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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2008/2023

ATAS/265/2024 du 23.04.2024 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2008/2023 ATAS/265/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 avril 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______

représenté par Maître Stanley CONNOR, avocat

 

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), est affilié en tant qu’indépendant auprès de la CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée) depuis de nombreuses années.

b. Par décision du 27 juin 2018 rendue sur la base d’une communication de l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC) du 25 juin 2018, la caisse a fixé les cotisations personnelles AVS/AI/APG de l’assuré pour l’année 2009 à CHF 116'194.80. L’assuré s’étant déjà acquitté, au titre de cotisations personnelles pour 2009, d’un montant de CHF 62'351.40, le solde dû s’élevait à CHF 53'843.40.

c. Dans une autre décision rendue le même jour, la caisse réclamait des intérêts moratoires à hauteur de CHF 20'168.85, correspondant à un taux annuel de 5% sur le montant de CHF 53'843.40.

B. a. Le 20 juillet 2018, l’assuré s’est opposé aux deux décisions du 27 juin 2018, faisant valoir que les cotisations et les intérêts moratoires étaient prescrits. Sa taxation 2009 était entrée en force en novembre 2014. La communication de l’AFC du 25 juin 2018 n’avait pas lieu d’être dans la mesure où l’intéressé n’avait jamais sollicité la rectification de son bordereau de taxation d’octobre 2014. Il avait uniquement déposé une réclamation contre le calcul des intérêts moratoires, le 27 novembre 2014. Or, ce calcul des intérêts ne faisait pas partie de la taxation sur laquelle la caisse devait se fonder pour calculer les cotisations. Partant, les cotisations réclamées et les intérêts moratoires y afférents étaient prescrits depuis le 31 décembre 2015.

b. Le 27 juillet 2018, la caisse a accusé réception de l’opposition et a invité l’assuré à s’acquitter des montants dus, pour éviter des intérêts moratoires, précisant qu’en cas d’admission de l’opposition, les sommes versées par l’intéressé lui seraient restituées.

c. Le 7 septembre 2018, l’assuré a versé à la caisse un montant de CHF 50'000.-.

d. Par courrier du 24 septembre 2018, l’AFC a indiqué à la caisse, sur demande de celle-ci, que l’assuré avait formé une réclamation à l’encontre de la taxation de novembre 2014, par l’intermédiaire d’une société fiduciaire. Dès lors, les chiffres issus de la taxation 2009, adressée le 23 mai 2018 par l’AFC à l’assuré étaient définitifs et la décision était entrée en force.

e. Par décision du 10 janvier 2019 envoyée par pli simple à l’assuré (courrier A), la caisse a rejeté l’opposition du 20 juillet 2018. La taxation définitive 2009 de l’assuré ayant été communiquée par l’AFC le 23 mai 2018, les décisions de cotisations et d’intérêts du 27 juin 2018 rendues par la caisse le 27 juin 2018 n’étaient pas tardives.

Le courrier déposé le 21 novembre 2014 par la société fiduciaire de l’assuré constituait bien une réclamation contre la taxation du 22 octobre 2014, ce que l’AFC avait confirmé. La taxation 2009 n’avait donc pu entrer en force qu’après que l’AFC eût tranché la réclamation, le 23 mai 2018.

f. Le 4 mars 2019, la caisse a adressé un courrier à l’assuré faisant « suite à l’entrée en force de la décision sur opposition [lui] ayant été adressée en date du 10 janvier 2019 ». L’assuré était invité à payer, d’ici au 15 mars 2019, le solde de la facture de cotisations personnelles du 27 juin 2018, soit CHF 3'843.40, ainsi que les intérêts y relatifs, soit CHF 20'168.85.

g. Le 12 mars 2019, l’assuré a versé à la caisse le solde de cotisations réclamé de CHF 3'843.40.

h. La caisse a, par la suite, intenté deux procédures de poursuites à l’encontre de l’assuré en 2019 et 2022.

i. Ces deux procédures se sont soldées par le rejet des requêtes de mainlevée formées par la caisse, le Tribunal de première instance de Genève ayant retenu que la décision du 10 janvier 2019 n’avait pas été notifiée valablement à l’assuré.

j. Sur demande du 6 mars 2020 de la comptable de l’assuré, la caisse lui a adressé, par courriel, une copie de la décision sur opposition du 10 janvier 2019.

k. Le 16 mai 2023, la caisse a adressé à l’assuré une nouvelle décision sur opposition par pli recommandé. L’opposition du 20 juillet 2018 était rejetée. Les cotisations et intérêts moratoires n’étaient pas prescrits, vu qu’ils avaient été fixés par une décision envoyée le lendemain de la communication à la caisse par l’AFC de la taxation fiscale définitive pour 2009.

C. a. L’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre cette décision, le 14 juin 2023, concluant à son annulation, ainsi qu’à l’annulation des décisions de la caisse du 27 juin 2018 et à la restitution par elle de CHF 53'843.40 avec suite d’intérêts.

En substance, il a repris l’argumentaire qu’il avait développé dans son opposition du 20 juillet 2018 relativement à la prescription, soutenant à nouveau que les chiffres de la taxation qui étaient déterminants pour le calcul de ses cotisations personnelles étaient définitifs depuis le 21 novembre 2014 au moins. Il considérait également que la décision entreprise, notifiée près de cinq ans après l’opposition de l’intéressée, n’avait de toute manière pas été rendue dans un délai approprié par l’intimée.

Subsidiairement, le recourant a demandé qu’il soit constaté que le revenu relatif à son activité indépendante 2009 tel que retenu dans la décision entreprise, soit CHF 1'197'023.-, était erroné. Ce revenu devait être fixé à CHF 1'143'573.- correspondant à son avis de taxation définitif de l’AFC du 23 mai 2018 qu’il produisait. Conséquemment, les cotisations personnelles y relatives devaient être ramenées à CHF 111'051.54, ce qui conduisait à une diminution des intérêts moratoires à CHF 18'235.50 et à la restitution par l’intimée d’un trop-perçu de CHF 5'143.26 (avec suite d’intérêts en sa faveur).

b. L’intimée a répondu au recours, le 25 août 2023, et conclu à son rejet. La taxation définitive du recourant pour 2009 avait été établie par l’AFC le 23 mai 2018, qui l’avait communiquée à la caisse le 25 juin 2018. Celle-ci ayant ensuite adressé ses décisions de cotisations et d’intérêts moratoires au recourant le 27 juin 2018, les prétentions n’étaient pas prescrites.

Quant au délai de près de cinq ans entre le dépôt de son opposition par le recourant et la décision du 16 mai 2023, il était justifié dans le cas d’espèce. En effet, l’intéressé avait soutenu ne jamais avoir reçu la décision sur opposition initiale qui lui avait été adressée le 10 janvier 2019, par courrier A. La caisse avait considéré qu’au vu de l’ensemble des circonstances et notamment du comportement de l’intéressé, la décision du 10 janvier 2019 devait être considérée comme valablement notifiée. Cependant, face à l’échec des procédures de recouvrement qu’elle avait engagée par la suite par-devant le TPI, elle s’était vu contrainte de notifier une nouvelle décision sur opposition, en recommandé, le 16 mars 2023. La caisse s’était donc montrée active et le délai était approprié.

Enfin, concernant le revenu d’indépendant, il avait été établi conformément aux dispositions légales applicables, sur la base de la communication de l’AFC. La différence entre le revenu net de l’assuré selon son bordereau définitif et celui communiqué par l’AFC à la caisse résultait de ce que certaines déductions sur le revenu brut étaient admises sous l’angle fiscal, mais pas sous celui des cotisations AVS. L’AFC avait en outre confirmé à l’intimée, le 16 août 2023, que le bénéfice net total de CHF 1'197'023.- qu’elle lui avait communiqué le 25 juin 2018 était bien exact. Il correspondait au bénéfice total de 2009 (CHF 1'811'541.-) sous déduction des intérêts commerciaux (CHF 496'429.-) et des cotisations sociales du recourant et de son épouse (CHF 68'089.- + CHF 50'000.-).

c. Le 20 octobre 2023, le recourant a persisté dans les termes et conclusions de son recours, insistant sur la longueur de la procédure et soulignant qu’à teneur de la directive de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), sur les cotisations des travailleurs indépendants (DIN), les caisses de compensation devaient solliciter activement une communication fiscale pour chacun de leurs affiliés indépendants et que de telles demandes de communication fiscale devaient être adressées aux autorités fiscales compétentes au plus tard au mois de février qui suit l’année pour laquelle les cotisations sont dues.

d. L’intimée et le recourant ayant persisté dans leurs positions respectives les 14 novembre et 12 décembre 2023, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans les formes et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé des décisions de cotisations personnelles rendues par l’intimée pour l’année 2009.

3.              

3.1 Selon l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative.

Selon l’art. 9 al. 1 LAVS, le revenu d’une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante.

L’art. 9 al. 2 LAVS dispose que, pour déterminer le revenu provenant d’une activité indépendante, il y a lieu de déduire du revenu brut :

-          les frais généraux nécessaires à l’acquisition du revenu brut (let. a) ;

-          les amortissements et les réserves d’amortissement autorisés par l’usage commercial et correspondant à la perte de valeur subie (let. b) ;

-          les pertes commerciales effectives qui ont été comptabilisées (let. c) ;

-          les sommes que l’exploitant verse, durant la période de calcul, à des institutions de prévoyance en faveur du personnel de l’entreprise, pour autant que toute autre utilisation soit exclue, ou pour des buts de pure utilité publique ; sont exceptées les cotisations dues en vertu de l’art. 8 et celles qui sont prévues par la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité (LAI) et par la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur le régime des allocations pour perte de gain en faveur des personnes servant dans l’armée ou dans la protection civile (let. d) ;

-          l’intérêt du capital propre engagé dans l’entreprise, dont le Conseil fédéral en fixe le taux, sur préavis de la Commission fédérale de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 9 al. 2 let. f LAVS).

L’art 9 al. 2 LAVS prescrit encore que le Conseil fédéral est autorisé à admettre, au besoin, d’autres déductions du revenu brut, provenant de l’exercice d’une activité lucrative indépendante.

Le revenu provenant d’une activité indépendante et le capital propre engagé dans l’entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation (al. 3).

Enfin, selon l’art. 9 al. 4 LAVS, les caisses de compensation ajoutent au revenu communiqué par les autorités fiscales les déductions admissibles selon le droit fiscal des cotisations dues en vertu de l’art. 8 de la LAVS, de l’art. 3 al. 1 de LAI et de l’art. 27 al. 2 de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain (LAPG - RS 834.1). Elles reconstituent à 100% le revenu communiqué en fonction des taux de cotisation applicables.

3.2 Le but de l’art. 9 al. 4 LAVS est de décharger les autorités fiscales de l’addition des cotisations déduites et du devoir d’informer les caisses de compensation à ce sujet (FF 2011 519, p. 528). Ainsi, la modification introduite par l’art. 9 al. 4 LAVS accepte le fait que les cotisations déduites fiscalement ne correspondent pas forcément à celles qui sont additionnées par les caisses de compensation puisque les caisses ne connaissent pas le montant de la déduction fiscale et que ce montant ne leur est désormais plus communiqué (ATF 139 V 537 consid. 5.4). Étant donné que la ratio legis de l’art. 9 al. 4 LAVS est également de dispenser la caisse de se demander si et dans quelle mesure l’autorité fiscale a déduit les cotisations sociales du revenu communiqué (contrairement à ce qui était le cas sous l’ancienne pratique; cf. ATF 111 V 289), la caisse doit partir du principe que le revenu communiqué est un revenu net auquel il convient d’ajouter les cotisations AVS/AI/APG. La caisse de compensation, ne doit précisément pas se soucier de savoir si l'autorité fiscale a déduit le revenu annoncé et, le cas échéant, ce qu'elle a déduit. Elle doit partir du principe que le revenu déclaré est un revenu net du point de vue du droit des cotisations et doit imputer les cotisations AVS/AI/APG sur ce revenu. L’art. 9 al. 4 LAVS institue à cet égard une présomption irréfragable qui n’aboutit pas pour autant à un résultat choquant. Il incombe en effet à l’assuré d’indiquer le montant de ses cotisations sociales dans sa déclaration fiscale, charge à celui-ci de contester l’avis de taxation s’il constate que les cotisations sociales n’ont pas été correctement déduites (cf. ATF 110 V 369 consid. 2a et les références citées). Si l’assuré s’abstient de faire valoir ses droits en matière de taxation (en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale; arrêt du Tribunal fédéral 9C_253/2014 du 28 juillet 2014 consid. 6.3.1), le revenu que l’autorité fiscale a communiqué à la caisse fait foi (ATF 139 V 537 consid. 5.5).

Il y a toutefois lieu de s’écarter de ce principe lorsque la communication de l’autorité fiscale atteste de façon claire, expresse et dénuée de réserve qu’il n’a été procédé à aucune déduction de cotisations (ATF 139 V 537 consid. 6).

3.3 Lorsqu’il convient de déterminer le revenu soumis à cotisations provenant d’une activité indépendante, l’intérêt du capital propre engagé dans l’entreprise doit être déduit du revenu brut avant que ne soit ajouté par la caisse de compensation le montant des cotisations AVS/AI/APG dont la déduction est admissible selon le droit fiscal (ATF 141 V 433).

3.4 S’agissant des revenus relatifs à des années antérieures à l’entrée en vigueur de l’actuel art. 9 al. 4 LAVS, la CJCAS a déjà jugé que selon la disposition transitoire de la modification du 17 juin 2011 de la LAVS, lors de laquelle l’art. 9 al. 4 a été adopté, cette disposition-ci s’applique à tous les revenus d’une activité indépendante qui ont été communiqués par les autorités fiscales après l’entrée en vigueur de cette modification. Peu importe que la communication concerne une période antérieure au 1er janvier 2012 (ATAS/903/2015 du 24 novembre 2015).

3.5 En vertu de l'art. 23 RAVS, les autorités fiscales cantonales se fondent sur la taxation passée en force de l'impôt fédéral direct pour établir le revenu déterminant le calcul des cotisations (al. 1). Les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales (al. 4).

Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises, concernant la détermination du revenu et du capital propre engagé dans une entreprise au regard des taxations fiscales passées en force selon l’art. 23 RAVS, que les données fiscales lient les caisses de compensation, mais que le caractère obligatoire des données fiscales que prévoit l’art. 23 al. 4 RAVS ne concerne que la fixation desdits revenu et du capital propre et n’englobe pas la question de savoir si et dans quelle mesure ceux-ci sont soumis à cotisation, question qu’il incombe aux caisses de compensation d’examiner au regard du droit de l’AVS sans être liées par les communications fiscales, étant toutefois précisé qu’elles doivent en général se fier à ces dernières et ne procéder à leurs propres investigations que lorsqu’il y a des doutes sérieux quant à l’exactitude des données dont l’autorité fiscale fait état (arrêt du Tribunal fédéral 9C_162/2014 du 31 juillet 2014 consid. 3.1 ; ATF 134 V 250 consid. 3.3 ; 121 V 80 consid. 2c ; 114 V 72 consid. 2 ; 111 V 289 consid. 3 ; 102 V 27 consid. 3b). De plus, sur les questions liant en principe les caisses de compensation, ces dernières doivent néanmoins s’écarter des données résultant de la taxation fiscale lorsque celles-ci contiennent des erreurs manifestes susceptibles d’être corrigées aisément ou lorsqu’il s’agit d’apprécier des faits non pertinents d’un point de vue fiscal mais décisifs au regard du droit des assurances sociales (ATF 111 V 289 consid. 3 ; 110 V 369 consid. 2a ; 102 V 27 consid. 3a ; ATAS/903/2015 du 24 novembre 2015 consid. 8b).

3.6 Selon la DIN, la communication fiscale est également contraignante lorsque la taxation entrée en force aurait probablement été corrigée si elle avait été attaquée à temps par les voies de recours du droit fiscal (ch. 1233). Les caisses de compensation ne sont pas liées par les communications indiquant des éléments de revenu, qui en vertu de la LAVS, ne font pas partie du revenu provenant d'une activité indépendante. Si la communication fiscale est manifestement erronée, la caisse de compensation prend contact avec l'autorité fiscale compétente. Si celle-ci ne procède à aucune rectification, la caisse n'est pas habilitée à s'écarter de la communication fiscale (ch. 1236 et 1237).

Le juge n’est pas lié par la communication fiscale, mais il ne s’en écarte toutefois que si la taxation fiscale passée en force contient des erreurs manifestes et qui peuvent être corrigées d’emblée ou lorsqu’il s’agit d’apprécier des faits sans importance du point de vue fiscal mais décisifs en matière du droit des assurances sociales (ch. 1239).

Selon le chiffre 1170 de la DIN, les caisses de compensation rajoutent les cotisations AVS/AI/APG au revenu communiqué (par les autorités fiscales) et apuré de l’intérêt sur le capital propre investi dans l’entreprise et de l’éventuelle franchise pour rentiers selon le n° 3006.2 de la circulaire concernant les cotisations dues à l’AVS, AI et APG par les personnes exerçant une activité lucrative qui ont atteint l’âge ouvrant le droit à une rente de vieillesse (CAR). Elles convertissent celui-ci à 100% selon la formule suivante:

revenu net apuré × 100

(100 – taux de cotisations AVS/AI/APG applicables au revenu apuré)

Les caisses de compensation doivent considérer le revenu communiqué par l’autorité fiscale comme revenu net après déduction des cotisations. Elles rajoutent les cotisations même si une déduction d’un montant inférieur ou supérieur à celui opéré par la caisse de compensation a été admise (DIN, ch. 1170.2).

3.7 Les directives administratives de l’OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d’exécution. Elles ont notamment pour but d’établir des critères généraux d’après lesquels sera tranché chaque cas d’espèce et cela aussi bien dans l’intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n’ont d’effet qu’à l’égard de l’administration, dont elles donnent le point de vue sur l’application d’une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n’en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu’elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d’espèce. Il ne s’en écarte que dans la mesure où les directives administratives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (ATF 146 V 233 consid. 4.2.1 et la référence).

4.             Selon l’art. 41bis al. 1 let. b RAVS, les personnes tenues de payer des cotisations sur les cotisations arriérées réclamées pour des années antérieures, dès le 1er janvier qui suit la fin de l’année civile pour laquelle les cotisations sont dues, doivent également payer des intérêts moratoires.

En vertu de l'art. 42 RAVS, le taux des intérêts moratoires et rémunératoires s’élève à 5% par année (al. 2). Les intérêts sont calculés par jour. Les mois entiers sont comptés comme 30 jours (al. 3).

5.             À teneur de l'art. 16 al. 1 LAVS, les cotisations dont le montant n'a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées, ni versées. S'il s'agit de cotisations visées notamment à l'art. 8 al. 1 LAVS, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Par rapport au délai de l'art. 16 al. 1, 1ère phrase, LAVS, le délai d'une année de l'art. 16 al. 1, 2ème phrase, LAVS constitue un délai supplémentaire destiné à éviter que la caisse de compensation ne soit contrainte, pour interrompre le délai de prescription, de rendre une décision de cotisations avant que la taxation fiscale soit entrée en force (Michel VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l'assurance-invalidité [AI], 2011, no 725, p. 214). La créance de cotisations, fixée par décision notifiée conformément à l'al. 1, s'éteint cinq ans après la fin de l'année civile au cours de laquelle la décision est passée en force (art. 16 al. 2 LAVS).

L'art. 16 al. 1 LAVS s'applique notamment à la situation dans laquelle une procédure pour soustraction d'impôt a été mise en œuvre (au sens des art. 175 ss de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11]). Si des cotisations doivent être prélevées sur un revenu taxé dans une procédure pour soustraction d'impôt, le délai d'un an de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS ne prend naissance qu'après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force (sur la simplification rédactionnelle de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS, dans sa teneur en vigueur à partir du 1er janvier 2012 [suppression des termes « ou à la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôt »], voir arrêt 9C_736/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral – ainsi que la doctrine –, le délai institué par l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS est, malgré la teneur de la disposition et celle de son titre marginal, un délai de péremption et non pas de prescription. L'organe d'exécution de l'AVS est déchu du droit de fixer les cotisations (« Festsetzungsverwirkung ») s'il ne rend pas une décision dans le délai prévu d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force (ATF 148 V 277 consid. 4.1 et références citées).

La réglementation de la péremption du droit de fixer les cotisations en lien avec la taxation fiscale déterminante n'a pas été modifiée par l'entrée en vigueur de la LPGA. Sous l'angle de la « prescription » des cotisations, une dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA a été prévue à l'art. 16 al. 1 2e phrase LAVS (cf. ATF 146 V 1 consid. 8.1), tandis qu'en relation avec la restitution, une dérogation à l'art. 25 LPGA a été introduite à l'art. 16 al. 3 LAVS (cf. rapport cité, FF 1999 4168, 4224 ch. 52). Le législateur fédéral a ainsi maintenu une règle spéciale permettant à l'organe d'exécution de la LAVS, dans les situations mentionnées par l'art. 16 al. 1 2e phrase LAVS, de fixer les cotisations devant être déterminées en fonction de la taxation fiscale dans un délai qui dépend de la date de l'entrée en force de cette taxation.

6.              

6.1 Selon l’art. 52 al. 2, 1ère phrase LPGA, les décisions sur opposition doivent être rendues dans un délai approprié.

De manière générale, l'art. 29 al. 1 Cst. dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent généralement une évaluation globale. Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de celui-ci et le comportement de l'autorité compétente (ATF 124 I 139 consid. 2c ; 119 Ib 311 consid. 5b et les références indiquées). À cet égard, il appartient notamment au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 107 Ib 155 consid. 2b). Une telle obligation s'apprécie toutefois avec moins de rigueur en procédure administrative (HAEFLIGER/SCHÜRMANN, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, Berne 1999, pp. 203 et 204). On ne saurait par ailleurs reprocher à une autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure (cf. ATF 124 et 119 précités), mais une organisation déficiente ou une surcharge structurelle ne sauraient justifier la lenteur excessive d'une procédure (ATF 122 IV 103 consid. I/4 ; 107 Ib 160 consid. 3c) ; il appartient en effet à l'État d'organiser ses autorités et de fournir les moyens matériels nécessaires à leur fonctionnement normal, sous réserve qu'à l'impossible nul n'est tenu (cf ATF 119 III 1 consid. 3 ; BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, pp. 170 ss ; KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle 1991, n. 633).

La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste d’abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette constatation peut également jouer un rôle sur la répartition des frais et dépens, dans l’optique d’une réparation morale (ATF 130 I 312 consid. 5.3 ; 129 V 411 consid. 1.3).

6.2 Selon la DIN, les caisses de compensation doivent demander une communication fiscale pour chacun de leurs affiliés indépendants (ch. 1211). Les demandes de communication fiscale doivent être adressées aux autorités fiscales compétentes au plus tard à la fin du mois de février qui suit l’année pour laquelle les cotisations sont dues (ch. 1212).

