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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4851/2023

ACJC/910/2025 du 07.07.2025 sur JTBL/49/2025 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4851/2023 ACJC/910/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 7 JUILLET 2025

 

Entre

Madame A______|, domiciliée ______ [GE], appelante| d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 janvier 2025,

 

Et

FONDATION B______|, ayant son siège ______ [GE], intimée|, représentée par C______, ______ [GE].

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/49/2025 du 22 janvier 2025, reçu par les parties le 22 janvier 2025, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a donné acte à FONDATION B______ de ce qu’elle acceptait, à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité, que A______ installe une séparation sur son balcon avec la partie de celui-ci donnant chez ses voisins de palier D______/E______, pour autant qu’un devis lui soit transmis au préalable pour validation (ch. 1 du dispositif), débouté A______ de toutes ses autres conclusions (ch. 2), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de libérer la totalité des loyers consignés sur le compte no 14L 2023 1______ en faveur de FONDATION B______ (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 26 février 2025 à la Cour de justice, A______ (ci-après également : la locataire ou l’appelante) a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l’annulation. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour valide la consignation effectuée le 23 janvier 2023 pour tous les loyers mensuels dès le 1er février 2023, ordonne à FONDATION B______ de faire cesser les nuisances subies et lui octroie une réduction de loyer de 30% dès le 14 mai 2021 et jusqu’à la cessation des nuisances. Elle a également conclu à ce que la Cour ordonne à sa partie adverse qu’elle autorise sans conditions la pose par la locataire d’une partition sur son balcon.

b. Dans sa réponse du 19 mars 2025, FONDATION B______ (ci-après également : la bailleresse ou l’intimée) a contesté intégralement le contenu de l’appel et s’en est rapportée à justice.

c. Les parties ont été avisées le 21 mars 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 27 novembre 2020, FONDATION B______, en qualité de bailleresse, et A______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de trois pièces au 4ème étage de l’immeuble sis no. ______, avenue 2______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année, du 1er décembre 2020 au 30 novembre 2021, renouvelable ensuite tacitement, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

Le loyer mensuel a été fixé à 941 fr., soit 11’292 fr. par an, hors charges.

L’immeuble était neuf lors de l’entrée de la locataire dans l’appartement.

b. Le 19 avril 2021, C______, la régie en charge de l’immeuble (ci-après : la régie), a envoyé un avis à tous les locataires de l'immeuble leur rappelant notamment qu'il était interdit de déposer quoi que ce soit sur les paliers, dans les corridors et les passages communs, de jeter quoi que ce soit par les fenêtres, les balcons ou autres, de secouer des tapis, nattes, brosses, balais, chiffons, etc. dans les escaliers et paliers, aux fenêtres, hors des balcons et à l’extérieur, d’installer des filets à chat sur les balcons, de faire faire les besoins des animaux de compagnie aux abords de l'immeuble ou de fumer dans les passages ou locaux communs ainsi que dans les ascenseurs. Il n’incombait par ailleurs pas au service de conciergerie de nettoyer les taches d’urine et/ou les coulures des poubelles ni de ramasser et/ou de trier les déchets.

c. La locataire a signalé à de nombreuses reprises à la régie diverses prétendues nuisances provenant de son voisinage. La première plainte écrite, datée du 8 mai 2021, comprenait six pages détaillant les faits. Parmi les nuisances évoquées figuraient notamment des jets réguliers de terre, d’insectes morts, de débris végétaux et de saletés, ainsi que des éclaboussures d’eau en quantité, provenant du balcon de ses voisins du 5ème étage, la famille F______/G______, et tombant directement sur son propre balcon.

La locataire se plaignait également de nuisances sonores fréquentes, tant diurnes que nocturnes, incluant de la musique, des sauts, des courses, des cris et des claquements de portes. Ses voisins de palier (la famille D______/E______), généraient également d’importants bruits, tant sur leur balcon qu’à l’intérieur de leur logement, à toute heure du jour et de la nuit.

Par ailleurs, la famille D______/E______ adoptait des comportements agressifs, troublant la paix sociale, en incitant notamment ses enfants à lancer un ballon de football contre la paroi du balcon de la locataire et à sonner à sa porte de manière intempestive.

