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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/60/2015

ATAS/903/2015 du 24.11.2015 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/60/2015 ATAS/903/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 novembre 2015

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève, représenté par B______ SA Société Fiduciaire

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sis rue des Gares 12, Genève

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né le ________1966, domicilié à Genève, a requis, le 23 juin 1993, l’inscription au registre du commerce d’une entreprise individuelle, sous son nom, ayant pour but le courtage dans le domaine des prêts bancaires.

2.        Par arrêté du 25 août 1993, le Conseil d’État de la République et canton de Genève (ci-après: le Conseil d’État) a autorisé l’intéressé à pratiquer, à titre d’intermédiaire, le commerce du petit crédit dans le canton de Genève.

3.        En date du 8 octobre 1993, l’intéressé a rempli à l’intention de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC ou l’intimée) le questionnaire d’affiliation des personnes de condition indépendante aux assurances sociales AVS/AI/APG/AC/AF et le questionnaire servant à déterminer sa situation vis-à-vis de l’AVS. Il n’occupait aucun personnel, n’avait pas de local professionnel autre que son domicile, n’exerçait aucune autre activité pour laquelle il serait déjà affilié à une caisse de compensation, supportait des frais (administration, bureau, loyer, représentation, déplacement). Il avait commencé à exploiter son entreprise le 1er octobre 1993. Il avait une clientèle privée et était rémunéré à la commission. Des commissions payées avaient déjà été « frappées de la cotisation AVS » ; les décomptes seraient produits lors du premier bouclement au 31 décembre 1994.

4.        Par courrier du 21 janvier 1994, la CCGC a indiqué à l’intéressé qu’au vu des pièces du dossier, il avait une situation dépendante (salariée). Les agents intermédiaires n’étaient qu’exceptionnellement considérés comme des indépendants, soit lorsqu’ils supportaient un véritable risque économique d’entrepreneur et disposaient d’une propre organisation dans le cadre de leur activité. Une telle organisation devait se traduire par le fait que l’indépendant, cumulativement, utilise ses propres locaux commerciaux ou des locaux qu’il louait (bureaux, magasins, locaux d’expositions, de démonstrations, etc, les locaux où il logeait lui-même et où il garait ses automobiles ne pouvant être considérés comme tels), occupe du personnel et supporte lui-même la majeure partie des frais généraux. Ce n’était pas son cas. Aussi appartenait-il à l’institution de crédit C_______ AG, pour laquelle il travaillait, de retenir les cotisations sociales sur les commissions qu’elle lui payait et de les verser, y compris sa part, à la caisse de compensation à laquelle elle était affiliée. À ce stade, il n’y avait pas de voie de recours ; c’était contre une décision de cotisations paritaires qu’il serait possible d’interjeter un recours, dans les trente jours à compter de sa notification.

5.        Dans un courrier du 24 janvier 1994, la Société B______ SA (ci-après : la fiduciaire) a rappelé à la CCGC que ce dernier était inscrit au registre du commerce depuis le 23 juin 1993, avait mis un terme à son activité dépendante auprès d’une chaîne de magasins le 30 septembre 1993, et était donc indépendant dès le 1er octobre 1993. Auparavant, il avait déjà exercé son activité à titre accessoire auprès de C_______, qui avait retenu les cotisations sociales sur ses revenus accessoires, et qui, désormais, lui demandait de lui fournir la confirmation de la part de la CCGC de son statut d’indépendant. La fiduciaire demandait à la CCGC d’affilier l’intéressé comme affilié indépendant dès le 1er octobre 1993 et de le confirmer à l’attention de C_______, qui avait continué à prélever les cotisations sociales sur les montants qu’elle lui avait versés au-delà du 1er octobre 1993.

6.        Par courrier du 4 février 1994, la CCGC a indiqué à la fiduciaire que son courrier n’apportait aucun élément nouveau susceptible de modifier sa réponse du 21 janvier 1994. L’intéressé ne remplissait pas les critères pour être considéré comme personne de condition indépendante. L’institution de crédit C_______ AG, pour laquelle il travaillait, devait retenir les cotisations sociales sur les commissions qu’elle lui payait et les verser, y compris sa part, à la caisse de compensation à laquelle elle était affiliée.

7.        La fiduciaire a indiqué à la CCGC, par courrier du 17 février 1994, qu’elle avait bien pris bonne note des trois conditions cumulatives indispensables que devait remplir une personne à son compte pour pouvoir être affiliée à l’AVS en tant qu’indépendant. L’intéressé n’acquitterait par conséquence pas de cotisations AVS comme indépendant aussi longtemps qu’il ne remplirait pas les trois conditions considérées.

8.        En date du 3 janvier 2012, l’entreprise individuelle de l’intéressé a été radiée du registre du commerce par suite de cessation de l’exploitation.

9.        Par décision du 11 novembre 2014, la CCGC a procédé à l’affiliation d’office de l’intéressé en tant que personne indépendante du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. À la suite d’une communication spontanée de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), elle avait constaté qu’il avait eu des revenus dans le domaine du courtage, qui, vérification faite, n’avaient pas été déclarés auprès d’une caisse de compensation AVS. Toute personne exerçant une activité professionnelle indépendante – lui rappelait la CCGC – avait l’obligation de s’affilier à une caisse de compensation AVS/AI/APG/AC et à une caisse d’allocations familiales (AF) ainsi qu’à l’assurance maternité genevoise (AMAT), afin d’y verser les cotisations et les contributions prévues par les législations fédérales et cantonales en vigueur. Si elle ne le faisait pas, elle était passible de pénalités.

10.    Par décision de cotisations personnelles pour personnes exerçant une activité lucrative indépendante du 11 novembre 2014, valable pour l’année 2009, la CCGC a fixé à CHF 33'229.70 le montant total des cotisations dues par l’intéressé pour l’année 2009, calculé sur la base d’un revenu déterminant durant ladite période de CHF 304'800.00, constitué de l’addition d’un revenu net de l’activité du 1er janvier au 31 décembre 2009 de CHF 275'894.00 (déterminé par l’autorité de taxation fiscale, ne correspondant pas au revenu imposable mais au résultat propre de l’entreprise) et d’un rajout de cotisations de CHF 28'961.25.

Par un avis d’intérêts du 11 novembre 2014, la CCGC a indiqué à l’intéressé que la fixation de ses cotisations personnelles AVS/AI/APG pour l’année 2009 avait entrainé une facture avec un solde en faveur de la CCGC, ce qui l’obligeait à percevoir des intérêts sur lesdites cotisations arriérées. Cette créance d’intérêts se montant à CHF 8'081.30, calculés sur 1751 jour (soit du 1er janvier 2010 au 11 novembre 2014) au taux de 5 % sur la somme de CHF 33'229.70.

La facture finale que la CCGC a envoyée à l’intéressé le 11 novembre 2014 portait ainsi sur un montant total de CHF 41'311.00.

11.    En date du 26 novembre 2014, la CCGC a adressé à l’intéressé une décision de cotisations personnelles pour personne exerçant une activité lucrative indépendante pour l’année 2010. Le montant total des cotisations dues pour cette période se montait à CHF 10'247.10, calculé sur la base d’un revenu déterminant de ladite période du 1er janvier au 31 décembre 2010 de CHF 91'400.00, constitué de l’addition d’un revenu net de l’activité de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 de CHF 82'786.00 (déterminé par l’autorité de taxation fiscale, ne correspondant pas au revenu imposable mais au résultat propre de l’entreprise) et d’un rajout de cotisations de CHF 8'690.25.

12.    Par courrier du 9 décembre 2014, l’intéressé a formé opposition à la décision de cotisation de la CCGC du 11 novembre 2014. Aucune cotisation sociale ne devait être rajoutée au revenu net de son activité indépendante pour l’année 2009 ; le montant de CHF 28'961.25 devait être biffé. Pour mémoire, il ne versait aucune cotisation sociale, conformément à la décision de la CCGC lui ayant refusé son affiliation comme indépendant alors qu’il l’était effectivement, réellement et officiellement.

13.    En date du 18 décembre 2014, l’intéressé a formé opposition contre la décision de cotisation précitée du 26 novembre 2014. Au revenu net de l’activité indépendante avait été rajouté le montant des cotisations sociales, alors qu’aucun montant n’avait été comptabilisé à ce titre. Le montant de CHF 8'690.25 devait donc être biffé du revenu déterminant. L’intéressé rappelait qu’il n’avait versé aucune cotisation sociale, conformément à la décision de la CCGC, qui avait refusé de l’inscrire comme indépendant « alors qu’il l’était effectivement, réellement et officiellement ». Il avait cessé son activité lucrative indépendante le 31 août 2010, si bien qu’il ne devait cotiser que durant huit mois pour l’année 2010.

14.    Par décision sur opposition du 22 décembre 2014, la CCGC a rejeté l’opposition formée le 9 décembre 2014 par l’intéressé et maintenu ses décisions du 11 novembre 2014. Les cotisations sociales considérées avaient été fixées – ainsi qu’il le fallait – d’après le revenu de l’activité lucrative ressortant de la taxation définitive établie par l’autorité fiscale pour l’année considérée. Le revenu provenant d’une activité indépendante et le capital propre engagé dans l’entreprise étaient déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiquées aux caisses de compensation, qui étaient liées par ces communications fiscales. Les décisions que la CCGC avait rendues le 11 novembre 2014 pour l’année 2009 reposaient sur les chiffres indiqués par l’AFC. Si l’intéressé persistait à contester ces chiffres, il lui appartenait de s’adresser à l’AFC. S’agissant du rajout de cotisations, il s’expliquait par le fait que le revenu communiqué par les autorités fiscales était un revenu net duquel les cotisations sociales avaient déjà été déduites, et qu’il incombait aux caisses de compensation de les rajouter au revenu communiqué, en convertissant celui-ci à 100 % selon une formule divisant le produit du revenu net communiqué multiplié par 100 par la différence entre 100 et le taux de cotisations AVS/AI/APG applicable au revenu communiqué. Ce rajout de cotisations intervenait pour tous les revenus communiqués après le 1er janvier 2012. En l’espèce, les revenus avaient été communiqués à la CCGC par l’AFC après cette date, et le taux de cotisation applicable aux revenus communiqués pour l’année 2009 était de 0.5. Les calculs que le service des indépendants avaient effectués s’avéraient exacts.

15.    Par acte du 8 janvier 2015, l’intéressé, représenté par la fiduciaire, a recouru contre cette décision sur opposition à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. La cotisation AVS d’un indépendant n’était pas déductible du revenu soumis à cotisation. Constituant une charge déductible fiscalement, la cotisation était censée être comptabilisée, si bien que, selon une pratique récente, l’AFC communiquait aux caisses de compensation un revenu amputé de la cotisation, que ces dernières ajoutaient au montant communiqué par l’AFC. En l’espèce, aucune cotisation n’avait été comptabilisée puisqu’à la suite du refus de la CCGC de l’affilier comme indépendant, l’intéressé n’avait pas été soumis à l’AVS. Aucun montant de cotisation AVS ne devait donc être ajouté au montant communiqué par l’AFC.

16.    Dans un courriel du 2 février 2015 à l’attention de la CCGC, un taxateur de l’AFC a indiqué que la taxation 2009 de l’intéressé, entrée en force du fait qu’aucune réclamation n’avait été déposée, contenait les chiffres suivants « B. 275'894 (pas de cotisations AVS). Pas de capital ».

17.    Dans sa réponse du 3 février 2015, la CCGC a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision sur opposition du 8 janvier 2015. L’argumentation de l’intéressé était erronée et n’était étayée d’aucune disposition légale ou réglementaire. Toute personne exerçant une activité indépendante avait l’obligation de s’affilier à une caisse de compensation AVS/AI/APG/AC, à une caisse d’allocations familiales et à l’assurance-maternité. L’intéressé ne l’avait pas fait ; aussi la CCGC l’avait-elle affilié d’office en tant qu’indépendant, et ce du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

18.    Par réplique du 24 février 2015, l’intéressé a persisté dans les termes et conclusions de son recours. La CCGC devait savoir qu’il n’avait pas été affilié à une caisse de compensation puisque c’était elle-même qui avait refusé son affiliation malgré son insistance. Aussi n’avait-il pas cotisé, et aucune cotisation n’avait été comptabilisée, ce que la CCGC devait imaginer. Il ne pouvait donc être ajouté une cotisation au bénéfice communiqué puisqu’aucune cotisation n’était venu diminuer ce bénéfice. C’était le même cas de figure pour l’année 2010.

19.    Par lettre du 3 mars 2015, la CCGC a demandé que l’intéressé produise la décision qu’elle-même aurait rendue refusant son affiliation et les éventuelles missives par lesquelles il aurait manifesté son insistance à être affilié auprès d’elle, lesdites pièces ne se trouvant pas dans son propre dossier.

20.    Par courrier du 16 mars 2015, l’intéressé a transmis les pièces sollicitées par la CCGC, en rappelant à nouveau les faits du dossier et en s’étonnant que la CCGC ait pu ainsi exiger qu’un indépendant ait ses propres locaux et du personnel pour l’affilier comme indépendant et ainsi exclure de l’affiliation tous les indépendants travaillant seuls et à domicile. Les cotisations AVS de l’indépendant ne frappaient pas le chiffre d’affaires, mais le bénéfice net, soit après déduction de toutes les charges inhérentes et liées à l’exercice de la profession, raison pour laquelle l’intéressé avait insisté auprès de la CCGC pour être affilé, s’était vu confirmer par la CCGC son refus de l’affilier, et lui avait alors écrit qu’il en avait pris note et qu’ainsi il ne cotiserait jamais à l’AVS. Privilégiant « une approche intelligente (…) logique et sociale », il n’avait pas recouru contre la « décision de cotisation » que la CCGC lui avait envoyée spontanément et calculée sur le bénéfice net de son activité indépendante, et n’avait donc pas contesté son affiliation à l’AVS.

21.    Dans sa duplique du 20 avril 2015, la CCGC a conclu à nouveau au rejet du recours et à ce que sa décision sur opposition du 8 janvier 2015 soit confirmée. Tant l’arrêté du Conseil d’État autorisant l’intéressé à pratiquer, à titre d’intermédiaire, le commerce du petit crédit dans le canton de Genève que l’ancienne inscription de son entreprise individuelle au registre du commerce n’étaient pas des éléments permettant à eux seuls de qualifier l’activité indépendante du recourant aux yeux de l’AVS. La procédure de 1994 n’avait aucune incidence sur les décisions de cotisations qu’elle avait émises pour les revenus réalisés pendant l’année 2009. Un assuré ne pouvait se prévaloir d’une éventuelle situation illégale pour réclamer par la suite un traitement contraire aux dispositions légales en vigueur. L’activité de l’intéressé durant l’année 2009 était une activité indépendante, si bien que l’ensemble de ses revenus avait fait l’objet, à juste titre, de décisions de cotisations sociales, qui étaient correctes. Si l’intéressé considérait avoir été un salarié durant l’année 2009, son employeur serait tenu de s’acquitter des cotisations paritaires usuelles ; l’intéressé était invité à lui faire parvenir les informations nécessaires afin qu’elle puisse qualifier définitivement le statut AVS des différents intervenants dans ce dossier.

22.    Le 29 mai 2015, toujours représenté par la fiduciaire, l’intéressé a présenté des observations. On n’inscrivait pas des salariés au registre du commerce, mais des entreprises, notamment des raisons individuelles (comme dans son cas). La lecture de la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) aurait permis à la CCGC, à l’époque, de rectifier son erreur et d’assujettir l’intéressé à l’AVS. La fiduciaire n’avait jamais eu le moindre doute quant à la nature indépendante de l’activité de l’intéressé ; preuve en était sa demande d’assujettissement à l’AVS et les courriers y relatifs que la fiduciaire avait adressés à ce propos à la CCGC, qui n’en avait « pas démordu : Monsieur A______ n’était pas un indépendant ». À l’époque, pourtant, l’intéressé disposait d’un portefeuille de 1200 clients environ, était totalement maître dans l’organisation de son travail, était seul à assumer les risques de l’entreprise. Il en allait de même en 2009, sauf que le portefeuille clients de l’intéressé était supérieur à 2000 clients. Il n’avait certes jamais eu de personnel ni disposé de locaux commerciaux. Objectivement, raisonnablement, la CCGC faisait juste et donnait raison à l’intéressé, quoique avec un retard de vingt ans. L’intéressé ne contestait pas son assujettissement à l’AVS mais disait simplement que le calcul de la cotisation n’était pas exact. En résumé, l’intéressé avait été indépendant et seulement indépendant depuis 1994, ce que la CCGC confirmait en réalité. L’AVS n’avait pas voulu des cotisations de l’intéressé. Il persistait dans les termes de son recours, portant sur le calcul des cotisations sociales, un simple problème d’arithmétique.

23.    Par une écriture du 17 juin 2015, la CCGC a considéré que les arguments soulevés par le recourant ne modifiaient en rien son appréciation et ses conclusions, dont la teneur était intégralement maintenue. L’intéressé contestait le système de calcul du rajout des cotisations en vigueur depuis quelques années Ce nouveau système de calcul – censé connu par tout mandataire professionnellement qualifié – avait déjà fait l’objet d’une jurisprudence (dont un arrêt de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, joint à cette écriture).

24.    Le 1er juillet 2015, la fiduciaire a produit la copie d’un courrier du 22 juin 2015 par lequel la CCGC – dans une procédure devant la chambre des assurances sociales concernant un autre de ses clients indépendants affiliés auprès de la CCGC et portant sur un problème de rajout de cotisations – mentionnait que, « selon les chiffres 1170.2 et 3 ainsi que 3028 des Directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG (DIN), les caisses de compensations doivent considérer le revenu communiqué par l’autorité fiscale comme revenu net après déduction des cotisations. Elles rajoutent les cotisations même si une déduction d’un montant inférieur ou supérieur à celui opéré par la caisse de compensation a été admise. Il ne faut déroger à cette règle que lorsqu’il ressort clairement, expressément et sans réserve des indications données par les autorités fiscales qu’aucune déduction n’a été opérée. Dans ce cas, aucun rajout en pour-cent ne doit être effectué ».

