurant contraires au droit fédéral.

Si l’on peut considérer que les dispositions précitées peuvent constituer, dans une certaine mesure, une ingérence dans la liberté économique des recourantes, une telle ingérence n’en est pas moins admissible selon l’art. 36 Cst., les intéressées ne contestant à raison pas l’existence d’une base légale au sens de l’art. 36 al. 1 Cst.

En prévoyant que l’autorisation d’exploiter une entreprise de transport professionnel de personnes au sens de la LTVTC est délivrée à une personne morale pour autant que la personne ayant le pouvoir d’engager et de représenter valablement l’entreprise soit titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur, de taxi ou de VTC, l’art. 10 al. 2 let. c LTVTC s’inscrit dans les buts d’intérêt public visé à l’art. 1 LTVTC. Il ressort en particulier de l’exposé des motifs ayant conduit à l’adoption de cette disposition que le PL 12'649 visait à restaurer le système de l’autorisation, précédemment supprimé par l’aLTVTC et remplacé par une simple obligation d’annonce, ce qui s’était révélé problématique car, en l’absence de contrôle, il était apparu que les entreprises ne respectaient pas systématiquement les obligations que leur imposait la loi. L’exigence de la titularité d’une carte professionnelle de chauffeur par la personne ayant le pouvoir d’engager et de représenter valablement l’entreprise s’inscrit dans ce cadre et permet de s’assurer que ladite personne, au sein de l’entreprise, ait une connaissance suffisante de l’activité exercée, de manière à garantir la réalisation des intérêts publics protégés par la LTVTC. Une telle exigence, qui est limitée à la titularité d’une carte professionnelle de chauffeur – la loi n’imposant plus, en sus, la titularité d’une carte professionnelle de dirigeant comme sous l’empire de l’aLTaxis –, respecte le principe de la proportionnalité et n’interfère pas sur le mode d’organisation des entreprises en question, puisqu’elles demeurent libres dans le choix de la forme juridique qui convient à leur activité. Les recourantes ne sauraient en outre être suivies lorsqu’elles se plaignent d’une inégalité de traitement par rapport aux TPG, qui sont constitués sous la forme d’un établissement autonome de droit public (art. 191 al. 4 Cst-GE), en l’absence de situation comparable. Le grief des recourantes, selon lequel les prescriptions relatives aux entreprises de transport relèveraient de la seule compétence de la Confédération, tombe également à faux, puisque les cantons demeurent compétents pour légiférer sur le service des taxis au sens large, y compris les VTC, notamment pour ce qui est des autorisations (arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2.2), comme le fait la LTVTC. Par ailleurs, les entreprises de transport disposent d’un délai d’une année à compter de l’entrée en vigueur de la LTVTC pour se mettre en conformité avec celle-ci (art. 46 al. 4 LTVTC), si bien que le grief des recourantes en lien avec l’absence de disposition transitoire doit également être écarté.

Le fait, pour les chauffeurs, de se voir imposer un prix maximum fixé par le Conseil d’État (art. 26 al. 2 LTVTC) est également conforme aux intérêts publics poursuivis par la LTVTC, en particulier pour protéger la confiance que les passagers doivent inévitablement accorder à des chauffeurs professionnels de personnes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_400/2021 du 18 août 2021 consid. 4.3 et les références citées). L’on ne saurait ainsi tolérer que des prix excessifs soient pratiqués, comme dans la situation mentionnée en commission parlementaire. L’art. 26 al. 2 LTVTC est en outre conformes au principe de proportionnalité, dès lors qu’il limite l’intervention du Conseil d’État à des cas d’abus, en ne lui permettant qu’un plafonnement des prix dans une telle situation.

