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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21982/2023

ACJC/514/2024 du 24.04.2024 sur JTBL/1082/2023 ( SBL ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21982/2023 ACJC/514/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 24 AVRIL 2024

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], appelants et recourants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 décembre 2023, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Succession de feue Madame C______, soit pour elle Madame D______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Jean-Charles LOPEZ, avocat, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12,

Monsieur E______, domicilié ______ (VD), autre intimé.

 


EN FAIT

A. Par jugement non motivé JTBL/1082/2023 du 14 décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a condamné A______, B______ et E______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 4 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que la cave no. 2______ en dépendant (ch. 1 du dispositif), a autorisé D______ à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès le 60ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné conjointement et solidairement A______, B______ et E______ à verser à D______ la somme de 11'146 fr. 40 (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

Par jugement motivé JTBL/1082/2023 daté du 14 décembre 2023 et expédié pour notification aux parties le 10 janvier 2024, le Tribunal a condamné A______, B______ et E______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 4 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que la cave no. 2______ en dépendant (ch. 1 du dispositif), a autorisé D______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______, de B______ et de E______ dès le 60ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné conjointement et solidairement A______, B______ et E______ à verser à D______ la somme de 11'146 fr. 40 (ch. 3), a autorisé la libération de la garantie de loyer constituée auprès [du service de cautionnement] F______ en faveur de D______, le montant ainsi libéré devant en déduction de la somme figurant sous chiffre 3 précité (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions d'une résiliation selon l'article 257d al. 1 CO étaient réunies, les locataires n'ayant pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. Depuis l'expiration du terme fixé, les précités ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Eu égards à la situation financière délicate de A______, de ses poursuites, de son état de santé et des démarches entreprises, il se justifiait d'accorder aux intéressés un délai humanitaire de 60 jours. Ils restaient devoir à la bailleresse un montant de 11'146 fr. 40, qu'ils étaient condamnés à lui verser. Les sûretés constituées devaient être libérées en faveur de la bailleresse et déduites de la somme précitée.

B. a. Par acte expédié le 22 janvier 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé "appel" contre ce jugement, sollicitant son annulation. Ils ont conclu à ce que la Cour, principalement, renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, et, subsidiairement leur octroie un délai humanitaire jusqu'au 30 juin 2024.

Ils se sont plaints d'une violation de leur droit d'être entendus.

b. Par réponse du 31 janvier 2024, E______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris. Il a produit de nouvelles pièces.

c. Dans sa réponse du 1er février 2024, la succession de feue C______, soit pour elle D______ a conclu au déboutement de A______ et B______ de leurs conclusions, sous suite de frais et dépens.

d. Par réplique du 19 février 2024, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 11 mars 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 8 mars 2022, C______, bailleresse (et propriétaire), d'une part, et A______ et E______, d'autre part, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de 4 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis route 1______ no. ______ à Genève.

Le contrat a été conclu pour une durée de trois ans et quinze jours, du 15 mars 2022 au 31 mars 2025, renouvelable par tacite reconduction d'année en année.

Le montant annuel du loyer a été fixé à 42'000 fr. du 15 mars 2022 au 31 décembre 2022 et à 43'200 fr. dès le 1er janvier 2023, acomptes de charges de 2'400 fr. en sus.

b. C______ est décédée le ______ 2022. D______ est sa seule héritière. Il n'est pas allégué que la succession soit liquidée.

c. A une date qui ne résulte pas de la procédure, A______ a épousé B______.

d. Par avis comminatoire du 27 juin 2023, la régie en charge de la gestion de l'immeuble a mis en demeure A______, B______ et E______ de lui régler dans les 30 jours le montant de 7'240 fr. à titre d'arriéré de loyers et de charges pour la période du 1er mai au 30 juin 2023, et les a informés de son intention, à défaut de paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

e. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, la succession de feue C______, soit pour elle D______, a, par avis officiels du 7 août 2023, résilié le bail pour le 30 septembre 2023.

f. Par requête déposée le 9 octobre 2023, la succession de feue C______, soit pour elle D______, a introduit au Tribunal une action en évacuation, assortie de mesures d'exécution directes du jugement d'évacuation, en paiement de la somme de 17'803 fr. 10 et en libération du cautionnement.

  g. A l'audience du Tribunal du 14 décembre 2023, D______ et la succession de feue C______ ont persisté dans leurs conclusions. Le montant de l'arriéré s'élevait à 11'460 fr. 40, décompte à l'appui.

