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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1761/2014

ATAS/776/2016 du 16.09.2016 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 23.11.2016, rendu le 12.12.2017, PARTIELMNT ADMIS, 9C_778/2016
En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1761/2014 ATAS/776/2016

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 16 septembre 2016

En la cause

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG,

SUPRA CAISSE MALADIE,

CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG,

AVENIR ASSURANCE,

KPT KRANKENKASSE AG,

KOLPING KRANKENKASSE AG,

MUTUEL ASSURANCES,

INTRAS CAISSE MALADIE,

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG,

UNIVERSA CAISSE-MALADIE ET ACCIDENTS,

HELSANA VERSICHERUNG,

SWICA KRANKENKASSE,

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA,

ARCOSANA VERSICHERUNGEN AG,

ASSURA-BASIS SA,

SUPRA - 1846 SA,

VIVAO SYMPANY AG,

toutes représentées par SANTESUISSE, sise rue des Terreaux 23, LAUSANNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître BURNET Olivier

demanderesses

contre

Madame A______, domiciliée c/o Mme B______, à AVULLY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître JEANNERET Yvan

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : la défenderesse) domiciliée à Genève, exerce la profession d’infirmière indépendante ASI (Association suisse des infirmières et infirmiers) dans le canton de Genève.

2.        Elle a transmis les factures qu’elle avait établies pour ses patients, aux demanderesses, assureurs-maladie membres de Santésuisse, lesquelles ont procédé aux remboursements.

3.        Les demanderesses ont établi le revenu annuel maximum que pouvait réaliser la défenderesse comme suit :

Tarif horaire maximum

78 points/heure x 1.02 ct

CHF 79.55

Heures annuelles et présence du patient

60h/semaine x 48 semaines

Heures 2880

Revenu annuel maximum

CHF 79.55 x 2880 heures

CHF 229'104.-

 

4.        Par courrier du 2 mai 2011, les demanderesses ont réclamé à la défenderesse le remboursement de la somme de CHF 356'152.-, représentant la différence entre le revenu annuel maximum qu’elles ont pris en considération, compte tenu des exigences inhérentes à sa profession, soit CHF 229'104.- et les montants effectivement remboursés, soit CHF 417'236.- pour 2009 et CHF 397'124.- pour 2010.

Les demanderesses reprochent à la défenderesse de n’avoir pas respecté l’obligation d’économie à laquelle elle est soumise conformément à l’art. 1 al. 1 du contrat entre le concordat des assureurs maladie suisses et l’association suisse des infirmières et infirmiers du 23 mai 1997. Les demanderesses rappellent à cet égard que la défenderesse a déjà été avertie, par courriers des 15 juillet 2004 et 26 septembre 2007, que ses revenus étaient notablement plus élevés que la moyenne de ceux des autres infirmières indépendantes du canton de Genève, lesquels sont au maximum de CHF 163'000.- pour 2100 heures (42 heures/semaine, vacances déduites).

5.        Une entrevue entre les demanderesses, et la défenderesse s’est déroulée le 15 juin 2011 dans les locaux de Santésuisse.

6.        Par courrier du 26 juillet 2011, les demanderesses, rappelant qu’à l’issue de cette entrevue il avait été convenu que la défenderesse les recontacte d’ici le 15 juillet 2011 pour leur faire une proposition de remboursement, et constatant qu’il étaient sans nouvelle de sa part, lui ont adressé un rappel.

7.        Finalement, les demanderesses lui ont fait notifier un commandement de payer (poursuite n° 1______ ) le 30 septembre 2011, pour le montant de CHF 356'152.- avec intérêts à 5% dès le 2 mai 2011, étant indiqué qu’il s’agissait de la rétrocession due pour non-respect de l’obligation d’économie conformément à la lettre du 2 mai 2011 de Santésuisse (concerne donc 2009 et 2010).

8.        La défenderesse a formé opposition au commandement de payer le 13 octobre 2011.

9.        Les demanderesses ont à nouveau déterminé le revenu annuel maximum de la défenderesse pour les années 2011 à 2013 et l’ont fixé à CHF 229'824.-.

10.    Le 11 juin 2014, les demanderesses ont procédé, pour les années 2011 à 2013, au même calcul que pour les années 2009 et 2010, ce qui donne le tableau global suivant :

Année

Montants versés en CHF au titre de l’Assurance obligatoire des soins (AOS)

Revenu maximum en CHF

Différence en CHF

2009

417'236.-

229'104.-

188'132.-

2010

397'124.-

229'104.-

168'020.-

2011

288'889.-

229'824.-

59'065.-

2012

298'931.-

229'824.-

69'107.-

2013

326'754.-

229'824.-

96'930.-

Total

914’574

687'312.-

581'254.-

 

11.    Le 18 juin 2014, les demanderesses, soit pour elles Santésuisse, représentée par Maître Olivier BURNET à Lausanne, a déposé auprès du Tribunal de céans une demande visant à ce que la défenderesse soit reconnue comme étant leur débitrice, solidairement entre elles, d’une somme totale de CHF 581'254.-. Elles ont notamment produit un tableau indiquant les prestations remboursées par l’assurance obligatoire des soins aux infirmières du canton de Genève de 2009 à 2013.

12.    Le Tribunal de céans a ordonné le 1er juillet 2014, la comparution personnelle des parties pour le 19 août 2014 afin qu’il soit procédé à la tentative obligatoire de conciliation.

13.    Par courrier du 31 juillet 2014, Me Yvan JEANNERET a informé le Tribunal de céans que la défenderesse l’avait chargé de la défense de ses intérêts.

14.    A l’issue de l’audience, un délai au 30 septembre 2014 a été accordé à la défenderesse afin qu’elle produise ses factures de 2009 à 2013. Une nouvelle audience de conciliation a d’ores et déjà été fixée pour le 17 octobre 2014.

15.    Le 22 septembre 2014, la défenderesse a indiqué qu’elle s’était adressée à la Coopérative professionnelle des pharmaciens suisses (OFAC) afin que lui soit transmise copie de ses factures. Or, il lui avait été répondu que l’obtention des documents lui serait facturée CHF 4'800.-. Elle en a conclu, « compte tenu de l’importance de ce montant et du fait que le fardeau de la preuve dans cette procédure incombe à Santésuisse », à ce que ce soit Santésuisse qui produise les factures contestées, respectivement que Santésuisse prenne en charge l’intégralité du coût estimé par l’OFAC.

16.    Invitées à se déterminer, les demanderesses s’étonnent, le 24 septembre 2014, de la réaction de la défenderesse, rappelant que celle-ci avait spontanément proposé de produire les factures en cause lors de l’audience. Elles ajoutent que le fardeau de la preuve incombe à la défenderesse, dans la mesure où celle-ci conteste les moyens de preuve offerts.

17.    Une seconde audience s’est tenue le 17 octobre 2014, à l’issue de laquelle la Présidente du Tribunal de céans a constaté l’échec de la tentative obligatoire de conciliation.

Il a par ailleurs été pris note de ce que la défenderesse n’avait pas apporté ses factures 2009 à 2013. Celle-ci a, à cet égard, précisé qu’elle ne conservait pas la copie des factures établies par l’OFAC et qu’elle ne gardait les relevés de prestations que durant une année.

18.    Le 17 octobre 2014, le mandataire de Santésuisse a requis la production anticipée par l’OFAC de la facturation de la défenderesse pour l’année 2010, année qui pourrait être prise en considération pour un premier examen, ainsi que la production par la défenderesse de ses « relevés de prestations » pour l’année 2013.

19.    Les parties ont désigné leurs arbitres, soit Madame Dominique TRITTEN pour les demanderesses, et Madame Verena LUCHSINGER BACHLI pour la défenderesse, et le Tribunal arbitral a été constitué.

20.    Dans son mémoire-réponse du 26 janvier 2015, la défenderesse a conclu, principalement, à ce qu’il soit dit et constaté que les demanderesses n’avaient pas la qualité pour agir, subsidiairement à ce qu’il leur soit ordonné de produire l’identité et les coordonnées complètes ainsi qu’un descriptif détaillé de l’activité de la facturation des infirmières N° 1 à 117 de la pièce 3 du chargé des demanderesses, à ce que la mission d’analyser les statistiques de Santésuisse aussi bien sous l’angle de la méthode stricto sensu que sous l’angle des données prises en considération soit confiée à un collège d’experts formé idéalement d’une infirmière à domicile, d’un statisticien et d’un expert-comptable, à ce qu’il soit dit et constaté que l’action et les droits des demanderesses étaient périmés et prescrits et à ce que les demanderesses soient déboutées de toutes leurs conclusions, plus subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné une expertise analytique de la pratique médicale de la défenderesse.

Elle rappelle qu’elle avait déjà été convoquée par Santésuisse les 4 août 2004 et 10 octobre 2007, mais qu’aucune procédure n’avait été intentée. Elle relève qu’à la suite de l’entrevue du 15 juin 2011, Santésuisse n’a entamé aucune démarche jusqu’au dépôt de sa demande auprès du Tribunal de céans.

La défenderesse allègue que les actions des demanderesses se sont périmées et prescrites, dans la mesure où celles-ci n’ont pas agi dans le délai d’une année (art. 25 al. 2 LPGA) à compter du jour où sont publiées les statistiques de la Rechnungstellerstatistik der Santesuisse pour chacune des années (ATF K70/06 du 30 juillet 2007 consid. 5.1). Aussi l’action concernant l’année 2009 était-elle prescrite depuis le 26 août 2011, celle pour l’année 2010 depuis le 26 août 2012, celle pour l’année 2011 depuis le 5 mai 2013 et celle pour l’année 2012 depuis le 25 mai 2014. Or, l’action des demanderesses auprès du Tribunal de céans datait du 18 juin 2014.

La défenderesse conteste la manière dont Santésuisse établit et utilise les statistiques. Elle ne peut en particulier vérifier l’exactitude des chiffres, ni pour elle-même, ni pour ceux auxquels elle est comparée, raison pour laquelle elle sollicite du Tribunal de céans qu’il ordonne préalablement une expertise qui sera confiée à un collège d’experts composé d’une infirmière de soins à domicile spécialisée dans le grand âge, d’un statisticien et d’un expert-comptable.

Enfin, la défenderesse demande, si par impossible le Tribunal de céans devait admettre l’adéquation du groupe de comparaison – une fois que celui-ci sera connu – ainsi que la validité des statistiques de Santésuisse, à ce que soit ordonnée une expertise analytique de sa pratique médicale, laquelle entre dans le détail de la pratique.

21.    Par courrier du 1er avril 2015, les demanderesses ont informé le Tribunal de céans qu’elles acceptaient d’avancer les éventuels frais nécessaires que l’OFAC pourrait demander s’agissant de la production des factures de la défenderesse pour les années 2010 et 2013.

22.    Le 2 avril 2015, le Tribunal de céans a prié l’OFAC de lui communiquer copie des factures établies au nom de la défenderesse pour les années 2010 et 2013.

Copie de ces factures, imprimées et classées par date et numéro de facture, ont été transmises au Tribunal de céans le 11 mai 2015.

23.    Les parties se sont vues accorder un délai au 13 juin 2015 pour venir consulter les pièces du dossier et faire part de leur détermination.

24.    Le 4 juin 2015, la défenderesse a indiqué qu’elle n’avait pas d’observation particulière à formuler.

25.    Les demanderesses ont adressé leur réplique au Tribunal de céans le 3 juillet 2015.

S’agissant de la prescription, elles ont relevé que les données chiffrées relatives à la défenderesse avaient été demandées à la SASIS et avaient été connues le 27 avril 2011 pour 2009, le 25 juillet 2012 pour 2010 et 2011, le 4 février 2014 pour 2012 et le 8 mai 2014 pour 2013. Elles rappellent qu’un courrier lui a été adressé le 2 mai 2011 lui réclamant le remboursement du montant de CHF 356'152.- et qu’un commandement de payer a été notifié à la défenderesse le 30 septembre 2011.

S’agissant de l’économie de traitement et de la polypragmasie, les demanderesses relèvent que la défenderesse confond son cas avec celui des médecins, étant précisé que les infirmières, contrairement aux médecins, ne font pas l’objet de statistiques personnelles régulières.

Elles constatent que les montants facturés par la défenderesse sont « totalement hors norme » comparés à ceux des autres infirmières, considérant qu’ « il est inimaginable de penser qu’une infirmière puisse travailler autant d’heures qu’elle le prétend. » A cet égard, elles relèvent par exemple que sur les factures transmises par l’OFAC, durant les deux premiers mois de l’année 2013, la défenderesse aurait travaillé tous les jours plus de 14 heures par jour en moyenne, samedi et dimanche compris et aurait même travaillé plus de 25 heures le 1er février 2013.

Elles confirment dès lors intégralement les conclusions de leur demande du 18 juin 2014, avec suite de frais et dépens, y ajoutant celle-ci : que la défenderesse soit frappée d’une exclusion définitive de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins en cas de récidive.

26.    Dans sa duplique du 28 septembre 2015, la défenderesse a persisté dans ses conclusions.

Elle maintient que le dies a quo du délai de péremption est fixé au jour où sont publiées les statistiques de la Rechnungstellerstatistik der Santésuisse et non au jour où Santésuisse décide de demander des données particulières à SASIS. Le délai de péremption ne peut par ailleurs être interrompu par un commandement de payer vu la nature de la créance.

Elle relève que « Santésuisse se montre à bout d’arguments, en ce sens qu’elle se borne à mentionner les montants exorbitants mis à la charge de l’assurance obligatoire des soins » et à faire appel « au bon sens ».

Elle constate enfin qu’elle ne connait toujours pas l’identité et les détails de la pratique des infirmiers/ères indépendant(e)s dont les demanderesses ont dressé la liste.

27.    Par écritures spontanées du 3 novembre 2015, les demanderesses se sont déterminées sur la duplique rappelant notamment que la position pour suppléments pour jours fériés n’est plus appliquée depuis le 1er janvier 2011 (art. 7a al. 1 let a OPAS).

28.    Le 28 janvier 2016, la défenderesse a à son tour fait part de ses remarques.

29.    Par courrier du 5 avril 2016, le Tribunal de céans a requis des demanderesses la production de la liste nominative des infirmiers/ères figurant sur le tableau indiquant les prestations remboursées.

Le 23 mai 2016, les demanderesses ont transmis la liste demandée, précisant toutefois qu’elles n’étaient pas en mesure de donner des informations sur le taux d’activité de ces infirmiers/ères.

30.    Invitée à se déterminer, la défenderesse s’est bornée à constater que « les données fournies par Santésuisse ne permettent en aucune manière de fonder ses prétentions en restitution », dès lors que la liste nominative ne permet ni d’associer les chiffres correspondant pour les années 2009 à 2013, ni de déterminer le taux d’activité de chacune.

31.    Ces écritures ont été transmises aux demanderesses le 30 juin 2016 et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a) Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ; RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

Selon l'art. 39 al. 1 de la loi d'application genevoise de la LAMal (LaLAMal - RSG J 3 05), le Tribunal arbitral, nommé pour 4 ans par le Conseil d’Etat, est chargé, aux termes de l'art. 89 LAMal, de trancher les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations.

L'art. 41 LaLAMal prévoit que le tribunal ne peut entrer en matière avant que le cas ait été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention ou à une tentative de conciliation conformément aux dispositions de l’art. 45 de la loi. Si le cas n’a pas été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention, le président du tribunal tente de concilier les parties (art. 45 al. 2 LaLAMal).

b) En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal ; RS 832.102) de la défenderesse, installée à titre permanent dans le canton de Genève, n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs autorisés à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins au sens de la LAMal (cf. site internet de l'OFSP pour la liste des assureurs-maladie admis, disponible sur www.bag.admin.ch/themen/krankenversicherung/00295/11274/index.html?lang=fr.

c) La Présidente du Tribunal de céans a constaté, lors de l’audience du 17 octobre 2014, l’échec de la tentative obligatoire de conciliation et des arbitres ont été désignés.

d) La compétence du Tribunal de céans pour juger du cas d’espèce est établie ratione loci et materiae.

2.        Le litige porte sur la question de savoir si la pratique de la défenderesse pendant les années 2009 à 2013 est contraire au principe de l’économicité, ainsi que si et dans quelle mesure les demanderesses sont habilitées à lui réclamer l’éventuel trop perçu.

3.        La défenderesse invoque préalablement la péremption des prétentions des demanderesses.

a) Aux termes de l'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1), le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1). Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATFA non publié K 9/00 du 24 avril 2003, consid. 2).

Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ; RS 831.10) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 145 consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable. Selon celle-ci, il s'agit de délais de péremption (ATF 119 V 431 consid. 3a, ATAS 137/2010, ch 5, para. 3).

b) Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 5.2).

Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas inexact, faute d'éléments contraires, de retenir comme point de départ du délai de péremption d'une année, la date figurant sur les documents intitulés "préparation des données" et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (ATF non publié 9C_968/2009 du 15 décembre 2010, consid. 2.3; ATF non publié 9C_205/2008 du 19 décembre 2008, consid. 2.2).

L'expiration de ce délai est empêchée lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande par-devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral, dans le délai d'une année à partir du moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 5.2 ; RAMA 2003, p. 218, consid. 2.2.1).

c) Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

d) Il s’agit en l’espèce de déterminer la date à compter de laquelle court le délai de péremption du droit pour les demanderesses de demander la restitution des prestations dont elles estiment qu’elles ont été indûment touchées.

En l’occurrence, la défenderesse fait valoir que les statistiques de Santésuisse ont été publiées au plus tard le 26 août 2010 pour l’année 2009, le 26 août 2011 pour l’année 2010, le 5 mai 2012 pour l’année 2011, le 25 mai 2013 pour l’année 2012 et le 18 avril 2014 pour l’année 2013, de sorte que les demanderesses en ont eu connaissance à ces dates-là.

Les demanderesses expliquent toutefois que Santésuisse ne dispose pas de statistiques pour les infirmiers/ères comme pour les médecins, de sorte qu’il leur faut adresser une demande spécifique auprès de la SASIS AG. Elles n’ont ainsi eu connaissance des chiffres pertinents que le 27 avril 2011 pour 2009, le 25 juillet 2012 pour 2010 et 2011, le 4 février 2014 pour 2012 et le 8 mai 2014 pour 2013.

Il est vrai que dans les arrêts 9C_205/2008 et 9C_968/2009 notamment, le Tribunal fédéral a confirmé qu’il convenait de se fonder sur la date figurant sur les feuilles de statistiques produites par les assureurs, il s’agissait toutefois de médecins pour lesquels les statistiques sont établies d’office.

Or, tel n’est pas le cas pour les infirmiers/ères. Les statistiques doivent être, ainsi que le relèvent les demanderesses, spécifiquement demandées par Santésuisse à la SASIS au cas par cas.

Il serait aussi intéressant à cet égard de déterminer à quel moment Santésuisse les a demandées. En effet, le manque de diligence dont ferait preuve Santésuisse en demandant tardivement les statistiques ne serait jamais sanctionné si l’on se fondait uniquement sur la date à laquelle il en prendrait connaissance. La date à laquelle les demanderesses ont connaissance des données relatives aux infirmiers/ères dépend très étroitement de celle à laquelle elles s’en sont inquiétées auprès de la SASIS. En l’espèce, on ignore à quelles dates les données chiffrées relatives aux infirmiers/ères ont été demandées à la SASIS. Les demanderesses ne le précisent pas. On peut toutefois déduire des différentes pièces produites par la défenderesse elle- même que les chiffres pertinents concernant les infirmiers/ères sont établis en même temps que ceux concernant les médecins.

Il convient dès lors de retenir, à titre de dies a quo, les dates de publication des statistiques. Il en résulte que la demande déposée le 18 juin 2014 auprès du Tribunal de céans portant sur les années 2009 à 2012 ne respecte en principe pas le délai légal d’une année.

e) Les demanderesses relèvent toutefois qu’elles ont fait notifier à la défenderesse un commandement de payer le 30 septembre 2011, s’agissant des années 2009 et 2010.

Elles font également état de leur lettre adressée à la défenderesse sous pli recommandé le 2 mai 2011, aux termes de laquelle elles lui réclamaient la restitution d’un montant de CHF 356'152.-, soit CHF 188'132.- pour 2009 (CHF 417'236.- - CHF 299'104.-) et CHF 168'020 pour 2010 (CHF 397'124.- - CHF 229'104.-).

Selon la défenderesse, le délai de péremption ne peut être sauvegardé par un acte préalable, par lequel l’assureur-maladie fait valoir sa créance, que dans l’hypothèse où il n’existe pas de procédure de conciliation obligatoire. Or, une telle procédure est bel et bien prévue par la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), de sorte qu'un simple acte préalable est insuffisant pour la sauvegarde du délai.

Il y a lieu de rappeler en effet que selon le TF, là où il n'existe pas de procédure de conciliation obligatoire et où par conséquent une demande doit être déposée directement devant un tribunal, le délai de péremption est sauvegardé par un acte préalable par lequel le créancier - assureur-maladie - fait valoir de manière appropriée sa créance de restitution des prestations contre le débiteur - fournisseur de prestations - (ATF 133 V 579).

Certes, selon les art. 41 et 45 LaLAMal, le tribunal ne peut-il entrer en matière avant que le cas ait été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention ou à une tentative de conciliation par le président du tribunal. Il n'en demeure pas moins que le tribunal est saisi par une requête (art. 45 al. 1 LaLAMal) et que les frais du tribunal sont à la charge des parties (art. 46 al. 1 LaLAMal). Ils sont également dus pour la procédure de conciliation, comme cela résulte de l'art. 46 al. 2 LaLAMal, selon lequel le tribunal fixe, dans le jugement ou dans le procès-verbal de conciliation, le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter.

Il sied ainsi de constater que, dans le canton de Genève, aucune tentative de conciliation extrajudiciaire n'est prévue, en dehors d'une convention conclue entre les parties. Par conséquent, conformément à la jurisprudence précitée, il est loisible à l'assureur-maladie de sauvegarder le délai de péremption par une simple missive par laquelle il fait valoir sa créance en restitution de l'indu contre le fournisseur de prestations de façon appropriée, c'est-à-dire d'une façon qui ne laisse pas le moindre doute quant à ses intentions (ATF 133 V 579 consid. 4.4 p. 586).

Le courrier du 2 mai 2011 et le commandement de payer du 30 septembre 2011 de Santésuisse mentionnent précisément les montants dus à titre de rétrocession. Cette missive ne laisse pas de doute sur les intentions de Santésuisse de demander la restitution de cette somme, de sorte qu'il doit être admis que le délai de péremption a été valablement sauvegardé.

f) En conclusion, la demande déposée le 18 juin 2014 l’a été en temps utile pour les années 2009, 2010 et 2013, mais pas pour les années 2011 et 2012.

4.        La défenderesse conteste à titre principal la qualité pour agir des demanderesses et requiert à titre subsidiaire qu’elles produisent leur identité et leurs coordonnées complètes.

a)    Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1; ATF non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46; cf. ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131; cf. ATF 126 III 59 consid. 1 et ATF 125 III 82 consid. 1a).

Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution des sommes reçues à tort, les assureurs dans le système du tiers payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs-maladie, représentés le cas échéant par leur fédération, peuvent introduire une action collective à l'encontre d'un fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu à titre de restitution des rétributions perçues sans droit. Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (arrêt K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19; ATF 127 V 281 consid. 5d). Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (ATF non publié 9C_260/2010 du 27 novembre 2011, consid. 4.7).

b)   En l’occurrence, l’action en justice est conduite par Santésuisse, représentant dix-sept caisses maladies agréées pour la Suisse. On ne saurait dès lors exiger de chaque assureur qu’il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que Santésuisse est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b.a). Il est vrai qu’en l’espèce, certaines des demanderesses avaient quitté Santésuisse au moment de la demande déposée auprès du Tribunal de céans le 18 juin 2014. Ce qui importe toutefois est qu’elles faisaient partie de Santésuisse durant les années en cause, soit de 2009 à 2013. Les demanderesses ont quoi qu’il en soit produit les procurations signées en faveur de Santésuisse par les assureurs mis en cause. La recevabilité doit être appréciée pour chaque caisse.

Chaque assureur doit avoir remboursé des factures de la défenderesse (K30/05 consid. 5.2. et 6.2.). Il est vrai que selon l’ATAS/1118/2012, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (ATFA non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4.c). Le contrôle de la légitimation active, par la production d'une seule facture, est une exigence minimale que l'on peut attendre des demanderesses, exigence qui n'est de loin pas insurmontable ou contraignante. Or, les demanderesses n’ont pas toutes été en mesure de produire pour chaque année au moins une facture.

Dans le cadre de l’instruction de la cause, les demanderesses ont produit des documents nommés « Datenpool » pour les années 2009 à 2013, lesquels décomposent les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour l’année en cause, tant pour les coûts directs. Ces documents permettent de savoir quelles assurances ont pris en charge des soins pour chacune des années concernées et quelles assurances ne l’ont pas fait. Aucun document du dossier ne permet de remettre en cause la valeur probante de ces documents. Dans le cas particulier, le Tribunal de céans admettra ainsi qu’il n’est pas nécessaire sauf à faire preuve de formalisme excessif que les demanderesses fournissent en plus une facture démontrant que chacune des demanderesses fournisse en plus une facture démontrant qu’elle est intervenue au moins une fois, ce d’autant plus que la défenderesse ne remet pas en cause les fondements des « Datenpool », que ce soit quant aux noms des caisses qui y sont mentionnées qu’aux chiffres y relatifs.

Partant, le Tribunal de céans admettra la qualité pour agir et la légitimation active des demanderesses mentionnées dans l’intitulé de la demande, celles-ci ayant produit une procuration et ayant remboursé des coûts directs selon les « Datenpool », à savoir,

pour l’année 2009, de :

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, SUPRA CAISSE MALADIE, CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE, KPT KRANKENKASSE AG, KOLPING KRANKENKASSE AG, MUTUEL ASSURANCES, INTRAS CAISSE MALADIE, SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG, UNIVERSA CAISSE-MALADIE ET ACCIDENTS, HELSANA VERSICHERUNG et SWICA KRANKENKASSE.

pour l’année 2010, de :

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, SUPRA CAISSE MALADIE, CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE, KPT KRANKENKASSE AG, MUTUEL ASSURANCES, INTRAS CAISSE MALADIE, SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG, UNIVERSA CAISSE-MALADIE ET ACCIDENTS, HELSANA VERSICHERUNG et SWICA KRANKENKASSE.

et pour l’année 2013, de :

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE, KPT KRANKENKASSE AG, MUTUEL ASSURANCES, INTRAS CAISSE MALADIE, SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG, ARCOSANA VERSICHERUNGEN AG, ASSURA-BASIS SA, SUPRA - 1846 SA, HELSANA VERSICHERUNG, SWICA KRANKENKASSE et VIVAO SYMPANY AG.

5.        Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort.

Il y a préalablement lieu de constater que le Tribunal fédéral a rendu de nombreux arrêts relatifs à des médecins, et très peu sur d’autres fournisseurs de prestations. Sa jurisprudence, fondée sur la même disposition légale, s’applique toutefois à tous les fournisseurs de prestations, et notamment aux infirmiers/ères (art. 35 al. 2 let. e LAMal). Le terme « médecin » évoqué dans la jurisprudence et les principes de doctrine qui seront développés ci-après vaut aussi également pour les infirmiers/ères indépendant(e)s.

Reste à préciser que l'obligation de restitution fondée sur l'art. 56 al. 2 LAMal ne peut englober que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui; ATF 137 V 43 consid. 2.5.1 - 2.5.5). L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution ne modifie en rien la pratique selon laquelle l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire sur la base d'une vision d'ensemble (au sens de l'ATF 133 V 37). En effet, une part plus importante que la moyenne de prestations directement délivrées par le médecin par rapport aux prestations déléguées peut s'expliquer par une pratique médicale spécifique pouvant justifier des surcoûts (ATF 137 V 43 consid. 2.5.6).

6.        a) Pour établir l’existence d’une polypragmasie (Überarztung), le Tribunal fédéral admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.1; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1; ATF 119 V 448 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d’examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (ATFA non publié du 9 octobre 2006, consid. 4.1; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1).

b) La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (ATFA K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé. Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse-maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b et les références).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1 et les références; SVR 1995 KV p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (ATF non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 4.3).

c) Le Tribunal fédéral a réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (cf. par exemple ATF non publiés 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 et 9C_649/2007 du 23 mai 2008; ATFA non publiés K 130/06 du 16 juillet 2007, K 46/04 du 25 janvier 2006, K 93/02 du 26 juin 2003 et K 108/01 du 15 juillet 2003) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, cf. notamment ATFA non publiés K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.3 et K 9/99 du 29 juin 2001, consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3; V. JUNOD, op. cit., p. 140 ss). On rappellera encore que la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2).

Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé: une clientèle composée d’un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d’un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (ATFA non publié K 152/98 du 18 octobre 1999) ou le fait que le médecin s’est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l’ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt non publié A. du 30 juillet 2001, K 50/00, résumé dans PJA 2005 p. 1099). D’une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance détermine au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). D’autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques de la CAMS (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b).

d) Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). A cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par Santésuisse ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par Santésuisse le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné ("données du pool de données SANTÉSUISSE").

e) Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (JUNOD, op. cit., p. 137). Lorsque le tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s).

Le tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 6 et 7; ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007, consid. 5 ; (ATF C_282/13) ; V. JUNOD, op. cit., p. 138).

f) Enfin, le Tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal).

7.        En l’espèce, les demanderesses se sont fondées sur un tableau portant sur les années 2009 à 2013 et présentant le chiffre d’affaires réalisé par les infirmiers/ères exerçant leur activité à titre indépendant dans le canton de Genève pour en conclure qu’il y avait en l’espèce polypragmasie.

La défenderesse conteste l’utilisation de ces chiffres, dans la mesure où ceux-ci ne tiennent pas compte des particularités de son activité et parce qu’elle n’a aucun moyen de les remettre en cause ou simplement de les vérifier. Elle sollicite dès lors du Tribunal de céans qu’il confie à un collège d’experts, composé d’une infirmière de soins à domicile spécialisée dans le grand âge, d’un statisticien et d’un expert comptable, la mission d’analyser les statistiques de Santésuisse en substance.

Il y a lieu de constater que la défenderesse n’explique pas davantage pour quelle raison le recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d’établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un/e infirmier/ère indépendant/e ne serait pas adéquat.

Il convient à cet égard de relever que les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits, en vertu de l’art. 22 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10). L’autorité peut aussi inviter les parties à la renseigner, notamment à se prononcer sur les faits constatés ou allégués, selon l’art. 24 al. 1 LPA. La maxime d’office n’implique ainsi pas que l’autorité saisie doive établir seule les faits. L'instruction repose aussi sur la coopération des parties.

Selon la jurisprudence, le médecin faisant l'objet d'une procédure en remboursement en raison d'une polypragmasie, doit établir par des exemples concrets pourquoi une certaine catégorie de ses malades engendrerait un surcoût. Il ne suffit pas de l'affirmer, de requérir l'intervention d'un expert ou de produire une liste de patients. Il appartient au contraire au médecin de rendre vraisemblable que sa pratique diffère fondamentalement de celle des autres médecins composant son groupe (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_205/2008 du 9 décembre 2008 consid. 4.6.2 et 4.7.3).

Une fois que les assureurs ont établi un coût moyen par patient excédant de 30% celui du groupe de référence, le fournisseur de prestations a la possibilité de faire valoir que sa pratique professionnelle présente des particularités que les membres du groupe de référence n’ont pas. C’est au fournisseur de prestations qu’il revient d’apporter les preuves de ses allégations. Il ne lui suffit pas d’inviter le Tribunal cantonal à mandater un expert, il doit au contraire lui-même démontrer dans quelle mesure ces particularités débouchent sur des coûts supplémentaires.

Or, la collaboration de la défenderesse fait en l'occurrence défaut, dès lors qu'elle n'a fourni pas même un début de preuve de ses allégués. Elle n’apporte aucune donnée chiffrée concernant les particularités qu’elle fait valoir. Elle a en effet essentiellement soutenu qu’elle s’occupait de beaucoup de patients très âgés, mais n’avance aucun élément concret pour établir que les soins qu’elle leur a apportés sont particulièrement coûteux, si ce n’est qu’ils exigent certainement un nombre d’heures de travail plus élevé. Elle explique à cet égard qu’elle travaille de 7h. à 21h. avec une pause d’une demi-heure, six jours par semaine en moyenne et qu’elle se rend en cas de besoin également la nuit et le dimanche au chevet de ses patients.

S’agissant de la collaboration que l’on est en droit d’attendre du fournisseur de prestations dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins enfin, il y a également lieu de rappeler qu’il n’a pas été possible d’obtenir de la défenderesse qu’elle produise copie de ses factures. Un délai lui avait pourtant été accordé pour ce faire à l’issue de l’audience du 19 août 2014. Lors de la deuxième audience, qui s’est tenue le 17 octobre 2014, elle a précisé qu’elle conservait certes les relevés de prestations, mais seulement durant une année. Elle n’a toutefois pas jugé utile de transmettre au Tribunal de céans les relevés dont elle disposait encore.

Le Tribunal de céans ne saurait dans ces conditions retenir les déclarations de la défenderesse comme étant crédibles.

La collaboration des parties étant exigible et celle de la défenderesse faisant en l'occurrence totalement défaut, il ne peut être considéré qu'il y a renversement du fardeau de la preuve.

Ainsi, dans la mesure où il n'a pas été établi concrètement, ni même rendu vraisemblable, que le moyen de preuve produit par les demanderesses serait entaché de défauts tels qu'un contrôle indépendant se justifie, le Tribunal de céans ne peut que rejeter la demande de la défenderesse relative à la mise en œuvre d'une expertise. On rappellera que lorsque les preuves administrées lui permettent de se forger une conviction et que, procédant d'une façon non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, l'autorité a la certitude que ces dernières ne pourraient plus l'amener à modifier son opinion, elle peut mettre un terme à l'instruction sans violer le droit d'être entendu du justiciable (ATF 136 I 229 consid. 5.3; ATF 134 I 140 consid. 5.3).

Partant, le Tribunal de céans n’entrera pas en matière sur la requête de la défenderesse d'ordonner une expertise analytique.

8.        Il examinera toutefois si les conditions d’application de la méthode statistique sont réunies.

Il y a lieu de rappeler que, selon le Tribunal fédéral a reconnu que lorsque la méthode statistique est appliquée pour établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné, celui-ci doit, en raison de la garantie du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), avoir la possibilité de prendre connaissance non seulement de ses propres données traitées par Santésuisse, mais également de certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par Santésuisse le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données Santésuisse ») (ATF 136 V 415 consid. 6.3.3 et 6.3.3 p. 418 ; arrêt 9C_732/210 du 7 avril 2011 ; 9C_282/2013 du 31 août 2013).

Seule la connaissance du nom des médecins composant le groupe de référence permet effectivement de vérifier si des praticiens particuliers figurent dans la liste alors qu’ils appartiennent à un autre groupe ou si d’autres praticiens ne figurent pas dans la liste alors qu’ils devraient s’y trouver. Seule la connaissance, sous forme anonymisée, de la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir la connaissance des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données Santésuisse »), permet au praticien contrôlé de se situer concrètement par rapport à ses confrères et d’être mieux à même de produire une défense ciblée et pertinente (9C_968/09).

Si une telle liste fait défaut, le médecin en cause n’est plus en mesure de procéder à de telles vérifications, de sorte que le moyen de preuve que constitue le recours à la méthode statistique a été recueilli en violation du droit d’être entendu de l’intéressé.

En l’espèce, les demanderesses ont produit, le 3 novembre 2015, la liste des 117 infirmières du canton de Genève dont les prestations ont été remboursées par l’assurance obligatoire des soins de 2009 à 2013. Les infirmières y apparaissent de façon anonyme.

Sur demande du Tribunal de céans, les demanderesses ont communiqué une liste nominative le 23 mai 2016.

La défenderesse considère à cet égard que cette liste ne permet pas d’associer les chiffres correspondant pour les années en cause et ne donne pas le taux d’activité des infirmiers/ères.

Le Tribunal de céans relève toutefois que les noms indiqués auraient dû suffire à la défenderesse pour vérifier s’ils correspondaient bien à des personnes pratiquant la même profession qu’elle dans des conditions analogues.

Aussi y a-t’il lieu de conclure que la défenderesse était alors en mesure de se situer concrètement par rapport à ses confrères et d’exercer son droit d’être entendu.

Les conditions de validité au recours à la méthode statistiques sont, partant, réalisées (9C_282/2013 du 31 août 2013).

9.        Lorsqu’on applique la méthode statistique, le fournisseur de prestations doit être comparé avec d’autres fournisseurs présentant des caractéristiques similaires et pratiquant dans le même canton. Pour les médecins, par exemple, seule la spécialité acquise au terme d’une formation universitaire reconnue par la FMH est admise. Le niveau d’expertise de la formation continue ou la connaissance de langues ne sont pas pris en considération. Ils le sont au cas où ils amènent le fournisseur de prestations à traiter une clientèle sensiblement différente de celle de ses collègues à titre de particularité de sa pratique (cf K 108/01 consid. 11.1). Enfin, le groupe de comparaison doit comporter au minimum dix fournisseurs de prestations (V. JUNOD, op. cit., ch. 2.5.3). Le taux d’activité est également pris en compte.

10.    En l’espèce, les infirmiers/ères auxquelles a été comparée la défenderesse, et dont la liste nominative a été versée au dossier, sont titulaires du même type de diplôme, étant rappelé qu’il n’y a pas lieu de tenir compte à ce stade d’une éventuelle formation continue (K148/04 consid. 5.2. ; K 108/01 consid. 11.1), et exercent dans le canton de Genève. Elles sont au nombre de 117, soit un nombre largement suffisant pour établir une comparaison.

On ignore en revanche le taux d’activité de ces infirmiers/ères. Un correctif doit dès lors être apporté, consistant à retirer du groupe de contrôle les cas dans lesquels l’exercice d’une activité partielle est plus vraisemblable (V. JUNOD, op. cit., ch. 2.5.3). Il suffit en l’espèce de ne prendre en considération que les infirmiers/ères ayant facturé les plus hauts montants, (ou plus de CHF 100'000.-) et de déterminer s’il en reste un nombre suffisant.