La locataire a informé la régie que son état de santé, fortement affecté, rendait la rédaction de courriers de plainte particulièrement difficile.

Les courriers de plaintes suivants de la locataire, datés du 11 juillet 2021 (9 pages) et du « 27 septembre au 2 novembre 2021 » (11 pages), détaillaient à chaque fois de manière précise tous les épisodes lors desquels elle avait ressenti les nuisances précitées.

d. La régie a répondu à plusieurs reprises aux doléances de la locataire.

Par courrier du 21 mai 2021, elle l’a informée qu’un courrier avait été adressé à la famille F______/G______ afin de lui rappeler les règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève à propos des nuisances sonores et des salissures.

Par courrier du 6 septembre 2021, la régie a demandé à la locataire de lui communiquer les photographies prises de son balcon souillé. Concernant les nuisances sonores venant des familles F______/G______ et D______/E______, la régie a indiqué que ni le concierge, ni la régie n’avaient reçu de plaintes à leur encontre. Toutefois, elle allait contacter les familles pour leur expliquer la situation.

Par courrier du 1er décembre 2021, la régie a informé la locataire qu’elle était toujours dans l’attente des photographies du balcon avant d’interpeller les familles, précisant que le concierge se tenait à disposition pour constater les nuisances afin d’étoffer son dossier.

e. Les 15 juillet et 9 août 2022, la régie a envoyé deux avis supplémentaires à tous les locataires pour les informer que la copropriété avait décidé d’installer trois caméras de surveillance à la suite de divers actes de vandalisme et de vols. Elle demandait l’avis des locataires sur cette décision avant d’aller de l’avant. Elle a également rappelé à tous les locataires qu’il était interdit de déposer des affaires sur les paliers et communs et de jeter quoi que ce soit par les fenêtres et balcons.

f. Par courrier du 25 août 2022 (6 pages), la locataire a informé la régie que l'installation de caméras de surveillance pouvait constituer une solution efficace pour identifier les auteurs des dégradations commises dans les parties communes de l'immeuble. Elle a par ailleurs signalé que les nouveaux occupants du 5ème étage, (la famille H______/I______) étaient à l’origine des mêmes nuisances que les précédents résidents, à savoir des salissures récurrentes sur son balcon ainsi que des nuisances sonores.

g. Par courrier du 30 novembre 2022 (24 pages), la locataire a mis la régie en demeure de faire cesser les nuisances sonores et salissures qu’elle subissait de la part de ses voisins ainsi que les comportements agressifs émanant de la famille D______/E______, sous menace de consignation du loyer. Elle a également réclamé une réduction de loyer de 30% depuis le 14 mai 2021. Elle a précisé qu’elle avait dû faire appel à la police à cause du comportement de D______, son voisin de palier, et que tant D______ que E______ l’intimidaient régulièrement et l’insultaient.

Elle a fait suivre ce pli de quarante pages de clichés de son balcon sur lesquelles on peut apercevoir de l’eau, quelques feuilles, plumes, cheveux et détritus.

h. Par courrier du 19 décembre 2022, la régie a répondu à la locataire que les nuisances mentionnées dans ses précédents courriers n’étaient pas établies, lui rappelant qu’il lui incombait d’apporter des preuves formelles à l’appui de ses doléances (témoignages, pétitions, constats d’huissier ou autres éléments probants). Les photographies fournies n’étaient pas concluantes et la locataire refusait systématiquement de donner accès à son logement.

Malgré plusieurs tentatives de la régie pour trouver des solutions, aucune ne semblait satisfaire la locataire. Une proposition de médiation avec les voisins lui avait été soumise : elle l’avait refusée. La régie lui avait également conseillé de faire systématiquement appel à la police afin d’étayer son dossier, démarche qu’elle n’avait pas entreprise. La locataire n’avait pas non plus pris contact avec le concierge de l’immeuble.

