Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/819/2022

ATAS/1160/2022 du 01.12.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/819/2022 ATAS/1160/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er décembre 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Christophe ZERMATTEN

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A.           a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé, le bénéficiaire ou le recourant), né en ______ 1954, d'origine espagnole et naturalisé suisse, est l’époux de Madame B______ (ci-après : l'épouse), née en ______ 1970, ressortissante brésilienne, titulaire d'un permis C.

b. L’intéressé a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé) en date du 2 mai 2019.

c. Par décision du 31 juillet 2019, le SPC a reconnu le droit du bénéficiaire aux prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et aux prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), dès le 1er mai 2019. Toutefois, les plans de calcul annexés déterminaient des dépenses reconnues inférieures au revenu déterminant, tant pour les PCF que pour les PCC, compte tenu de la prise en considération d'un gain potentiel de l’épouse de CHF 51'114.10, comptabilisé, tant sur le plan fédéral que sur le plan cantonal, à hauteur de CHF 33'076.25 compte tenu des réductions pour couples. Le montant respectif des PCF et des PCC était de CHF 0.-.

d. L’intéressé s’est opposé à cette décision, reprochant au SPC d'avoir pris en compte un gain hypothétique de l'épouse, laquelle se trouvait toutefois actuellement en incapacité de travail totale en raison d'une dépression et était suivie par la doctoresse C______, psychiatre.

e. Compte tenu des documents complémentaires produits par D______, notamment un certificat médical de la Dresse C______, le SPC a rendu une décision de prestations d'aide sociale le 19 décembre 2019 : dès le 1er janvier 2020, un montant mensuel de CHF 1'193.- était alloué à ce titre au bénéficiaire.

B.            a. Par décision sur opposition du 11 février 2020, le SPC a partiellement admis l'opposition formée le 16 août 2019 par le bénéficiaire, contre la décision de prestations complémentaires (ci-après : PC) à l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) du 31 juillet 2019, qui rétroagissait au 1er mai 2019. Le gain potentiel imputé à l'épouse, pour la période allant du 1er mai au 31 octobre 2019, était supprimé mais ce gain hypothétique serait pris en compte à partir du 1er novembre 2019.

b. Le conseil du bénéficiaire a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision susmentionnée, par mémoire du 13 mars 2020. Il a principalement conclu à l'annulation de la décision sur opposition du SPC du 11 février 2020 et qu'il soit constaté que le recourant était en droit de recevoir le versement des PCF et PCC dès le 1er mai 2019. Il faisait valoir que son épouse était, depuis 2012, suivie médicalement en raison d'une dépression chronique. Dès mars 2018, cet état avait engendré une incapacité de travail totale. Au vu de cette situation, il lui était impossible de rechercher un emploi et il ne pouvait être considéré qu'elle serait en mesure de travailler. La prise en compte d'un revenu hypothétique dès le 1er novembre 2019 était dès lors injustifiée.

c. Le SPC a conclu au rejet du recours par courrier du 14 mai 2020. Le recourant n'apportait aucun élément susceptible de conduire à une appréciation différente du cas d'espèce. Le recours portait sur la prise en compte d'un gain potentiel imputé à l'épouse du recourant, dès le 1er novembre 2019 ; l'épouse avait produit des certificats médicaux attestant de son incapacité de travail pour des raisons médicales depuis le 10 mars 2018 à ce jour, et il ressortait également des pièces produites qu'elle avait déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) en date du 13 septembre 2019, mais l'OAI n'avait pas encore statué à ce jour. Selon la jurisprudence, le SPC était lié par l'appréciation de l'OAI, pour ce qui concernait le degré d'invalidité ; néanmoins, l'autorité devait examiner si l’épouse du bénéficiaire pouvait exercer une activité lucrative et si l'on était en droit d'attendre d’elle qu'elle le fasse. Pour ce faire, le SPC devait tenir compte de toutes les circonstances objectives et subjectives entravant ou compliquant la réalisation d'un tel revenu, telles que la santé, l'âge, la formation, les connaissances linguistiques, l'activité antérieure, l'absence de la vie professionnelle, le caractère admissible d'une activité, les circonstances personnelles et le marché du travail. Ainsi, le SPC confirmait la prise en compte d'un gain potentiel imputé à l'épouse dans les calculs des PC au 1er novembre 2019, jusqu'à ce que l'OAI se prononce sur la demande de prestations visant l'obtention d'une rente en faveur de l'épouse, au motif qu'aucun facteur personnel ou social n'entravait ou ne compliquait la réalisation d'un revenu d'activité lucrative. Le SPC apporterait les ajustements nécessaires aux PC du recourant dès que l'OAI se prononcerait.

d. Par arrêt du 23 août 2021 (ATAS/852/2021), la chambre de céans a rejeté le recours, considérant, en substance, que les documents médicaux fournis par le recourant étaient largement insuffisants pour reconnaître, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'épouse était affectée dans sa santé au point d'être totalement incapable de travailler et/ou de rechercher un emploi. La question pourrait toutefois être revue, en fonction de la décision à rendre par l'OAI, mais en l'état, la décision querellée ne pouvait qu'être confirmée.

C.           a. L’OAI a poursuivi l’instruction du dossier de l’épouse de l’intéressé et a octroyé à cette dernière, par décision du 26 octobre 2021, une rente simple, à partir du 1er septembre 2020, en reconnaissant son incapacité de gain à 100 % dès le 1er septembre 2019 (début du délai d’attente d’un an).

b. En date du 13 décembre 2021, le SPC a pris une nouvelle décision de prestations complémentaires. Après avoir recalculé le droit aux PCF et aux PCC de l’intéressé, un droit rétroactif à des prestations lui a été reconnu à partir du 1er septembre 2020 et un tableau de calcul a été intégré dans la décision, pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2021, ainsi que pour l’établissement du droit à venir, dès le 1er janvier 2022. Dans le plan de calcul concernant la période débutant le 1er septembre 2020, il n’était pas tenu compte d’un quelconque revenu hypothétique de l’épouse de l’intéressé.

c. Par courrier du 12 janvier 2022, l’intéressé s’est opposé à la décision du 13 décembre 2021 au motif que, selon la décision de l’OAI, son épouse était en incapacité de travailler à 100 % depuis le 10 septembre 2019, raison pour laquelle le laps de temps entre le 1er novembre 2019 et le 31 août 2020 devait être pris en compte dans le droit rétroactif aux prestations complémentaires.

d. Par décision sur opposition du 3 février 2022, le SPC a écarté l’opposition de l’intéressé et a confirmé la décision du 13 décembre 2021 rétroagissant au 1er septembre 2020. Selon le SPC, la nouvelle décision devait porter effet, lors d’une modification de la rente, dès le début du mois au cours duquel la nouvelle rente avait pris naissance, c’est-à-dire dès le moment où l’épouse de l’intéressé s’était vue verser une rente AI, soit le 1er septembre 2020. S’agissant de la période antérieure au 1er septembre 2020, elle faisait l’objet d’une décision entrée en force et ne pouvait donc pas être revue.

D. a. Par acte posté par son mandataire en date du 9 mars 2022, l’intéressé a interjeté recours contre la décision sur opposition du SPC du 3 février 2022 auprès de la chambre de céans. Il a conclu à l’annulation de la décision querellée, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il était en droit de recevoir le versement de prestations complémentaires dès le 1er novembre 2019, en addition des prestations complémentaires touchées jusqu’à cette date, sous suite de frais et dépens. Le recourant résumait le litige ainsi que l’évolution des troubles de la santé de son épouse - qui avait abouti à la décision rendue par l’OAI - et considérait que c’était à partir du moment où l’épouse avait été reconnue comme incapable de travailler à 100 % par l’OAI que les prestations devaient être versées par le SPC, et non pas après l’écoulement du délai d’attente d’un an lui donnant droit au versement d’une rente entière. Plus précisément, il réclamait le paiement des prestations complémentaires pendant toute la période où elles ne lui avaient pas été versées (étant rappelé que le SPC n’avait pas retenu le gain hypothétique de l’épouse dans ses calculs, pour les mois de septembre et octobre 2019), soit du 1er novembre 2019 au 31 août 2020.

b. Par réponse du 11 avril 2022, le SPC a conclu au rejet du recours. L’intimé considérait que, respectivement, l’opposition du 12 janvier 2022, et le recours du 9 mars 2022, constituaient matériellement une demande de révision, au sens de l’art. 80 let. b LPA, pour la période de calcul allant du 1er novembre 2019 au 31 août 2020. Or, le SPC ne s’était pas prononcé sur une telle demande. Selon l’intimé, l’examen de cette demande appartenait à la chambre de céans, dès lors que c’était elle qui s’était prononcée, en dernier lieu, dans son arrêt du 23 août 2021, sur le maintien du revenu hypothétique imputé à l’épouse de l’intéressé. Il était du ressort de l’intéressé de demander la révision de l’arrêt précité.

Cela étant, le SPC ne pouvait que nier l’existence d’un motif de révision dès lors que l’incapacité de travail de l’épouse du recourant existait déjà en 2019 et avait déjà été invoquée dans la précédente procédure qui avait donné lieu à l’arrêt rendu le 23 août 2021 par la chambre de céans.

c. Par réplique du 6 mai 2022, le recourant s’est opposé au raisonnement du SPC, estimant qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une révision. Il persistait dans son argumentation et dans ses conclusions.

d. Par duplique du 30 mai 2022, le SPC a maintenu sa position déjà exprimée, soit que les conditions de la révision n’étaient pas remplies.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de trente jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

L’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit en ce qui concerne les prestations complémentaires cantonales.

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable.

3.             La législation sur les prestations complémentaires a connu des modifications entrées en vigueur les 1er janvier 2021 et 2022. Ces novelles ne sont toutefois pas applicables à la présente espèce, dès lors qu’est litigieux le droit aux prestations complémentaires pour la période allant du 1er novembre 2019 au 31 août 2020, soit avant qu’elles ne soient promulguées. Ce droit doit ainsi être examiné à l’aune des dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui seront citées dans leur teneur à cette date.

4.             Le litige, tel que circonscrit par la décision attaquée et par les conclusions du recours, porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a tenu compte d’un gain potentiel pour l'épouse du recourant, pour la période allant du 1er novembre 2019 au 31 août 2020.

5.              

5.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions (personnelles) prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Figurent notamment au nombre des revenus déterminants énumérés à l’art. 11 al. 1 let. a LPC : deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement CHF 1’500.- pour les couples.

Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Conformément à l'art. 15 al. 1 LPCC, le montant de la prestation complémentaire correspondant à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant de l'intéressé. Le revenu déterminant est en principe calculé, conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (art. 5 LPCC).

Pour le revenu hypothétique à prendre en compte, les organes PC se réfèrent aux tables de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Ce faisant, il s’agit de salaires bruts. Afin de fixer le montant, on tiendra compte des conditions personnelles telles que l’âge, l’état de santé, les connaissances linguistiques, la formation professionnelle, l’activité exercée précédemment, la durée d’inactivité, ou les obligations familiales (enfants en bas âge par exemple).

Du revenu brut ainsi fixé, on déduit les cotisations obligatoires dues aux assurances sociales de la Confédération (AVS, AI, APG, AC, AF, AA) et, le cas échéant, les frais de garde des enfants au sens du ch. 3421.04 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, dans leur état au 1er janvier 2018 (ci-après : DPC). Du revenu net ainsi obtenu, il faut déduire le montant non imputable selon le ch. 3421.04 DPC, le solde étant pris en compte pour les deux tiers. Le montant global de la franchise doit être pris en compte intégralement même si le revenu hypothétique n’est pris en compte que pendant une partie seulement de l’année déterminante pour le calcul de la prestation complémentaire (ch. 3482.04 DPC).