25.    Par lettre du 5 août 2015, la CCGC a estimé que la pièce transmise par la fiduciaire ne modifiait en rien ses précédentes conclusions. Le document transmis exposait l’opposé de ce que la fiduciaire prétendait.

26.    En date du 19 août 2015, en réponse à une demande de la chambre des assurances sociales du 7 août 2015, la CCGC a produit l’extrait de compte individuel de l’intéressé, dont ressortaient notamment les caisses de compensation auprès desquelles l’intéressé a été affilié, les revenus qu’il a réalisés et les employeurs ou genre de revenu qu’il a eus de novembre 1984 à décembre 2014. Durant les douze mois de l’année 2009, l’intéressé avait réalisé des revenus de CHF 304'800.00 comme indépendant (soit A______), en étant affilié pour ces revenus auprès de la caisse de compensation n° 25 (soit la CCGC) sous le numéro d’affilié 1______, CHF 294'341.00 comme salarié ou pour des prestations soumises à cotisation de D______ Bank, en étant affilié pour ces revenus à la caisse de compensation n° 48 (soit l’Ausgleichskasse der Aargauische Industrie- und Handelskammer) sous le numéro d’affilié 2______, et CHF 86'469.00 comme salarié ou pour des prestations soumises à cotisation du Groupe E______, en étant affilié pour ces revenus à la caisse de compensation n° 106.7 (soit la caisse de compensation de la fédération des entreprises romandes – FER-VALAIS) sous le numéro d’affilié 3______. Il en a été de même, pour des montants différents, durant l’année 2010.

27.    Invitées à se déterminer à propos de cet extrait de compte individuel, les parties ont transmis les écritures suivantes :

a.         Le 29 septembre 2015, l’intéressé a exprimé sa stupéfaction que des cotisations AVS (aux montants d’ailleurs inconnus) avaient été retenues à la source sur ses revenus d’indépendant, et alors que les deux entités l’ayant rémunéré – à savoir GE D______ Bank et le Groupe E______ savaient qu’il était indépendant (notamment en 2009 et 2010) et qu’elles n’avaient donc pas le droit de retenir des cotisations à la source sur les montants qu’elles lui versaient, qui n’étaient pas soumis à cotisation, les cotisations d’un indépendant se calculant sur le bénéfice net. Les prélèvements qui avaient été effectués étaient illégaux ; lesdites entités paraissaient s’être rendues coupables de prélèvements non autorisés et l’intimée de recel, et leurs agissements avait de surcroît été commis au détriment de la Taxe professionnelle communale. Concernant le litige objet du recours, aucune cotisation ne devait être rajoutée au bénéfice communiqué par l’AFC, car il n’en avait pas été comptabilisé, et il fallait constater qu’une cotisation avait été retenue à la source, pour l’année 2009, calculée sur un total de CHF 685'630.00 de chiffres d’affaires. La cotisation AVS correspondante devait être soustraite de celle calculée par l’Office cantonal des assurances sociales, puisqu’on ne pouvait réclamer simultanément une cotisation calculée à la source sur le chiffre d’affaires et une cotisation calculée sur le bénéfice. Cela valait d’ailleurs pour toutes les années.

b.         La caisse a rappelé le 1er septembre 2015 que le montant de CHF 275'894.- (soit CHF 304'800 après le rajout des cotisations AVS) avait été assujetti aux cotisations AVS usuelles selon les dispositions légales applicables, et inscrit à juste titre dans le compte individuel de l’intéressé. Ce dernier n’avait fourni aucun document attestant que ce revenu avait déjà fait l’objet d’un assujettissement à d’autres cotisations sociales, notamment aux cotisations paritaires d’employeur. Concernant les autres revenus figurant dans l’extrait de compte individuel de l’intéressé pour 2009 (soit CHF 294'341.00 et CHF 86'469.00), ils avaient été versés par des employeurs et donc assujettis aux cotisations paritaires d’employeur. Les dispositions régissant l’AVS permettaient d’assujettir séparément les revenus d’indépendant et de salarié respectivement aux cotisations d’indépendant et aux cotisations paritaires d’employeur. En l’état du dossier, la CCGC concluait au rejet du recours et à la confirmation de sa décision sur opposition.

28.    Par écriture du 13 octobre 2015, le recourant a relevé que la CCGC n’avait toujours pas compris qu’il n’était plus assujetti à l’AVS depuis qu’il s’était installé comme indépendant, n’ayant depuis lors plus eu aucun employeur et la CCGC ayant refusé son affiliation comme indépendant. D______ Bank et le Groupe E______ n’étaient pas habilités à percevoir des cotisations d’indépendant sur sa rémunération. Les cotisations qui avaient été prélevées illégalement et à son insu devaient être soustraites des CHF 275'894.00 retenus par la CCGC pour le calcul de ses cotisations pour l’année 2009, et il ne devait pas être rajouté de cotisations au montant communiqué par l’AFC pour cette période.

29.    Par courrier du 19 octobre 2015, la CCGC a rappelé que, pour l’année 2009, le montant de CHF 275'894.- (CHF 304'800.- après le rajout des cotisations AVS) était celui que les autorités fiscales lui avaient communiqué, et que les montants de CHF 294'341.00 et CHF 86'469.00 étaient des revenus versés par des employeurs et donc assujettis aux cotisations paritaires d’employeur. Le montant global des revenus du recourant pour cette période semblait ainsi avoir été de CHF 656’704.00. La CCGC ne s’expliquait pas la différence entre ce montant et celui de CHF 275'894.00 communiqué par l’AFC, et elle n’était pas en mesure de déterminer si le revenu d’indépendant établi par l’AFC se confondait avec ceux versés par les employeurs qu’avaient été D______ Bank et le Groupe E______. Elle devait se baser sur les informations transmises et confirmées par l’AFC. L’intéressé n’avait fait parvenir aucune pièce pouvant justifier une éventuelle modification du montant retenu par l’AFC et donc du rajout de cotisations litigieux. Elle maintenait en l’état du dossier ses conclusions tendant au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur opposition.

30.    Par lettre du 29 octobre 2015, l’intéressé a réitéré sa position, à savoir que les cotisations illégalement retenues par deux de ses clients l’avaient été sur du chiffre d’affaires qu’il avait encaissé, qu’un chiffre d’affaires correspondait à la différence entre le chiffre d’affaires et les charges d’exploitation, et donc qu’il n’avait été comptabilisé aucune cotisation, le chiffre d’affaires ayant fait l’objet de prélèvements à la source de cotisations étant compris dans le bénéfice de l’indépendant. Il était prêt à mettre son dossier à la disposition de la CCGC ou d’un contrôleur pour qu’il constate l’exactitude de ses propos.

31.    Le 16 novembre 2015, la CCGC a transmis à la chambre des assurances sociales, sur demande de cette dernière, une copie de l’opposition de l’intéressé du 9 décembre 2014 à ses décisions du 11 novembre 2014 et a expliqué que pour l’année 2009 l’AFC lui avait communiqué le revenu de l’intéressé afférent à ladite année par une communication spontanée sous format Excel, raison pour laquelle elle lui avait demandé de lui confirmer par courriel l’exactitude des montants transmis.

32.    L’intéressé en a été informé par courrier du 16 novembre 2015, et la cause a été gardée à juger.

33.    Par courrier du 17 novembre 2015, l’intéressé a transmis une copie de ses états financiers annuels 2009 et 2010, ainsi que des avis de taxation correspondants.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS -RS 831.10). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, le présent recours portant sur une décision sur opposition rendue par une caisse de compensation en application de la LAVS.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; art. 89B LPA).

Le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA).

Le présent recours est donc recevable.

2.        a. Le litige porte sur le rajout de cotisations (de CHF 28'961.25) au montant du revenu communiqué à l’intimée par l’AFC pour l’année 2009 (CHF 275'894.00).

Sans doute cette question litigieuse paraît-elle se poser et a-t-elle d’ailleurs été soulevée par voie d’opposition aussi pour la fixation des cotisations personnelles du recourant pour l’année 2010. L’intimée n’a cependant pas encore statué sur cette opposition ; il n’y a donc pas (ou pas encore) d’acte attaquable devant la chambre de céans s’agissant des cotisations sociales dues par le recourant pour l’année 2010. Il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur les griefs relatifs aux cotisations dues par le recourant pour l’année 2010, que ce soit sur ce point ou sur d’autres points.

b. Concernant l’année 2009 (notamment), il est apparu en cours de procédure, à teneur de l’extrait de compte individuel dont la chambre de céans avait requis la production de la part de l’intimée, que – semble-t-il contrairement à ce que le recourant avait su ou pensé, et d’ailleurs même aussi la CCGC dans le cadre du traitement du dossier du recourant – des cotisations sociales ont été prélevées sur les revenus versés au recourant en 2009 par deux entités pour lesquelles ce dernier a fourni des prestations, en une qualité conçue par ces entités comme celle d’un salarié alors que lui s’estimait être un indépendant, et que ces cotisations sociales ont été versées (apparemment avec une part patronale correspondante) à des caisses de compensation pour l’année 2009. Le recourant a alors soulevé un nouveau grief à l’encontre de la décision attaquée confirmant sur opposition la fixation de ses cotisations sociales dues pour l’année 2009, portant sur le montant communiqué par l’AFC à l’intimée et retenu par celle-ci (à savoir CHF 275'894.00), dont devraient selon elle être soustraites, pour le calcul de ses cotisations pour l’année 2009, les cotisations qui avaient été prélevées selon lui illégalement et à son insu sur les revenus lui ayant été versés à titre de rémunération par les deux entités considérées.

3.        La LAVS définit très largement le champ des personnes assurées obligatoirement à l’AVS, conformément à une conception universaliste voulant que ladite assurance sociale couvre en principe l’ensemble de la population active et non-active professionnellement. Dès les débuts de l’AVS, ont été notamment assurées obligatoirement les personnes physiques domiciliées en Suisse, exerçant ou non une activité lucrative, et les personnes physiques exerçant en Suisse une activité lucrative (art. 1a LAVS, à l’origine art. 1 LAVS ; art. 1 ss du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 31 octobre 1947 - RAVS - RS 831.101).

Selon l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative. Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans; cette obligation cesse à la fin du mois où les femmes atteignent l’âge de 64 ans (depuis le 1er janvier 1997), les hommes l’âge de 65 ans. Alors que les cotisations des assurés exerçant une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante (art. 4 al. 1 LAVS), les assurés n’exerçant aucune activité lucrative paient une cotisation selon leur condition sociale, entre un montant minimal et un montant maximal (art. 10 al. 1 LAVS).

Les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité dépendante sont retenues lors de chaque paie ; elles doivent être versées périodiquement par l’employeur en même temps que la cotisation d’employeur (art. 14 al. 1 LAVS). Les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité indépendante, les cotisations des assurés n’exerçant aucune activité lucrative et celles des assurés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations sont déterminées et versées périodiquement (art. 14 al. 2 phr. 1 LAVS).

4.        La LAVS s'applique par analogie à la fixation et la perception des cotisations de l'assurance-invalidité (art. 3 al. 1 phr. 1 de la loi sur l’assurance-invalidité - LAI - RS 831.20), des cotisations dues pour les allocations pour perte de gain (art. 27 al. 2 phr. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 - LAPG - RS 834.1), des cotisations dues pour les prestations de l’assurance-chômage (art. 6 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 - LACI - RS 837.0). Il incombe aux caisses de compensation pour allocations familiales admises de fixer et prélever les cotisations (art. 15 al. 1 let.b de la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 - LAFam - RS 836.2), au nombre desquelles figurent celles qui sont gérées par des caisses de compensation AVS (art. 14 let. c LAFam).

5.        a. En l’espèce, par une décision du 11 novembre 2014, quant à elle non contestée et donc entrée en force de chose décidée, le recourant a été affilié à l’intimée en tant qu’indépendant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. L’intimée a donc fixé les cotisations dues par le recourant pour l’année 2009 en application des règles régissant les cotisations des indépendants.

b. Le revenu déterminant pour la perception des cotisations sociales des indépendants est défini à l’art. 9 LAVS. Il s’agit de tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (al. 1), étant précisé que de ce revenu brut doivent être soustraites les déductions énumérées à l’al. 2, à savoir les frais généraux nécessaires à l'acquisition du revenu brut (let. a), les amortissements et les réserves d'amortissement autorisés par l'usage commercial et correspondant à la perte de valeur subie (let. b), les pertes commerciales effectives qui ont été comptabilisées (let. c), les sommes que l'exploitant verse, durant la période de calcul, à des institutions de prévoyance en faveur du personnel de l'entreprise, pour autant que toute autre utilisation soit exclue, ou pour des buts de pure utilité publique (let. d), les versements personnels à des institutions de prévoyance professionnelle dans la mesure où ils correspondent à la part habituellement prise en charge par l'employeur (let. e), l'intérêt du capital propre engagé dans l'entreprise (let. f), et d’autres déductions que le Conseil fédéral est autorisé à admettre (al. 2 in fine).

c. Les cotisations sociales (ici pertinentes) ne sont pas mentionnées. Dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011, l’art. 9 al. 2 let. d LAVS précisait qu’elles n’étaient pas déductibles du revenu brut de l’indépendant. Depuis le 1er janvier 2012, cette non-déductibilité est reprise implicitement à l’art. 9 al. 4 LAVS, qui prévoit que les caisses de compensation ajoutent au revenu communiqué par les autorités fiscales les déductions admissibles selon le droit fiscal des cotisations dues en vertu des art. 8 LAVS, 3 al. 1 LAI et 27 al. 2 LAPG, et reconstituent à 100 % le revenu communiqué en fonction des taux de cotisation applicables, mais elles ne le sont pas – logiquement d’ailleurs – pour la fixation du revenu déterminant de l’indépendant, qui sert précisément à fixer les cotisations sociales, comme le Conseil fédéral l’a expliqué dans son message relatif à la modification de la LAVS (Amélioration de la mise en œuvre) du 3 décembre 2010 (FF 2010 527 s.).

Or, ainsi que le prévoit l’art. 9 al. 3 LAVS, le revenu provenant d’une activité indépendante est déterminé – de même que le capital propre engagé dans l’entreprise – par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation. Le fisc le fait cependant au regard des législations fiscales qu’il a la charge d’appliquer. Dès lors que celles-ci prévoient la déductibilité desdites cotisations sociales, c’est un revenu dont ces cotisations ont déjà été déduites qu’il communique aux caisses de compensation. Aussi ces dernières doivent-elles elles-mêmes rajouter, depuis le 1er janvier 2012, les cotisations sociales en question au revenu déterminant communiqué par le fisc pour fixer les cotisations dues, autrement dit reconstituer à cette fin le revenu de l’indépendant, ce qu’elles font selon une formule divisant le produit du revenu net communiqué multiplié par 100 par la différence entre 100 et le taux de cotisations AVS/AI/APG applicable au revenu communiqué. L’art. 9 al. 4 LAVS part du principe que les autorités fiscales communiquaient un revenu net, duquel les cotisations AVS/AI/APG ont déjà été déduites, si bien que le revenu communiqué doit être majoré pour être amené à 100 % (cf. ch. 1169 des directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG [DIN] publiées par l’Office fédéral des assurances sociales, dans leur version valable dès le 1er janvier 2012 ; Gabriela RIEMER-KAFKA, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 4ème éd., 2014, p. 136 s. ; Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenenversicherung, 3ème éd., 2012, n. 93 ad art. 9 LAVS ; ATAS/749/2015 du 28 septembre 2015 consid. 6 à 9 ; ATAS/1295/2013 du 23 décembre 2013 consid. 5 à 9).

d. Antérieurement au 1er janvier 2012, il appartenait aux autorités fiscales de rajouter les cotisations sociales déduites sur le plan fiscal au revenu qu’il communiquait aux caisses de compensation, ou du moins de les mentionner en sus dudit revenu calculé pour ses propres besoins. Selon le Tribunal fédéral, le but de l’art. 9 al. 4 LAVS était de décharger les autorités fiscales de la tâche consistant à ajouter les cotisations au revenu à communiquer aux caisses de compensation, dans un but de simplification administrative et d’application uniforme de la loi. Cette modification législative – ajoute le Tribunal fédéral – s’accommode sciemment du fait que les cotisations déduites au plan fiscal ne correspondent pas nécessairement aux cotisations calculées par les caisses de compensation, dès lors que le montant de la déduction fiscale n’est pas communiqué à ces dernières. Les caisses de compensation n’ont pas à se soucier des déductions que l’autorité fiscale a opérées sur le revenu communiqué, contrairement à ce qui prévalait sous l’ancien droit, mais elles doivent partir du principe que le revenu communiqué est un revenu net au sens du droit des cotisations, et donc y ajouter les cotisations sociales. Cette fiction n’est pas choquante, car l’assuré indique dans sa déclaration d’impôt les cotisations sociales et peut s’opposer à la décision fiscale s’il constate que la déduction n’a pas été prise en compte correctement. Il n’y a lieu – poursuit le Tribunal fédéral – de s’en écarter et de renoncer à la reconstitution du revenu à 100 % que lorsque la communication fiscale confirme expressément, clairement et sans réserve qu’aucune déduction des cotisations n’a été opérée au plan fiscal (ATF 139 V 537 consid. 5.3 à 5.5 et 6).

Selon la disposition transitoire de la modification du 17 juin 2011 de la LAVS, lors de laquelle cet art. 9 al. 4 a été adopté, cette disposition-ci s'applique à tous les revenus d'une activité indépendante qui ont été communiqués par les autorités fiscales après l'entrée en vigueur de cette modification. Peu importe que la communication concerne une période antérieure au 1er janvier 2012, comme en l’espèce l’année 2009.

e. L’intimée était donc fondée – sauf indication explicite contraire – à considérer que le revenu que l’AFC lui avait communiqué était un revenu net, dont les cotisations sociales avaient déjà été retranchées, et qu’il lui fallait procéder à un rajout de cotisations en application de l’art. 9 al. 4 LAVS.

6. Le recourant ne paraît pas contester qu’en principe il faut effectuer un tel rajout de cotisations au revenu communiqué par l’AFC. Faisant grand cas du fait qu’il n’était – selon lui – pas soumis à cotisation du fait que l’intimée avait refusé de l’affilier comme indépendant et que, ayant privilégié une approche intelligente, logique et sociale, il n’avait pas contesté la décision de l’intimée l’affiliant d’office comme indépendant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, quand bien même – toujours selon lui – le succès d’une contestation de cette décision lui était garanti, il prétend que dans son cas il est erroné de procéder à un tel rajout de cotisations, parce qu’il n’avait pas cotisé, vu précisément le refus de l’intimée de l’affilier, qu’ainsi aucune cotisation n’avait été comptabilisée, et que, partant, l’AFC ne pouvait avoir déduit des cotisations du revenu qu’elle avait communiqué à l’intimée.

7. Nonobstant la non-contestation de son affiliation à l’intimée comme indépendant pour les années 2009 et 2010, il sied de relever que le recourant, représenté par un mandataire professionnellement qualifié dont les actes accomplis pour le représenter lui sont opposables, ne saurait prétendre qu’il n’était pas assujetti à cotisation, entre autres périodes durant l’année 2009, sous prétexte qu’au tout début de son activité professionnelle, à fin 1993, l’intimée avait considéré qu’il n’était pas un indépendant et avait rejeté sa demande d’affiliation comme indépendant. Les conditions d’application du principe de la bonne foi, dont il paraît se prévaloir à l’appui de son prétendu non-assujettissement à cotisation, n’étaient pas remplies pour l’année 2009, ni probablement pour les autres années durant lesquelles il a pratiqué le commerce du petit crédit en tant qu’intermédiaire.

En vertu de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), qui fonde le droit constitutionnel de toute personne d'être traitée par les organes de l’État conformément aux règles de la bonne foi, l'administration peut certes se trouver liée par des renseignements inexacts qu'elle donnerait, mais encore faut-il qu'elle fût compétente (à tout le moins apparemment) pour ce faire, que les renseignements en question fussent inexacts, eussent été fournis sans réserve, en termes clairs et catégoriques, en rapport avec une situation concrète déterminée, que l'inexactitude ne tînt pas un changement subséquent de la loi, que l'administré n'eût pas été en mesure, en faisant preuve d'un minimum d'attention, de reconnaître l'erreur, et qu'il eût pris, en se fiant à ces renseignements, des dispositions irréversibles (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées ; ATAS/534/2012 du 23 avril 2012, consid. 5 ; ATAS/1120/2014 du 4 novembre 2014 consid. 6 ; ATAS/1243/2011 du 17 janvier 2012 consid. 5 à 8 ; ATAS/637/2009 du 15 mai 2009 consid. 5 ; Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, Droit administratif, 3ème éd., 2012, vol. I, p. 923 ss).

Or, aussi erroné qu’ait pu être le refus d’affilier le recourant comme indépendant, l’intimée n’a jamais déclaré le recourant non-assujetti au paiement des cotisations sociales sur ses revenus, tant comme indépendant que comme salarié, puisqu’elle a précisé que l’institution l’employant alors a prélevé les cotisations sur ses revenus et à les verser, y compris la part patronale, à la caisse de compensation compétente. Il est au demeurant patent que le recourant était conscient du caractère erroné de la position d’alors de l’intimée, et qu’en tout état il ne pouvait voir son chiffre d’affaires et son bénéfice augmenter avec la progression de ses affaires professionnelles sans revendiquer à nouveau la qualité d’indépendant. Il savait pertinemment qu’il devait normalement payer des cotisations sur ses revenus. Il n’apparaît par ailleurs pas que le recourant ait pris des dispositions irréversibles sur la base de la position d’alors de l’intimée.

8. a. Lorsque l’intimée a rendu la décision attaquée, le 22 décembre 2014, elle était a priori fondée à considérer que le revenu que l’AFC lui avait communiqué pour l’année 2009 était un revenu dont les cotisations sociales avaient été retranchées, et donc à procéder au rajout de cotisations contesté, en application de l’art. 9 al. 4 LAVS. Il s’avère toutefois qu’avant de répondre au présent recours, l’intimée a obtenu de l’AFC non seulement la confirmation que le revenu du recourant pour 2009 était de CHF 275'894.00, mais aussi l’information complémentaire – en plus de celle qu’il n’y avait « pas de capital » - qu’il n’y avait « pas de cotisation AVS ».