Par ailleurs, la locataire était la seule à signaler des problèmes liés aux familles D______/E______ et H______/I______. En conséquence, la régie a contesté la mise en demeure reçue et refusé d’entrer en matière sur les prétentions de la locataire. En outre, un rendez-vous a été fixé le 4 janvier 2023 au sein du logement, afin de constater d’éventuels défauts survenus depuis son emménagement. La régie invitait expressément la locataire à permettre l’accès à son appartement, conformément à l’article 257h CO.

i. Par courrier du 30 décembre 2022, la locataire s’est à nouveau plainte du comportement de ses voisins, décrivant notamment des « matchs de foot », cris et hurlements se déroulant sur leur balcon.

j. Par courrier du 10 janvier 2023, la régie a rappelé à la locataire son obligation de permettre l’accès à son appartement, suite à son absence lors de la visite prévue le 4 janvier 2023. Une nouvelle visite a été fixée au 23 janvier 2023.

k. Le loyer a été consigné dès le mois de février 2023 (avis 14 L 2023 1______).

l. Par courrier du 15 février 2023, la famille D______/E______ s’est plainte auprès de la régie de nuisances nocturnes et de comportements assimilables à du harcèlement de la part de la locataire, et ce, depuis plusieurs mois. Celle-ci tapait volontairement et bruyamment contre le mur de la chambre de leur fils en soirée, passait l’aspirateur quotidiennement jusqu’à 22h et prenait des photographies de leurs enfants lorsqu’ils jouaient sur la terrasse. Estimant ces comportements intrusifs, la famille a indiqué avoir fait l’acquisition et installé une barrière de séparation sur son balcon afin de se protéger. Elle a par ailleurs requis de la régie qu’elle prenne toutes les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation.

m. Le 1er mars 2023, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en validation de la consignation du loyer et en réduction de loyer de 30% dès le 14 mai 2021 et jusqu’à cessation des nuisances, avec restitution du trop-perçu du loyer. Elle a également conclu à être autorisée à apposer un cache fin et opaque contre la partition métallique du balcon marquant la séparation d’avec le balcon de ses voisins de palier D______/E______ afin de protéger son intimité.

n. Par courrier du 7 mars 2023, la régie a mis la locataire en demeure de s’acquitter des loyers de février et mars 2023, sous menace de résiliation du bail.

o. Par courrier du 13 mars 2023, la régie a informé la locataire avoir reçu des plaintes la visant, relatives à un comportement bruyant et des formes de harcèlement envers ses voisins (prise de photographies d’enfants, coups délibérés portés contre les murs et usage de l’aspirateur à des heures tardives). La régie lui a enjoint de cesser de tels agissements.

Par ailleurs, elle a indiqué que la consignation des loyers n’était pas valable, la Commission de conciliation n’ayant pas été saisie en temps utile. Enfin, elle a rappelé qu’en raison de la période de garantie de deux ans des défauts de l’immeuble, il était impératif que la locataire autorise l’accès à son appartement, afin que la régie puisse procéder à une vérification de son état d’entretien. Ce courrier faisait office de mise en demeure au sens de l’article 257f CO.

p. Par deux courriers du 22 mars 2023, la locataire a informé la régie avoir saisi la Commission de conciliation en temps utile et contesté les reproches formulés à son encontre. Elle faisait valoir que ces accusations étaient apparues immédiatement après la consignation de son loyer, alors qu’elle n’avait, selon elle, en rien modifié son comportement. Elle y voyait dès lors des mesures de représailles liées à la procédure qu’elle avait initiée.

q. Vu l’échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée à la locataire le 12 juin 2023.

Le 10 juillet 2023, celle-ci a porté l’affaire devant le Tribunal, persistant dans ses conclusions.

r. Dans sa réponse du 1er septembre 2023, la bailleresse a conclu au déboutement de la locataire de toutes ses conclusions.

s. Le 8 septembre 2023, la locataire a déposé « un complément de requête du 5 septembre 2023 », soit des déterminations et des pièces complémentaires, dont de nouvelles photographies de son balcon et des échanges de courriers avec la régie au sujet du décompte de charges 2022 que la locataire estimait erroné.

t. Lors de l’audience du 6 février 2024, la locataire a persisté dans ses conclusions, déposé des pièces complémentaires et indiqué ne pas souhaiter faire entendre des témoins. La bailleresse a conclu à ce que la locataire soit déboutée de ses conclusions, tout en donnant son accord à l’installation d’une séparation avec les voisins de droite.

Le Tribunal a ensuite procédé à l’interrogatoire des parties.