Pour les personnes vivant à domicile, le montant annuel de la prestation ne peut dépasser, dans l’année civile, le quintuple du montant annuel minimum de la rente simple de vieillesse fixée à l’art. 34 al. 5 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), sous déduction du montant des prestations complémentaires fédérales à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité déjà versées (art. 15 al. 2 LPCC).

À teneur de l'art. 34 al. 5 LAVS, le montant minimal de la rente de vieillesse complète est de CHF 1'175.-, depuis le 1er janvier 2015 et CHF 1'185.- depuis le 1er janvier 2019.

5.2 Selon l’art. 11 al. 1 let. g LPC, les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi.

Par dessaisissement au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 120 V 187 consid. 2b).

Cette disposition est directement applicable lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain (arrêt du Tribunal fédéral 8C_258/2008 du 12 décembre 2008 consid. 4). Le devoir de contribuer à l’entretien de la famille au sens de l’art. 163 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) fait en effet partie des obligations des époux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 18/99 du 22 septembre 2000 consid. 2b).

Selon la jurisprudence rendue sur l'art. 163 CC, le principe de solidarité entre les conjoints implique qu'ils sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage peut avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais également des autres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien. Dans certaines circonstances, un conjoint qui n'a pas travaillé ou seulement de manière partielle peut se voir contraindre d'exercer une activité lucrative ou de l'étendre, pour autant que l'entretien convenable l'exige. Sous l'angle du droit à des prestations complémentaires, une telle obligation s'impose en particulier lorsque l'un des conjoints n'est pas en mesure de travailler à raison, par exemple, de son invalidité, parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Au regard de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, cela signifie que lorsque le conjoint qui serait tenu d'exercer une activité lucrative pour assumer (en tout ou partie) l'entretien du couple en vertu de l'art. 163 CC y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1 et les références).

Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge, d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références).

Il résulte clairement de la jurisprudence fédérale que, pour déterminer si une activité professionnelle est exigible dans le cadre de l'examen du droit aux prestations complémentaires, les critères sont différents de ceux ouvrant le droit aux prestations de l'assurance-invalidité. En effet, pour cette dernière, seule est pertinente l'atteinte à la santé à caractère invalidant, à l'exclusion de facteurs psychosociaux ou socio-culturels, tels que l'âge de la personne, ses connaissances linguistiques ou son état de santé non objectivé sur le plan médical (ATF 127 V 294 consid. 5a).

6. Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7. À titre préalable, il est nécessaire de rappeler que le précédent recours de l’intéressé, qui a abouti à l’arrêt du 23 août 2021, a été rejeté, faute de preuve de l’invalidité de l’épouse, mais que la chambre de céans a réservé la possibilité que « la question pourrait toutefois être revue, en fonction de la décision à rendre par l’OAI, mais en l’état, la décision entreprise ne peut qu’être confirmée » (p. 24).

8. En l’espèce, le SPC conclut au rejet du recours car il considère qu’il est lié par la décision sur opposition précédemment rendue en date du 11 février 2020, qui prenait en compte un revenu hypothétique de l’épouse dès le 1er novembre 2019 et que la « période antérieure au 1er septembre 2020 ne fait pas partie de la période litigieuse, celle-ci faisant déjà l’objet d’un arrêt en force » (duplique du SPC du 30 mai 2022).

8.1 Examinant le recours sous l’angle de la révision, le SPC parvient à la conclusion que les conditions de la révision ne sont pas remplies, dès lors que l’éventuel motif de révision qui pourrait être retenu – soit l’incapacité de gain de l’épouse pendant la période où un gain hypothétique lui a été attribué par le SPC – n’est pas un fait nouveau car il était déjà connu de l’intéressé dans la procédure antérieure et avait déjà été invoqué par ce dernier.