A______ a déclaré occuper l'appartement avec son épouse, sa fille et son beau-fils. Ils recherchaient activement un autre logement. L'intéressé a précisé avoir rencontré des problèmes de santé et être sans emploi. Il faisait l'objet de poursuites. Des démarches avaient été entreprises auprès de l'Hospice général. Il a produit des pièces, notamment une attestation d'aide financière de l'Hospice, ainsi que quelques recherches d'appartements.

E______ a exposé avoir signé le contrat aux côtés des locataires pour leur venir en aide. Il désapprouvait "l'attitude de M. A______ et de sa famille". Il était d'accord de mettre un terme au bail.

Le conseil de A______ a indiqué que la situation financière du précité pourrait s'améliorer à court terme dès lors qu'il pourrait percevoir un montant de 50'000.- EUR. Il a plaidé "le droit au logement" et a requis l'octroi d'un sursis humanitaire de six mois.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, à bien les comprendre, les appelants contestent leur expulsion, motif pris de la violation de leur droit d'être entendus, le Tribunal ne s'étant pas prononcé sur le droit au logement tel que garanti par le droit international, dont ils s'étaient prévalus. La valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

En revanche, contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai et la forme prescrits par la loi, sont recevables.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).


 

1.4 L'intimé a produit de nouvelles pièces.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_790/2016 du 9 août 2018 consid. 3.1).

1.4.2 La recevabilité des pièces nouvellement produites peut souffrir de demeurer indécise, dès lors qu'elles ne sont pas pertinentes pour l'issue du litige.

2. Les appelants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, le Tribunal ayant "rectifié", dans son jugement motivé, le dispositif de son précédent jugement, non motivé.

2.1 L'art. 239 al. 1 let. b CPC prévoit que le tribunal peut communiquer la décision aux parties sans motivation écrite en notifiant le dispositif par écrit.

Une motivation écrite est remise aux parties, si l'une d'elles le demande dans un délai de dix jours à compter de la communication de la décision. SI la motivation n'est pas demandée, les parties sont considérées avoir renoncé à l'appel ou au recours (art. 239 al. 2 CPC).

2.2 Aux termes de l'art. 334 al. 1 CPC, si le dispositif de la décision est peu clair, contradictoire ou incomplet, ou s'il ne correspond pas à la motivation, le Tribunal procède, sur requête ou d'office, à l'interprétation ou à la rectification de la décision.

La procédure d'interprétation ou de rectification comporte deux étapes. Dans une première étape, il s'agit de déterminer si les conditions d'une interprétation ou d'une rectification du jugement sont réunies (ATF 143 III 520 consid. 6.1). Le but de l'interprétation et de la rectification n'est pas de modifier la décision du tribunal mais de la clarifier ou de la rendre conforme avec le contenu réellement voulu par celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5D_776/2019 du 27 octobre 2020 consid. 3.1 et les références citées). La rectification ne peut donc être exigée que si le dispositif est contradictoire en soi ou s'il y a une contradiction entre les considérants et le dispositif. L'objet de la rectification est de permettre la correction des erreurs de rédaction ou de pures fautes de calcul dans le dispositif. De telles erreurs doivent résulter à l'évidence du texte de la décision, faute de quoi l'on en viendrait à modifier matériellement celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_393/2023 du 9 janvier 2024 consid. 4.1.2).

En revanche, la correction d'erreurs qui procèdent d'une mauvaise application du droit ou d'une constatation inexacte des faits doit être effectuée par la voie du recours (Herzog, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 8 ad art. 334 CPC). L'interprétation et la rectification ne tendent pas à modifier le jugement rendu (Jeandin, Commentaire romand CPC, 2019, n. 20 ad Intro art. 308-334 CPC), à la manière d'un appel déguisé. Le juge saisi d'une demande d'interprétation ou de rectification ne doit donc pas changer le fond du jugement (Spühler/Dolge/Gehri, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2010, n. 101 p. 389).

En effet, en vertu du principe de dessaisissement, le juge ne peut corriger sa décision une fois celle-ci prononcée, même s'il a le sentiment de s'être trompé. Une erreur de fait ou de droit ne peut être corrigée que par les voies de recours (Schweizer, Commentaire romand Code de procédure civile, 2019, n. 1 ad art. 334 CPC). La voie de l'interprétation ou de la rectification permet toutefois, exceptionnellement, au juge de corriger une décision déjà communiquée. En principe, l'interprétation ou la rectification a uniquement pour objet la formulation du dispositif de l'arrêt qui serait peu claire, incomplète, équivoque ou contradictoire en elle-même ou avec les motifs. Un dispositif est peu clair et doit être interprété lorsque les parties ou les autorités qui doivent exécuter la décision risquent subjectivement de comprendre celle-ci autrement que ce que voulait le juge lorsqu'il s'est prononcé. Une requête d'interprétation ou de rectification n'a ainsi pour but que de clarifier ou rendre une décision conforme avec le contenu réellement voulu par le juge (Bastons Bulletti, Petit commentaire Code de procédure civile, 2020, n. 1 ad art. 334 CPC; ATF 139 III 379 consid. 2.2). Son objet est de permettre la correction des erreurs de rédaction ou de pures fautes de calcul dans le dispositif qui résultent à l'évidence du texte de la décision, soit des inadvertances ou omissions qui peuvent être corrigées sans hésitation sur la base de ce qui a déjà été décidé. Une requête en rectification ou en interprétation ne peut jamais tendre à une modification matérielle de la décision concernée. Pour cela, seules les voies de l'appel ou du recours sont ouvertes (ATF 143 III 520 consid. 6.1; 143 III 420 consid. 2.1 et 2.3; 139 III 379 consid. 2.1 et 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_776/2019 du 27 octobre 2020 consid. 3.1; 5A_79/2019 du 21 novembre 2019 consid. 4.4.2 et 5D_197/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.2). La requête doit être adressée à l'autorité qui a rendu le jugement dont l'interprétation ou la rectification est requise (ATF 143 III 520 consid. 6.2).

2.3 En l'espèce, dans son jugement non motivé du 14 décembre 2023 (expédié pour notification le lendemain), le Tribunal ne s'est pas prononcé sur le chef de conclusion des intimés en libération du cautionnement constitué, en leur faveur. Il a, par jugement motivé également daté du 14 décembre 2023 (expédié pour notification 10 janvier 2024), sans autre explication, non pas rectifié mais modifié le dispositif de son précédent jugement sur ce point et ordonné la libération du cautionnement en faveur des intimés, alors qu'il n'était habilité, dans le cadre de l'art. 239 CPC, qu'à communiquer aux parties la motivation de la décision d'ores et déjà rendue, sans modification du dispositif de celle-ci.

Conformément aux principes rappelés supra, le juge qui omet de statuer sur une conclusion d'une partie ne peut pas rectifier sa décision déjà rendue et statuer sur ce point, dès lors qu'un tel procédé revient à modifier matériellement le jugement. Par conséquent, c'est à tort que le Tribunal a modifié son jugement du 14 décembre 2023, les conditions prévues à l'art. 334 al. 1 CPC n'étant pas réalisées.

2.4 Le chiffre 4 du dispositif du jugement expédié pour notification aux parties le 10 janvier 2024 sera dès lors annulé.

3.  A bien les comprendre, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir retenu que le cas était clair en dépit du droit au logement dont ils s'étaient prévalus, empêchant le prononcé de leur évacuation.

3.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3.2; 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2, 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

3.1.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

3.1.2 La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

3.1.2.1 Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée: le demandeur doit apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig) qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

3.1.2.2 Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 précité consid. 3.2.2.2; 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

3.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

3.3 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 9C_3/2011, 9C_51/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, publié in RDAF 2009 II p. 434; arrêts 9C_3/20119C_51/2011 précité ibidem). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (cf. ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248; 126 I 97 consid. 2b p. 102; arrêts 9C_3/20119C_51/2011 précité ibidem).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références). La violation du droit d'être entendu peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation de ce droit a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée. Il incombe au recourant d'indiquer quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure et en quoi ceux-ci auraient été pertinents (arrêts 5D_74/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.2; 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3). A défaut de cette démonstration, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_395/2022 du 14 février 2023 consid. 3.1.2).

