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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2795/2016

ATA/266/2017 du 07.03.2017 sur DITAI/657/2016 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION) ; RECONSIDÉRATION ; DOMMAGE IRRÉPARABLE ; DÉCISION INCIDENTE ; COMPÉTENCE ; TRANSMISSION D'UN ACTE PROCÉDURAL
Normes : LPA.4.al2 ; LPA.11.al2 ; LPA.48.al1 ; LPA.57.letc ; LPA.62.al1.letb ; LPA.62.al2 ; LPA.80 ; LPA.81.al1 ; LPA.82 ; LTF.93.al1.leta
Parties : TANDBERG Jacob, TANDBERG Nini et Jacob / DAWANCE Alexis, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, PROMOCLUSEL SA, GOLAY Jean Jacques, SCHICK Alain, SCHICK Sylviane, GAUDE Monique, WALKER Madeleine, GRABBE Hartwig, PARIDANT DE CAUWERE GRABBE Véronique, PARIDANT DE CAUWERE Monique, CARPIGO Ricardo, KÖNIG Britta, RODRIGUEZ Laurence, COMMUNE DE CORSIER, RODRIGUEZ Alexandre, MARULLAZ Elisabeth, BERCHTOLD Henri et autres parties, HARTH Théodore, HENTSCH Jean-Claude
Résumé : Admission de la recevabilité d'un recours contre une décision du TAPI refusant la restitution de l'effet suspensif (décision incidente) à une demande de révision portant sur une autorisation de démolition. Le refus pourrait entraîner la démolition d'une construction, ce qui, si elle était réalisée, viderait de facto la demande de révision des recourants de tout objet (préjudice irréparable). Incompétent pour statuer sur la demande de révision (ou de reconsidération) des recourants, le TAPI aurait dû transmettre ladite demande à l'autorité intimée pour raison de compétence et ne pas statuer sur la question de l'effet suspensif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2795/2016-LCI ATA/266/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG
représentés par Me Thierry Ador, avocat

contre

PROMOCLUSEL SA

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

et

Monsieur Henri BERCHTOLD
Monsieur Ricardo CARPIGO
Madame Monique GAUD
Monsieur Jean-Jacques GOLAY
Monsieur Hartwig GRABBE
Monsieur Théodore HARTH
Monsieur Jean-Claude HENTSCH
Madame Britta KÖNIG
Madame Elisabeth MARULLAZ
Mesdames Monique et Véronique PARIDANT DE CAUWERE GRABBE
Madame Laurence et Monsieur Alexandre RODRIGUES
Madame Sylviane et Monsieur Alain SCHICK
Madame Madeleine WALKER
représentés par Me Cécile Berger Meyer, avocate

et

Monsieur Alexis DAWANCE

représenté par Me Alain Maunoir, avocat

et

COMMUNE DE CORSIER

représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

_________


Recours contre la décision sur jonction et demande de restitution de l'effet suspensif du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2016 (DITAI/657/2016).


EN FAIT

1. Mesdames Liliane Jeanne AZARMSA, Sabine Yasmine BUNZLI, Soreya HESTERMANN sont copropriétaires de la parcelle n° 4'302, plan 29 de la commune de Corsier, à l'adresse chemin des Gravannes 9, sise en zone villas, et dont dépend la parcelle n°4'304.

2. Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG sont copropriétaires de la parcelle n° 4'299, plan 28 de la commune de Corsier, à l'adresse chemin des Gravannes 7, également sise en zone villas.

Ladite parcelle jouxte la parcelle n° 4'302.

3. Le 14 avril 2014, Promoclusel SA a sollicité auprès du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE ou le département) une autorisation visant la démolition de la villa et de la piscine sises sur la parcelle n°4'302.

Cette autorisation lui a été délivrée le 24 août 2015 (M 7'396-1) et a fait l'objet d'une publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 28 août 2015.

Ladite autorisation n'a fait l'objet d'aucun recours.

4. Le 1er juin 2015, Promoclusel SA a déposé auprès du DALE une demande d'autorisation de construire visant la construction de sept villas mitoyennes avec couverts à voitures sur la parcelle n°4'302.

Ladite autorisation lui a été délivrée le 16 juin 2016 (DD 107'971-1) et a été publiée dans la FAO le 24 juin 2016.

5. Par acte du 24 août 2016, Monsieur Alexis DAWANCE a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'autorisation DD 107'971-1. Le recours a été enregistré sous la procédure A/2795/2016.

6. Par acte du 24 août 2016 également, la commune de Corsier a recouru contre l'autorisation de construire DD 107'971-1. Le recours a été enregistré sous la procédure A/2815/2016.

7. Par acte du 25 août 2016, Monsieur Henri BERCHTOLD, Monsieur Ricardo CARPIGO, Madame Monique GAUD, Monsieur Jean-Jacques GOLAY, Monsieur Hartwig GRABBE, Monsieur Théodore HARTH, Monsieur Jean-Claude HENTSCH, Madame Britta KÖNIG, Madame Elisabeth MARULLAZ, Mesdames Monique et Véronique PARIDANT DE CAUWERE GRABBE, Madame Laurence et Monsieur Alexandre RODRIGUES, Madame Sylviane et Monsieur Alain SCHICK, Madame Madeleine WALKER (ci-après : les consorts) ont recouru contre l'autorisation de construire DD 107'971-1. Le recours a été enregistré sous la procédure A/2811/2016.

8. Par acte du 25 août 2016 également, Mme et M. TANDBERG ont formé un recours contre l'autorisation de construire DD 107'971-1 et une demande de révision contre l'autorisation de démolition M 7'396-1. L’acte est intitulé « recours et demande de révision ». Ils ont conclu à titre préalable à ce que le TAPI ou le DALE ordonne la restitution de l'effet suspensif concernant l'autorisation de démolition M 7'396-1 et la confirmation de l'effet suspensif de l'autorisation de construire DD 107'971-1. Principalement, ils ont conclu à ce que le TAPI ou le DALE ordonne la révision de l'autorisation de démolition M 7'396-1 et son annulation ainsi que l'annulation de l'autorisation de construire DD 107'971-1. Le recours a été enregistré sous la procédure A/2852/2016.

9. Le 22 septembre 2016, le DALE a conclu notamment au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif sollicitée par M. et Mme TANDBERG.

Ces derniers ne faisaient valoir aucun des motifs permettant la révision d'une décision définitive, se contentant d'alléguer que leur droit de s'opposer à l'autorisation de démolition M 7'396-1 avait été violé en ce sens qu'ils n'avaient pas été informés personnellement de sa délivrance. Seules les personnes ayant fait des observations dans les délais étaient personnellement avisées de la délivrance de l'autorisation pour laquelle ils avaient émis des observations. Or, aucune observation n'avait été émise pour ladite autorisation, de sorte que c'était à juste titre que le DALE n'avait pas informé personnellement M. et Mme TANDBERG. En l'absence de tout vice formel et de motifs de révision, la demande de révision devait être déclarée irrecevable. Si la demande de révision était déclarée recevable, la demande de restitution de l'effet suspensif devait de toute manière être rejetée dans la mesure où M. et Mme TANDBERG n'avaient pas démontré que leurs intérêts étaient gravement menacés par le projet de démolition.

10. Les 26 et 29 septembre ainsi que le 3 octobre 2016, Promoclusel SA a répondu séparément aux différents recours, concluant à leur rejet. À titre préalable, elle a conclu à la jonction des quatre procédures susmentionnées, mais ne s'est pas prononcée sur la restitution de l'effet suspensif sollicitée par
M. et Mme TANDBERG dans le cadre de leur demande de révision.

11. Le 1er novembre 2016, le DALE a fait valoir ses observations concernant les quatre recours précités. Il a notamment conclu au rejet des recours formés par M. DAWANCE, par la commune de Corsier et par les consorts ainsi qu'à l'irrecevabilité du recours et de la demande de révision formés par
M. et Mme TANDBERG. Il a également conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif sollicitée par ces derniers au cas où leur demande de révision serait déclarée recevable.

12. Par « décision sur jonction et demande de restitution de l'effet suspensif » du
4 novembre 2016, le TAPI a prononcé la jonction des causes A/2795/2016, A/2811/2016, A/2815/2016 et A/2852/2016 sous la cause A/2795/2016 (ch. 1), rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif du recours de
M. et Mme TANDBERG en tant qu'il était dirigé contre l'autorisation de démolition M 7'396-1 (ch. 2) et donné acte à ces derniers de ce que les recours avaient effet suspensif contre l'autorisation de construire DD 107'971-1 (ch. 3). La suite et les frais de la procédure étaient réservés (ch. 4).

En substance, l'autorisation de démolition litigieuse avait été valablement notifiée le 28 août 2015, date de sa publication dans la FAO. Aucun recours n'avait été interjeté à son encontre dans un délai de trente jours de sorte qu'elle était devenue définitive. Son caractère exécutoire ne pouvait dès lors plus être remis en cause, y compris par le biais du recours de M. et Mme TANDBERG. Ce n'était qu'à partir d'une éventuelle modification de cette décision – question qui devait être traitée sur le fond de la procédure – que son caractère exécutoire pouvait être réexaminé.

13. Par acte du 21 novembre 2016, M. et Mme TANDBERG ont interjeté recours contre la décision précitée devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif et, statuant à nouveau, à la restitution de l'effet suspensif de l'autorisation de démolition M 7'396-1.

La décision précitée du TAPI était une décision incidente. Le préjudice subi en cas d'exécution de l'autorisation de démolition M 7'396-1 était particulièrement important et irréversible dans la mesure où elle entraînait la destruction de la villa attenante à leur parcelle sans qu'une décision finale n'ait été rendue concernant l'autorisation de construire DD 107'971-1, laquelle faisait l'objet de plusieurs recours. Le préjudice étant irréparable, la décision du TAPI était susceptible de recours.

Sur le fond, le TAPI avait considéré à tort que la restitution de l'effet suspensif n'était possible que dans les cas où la décision pouvait être attaquée par un recours. Cette limitation privait l'effet suspensif de son utilité. Si la révision n'avait pas d'effet suspensif automatique, cela n'excluait pas que la juridiction de recours puisse, sur demande des parties dont les intérêts étaient gravement menacés et en l'absence d'intérêts publics ou privés prépondérants opposés, ordonner l'effet suspensif sur la base de l'art. 82 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

14. Le 22 novembre 2016, la chambre administrative a imparti un délai aux parties au 21 décembre 2016 pour formuler d'éventuelles observations.

15. Par courrier du 24 novembre 2016 à la chambre administrative, le TAPI a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler et a transmis le dossier objet de la présente procédure, et notamment les dossiers des causes ayant été joints, ainsi que le dossier du DALE.

16. Le 9 décembre 2016, le DALE a conclu à l'irrecevabilité du recours formé par M. et Mme TANDBERG, subsidiairement à son rejet s'il devait être déclaré recevable.

M. et Mme TANDBERG n'étaient pas propriétaires de la villa et n'apportaient aucun élément permettant de prouver que sa démolition leur causerait un préjudice irréparable et qu'ils étaient touchés de manière directe dans leurs intérêts de droit ou de fait. Leur argumentation selon laquelle la démolition de la villa rendrait caduque leur recours interjeté contre l'autorisation de construire DD 107'971-1 n'avait pas de sens puisqu'il s'agissait de deux décisions indépendantes. Leur exigence selon laquelle le sort de l'autorisation de construire devait être connu avant d'autoriser la démolition de la villa ne reposait sur aucune base légale et sur aucun motif fondé. Ils n'invoquaient par ailleurs aucun élément permettant de discerner une quelconque nuisance liée au chantier ou à l'absence de construction sur la parcelle. Les conditions d'admission d'un recours contre une décision incidente n'étaient pas remplies puisque les recourants ne subissaient pas de préjudice irréparable et le recours n'avait pas comme effet d'éviter une procédure longue et coûteuse.

Sur le fond, le TAPI avait jugé à juste titre que l'autorisation de démolition M 7'396-1 était devenue exécutoire et que seule la modification de cette décision, laquelle devait faire l'objet d'un examen sur le fond, pouvait permettre de réexaminer son caractère exécutoire. De plus, l'autorisation de démolition précitée avait été rendue par le DALE, n'avait fait l'objet d'aucun recours et n'avait donc jamais été portée devant une juridiction. Elle ne pouvait donc faire l'objet d'une révision. Les recourants ne soulevaient enfin aucun des motifs de révision prévus par la loi.