La caisse de compensation peut s’enquérir auprès des autorités fiscales si, après un certain temps, les communications fiscales sollicitées ne lui ont pas été transmises. S’il n’y a pas encore de taxation fiscale passée en force, les autorités fiscales en informent la caisse de compensation (ch. 1218).

7.             Le fardeau de la preuve de la notification d'une décision ou d'une communication de l'administration et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que, si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 136 V 295 consid. 5.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2 ; ATA/461/2018 du 8 mai 2018), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).

L'autorité qui entend se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification doit communiquer ses actes judiciaires sous pli recommandé avec accusé de réception (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 4b). En tel cas, lorsque le destinataire de l'envoi n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l'envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).

L'envoi sous pli simple ne permet en général pas d'établir que la communication est parvenue au destinataire (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/725/2018 du 10 juillet 2018).

La preuve de la notification peut toutefois résulter d’autres indices que des indications postales ou de l’ensemble des circonstances, par exemple d’un échange de correspondance ultérieur ou du comportement du destinataire ATF 142 IV 125, consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 consid. 5.2).

8.              

8.1 En premier lieu, le recourant soulève une violation de l’art. 16 al. 1 LAVS entraînant la péremption des prétentions de la caisse.

8.1.1 Selon lui, dans la mesure où sa réclamation du 22 novembre 2014 à l’encontre de la taxation définitive de l’AFC ne visait pas le bordereau de taxation 2009 en tant que tel « mais seulement des éléments qui ne faisaient pas partie de la taxation sur laquelle la caisse devait se fonder pour le calcul des cotisations », ses « chiffres de taxation » déterminants pour le calcul des cotisations personnelles étaient définitifs depuis le 21 novembre 2014. Dès lors :

-          soit ces chiffres avaient été communiqués par l’AFC à l’intimée en novembre 2014 et les cotisations (et les intérêts moratoires) étaient donc prescrites depuis le 31 décembre 2015 ;

-          soit ces chiffres n’avaient pas été transmis à la caisse et il y aurait donc une erreur de l’AFC, Dans cette hypothèse, la caisse aurait également violé la DIN (no 1211 et 1212) en ne demandant jamais à l’AFC de communication fiscale au sujet de son revenu d’indépendant. Dans ce cas de figure également il n’appartenait pas au recourant de subir les conséquences de la passivité de l’AFC et de l’intimée.

Toujours selon le recourant, dans ces deux cas de figure, le délai de péremption était arrivé à échéance le 31 décembre 2015 et les décisions de cotisations personnelles et d’intérêts du 27 juin 2018 étaient donc tardives.

8.1.2 Le moment déterminant marquant le début du délai de péremption de l’art. 16 al. 1, 2ème phrase LAVS est l’entrée en force de la taxation fiscale.

En l’espèce, le bordereau du 22 octobre 2014 relatif à l’année 2009 a fait l’objet d’une réclamation du recourant, par l’intermédiaire de la société fiduciaire mandatée, en date du 21 novembre 2014 (pièce 7 rec.). Cette réclamation ayant été tranchée par l’AFC le 23 mai 2018 (pièce 6 rec.), la décision de taxation n’est pas entrée en force avant le 22 juin 2018 (au plus tôt), date marquant le début du délai de péremption de l’art. 16 al. 1, 2ème phrase LAVS.

Le fait que la réclamation ne porte que sur certains éléments de la taxation et non sur son ensemble est sans incidence sur le départ du délai de péremption. En effet, en tant que voie de droit interne à l’administration, la réclamation appartient formellement à la procédure de taxation, les autorités compétentes pour le traitement de la réclamation jouissent des mêmes compétences dans la procédure de réclamation que dans celle de taxation (art. 134 al. 1 LIFD). Dans le cadre de la procédure de réclamation, la taxation contestée est revue globalement en termes factuels et juridiques, qu’il s’agisse de l’IFD (art. 135 al. 1 LIFD) ou des impôts cantonaux ou communaux (art. 48 al. 4 LHID). L’autorité de réclamation n’est ainsi pas liée par les résultats de la première taxation, même pour des éléments non contestés par le réclamant. Si l’instance de taxation arrive à la conclusion que la première taxation était insuffisante, une reformatio in pejus est même possible.

Dans ces circonstances, indépendamment des griefs soulevés dans le cadre de la réclamation, il convient de retenir que son seul dépôt a retardé l’entrée en force de la taxation 2009 notifiée le 22 octobre 2014, ce jusqu’au 22 juin 2018 au plus tôt (fin du délai de recours contre la taxation du 23 mai 2018). Le délai de péremption de l’art. 16 al. 1, 2ème phrase LAVS n’ayant pas pu commencer à courir avant cette date, il est venu à échéance le 31 décembre 2019. Les décisions définitives de cotisations personnelles et d’intérêts du 27 juin 2018 ayant été notifiées avant cette date, elles ne sont donc pas tardives.