b. Certes, les caisses de compensation sont en principe liées par les données des autorités fiscales cantonales (art. 23 al. 4 RAVS). Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises, concernant la détermination du revenu et du capital propre engagé dans une entreprise au regard des taxations fiscales passées en force selon l’art. 23 RAVS, que les données fiscales lient les caisses de compensation, mais que le caractère obligatoire des données fiscales que prévoit l’art. 23 al. 4 RAVS ne concerne que la fixation desdits revenu et capital propre et n’englobe pas la question de savoir si et dans quelle mesure ceux-ci sont soumis à cotisation, question qu’il incombe aux caisses de compensation d’examiner au regard du droit de l’AVS sans être liées par les communications fiscales, étant toutefois précisé qu’elles doivent en général se fier à ces dernières et ne procéder à leurs propres investigations que lorsqu’il y a des doutes sérieux quant à l’exactitude des données dont l’autorité fiscale fait état (arrêt du Tribunal fédéral 9C_162/2014 du 31 juillet 2014 consid. 3.1 ; ATF 134 V 250 consid. 3.3 ; 121 V 80 consid. 2c ; 114 V 72 consid. 2 ; 111 V 289 consid. 3 ; 102 V 27 consid. 3b). De plus, sur les questions liant en principe les caisses de compensation, ces dernières doivent néanmoins s’écarter des données résultant de la taxation fiscale lorsque celles-ci contiennent des erreurs manifestes susceptibles d’être corrigées aisément ou lorsqu’il s’agit d’apprécier des faits non pertinents d’un point de vue fiscal mais décisifs au regard du droit des assurances sociales (ATF 111 V 289 consid. 3 ; 110 V 369 consid. 2a ; 102 V 27 consid. 3a). Selon les ch. 1170.3 DIN – faisant référence sur cette question à l’ATF 139 V 537 (9C_189/2013 du 13 décembre 2013) –, il ne faut déroger à la règle du rajout des cotisations « que lorsqu’il ressort clairement, expressément et sans réserve des indications données par les autorités fiscales qu’aucune déduction n’a été opérée. Dans ce cas, aucun rajout en pour-cent ne doit être effectué. »

c. En l’espèce, l’information complémentaire que l’AFC a fournie à l’intimée par courriel du 2 février 2015, en particulier qu’il n’y avait « pas de cotisation AVS », était laconique et sujette à interprétation. Elle pouvait et pourrait dire qu’effectivement, ainsi que le prétend le recourant, le revenu de CHF 275'894.00 communiqué par l’AFC pour 2009 était un revenu dont aucune cotisation sociale n’avait été retranchée à des fins fiscales, et donc qu’il n’y aurait pas lieu de faire un rajout de cotisations. Cela n’est toutefois pas certain. Ladite mention ne constituait pas une déclaration claire, expresse et sans réserve qu’aucune cotisation sociale n’avait été opérée.

Dès lors que, jusqu’à l’envoi de la réponse au recours par l’autorité intimée, l’effet dévolutif d’un recours n’est pas encore intervenu (art. 67 et 89A LPA), l’intimée aurait pu, voire dû, clarifier la portée de cette déclaration, et rectifier s’il y avait lieu sa décision. La chambre de céans pourrait poursuivre elle-même l’instruction sur ce point. Elle n’entend cependant pas le faire, déjà pour le motif qu’à l’évidence ce point doit être clarifié non seulement pour la fixation des cotisations sociales afférentes à l’année 2009, mais aussi pour celles concernant l’année 2010. Or, elle n’est pas saisie d’un recours concernant les cotisations dues pour 2010, à propos desquelles l’intimée doit encore rendre une décision sur opposition. L’économie de procédure justifie que ces investigations soient effectuées simultanément par une même autorité, propre ensuite à rendre des décisions a priori ne suscitant plus d’interrogation sur ce point.

9. Un autre motif commande de ne pas poursuivre l’instruction de cette question dans le cadre de la présente procédure.

En effet, il subsiste par ailleurs la plus grande ambiguïté sur le point initialement non contesté du montant du revenu déterminant de base (avant le cas échéant rajout de cotisations) retenu par l’intimée pour le calcul des cotisations dues par le recourant, mais qui est devenu litigieux une fois que se fut avéré, en cours de procédure, que des cotisations avaient été prélevées sur des revenus versés au recourant, pris apparemment comme salarié et – affirme-t-il – à son insu et illégalement, par deux entités pour lesquelles il avait fourni des prestations selon lui comme indépendant, et ce non seulement durant l’année 2009 mais aussi durant l’année 2010.

L’intimée elle-même a alors supposé, sans certitude toutefois, que le recourant avait aussi été un salarié, en dépit des déclarations contraires de ce dernier, et que les cotisations qu’elle lui réclamait pour l’année 2009 sur la base d’un revenu déterminant de CHF 275'894.00 (avant rajout de cotisations) pour ladite année ne concernaient que les revenus qu’il avait perçus comme indépendant durant cette période, ce qui n’excluait pas que des cotisations paritaires d’employeur pouvaient avoir été versées à d’autres caisses de compensation sur la rémunération d’activités de salarié effectuées durant la même année. L’intimée, qui n’a depuis lors conclu au rejet du recours plus qu’« en l’état du dossier », a relevé que le montant global des revenus du recourant pour l’année 2009 semblait avoir été de CHF 656’704.00, mais qu’elle ne s’expliquait pas la différence entre ce montant et celui de CHF 275'894.00 communiqué par l’AFC, et – surtout – qu’elle n’était pas en mesure de déterminer si le revenu d’indépendant établi par l’AFC se confondait avec ceux versés par les employeurs qu’avaient été D______ Bank et le Groupe E______.

À un tel niveau d’incertitude sur des questions déterminantes pour la fixation de cotisations sociales, il ne saurait être question de se réfugier derrière la règle que les caisses de compensation doivent se baser sur le revenu communiqué par l’AFC. Il y a pour le moins des doutes sérieux quant à l’exactitude des données dont l’autorité fiscale fait état, circonstance dans laquelle une caisse de compensation ne peut se dispenser de procéder à ses propres investigations.

Il n’incombe par ailleurs pas à la chambre de céans de les effectuer à la place de l’intimée, en procédure contentieuse, d’autant plus que – comme pour la question du rajout de cotisations – les mêmes questions doivent être élucidées pour le revenu déterminant retenu pour l’année 2010, n’ayant pas encore donné lieu à une décision sur opposition.

10. Le présent recours sera donc admis au sens des considérants, la décision attaquée annulée, et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

Obtenant gain de cause, en réalité partiellement et de façon non définitive, le recourant a droit à une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H LPA), qui sera fixée à CHF 1'000.00 (art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03) et mise à la charge de l’intimée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet au sens des considérants.

3.        Annule la décision sur opposition de la caisse cantonale genevoise de compensation du 22 décembre 2014.

4.        Renvoie la cause à la caisse cantonale genevoise de compensation pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.00, à la charge de la Caisse cantonale genevoise de compensation.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie SCHNEWLIN

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN


Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le