17. Le 21 décembre 2016, Promoclusel SA a conclu au rejet du recours.

M. et Mme TANDBERG ne disposaient d'aucun intérêt à sauvegarder. L'issue de la procédure contre l'autorisation de construire DD 107'971-1 n'avait en particulier aucune influence sur l'autorisation de démolir litigieuse. La demande de révision visant ladite autorisation était par ailleurs dénuée de chances de succès. Les recourants n'invoquaient aucun motif fondant une révision, mise à part le fait que la notification par voie de publication dans la FAO ne serait pas valable, alors que cette voie de notification était pourtant ancrée dans le système juridique genevois. Même si la notification devait être considérée comme non valable, ils n'invoquaient aucun motif au fond permettant de retenir que l'autorisation de démolition n'aurait pas dû être octroyée.

18. Le 21 décembre 2016 également, la commune de Corsier s'en est remise à justice s'agissant de la recevabilité du recours de M. et Mme TANDBERG et des griefs qu'il contenait.

19. Le 10 janvier 2017, M. DAWANCE a indiqué qu'il n'avait aucune observation à formuler s'agissant du recours de M. et Mme TANDBERG.

20. Les consorts n'ont formulé aucune observation.

21. Le 16 février 2017, M. et Mme TANDBERG ont persisté dans leur recours.

Ils étaient incontestablement touchés par la démolition de la villa. La situation de leur propre parcelle impliquait un passage quotidien devant la parcelle n° 4'302 pour atteindre leur villa. Les immiscions liées au bruit, à la poussière, aux gravats, aux vibrations ainsi qu'à l'augmentation considérable du trafic à cause des engins de démolition étaient propres à fonder un intérêt digne de protection. Ces atteintes étaient de plus injustifiées en l'absence d'une décision finale concernant le projet de construction de nouvelles villas. Si la villa était démolie avant qu'une autorisation de construire soit effective, la parcelle n° 4'302 se transformerait alors en terrain vague, ce qui péjorerait l'environnement du quartier.

Le DALE contestait par ailleurs la validité de leur demande de révision. Or, cette question était actuellement pendante devant le TAPI. Conformément à
l'art. 82 LPA, la seule exigence requise pour suspendre l'exécution d'une décision dans la procédure de révision était le dépôt d'une demande de révision.

22. Par courriers du 21 février 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. a. La chambre administrative est l’autorité de recours contre les jugements et décisions du TAPI (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. La décision du TAPI du 4 novembre 2016 de joindre les procédures A/2795/2016, A/2811/2016, A/2815/2016 et A/2852/2016 sous la cause A/2795/2016 et de rejeter la demande de restitution de l'effet suspensif de la demande de révision de M. et Mme TANDBERG dirigée contre l'autorisation de démolition M 7'396-1 est une décision incidente.

Le délai de recours contre une décision incidente est de dix jours
(art. 62 al. 1 let. b LPA).

c. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue.

2. Une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) est une décision prise pendant le cours d’une procédure, qui ne représente qu’une étape vers la décision finale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_686/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.1 ; 1C_40/2012 du 14 février 2012 consid. 2.3 ; ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 consid. 1).

Selon l’art. 57 let. c LPA, sont seules susceptibles de recours les décisions incidentes qui peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

3. En l’espèce, l’admission du recours ne mettrait pas fin au contentieux, lequel porte sur la révision de l'autorisation de démolition M 7'396-1 et les recours interjetés par plusieurs parties contre l'autorisation de construire DD 107'971-1. La présente procédure de recours n’est en conséquence pas susceptible de déboucher sur une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA in fine).

La seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas réalisée.

4. Se pose la question de la réalisation de la première hypothèse de
l’art. 57 let. c LPA.

Cet article a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Le préjudice irréparable suppose que le recourant a un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure
(ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que
l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 3c et les références citées).

En l'espèce, le refus de restitution de l'effet suspensif pourrait entraîner la démolition de la villa et de la piscine sises sur la parcelle n°4'302, ce qui, si elle était réalisée, viderait de facto la demande de révision des recourants de tout objet.