Par ailleurs, la justification de la course prévue à l’art. 24 al. 2 LTVTC trouve son pendant à l’art. 24 al. 1 LTVTC qui fait interdiction aux VTC de circuler sur le domaine public dans l’attente de recevoir une course, lesquels ne peuvent, contrairement aux taxis, qu’effectuer des courses sur commande ou réservation préalable. La disposition en cause n’impose ainsi pas une obligation démesurée aux chauffeurs concernés, le fait que le client transporté ne corresponde pas à celui ayant commandé la course n’étant pas déterminant.

L’art. 18 al. 2 LTVTC s’inscrit également dans les buts d’intérêt public poursuivis par la LTVTC et rappelés à l’art. 1 LTVTC, en particulier en matière de respect de l’environnement, en vue de réduire les émissions de CO2, conformément au plan climat cantonal, lequel vise une réduction de 60 % de émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050. Cette disposition résulte d’un amendement introduit durant les débats en commission parlementaire et prévoit un système d’exclusion de certains véhicules par étapes, en fonction de leur valeurs d’émissions, sur la base d’une étiquette-énergie, et concrétise, de ce point de vue déjà, le principe de la proportionnalité. En arguant que de nouveaux véhicules ne pourraient être obtenus à brève échéance, les recourantes tombent dès lors à faux, au vu des délais fixés, rien n’indiquant que les flottes de véhicules des recourantes devraient être renouvelées dans leur ensemble et simultanément. Les recourantes ont du reste indiqué que les services de limousine offraient des prestations de qualité supérieure, ce qui implique dès lors également un renouvellement régulier des véhicules utilisés. Leur intérêt purement financier, qui n’est du reste pas démontré, ne saurait en outre primer les enjeux climatiques ci-dessus rappelés, lesquels doivent être atteints d’ici 2030, si bien que des échéances supplémentaires ne pouvaient pas non plus être accordées.

c. Par ailleurs, en arguant que l’art. 18 al. 2 LTVTC serait contraire au droit fédéral, les recourantes perdent de vue que cette disposition ne vise pas l’admission des véhicules de taxi et de VTC à la circulation au sens de la législation fédérale en matière de circulation routière (art. 82 Cst.), de protection de l’environnement (art. 74 Cst.) ou encore de politique énergétique (art. 89 Cst.), mais à leur usage dans le cadre de l’activité réglementée par le LTVTC. La disposition en cause ne vise pas non plus la création d’un nouveau standard énergétique, mais se réfère à l’étiquette-énergie prévue pour les véhicules par l’art. 44 de la loi sur l’énergie du 30 septembre 2016 (LEne - RS 730.0) et de l’art. 12 et l’annexe 4.1 de l’ordonnance sur les exigences relatives à l’efficacité énergétique d’installations, de véhicules et d’appareils fabriqués en série du 1er novembre 2017 (ordonnance sur les exigences relatives à l’efficacité énergétique, OEEE - RS 730.02), le fait que l’intimé ait choisi un tel standard plutôt qu’un autre relevant d’un choix politique qui ne saurait être remis en cause devant la chambre de céans.

Il n’en va pas différemment de l’art. 33 al. 3 let. b LTVTC, qui n’est pas contraire au principe de l’exemption de taxe pour l’utilisation des routes publiques (art. 82 al. 3 Cst.), puisque les bâtiments, installations et aménagements extérieurs compris dans le périmètre aéroportuaire, y compris les parkings, sont la propriété de l’AIG, un établissement de droit public (art. 191A al. 1 Cst-GE ; art. 1 et 4 de la loi sur l’AIG du 10 juin 1993 (LAIG - H 3 25), et font partie de son patrimoine administratif (ATF 143 I 37 consid. 6.3). Ce grief sera dès lors également écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourantes, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera accordée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2022 par l’A______, B______ SA, C______ Sàrl, D______ SA et E______ Sàrl contre la loi 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 28 janvier 2022 (LTVTC - H 1 31) ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de l’A______, B______ SA, C______ Sàrl, D______ SA et E______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat des recourantes, ainsi qu’au Grand Conseil.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.

 

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :