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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22296/2024

ACJC/700/2025 du 27.05.2025 sur JTBL/1194/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22296/2024 ACJC/700/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 27 MAI 2025

 

Entre

1) Madame A______, domiciliée ______ [GE],

2) B______ SA, sise ______ [GE], appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 novembre 2024, représentées par Me Karin GROBET THORENS, avocate, GTHC Avocates, rue Verdaine 13, case postale, 1211 Genève 3,

et

Monsieur C______ et Madame D______, domiciliés ______ [GE], intimés, représentés par [l'agence immobilière] E______, ______ [GE].

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1194/2024 du 28 novembre 2024, reçu, dans sa version motivée, par A______ et B______ SA le 23 janvier 2025, le Tribunal des baux et loyers a condamné celles-ci à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens l'arcade n° 2 au rez-de-chaussée et le local en sous-sol de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ et D______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et B______ SA dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné ces dernières à verser 27 fr. à C______ et D______ (ch. 3), ordonné la libération à concurrence de 27 fr. en faveur de C______ et D______ de la garantie de loyer IBAN 2______ établie aux noms de A______ et B______ SA auprès de la [banque] F______ (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte du 3 février 2025, A______ et B______ SA appellent de ce jugement, dont elles requièrent l'annulation. Elles demandent à la Cour de justice de déclarer irrecevable la requête en évacuation de leurs parties adverses.

Elles allèguent nouvellement le contenu d'un courriel de A______ aux bailleurs, lequel ne figure pas à la procédure.

b. Dans leur réponse du 13 février 2025, C______ et D______ concluent principalement à l'irrecevabilité de l'appel, pour cause de prétendue tardiveté, et subsidiairement à la confirmation du jugement attaqué.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, par actes des 27 février et 6 mars 2025, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Le 21 mars 2025, A______ et B______ SA ont fait parvenir à la Cour les suivis postaux relatifs à la notification du jugement attaqué.

e. Les parties ont été informées le 16 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

f. Par acte du 30 avril 2025, A______ et B______ SA ont soulevé une objection de "défaut de légitimation active et de qualité pour agir" de leurs parties adverses.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______ et D______ sont usufruitiers de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. Leur fille G______ en est nue-propriétaire.

b. Aux termes d'un contrat du 4 juillet 2022, "C______ & D______ & G______" (désignés comme "bailleur"), représentés par E______ (ci-après : la régie) ont remis à bail à A______ une "Arcade d'environ 200.00 m2 n° 02 au rez-de-chaussée ainsi qu'un sous-sol d'environ 160m2" sis dans l'immeuble précité, pour une durée de 5 ans, du 1er août 2022 au 31 juillet 2027. Les locaux étaient destinés "à l'exploitation commerciale par le locataire exclusivement d'un café-restaurant-pizzeria".

B______ SA, inscrite le ______ 2022 au Registre du commerce de Genève et dont A______ est administratrice unique, est devenue colocataire conjointe et solidaire à compter du 1er août 2022, selon un avenant du 26 août 2022.

Le loyer, charges comprises, a été fixé à 112'884 fr. par an dès le 1er septembre 2023 (9'407 fr. par mois) et à 114'360 fr. par an (9'530 fr. par mois) dès le 1er septembre 2024.

Les locataires ont fourni une garantie de loyer de 83'000 fr. (IBAN 2______ auprès de la [banque] F______).

c. Par avis comminatoires séparés du 11 juin 2024, reçus le lendemain, la régie a mis en demeure les locataires de verser dans les 30 jours la somme de 18'814 fr. représentant les loyers de mai et juin 2024, faute de quoi le bail serait résilié pour non-paiement du loyer, conformément à l'art. 257d al. 2 CO.

d. Le montant réclamé n'ayant pas été réglé intégralement dans le délai imparti, la régie - par avis officiels séparés, adressés aux locataires par plis du 23 juillet 2024 non retirés dans le délai de garde venant à échéance le 31 juillet 2024 - a résilié le bail avec effet au 31 août 2024.

e. Le 22 août 2024, les locataires ont contesté le congé. La procédure a été suspendue le 4 février 2025 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (C/3______/2024).

f. Le 31 octobre 2024, D______ a adressé à A______ un message électronique dont la teneur est la suivante :

"Merci pour votre mail. Je comprends bien que votre situation est vraiment difficile, et la reprise des lieux par un vrai restaurant, sans DJ, serait une très bonne chose. J'ai parlé avec M. H______ qui vous propose de lui envoyer le dossier de ces personnes qui sont intéressées à la B______. Si c'est sérieux, il retire la résiliation. Il ne leur dira évidemment pas que votre bail avait été résilié. Si possible, j'aimerais aussi avoir une copie de ce dossier, du moins les noms de ces personnes et le nom de leurs restaurants. Dans l'attente de vos nouvelles, je vous envoie mes meilleures salutations".

Il n'est pas contesté que ce courrier électronique est demeuré sans réaction aucune de la part des locataires.

g. Agissant par la voie de la protection du cas clair, C______ et D______ ont requis le 26 septembre 2025 du Tribunal l'évacuation de A______ et B______ SA, ainsi que des mesures d'exécution directe. Ils ont conclu également à la condamnation des locataires à leur payer 87 fr. à titre d'arriéré de loyer et à la libération de la garantie de loyer en leur faveur à due concurrence.

h. Lors de l'audience du Tribunal du 28 novembre 2024, la régie a persisté dans les conclusions de la requête. Elle a déclaré que l'arriéré de loyer s'élevait à 27 fr. Les bailleurs souhaitaient récupérer les locaux. Il y avait eu des soucis avec le voisinage et l'exploitation du commerce ne semblait pas très efficiente. Il semblait que les locataires cherchaient à remettre le commerce.

A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête, au motif que les bailleurs lui avaient indiqué qu'ils étaient prêts à retirer la résiliation si elle leur proposait des personnes intéressées par la reprise du restaurant. Elle a produit le courrier électronique du 31 octobre 2024, dont le contenu a été reproduit ci-dessus sous let. C.f.

La régie a maintenu "la position exprimée", en relevant que le courrier électronique n'émanait que "d'une seule des propriétaires".

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, la valeur litigieuse est dans tous les cas supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai (cf. également art. 142 al. 3 CPC) et la forme prescrits par la loi, sont recevables, contrairement à ce que soutiennent les intimés.

Il en va de même de la réponse de ces derniers (art. 312 al. 1 et 314 al. 1 CPC), ainsi que des déterminations des parties des 27 février, 6 mars et 21 mars 2025 (art. 53 al. 3 CPC). L'écriture des appelants du 30 avril 2025, déposée après que la cause a été gardée à juger, est en revanche irrecevable (pour ce qui est de l'objection de légitimation active soulevée dans cette écriture cf. également, par surabondance, consid. 2.2 et 3 ci-dessous).

Par souci de simplification, les locataires seront désignés ci-après comme les appelantes.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2. Les appelantes allèguent des faits nouveaux et soulèvent une objection nouvelle.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours, comme le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de 30 jours (art. 257d al. 1 CO) ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (cf. ATF 142 III 462 consid. 4.3). Tel est le cas de l'extinction de la dette ou de la compensation, faits destructeurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2). De même, c'est en première instance que le locataire doit contester avoir reçu la notification de la formule officielle que le bailleur allègue lui avoir adressée (ATF 142 III 462 consid. 3.3.2).

2.2 Conformément aux principes qui précèdent, les allégations nouvelles des appelantes sont irrecevables. Elles ne sont de toute façon pas établies par pièces.

L'objection de défaut de légitimation active soulevée par les appelantes pour la première fois devant la Cour serait irrecevable même si elle avait été invoquée dans une écriture recevable. Même si elle était recevable, cette objection devrait être rejetée pour les raisons qui suivent.

3. Les appelantes font grief au Tribunal de ne pas avoir constaté "d'office que l'assignation consacr[ait] un défaut de légitimation active et de qualité pour agir, les trois bailleurs étant des consorts nécessaires (art. 70 CPC)" et de ne pas avoir déclaré irrecevable, subsidiairement infondée, la requête en évacuation pour ce motif.

3.1 En procédure civile, les parties demanderesse et défenderesse doivent être désignées de manière exacte dans la requête de conciliation lorsque la conciliation est obligatoire, respectivement dans la demande lorsque la conciliation est exclue. Il ne faut pas confondre la désignation inexacte d'une partie avec le défaut de qualité pour agir ou pour défendre (ATF 142 III 782 consid. 3.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.2; 4A_116/2015 du 9 novembre 2015 consid. 3.5.1 non publié aux ATF 141 III 539).

La qualité pour agir (communément qualifiée de légitimation active) ou la qualité pour défendre (communément qualifiée de légitimation passive) relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3.2; 130 III 417 consid. 3.1 et 3.4; 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 3.1; 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 3). Le défaut de qualité pour agir ou pour défendre n'est en principe pas susceptible de rectification; il entraîne le rejet de la demande (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2015, précité, consid. 4.1). En particulier, si l'action n'a pas été ouverte par ou dirigée contre tous les consorts matériels nécessaires (art. 70 al. 1 CPC), elle doit en principe être rejetée (ATF 140 III 598 consid. 3.2; 138 III 737 consid. 2; 137 III 455 consid. 3.5). La consorité (matérielle) nécessaire est imposée par le droit matériel, qui détermine les cas dans lesquels plusieurs parties doivent agir ou défendre ensemble (ATF 138 III 737 consid. 2 et consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 3.3).

Le bailleur n'est pas obligatoirement propriétaire de la chose. Il peut être titulaire d'un simple droit réel limité sur l'objet loué, comme un droit d'usufruit (BOHNET/DIETSCHY-MARTENET, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd. 2017, n. 3 ad art. 253 CO). L'usufruitier a la possession, l'usage et la jouissance de la chose (art. 755 al. 1 CC), ainsi que la gestion (art. 755 al. 2 CC). Il dispose, dans cette mesure, de la prérogative de remettre la chose à bail et de percevoir un loyer ou un fermage (cf. ATF 113 II 121 consid. 2b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 6B_677/2023 du 18 octobre 2023 consid. 2.5.1; 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 4.1).

3.2 Le principe de la bonne foi en procédure (art. 52 CPC) interdit les comportements contradictoires dans le procès et, notamment, aux parties de garder des moyens de défense en réserve en vue de les soulever en appel si le jugement se révèle défavorable (ATF 142 I 155 consid. 4.4.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_520/2023 du 213 septembre 2024 consid. 3.3.1; 5A_75/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.3).

3.3 En l'espèce, seuls les intimés, titulaires d'un usufruit sur l'immeuble concerné, ont la possession des locaux loués et disposent donc de la prérogative de les remettre à bail. Ils peuvent ainsi agir en évacuation sans le concours de la nue-propriétaire. L'argument des appelants tombe donc à faux. Il est superflu d'examiner si ceux-ci, qui comparaissent par avocat depuis le début de la procédure, commettent un abus de droit en faisant valoir un défaut de légitimation active pour la première fois en appel, de surcroît après que la Cour a gardé la cause à juger.

4. Le Tribunal a considéré que les conditions de l'art. 257d CO étaient réunies et qu'ainsi les locataires ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux loués. En continuant à les occuper, elles violaient l'art. 267 al. 1 CO prévoyant l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Le courrier électronique du 31 octobre 2024 produit par les appelantes n'était par définition pas signé et n'avait été adressé "en apparence" que par l'un des bailleurs. Le représentant des bailleurs avait persisté dans les conclusions en évacuation, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de considérer que la cause était devenue sans objet et que les bailleurs avaient renoncé à l'évacuation. Par ailleurs, les locataires n'avaient pas allégué avoir proposé des repreneurs depuis la réception dudit message électronique, de sorte que la condition nécessaire au retrait potentiellement envisagé ne semblait pas réalisée.

Les appelantes font grief au Tribunal "d'avoir totalement occulté les discussions intervenues entre les locataires et les bailleurs (…). Il était pourtant question d'un retrait du congé si les candidats proposés par la locataire étaient jugés sérieux". A leur avis, "devant l'incertitude persistante quant aux intentions des bailleurs", le Tribunal aurait dû soit déclarer la requête irrecevable, le cas n'étant pas clair, soit reconvoquer les parties pour entendre les bailleurs.

4.1 Lorsque le bailleur introduit une requête d'expulsion pour le retard dans le paiement du loyer, selon la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, la cause est soumise tant aux conditions de droit matériel de l'art. 257d CO qu'aux règles procédurales de l'art. 257 CPC.

La réglementation de droit matériel mise en place par le législateur à l'art. 257d CO signifie que le locataire mis en demeure doit évacuer l'objet loué dans les plus brefs délais s'il ne paie pas le loyer en retard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2).