8.1.3 Le fait que l’intimée a prétendument violé les ch. 1211 et 1212 de la DIN en ne demandant pas une communication fiscale à l’AFC au plus tard à la fin du mois de février qui suit l’année pour laquelle les cotisations étaient dues n’est pas non plus pertinent. Comme déjà indiqué, la DIN ne crée pas de nouvelles règles de droit. Tout au plus, les ch. 1211 et 1212 constituent des prescriptions d’ordre. Reprocher sur cette base à l’intimée, qu’une administration, totalement indépendante d’elle ait possiblement manquer de célérité pour trancher une réclamation frise la témérité. C’est d’autant plus le cas que rien au dossier ne laisse transparaître que le recourant, premier concerné par l’issue de sa réclamation fiscale n’ait entamé la moindre démarche auprès de l’AFC pour que sa réclamation soit traitée plus rapidement.

En outre, même si la caisse de compensation avait écrit pour s’enquérir de la situation, rien ne permettrait de considérer que la réclamation aurait été tranchée plus rapidement. En effet, le ch. 1218 de la DIN prévoit uniquement que lorsqu’après un certain temps, les communications fiscales sollicitées auprès des autorités fiscales par une caisse de compensation ne lui ont pas été transmises et qu’il n’y a pas encore de taxation fiscale passée en force, les autorités fiscales en informent la caisse de compensation.

Ce grief est donc rejeté.

8.2 Le recourant reproche ensuite à l’intimée d’avoir violé l’art. 52 LPGA, en prenant près de cinq années (entre le 20 juillet 2018 et le 16 mai 2023) pour rendre une décision valablement notifiée suite à son opposition, soit un délai non approprié.

8.2.1 L’intimée a rendu une décision sur l’opposition du 20 juillet 2018 en date du 10 janvier 2019. Elle l’a adressée au recourant par pli simple. Comme rappelé précédemment, la preuve de la notification ne résulte pas uniquement des informations postales mais peut résulter de l’ensemble des circonstances, y compris le comportement du destinataire.

Or, les circonstances du cas d’espèce, en particulier le comportement du recourant, conduisent à la constatation que, même si l’intimée n’est pas en mesure d’établir que son courrier est bien parvenu au recourant en janvier 2019 (faute d’avoir été envoyé par pli recommandé ou A+), celui-ci en a pris connaissance au plus tard le 12 mars 2019. Cette date correspond en effet au versement, par l’intéressé, de la somme de CHF 3'843.40, soit le solde de cotisations personnelles sollicité par l’intimée quelques jours auparavant, dans son pli du 4 mars 2019 (pièce 14 int.), impartissant en outre un délai au 15 mars 2019 pour le paiement.

Si tant est que le recourant n’ait pas reçu le courrier du 10 janvier 2019, il a ainsi manifestement reçu et lu ce courrier (ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas dans le cadre de la présente procédure). Or, sa phrase introductive - « la présente fait suite à l’entrée en force de la décision sur opposition vous ayant été adressée en date du 10 janvier 2019 » - ne laissait guère de doute quant au fait qu’une décision sur opposition avait bien été rendue et envoyée au préalable, ce que le recourant, avocat de surcroît, n’a pu que comprendre et, apparemment décidé d’ignorer.

Sa bonne foi à cet égard est d’autant plus douteuse qu’il a par la suite allégué, dans ses écritures à l’attention du TPI (dans le cadre de la première procédure de mainlevée d’opposition, pièce 23 int.), qu’il n’avait jamais reçu le courrier du 4 mars 2019. Il n’aurait également jamais reçu la sommation de la caisse du 2 avril 2019 relative aux intérêts moratoires (pièce 18 int.), ni sa décision d’intérêts moratoires du 7 mai 2019 (pièce 19 int.). Tous ces courriers ont pourtant été adressés à l’étude d’avocats du recourant en courrier A et il n’est pas vraisemblable qu’ils se soient tous égarés.

Enfin, que ce soit à réception du courrier du 4 mars 2019 l’informant qu’une décision sur opposition avait été rendue en janvier 2019, ou lorsque copie de cette décision lui a été envoyée par courriel par l’intimée le 9 mars 2020 (cf. pièce 22 int.), le recourant n’a jamais réagi sur le fond des prétentions de la caisse, se contentant d’invoquer l’erreur dans la notification d’une décision dont il n’ignorait pourtant pas l’existence (dès le 4 mars 2019), ni le contenu (dès mars 2020 au plus tard), puis d’attendre jusqu’en 2023 qu’une décision identique lui soit adressée par pli recommandé, pour la considérer ensuite comme tardive.

