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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/20498/2021

ACJC/1513/2024 du 27.11.2024 sur JTBL/1114/2023 ( OBL ) , JUGE

Normes : CO.270; CO.269; OBLF.11
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20498/2021 ACJC/1513/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 27 NOVEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______ (VS), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 21 décembre 2023, représentée par d'abord par
Me Serge PATEK, puis par Me Philippe PROST, avocat, rue du Rhône, case
postale 3199, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par
Me David RAEDLER, avocat, avenue Sévelin 15, case postale 851, 1001 Lausanne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1114/2023 du 21 décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 14'400 fr., charges non comprises, dès le 1er octobre 2021, le loyer annuel de l'appartement de trois pièces loué par B______ au 3ème étage de l'immeuble sis no. 1______, rue 2______ à Genève (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à verser à B______ la somme de 12'150 fr. (ch. 2), réduit la garantie de loyer à 4'380 fr. (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 5 février 2024 à la Cour de justice, A______ SA a formé appel de ce jugement. Elle a conclu à son annulation et à ce que le loyer annuel de l'appartement soit fixé à 19'800 fr., charges non comprises, celles-ci s'élevant par année à 2'040 fr. dès le 1er octobre 2021.

Elle a produit un jugement du Tribunal administratif de première instance dans la procédure A/3______/2022 LDTR du 9 mai 2023 ainsi qu'un arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du 10 octobre 2023 rendu dans le cadre de la même procédure.

b. Dans sa réponse expédiée le 7 mars 2024, B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Il a produit des photographies de l'appartement datées du 10 janvier 2024 et du 28 février 2024, des échanges intervenus avec la régie immobilière entre le 30 août 2023 et le 3 octobre 2023 ainsi qu'un courrier envoyé à la régie daté du 18 octobre 2021.

c. La Cour a ordonné un second échanges d'écritures et les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Par courrier du 10 juillet 2024, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

e. Le 26 septembre 2024, A______ SA a produit une pièce nouvelle, sur laquelle B______ s'est déterminé le 9 octobre 2024.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a.a. Le 7 janvier 2020, A______ SA a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la rénovation d'appartements du premier au quatrième étage des immeubles sis nos. 4______ et 1______ rue 2______ à Genève, portant sur la rénovation de toutes les colonnes de chute des salles de bain et des cuisines de l'immeuble, y compris la rénovation complète et le remplacement à l'identique des agencements de ces pièces, ainsi que le remplacement des portes palières et le nettoyage de la ventilation. Un état locatif était joint à la demande, qui précisait également que les travaux n'auraient pas d'incidence sur les loyers des locataires.

a.b Dans son préavis du 28 janvier 2020, l'Office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : l'OCLPF), soit pour lui C______, a préavisé favorablement la demande d'autorisation précitée, tout en précisant dans sa troisième condition que "[l]es travaux de rénovation complète des cuisines et salles de bain, ainsi que le remplacement des canalisations au sous-sol n'aur[aient] aucune incidence sur les loyers des 46 appartements […]".

a.c Le 5 mars 2020, l'Office des autorisations de construire (ci-après : l'OAC) a délivré à A______ SA une autorisation de construire APA/5______/1 portant sur la rénovation des appartements du 1er au 4ème étage des immeubles précités. Il y était précisé que les conditions figurant dans le préavis de l'OCLPF du 28 février 2020, en particulier sa troisième condition, devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

a.d A compter de janvier 2021, divers échanges de correspondance ont eu lieu entre l'OCLPF, respectivement l'OAC, et A______ SA, concernant l'augmentation de loyers de deux logements situés au 4ème étage de l'immeuble sis no. 1______, rue 2______ à Genève, à la suite de changements de locataire. Selon l'OCLPF, ces augmentations étaient susceptibles de constituer une infraction à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (ci-après : LDTR).

a.e Par décision du 20 juillet 2022, le Département du territoire, soit pour lui l'OAC, a notamment imparti un délai de 30 jours à A______ SA afin qu'elle établisse un nouvel avis de fixation du loyer initial respectant le préavis, à savoir un rétablissement de l'état locatif tel qu'il existait avant l'existence des travaux. Il a également prononcé une amende de 22'000 fr. pour non-respect des dispositions de la LDTR.

a.f Le 14 septembre 2022, A______ SA a contesté la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (TAPI).

a.g Par jugement JTAPI/533/2023 du 9 mai 2023, le Tribunal administratif a admis le recours de A______ SA et annulé l'amende. Il a considéré qu'il n'était pas possible de déduire de la troisième condition du préavis que les art. 10 et suivants de la LDTR étaient applicables. A______ SA pouvait de bonne foi comprendre qu'aucun contrôle des loyers n'était imposé par le préavis. Partant, c'était à tort que le Département avait retenu l'existence d'un contrôle des loyers au sens des art. 10 et suivants de la LDTR.

a.h L'arrêt précité a été confirmé par arrêt ATA/6______/2023 de la Chambre administrative de la Cour de justice du 10 octobre 2023, qui a précisé que A______ SA demeurait libre, si elle s'y estimait fondée à la suite de la résiliation de certains baux par des locataires, de majorer les loyers sur les critères de l'adaptation aux loyers usuels du quartier selon l'art. 269a let. a CO ou sur une base de l'adaptation du loyer à l'évolution de l'Indice suisse des prix à la consommation, charge aux locataires de contester ces majorations le cas échéant devant les instances civiles compétentes.

b. Le 17 septembre 2021, A______ SA et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces, d'environ 56 mètres carrés au 3ème étage de l'immeuble sis no. 1______, rue 2______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2026, et se renouvelle ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans.

Le loyer annuel net a été fixé initialement à 19'800 fr. par an, soit 1'650 fr. par mois, et les charges à 2'040 fr. par an, soit 170 fr. par mois.

Une garantie de loyer a été constituée par B______ pour un montant de 5'460 fr., ce montant comprenant le loyer net ainsi que les charges.

c. Selon l'avis de fixation du loyer initial, le précédent locataire s'acquittait, depuis le 1er août 2014, d'un loyer net de 9'000 fr. par an, soit 750 fr. par mois, et de charges à hauteur de 2'040 fr. par an, soit 170 fr. par mois.

La hausse de loyer était justifiée par le fait que celui-ci se situe dans les limites des loyers usuels dans le quartier, au sens de l'art. 269a let. a CO.

d. L'appartement litigieux, situé dans un immeuble construit dans les années 1950, se trouve dans le quartier des Pâquis, à proximité de plusieurs commodités. Il donne côté rue et n'est pas traversant; la façade de l'immeuble est commune et sans cachet particulier. L'appartement n'a pas de vue sur le lac et n'a pas de balcon, mais dispose d'une cave. Sa cuisine et sa salle de bain ont été rénovées. Il est chauffé par des radiateurs placés sous les fenêtres et équipés de vannes thermostatiques anciennes. Il comporte des fenêtres isolantes et à double vitrages. Le sol est recouvert de carrelage dans l'entrée et dans la salle de bain et de parquet dans les autres pièces. La salle de bain est composée d'une baignoire, d'un lavabo, d'un porte-savon, d'un porte essuie-serviette/porte essuie-mains, d'un verre à dents, d'une armoire à pharmacie et d'un miroir. Selon les photographies produites, la cuisine n'est pas d'une grande taille et est composée d'une cuisinière avec four, d'une hotte de ventilation, d'un frigo avec un petit espace réfrigéré dans sa partie supérieure, de placards de rangement et d'un plan de travail. Elle ne comporte pas de lave-vaisselle et son agencement est simple, situé de part et d'autre de la pièce. Les photos figurant au dossier laissent apparaître un logement en état neuf au moment de l'état des lieux d'entrée du 29 septembre 2021, sans caractéristique particulière.

e. Après son emménagement, B______ a constaté l'apparition de moisissures sur les murs à différents endroits de l'appartement, ce qui a donné lieu à une première intervention afin d'apposer des plaques d'isolation thermique dans la cuisine et le salon.

De nouvelles traces de moisissures sont cependant apparues dans le salon, la cuisine et la chambre, notamment au niveau des coins des caissons des stores. Des travaux de remise en état de la peinture ont été proposés à B______.

Par courrier du 7 mars 2024, B______ a sollicité la remise en état de la chose louée ainsi qu'une réduction de loyer de 30% (soit 1'155 fr.) à compter du 18 octobre 2021.

f. Par requête du 26 octobre 2021 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, B______ a contesté le loyer initial et conclu à ce que celui-ci soit fixé au niveau du précédent loyer net, soit 9'000 fr. annuels.

Les parties n'étant pas parvenues à un accord, l'autorisation de procéder a été délivrée le 26 septembre 2022.

g. Par demande expédiée au Tribunal le 25 octobre 2022, B______ a conclu, principalement, à la fixation du loyer initial net de l'appartement à 1'200 fr. par mois, à la réduction de la garantie de loyer à 4'380 fr. et à ce que A______ SA soit condamnée à lui restituer le trop-perçu du loyer, à savoir 450 fr. par mois depuis le 1er octobre 2021 jusqu'à l'entrée en force du jugement, soit au minimum 5'850 fr. à la date du dépôt de la demande, avec intérêts moyens à 5% l'an dès le 1er mars 2022.

Préalablement, il a conclu à la production de l'ensemble des pièces permettant un calcul du rendement net de l'immeuble.

h. Dans sa réponse, A______ SA a conclu au rejet de la requête et à ce que le loyer annuel de l'appartement litigieux soit fixé à 19'800 fr., charges non comprises, celles-ci s'élevant par année à 2'040 fr. dès le 1er octobre 2021.

i. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

Dans sa réplique, B______ a renoncé à ses conclusions en production de pièces afin d'effectuer un calcul du rendement net dans la mesure où A______ SA avait indiqué ne pas être en mesure de fournir les pièces requises. Il a augmenté ses conclusions en restitution du trop-perçu du loyer, soit au minimum 7'650 fr. à la date du dépôt de la réplique, avec intérêts moyens à 5% l'an dès le 1er mai 2022.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 25 avril 2023, B______ a requis son interrogatoire et A______ SA a requis une inspection locale. Le Tribunal a rejeté ces offres de preuves.

Les parties ont plaidé puis la cause a été gardée à juger.

k. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le fait que le préavis du 28 février 2020 ou l'autorisation de construire n'ait pas formellement stipulé un loyer maximum durant la période de contrôle ne suffisait pas à conclure à l'absence de tout contrôle, la décision ayant été obtenue sur la base de l'engagement de A______ SA de ne pas procéder à une hausse de loyer consécutivement aux travaux. Le loyer fixé dans le contrat de bail et dans l'avis de fixation du loyer initial était ainsi nul, car non conforme aux conditions retenues dans l'autorisation de construire du 13 août 2020 (recte : 5 mars 2020).

L'immeuble était ancien au sens de la jurisprudence, de sorte que le loyer initial litigieux devait être examiné sur la base des loyers usuels dans le quartier. A______ SA n'était pas parvenue à mettre en doute la présomption du caractère abusif du loyer, qui avait été augmenté de 120% par rapport au précédent loyer. Les loyers situés entre le 3ème quartile (1'607 fr.) et le 9ème décile (2'195 fr.) des statistiques cantonales invoquées par A______ SA n'étaient pas pertinents dans le cas d'espèce, dans la mesure où il était notoire que le secteur Pâquis-Navigation comportait des logements d'une grande diversité, ceci se reflétant dans les mêmes statistiques qui faisaient état d'un écart important entre les loyers dans le secteur. Or, le logement litigieux était des plus ordinaires, de sorte qu'il ne présentait aucun élément de luxe qui justifierait de le comparer aux loyers les plus élevés du quartier.

En se basant sur les statistiques cantonales fixant le prix moyen par pièce et par mètre carré des baux en cours, ainsi que du montant du précédent loyer et des loyers payés par les locataires dans l'immeuble litigieux ainsi que celui situé au no. 4______, rue 2______, le Tribunal a fixé le loyer à 1'200 fr. par mois dès le 1er octobre 2021, précisant qu'il ne pouvait fixer le loyer au montant du précédent loyer, dès lors qu'il ne pouvait aller au-delà des conclusions prises par B______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par l'appelant sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

1.2 Dans ses dernières conclusions prises en première instance, l'intimé a notamment conclu à la fixation du loyer initial à 1'200 fr. par mois, charges non comprises, de même qu'au remboursement par l'appelante d'un trop-perçu de loyer de 7'650 fr. au minimum. L'appelante a quant à elle persisté dans ses conclusions tendant à ce que le loyer annuel soit fixé à 1'650 fr. par mois, charges non comprises.

La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte, ce qui n'est pas contesté.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel a été interjeté dans les délais et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 Tant l'appelante que l'intimé ont produit des pièces nouvelles et fait valoir des faits nouveaux.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Les faits nouveaux ne sont invocables que conformément aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC lorsque la maxime inquisitoire sociale est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_519/2012 du 30 avril 2013 consid. 5).

1.4.2 En l'espèce, dans la mesure où les pièces produites par l'appelante et l'intimé portent sur des faits survenus postérieurement à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, elles sont recevables, ce qui n'est pour la plupart des pièces pas contesté, avec la précision que les allégations de l'appelante selon lesquelles les photographies produites par l'intimé auraient été postdatées ne sont nullement démontrées.

La pièce produite par l'appelante après que la cause a été gardée à juger est toutefois irrecevable ainsi que les déterminations des parties à cet égard.

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.6 La présente affaire est soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC; ATF 142 III 690 consid. 3.1; 142 III 402 consid. 2; 142 III 336 consid. 5.2.4), dans la mesure où elle relève de la protection contre les loyers abusifs (art. 269, 269a et 270 CO).

La maxime inquisitoire sociale ou simple (art. 247 al. 2 let. a CPC) est applicable en l'espèce (ATF 142 III 690 consid. 3.1; 142 III 402 consid. 2; 142 III 336 consid. 5.2.4). Le juge doit donc établir les faits d'office et n'est pas lié par les allégations des parties et leurs offres de preuve (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Toutefois, les parties ne sont pas pour autant dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits. A ce propos, l'état de fait retenu par le Tribunal a, en tant que de besoin, été complété sur la base des pièces de la procédure, de sorte que les griefs de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne seront pas traités plus avant.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que le loyer litigieux était nul au motif qu'il ne pouvait être augmenté à la suite de la réalisation des travaux de rénovation des cuisines et des salles de bains effectués dans l'appartement. Ce raisonnement reviendrait à imposer un blocage des loyers pour une durée indéterminée (le Tribunal n'ayant pas fixé de période de blocage), ceci alors même que l'augmentation du loyer avait été effectuée sur la base de l'art. 269a let. a CO (loyers usuels du quartiers), et non pas en raison des travaux effectués. Le blocage du loyer imposé par le Tribunal violait le principe de la force dérogatoire du droit fédéral, le droit du bail ressortant d'une compétence fédérale. Le loyer ne pouvant être considéré comme étant bloqué au sens de la LDTR, celui-ci pouvait connaître une variation sur la base d'un autre critère de fixation du loyer que celui des prestations supplémentaires du bailleur (art. 269a let. b CO), et ne pouvait être considéré comme nul.

3.1 Le contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux mœurs (art. 20 al. 1 CO). Selon cette disposition, un contrat est illicite lorsque son contenu est contraire au droit dispositif suisse, fédéral ou cantonal, plus spécifiquement lorsqu'il contrevient à la lettre ou au but d'une disposition légale (Guillod/Steffen, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd. 2021, n. 60 ad art. 19-20 CO). Il peut s'agir d'une norme de droit privé, de droit public ou de droit pénal fédéral ou cantonal (Guillod/Steffen, op. cit., n. 62 ad art. 19-20 CO).

La nullité d'un contrat au sens de l'art. 20 al. 1 CO peut être invoquée en tout temps et le juge examine cette question d'office (Guillod/Steffen, op. cit., n. 48 et 94 ad art. 19-20 CO).

Lorsque les parties ont fixé contractuellement un loyer supérieur à celui admis par l'administration compétente en application de la LDTR, le contrat renferme une disposition contraire à la loi et est frappé de nullité partielle en vertu de l'art. 20 CO, ce que le juge doit constater (ACJC/1311/2009 du 2 novembre 2009 consid. 3.2 et les arrêts cités; également en ce sens: Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 458, n. 3.1.3).

3.2 En l'espèce, par arrêt ATA/6______/2023 du 10 octobre 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice a confirmé le jugement du Tribunal administratif JTAPI/533/2023, qui a retenu que les loyers des immeubles situés aux nos. 4______ et 1______, rue 2______ à Genève, n'étaient pas contrôlés au sens de la LDTR et que l'appelante demeurait libre, à l'occasion d'un changement de locataire, de majorer les loyers, notamment sur le critère de l'adaptation aux loyers usuels du quartier selon l'art. 269a let. a CO.

Partant, il convient de considérer que le loyer fixé dans le contrat de bail et dans l'avis de fixation du loyer initial n'est pas nul sur la base des principes fixés dans la LDTR, dès lors que le loyer en cause n'est pas bloqué au sens de cette loi.

Le grief de l'appelante est donc fondé sur ce point.

4. Il convient néanmoins encore d'examiner si le loyer peut être qualifié d'abusif. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que tel était le cas.

4.1
4.1.1
En vertu de l'art. 270 al. 1 CO, le locataire peut contester le loyer initial qu'il estime abusif au sens des art. 269 et 269a CO. Selon l'art. 269 CO, le loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée et, selon l'art. 269a let. a CO, il est présumé non abusif lorsqu'il se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (ATF 148 III 209 consid. 3).

4.1.2 Le critère absolu du rendement net a la priorité sur celui des loyers usuels de la localité ou du quartier, en ce sens que le locataire peut toujours tenter de prouver que le loyer permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif (art. 269 CO), et ce n'est donc qu'en cas de difficulté ou d'impossibilité de déterminer le caractère excessif du rendement net qu'il pourra être fait application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 14 consid. 4.2; 124 III 310 consid. 2b).

Pour les immeubles anciens, la hiérarchie des critères absolus est inversée : le critère des loyers usuels de la localité ou du quartier l'emporte sur le critère du rendement net des fonds propres investis (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 14 consid. 4.2; 140 III 433 consid. 3.1; 139 III 13 consid. 3.1.2). Pour un immeuble ancien, le bailleur peut donc se prévaloir de la prééminence du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier; le fait que ce critère ait la priorité ne l'empêche toutefois pas d'établir que l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif à l'aide du rendement net (arrêt du Tribunal fédéral 4A_191/2018 du 26 mars 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités). Est ancien un immeuble dont la construction ou la dernière acquisition remonte à trente ans au moins, au moment où débute le bail; autrement dit, ce délai de trente ans commence à courir soit à la date de la construction de l'immeuble, soit à celle de sa dernière acquisition, et doit être échu au moment où débute le bail (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 14 consid. 4.2; 144 III 514 consid. 3.2).

4.1.3 Lorsque, dans la formule officielle, le bailleur s'est prévalu des loyers usuels pour justifier la hausse du loyer par rapport à celui de l'ancien locataire, il appartient au locataire de prouver le caractère abusif du loyer initial (ATF 148 III 209 consid. 3.1; 147 III 431 consid. 3.2.1; 139 III 13 consid. 3.1.3.2).

4.1.4 Le loyer initial est présumé abusif (présomption de fait) lorsqu'il a été massivement augmenté par rapport au loyer précédent, soit de beaucoup plus que 10%, et que cela ne peut s'expliquer par l'évolution du taux hypothécaire de référence ou de l'indice suisse des prix à la consommation (ATF 148 III 209 consid. 3.2.1; 147 III 431 consid. 3.3; 139 III 13 consid. 3.1.4).

Cette présomption peut être affaiblie par le bailleur s'il parvient à éveiller auprès du juge des doutes fondés quant à sa véracité (ATF 148 III 209 consid. 3.2.1;
147 III 431 consid. 4.2). Pour éveiller de tels doutes, il est par exemple envisageable que le bailleur se réfère à un certain nombre de logements de comparaison (en terme de situation, de taille, d'équipement, d'état et de période de construction) et/ou à des statistiques officielles ou à des statistiques ne répondant pas aux exigences l'art. 11 al. 4 en lien avec l'al. 1 de l'ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF, RS 221.213.11; ATF 150 III 123 consid. 4.3; 148 III 209 consid. 3.2.1; 147 III 431 consid. 4.3.1). En tout état de cause, le fait que le bailleur ne cite qu'un ou deux objets comparables ne saurait suffire. Dans certaines circonstances, il peut suffire que le bailleur mentionne seulement trois ou quatre objets comparables pour éveiller des doutes fondés quant à la présomption, pour autant que, par exemple, une statistique supplémentaire, même si elle ne correspond pas entièrement aux exigences de l'OBLF, ou d'autres facteurs, indiquent les loyers usuels du lieu et du quartier. Une expertise privée peut également être appropriée à cet effet (ATF 147 III 431, consid. 4.3.1). La comparabilité des objets en ce qui concerne les critères pertinents ne doit pas être soumise à la même rigueur que pour la preuve des loyers usuels dans la localité ou le quartier proprement dit, dès lors qu'il s'agit, à ce stade, uniquement d'éveiller des doutes fondés quant à la justesse de la présomption du caractère abusif. A cet égard, seuls les objets qui ne sont manifestement pas comparables à l'objet loué peuvent être exclus de la comparaison (ATF 150 III 123 consid. 4.3, 4.4.2 et 4.4.3); ainsi, les logements qui ne se trouvent certes pas dans le même quartier, mais à proximité de celui-ci, ne doivent pas être exclus (ATF 150 III 123 consid. 4.4.2; Giavarini, Bundesgericht, I. zivilrechtliche Abteilung, Urteil 4A_121/2023 vom 29. November 2023, A. AG gegen B., Anfechtung desAnfangsmietzinses in AJP/PJA 2024 p. 496, 498), tout comme des nuisances différentes au bruit de la rue ne doivent pas conduire à l'exclusion d'objets comparables (ATF 150 III 123 consid. 4.4.3; Giavarini in loc. cit.). Il est donc possible de prendre en compte de manière circonstanciée et de compenser certains critères, dès lors que ceux-ci ne doivent pas être apprécié avec la même rigueur que lorsqu'il s'agit d'apporter la preuve stricte des loyers usuels dans la localité et le quartier (ATF 150 III 123 consid. 4.3, 4.4.2 et 4.4.3; 147 III 431 consid. 4.1).

Il convient également de tenir compte de la longue durée du bail précédent pour déterminer si le bailleur a réussi à éveiller des doutes fondés quant à la présomption d'abus (ATF 150 III 123 consid. 4.5.2; 147 III 431 consid. 4.3.2). A cet égard, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'une durée de 15 à 20 ans est appropriée pour admettre l'existence d'un bail précédent de longue durée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_183/2020 du 6 mai 2021 consid. 3.5.3 non publié aux ATF 147 III 431). La présomption d'abus ne doit en tout cas pas conduire à ce qu'un bailleur ne puisse pas augmenter (de manière décisive) le loyer par rapport au loyer payé par le locataire précédent, alors qu'une telle augmentation de loyer serait justifiée en raison d'une hausse considérable des loyers dans le quartier. La longue durée du bail précédent peut donc constituer – à elle seule ou avec d'autres facteurs – un indice de poids pour éveiller des doutes fondés quant à la véracité de la présomption du caractère abusif (ATF 150 III 123 consid. 4.5.2 et 4.5.3; 147 III 431 consid. 4.3.2).

Le juge doit apprécier les indices présentés par le bailleur en tenant compte de son expérience générale de la vie et de sa connaissance du marché local (ATF
148 III 209 consid. 3.2.1; 147 III 431 consid. 4.3.3).

4.1.5 S'il arrive à la conclusion que le bailleur a éveillé des doutes fondés sur la présomption, celle-ci tombe. Dans ce cas, il incombe au locataire de prouver le caractère abusif du loyer initial à l'aide de cinq objets comparables ou d'une statistique officielle. En revanche, si le bailleur ne parvient pas à éveiller des doutes fondés, la présomption du loyer abusif s'applique en faveur du locataire (ATF 148 III 209 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 147 III 431 consid. 4.3.3). Dans ce cas, le loyer convenu est présumé abusif et il incombe au juge de fixer lui-même le loyer initial. En effet, sous peine de commettre un déni de justice, il doit arrêter un loyer même si les parties n'ont pas apporté de moyens de preuve (ATF 139 III 13 consid. 3.5.1).

4.1.6 Dans un arrêt ACJC/418/2018 du 9 avril 2018, consid. 5.3.1, la Cour a estimé que la référence au 1er ou au 3ème quartile des statistiques ne se justifiait de manière exceptionnelle que si l'objet loué s'écartait considérablement, par ses particularités, d'un logement usuel.

Elle s'est également référée au 9ème décile des statistiques cantonales concernant un immeuble sis au quai Gustave-Ador, à Genève, avec une vue plongeante sur le lac et le jet d'eau (ACJC/801/2018 du 25 juin 2018 consid. 2.2).

4.2 En l'espèce, les parties admettent que le logement litigieux se trouve dans un immeuble ancien et que le critère des loyers usuels du quartier est prioritaire, critère qui a par ailleurs été invoqué par l'appelante dans la formule officielle. Il n'est pas non plus contesté que le loyer initial est présumé abusif, en raison de son augmentation à hauteur de 120% par rapport au précédent loyer, et qu'il appartient de ce fait à l'appelante, si elle entend renverser ladite présomption, d'éveiller auprès des juges des doutes fondés quant à la présomption d'abus.

A cet égard, l'appelante se prévaut des critères développés dans l'ATF 150 III 123 (arrêt du Tribunal fédéral 4A_121/2023 du 29 novembre 2023), en soutenant que le Tribunal aurait mal appliqué lesdits critères. Selon elle, la production des statistiques cantonales des loyers pratiqués dans le secteur Pâquis-Navigation suffit, à elle seule, à faire naître des doutes fondés quant au caractère abusif du loyer. L'appelante perd toutefois de vue, comme l'a relevé à juste titre l'intimé, que dans l'arrêt précité, le bailleur était parvenu à éveiller des doutes fondés à cet égard à l'aune de l'examen de multiples critères (logements de comparaison, statistiques, longue durée du précédent bail d'environ 20 ans). En outre, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l'arrêt en cause, le bailleur avait soumis 23 logements de comparaison ainsi qu'une expertise privée.

Or, dans le cas d'espèce, l'appelante s'est uniquement prévalue des statistiques cantonales applicables pour le secteur Pâquis-Navigation et a précisément situé le logement litigieux dans la tranche des loyers supérieurs – correspondant au loyer qu'elle entendait pratiquer –, à savoir entre le 3ème quartile et le 9ème décile, soit entre 1'607 fr. et 2'195 fr. Cette simple comparaison ne saurait suffire à éveiller des doutes fondés. En effet, les éléments avancés par l'appelante pour justifier la comparaison du logement litigieux aux loyers les plus élevés du quartier ne sauraient convaincre. La majorité des agencements de l'appartement dont se prévaut l'appelante ne le dote en effet pas de qualités justifiant de le situer au niveau des loyers les plus élevés, les installations présentes dans la salle de bain, bien que rénovées, pouvant être qualifiése de standards (porte-savon, porte-serviette, verre à dents, armoire à pharmacie et miroir), tandis que la cuisine, s'il est vrai qu'elle est en partie équipée (cuisinière/four, hotte de ventilation et frigo/petit espace réfrigéré), n'est cependant pas d'une grande taille, ni d'une grande praticité (agencement de part et d'autre de la pièce) et ne bénéficie pas d'un lave-vaisselle. De plus, le reste de l'appartement n'a pas fait l'objet de rénovation, ne se distingue pas par la grandeur de ses pièces (surface totale d'environ 56 mètres carrés), n'est pas traversant, donne côté rue, et n'a pas de balcon. Il convient donc de se rallier à l'opinion des premiers juges, lorsqu'ils considèrent que les caractéristiques du logement litigieux, soit la taille de ses pièces, sa situation, son agencement ou son degré de finition, ne justifient pas de le comparer aux loyers situés entre le 3ème quartile et le 9ème décile, conformément à la jurisprudence de la Cour en la matière (cf. supra consid. 4.1.6). A cela s'ajoute que, comme l'a également relevé le Tribunal, le secteur Pâquis-Navigation offre des logements d'une grande diversité, y compris des logements de luxe comportant des pièces de grandes surfaces, situés sur les quais ou bénéficiant d'une vue sur le lac, ce qui n'est pas le cas du logement litigieux. L'allégation de l'appelante à ce sujet, selon laquelle il existerait "manifestement un nombre insignifiant d'appartements que l'on peut considérer de luxe et qui comporteraient uniquement trois pièces", n'est étayée par aucun élément.

Les arguments développés par l'appelante sont ainsi insuffisants pour éveiller des doutes fondés quant à la présomption d'abus, dès lors que l'on ne voit pas pourquoi, au vu des caractéristiques de l'appartement, ce dernier ne pourrait pas se situer entre le 1er quartile et le 3ème quartile, soit un loyer entre 795 fr. et 1'607 fr., ce qui est le cas pour la moitié des observations entre ces deux quartiles. Quant à la durée du précédent bail (7 ans), cette dernière est insuffisante, selon les principes jurisprudentiels précités, pour éveiller des doutes fondés. Pour le surplus, l'appelante n'a pas produit de logements de comparaison.

Partant, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

5. Reste ainsi à déterminer si le loyer annuel de l'appartement de 14'400 fr., soit 1'200 fr. par mois, a été fixé conformément aux principes applicables.

5.1
5.1.1 Lorsque le loyer initial convenu dans le bail est considéré comme abusif, il appartient au tribunal d'en réduire le montant dans la mesure admissible au regard des principes jurisprudentiels en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2008 du 10 juin 2008 consid. 2.3). Se pose la question de savoir comment le juge doit procéder pour fixer le loyer initial si les parties n'ont pas fourni d'éléments pertinents. Dans l'ATF 139 III 13 consid. 3.5 ss, le Tribunal fédéral a qualifié le loyer initial d'abusif et a arrêté lui-même le loyer initial; dans ce cas concret, faute d'éléments produits par les parties, il a estimé conforme au droit fédéral de s'en tenir au loyer payé par l'ancien locataire. Tel ne doit toutefois pas être systématiquement le cas. En effet, le juge jouit d'une grande marge d'appréciation pour fixer le loyer initial dans un cas concret. En s'inspirant de la jurisprudence récente rendue en lien avec le critère du rendement net (ATF 147 III 14 consid. 6.1.2 et 6.1.3; 142 III 568 consid. 2.1), en l'absence d'éléments permettant de fixer le loyer selon l'art. 11 OBLF, même lorsque le défaut est imputable au bailleur, il y a lieu de procéder comme suit: en l'absence de tout élément de preuve, il faut s'en tenir au loyer payé par le précédent locataire. S'il existe d'autres éléments, comme des statistiques cantonales ou communales, mêmes si elles ne sont pas suffisamment différenciées au sens de l'art. 11 al. 4 OBLF, il y a lieu d'en tenir compte et de pondérer les chiffres qui en résultent en fonction des caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du montant du loyer payé par le précédent locataire, ainsi que de la connaissance du marché local et de l'expérience du juge (ATF 148 III 209 consid. 3.2.3).

5.1.2 Les statistiques éditées par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) peuvent être utilisées pour fixer le loyer initial, tout en tenant compte de leurs lacunes, par le biais de réajustements destinés à prendre en considération les particularités de l'objet loué. Eu égard à la marge d'appréciation dont le juge dispose en la matière, il est possible de se référer à une valeur moyenne. En règle générale, dans la mesure où les statistiques relatives aux logements loués à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois ne tiennent pas compte de la date de construction de l'immeuble, ni des caractéristiques du cas particulier, il y a lieu de les compléter en procédant à une pondération avec les chiffres statistiques des baux en cours (ACJC/897/2023 du 30 juin 2023 consid. 3.1.2; ACJC/684/2020 du 25 mai 2020 consid. 3.1; ACJC/418/2018 du 9 avril 2018 consid. 5.2; ACJC/574/2016 du 25 avril 2016 consid. 5.1; ACJC/390/2015 du 30 mars 2015 consid. 6.1; ACJC/1500/2013 du 16 décembre 2013 consid. 6.1.2; ACJC/702/2009 du 15 juin 2009 consid. 4).

Le Tribunal fédéral n'a pas considéré comme arbitraire la prise en compte d'un "loyer moyen" d'une localité, tel que ressortant des statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 4A_461/2015 du 15 février 2016 consid. 4.2). Ainsi, l'utilisation d'une valeur moyenne n'est, en soi, pas contraire à la jurisprudence, même si, selon les situations, l'utilisation de la valeur médiane peut être préférable (ACJC/1150/2015 du 28 septembre 2015 consid 5.4.2).

Concernant le choix de la statistique à prendre en compte parmi celles établies par l'OCSTAT, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ACJC/676/2024 du 29 mai 2024 consid. 3.2; ACJC/812/2010 du 21 juin 2010 consid. 4.1; ACJC/1303/2007 du 5 novembre 2007 consid. 3.5).

Le Tribunal fédéral a confirmé que cette pondération des statistiques genevoises n'est pas arbitraire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_250/2012 du 28 août 2012 consid. 2.4; 4A_3/2011 du 28 février 2011 consid. 5.2).

5.1.3 Les frais accessoires autres que ceux liés au chauffage et à la production d'eau chaude, comme les frais d'exploitation, sont englobés dans les loyers servant de données pour les statistiques cantonales genevoises (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2008 du 10 juin 2008 consid. 2.4).

5.1.4 La détermination d'un loyer admissible doit se fonder sur la base d'un bien immobilier exempt de défaut et entretenu, le bailleur ayant l'obligation de délivrer la chose dans cet état (cf. art. 256 al. 1 CO). Les réductions fondées sur les défauts (art. 258 ss CO) doivent faire l'objet d'une procédure distincte de la part des locataires, en réduction du loyer (cf. art. 259a al. 1 let. b et 259d CO). Il ne se justifie dès lors pas, dans la détermination du loyer admissible ou dans le cadre d'une fixation de loyer, d'en tenir compte, faute de quoi les locataires pourraient obtenir une double réduction pour ce motif, à la fois dans le cadre de la procédure en contestation du loyer initial, ainsi que dans le cadre d'une demande éventuelle de réduction de loyer, pour défaut de la chose louée (ACJC/676/2024 du 29 mai 2024 consid. 3.4; ACJC/418/2018 du 9 avril 2018 consid. 4.2).

5.2 En l'espèce, il ne sera pas tenu compte de l'état locatif produit par l'intimé des appartements de l'immeuble en cause et de l'immeuble sis no. 1______, rue 2______, dans la mesure où les logements concernés se situent dans le même immeuble, respectivement sont propriétés du même bailleur, et ne peuvent ainsi pas être utilisés comme moyen de comparaison. Il convient dès lors de combiner différentes statistiques. Si les premiers juges se sont référés à plusieurs statistiques de l'OCSTAT concernant le prix moyen à la fois par pièce et également par mètre carré des baux en cours pour un appartement de 3 à 3,5 pièces situé dans le quartier Pâquis-Navigation, ils n'ont pas fait usage des statistiques relatives aux baux en cours, de sorte qu'il convient de compléter leur examen et de fixer le loyer initial sur la base de l'ensemble des statistiques pertinentes.

A. Nouveaux baux (logements loués à des locataires au cours des douze derniers mois) pour l'année 2021

a) Loyer à la pièce

-   Loyer mensuel moyen des baux portant sur un logement de 3 pièces non neuf loué à un nouveau locataire dans le canton de Genève (OCSTAT, T.05.04.2.01): 1'508 fr.

b) Loyer au mètre carré

-   Loyer mensuel moyen par mètre carré des nouveaux baux portant sur des logements non neufs à loyer libre de deux pièces ou plus, dans un immeuble construit entre 1947 et 1960 (OCSTAT, T.05.04.2.04): 27 fr. 15 par mètre carré, soit 1'520 fr. 40 pour un logement de 56 mètres carrés (27 fr. 15 x 56).

-   Loyer mensuel moyen par mètre carré des baux portant sur des logements non neufs à loyer libre de deux pièces ou plus dont le locataire a changé durant les 12 derniers mois, dans un immeuble en Ville de Genève, dans le quartier de Pâquis-Navigation (OCSTAT, T. 05.04.2.04): 29 fr. 20 par mètre carré, soit 1'635 fr. 20 pour un logement de 56 mètres carrés (29 fr. 20 x 56).

La moyenne des loyers au mètre carré pour un nouveau bail de 3 pièces de 56 mètres carrés est de 1'577 fr. 80 ([1'520 fr. 40 + 1'635 fr. 20] ÷ 2).

La moyenne pour les nouveaux baux est de 1'542 fr. 90 ([1'508 fr. + 1'577 fr. 80] ÷ 2).

B. Baux en cours pour l'année 2021

a) Loyer à la pièce

-   Loyer mensuel moyen pour un logement à loyer libre de 3 pièces construit entre 1946 et 1960 (OCSTAT, T.05.04.2.01) : 1'211 fr.

-   Loyer mensuel moyen pour un logement à loyer libre de 3 pièces situé dans le quartier Pâquis-Navigation (OCSTAT, T.05.04.2.01) : 1'229 fr.

La moyenne des loyers par pièce est de 1'220 fr. ([1'211 fr. + 1'229 fr.] ÷ 2).

b) Loyer au mètre carré

-   Loyer mensuel moyen par mètre carré des baux en cours portant sur un logement de 3 pièces dans un immeuble construit entre 1946 et 1960 (OCSTAT, T.05.04.2.03) : 21 fr. 85 par mètre carré, soit 1'223 fr. 60 pour un logement de 56 mètres carrés (21 fr. 85 × 56).

-   Loyer mensuel moyen par mètre carré des baux en cours portant sur un logement de 3 pièces dans un immeuble dans le secteur Pâquis-Navigation : 21 fr. 95 par mètre carré, soit 1'229 fr. 20 pour un logement de 56 mètres carrés (21 fr. 95 × 56).

La moyenne des loyers au mètre carré pour un 3 pièces de 56 mètres carrés est de 1'226 fr. 40 (1'223 fr. 60 + 1'229 fr. 20 / 2).

La moyenne pour les baux en cours est de 1'223 fr. 20 ([1'220 fr. + 1'226 fr. 40] ÷ 2).

III. Moyenne statistique

La moyenne entre les statistiques des nouveaux baux et de baux en cours donne ainsi un loyer de 1'383 fr. 05 (1'542 fr. 90 +1'223 fr. 20 ÷ 2).

Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, les premiers juges n'ont pas pris en considération les problèmes de moisissures rencontrés par l'intimé dans le cadre du calcul du loyer initial, dans la mesure où une éventuelle réduction de loyer en raison desdites moisissures devrait faire l'objet d'une procédure distincte de la part de l'intimé, en réduction du loyer, ce que celui-ci n'ignore pas, au vu de son courrier envoyé à la régie de l'immeuble sollicitant une réduction de loyer de 30% à compter du 18 octobre 2021.

Il y a enfin lieu de pondérer le résultat obtenu au vu des caractéristiques concrètes de l'appartement. Si la cuisine et la salle de bain ont fait l'objet d'une rénovation récente, elles ne disposent pas de qualités extraordinaires et leur agencement est ordinaire. Le reste de l'appartement n'a pas fait l'objet d'une rénovation, et il ne dispose pas de qualités particulières qui le distingueraient particulièrement (balcon, terrasse, WC séparé, lave-vaisselle, surface particulièrement grande des pièces, vue sur le lac, finitions particulières). Sa surface totale, d'environ 56 mètres carrés, est standard pour un logement de 3 pièces; celui-ci n'est pas traversant, ni n'a de cachet particulier, tout comme la façade de l'immeuble, qui est ordinaire. En résumé, les pièces versées au dossier ne font pas état d'un logement d'un certain "standing", comme le voudrait l'appelante qui, dans le cadre de son grief relatif au renversement de la présomption de loyer abusif, l'avait situé au niveau des logements compris entre le 3ème quartile et le 9ème décile, ce qui ne correspond pas à la réalité du logement loué, comme vu précédemment (cf. supra consid. 5.2) Situé aux Pâquis, il a l'avantage d'être proche de plusieurs commodités, mais le fait qu'il donne sur la rue dénote d'un manque de calme, le quartier des Pâquis étant notoirement connu comme étant un quartier animé et très urbanisé.

Ainsi, compte tenu de ce qui précède, notamment les spécificités de l'appartement, le loyer payé par le précédent locataire pour un bail d'une durée de sept années (750 fr. par mois), il y a lieu de pondérer le résultat, obtenu à l'aide des statistiques, et de fixer le loyer admissible à 1'350 fr. par mois.

5.3 Le jugement entrepris sera ainsi réformé, en ce sens que le loyer initial sera fixé annuellement à 16'200 fr., charges non comprises.

6. L'appelante sera ainsi condamnée à restituer à l'intimé le montant des loyers qu'elle a trop perçus, à savoir 11'100 fr. (1'650 fr. [ancien loyer] – 1'350 fr. [nouveau loyer] = 300 fr., multiplié par 37 mois [période du 1er octobre 2021 au 31 octobre 2024]).

7. La garantie bancaire, qui ne doit pas dépasser trois mois de loyer (art. 257e al. 2 CO), sera également réduite en conséquence et fixée à 4'560 fr. ([1'350 fr. + 170 fr.] × 3), étant précisé que les parties n'ont pas remis en cause que les charges soient intégrées dans le montant de la garantie). Sa libération pour le surplus sera ordonnée en faveur de l'intimé.

8. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers:


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 février 2024 par A______ SA contre le jugement JTBL/1114/2023 rendu le 21 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/20498/2021.

Au fond :

Annule les chiffres 1 à 3 du dispositif du jugement attaqué.

Cela fait et statuant à nouveau sur ces points :

Fixe à 16'200 fr., charges non comprises, dès le 1er octobre 2021, le loyer annuel de l'appartement de 3 pièces loué par B______ situé au 3ème étage de l'immeuble sis no. 1______, rue 2______ à Genève.

Condamne A______ SA à verser à B______ la somme de 11'100 fr. à titre de restitution des loyers versés en trop.

Réduit la garantie bancaire à 4'560 fr. et ordonne la libération du solde en faveur de B______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Damien TOURNAIRE et Madame Nevena PULJIC, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.