3.4 Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a p. 280 s.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_265/2011 du 8 juillet 2011 consid. 3.2.1).

Le Tribunal fédéral a laissé le point de savoir si l'art. 38 Cst./Ge (RS GE A 2 00) constituerait une disposition constitutionnelle conférant un droit directement invocable en justice peut indécis. Il a considéré que les locataires n'établissaient aucunement qu'ils n'avaient pas la possibilité d'obtenir un logement, de sorte que l'on ne saisissait pas en effet d'emblée en quoi la garantie déduite de cette disposition s'appliquerait (arrêt du Tribunal fédéral 5A_232/2020 du 14 mai 2020 consid. 5.2).

S'agissant en particulier du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte I ONU), ses dispositions se bornent à prescrire aux Etats, sous la forme d'idées directrices, des objectifs à atteindre dans les divers domaines considérés. Elles leur laissent la plus grande latitude quant aux moyens à mettre en œuvre pour réaliser ces objectifs. Dès lors, elles ne revêtent pas, sauf exception (par exemple l'art. 8 al. 1 let. a, relatif au droit de former des syndicats et de s'affilier au syndicat de son choix), le caractère de normes directement applicables (cf. ATF 121 V 246 consid. 2c; 121 V 229 consid. 3b et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4C.15/2001 du 22 mai 2001 consid. 4).

3.5 En l'espèce, les appelants ne contestent à raison pas la réalisation des conditions fixées à l'art. 257d CO, le montant de la dette n'ayant pas été réglé dans le délai fixé à cet effet par la bailleresse. Ils se prévalent de la violation de leur droit d'être entendu, le Tribunal n'ayant pas fait mention du droit au logement qu'ils avaient invoqué, pour s'opposer à leur évacuation.

La Cour ne discerne aucune violation du droit d'être entendu des appelants. Les premiers juges n'ont pas mentionné dans leur jugement le droit au logement. Cela étant, ils ont mentionné les motifs pour lesquels ils ont prononcé l'évacuation des appelants. Il sera rappelé de surcroît que tous les griefs soulevés n'ont pas à être discutés. En tout état, une violation du droit d'être entendu pourrait être réparée par la Cour dans la présente décision, puisqu'elle dispose d'un plein pouvoir d'examen en droit.

Conformément aux principes rappelés ci-avant, il est douteux que les appelants puissent se prévaloir des garanties découlant tant du droit international que de la Constitution genevoise. En tout état, les appelants n'ont ni allégué ni rendu vraisemblable qu'ils seraient dans l'impossibilité de se reloger. Si leur situation financière précaire constitue certes un désavantage dans la recherche d'un nouveau logement, elle n'empêche pas les appelants de pouvoir louer un autre appartement. L'appelant bénéficie de prestations d'aide sociale et est suivi par l'Hospice général, qui pourra lui venir en aide dans cette recherche. Les griefs des appelants se révèlent ainsi infondés.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont condamné les appelants à évacuer le logement en cause.

3.6 Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé sur ce point.

4. Les recourants sollicitent l'octroi d'un sursis humanitaire de six mois, jusqu'au 30 juin 2024.

4.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2019 considl 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en cas d'évacuation d'un logement, en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier. Cette disposition s'applique, selon ses propres termes, aux logements, c'est-à-dire aux habitations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 précité consid. 3.1).

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; ACJC/187/2014 du 10 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1990 p. 30 et réf. cit.).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

4.2 Dans le présent cas, les premiers juges ont accordé un sursis humanitaire aux recourants de 60 jours dès l'entrée en force du jugement, en tenant compte de leur situation financière notamment.

Les recourants ont bénéficié, de fait, de plus de six mois d'occupation de l'appartement depuis la résiliation du bail. Ils ne sont pas fondés à obtenir un délai supplémentaire qui reviendrait à leur octroyer une prolongation de bail, à laquelle ils n'ont pas droit.

Par conséquent, le sursis accordé par le Tribunal apparaît équitable au sens des principes sus-rappelés et est conforme au principe de proportionnalité.

4.3 Infondé, le recours sera rejeté.

5.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 22 janvier 2024 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/1082/2023 rendu le 14 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21982/2023‑8-SE.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif du jugement JTBL/1082//2023, expédié pour notification le 10 janvier 2024.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN et Madame
Zoé SEILER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.