8.2 C’est le lieu de rappeler que l’art. 53 al. 1 LPGA ne restreint pas la révision procédurale à la condition unique de la découverte de faits nouveaux importants mais qu’il permet également une révision procédurale au cas où de nouveaux moyens de preuve, qui ne pouvaient pas être produits auparavant, apparaissent, notamment une preuve nouvelle, concluante, disponible après coup et qui n’avait pas pu être versée antérieurement à la procédure administrative (Commentaire romand de la LPGA, ad. art. 53, N. 44).

Étant précisé que l’art. 80 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), cité par le SPC, prévoit les mêmes conditions que l’art. 53 al. 1 LPGA.

8.3 Le SPC n’a examiné la possibilité d’une révision que sous l’angle d’un éventuel fait nouveau, mais pas sous l’angle d’une preuve nouvelle.

La chambre de céans considère que la décision de l’OAI du mois d’octobre 2021, établissant avec précision à quel moment l’incapacité de gain totale de l’épouse du recourant est établie, constitue une preuve nouvelle, concluante et disponible après coup. Cela est d’autant plus vrai que la chambre de céans avait spécifiquement réservé cette hypothèse dans son considérant cité supra.

Dès lors, contrairement à ce que soutient le SPC, il convient de reconnaître que les conditions d’une révision sont remplies.

8.4 Dans les faits, le SPC a déjà procédé à une révision procédurale de sa décision dès lors qu’il a tenu compte de la décision de l’OAI pour la période postérieure au 1er septembre 2020 et a recalculé les droits de l’intéressé à partir du 1er septembre 2020 mais il a refusé d’entrer en matière sur la période antérieure, soit celle allant du 1er septembre 2019 au 31 août 2020.

Comme on l’a vu supra, la décision de l’OAI représente un moyen de preuve nouveau constituant ainsi un motif de révision.

Or, dans le cas d’une nouvelle preuve concernant des faits anciens (l’incapacité de gain de l’épouse du recourant existait déjà au moment de la prise de décision faisant l’objet de la révision mais n’était pas prouvée), la demande doit être présentée à l’autorité de recours, si la décision avait fait l’objet d’un recours (ATA/266/2017 du 7 mars 2017 consid. 6 et ATA/461/2010 du 29 juin 2010 consid. 3 et Code annoté de procédure administrative genevoise, Stéphane GRODECKI et Romain JORDAN, Berne, 2017, pp. 157-158 N. 600.

La décision rendue par le SPC, en date du 11 février 2020, a fait l’objet d’un recours devant la chambre de céans qui a abouti à l’arrêt du 23 août 2021.

Force est de constater que - dans la mesure où l’acte de recours du 9 mars 2022 adressé à la chambre de céans remplit les conditions pour être considéré comme une demande de révision - la chambre de céans est compétente pour se prononcer sur la révision de la décision du 11 février 2020, ce d’autant plus qu’elle s’était déjà réservé cette possibilité dans les considérants de l’arrêt du 23 août 2021.

8.5 S’agissant de l’invalidité de l’épouse du recourant, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés (ou de leurs conjoints) partiellement invalides au sens de l'art. 14a OPC-AVS/AI (ATF 117 V 202 consid. 2b). Cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité s'applique à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que le conjoint ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force.

Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3 ; ATAS/377/2022 consid. 4.2 ; ATAS/312/2018 consid. 6b).

Ces deux conditions sont remplies dans le cas d’espèce, étant précisé que le projet de décision de l’OAI du 7 septembre 2021 mentionne qu’à l’issue de l’instruction médicale, l’OAI a constaté l’incapacité de travail de l’épouse du recourant dès le 1er septembre 2019 (début du délai d’attente d’un an).

Dès lors, il faut admettre qu’à la suite de cette décision, il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’épouse du recourant est invalide depuis le 1er septembre 2019 et qu’aucun gain hypothétique de l’épouse ne peut être pris en compte dans les revenus du recourant dès cette date.

9. Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans annulera la décision querellée concernant la période allant du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 et renverra la cause au SPC pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

10. Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

11. Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en révision recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 3 février 2022 dans la mesure où elle concerne la période allant du 1er septembre 2019 au 31 août 2020.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Alloue au recourant, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le