4.2. La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2; 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

4.2.1. Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1 p. 465; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

4.2.2. La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine ("voller Beweis") des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes ("substanziiert und schlüssig") qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

4.2.3. Si le locataire conteste la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal devra examiner sa validité à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. En effet, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; sur la notification de l'avis comminatoire et de la résiliation, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2022 du 21 novembre 2022 consid. 4.1).

L’introduction, par un locataire, d’une procédure en contestation du loyer initial et/ou d’une procédure en contestation du congé ne fait pas obstacle à l’action postérieure en expulsion intentée par le bailleur selon l’art. 257 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 4.1).

4.2.4. Il appartient au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit), conformément aux exigences de l'art. 257 CPC. En revanche, il incombe au locataire d'invoquer les faits dirimants ou destructeurs en invoquant des objections ou des exceptions telle l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3).

4.3 La résiliation du bail est un acte formateur (ATF 123 III 124 consid. 3d; 118 II 119 consid. 3a). En tant qu'il s'agit de l'exercice d'un droit formateur, la résiliation revêt un caractère univoque, inconditionnel et irrévocable (ATF 135 III 441 consid. 3.3). Après sa réception (cf. art. 9 CO), la résiliation ne peut plus être révoquée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2010 du 1er juillet 2010 consid. 2.2), sauf lorsque le destinataire n'a aucun intérêt réel à l'irrévocabilité, soit en particulier lorsqu'il manifeste son accord à la révocation ou encore lorsqu'il conteste la validité de la résiliation en manifestant ainsi sa volonté de maintenir le contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4C.222/2005 consid. 3.3., cité par WYLER/HEINZER/WITZIG, Droit du travail, 5ème éd. 2024, p. 682).

4.4 Le transfert de la chose louée à un tiers suppose la réalisation de trois conditions, à savoir l'existence d'un contrat valable entre le bailleur et le locataire, la conclusion d'un accord entre le locataire et le tiers quant à la reprise du bail et, enfin, le consentement écrit du bailleur au transfert (BOHNET/DIETSCHY-MARTENET, op. cit., n. 14 ad art. 263 CO et les références jurisprudentielles citées).

4.5 En l'espèce, il n'est pas contesté que la résiliation notifiée aux locataires le 12 juillet 2024 pour le 31 août 2024 est intervenue dans le respect des conditions de l'art. 257d CO.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'état de fait nécessaire à l'application de l'art. 257 CPC est établi. En effet, les objections de ces dernières peuvent être écartées immédiatement: les bailleurs n'ont pas retiré le congé, mais se sont bornés à proposer aux locataires que celles-ci leur soumettent le dossier d'un éventuel repreneur de leur établissement. En cas de candidature sérieuse, ils auraient "retiré" le congé, soit consenti au transfert du bail au tiers, sans évoquer avec celui-ci la résiliation intervenue (valablement) pour non-paiement du loyer. Les appelantes n'établissent pas, et n'allèguent d'ailleurs même pas, qu'elles auraient proposé aux intimés un tiers susceptible de reprendre l'exploitation de leur établissement. Contrairement à ce qu'elles soutiennent, les bailleurs, lors de l'audience du Tribunal du 28 novembre 2024, par l'intermédiaire de leur représentant, ont clairement maintenu tant le congé que leur requête en évacuation. L'on ne saurait ainsi leur reprocher d'avoir adopté une attitude faisant inférer qu'ils acceptaient de poursuivre, sous une forme ou une autre, une relation de bail avec les appelantes. C'est donc en vain que ces dernières se prévalent du courriel des bailleurs du 31 octobre 2024, auquel elles n'ont donné aucune suite, pour s'opposer à leur évacuation.

Les conditions de l'art. 257 CPC étant réunies, le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera confirmé.

Les appelantes ne développent aucune critique à l'encontre des mesures d'exécution prononcées par le Tribunal. Elles ne contestent pas non plus leur condamnation à payer 27 fr. aux intimés, ni la libération de la garantie bancaire à concurrence de ce montant en faveur des bailleurs. Les chiffres 2 à 3 du dispositif du jugement attaqué seront donc également confirmés.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 3 février 2025 par A______ et B______ SA contre le jugement JTBL/1194/2024 rendu le 28 novembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22296/2024-1.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Sarah ZULIAN-MEINEN, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.