En raison de l'existence de ce risque de dommage irréversible, le recours de M. et Mme TANDBERG sera déclaré recevable au regard des conditions de
l'art. 57 let. c LPA.

5. La question de savoir s'il se justifierait de restituer l'effet suspensif sollicité par les recourants, notamment sur la base de l'art. 82 LPA qui prévoit que la juridiction saisie peut suspendre l’exécution de la décision attaquée dès le dépôt de la demande de révision, peut souffrir de rester indécise au vu de ce qui suit.

6. a. Selon l'art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a), des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), par inadvertance, la décision ne tient pas compte de faits invoqués et établis par pièce (let. c), la juridiction n’a pas statué sur certaines conclusions des parties de manière à commettre un déni de justice formel (let. d) ou la juridiction qui a statué n’était pas composée comme la loi l’ordonne ou les dispositions sur la récusation ont été violées (let. e).

La demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision
(art. 81 al. 1 LPA).

b. La voie de la révision par la juridiction administrative doit être distinguée de celle de la reconsidération par l’autorité administrative, laquelle est recevable lorsqu'un motif de révision au sens de l’article 80 let. a et let. b LPA existe
(art. 48 al. 1 let. a LPA) ou si les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA).

c. Si un motif de révision est allégué contre une décision prise sur recours ou suite à une action judiciaire (décision en force de chose jugée), il faut utiliser la voie de la demande de révision auprès de la juridiction qui a rendu la décision en cause. Si un motif de révision pertinent est allégué contre une décision entrée en force qui n'a pas fait l'objet d'un recours, il faut utiliser la voie de la demande de reconsidération – sur laquelle l'autorité devra obligatoirement entrée en matière si le motif allégué est avéré – auprès de l'autorité qui a rendu la décision (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 482, n. 1436-1437).

d. En l'espèce, l'autorisation de démolir litigieuse a été rendue par le DALE le 24 août 2015 et a été notifiée le 28 août 2015, date de sa publication de la FAO. Aucun recours n'ayant été interjeté dans les trente jours qui s'ensuivaient, cette décision est devenue définitive. Elle n'a dès lors jamais fait l'objet d'une procédure par-devant le TAPI.

Le TAPI n'est dès lors pas, prima facie, l'autorité compétente pour réexaminer l'autorisation de démolir litigieuse, que cela soit sous l'angle d'une demande de révision, puisqu'il n'a rendu aucun jugement sur cette question, ou d'une demande de reconsidération, laquelle doit être adressée à l'autorité administrative ayant rendu la décision, soit le DALE.

7. L’autorité examine d’office sa compétence (art. 11 al. 2 LPA). Si elle décline sa compétence, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties (art. 11 al. 2 LPA). De même, le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité (art. 64 al. 2 LPA).

En l'espèce, à première vue, le TAPI aurait dû transmettre ladite demande au DALE pour raison de compétence. Incompétent, il ne lui appartenait pas de statuer sur la question de l'effet suspensif en lien avec la demande formulée par M. et Mme TANDBERG par rapport à l'autorisation de démolition M 7'396-1.

8. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

Le chiffre 2 du dispositif de la décision querellée sera annulé.

La chambre administrative n'étant, dans ces circonstances, pas non plus compétente pour se déterminer sur l'effet suspensif sollicité en lien avec l’autorisation de démolition M 7’396-1, il ne sera pas fait droit aux conclusions de la recourante tendant à la restitution de l'effet suspensif.

9. Vu l'issue du litige et les circonstances du cas d’espèce, un émolument, réduit à CHF 300.-, sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite à CHF 500.-, leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA). Outre le département, la seule partie ayant conclu au rejet du recours étant intervenue sans avocat, l'indemnité de procédure sera laissée à la charge de l'État de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2016 par Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG contre la décision sur jonction et demande de restitution de l'effet suspensif du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2016 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le chiffre 2 de la décision sur jonction et demande de restitution de l'effet suspensif du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2016 ;

met à la charge de Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG un émolument de CHF 300.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Madame Nini et Monsieur Jacob TANDBERG à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thierry Ador, avocat des recourants, à Promoclusel  SA, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Cécile Berger Meyer, à Me Alain Maunoir, à Me Lucien Lazzarotto ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :