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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2045/2020

ATAS/1154/2022 du 20.12.2022 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2045/2020 ATAS/1154/2022

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 20 décembre 2022

 

En la cause

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

KPT KRANKENKASSE AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN AG

PROGRÈS VERSICHERUNGEN AG

SWICA GESUNDHEITSORGANISATION

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNG

INTRAS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

ASSURA-BASIS SA

VISANA AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

ARCOSANA AG

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, sise Römerstrasse 20, SOLEURE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Olivier BURNET, avocat

 

demanderesses

contre

 

Madame A______, à VIRY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yvan JEANNERET

 

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

A. a. Madame A______, (ci-après : la défenderesse), née le ______ 1956, a exercé la profession d'infirmière en tant qu'indépendante dans le canton de Genève depuis le 4 septembre 1997. Elle est de condition salariée depuis le 10 décembre 2018 au service de la société B______, société inscrite au registre du commerce à Genève le 23 août 2018 et dont le but est la fourniture de services dans le domaine médical, notamment le service d'aide à domicile d'infirmières et d'aides-soignantes. B______ a pour associées Madame C______, titulaire d'une signature individuelle et Madame D______, sans signature, respectivement fille et sœur de la défenderesse.

b. La défenderesse fait verser ses honoraires sur le compte de B______ depuis le 10 décembre 2018. Le numéro au Registre des codes-créanciers (RCC) personnel de la défenderesse est depuis cette date inactif.

B. a. Par arrêt du 16 septembre 2016 (cause A/1761/2014 ; ATAS/776/2016), le Tribunal arbitral a admis la demande déposée par plusieurs assureurs-maladie représentés par SANTÉSUISSE, et visant à la restitution des montants de CHF 188'132.- pour 2009, de CHF 168'020.- pour 2010 et de CHF 96'930.- pour 2013. Par arrêt du 12 décembre 2017 (9C_778/2016), le Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt cantonal, à savoir le bien-fondé de l'obligation de la défenderesse de restituer la somme de CHF 96'930.- au titre des montants perçus à raison de traitements jugés non économiques à charge de l'assurance obligatoire des soins pour l'année 2013. Il a en revanche jugé, contrairement à la juridiction cantonale, que la demande en paiement était tardive pour les années 2009 et 2010, au motif qu'un acte du droit de la poursuite ou une simple missive adressée au fournisseur de prestations ne permettaient pas de sauvegarder le délai de péremption dans le canton de Genève, puisque ce canton connaît une tentative obligatoire de conciliation.

b. Par arrêt du 23 avril 2021 (cause A/2450/2018 ; ATAS/440/2021), le Tribunal arbitral a également admis la demande portant sur la restitution du montant de CHF 57'843.- pour l'année statistique 2016. Cet arrêt, notifié aux parties le 10 mai 2021, n'a pas été contesté auprès du Tribunal fédéral.

C. a. Le 3 juillet 2020, les assureurs-maladie mentionnés dans le rubrum du présent arrêt, soit pour eux SANTÉSUISSE, ont déposé auprès du Tribunal de céans une nouvelle demande portant sur l’année 2018. Se référant à l'arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016, ils réclament à la défenderesse, principalement, la restitution d'un montant de CHF 245'592.40, calculé selon la méthode du chiffre d'affaires plus 30%, et, subsidiairement, celui de CHF 108'980.55 selon le nombre d'heures théoriquement réalisables par un/e infirmier/ère.

Les assureurs-maladie ont complété leur demande le 10 juillet 2020, concluant à ce que l'exclusion définitive soit prononcée.

b. Le Tribunal de céans a ordonné le 24 août 2020 la comparution personnelle des parties pour le 29 septembre 2020 afin qu'il soit procédé à la tentative obligatoire de conciliation. Cette audience a été annulée et reportée au 27 octobre 2020. A cette date, la défenderesse ne s'est pas présentée, mais s'est excusée. Son mandataire, Me Sébastien VOEGELI, excusant Me Yvan JEANNERET, a indiqué qu'il n'avait reçu aucune instruction quant à un éventuel accord avec les demanderesses, dès lors que la défenderesse persistait à contester la méthode de calcul retenue. Il a requis la suspension de l'instance jusqu'à droit jugé dans la cause A/2450/2018. Les demanderesses, représentées par SANTÉSUISSE, soit pour elles Me Olivier BURNET, s'y sont opposées.

À l'issue de l'audience, la Présidente du Tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative obligatoire de conciliation.

Par arrêt incident du 3 novembre 2020 (ATAS/1033/2020), la Présidente du Tribunal de céans a rejeté la demande de suspension de l'instance jusqu'à droit jugé dans la cause A/2450/2018.

c. Les parties ont désigné leur arbitre, soit Madame Dominique TRITTEN pour les demanderesses le 4 novembre 2020 et Madame Verena LUCHSINGER BACHLI pour la défenderesse le 5 novembre 2020.

Invitées à désigner un nouvel arbitre au vu des nouvelles nominations du Conseil d’Etat du 22 septembre 2021, les demanderesses ont retenu Monsieur Luciano DE TORO et la défenderesse, Madame Prisca Oester Müller.

d. Dans sa réponse du 28 janvier 2021, la défenderesse a contesté n'avoir pas respecté le principe de l'économicité. Elle a conclu à ce qu'il soit constaté, principalement, que les demanderesses n'avaient pas la qualité pour agir, subsidiairement, que leur action était périmée et, plus subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné à SANTÉSUISSE de produire des documents relatifs au nombre de patients traités, et au coût moyen pour chaque membre du groupe de comparaison proposé.

Elle insiste sur le fait qu’elle est passionnée par son métier, que son objectif principal est le maintien à domicile de personnes à fort caractère qui ont rejeté les grandes structures de soins et qui demandent une prise en charge individualisée avec peu d’intervenants, une vraie relation de confiance, et un accompagnement incluant doigté et patience. C’est la raison pour laquelle elle ne compte pas les heures passées auprès de ses patients. De nombreux médecins s’adressent du reste à elle pour leurs cas les plus difficiles.

Il est du reste résulté de son grand investissement auprès de ses patients, un burnout professionnel dans le courant de l’année 2018. Ce burnout l’a amenée à renoncer à son statut d’infirmière indépendante (cf. certificat du Dr E______ du 15 janvier 2021 : pce 6 chargé déf ).

La défenderesse considère que si le Tribunal de céans privilégiait finalement la méthode du chiffre d'affaires, il devrait ne prendre en considération que les infirmiers/ères réalisant un chiffre d'affaires supérieur à CHF 100'000.-, qui sont au nombre de cinq selon la liste des coûts anonymisée des infirmiers/ères exerçant une activité indépendante à Genève en 2018 (pce 9 chargé dem.). La moyenne du chiffre d'affaires de ces cinq infirmiers/ères est de CHF 112'704.-, soit de CHF 146'515.- avec la marge de tolérance de 30%, ce qui donnerait un montant à restituer de CHF 154'108.85.

Elle relève en tout état de cause que son chiffre d'affaires fixé par les demanderesses à CHF 300'788.55 est erroné, puisqu'elle n'a facturé qu'un montant de CHF 300'623.85. Elle fait également valoir qu'un montant de CHF 34'071.- a d'ores et déjà été retenu par Mutuel Assurance Maladie SA.

S’agissant de la demande d’exclusion définitive de sa pratique à la charge de l’assurance obligatoire des soins, la défenderesse relève qu’elle n’exerce plus en tant qu’infirmière indépendante.

e. Dans sa réplique du 3 mars 2021, SANTÉSUISSE a produit le « Datenpool » relatif à l'année 2018 (cf. pièce 15 chargé dem.), ainsi que le courrier du 17 juillet 2019, aux termes duquel elle a informé la défenderesse de ses statistiques 2018 (cf. pièce 5 chargé dem.).

Elle rappelle que dans le cas des infirmiers/ères, il n'existe pas de groupe de comparaison.

Elle constate que des montants exorbitants ont été mis à la charge de l'assurance obligatoire des soins, et que le nombre d'heures facturées est, à proprement parler, invraisemblable, les calculs effectués venant en effet démontrer que la défenderesse travaillerait plus de 24 heures par jour.

Elle prend note de la demande de la défenderesse, visant à exclure du groupe de comparaison tous les revenus inférieurs à CHF 100'000.-. Bien que s'opposant à ce que ce critère soit ajouté, elle constate que s'il était appliqué, le montant à rembourser serait tout de même de CHF 189'085.- (recte CHF 188'084.55). Elle ajoute par ailleurs qu'il n'est pas question de déduire le montant de CHF 34'071.- avancé par la défenderesse, au motif que ce montant n'a pas été compris dans le calcul du montant à restituer.

Elle persiste enfin dans ses conclusions visant à l'exclusion définitive de la défenderesse.

f. Le 26 mars 2021, la défenderesse a répété que l'action du 3 juillet 2020 ne pouvait être que périmé, dès lors que SANTÉSUISSE fixe à sa convenance le dies a quo du délai de prescription. Elle insiste par ailleurs sur le fait que des données de comparaison portant sur le nombre de patients visités et le coût moyen y relatif sont indispensables, en tant qu'elles permettent de se rapprocher de la méthode statistique habituellement utilisée pour comparer les prestations des médecins.

g. Par courrier du 24 janvier 2022, sur demande de SANTÉSUISSE, la présidente du Tribunal de céans a sollicité, de la caisse des médecins, une extraction informatique de la facturation concernant la défenderesse pour l’année 2018 (entrées et sorties), et, de la défenderesse, la production de son agenda professionnel 2018.

La caisse des médecins a transmis le document demandé le 2 février 2022 ; la défenderesse a quant à elle, indiqué le 11 février 2022 qu’elle n’était plus en possession de son agenda.

Les parties ont été invitées à se déterminer sur les nouvelles pièces versées au dossier.

Le 28 mars 2022, la défenderesse s’est bornée à rappeler qu’elle n’était ni propriétaire juridique, ni bénéficiaire économique de B______.

Le 14 avril 2022, les demanderesses ont considéré que les nouvelles pièces démontraient à l'évidence que la facturation que la défenderesse leur adresse est "totalement hors normes". Elles rappellent qu'elles ont retenu des coûts totaux facturés à charge de l'assurance obligatoire des soins à hauteur de CHF 300'788.55 et un revenu maximum (revenu moyen augmenté de 30%) de CHF 55'196.15, ce qui donne un dépassement "inadmissible" de CHF 245'592.40 (300'788.55 – 55'196.15). Elles ont au surplus constaté qu'en réalité le montant total du chiffre d'affaires de la défenderesse pour l'année 2018 était de CHF 420'329.70 (300'623.85 + 119'705.85), les deux numéros internes, 8425.25 et 4280.55, étant rattachés à son numéro de concordat (RCC).

h. Constatant qu'en dehors de son courrier du 26 mars 2021, la défenderesse n’avait pas à proprement parler déposé de duplique, le Tribunal de céans lui a imparti un délai au 23 septembre 2022 pour d'éventuelles écritures complémentaires. En réponse, la défenderesse a indiqué, par courrier du 21 octobre 2022, reçu le 24, qu'elle ne pouvait que réitérer les offres et réquisitions de preuves dans sa réponse du 28 janvier 2021 et "duplique" du 26 mars 2021, répétant qu'elle ne pouvait prendre position sur le fond que lorsqu'elle disposerait du coût moyen par patient et du nombre de patients visités par les collègues auxquels elle est comparée.

i. Le 21 octobre 2022, le Tribunal de céans a requis de Sasis SA qu'elle lui précise la composition du montant total concernant Mutuel Assurance Maladie SA selon le Datenpool 2018, soit CHF 120'090.-, afin qu'il puisse être déterminé si cet assureur avait ou non déjà retenu le montant de CHF 34'071.- sur les honoraires facturés, ainsi que l'allègue la défenderesse, ce qui viendrait diminuer d’autant le montant à restituer.

Sasis SA ayant déclaré le 26 octobre 2022 être dans l'impossibilité de préciser si ces CHF 34'071.70 étaient ou non compris dans les CHF 120'090.- résultant du Datenpool 2018, le Tribunal de céans a demandé à SANTÉSUISSE d'interroger Mutuel Assurance Maladie SA à cet égard.

En réponse, SANTÉSUISSE a produit deux lettres et deux courriels, dont elle déduit que la somme de CHF 34'071.70 n'a pas à être déduite du montant dont elle réclame la restitution à la défenderesse.

Par écriture spontanée du 29 novembre 2022, la défenderesse a fait valoir que ces pièces démontraient au contraire que cet assureur avait d'ores et déjà procédé à un contrôle d'économicité complet sur l'ensemble de sa facturation 2018, de sorte qu'un nouvel examen était exclu. Elle demande à ce que Mutuel Assurance Maladie SA soit interpellée pour qu'elle communique le montant total des prestations facturées durant l'année 2018, afin que celui-ci soit retranché des CHF 300'789.- résultant du pool de données Sasis 2018 (pce D6).

D.           Par courrier du 6 décembre 2022, les parties ont été informées que la cause avait été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.         

1.1    Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ; RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

1.2    En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal ; RS 832.102) de la défenderesse, installée à titre permanent dans le canton de Genève, jusqu'au 10 décembre 2018, n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs autorisés à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins au sens de la LAMal (cf. site internet de l'OFSP pour la liste des assureurs-maladie admis, disponible sur www.bag.admin.ch/themen/krankenversicherung/00295/11274/index.html?lang=fr.

1.3    La Présidente du Tribunal de céans a constaté, lors de l’audience du
27 octobre 2020, l’échec de la tentative obligatoire de conciliation, et des arbitres ont été désignés (art. 39, 41 et 45 LaLAMal). Le Tribunal a ainsi été constitué.

1.4    La compétence du Tribunal de céans pour juger du cas d’espèce est établie ratione loci et materiae.

 

2.             La demande, déposée le 3 juillet 2020 et complétée le 10 juillet 2020, respecte les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Elle est dès lors recevable.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la pratique de la défenderesse, en sa qualité d'infirmière indépendante, pendant l’année 2018, est ou non contraire au principe de l’économicité, et, dans l’affirmative, dans quelle mesure les demanderesses sont habilitées à lui réclamer l’éventuel trop perçu.

4.         

4.1    La défenderesse invoque préalablement la péremption des prétentions des demanderesses.

Elle rappelle que le dies a quo du délai de péremption est en principe fixé au jour où sont publiées les statistiques de la Rechnungstellerstattistik der SantÉsuisse pour la période considérée (ATF K70/06, du 30 juillet 2007, consid. 5.1). Or, on ignore à quelle date ses propres données étaient disponibles auprès de la Sasis, ainsi que la date à laquelle SANTÉSUISSE en a demandé l’extraction. Elle considère dès lors qu'il n'est pas possible de vérifier si le délai de péremption d'une année a été respecté, étant précisé qu'il appartient aux demanderesses de prouver que tel était bien le cas. Aussi leur action devrait-elle être rejetée.