Pour 2009, il s’agit des infirmiers/ères portant les numéros 112, 113, 114, 115, 116 et 117, pour les montants respectifs de CHF 106'152.-, CHF 108'022.-, CHF 109'272.-, CHF 115'139.-, CHF 119'959.- et CHF 206'335.-

Pour 2010, il s’agit des infirmiers/ères portant les numéros 111, 113, 114, 115 et 117, pour les montants respectifs de CHF 100'438.-, CHF 117'300.-, CHF 105'792.-, CHF 105'421.- et CHF 166'242.-.

Pour 2013, il s’agit des infirmiers/ères portant les numéros 14 et 99, pour les montants respectifs de CHF 141'080.- et CHF 151'428.-.

Il y en a ainsi 6 en 2009, 5 en 2010 et 2 en 2013, ce qui représente un nombre nécessairement plus restreint - peu d’infirmiers/ères exerçant une activité indépendante à plein temps -, mais qui reste significatif, et que le Tribunal de céans considère comme étant suffisant vu le critère retenu (plus de CHF 100'000.-), pour disposer d’une base de comparaison pertinente.

11.    Le Tribunal fédéral exige qu’une marge de tolérance de 20% à 30% soit appliquée (K 44/94, K 9/99, K 148/04 consid. 3.3.1., K 142/05, K 30/05 consid. 5.5.3.), afin de tenir compte des particularités et différences entre cabinets médicaux et des imperfections de la méthode statistique « neutralisant certaines variations statistiques » (K 113/03 consid. 6.2., K 134/99 consid. 6.d.) ; elle protège également la liberté thérapeutique du médecin (ATF 103 5 145 consid. 6). Le Tribunal fédéral s’est montré réticent à admettre des marges supérieures à 30%, à moins que l’instance inférieure n’ait dûment motivé son choix, par exemple en raison du caractère hétérogène du groupe de comparaison (K 113/03 consid. 6.2., K 148/04 consid. 5.4. ; V. JUNOD, op.cit.). Le Tribunal cantonal dispose toutefois d’une certaine latitude puisqu’il peut retenir n’importe quel pourcentage entre 20% et 30% (K 150/03 consid. 6.2, K 9/99 consid. 6b ; V. JUNOD, op. cit., p. 147).

En l’espèce, le Tribunal de céans est d’avis qu’il se justifie d’appliquer une marge de tolérance de 30% afin de tenir compte des particularités de l’activité de la défenderesse. Cette marge, ajoutée à la moyenne des revenus du groupe de référence restreint sur la base du critère retenu au considérant 10 ci-dessus, donne CHF 165'722.70 pour 2009, CHF 154'749.40 pour 2010 et CHF 190'130.20 pour 2013. Ces montants sont à comparer aux revenus réalisés par la défenderesse durant ces trois années, ce qui permet d’établir le tableau suivant :

 

Revenus défenderesse

Moyenne des revenus du groupe de référence restreint + marge de tolérance de 30%

Différence

2009

CHF 417'236.-

CHF 165'722.70

(CHF 127'479.- + CHF 38'243.70)

CHF 251'513.30

2010

CHF 397'124.-

CHF 154'749.40

(CHF 119'038.- + CHF 35'711.40)

CHF 242'374.60

2013

CHF 326'754.-

CHF 190'130.20

(CHF 146'254.- + CHF 43'876.20)

CHF 136'623.80

Force est de constater qu’en l’espèce, les revenus réalisés par la défenderesse sont sensiblement plus élevés que ceux du groupe de référence restreint.

12.    a) Il s’agit à ce stade d’examiner si des éventuelles caractéristiques des soins dispensés par la défenderesse sont si spéciales par rapport au groupe de comparaison qu’elles justifient un volume d’honoraires plus important, et, partant, une marge supplémentaire (cf. V. JUNOD, op. cit., p. 149 et ss).

b) Il appartient au fournisseur de prestations d’amener les éléments de fait susceptibles d’entrer dans le catalogue des particularités admises par le TF (K 83/05 consid. 7, K 142/05 consi. 8.2.2., K 113/03 consid. 7.2., K 9/00 consid. 6.3.). Il ne lui suffit pas d’inviter le Tribunal cantonal à mandater un expert pour établir ces particularités. Au contraire, il doit démontrer dans quelle mesure (si possible chiffrées) ces particularités débouchent sur des coûts supplémentaires (K 107/01 consid. 7.3. et K 113/03 ; V. JUNOD, op. cit.).

Globalement, il apparaît que la jurisprudence du TF évolue vers plus de sévérité, les motifs justificatifs avancés par le praticien étant appréciés de manière de plus en plus stricte.

c) La défenderesse allègue être titulaire d’un diplôme rwandais reconnu par la Croix-Rouge Suisse d’infirmière hospitalière et accoucheuse et de deux diplômes genevois en santé publique et en soins palliatifs. Elle a par ailleurs suivi une formation continue en psychogériatrie, en traitement du diabète, de la maladie de Parkinson et d’Alzheimer, et en soins des plaies. Elle est spécialisée dans les soins et le maintien à domicile de personnes âgées entre 90 et 100 ans.

On ne sait pas si le groupe de comparaison comprend ou non des infirmiers/ères au bénéfice de telles formations supplémentaires, qui prennent en charge une catégorie de patients nécessitant des soins particuliers s’écartant de ceux prodigués en règle générale par les infirmiers/ères, ce qui permettrait, partant, une facturation plus élevée.

Il y a toutefois lieu de constater que la défenderesse n’indique pas concrètement en quoi sa situation diffèrerait de ce fait de celle du groupe de comparaison. Elle se borne à affirmer qu’elle travaille davantage d’heures. Elle n’allègue pas que les formations supplémentaires dont elle bénéficie justifieraient plus particulièrement qu’elle ait des revenus plus élevés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 148/04 du 2 décembre 2005 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_205/2008).

Il résulte des factures versées au dossier par l’OFAC qu’en effet, elle travaille tous les jours de la semaine, dimanches et jours fériés y compris, ainsi que la nuit vraisemblablement, vu le nombre d’heures travaillé quotidiennement relevé. Cela étant, on reste perplexe devant ce nombre d’heures, même si l’on n’obtient pas le total calculé par les demanderesses. Il y a à cet égard lieu de constater que le nombre d’heures indiqué sur les factures ne peut pas correspondre au nombre d’heures travaillées. Il ne suffit ainsi pas d’additionner le nombre de minutes par jour pour obtenir le nombre d’heures travaillées, puisque, par exemple, ce nombre de minutes est automatiquement multiplié par deux lorsqu’il s’agit d’un dimanche ou jour férié. Quoi qu’il en soit, les demanderesses admettent avoir calculé, à tort, les suppléments pour jours fériés qui ne sont plus applicables depuis le 1er novembre 2011 (art. 7 al. 1 let a OPAS). Il n’en reste pas moins que, même si l’on tient compte du rectificatif à apporter, le résultat obtenu reste d’une façon générale, très largement au-dessus du nombre d’heures qu’il est possible d’imaginer qu’une personne puisse accomplir, sur un long terme qui plus est.

Les demanderesses ont à cet égard relevé pour le mois de mai 2013 un total de 450.28 heures et plus particulièrement, 20.33 heures le 1er mai, 21 heures le 3 mai et 20 heures le 27 mai. Le Tribunal de céans s’est livré au même exercice pour d’autres mois et a ainsi notamment constaté que la défenderesse avait facturé, pour le mois de décembre 2012, un total de 245h20, et neuf jours – sur les 31 tous travaillés (y compris les week-ends) – de plus de dix heures, ce qui donne une moyenne de 14,27 heures par jour. Elle a également déclaré avoir travaillé 21h50 le 2 janvier 2013 et 20 heures le 21.

c) La défenderesse fait également valoir que les patients dont elle s’occupe sont âgés de plus de 80 ans, souvent entre 90 et 100 ans, nécessitent des soins lourds et continus, mais peuvent, grâce à elle, être maintenus au domicile. Elle souligne que « les patients qui bénéficient des soins de la défenderesse apprécient tout particulièrement sa disponibilité à toute heure du jour ou de la nuit, ainsi que le fait qu’elle les suit personnellement, sans recourir à des aides infirmières. Cette pratique totalement dévoués à sa patientèle implique à l’évidence de ne pas compter ses heures de travail, la journée s’arrêtant uniquement lorsque tous les soins auront été dispensés ».