La locataire a déclaré qu’elle n’avait pas de problèmes avec ses voisins sauf avec les familles D______/E______ et F______/G______, remplacée par la famille H______/I______. Ces deux familles faisaient beaucoup de bruit dans les appartements et sur le balcon. Ils déplaçaient des meubles au milieu de la nuit. Les enfants de ses voisins ne se couchaient jamais tôt. A 23h, ils sautaient encore sur les lits. La locataire entendait tout à travers le mur et sentait les vibrations dans le sol. Elle ne pouvait pas dormir dans sa chambre, mitoyenne avec l’appartement de la famille D______/E______. Elle avait déposé une plainte à leur encontre. Elle souhaitait que les nuisances s’arrêtent. Elle n’avait pas confiance dans une médiation et avait peur. Elle était toutefois prête à en faire une si elle était en sécurité. Elle faisait en outre valoir qu’elle ne pouvait autoriser quiconque à pénétrer dans son appartement pour des raisons médicales. Ne disposant d’aucun proche susceptible de venir constater les nuisances, elle expliquait ne pas être en mesure de les enregistrer à l’aide de son téléphone et refusait, par ailleurs, de communiquer son numéro.

La représentante de la régie a déclaré que des tests avaient été faits dans l’immeuble voisin, construit avec les mêmes matériaux et de la même manière, et que toutes les normes étaient respectées. Dans les trois immeubles construits en même temps, aucun autre locataire ne s’était plaint. La régie était intervenue auprès des familles que la locataire accusait de nuisances. Elles avaient contesté salir son balcon ou faire du bruit. La régie avait proposé une médiation qui avait été refusée par la locataire, contrairement aux deux familles voisines.

A l’issue de l’audience, le Tribunal a clôturé l’administration des preuves, exhorté les parties à entreprendre une médiation et leur a fixé un délai pour le dépôt des plaidoiries finales.

u. Dans ses déterminations du 21 février 2024, la bailleresse a indiqué au Tribunal qu’elle acceptait, à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité, que la locataire installe sur son balcon une séparation avec le balcon voisin, pour autant qu’un devis lui soit transmis au préalable pour validation. Pour le surplus, elle a contesté à nouveau l’ensemble des allégués de la locataire et s’en est remise à justice.

v. Par courrier du 21 mars 2024, la régie a proposé à la locataire de contacter le Bureau de la médiation à Genève dont elle lui a communiqué les coordonnées, afin qu’elle se renseigne et fixe un premier rendez-vous. Elle a précisé que ses voisins étaient d’accord de participer à cette procédure.

w. Par courrier du 8 avril 2024, la locataire a sollicité une prolongation de délai de deux mois pour le dépôt de ses plaidoiries finales, dans l’optique de la médiation à venir. Elle indiquait toutefois qu’il ne lui appartenait pas de l’organiser et qu’il était du devoir de la bailleresse de contacter une médiatrice expérimentée dans le domaine pénal.

x. Par courrier du 14 mai 2024, la régie a communiqué à la locataire le nom d’une médiatrice indépendante.

y. Par courrier du 31 mai 2024, la locataire s’est opposée à ce que la médiation se fasse en dehors du Bureau de la médiation ainsi qu’à prendre le moindre frais y relatif en charge. Elle a requis une nouvelle prolongation de délai de trois mois, indiquant qu’elle contacterait finalement elle-même le Bureau de la médiation.

z. Par courrier du 2 août 2024 (15 pages), la locataire a exposé que la médiatrice proposée par la bailleresse travaillait pour la régie et était ainsi de connivence avec elle, afin de pouvoir accéder à son logement et obtenir son numéro de téléphone.

aa. Par courrier du 16 octobre 2024, la locataire a informé le Tribunal qu’une médiation avait débuté avec une nouvelle médiatrice.

bb. Par plaidoiries finales écrites du 2 décembre 2024 (128 pages), la locataire a persisté dans ses conclusions. A l’appui de celles-ci, elle a notamment indiqué que la médiation engagée avec la nouvelle médiatrice n’avait abouti à aucun accord, en raison du refus de participer au processus opposé par la famille H______/I______, ainsi que de l’absence de collaboration de la famille D______/E______.

Elle a annexé à cette écriture un chargé de pièces complémentaire, comprenant une clé USB contenant des vidéos et photographies prises entre août et novembre 2024.

Elle a également joint des déterminations datées du 6 février 2024, dans lesquelles elle alléguait notamment que le courrier de plainte de ses voisins du 15 février 2023 — dont elle affirmait n’avoir eu connaissance qu’au moment de sa production par la bailleresse, le 1er septembre 2023 — avait été rédigé en connivence avec la régie. Elle contestait intégralement le contenu de ce courrier. Par ailleurs, elle affirmait que ses voisins sous-louaient illégalement leur logement à des personnes en situation irrégulière.

cc. La cause a ensuite été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que la locataire n’avait apporté aucune preuve de l’existence des nuisances alléguées, mises à part ses plaintes écrites et des photographies et vidéos de son balcon. Celles-ci étaient au demeurant peu éloquentes, dans la mesure où seuls apparaissaient quelques feuilles et cheveux ou autres détritus de peu d’importance, ce qui n’était pas suffisant pour constituer un défaut et justifier une réduction de loyer. S’agissant des nuisances sonores, elles n’avaient pas non plus été démontrées. Si elles avaient atteint l’intensité alléguée par la locataire, elles auraient été propres à déranger d’autres habitants. Or, aucun autre locataire de l’immeuble ne s’était plaint. La locataire n’avait pas souhaité faire constater les nuisances par des tiers, refusant systématiquement que quiconque entre dans son logement, et n’avait proposé l’audition d’aucun témoin. Les enregistrements produits permettaient tout au plus de percevoir des bruits de la vie quotidienne. Enfin, la locataire n’avait apporté aucune preuve d'un comportement agressif de ses voisins à son encontre. Il apparaissait d’ailleurs que ceux-ci se plaignaient également du comportement de la locataire à leur égard. Par conséquent, la locataire a été déboutée de ses conclusions en cessation des nuisances et en réduction de loyer. Le Tribunal a, pour le surplus, donné acte à la bailleresse de ce qu’elle avait accepté, à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité, que la locataire installe une séparation avec son voisin sur son balcon, pour autant qu’un devis lui soit transmis au préalable pour validation. Enfin, vu l’absence de défaut, la locataire a été déboutée de ses conclusions en validation de la consignation. Les loyers consignés ont par conséquent été libérés en faveur de la bailleresse.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013); si la durée de prestations périodiques est indéterminée, le montant annuel est multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC).

1.2 En l’espèce, compte tenu des conclusions prises devant le Tribunal, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s’applique aux litiges portant sur des baux à loyer ou à ferme d’habitations et de locaux commerciaux et sur des baux à ferme agricoles en ce qui concerne la consignation du loyer ou du fermage, la protection contre les loyers ou les fermages abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail à loyer ou à ferme. La maxime inquisitoire sociale régit alors la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

Le juge doit donc établir les faits d'office et n'est pas lié par les allégations des parties et leurs offres de preuve (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Toutefois, les parties ne sont pas pour autant dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2).

2. L'appelante reproche tout d'abord au Tribunal de n’avoir pas tenu compte de ses diverses écritures et de n’avoir pas retranscrit l’ensemble des faits tels que présentés par ses soins. Elle lui reproche ainsi en réalité d’avoir violé son droit d'être entendue.

2.1 Le droit d'être entendu, en tant que droit personnel de participer à la procédure, exige que l’autorité écoute effectivement, puis examine soigneusement et sérieusement, et prenne en compte dans sa décision, les arguments de la personne dont la décision touche la position juridique. Il implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a en revanche pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2, JdT 2016 II 347; 129 I 232 consid. 3.2, JdT 2004 I 588, SJ 2003 I 513; arrêt du Tribunal fédéral 4A_523/2010 du 22 novembre 2010 consid. 5.3).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.1).

2.2 En l’espèce, l’appelante ne saurait valablement reprocher au Tribunal d’avoir violé son droit d’être entendue en ne tenant prétendument pas compte des faits tels qu’elle les a exposés, ou en ne lui laissant pas l’occasion de s’exprimer ou d’être entendue en audience. En effet, même si ces griefs étaient établis, ils n’auraient pas été de nature à influer sur l’issue de la cause, le Tribunal ayant fondé son appréciation sur l’insuffisance des preuves apportées par l’appelante quant à l’existence des nuisances alléguées – lesquelles se limitent selon le Tribunal aux seules déclarations de l’appelante ainsi qu’à des photographies, vidéos et enregistrements peu éloquents.

Par conséquent, les moyens tirés de la violation du droit d’être entendue doivent être rejetés, faute de démonstration d’un préjudice effectif ou d’une influence sur la décision rendue.

3. L'appelante faisant grief au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière inexacte, il en a été tenu compte dans la mesure utile dans l’état de faits ci-dessus, lequel a été modifié et complété de manière à y intégrer tous les faits pertinents pour l’issue du litige.

L'appelante reproche en outre au Tribunal d’avoir procédé à une appréciation erronée des faits, en contestant notamment la conclusion selon laquelle elle n’aurait pas apporté la preuve des défauts allégués.

3.1.
3.1.1
Le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle est louée et l'entretenir dans cet état (art. 256 al. 1 CO).

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut. Il faut encore que le défaut entrave ou restreigne l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 259d CO). Pour justifier une réduction de loyer, l'usage de la chose doit être restreint d'au moins 5%, voire 2% s'il s'agit d'une atteinte permanente (ATF 135 III 345 consid. 3.2).

L'art. 259g CO prévoit en outre que le locataire d'un immeuble qui exige la réparation d'un défaut peut consigner son loyer, moyennant qu'il fixe préalablement un délai raisonnable au bailleur pour remédier au défaut, et qu'il l'avise de son intention de procéder à la consignation de ses loyers à échoir si sa mise en demeure ne devait pas être suivie d'effet.

3.1.2 Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stastny, Le bail à loyer, 2019, p. 303).

Dans l'action en réduction de loyer, les faits pertinents en matière de défauts doivent en principe être prouvés de manière stricte (Jeandin, La preuve en droit du bail - Loyers, défauts et résiliation de baux d’habitations et de locaux commerciaux à l’aune des questions probatoires, 2022, n. 1131 et 1183).

Le locataire devra alléguer les faits dont découle le caractère défectueux de l’objet loué de la manière la plus précise que possible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2009 du 21 janvier 2010 consid. 3.4.3; Jeandin, op. cit., n. 1106 et 1169).

En revanche, l’art. 8 CC ne prescrit pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127 III 519 consid. 2a), ni ne dicte au juge comment forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d ; 127 III 248, consid. 3a;
127 III 519, consid. 2a). Il n’exclut ni l’appréciation anticipée des preuves ni la preuve par indices (ATF 129 III 18, consid. 2.6; 127 III 520, consid. 2a;
126 III 315, consid. 4a). La restriction de l’usage causée par le défaut sera le plus souvent prouvée par titre ou par témoignage (Jeandin, op. cit., n. 1187).

3.1.3 Faute de définition légale, la notion de défaut - qui relève du droit fédéral - doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 256 al. 1 CO); elle suppose la comparaison entre l'état réel de la chose et l'état convenu; il y a ainsi défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1 et 4A_628/2010 du 23 février 2011 consid. 3.1). Le défaut peut être matériel ou immatériel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_208/2015 du 12 février 2016 consid. 3.1). Il n'est pas nécessaire que le bailleur soit en faute ou que le défaut soit réparable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépendra des circonstances du cas particulier; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2 et 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

3.1.4 S'agissant du bruit, le locataire ne saurait s'attendre, sauf promesse spéciale, à un silence absolu. Il est plus ou moins inévitable que des bruits provenant de l'extérieur puissent être perçus à l'intérieur d'un logement. Que l'on entende un bruit dans un appartement ne suffit pas pour conclure à l'existence d'un défaut. On ne sort des limites de ce à quoi le locataire devait s'attendre que si le bruit, compte tenu de sa durée, de son intensité et du moment où il se manifeste, dépasse un certain seuil et entrave l'usage normal de la chose louée, par exemple en perturbant le sommeil. La jurisprudence a déjà eu l'occasion de souligner que la nuisance sonore doit dépasser les limites que le locataire doit supporter en fonction de l'usage normal de la chose louée; elle a cité l'exemple de voisins particulièrement bruyants ou d'un immeuble dont l'isolation phonique est exceptionnellement mauvaise; elle a également relevé que des nuisances sonores propres à perturber le sommeil dans un logement d'habitation étaient excessives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2; 4C_368/2004 du 21 février 2005 consid. 4.1 et les références citées, publié in MietRecht Aktuell (MRA) 2005 p. 196 ss.).

Pour dire quels sont les bruits avec lesquels le locataire doit normalement compter (et qui ne constituent donc pas un défaut par rapport à l'usage convenu), il faut tenir compte du lieu de situation de l'immeuble, de la qualité de son aménagement, de son degré de vétusté, ainsi que des activités exercées dans l'immeuble et du comportement normalement prévisible des autres occupants (arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2009 précité consid. 3.2).

3.1.5 Les nuisances provenant d’autres personnes vivant dans l’immeuble constituent un défaut de la chose louée. En particulier, les agressions physiques et verbales d'un locataire voisin peuvent être considérées comme un défaut ouvrant la voie à une réduction de loyer. Ainsi, il a été admis une réduction de loyer de 30% en faveur de locataires qui avaient été insultés, menacés et agressés physiquement par un locataire voisin, ce pendant plus d'une année (Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stastny, op. cit., p. 319; arrêts du Tribunal fédéral 4A_132/2017 et 4A_140/2017 du 25 septembre 2017).

3.2 En l’espèce, l’appelante reproche au Tribunal d’avoir nié l’existence de défauts qu’elle attribue au comportement d’autres locataires de l’immeuble, invoquant des nuisances sonores répétées, des salissures sur son balcon ainsi qu’un comportement agressif à son encontre.

Elle conteste ainsi les faits tels que retenus par le Tribunal ainsi que l’appréciation qu’il en a faite. Le Tribunal a fondé sa décision sur un examen circonstancié des pièces produites et des déclarations des parties. L’appelante y oppose une lecture purement subjective, sans toutefois apporter d’éléments nouveaux susceptibles d’en modifier le sens ou la portée.

S’agissant de la preuve du défaut, elle ne prétend pas avoir apporté d’autres éléments que les vidéos, photographies et enregistrements que le Tribunal a, à juste titre, jugés peu éloquents. Aucun élément ne contredit son appréciation selon laquelle les quelques feuilles, cheveux, autres détritus de peu d’importance et l’eau que l’on aperçoit sur les photos du balcon de l’appelante, ne permettent pas de retenir l’existence d’un défaut. Il en est de même des enregistrements produits qui ne contiennent que des bruits de la vie quotidienne.

Or, conformément aux exigences jurisprudentielles et doctrinales en matière de preuve des défauts, il appartenait à l’appelante d’alléguer précisément les faits de nature à démontrer un défaut, et d’en apporter une preuve suffisante et convaincante. En l’occurrence, aucune pièce n’établit que les nuisances invoquées excédent les limites usuelles de tolérance inhérentes à la vie en collectivité, ni qu’elles étaient telles qu’elles restreignaient l’usage normal du logement conformément à l’article 256 al. 1 CO.

Dans ces circonstances, et faute de preuve suffisante quant à l’existence et à l’intensité des défauts allégués, les griefs de l’appelante doivent être rejetés.

Au vu de ce qui précède, l'appelante a été, à juste titre, déboutée de ses conclusions en validation de la consignation.

4. Enfin, l’appelante conclut à ce que l’intimée l’autorise sans condition à apposer un cache fin et opaque sur son balcon. Or, dans le jugement entrepris, le Tribunal a déjà donné acte à l’intimée de ce qu’elle avait accepté, à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité, d’autoriser l’appelante à installer une telle séparation, sous réserve qu’un devis lui soit transmis au préalable pour validation.

L’appelante ne motive cependant aucunement en quoi cette condition – consistant en la soumission préalable d’un devis – lui serait concrètement préjudiciable. Il s’agit en l’occurrence d’une modalité de mise en œuvre usuelle et proportionnée, qui permet à l’intimée de s’assurer de la conformité de l’aménagement projeté à l’aspect extérieur de l’immeuble ou aux règles de copropriété. Il est rappelé que l'intimée n'a aucune obligation dans ce sens.

5. Il s’ensuit que le jugement sera intégralement confirmé.

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 26 février 2025 par A______ contre le jugement JTBL/49/2025 rendu le 22 janvier 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4851/2023.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Madame Sarah ZULIAN-MEINEN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.