4.2    Aux termes de l'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 – LPGA -, dans sa teneur en vigueur avant le 1er janvier 2021, applicable en l'espèce, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1). Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATFA non publié K 9/00 du 24 avril 2003 consid. 2).

Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ; RS 831.10) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 145 consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable. Selon celle-ci, il s'agit de délais de péremption (ATF 119 V 431 consid. 3a ; ATAS 137/2010, ch. 5, para. 3).

Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 5.2).

Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas inexact, faute d'éléments contraires, de retenir comme point de départ du délai de péremption d'une année, la date figurant sur les documents intitulés « préparation des données » et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (ATF non publié 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 2.3 ; ATF non publié 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 consid. 2.2).

L'expiration de ce délai est empêchée lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande par-devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral, dans le délai d'une année à partir du moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 5.2 ; RAMA 2003, p. 218 consid. 2.2.1).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

4.3

4.3.1 Il s’agit en l’espèce de déterminer la date à compter de laquelle court le délai de péremption du droit pour les demanderesses de réclamer la restitution des prestations dont elles estiment qu’elles ont été indûment versées.

4.3.2 Selon la défenderesse, à partir du moment où SANTÉSUISSE doit expressément adresser à Sasis SA une demande pour obtenir les statistiques pour les infirmiers/ères indépendant/es, elle peut fixer à sa guise le dies a quo du délai de péremption.

4.3.3 Il est vrai que les statistiques pour les infirmiers/ères doivent être spécifiquement demandées par SANTÉSUISSE à Sasis SA au cas par cas. Dans son arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016), le Tribunal de céans avait déjà constaté que la date à laquelle les demanderesses ont connaissance des données relatives aux infirmiers/ères dépend très étroitement de celle à laquelle elles s’en sont inquiétées auprès de Sasis SA. Il avait toutefois déduit de différentes pièces produites par la défenderesse elle-même que les chiffres pertinents concernant les infirmiers/ères étaient établis en même temps que ceux concernant les médecins et avait retenu, à titre de dies a quo, les dates de publication des statistiques. Dans son arrêt du 12 décembre 2017 portant sur la même cause (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2016), le Tribunal fédéral n'a pas remis en cause cette conclusion.

En l’espèce, les demanderesses ont pu être informées des statistiques 2018 le 17 juillet 2019 au plus tôt (cf. pce 5 chargé dem.). Il s'avère qu'en réalité, elles n'en ont eu connaissance que le 15 mai 2020 (cf. pce 16 chargé dem.)

Il en résulte quoi qu'il en soit que la demande portant sur l’année 2018, déposée le 3 juillet 2020 auprès du Tribunal de céans et complétée le 10, respecte le délai légal d’une année prévu à l'art. 25 al. 2 LPGA.

5.         

5.1    La défenderesse conteste, à titre principal, la qualité pour agir des demanderesses et requiert, à titre subsidiaire, qu’elles produisent leur identité et leurs coordonnées complètes.

5.2    Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1 ; ATF non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46 ; cf. ATF 125 III 82 consid. 1a).

Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur-maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause ; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE - peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure, ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19 ; ATF 127 V 281 consid. 5d p. 286 s.).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (ATF non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 4.7 ; ATF non publié 9C_167/2010 du 14 janvier 2011, consid. 2.2). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (ATFA non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4.c).

Il est notoire que SANTÉSUISSE représente diverses caisses-maladie autorisées à pratiquer à charge de l'assurance-maladie sociale, mais cette association n'a pas qualité pour agir en son nom propre en tant que demanderesse. Toutefois, rejeter la demande de SANTÉSUISSE ou des assureurs-maladie de ce groupe, au motif que les membres du groupe n'ont pas été individuellement énoncés dans l'intitulé de la demande, ne se concilie ni avec le principe de la prohibition du formalisme excessif (cf. art. 9 et 29 al. 1 Cst.), ni avec l'obligation du tribunal d'établir avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige (cf. art. 89 al. 5 LAMal ; ATF non publiés 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 5.3.1, et 9C_167/2010 du 14 janvier 2011 consid. 2.2).

Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1 ; ATF non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010 consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46 ; cf. ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131 ; cf. ATF 126 III 59 consid. 1 et ATF 125 III 82 consid. 1a).

5.3    En l’occurrence, l’action en justice est conduite par SANTÉSUISSE, représentant seize caisses-maladie agréées pour la Suisse. On ne saurait exiger de chaque assureur qu’il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que SANTÉSUISSE est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b.a).

5.4    Chaque assureur doit avoir remboursé des factures de la défenderesse (K30/05 consid. 5.2. et 6.2.). La production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (ATFA non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4.c), étant considéré que le contrôle de la légitimation active, par la production d'une facture, est une exigence minimale que l'on peut attendre des assureurs, exigence qui n'est de loin pas insurmontable ou contraignante (ATAS/1118/2012).

5.5    En l'espèce, il y a lieu de relever que les demanderesses ont produit le 3 mars 2021 le « Datenpool » pour l’année 2018, lequel décompose les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour l’année en cause, que pour les coûts directs. Ce document permet de savoir quelles assurances ont pris en charge des soins pour l’année concernée et quelles assurances ne l’ont pas fait. Il résulte en l'espèce du document produit que tous les assureurs-maladie ayant remboursé des prestations aux patients de la défenderesse font partie des demanderesses. Partant, ces dernières sont habilitées à demander la restitution de l'intégralité de l'éventuel trop perçu.

Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause la véracité du « Datenpool ». Par ailleurs, selon la jurisprudence constante du Tribunal de céans, une pleine valeur probante a depuis longtemps été reconnue à ce document, en l'absence d'indices contraires (ATAS/27/2020 du 16 janvier 2020 ; ATAS/209/2018 du 9 mars 2018 ; ATAS/150/2016 du 26 février 2016 ; ATAS/856/2015 du 13 novembre 2015).

5.6    Partant, le Tribunal de céans admettra la qualité pour agir des demanderesses mentionnées dans l’intitulé de la demande, celles-ci étant membres de SANTÉSUISSE ou ayant produit une procuration, et ayant remboursé des coûts directs selon le « Datenpool » durant l'année concernée.

5.7    La légitimation passive de la défenderesse doit également être admise pour l'année statistique 2018, celle-ci étant de condition indépendante jusqu'en décembre.

6.         

6.1    Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort.

Il convient préalablement de constater que le Tribunal fédéral a rendu de nombreux arrêts relatifs à des médecins, et très peu sur d’autres fournisseurs de prestations. Sa jurisprudence, fondée sur la même disposition légale, s’applique toutefois à tous les fournisseurs de prestations, et notamment aux infirmiers/ères (art. 35 al. 2 let. e LAMal). Le terme « médecin » évoqué dans la jurisprudence et les principes de doctrine qui seront développés ci-après valent ainsi également pour les infirmiers/ères indépendant/e/s.

6.2    Pour établir l'existence d'une polypragmasie (Überarztung), le Tribunal fédéral admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.1; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1; ATF 119 V 448 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d'examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (ATFA non publié du 9 octobre 2006 consid. 4.1; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1).

La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (ATFA K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé. Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse-maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b et les références).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1 et les références; SVR 1995 KV p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (ATF non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.3).