Selon le Tribunal fédéral, le fait que la moyenne d’âge des patients du médecin mis en cause soit sensiblement plus élevée que celle du panier de référence est de nature à entraîner des coûts plus élevés. Depuis 2004, ce facteur est cependant automatiquement incorporé dans le calcul soumis par les caisses-maladies. La même observation vaut pour une clientèle composée d’une part prépondérante de femmes. Aussi y a-t-il lieu de considérer que le fait que l’on ignore quel âge ont les patients des infirmiers/ères du tableau importe peu.

Le Tribunal fédéral a également relevé qu’une clientèle qui doit recevoir des conseils diététiques et nutritionnels, notamment pour contrôler une obésité ou un diabète, peut légitimement entraîner des coûts supérieurs. En revanche, le simple fait que la clientèle compte de nombreux patients diabétiques ne saurait suffire. La preuve chiffrée est de nouveau importante. Or, la défenderesse n’indique pas si, et le cas échéant, combien de ses patients sont, par exemple, diabétiques.

Il convient en l’espèce d'examiner si des particularités dans la pratique de la défenderesse justifieraient un coût moyen plus élevé.

La défenderesse n'a produit aucun élément concret susceptible de chiffrer ses allégations. A cet égard, les factures de l’OFAC ne le permettent pas. Même s’il n’est pas question de mettre en doute le dévouement de la défenderesse à l’égard de ses patients, et si l’on peut admettre que ceux-ci réclament que davantage de temps leur soit consacré, il n’en reste pas moins, quoi qu’il en soit, que, comme le Tribunal de céans l’a déjà relevé, le nombre d’heures travaillées résultant des factures ne peut qu’avoir été exagéré.

13.    Par ailleurs, comme l'a rappelé le Tribunal fédéral à l'ATF 137 V 43, il convient encore d'examiner la question de l'économicité, sur la base d'une vision globale de la pratique de la défenderesse, soit au regard de l'ensemble des coûts directs et indirects.

La défenderesse allègue à cet égard qu’elle conteste le reproche qui lui est fait par les demanderesses selon lesquelles elle viole le principe du caractère économique des prestations, puisqu’elle limite au contraire au maximum les frais de déplacement en ayant toute sa patientèle regroupée en une région géographique donnée, dispose d’une organisation solide et bien rodée, notamment d’un parcours minimisant la perte de temps, a tout son matériel de soins directement dans le coffre de son véhicule, sollicite systématiquement la délivrance de médicaments génériques, si possible en gros emballages, assure un suivi pointilleux de la consommation médicamenteuse de ses patients, réduisant ainsi le gaspillage, enfin conseille systématiquement la famille sur la prise en charge qu’elle peut assurer elle-même du patient.

En l'occurrence, on ne saurait retenir que la pratique de la défenderesse serait conforme au principe d'économicité, dans la mesure où les importants coûts directs, au vu de ses revenus, ne pourraient vraisemblablement, au degré requis par la jurisprudence, être induits par la pratique dont elle se prévaut. On ne voit par ailleurs pas que n’importe quel infirmier/ère ne prendrait pas soin de s’organiser le mieux possible, et de s’efforcer de réduire le gaspillage.

Il en découle que la défenderesse ne justifie en aucune manière les raisons pour lesquelles ses coûts indirects seraient largement supérieurs à la moyenne par rapport aux infirmiers/ères exerçant leur activité à titre indépendant à Genève, et qui auraient pour effet que l'on doive tenir compte d'une marge de tolérance allant au-delà de 30%.

Partant, le Tribunal de céans estime qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de la marge de tolérance appliquée de 30% au vu des spécificités de l’activité exercée par la défenderesse.

14.    a) En l’espèce, les demanderesses ont fixé le revenu annuel maximum que pouvait réaliser la défenderesse à CHF 229'104.- pour 2009 et 2010 et à CHF 229'884.- dès 2011. Elles n’ont pas calculé le coût moyen par patient. Elles ont retenu 48 semaines par année x 60 h. par semaine. Elles ont ce faisant procédé à un calcul d’emblée plutôt favorable à la défenderesse, dans la mesure où elles n’ont pris en considération que quatre semaines de vacances par année en tout, sans même ajouter quoi que ce soit pour le temps consacré à la formation continue, par exemple, et un nombre d’heures hebdomadaire relativement élevé.

Or, la moyenne des revenus du groupe de référence restreint, marge de tolérance de 30% comprise, telle que calculée par le Tribunal de céans, est respectivement, pour chacune des années 2009, 2010 et 2013, de CHF 165'722.70, CHF 154'749.40 et CHF 190'130.20, soit des montants inférieurs à ceux sur lesquels se sont fondés les demanderesses pour évaluer leurs prétentions. Il convient donc d'examiner si le Tribunal de céans peut statuer ultra petita.

b) Selon l'art. 89 al. 5 LAMal, les cantons fixent la procédure devant le Tribunal arbitral qui doit être simple et rapide. Ce dernier établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige et administre les preuves nécessaires et les apprécie librement. Cette délégation de compétence a été concrétisée, à Genève, à l'art. 45 al. 1 LaLAMal (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 1998), à teneur duquel le Tribunal arbitral doit être saisi par une requête adressée au greffe. Pour le surplus, les règles générales de procédure de la LPA s’appliquent, notamment en ce qui concerne la récusation des membres du tribunal et l’établissement des faits (art. 45 al. 4 LaLAMal). Jusqu'au 31 décembre 1997, la compétence du Tribunal arbitral était régie par une loi spéciale, à savoir la loi concernant le tribunal arbitral prévu par l'article 25 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie et par l'article 57 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents (RSG aJ 3 10). L'art. 7 al. 3 de cette loi prévoyait que le tribunal arbitral respecte les principes généraux du droit de procédure.

En l'espèce, la demande des assureurs est une action de droit administratif. En effet, elle oppose deux parties placées procéduralement sur un pied d'égalité et a pour objet l'existence ou l'étendue de droits ou d'obligations fondées sur le droit public dont l'une d'elles prétend être titulaire contre l'autre. L'action de droit administratif s'apparente à un procès civil ordinaire puisque le juge est saisi en première instance d'une contestation qui n'a pas fait l'objet d'une décision préalable (BOVAY, procédure administrative, p. 442). La reformation in pejus vel in melius est généralement prohibée en procédure d'action (BOVAY, op. cit., p. 452). Les règles de procédure propres à l'action sont relativement rares en droit cantonal (BOVAY, op. cit., p. 447). A Genève, la procédure administrative ne traite pas spécifiquement de l'action de droit administratif, sauf à l'art. 132 al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ - RSG E 2 05), à teneur duquel la Chambre administrative de la Cour de justice connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision au sens de l’alinéa 2 et qui découlent d’un contrat de droit public. Les dispositions de la LPA en matière de recours s’appliquent par analogie à ces actions.

Eu égard à la systématique de LPA, les règles générales de procédure sont consacrées au Titre II ("Règles générales de procédure") de la loi, alors que les conditions relatives à la procédure de recours sont prévues au Titre IV de la LPA ("Procédure de recours en général") et au Titre IVA ("Procédures devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice"). Aussi, le texte de l'art. 45 al. 4 LaLAMal ne permet pas de savoir s'il convient d'appliquer, par analogie, les règles relatives à la procédure générale de recours ou celles applicables devant la Chambre des assurances sociales. Les travaux préparatoires sont également muets à ce sujet (Mémorial du Grand Conseil [MGC] 1996 25/IV 3564; MGC 1966 31/IV 3349-3354 et 34/IV 3592-3598). Or, l'étendue du pouvoir d'examen n'est pas la même dans ces deux situations. En procédure générale de recours, l'autorité judiciaire est liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA). Elle ne saurait donc allouer au demandeur plus ou autre chose que ce qu'il a demandé, ni moins que ce que le défendeur a reconnu lui devoir. Alors qu'en matière d'assurances sociales, la Cour de justice peut réformer au détriment du recourant la décision attaquée ou accorder plus que le recourant n'avait demandé (art. 89E LPA; cf. également art. 61 let. d LPGA).