8.2.2 Au vu de ces éléments et notamment du comportement du recourant, peu compatible avec le principe de la bonne foi, il y a lieu de considérer que la décision sur opposition de l’intimée du 10 janvier 2019 lui a bien été notifiée dans un délai raisonnable, soit au plus tard en mars 2020. La question de la notification stricto sensu de cette décision (et de la date exacte à laquelle elle est intervenue) peut cependant demeurer ouverte, l’intimée ayant finalement décidé de notifier au recourant une nouvelle décision sur opposition le 16 mai 2023 (au contenu identique à la précédente), à la suite de l’échec des deux procédures de mainlevée intentées par-devant le TPI.

Ainsi, si le délai de près de cinq ans entre l’opposition et cette seconde décision sur opposition est particulièrement long, il résulte en grande partie, pour les motifs qui viennent d’être développés, du comportement du recourant lui-même. En effet, non seulement il n’a pas entrepris ce qui était en son pouvoir pour que l'autorité se prononce plus rapidement (par exemple en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié, cf. ATF 107 Ib 155 consid. 2b), mais il s’est au contraire montré actif essentiellement pour retarder les effets d’une première décision sur opposition dont il connaissait l’existence en mars 2020 au plus tard, puis le contenu exact depuis juin 2020 au moins.

Il y a ainsi lieu de retenir que la décision sur opposition de l’intimée du 16 mai 2023 est intervenue dans un délai acceptable au vu des circonstances.

8.3 Le recourant reproche enfin à l’intimée d’avoir procédé à une constatation inexacte de son revenu d’indépendant relatif à 2009. Il se plaint en substance que le revenu de l’activité sur lequel s’est fondé l’intimée, soit CHF 1'197'023.-, serait erroné car non conforme aux bordereaux finaux de l’AFC faisant état d’un revenu total net de CHF 1'143'573.- (pièce 6 rec.).

8.3.1 Ces bordereaux d’impôts ne sont cependant pas déterminants, dans la mesure où ils établissent le revenu total imposable sous l’angle fiscal, soit après certaines déductions sociales (cotisations sur un compte 2ème ou 3ème pilier par exemple) et privées (assurances maladies, dettes et intérêts de dettes, etc.) qui ne sont pas prises en compte pour déterminer le revenu net servant de base au calcul des cotisations AVS selon l’art. 9 al. 2 LAVS.

Ainsi, comme l’AFC l’a confirmé dans son courrier du 16 août 2023 à l’attention de l’intimée (pièce 17 int.), le bénéfice net total pertinent sous l’angle de la LAVS se monte bien à CHF 1'197'023.-, correspondant au revenu brut (CHF 1'811'541.-) sous déduction des intérêts commerciaux (CHF 496'429.-) et des cotisations sociales du recourant et de son épouse (CHF 68'089.- + CHF 50'000.-). C’est ainsi à juste titre que l’intimée a retenu ce montant, qui correspond en outre à celui communiqué par l’AFC à l’intimée le 25 juin 2018 (pièce 5 int.).

8.3.2 Pour le surplus, les autres postes du calcul auquel la caisse a ensuite procédé ne sont à juste titre pas critiqués par le recourant (qui les reprend d’ailleurs dans son propre calcul, cf. recours p. 6).

Il n’est ainsi pas contesté que le montant du capital propre engagé se monte bien à CHF 5'412'860.-, comme cela ressort de la communication de l’AFC du 25 juin 2018 (pièce 5 int.).

Conformément aux dispositions applicables, l’intimée a arrondi cette somme au millier supérieur (soit CHF 5'413'000.-) avant de la multiplier par 2.5% (cf. Bulletin de l’OFAS à l'intention des caisses de compensation AVS no 263 du 22 janvier 2010) pour obtenir le montant de l’intérêt sur le capital propre engagé (art. 18 al. 2 RAVS), soit CHF 135'325.-, qu’elle a déduit du revenu 2009. Elle a ensuite ajouté à ce revenu net sans cotisation (CHF1’061'698.-) les cotisations personnelles AVS 2009, soit CHF 111'449.- (cf. pièce 7 int. pour le détail du calcul).

Une fois arrondi à la centaine inférieure le revenu déterminant sous l’angle AVS a ainsi valablement été fixé à CHF 1'173'100.-.

Ce grief est infondé.

9.             Le recours est donc rejeté. Les décisions du 27 juin 2018 et la décision sur opposition du 16 mai 2023 sont confirmées. La chambre de céans relève à cet égard que, concernant la décision relative aux intérêts, le recourant ne la remet pas en question per se, mais uniquement en lien avec le calcul des créances de cotisations. Dans la mesure où celles-ci sont confirmées, il en va de même des intérêts y relatifs, qui ne prêtent de toute manière pas le flanc à la critique.

Le recourant, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le