Le Tribunal fédéral a réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (cf. par exemple ATF non publiés 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 et 9C_649/2007 du 23 mai 2008; ATFA non publiés K 130/06 du 16 juillet 2007, K 46/04 du 25 janvier 2006, K 93/02 du 26 juin 2003 et K 108/01 du 15 juillet 2003) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, cf. notamment ATFA non publiés K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.3 et K 9/99 du 29 juin 2001 consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3; V. JUNOD, op. cit., p. 140 ss). On rappellera encore que la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2).

Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé: une clientèle composée d'un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d'un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (ATFA non publié K 152/98 du 18 octobre 1999) ou le fait que le médecin s'est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l'ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt non publié A. du 30 juillet 2001, K 50/00, résumé dans PJA 2005 p. 1099). D'une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). D'autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques de la CAMS (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b).

Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs-maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). À cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par SANTÉSUISSE ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données SANTÉSUISSE »).

Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (JUNOD, op.cit., p. 137). Lorsque le tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s).

Le tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6 et 7; ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007 consid. 5 ; (ATF C_282/13) ; V. JUNOD, op. cit., p. 138).

Enfin, le tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal).

Le degré de preuve dans les actions selon la LAMal, en particulier celle pour polypragmasie, est celui de la vraisemblance prépondérante. Ce standard est plus élevé que la simple vraisemblance, mais nettement moins élevé que la preuve exigée en matière civile et a fortiori pénale (V. JUNOD, op. cit., p. 33).

6.3    La valeur probante des statistiques établies par SANTÉSUISSE a en l'occurrence été expressément reconnue par le Tribunal fédéral des assurances. Notre Haute Cour a ainsi jugé que seules les statistiques RSS fournissaient les données qui permettaient une comparaison valable entre les différents fournisseurs de prestations et ainsi de se prononcer sur le respect ou la violation du principe de l'économicité (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03 consid. 6.4.2).

 

7.         

7.1    Selon l'art. 56 al. 6 LAMal, entré en vigueur le 1er janvier 2013, les fournisseurs de prestations et les assureurs conviennent d'une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations. La disposition transitoire relative à cette modification prescrit que le Conseil fédéral fixe pour les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35 al. 2 let. a LAMal la méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations, si les assureurs et les fournisseurs de prestations ne sont pas convenus d'une méthode dans un délai de 12 mois suivant l'entrée en vigueur de la présente modification.

Les 27 décembre 2013 / 16 janvier 2014, les fournisseurs de prestations, par l'intermédiaire de la Fédération des médecins suisses (FMH), et les assureurs-maladie, représentés par SANTÉSUISSE et Curafutura, ont conclu un accord, aux termes duquel le contrôle de l'économicité de la pratique médicale est effectué sur la base de la méthode ANOVA. Le Tribunal fédéral a jugé que cet accord n'était pas contraire à la loi.

Il s'est déjà prononcé sur l'application du modèle d'analyse de variance (méthode ANOVA) pour le contrôle du caractère économique des prestations en relation avec la restitution des honoraires en raison d'une pratique non économique. Il a admis que l'accord des fournisseurs de prestations et des assureurs (FMH ainsi que SANTÉSUISSE et Curafutura) sur la méthode ANOVA pour ledit contrôle ne pouvait pas être qualifié d'illégal (ATF 144 V 79), malgré la critique exprimée par une partie de la doctrine à ce sujet (cf. les références dans l'arrêt 9C_267/2017 du 1er mars 2018 consid. 6.2 in fine; cf. aussi Gebhard Eugster, KVG: Baustelle statistische Wirtschaftlichkeitsprüfung, Jusletter du 27août 2012 n° 13 s., 61 et 80 s.) et les possibilités d'améliorer le système prévu (arrêt 9C_517/2017 du 8 novembre 2018 consid. 5.2 et les références).

On peut ajouter que la Fédération des médecins suisses (FMH), SANTÉSUISSE et Curafutura ont, en collaboration avec Polynomics SA, affiné la méthode ANOVA en une analyse de régression en deux étapes. L'analyse de régression inclut ainsi non plus seulement les critères de morbidité, de l'âge et du sexe, mais également les critères « franchise à option », « séjour dans un hôpital ou dans un établissement médico-social l'année précédente », ainsi que les « PCG ». Ces critères représentent le profil clinique des patients. Dans ce cadre, ce n'est pas l'effet d'un critère individuel sur les coûts de traitement d'un médecin qui est déterminant, mais l'addition de leurs influences indépendantes les unes des autres. L'analyse de régression constitue ainsi le développement de la méthode ANOVA. Les parties contractantes se sont toutefois engagées à adopter et appliquer cette nouvelle méthode, en remplacement de la méthode ANOVA, la première fois pour l'année statistique 2017 (9C_558/2018 consid. 7.1).

 

 

7.2     

7.2.1   Dans son arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016), le Tribunal de céans a considéré que la liste des infirmiers/ères du canton de Genève dont les prestations ont été remboursées par l'assurance obligatoire des soins de 2009 à 2013 produite par les demanderesses, constituait une base valable permettant d'appliquer la méthode statistique. Il a toutefois constaté qu'un correctif devait être apporté s'agissant du taux d'activité de ces infirmiers/ères, consistant à retirer du groupe de contrôle les cas dans lesquels l'exercice d'une activité partielle était plus vraisemblable. Il n'a ainsi pris en considération que les infirmiers/ères ayant facturé les plus hauts montants (ou plus de CHF 100'000.-). Il est arrivé aux résultats suivants : 6 en 2009, 5 en 2010 et 2 en 2013. Il a jugé que ces résultats, nécessairement plus restreints, restaient significatifs vu le critère retenu (plus de CHF 100'000.-) pour disposer d'une base de comparaison pertinente.

Il est intéressant d'observer ici que dans son recours interjeté contre cet arrêt du 16 septembre 2016, la défenderesse avait affirmé que les conditions posées par la jurisprudence pour admettre l'emploi de la méthode statistique n'étaient dans son cas pas réunies, parce que le taux d'occupation des infirmiers/es pris en considération était inconnu et le volume annuel de facturation fixé par le Tribunal arbitral à CHF 100'000.- arbitraire, parce que celui-ci avait ignoré l'exigence d'une taille minimale de dix personnes pour le groupe de comparaison, et parce qu'il n'avait pas pris les spécificités de sa pratique en considération. 

7.2.2   Dans son arrêt du 12 décembre 2017 (9C_778/2016), le Tribunal fédéral a à cet égard souligné que la méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens, mise en oeuvre par la juridiction arbitrale, consistant à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un fournisseur de soins avec ceux causés par la pratique d'autres fournisseurs de soins travaillant dans des conditions semblables, n'était pas critiquable.

Il a en effet constaté que le tribunal cantonal avait certes retenu un groupe de comparaison restreint, limité à deux infirmières, mais que le volume de facturation moyen pris en considération équivalait à un volume hebdomadaire de prestations compris entre 35 heures et 51 heures, lequel ne comprenait même pas les temps de déplacement, de formation, de repos et de gestion, et qu'il avait au surplus ajouté une marge de tolérance de 30%, ce qui portait la limite du volume de prestations à un horaire hebdomadaire compris entre 45 et 67 heures. Le Tribunal fédéral ne voyait dès lors pas pour quel motif la défenderesse serait lésée par le groupe de comparaison ainsi créé.

Le Tribunal fédéral a par ailleurs relevé que la défenderesse ne contestait pas les constatations des premiers juges, selon lesquelles les heures qu'elle avait facturées étaient « d'une façon générale, très largement au-dessus du nombre d'heures qu'il est possible d'imaginer qu'une personne puisse accomplir, sur un long terme qui plus est ».