Pour interpréter une loi, il faut en premier lieu se fonder sur la lettre de la disposition en cause (interprétation littérale). Si le texte de celle-ci n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de son texte sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 131 V 90 consid. 4.1 ; voir aussi ATF 130 II 71 consid. 4.2, 129 V 165 consid. 3.5).

Au vu de ce qui précède, force est de constater que le texte de la loi et la volonté du législateur ne permettent pas de répondre à la question de savoir si la procédure applicable devant le Tribunal de céans est régie par la procédure générale de recours appliquée par analogie à la procédure d'action, ou celle relevant de la Chambre des assurances sociales. On peut toutefois exclure l'application de l'art. 89E LPA et de l'art. 61 let. d LPGA par analogie, dans la mesure où la LAMal prévoit expressément la non-application de la LPGA pour la procédure devant le Tribunal arbitral (art. 1 al. 2 let. e LAMal; cf. dans ce sens ATFA non publié 9C_371/2012 du 26 octobre 2012, consid. 5.2.2) et dans la mesure où le législateur genevois n'y a pas prévu de dérogation expresse. Il convient plutôt de considérer que la volonté du législateur était de soumettre la procédure aux règles générales de recours. Aussi, vu l'art. 69 al. 1 LPA et 132 al. 3 LOJ par analogie, vu en général la prohibition de la reformation in pejus vel in melius en procédure d'action, le Tribunal de céans retiendra donc qu'il ne peut pas statuer ultra petita.

c) Partant, il ne sera pas statué au-delà des conclusions des demanderesses, de sorte que la demande sera admise, sur la base de la différence entre le revenu réalisé par la défenderesse et les montants de CHF 229'104.- pour 2009 et 2010, et de CHF 229'824.- pour 2013, soit

pour 2009 : CHF 188'132.- (CHF 417'236 – CHF 229'104)

pour 2010 : CHF 168'020.- (CHF 397'124 – CHF 229'104)

pour 2013 : CHF 96'930.- (CHF 326'754 – CHF 229'824)

d) Il y a dès lors lieu de conclure que les demanderesses sont en droit de réclamer à la défenderesse la restitution de ces montants.

15.    Enfin, les demanderesses ont conclu dans leurs écritures du 3 juillet 2015, à ce que la défenderesse soit frappée d’une exclusion définitive de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins en cas de récidive.

Aux termes de l’art. 59 LAMal, « les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations qui sont prévues dans la loi (art. 56 et 58) ou dans un contrat font l'objet de sanctions ». Selon le TFA, l’exclusion consacre la rupture du lien de confiance, lequel doit nécessairement exister entre les caisses et le médecin pratiquent à charge de la LAMal. Lorsque le médecin trahit par son comportement son mépris des principes d’économicité, la poursuite des rapports avec les assureurs-maladie ne peut plus être exigée (K 45/04 ; ATF 120 V 481 ; ATF 106 V 40).

Le médecin doit être conscient qu’il risque l’exclusion s’il est à nouveau établi que sa pratique a été polypragmasique ; un avertissement formel n’est toutefois pas nécessaire. La sanction de l’exclusion se veut sanction ultime. Dans un arrêt du 25 janvier 2006 (K 45/04), le TFA a confirmé une exclusion de deux ans à l’encontre d’un médecin ayant fréquemment pratiqué de manière polypragmasique entre 1976 et 2001 et ayant fait l’objet d’une demi-douzaine d’arrêts.

Il en résulte de ce qui précède, qu’en l’espèce, une exclusion définitive (voire temporaire) ne saurait s’envisager en l’état. En revanche, quand bien même un avertissement formel n’est pas nécessaire, le Tribunal de céans tient à attirer l’attention de la défenderesse sur le risque d’une exclusion si elle ne procède pas à un changement sensible de sa pratique.

16.    La procédure devant le Tribunal arbitral n’est pas gratuite, conformément à l’art. 46 al. 1 LALAMal, les frais du Tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, frais d’expertise, port, émolument d’écritures), ainsi qu’un émolument global n’excédant pas CHF 15'000.-. Le Tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (cf. art. 46 al. 2 LALAMal).

17.    Les demanderesses, représentées par Santésuisse, obtiennent 78% de leurs conclusions, à savoir un montant de CHF 453'082.- (CHF 188'132.- + CHF 168'020.- + CHF 96'930.-), sur des conclusions totales de CHF 581'254.-. Eu égard au sort du litige, les frais du Tribunal, par CHF 12'947.25 (dont CHF 5'346.- de frais OFAC) sont mis à charge des parties, à raison de 22% (CHF 2'848.25) à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 78% (CHF 10'099.-) à la charge de la défenderesse.

18.    L’émolument, fixé à CHF 10'000.-, est également mis à la charge des parties, à raison de 22% (CHF 2’200.-) à la charge des demanderesses prises conjointement et solidairement, et de 78% (CHF 7’800.-) à la charge de la défenderesse.

19.    La défenderesse qui succombe sera également condamnée à verser aux demanderesses, prises conjointement, une indemnité de CHF 8'000.- à titre de participation à leurs frais et dépens.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

A la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement, en ce sens que la défenderesse est condamnée à restituer,

·      pour l’année 2009 à CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, SUPRA CAISSE MALADIE, CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE, KPT KRANKENKASSE AG, KOLPING KRANKENKASSE AG, MUTUEL ASSURANCES, INTRAS CAISSE MALADIE, SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG, UNIVERSA CAISSE-MALADIE ET ACCIDENTS, HELSANA VERSICHERUNG et SWICA KRANKENKASSE, prises conjointement et solidairement, la somme de CHF 188'132.-, en mains de SANTÉSUISSE, à charge pour elle de procéder à la répartition.

·      pour l’année 2010 à CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, SUPRA CAISSE MALADIE, CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE, KPT KRANKENKASSE AG, MUTUEL ASSURANCES, INTRAS CAISSE MALADIE, SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG, UNIVERSA CAISSE-MALADIE ET ACCIDENTS, HELSANA VERSICHERUNG et SWICA KRANKENKASSE, prises conjointement et solidairement, la somme de CHF 168'020.-, en mains de SANTÉSUISSE, à charge pour elle de procéder à la répartition.

·      pour l’année 2013 à CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, CONCORDIA KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE, KPT KRANKENKASSE AG, MUTUEL ASSURANCES, INTRAS CAISSE MALADIE, SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG, ARCOSANA VERSICHERUNGEN AG, ASSURA-BASIS SA, SUPRA - 1846 SA, HELSANA VERSICHERUNG, SWICA KRANKENKASSE et VIVAO SYMPANY AG, prises conjointement et solidairement, la somme de CHF 96'930.-, en mains de SANTÉSUISSE, à charge pour elle de procéder à la répartition.

3.        La rejette pour les années 2011 et 2012.

4.        Met les frais du Tribunal, par CHF 12'947.25 (dont CHF 5'346.- de frais OFAC) à charge des parties, à raison de 22% (CHF 2'848.25) à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 78% (CHF 10'099.-) à la charge de la défenderesse.

5.        Condamne la défenderesse à verser aux demanderesses, solidairement entre elles, une indemnité de CHF 8'000.- à titre de participation à leurs frais et dépens.

6.        L’émolument fixé à CHF 10'000.- est mis à la charge des parties, à raison de 22% (CHF 2’200.-) à la charge des demanderesses prises conjointement et solidairement, et de 78% (CHF 7’800.-) à la charge de la défenderesse.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le