Le Tribunal fédéral en a conclu que la mise en œuvre d'une expertise analytique ne se justifiait pas et qu'il n'avait pas à s'écarter du résultat auquel était parvenue l'autorité cantonale.  

7.3                   

7.3.1   Dans le cadre de la cause A/1761/2014, ayant donné lieu à l'arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016) et portant sur les années 2009 à 2013, la défenderesse contestait l’utilisation des chiffres d'affaires réalisés par les infirmiers/ères exerçant leur activité à titre indépendant dans le canton de Genève, au motif que ceux-ci ne tenaient pas compte des particularités de son activité et parce qu’elle n’avait aucun moyen de les remettre en cause ou simplement de les vérifier. Elle sollicitait dès lors du Tribunal arbitral qu’il confie à un collège d’experts, composé d’une infirmière de soins à domicile spécialisée dans le grand âge, d’un statisticien et d’un expert-comptable, la mission d’analyser les statistiques de SANTÉSUISSE en substance.

7.3.2   Tel n'est plus le cas en l'espèce. La défenderesse ne conteste en effet plus l'application de la méthode statistique en tant que telle, elle insiste plutôt sur la nécessité d'avoir des données de comparaison portant sur le nombre de patients visités et le coût moyen y relatif, "en tant qu'elles permettent de se rapprocher de la méthode statistique habituellement utilisée pour comparer les prestations des médecins."

7.3.3   Aucun élément nouveau ne permettrait quoiqu'il en soit d'envisager, pour l'année 2018, d'ordonner une expertise analytique.

7.3.4   Qui plus est, la défenderesse, invitée à verser au dossier son agenda professionnel original 2018, a informé le Tribunal de céans le 11 février 2022 qu'elle ne l'avait plus en sa possession.

7.3.5   La lecture de l'agenda aurait pourtant permis de mesurer le soin apporté à sa tenue, de connaître l'ampleur des prestations par patient, ainsi que le nombre d'heures effectuées par la défenderesse par jour, enfin de comparer les heures de consultation mentionnées avec les heures facturées.

On peut s'étonner de ce que la défenderesse n'ait pas scrupuleusement gardé ce document, dans la mesure où, dans les procédures ayant donné lieu à l'ATAS/776/2016 puis à l'ATAS/440/2021, il lui avait précisément été reproché d'avoir failli à son devoir de collaboration fondé sur l'art. 22 LPA en ne produisant pas copie de ses factures ou de ses relevés de prestations. Elle ne pouvait ainsi manquer de comprendre qu'elle pourrait avoir besoin de produire son agenda lors d'une nouvelle procédure judiciaire, ce qui lui aurait permis d'étayer ses affirmations relatives à son volume de travail, alors qu'il lui appartenait de mettre en évidence, pièces à l'appui, des indices effectifs dans ce sens (comp. Arrêt du Tribunal fédéral 9C_150/2020 du 12 juin 2020, consid. 4.4).

Il y a à ce stade lieu de rappeler que l'autorité peut aussi inviter les parties à la renseigner, notamment à se prononcer sur les faits constatés ou allégués, selon l'art. 24 al. 1 LPA. La maxime d'office n'implique ainsi pas que l'autorité saisie doive établir seule les faits. L'instruction repose aussi sur la coopération des parties, lesquelles sont tenues, de leur côté, de produire tout document se trouvant en leur possession en lien avec des faits déterminants pour la décision (arrêt K 148/2004 du 2 décembre 2005, consid. 5.4.2 ; cf. également ATAS/776/2016 consid. 7).

8.             Reste à déterminer quelle méthode statistique doit être utilisée pour calculer le montant à restituer.

8.1                   

8.1.1   En l'espèce, les demanderesses ont expliqué comment elles avaient fixé le montant dont elles réclament, à titre principal, la restitution, à CHF 245'592.40. Elles ont pris en considération le total facturé à charge de l'assurance obligatoire des soins par les infirmier/ère/s ne faisant pas l'objet de demandes de rétrocession, soit en l'occurrence 105 sur 107, pour évaluer ce que représentait le volume de facturation qualifié de normal d'un/e infirmier/ère de condition indépendante à Genève. Elles ont ainsi obtenu une moyenne de CHF 42'458.58, ce qui représente un volume théoriquement admissible, compte tenu d'une marge de tolérance de 30%, de CHF 55'196.20. Le montant à restituer fixé par les demanderesses résulte ensuite de la différence entre les coûts totaux facturés par la défenderesse à charge de l'assurance obligatoire des soins, soit CHF 300'788.55, et ces CHF 55'196.20.

8.1.2   La défenderesse fait valoir, en se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 décembre 2017 (9C_778/2016, consid. 7.3.1), que si le Tribunal de céans choisissait d'appliquer la méthode dite du chiffre d'affaires, il devrait ne tenir compte que des infirmiers/ères exerçant une activité indépendante à Genève en 2018 et réalisant un chiffre d'affaires supérieur à CHF 100'000.-. Ces infirmiers/ères sont en l'occurrence au nombre de cinq. La moyenne de leur chiffre d'affaires est de CHF 112'704.-, soit de CHF 146'515.- avec la marge de tolérance de 30%, ce qui donnerait un montant à restituer de CHF 154'108.85 (300'623.85 -146'515).

8.2                   

8.2.1   Les demanderesses ont également calculé le montant dû par la défenderesse sur la base du nombre d'heures théoriquement réalisable par un/e infirmier/ère (60 heures par semaine et 48 semaines par année) et de l'art. 7a al. 1 OPAS. Elles l'ont ainsi arrêté à CHF 108'980,55 (300'788.55 - 191'808). Elles précisent toutefois qu'elles s'opposent à ce que cette méthode soit appliquée.

8.2.2   La défenderesse considère au contraire qu'il se justifierait de la privilégier, pour autant cependant que le montant de CHF 34'071.- qui aurait été d'ores et déjà retenu par Mutuel Assurance Maladie SA sur sa facturation 2018, soit déduit de ces CHF 108'980.55.

8.3                 

8.3.1   La défenderesse relève que la méthode statistique n'a pas pour but de comparer le chiffre d'affaires des infirmiers/ères, mais le coût moyen par patient. Or, pour calculer ce coût moyen, on doit être en mesure de disposer du nombre de patients et du coût moyen pour chaque membre du groupe de comparaison proposé. Elle constate à cet égard que les demanderesses n'ont pas versé ces données au dossier. Elle considère dans ces conditions qu'elle ne peut pas prendre position sur le fond.

8.3.2   Les demanderesses ont produit les pièces 8 et 9, sur lesquelles figurent les noms et adresses des 107 infirmiers indépendants à GE ayant facturé des prestations à charge de l'assurance obligatoire des soins, d'une part, et la liste des montants qu'ils ont facturés, d'autre part. Elles ont par ailleurs constaté que même un/e infirmier/ère consacrant 60 heures par semaine aux soins mentionnées à l'art. 7 al. 1 let. a, b et c OPAS, soit à des soins dispensés en présence du patient - ce qui exclut les tâches administratives et les déplacements notamment -, réaliserait, au titre de l'assurance obligatoire des soins, un revenu restant largement inférieur au montant facturé par la défenderesse.

8.3.3   Il est vrai que la méthode de la comparaison des coûts s'appuie généralement sur le coût par patient des médecins, et non pas sur leur chiffre d'affaires.

Il y a toutefois lieu de rappeler que dans le cas de la défenderesse, le Tribunal arbitral s'est fondé, dans son arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016), sur un groupe de comparaison constitué de deux personnes, dont il a examiné le volume de facturation, tout en constatant parallèlement que les heures facturées par la défenderesse étaient "d'une façon générale, très largement au-dessus du nombre d'heures qu'il est possible d'imaginer qu'une personne puisse accomplir, sur un long terme qui plus est". Il n'a alors pas eu besoin des données relatives au coût moyen par patient. Il s'agit dès lors de déterminer, d'abord, quelle méthode sera retenue pour calculer le montant à restituer par la défenderesse, avant de répondre à la question de savoir s'il doit ou non être ordonné à SANTÉSUISSE de produire ces données.

8.3.4   La méthode statistique consistant à comparer les frais moyens causés par la pratique de la défenderesse avec ceux causés par la pratique des infirmiers/ères travaillant dans des conditions semblables n'est en principe pertinente que si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix fournisseurs de prestations, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par la personne contrôlée (arrêt 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 5.3).

Dans le cas de la défenderesse cependant, bien qu'il ait considéré que la référence à deux infirmiers/ères seulement pour 2013 puisse être qualifiée de discutable, le Tribunal fédéral a confirmé le résultat auquel était parvenu le Tribunal arbitral, après avoir constaté, sur la base de l'art. 7a al. 1 OPAS, que le volume de facturation moyen pris en considération par celui-ci équivalait à un volume hebdomadaire de prestations compris entre 35 heures, sans compter les temps de déplacement, de formation, de repos et de gestion et que la juridiction cantonale avait encore ajouté une marge de tolérance de 30 %, ce qui portait la limite du volume de prestations à un horaire hebdomadaire compris entre 45 et 67 heures.

Il convient également de rappeler que le Tribunal de céans, à nouveau saisi d'une demande en restitution dirigée contre la défenderesse pour l'année 2016, a rendu un arrêt le 10 mai 2021, lequel est entré en force (ATAS /444/2021).

Dans le cadre de cette procédure, SANTÉSUISSE avait calculé la différence entre le montant versé à la défenderesse en 2016 au titre de l’assurance obligatoire des soins et le revenu annuel maximum établi sur la base de l'activité qu'elle aurait pu exercer, en dispensant les trois catégories de soins prévues à l'art. 7a al.1 let. a, b et c OPAS durant 20 heures chacune, 48 semaines par année et ainsi fixé à CHF 57'843.- le montant dont elle avait réclamé le remboursement à la défenderesse pour 2016.

Le Tribunal de céans, constatant que la méthode fondée sur le groupe de comparaison et compte tenu d'une marge de tolérance de 30% qu'il avait appliquée dans son arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016) conduisait pour l'année 2016 à réclamer à la défenderesse un montant de CHF 80'790.-, soit un montant plus élevé, a alors considéré qu'il ne pouvait pas statuer au-delà des conclusions des demanderesses (ATAS /444/2021, consid. 19) et admis la solution la plus favorable à la défenderesse.

8.3.5   Il se justifie en conclusion et au vu de ce qui précède, d'appliquer à nouveau à la défenderesse, pour 2018, la méthode qui avait été retenue par le Tribunal arbitral pour les années précédentes.

9.         

9.1    SANTÉSUISSE s'est fondée sur cette méthode dans sa demande du 3 juillet 2020.

Elle a ainsi évalué ce que représentait le volume de facturation qualifié de normal d'un/e infirmier/ère de condition indépendante à Genève sur la base du total facturé à charge de l'assurance obligatoire des soins par les infirmiers/ères ne faisant pas l'objet de demandes de rétrocession. Elle a en revanche ignoré le critère du chiffre d'affaires supérieur à CHF 100'000.-.

Or, le groupe de comparaison tel que déterminé dans l'arrêt du 16 septembre 2016 ne comprenait que les infirmiers/ères ayant facturé à charge de l'assurance obligatoire des soins pour plus de CHF 100'000.-. Le Tribunal arbitral avait en effet considéré qu'un correctif devait être apporté s'agissant du taux d'activité de ces infirmiers/ères.

9.2    Il y a en conséquence lieu de retenir la méthode consistant à comparer le montant facturé par la défenderesse à charge de l'assurance obligatoire des soins avec celui des infirmiers/ères indépendantes exerçant à Genève durant l'année considérée, en ne prenant toutefois en considération que celles et ceux réalisant un chiffre d'affaire de plus de CHF 100'000.-. Cette méthode correspond en effet à celle qui a été appliquée par le Tribunal arbitral dans l'arrêt du 16 septembre 2016 (ATAS/776/2016) et admise par le Tribunal fédéral le 12 décembre 2017 (9C_778/2016), pour autant que le montant facturé par la défenderesse dépasse sensiblement le revenu annuel maximum qu'un/e infirmier/ère indépendant/e consacrant 60 heures par semaine aux soins mentionnées à l'art. 7 al. 1 lettres a, b et c OPAS, soit à des soins dispensés en présence du patient - ce qui exclut les tâches administratives, les déplacements, etc -, réaliserait, au titre de l'assurance obligatoire des soins.

Il est à cet égard intéressant de relever que le calcul auquel s'est livré le Tribunal fédéral pour l'année 2013 (9C_778/2016), afin de répondre à la critique de la défenderesse relative au "groupe de comparaison restreint", sur lequel s'était fondé le Tribunal arbitral, donne les résultats suivants pour l'année 2018 :

-       entre 27 et 39 heures par semaine pour un volume de facturation moyen de CHF 112'704.- (112'704 / 79,80 selon l'art. 7a al. 1 let. a OPAS / 52 et 112'704 / 54.60 / 52)

-       entre 35 et 51 heures par semaine pour le même volume de facturation moyen + 30 %, soit CHF 146'515.- (146'515 / 79,80 selon l'art. 7a al. 1 let. a OPAS / 52 et 146'515 / 54.60 / 52)

Le même calcul, avec pour base le volume de facturation de la défenderesse, conduit à des chiffres selon toute vraisemblance exagérés, de 72 heures par semaine (300'788 (ou 300'623) / 79,80 / 52 et de 105 heures par semaine (300'788 / 54.60 / 52).

Le revenu annuel maximum déterminé sur la base de 60 heures par semaine consacrées uniquement à des soins dispensés en présence du patient et de 48 semaines par année, aux tarifs horaires prévus à l'art. 7a al. 1 OPAS, s'élève à CHF 191'808.-, ce qui implique une différence significative de CHF 108'980.55 (300'788.55 – 191'808).

9.3    Force est d'en conclure que la défenderesse n'a pas respecté le principe de l'économicité pour l'année 2018, et ce quelle que soit la méthode choisie, de sorte qu'elle doit restituer le trop-perçu.

On précisera d'ores et déjà à ce stade qu'il serait superflu d'ordonner à SANTÉSUISSE de produire les données relatives au coût moyen par patient (cf. consid. 8.3.3).

10.         Reste à déterminer sur quels chiffres doit être calculé le montant à restituer.

10.1     Il sied en premier lieu d'établir le montant facturé par la défenderesse à charge de l'assurance obligatoire des soins en 2018.

10.1.1    La défenderesse conteste le montant retenu à ce titre par les demanderesses, soit CHF 300'788.55, soutenant qu'il est de CHF 300'623.85.

10.1.2    SANTÉSUISSE a relevé, dans sa réplique du 3 mars 2021, que le chiffre d'affaires de la défenderesse s'élèverait en réalité à CHF 420'329.70 selon les documents transmis par la Caisse des médecins. Celle-ci a en effet versé au dossier deux récapitulatifs pour 2018 concernant la défenderesse, l'un avec le no interne 8425.25 et indiquant un chiffre d'affaires de CHF 300'623.85 et le second avec le no interne 4280.55 et indiquant un chiffre d'affaires de CHF 119'705.85. La question de savoir si ce montant résultant des documents transmis par la Caisse des médecins a valeur probante ou non et s'il devait être préféré peut être laissée ouverte au vu de ce qui suit.

Il y a en effet lieu de constater que SANTÉSUISSE n'a pas modifié ses conclusions. Elle n'a plus particulièrement pas recalculé le montant dont elle réclame la restitution sur la base d'un chiffre d'affaires de CHF 420'329.70. Il s'agit dès lors d'examiner la question de savoir si le Tribunal de céans doit ou non statuer ultra petita. On peut ici renvoyer au développement figurant au ch. 14 de l'arrêt du 16 septembre 2016 au terme duquel il a été conclu qu'il n'y avait pas à statuer au-delà des conclusions des demanderesses (ATAS/776/2016 ; cf. également ATAS/440/2021). Aussi le montant de CHF 420'329.70 sera-t-il écarté pour ce motif.

10.1.3    Reste à déterminer si le chiffre d'affaires est celui dont se prévaut la défenderesse et qui figure tant sur le récapitulatif de la caisse des médecins (pce 7 chargé déf.), que sur les pièces versées par celle-ci au dossier sur demande du Tribunal de céans, soit CHF 300'623.85, ou celui sur lequel se fonde SANTÉSUISSE et qui ressort du Datenpool 2018, soit CHF 300'788.55.

La défenderesse conteste le chiffre d'affaire retenu par SANTÉSUISSE de CHF 300'788.55. Ce faisant, elle remet en cause la valeur probante du Datenpool.

On peut à cet égard rappeler que ce document est établi par Sasis SA, dont l'unique actionnaire est SANTÉSUISSE. Les factures des fournisseurs de prestations sont comptabilisées par l'assureur, selon le numéro attribué par Sasis SA au registre des code-créanciers, puis transmises au pool de données de Sasis SA sous forme condensée. Ces données servent pour le traitement des droits aux prestations jusqu'aux statistiques de la branche et tiennent lieu de standard pour tous les partenaires du système de santé (cf. « note » du 7 novembre 2022, chargé dem.).

Or, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les statistiques établies par SANTÉSUISSE ont été expressément reconnues comme ayant valeur probante. Le Tribunal fédéral a plus particulièrement jugé que seules les statistiques RSS fournissaient les données qui permettaient une comparaison valable entre les différents fournisseurs de prestations et ainsi de se prononcer sur le respect ou la violation du principe de l'économicité (arrêt 9C_774/2020 du 31 janvier 2022 consid. 2.2.2). De surcroît, la jurisprudence a développé des moyens pour compenser les défauts des statistiques RSS (arrêt K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.4.2 non publié in ATF 130 V 377).

Il y a ainsi lieu de constater qu'une pleine valeur probante a depuis longtemps été reconnue au Datenpool, en l'absence d'indices contraires (ATF 9C_593/2021 ; ATAS/209/2018 ; ATAS/150/2016 ; ATAS/856/2015 ; ATAS/27/2020 ; ATAS 440/2021).

On peut alors encore se demander si les indications figurant sur les documents de la Caisse des médecins pourraient constituer de tels indices contraires.

Si Sasis SA est liée à SANTÉSUISSE, la Caisse des médecins est quant à elle une société coopérative qui offre aux médecins possédant leur propre cabinet et aux autres fournisseurs de prestations de santé indépendants la possibilité d'externaliser et de professionnaliser la partie non médicale de leur administration

A cet égard, il est intéressant de relever que dans un arrêt du 12 février 2010 (ATAS/139/2010), le Tribunal arbitral a eu l'occasion de juger la valeur probante de documents établissant le nombre de patients traités par le fournisseur de prestations mis en cause, soit d'une part les statistiques de Ctésias SA et de la Caisse des médecins (lesquelles étaient approximativement semblables), et d'autre part, celles de SANTÉSUISSE. Constatant que ces dernières faisaient état d'un nombre de patients largement inférieur à celui ressortant des statistiques de Ctésias SA et de la Caisse des médecins, il a considéré que le fait que les chiffres de ces statistiques ne coïncidaient in casu pas avec les chiffres réels du cabinet du défendeur pour les années considérées, s'agissant du chiffre d’affaires et du nombre de ses patients, ne constituait pas un indice pour admettre une erreur dans les statistiques, dès lors que celles-ci ne sont pas établies sur la base du chiffre d’affaires du cabinet de l’année en cause, ni du nombre des patients qui ont consulté le médecin, mais sur la base des factures remboursées par les assurances aux patients. Le chiffre d’affaires pris en considération dans les statistiques est ainsi déterminé par l'addition du montant des factures transmises par les assurés à leurs caisses-maladie pendant une année, ainsi que le nombre des patients faisant l'objet de ces factures. Le Tribunal arbitral a ainsi jugé qu'il était dans la logique des choses que le chiffre d’affaires et le nombre des patients soient inférieurs aux chiffres ressortant de la comptabilité du cabinet, dans la mesure où certaines factures ne parviennent pas à l’assurance, notamment lorsque leur montant est inférieur à la franchise contractée. Le Tribunal arbitral, constatant qu'un tel problème pouvait se poser de la même façon à tous les médecins du groupe de comparaison, en a conclu qu'aucun inconvénient n'en résultait pour le défendeur (cf. également ATF 9C_593/2021).

Il convient de suivre en l'espèce le même raisonnement et de privilégier le montant de CHF 300'788.55 résultant du Datenpool, étant au surplus rappelé que la différence entre les deux montants - de CHF 164.70 - est faible.

11.         On dispose en l'espèce, et au vu de ce qui précède, d'un groupe composé de cinq infirmiers/ères, selon la liste des montants facturés à charge de l'assurance obligatoire des soins par les infirmiers/ères indépendants/es exerçant à Genève en 2018 (cf. pces 8 et 9 chargé dem.), ce qui donne un chiffre d'affaires moyen de CHF 112'704.-,

A noter que l'application de cette méthode permet d'admettre une marge de tolérance, afin de tenir compte des particularités de l'activité de la défenderesse. Dans le cas de celle-ci, une marge de tolérance de 30 % avait été retenue par le Tribunal de céans pour les années 2009, 2010 et 2013. La même marge a été reprise par les demanderesses dans leur demande du 3 juillet 2020. Il y a en conséquence lieu d'en tenir compte à nouveau.

Partant, le montant à prendre en considération est de CHF 146'515.- (112'704 + 30 %).

12.         On peut relever que ce montant est situé sensiblement en deçà du revenu annuel maximum calculé en application de l'art 7a al. 1 let a, b et c OPAS - qui s'élève à CHF 191'808.- -, ce qui va nécessairement impliquer un montant à restituer plus important.

Une semblable constatation (à savoir CHF 80'790.-. pour la méthode suivant le groupe de comparaison tel que défini par le Tribunal arbitral dans son arrêt du 16 septembre 2016 et CHF 57'843.- pour la méthode fondée sur le calcul des heures), avait conduit le Tribunal arbitral, dans son arrêt du 23 avril 2021 (ATAS/440/2021), à retenir la solution la plus favorable à la défenderesse. Il importe toutefois de rappeler que s'il avait condamné la défenderesse à rembourser aux demanderesses le montant le plus faible, c'est parce que ce montant correspondait aux conclusions de celles-ci. Il ne pouvait en effet statuer au-delà.

Le cas d'espèce est différent. Dans leur demande du 3 juillet 2020, les demanderesses ont conclu, principalement, à la restitution d'un montant de CHF 245'592.40, calculé selon la méthode du chiffre d'affaires plus 30%, et, subsidiairement, celui de CHF 108'980.55 selon le nombre d'heures théoriquement réalisables par un/e infirmier/ère.

Il se justifie dès lors de prendre en considération la méthode utilisée par les demanderesses pour fixer le montant à restituer à titre principal, mais à laquelle il convient d'ajouter le critère du chiffre d'affaires de plus de CHF 100'000.- (cf. consid. 9.2), ce qui donne un montant à restituer de CHF 154'273.55 (300'788.55 – 146'515).

13.         Il sied enfin de déterminer ce qu'il en est du montant de CHF 34'071.70, dont la défenderesse allègue qu'il doit être déduit du montant à restituer, dès lors qu'il aurait d'ores et déjà été retenu par Mutuel Assurance Maladie SA.

SANTÉSUISSE s'oppose à cette déduction, au motif que ce montant n'a pas été compris dans le calcul du montant à restituer. Interrogée par le Tribunal de céans, elle a expliqué qu'un entretien s'était déroulé le 12 mars 2019 dans les locaux du Groupe Mutuel, dont le but était d'obtenir de la défenderesse des éclaircissements quant à sa facturation qui avait été jugée disproportionnée. Le dommage subi par l'assureur avait alors été évalué à CHF 34'588.20. Il avait été constaté que les notes d'honoraires adressées par la défenderesse au Groupe Mutuel de septembre à décembre 2018 s'élevaient à CHF 85'535.55 et qu'elle avait reçu la somme de CHF 51'463.85. Aussi le solde correspondant aux notes d'honoraires restées en suspens étaient-ils de CHF 34'071.70 (85'535.55 – 51'463.85). Il a ensuite été proposé à la défenderesse d'annuler le solde des notes d'honoraires restées en suspens et de verser à l'assureur la différence entre le dommage (CHF 34'588.20) et ce solde (CHF 34'071.70), soit la somme de CHF 516.50, ce que la défenderesse a accepté (cf. son courrier du 29 mai 2019).

La défenderesse a, au vu de ces explications, constaté que le Groupe Mutuel avait ainsi déjà procédé à un contrôle d'économicité de son côté, et en a conclu qu'il n'était pas question d'en effectuer un second pour la même période.

13.1     Il est vrai que si la défenderesse a accepté d'annuler les factures laissées en suspens par l'assureur, pour un montant de CHF 34'071.70, et de verser à l'assureur la somme de CHF 516.50, représentant la différence entre le dommage que celui-ci a subi et les factures en suspens, elle ne devrait pas avoir à restituer à nouveau ce montant de CHF 34'071.70.

Il y a toutefois lieu de relever que le contrôle effectué par le Groupe Mutuel ne porte pas sur l'ensemble de l'année 2018, comme le laisse entendre la défenderesse dans ses écritures du 29 novembre 2022, mais sur une période limitée aux mois de septembre à décembre 2018. Qui plus est, il apparaît que les factures qui n'ont pas été remboursées par l'assureur, à savoir celles qui ont été laissées en suspens, puis annulées, ne sont pas communiquées à Sasis SA et ne figurent ainsi pas dans les données transmises au Datenpool. Force en conséquence est de constater qu'elles n'ont pas été comptées dans le montant faisant l'objet de la demande en restitution.

13.2     Le montant à restituer par la défenderesse reste, partant, de CHF 154'273.55 pour l'année 2018.

14.         Dans leur demande complémentaire du 10 juillet 2020, les assureurs-maladie ont conclu à ce que la défenderesse soit définitivement exclue de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

 

 

15.          

15.1     Ils font valoir que, par jugement du Tribunal de 1ère instance du 10 juillet 2018, ils ont obtenu la mainlevée définitive de l'opposition suite à l'arrêt du Tribunal arbitral du 16 septembre 2016, confirmé par le Tribunal fédéral, s'agissant de l'année 2013, que toutefois, la défenderesse étant actuellement domiciliée en France, ils n'ont pas pu récupérer le montant dû s'élevant à CHF 96'930.-. Ils précisent que la défenderesse a continué à travailler comme infirmière indépendante en 2018, année pour laquelle elle a facturé la somme de CHF 300'798.- à charge de l'assurance obligatoire des soins et que depuis le 10 décembre 2018, ses honoraires sont versés sur le compte de B______. Ils ajoutent que la défenderesse serait insolvable selon le procès-verbal de séquestre du 15 mars 2019 (pce 22 chargé dem.).

15.2     La défenderesse considère que la demande d'exclusion est irrecevable, dès lors qu'elle n'est plus de condition indépendante. Elle rappelle quoi qu'il en soit que le cumul des sanctions (en l'occurrence une exclusion et une restitution) est interdite par l'art. 59 LAMal et qu'une exclusion ne peut être prononcée que pour une durée limitée au vu du principe de la proportionnalité et que pour autant qu'il y ait récidive.

15.3     Certes la défenderesse n'exerce-t-elle plus à présent son activité d'infirmière à titre indépendant, ce n'est toutefois le cas que depuis le 10 décembre 2018, date à laquelle elle a commencé à travailler pour la société Lili Care Snc. On peut également ajouter que la restitution des honoraires perçus en trop par le fournisseur de prestations est ordonnée en application de l'art. 56 al. 1 et 2 LAMal et vise à rétablir l'ordre légal (2C_500/2012 consid. 3.3). Il est donc superflu de déterminer si les sanctions dont il est question à l'art. 59 al. 1 LAMal, par renvoi de l'art. 59 al. 3 let. a LAMal, peuvent être cumulées (9C_776/2016).

Il suffit quoi qu'il en soit de constater en l'espèce que dans son arrêt du 10 mai 2021 (ATAS/440/2021) - dont les parties n'avaient pas encore connaissance le 28 janvier 2021 (mémoire de réponse) et le 3 mars 2021 (réplique) -, le Tribunal de céans a en réalité d'ores et déjà prononcé l'exclusion définitive de toute pratique à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour la défenderesse, considérant que seule une exclusion non limitée dans le temps constituait au vu des circonstances du cas une mesure appropriée et proportionnée. Cet arrêt est entré en force. Aussi la demande d'exclusion du 10 juillet 2020 est-elle devenue sans objet.

16.         La procédure devant le Tribunal arbitral n’est pas gratuite. Conformément à l’art. 46 al. 1 LaLAMAL, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d’écriture), ainsi qu’un émolument global n’excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMAL).

En l'occurrence, la totalité de l'émolument de justice de CHF 3'000.- et les frais du Tribunal de céans de CHF 6'735.75 seront mis intégralement à la charge de la défenderesse.

La défenderesse qui succombe sera en outre condamnée à verser aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, la somme de CHF 4'000.- à titre de dépens.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable

Au fond :

2.        L'admet partiellement, en ce sens que la défenderesse est condamnée à restituer à SANTÉSUISSE, à charge pour celle-ci de le répartir en faveur des demanderesses, le montant de CHF 154'273’55.

3.        Constate que la demande visant à ce que la défenderesse soit définitivement exclue de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins est devenue sans objet.

4.        Met un émolument de justice de CHF 3’000.- et les frais du Tribunal de CHF 6'735.75 à la charge de la défenderesse.

5.        Condamne la défenderesse à payer à SANTÉSUISSE la somme de CHF 4'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le