Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2819/2006

ATAS/1118/2012 du 31.08.2012 ( ARBIT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2819/2006 ATAS/1118/2012

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

Chambre 7

du 31 août 2012

En la cause

AGRISANO KRANKENKASSE AG, sise Laurstrasse 10, 5200 Brugg

AQUILANA VERSICHERUNGEN, sise Bruggerstrasse 46, 5401 Baden

ASSURA - ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENT, sise avenue C.-F. Ramuz 70, 1009 Pully

ATUPRI CAISSE-MALADIE, sise Zieglerstrasse 29, 3000 Berne

AUXILIA ASSUREUR-MALADIE ET ACCIDENTS, 1941 Vollèges

AVANEX ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zürich

AVANTIS ASSUREUR MALADIE, c/o Groupe Mutuel, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

AVENIR ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

CAISSE-MALADIE 57, dont le successeur en droit est MOOVE SYMPANY SA, sise Jupiterstrasse 15, 3000 Berne

CMBB, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS, sise Bundesplatz 15, 6002 Lucerne

CSS KRANKENVERSICHERUNG, sise Tribschenstrasse 21, 6002 Lucerne

EASY SANA, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN, sise Brislachstrasse 2, 4242 Laufen

CAISSE-MALADIE EOS, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

CAISSE MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE, dont le successeur en droit est PHILOS, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

FONDATION NATURA ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

GALENOS ASSURANCE-MALADIE ET ACCIDENTS, sise Militärstrasse 36, 8021 Zurich

HELSANA ASSURANCES SA, sise 8081 Zurich

CAISSE-MALADIE HERMES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA, sise rue Blavignac 10, 1227 Carouge

 

KOLPING CAISSE MALADIE SA, sise Ringstrasse 16, 8600 Dübendorf

KPT/CPT ASSURANCES SA, sise Tellstrasse 18, 3001 Berne

LA CAISSE VAUDOISE ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENTS, sise rue Caroline 11, 1001 Lausanne

MUTUEL ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

OKK SUISSE SA, dont le successeur en droit est VIVAO SYMPANY SA, sise Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle

PHILOS CAISSE MALADIE-ACCIDENT, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

PANORAMA KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG, sise Widdergasse 1, 8001 Zurich

PROGRES ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zurich

PROVITA ASSURANCE SANTE SA, sise Brunngasse 4, 8401 Winterthur

SANATOP ASSURANCES SA, dont le successeur en droit est SUPRA CAISSE MALADIE, sise chemin de Primerose 35, 1003 Lausanne

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Jägergasse 3, 8021 Zurich

SANSAN ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zurich

SUPRA CAISSE MALADIE, sise chemin de Primerose 35, 1003 Lausanne

SWICA KRANKENVERSICHERUNG, sise Römerstrasse 38, 8401 Winterthur

CAISSE-MALADIE DE TROISTORRENTS, sise Auberge de la Bourgeoisie, 1872 Troistorrents

UNIVERSA, sise Rue du Nord 5, 1920 Martigny

WINCARE ASSURANCES, sise Konradstrasse 14, 8401 Winterthur

 

AQUILANA VERSICHERUNGEN, sise Bruggerstrasse 46, 5401 Baden

ASSURA - ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENT, sise avenue C.-F. Ramuz 70, 1009 Pully

ATUPRI CAISSE-MALADIE, sise Zieglerstrasse 29, 3000 Berne

AVANEX ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zürich

CAISSE-MALADIE 57, dont le successeur en droit est MOOVE SYMPANY SA, sise Jupiterstrasse 15, 3000 Berne

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS, sise Bundesplatz 15, 6002 Lucerne

KPT/CPT ASSURANCES SA, sise Tellstrasse 18, 3001 Berne

CSS KRANKENVERSICHERUNG, sise Tribschenstrasse 21, 6002 Lucerne

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN, sise Brislachstrasse 2, 4242 Laufen

MUTUEL ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

AVENIR ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

HERMES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

UNIVERSA, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

CMBB, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

LA CAISSE VAUDOISE ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENTS, sise rue Caroline 11, 1001 Lausanne

CAISSE MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE, dont le successeur en droit est PHILOS, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

CAISSE-MALADIE DE TROISTORRENTS, sise Auberge de la Bourgeoisie, 1872 Troistorrents

CAISSE-MALADIE EOS, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

AVANTIS ASSUREUR MALADIE, c/o Groupe Mutuel, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

FONDATION NATURA ASSURANCES CH, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

PANORAMA KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG, sise Widdergasse 1, 8001 Zurich

EASY SANA, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

PHILOS, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

HELSANA ASSURANCES SA, sise 8081 Zurich

INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA, sise rue Blavignac 10, 1227 Carouge

KOLPING CAISSE MALADIE SA, sise Ringstrasse 16, 8600 Dübendorf

OKK SUISSE SA, dont le successeur en droit est VIVAO SYMPANY SA, sise Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle

PROGRES ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zurich

PROVITA ASSURANCE SANTE SA, sise Brunngasse 4, 8401 Winterthur

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Jägergasse 3, 8021 Zurich

SANSAN ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zurich

SUPRA CAISSE MALADIE, sise chemin de Primerose 35, 1003 Lausanne

SWICA KRANKENVERSICHERUNG, sise Römerstrasse 38, 8401 Winterthur

WINCARE ASSURANCES, sise Konradstrasse 14, 8401 Winterthur

 

ASSURA - ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENT, sise avenue C.-F. Ramuz 70, 1009 Pully

AQUILANA VERSICHERUNGEN, sise Bruggerstrasse 46, 5401 Baden

AUXILIA ASSUREUR-MALADIE ET ACCIDENTS, 1941 Vollèges

AVENIR ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

CAISSE MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE, dont le successeur en droit est PHILOS, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

CMBB, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS, sise Bundesplatz 15, 6002 Lucerne

KPT/CPT ASSURANCES SA, sise Tellstrasse 18, 3001 Berne

CSS KRANKENVERSICHERUNG, sise Tribschenstrasse 21, 6002 Lucerne

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN, sise Brislachstrasse 2, 4242 Laufen

HELSANA ASSURANCES SA, sise 8081 Zurich

HERMES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA, sise rue Blavignac 10, 1227 Carouge

KOLPING CAISSE MALADIE SA, sise Ringstrasse 16, 8600 Dübendorf

LA CAISSE VAUDOISE ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENTS, sise rue Caroline 11, 1001 Lausanne

MUTUEL ASSURANCES, sise rue du Nord 5, 1920 Martigny

PHILOS, c/o Groupe MUTUEL, sis rue du Nord 5, 1920 Martigny

 

PROGRES ASSURANCES SA, c/o Groupe HELSANA, case postale, 8081 Zurich

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Jägergasse 3, 8021 Zurich

SUPRA CAISSE MALADIE, sise chemin de Primerose 35, 1003 Lausanne

SWICA KRANKENVERSICHERUNG, sise Römerstrasse 38, 8401 Winterthur

UNIVERSA, sise Rue du Nord 5, 1920 Martigny

OKK SUISSE SA, dont le successeur en droit est VIVAO SYMPANY SA, sise Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle

WINCARE ASSURANCES, sise Konradstrasse 14, 8401 Winterthur

 

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yves BONARD

Demanderesses du groupe I

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demanderesses du groupe II

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demanderesses du groupe III

 

contre

Docteur A___________, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Alec REYMOND

 

 

défendeur

 


EN FAIT

Monsieur A___________ (ci-après : le médecin ou le défendeur), spécialiste FMH en ophtalmologie et en ophtalmochirurgie, exploite un cabinet médical sis à Genève.

Par courrier du 16 décembre 2002, SANTÉSUISSE, intervenant pour le compte des caisses-maladie faisant partie de son organisation faîtière, a informé le médecin que ses honoraires pour les années statistiques 2000 et 2001 étaient nettement plus élevés que la moyenne de ses confrères ophtalmologues.

Les 6 janvier et 31 mai 2003, le médecin a fait savoir à SANTÉSUISSE que sa situation n'était pas comparable à celle des autres ophtalmologues, dès lors qu'il pratiquait essentiellement une activité chirurgicale et qu'il exerçait comme diagnosticien en milieu hospitalier ambulatoire. Les opérations étaient plus coûteuses que les consultations, ce qui expliquait, selon le médecin, la différence avec ses confrères de même spécialité. Considérant que sa pratique n'était pas excessive, il envisageait toutefois, pour contribuer à diminuer les coûts de la santé, de réduire les consultations inutiles et de limiter au strict nécessaire les investigations diagnostiques, ce dont SANTÉSUISSE a pris acte par courrier du 5 juin 2003.

Par pli du 16 août 2004, SANTÉSUISSE a informé le médecin que selon les statistiques-factureurs (ci-après: statistiques RSS) pour l'année 2003, son indice des coûts par malade était largement supérieur à la moyenne de son groupe de comparaison. Ainsi, il présentait un indice total des coûts directs (traitements et médicaments) de 241 et un indice des coûts totaux (directs et indirects) de 226. En 2000, ces indices étaient respectivement de 209 et 198, en 2001 de 234 et 218, et en 2002 de 234 et 219.

Le 3 octobre 2004, le médecin a indiqué que ses frais généraux étaient élevés (supérieurs à 300'000 fr.) et a rappelé les particularités de sa pratique, lesquelles auraient été reconnues par la Commission paritaire de l'Association des médecins du canton de Genève (AMG) et de SANTÉSUISSE (ci-après: la Commission paritaire).

Selon les statistiques RSS pour l'année 2004, datées du 28 juillet 2005, le médecin a présenté un indice total des coûts directs de 196, par rapport à la moyenne de 100 de ses confrères dans la même spécialité, et un indice des coûts totaux de 193.

Par courrier du 6 avril 2006, SANTÉSUISSE, représentée par son mandataire, a informé le médecin que pour l'année 2004, son indice de coûts par malade était supérieur à la moyenne de son groupe de comparaison, qu'il s'agisse du groupe des ophtalmologues (indice des coûts par malade sans les médicaments de 197) ou des ophtalmochirurgiens (indice des coûts par malade sans les médicaments de 171). Ce sous-groupe était composé des médecins suivants:

Dr B___________, Dr C___________, Dr D___________, Dresse E___________, Dr F___________, Dr F___________, Dr G___________, Dr G___________, Dr H___________, Dr I___________, Dresse J___________, Dr K___________, Dr L___________, Dr AB__________, Dr M___________, Dresse AK__________, Dresse AL__________, Dr AA__________, Dresse U__________, Dresse AG__________, Dr W__________, Dresse V__________, Dresse R___________, et Dr  S___________, tous ophtalmologues et ophtalmochirurgiens (selon les données du site internet de la Fédération des médecins suisses [FMH], disponibles sur www.doctorfmh.ch).

Dresse T___________, uniquement ophtalmologue (selon les données du site internet de la FMH).

Tenant compte de l'indice le plus favorable, à savoir celui des ophtalmochirurgiens, SANTÉSUISSE a considéré que la pratique du médecin, durant l'année 2004, était constitutive de polypragmasie, de sorte que les assureurs-maladie étaient sur le point de lui réclamer la restitution d’un montant de 221'720 fr. 30.

Par pli du 28 avril 2006, le médecin a contesté toute violation du principe d'économicité.

Le 28 juillet 2006, trente-huit caisses-maladie (ci-après: les demanderesses du groupe I), représentées par SANTÉSUISSE et le mandataire de cette organisation, ont saisi le Tribunal arbitral des assurances (ci-après: le Tribunal arbitral) d’une demande à l’encontre du médecin, concluant, sous suite de frais et dépens, au remboursement de la somme de 221'720 fr. en mains de SANTÉSUISSE, charge à elle de répartir ce montant entre les demanderesses (cause A/2819/2006).

Sur le fond, SANTÉSUISSE a considéré que la pratique du défendeur était constitutive de polypragmasie. Elle a exposé avoir créé un sous-groupe d'ophtalmologues opérateurs, afin de tenir compte des particularités de la pratique essentiellement chirurgicale du défendeur. Toutefois, même comparés à ce sous-groupe, les indices du défendeur étaient largement supérieurs à la marge de tolérance de 130, à savoir, de 2000 à 2004, des indices de coûts directs par malade de 176, 194, 191, 193 et 171. Or, rien ne permettrait d'expliquer de tels indices, selon SANTÉSUISSE, dans la mesure où les médecins composant ce sous-groupe avaient une pratique similaire. Pour le surplus, SANTÉSUISSE a contesté que le défendeur ait été entendu par la Commission paritaire.

Lors de l'audience de conciliation du 24 août 2006, le défendeur a contesté la compétence du Tribunal arbitral pour procéder à une tentative de conciliation, considérant que cette compétence appartenait à la Commission paritaire. Sur le fond, il a contesté les faits relatés par SANTÉSUISSE et la méthode de calcul utilisée, reprochant aux demanderesses de ne pas avoir tenu compte de ses spécificités.

Quant aux demanderesses, elles ont relevé que la Commission paritaire ne s'était plus réunie depuis 2005, raison pour laquelle le Tribunal arbitral était compétent pour procéder à une tentative de conciliation. Pour le surplus, elles ont désigné leur arbitre en la personne de Monsieur ABB__________.

Par pli du 11 septembre 2006, le défendeur a désigné son arbitre en la personne de Monsieur AAA__________.

Par mémoire de réponse du 20 octobre 2006, le défendeur a conclu, à la forme, à la l'absence de qualité pour agir des demanderesses du groupe I et à l'irrecevabilité de la demande. Sur le fond, il a conclu, préalablement, à la production de la liste des ophtalmochirurgiens composant le groupe de référence, à la production des chiffres permettant de mesurer les écarts statistiques du groupe de comparaison, à la mise en œuvre d'une expertise analytique des statistiques RSS et, principalement, à la constatation de la péremption de l'action, à l'absence de légitimation active des demanderesses et au rejet de l'action.

En premier lieu, le défendeur a invoqué la péremption de l'action. Selon lui, SANTÉSUISSE ne saurait jouer avec les délais en imprimant, à sa guise, les statistiques, alors qu'elle disposerait depuis des mois - en l'occurrence depuis le mois de mars 2005 selon le défendeur - de toutes les informations nécessaires. Vu la demande déposée au mois de juillet 2006, les prétentions des demanderesses seraient donc périmées. Ensuite, le défendeur a relevé que la qualité pour agir des caisses-demanderesses ne devrait être admise qu'à concurrence des montants qu'elles ont effectivement remboursés, les demanderesses ne pouvant faire valoir, en leur nom, les créances d'autres caisses-maladie. De surcroît, le défendeur a constaté que seules douze caisses ont produit une facture qui attesterait leur créance, de sorte que la majorité d'entre-elles n'a pas la qualité pour agir.

Sur le fond, le défendeur a relevé qu'au vu des questions techniques et complexes soulevées par les statistiques, il conviendrait de confier une expertise à un ophtalmologue, à un statisticien et à un expert-comptable. De son point de vue, les statistiques n'étaient pas établies selon un procédé neutre et impartial, ce d'autant plus que SANTÉSUISSE aurait refusé de signer la Charte de la statistique publique suisse. Par exemple, lorsque la facture était couverte par la franchise, elle n'était en principe pas transmise à l'assureur. Or, ces cas étaient susceptibles de faire baisser le coût moyen par patient. Par ailleurs, certaines caisses n'étaient pas représentées par SANTÉSUISSE. En outre, les statistiques ne tenaient pas compte de la gravité des cas ni des actes facturés sous une autre raison sociale que celle du médecin concerné (comme une opération en clinique), pas davantage qu'elles ne prenaient en considération les factures des personnes opérées à l'Hôpital cantonal de Genève (HUG). Enfin, la composition du groupe de comparaison serait absurde, SANTÉSUISSE ne connaissant ni ne déterminant la spécificité de chacun des médecins qui la compose.

Concernant sa pratique, le défendeur en a rappelé les particularités, à savoir qu'il exerçait tant la chirurgie du segment antérieur que postérieur. En outre, il pratiquait de nombreux examens, telles des angiographies, et était équipé d'une salle d'examens spécifiques et de deux postes de consultation dont un équipé pour l'orthopsie, la périmétrie informatisée, le Lotmar, le laser diode, le Laser Yag. De plus, il bénéficiait d'un accès direct aux équipements ophtalmologiques du Mémorial A. de ROTHSCHILD et de la Clinique ZZ__________ (SLO, GDX, rétinographe, 4 lasers). Ses spécificités seraient confirmées par ses statistiques CTESIAS (outil statistique basé sur l'ensemble des factures établies par un cabinet: cf. www.ctesias.ch). Ainsi, il serait le deuxième ophtalmochirurgien le plus spécialisé du canton de Genève, de sorte qu'il ne devrait être comparé qu'à des ophtalmologues ayant une pratique similaire à la sienne. Or, sur les vingt-six médecins composant le sous-groupe de comparaison, 11 % ne seraient pas porteurs d'un titre d'ophtalmochirurgien et 37 % d'entre eux n'opèreraient pas ou très peu. Par ailleurs, sur les 63 % pratiquant la chirurgie, seuls 12 %, dont lui-même, réaliseraient plus de 100 opérations par année et seuls 8 % d'entre eux opèreraient à la fois les segments antérieurs et postérieurs. En outre, ne figurait pas dans la liste le Dr N___________, dont la pratique serait toutefois similaire à la sienne. Enfin, cinquante-quatre ophtalmologues pratiqueraient à Genève, alors que seuls vingt-six figurent dans le groupe de comparaison de SANTÉSUISSE. Au vu de ce qui précède, le défendeur a estimé que l'échantillon de comparaison n'était pas fiable.

Enfin, si par impossible le Tribunal arbitral devait admettre la validité des statistiques RSS, le défendeur a considéré qu'il y aurait lieu de corriger les données de SANTÉSUISSE en tenant compte des particularités de sa pratique. Ainsi, en 2004, le défendeur a exposé avoir facturé un total de 814'807 fr. au tarif TARMED pour 1823 patients, correspondant à un coût par patient de 446 fr. 34 et non de 573 fr. 27 (selon les statistiques RSS), et donc un indice de 133 et non de 197.

Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 13 novembre 2006.

Hormis les arguments déjà soulevés dans son écriture du 20 octobre 2006, le défendeur a relevé que certaines des pièces produites par SANTÉSUISSE concernaient des factures relatives à l'assurance complémentaire, et que d'autres, établies en 2003, ont été comptabilisées dans les statistiques 2004. Or, le coût des prestations de chirurgie ambulatoire a considérablement été abaissé lors de l'introduction du TARMED, en 2004, raison pour laquelle il a effectué plus d'interventions à la fin de l'année 2003. Aussi, le coût par cas aurait été augmenté de manière injustifiée. Le défendeur a exposé que très peu de ses confrères ont le même volume d'interventions que lui ou les mêmes spécificités, à savoir les Drs L___________, M___________, N___________, Q___________ et H___________. Les Drs S___________ et C___________ opèreraient moins que lui, mais pratiqueraient également des angiographies et des traitements par laser. Parmi ses patients, beaucoup lui sont adressés par des confères pour effectuer des actes et des examens spécifiques tarifiés plus chers par le TARMED. Quant à la moyenne d'âge de ses patients, elle serait de 58 ans. Si elle était inférieure à celle de ses confrères, c'était en raison du fait que sa patientèle était également composée d'enfants. Le défendeur a encore précisé qu'il ne pratiquait aucune intervention de chirurgie ambulatoire à son cabinet. Jusqu'en 2004, les opérations de cataractes pratiquées en clinique étaient facturées sous son code créancier (code RCC). Depuis l'introduction du TARMED en 2004, les interventions étaient facturées par les cliniques qui lui rétrocédaient la part de ses prestations médicales.

Quant à SANTÉSUISSE, elle a déclaré que les statistiques 2004 concernaient tous les coûts remboursés par les caisses-maladie relatifs à l'assurance obligatoire des soins (AOS) du 1er janvier au 31 décembre 2004. En aucun cas elles ne contenaient des coûts à charge des assurances complémentaires. Eu égard aux pièces produites, il était toutefois possible que certaines erreurs, qu'elle s'engageait à corriger, se soient produites. Par ailleurs, SANTÉSUISSE a relevé qu'elle ignorait quels étaient les accords entre les ophtalmochirurgiens et les cliniques privées. Selon elle, des directives ont été données aux caisses sur la façon de saisir les données. Enfin, SANTÉSUISSE était disposée à modifier la liste de comparaison, en supprimant les médecins qui n'opéraient pas, et à produire la liste des statistiques anonymisées pour l'année 2004.

Par réplique du 23 janvier 2007, les demanderesses du groupe I ont persisté dans leurs conclusions. SANTÉSUISSE a relevé que la problématique relative à la production d'une seule facture était une exigence jurisprudentielle afin de démontrer la qualité pour agir d'une demanderesse, et n'avait pas pour but d'établir exactement le montant de ses prestations. Aussi, le montant de la facture produite est sans relation avec le montant des conclusions. Cela étant, SANTÉSUISSE a admis que la facture produite par le GROUPE MUTUEL (pièce n° 67 du chargé du 26 juillet 2006, demanderesses du groupe I) concernait l'assurance privée et non l'AOS, s'engageant à déposer une facture ultérieurement. Quant au fait que les factures produites ne permettraient pas d'identifier le patient traité, SANTÉSUISSE a relevé que chacune des factures comportait le nom du défendeur et sa date d'émission, de sorte qu'il s'agissait manifestement d'une facture remboursée. Concernant la péremption, SANTÉSUISSE a relevé que le délai d'une année pour déposer sa demande a été respecté. En effet, les données, dont la préparation requérait divers contrôles et corrections, n'étaient pas prêtes avant leur date d'émission.

En annexe, SANTÉSUISSE a produit un nouveau tableau statistique comparant le défendeur au sous-groupe des vingt-six ophtalmochirurgiens, auquel ont été ajoutés la Dresse AF__________ et le Dr N___________, ainsi que le tirage anonymisé des statistiques de ces vingt-huit médecins. Elle a précisé que l'indication d'un médecin dans le sous-groupe des ophtalmochirurgiens était fondée sur l'analyse des positions tarifaires TARMED relatives aux actes chirurgicaux. Il ressort de ce tableau que pour l'année 2004, l'indice des coûts par malade du défendeur était de 172, celui des coûts directs de 170 et l'indice des coûts totaux de 171.

SANTÉSUISSE a encore précisé que les interventions chirurgicales pratiquées en clinique privée étaient comptabilisées sous le code RCC de la clinique.

Pour le surplus, selon SANTÉSUISSE, les griefs du défendeur relatifs aux statistiques RSS étaient infondés. D'abord, il n'était pas pertinent que les statistiques ne tiennent pas compte des franchises, puisque tel était le cas de tous les médecins. N'était pas plus pertinente la remarque selon laquelle SANTÉSUISSE ne représentait pas les assureurs privés, dès lors que la procédure concerne les factures remboursées au titre de l'AOS. D'ailleurs, elle a précisé que le pool des données réunissait 98 % des décomptes de prestations pour la Suisse, contrairement aux données CTESIAS qui couvraient environ 70 % des médecins en pratique privée. De plus, SANTÉSUISSE a estimé qu'il n'était pas problématique que les statistiques tiennent compte de la date de remboursement des factures, dès lors que dans tous les cas le système s'équilibrait d'année en année. Il en allait de même des factures émises par les cliniques privées en leur nom et qui rétrocédait directement leur part à l'opérateur. Ensuite, il n'y avait pas lieu de remettre en cause le groupe de comparaison, dès lors que le défendeur était comparé à des praticiens exerçant la même activité. Enfin, le fait que le défendeur travaillait plus que ses confrères était sans pertinence, dès lors que la question était de savoir si sa pratique engendre un coût comparable à la moyenne des coûts annuels par patient de ses confères de même spécialité. Le fait que SANTÉSUISSE n'ait pas signé la Charte de la statistique publique de la Suisse n'était pas propre à démontrer que les statistiques RSS ne seraient pas fiables.

Par duplique du 5 avril 2007, le défendeur a persisté dans ses précédentes écritures et ses conclusions, requérant de plus l'apport de toutes les factures relatives à l'année 2003 comptabilisées dans les statistiques 2004.

Le 2 juillet 2007, trente-quatre caisses-maladie (ci-après: les demanderesses du groupe II), représentées par SANTÉSUISSE et le mandataire de cette organisation, ont saisi le Tribunal arbitral d’une seconde demande à l’encontre du défendeur, concluant préalablement, sous suite de frais et dépens, à la jonction de la nouvelle cause (cause A/2612/2007) à celle déjà pendante (A/2819/2006) et, sur le fond, au remboursement de la somme de 131'630 fr. en mains de SANTÉSUISSE, charge à elle de répartir ce montant entre les demanderesses.

Se fondant sur les mêmes motifs que la première demande, les demanderesses ont rappelé qu'un sous-groupe d'ophtalmochirurgiens avait été créé, afin de tenir compte des particularités de la pratique du défendeur, à savoir essentiellement chirurgicale. Toutefois, même comparé à ce groupe, les indices du défendeur étaient largement supérieurs à la marge de tolérance de 130. Ainsi, selon les statistiques RSS datées du 3 juillet 2006, ses indices de coûts par malade étaient de 2001 à 2005, respectivement de 195, 191, 195, 172 et 155, de sorte que la pratique du défendeur était, de l'avis des demanderesses, constitutive de polypragmasie.

Une audience de conciliation s'est tenue le 13 novembre 2007. À cette occasion, le défendeur s'est opposé à la demande du 2 juillet 2007 et les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions. À l'issue de l'audience, le Tribunal arbitral, après avoir constaté l'échec de la tentative de conciliation, a ordonné la jonction de la deuxième cause (A/2612/2007) à la première cause (A/2819/2006).

Par mémoire de réponse du 15 janvier 2008, le défendeur a conclu, à la forme, à la l'absence de qualité pour agir des demanderesses et à l'irrecevabilité de la demande. Sur le fond, il a conclu, préalablement, à la production de la liste des ophtalmochirurgiens composant le groupe de référence, à la production des chiffres permettant de mesurer les écarts statistiques du groupe de comparaison et à la mise en œuvre d'une expertise analytique des statistiques RSS. Principalement, il a conclu à la constatation de la péremption de l'action, à l'absence de légitimation active des demanderesses et au rejet de l'action. Les autres arguments exposés par le défendeur sont identiques à ceux qu'il a développés dans ses précédentes écritures.

Il a de surcroît produit un rapport du 26 mars 2007 établi par le Dr AD__________. Selon les données du site internet de la FMH, ce dernier n’est pas au bénéfice d’une spécialisation FMH, mais il serait actif dans l'informatique médicale, l'économie de la santé et la statistique. Le rapport a été établi sous l'égide de la société XX__________ Sàrl, qui a pour but de fournir des prestations de services et de conseils notamment dans le domaine de la santé et du bien-être (cf. données du registre du commerce de Genève, disponible sur www.ge.ch/rc). Ce médecin a relevé, en substance, que le défendeur, polyvalent, cumulait l'ensemble des gestes requis pour un même patient, et donc présentait en moyenne des coûts directs plus élevés que ses collègues qui se répartissaient les interventions. Le Dr AD__________ a conclu que la polyvalence ne devrait pas être assimilée à de la polypragmasie, sauf à porter préjudice à la crédibilité de l'analyse de l'économicité des prestations.

Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 1er février 2008. Le défendeur a rappelé les spécificités de son activité, à savoir qu'il pratiquait notamment des angiographies et de nombreuses interventions ambulatoires (sur le segment antérieur et postérieur). Selon le défendeur, peu de ses confrères pratiqueraient des interventions sur le segment antérieur, et encore moins sur le segment postérieur. Il a indiqué qu'il effectuait plus d'une centaine d'interventions par année, contestant ainsi la validité du sous-groupe établi par SANTÉSUISSE. En effet, il inclurait des médecins qui opèreraient peu et des médecins qui pratiqueraient des interventions en clinique facturées au nom de la clinique. Aussi, il apparaissait nécessaire au défendeur d'entendre tous les médecins de ce sous-groupe.

SANTÉSUISSE ne s'y est pas opposée et a par ailleurs accepté d'établir un document de synthèse avec les indices du défendeur (indices cantonaux du sous-groupe des ophtalmologues opérateurs, des ophtalmologues ainsi que l'indice ANOVA) pour les années 2004 et 2005.

Une audience d'enquêtes s'est tenue le 4 avril 2008.

Le Tribunal arbitral a entendu, en qualité de témoin, la Dresse J___________ (témoin n° 1). Ce médecin a déclaré qu'en 2004 et 2005, elle pratiquait des opérations sur les paupières, tant en milieu hospitalier qu'à son cabinet, à charge de l'AOS. Toutefois, elle ne pratiquait pas d'opérations intra-oculaires. Elle effectuait alors une quinzaine d'opérations par année, pour environ mille patients. Les patients qui nécessitaient des opérations plus complexes au niveau intra-oculaire, comme la cataracte ou le glaucome (environ 50 cas par année), étaient adressés à des confrères, essentiellement au Dr L___________. Le témoin assistait son confrère lors des opérations et assurait elle-même le suivi pré- et postopératoire. L'opérateur facturait alors une partie des honoraires en son nom. Le témoin a exposé qu'elle ne pratiquait pas d'angiographies, lesquelles étaient effectuées par la Clinique ZZ__________, ou par un autre confrère (comme parfois par le défendeur). Le témoin n'opérait ni le strabisme ni les lacrymales, mais pratiquait personnellement les examens tomographiques oculaires. Pour tous les nouveaux patients, le témoin pratiquait un examen du fond de l'œil (classé sous position 03.30.10 du TARMED) et, en cas de soupçon de pathologie, un examen complémentaire de la périphérie (classé sous 08.30.20 du TARMED). Enfin, le témoin a déclaré qu'elle ne pratiquait que rarement la position tarifaire pour les cas d'urgence.

Le Tribunal arbitral a entendu la Dresse T___________(témoin n° 2). Elle a déclaré qu'elle ne pratiquait plus d'interventions intra-oculaires depuis une vingtaine d'années et qu'elle n'effectuait que de petites interventions extra-oculaires (p. ex. sur les paupières) dans son cabinet (une quarantaine d'interventions par année). Aussi, elle référait certains de ses patients à des confrères en vue d'une intervention chirurgicale. Dans ces cas, elle n'assistait pas son confrère durant l'intervention. Le suivi pré- et postopératoire était assuré par elle, parfois par le chirurgien. S'agissant de ses patients diabétiques, elle les référait au Dr P___________ (HUG). Par ailleurs, elle n'effectuait aucun examen spécialisé, tel que des angiographies, des tomographies ou autres. Le témoin a ensuite exposé qu'elle ne pratiquait pas forcément les deux examens du fond de l'œil en même temps (03.30.10 et 03.30.20). Pour tous les nouveaux cas, elle pratiquait une réfraction subjective (08.00.40). L'examen supplémentaire, à savoir une réfraction élargie bilatérale (08.00.50), était plus rare. Elle ne possédait pas d'appareil permettant d'examiner la périphérie sans dilater la pupille et elle ne pratiquait pas systématiquement un examen de périphérie, lequel dépendait de la symptomatologie présentée par le patient. Enfin, elle a précisé qu'elle n'appliquait que très rarement la position tarifaire d'urgence.

Le Tribunal arbitral a entendu la Dresse U__________ (témoin n° 3) en qualité de témoin. Elle a déclaré que dans le cadre de sa pratique, elle effectuait des opérations des paupières et du strabisme, mais pas d'opérations du segment antérieur ou encore intra-oculaires. Une partie des interventions qu'elle effectuait était à charge de l'AOS. En 2004 et 2005, elle a effectué entre huit et dix interventions du strabisme (par année) et une vingtaine de chirurgies des paupières. Elle référait les cas nécessitant des interventions intra-oculaires ou du segment antérieur (environ 70 cas par année) à des confères, comme le défendeur, le Dr H___________ ou le Dr AH__________. Le suivi pré- et postopératoire immédiat était en général assuré par le confrère spécialiste. Elle assistait souvent ses confrères lors des interventions. S'agissant des opérations de cataracte, seul l'opérateur pouvait les facturer. Pour le strabisme, le TARMED prévoyait des honoraires pour le médecin qui assistait son confrère. Le témoin a précisé qu'elle ne pratiquait pas d'angiographies à son cabinet, faute d'équipements, ni de tomographies. Elle pratiquait toutefois des OCTR et le Laser Yag. Selon le témoin, les interventions pratiquées par ses confrères sur les patients référés coûtaient plus chères que les examens pratiqués à son cabinet. Pour sa part, l'examen du fond de l'œil était surtout pratiqué sur les personnes myopes et ceux présentant des problèmes rétiniens, ou encore avant une intervention du fond de l'œil (08.30.20). Par ailleurs, chez tous ses patients qui venaient à son cabinet pour un contrôle de la vue, elle pratiquait l'examen de réfraction, ainsi que celui de réfraction élargie bilatérale. Enfin, elle ne pratiquait pas la position d'urgence telle que prévue par le TARMED.

La Dresse V__________ (témoin n° 4), entendue en qualité de témoin, a indiqué n'avoir effectué aucune intervention en 2004 et 2005. Elle référait à des confrères les patients nécessitant une intervention, soit entre vingt et quarante cas par année. Il s'agissait principalement des cas de cataractes, d'opérations de glaucomes et de la paupière, à charge de l'AOS. En général, elle assistait son confrère lors des interventions sur ses patients, lequel facturait à son nom et lui rétrocédait une partie des honoraires selon un accord interne. Elle référait ses patients au Dr M___________ pour les cas de cataractes, au Dr R___________ pour les glaucomes et au Dr U__________ pour les opérations des paupières. Le témoin n'effectuait pas d'examens spécifiques, telles que des angiographies ou des topographies cornéennes. Selon elle, la tarification d'une intervention chirurgicale ou d'un examen spécifique était plus élevée qu'un examen de base. En général, elle prenait en charge les examens postopératoires, sauf pour les cas de cataractes. Enfin, pour les patients qui venaient pour une prescription de lunettes, elle effectuait l'examen de base de réfraction subjective bilatérale, et parfois de réfraction élargie bilatérale. Elle pratiquait systématiquement un examen du fond de l'œil (08.30.10) pour un contrôle et un examen complémentaire (08.30.20) selon les cas. Pour le surplus, elle n'utilisait presque jamais la position tarifaire d'urgence selon le TARMED.

Le Tribunal arbitral a ensuite entendu le Dr F___________ (témoin n° 5). Ce dernier a expliqué qu’il avait exploité un cabinet jusqu'en octobre 2006. Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal et plus particulièrement du TARMED, il n'a pratiqué que deux à trois interventions par an à charge de l'AOS. En 2004 et 2005, il a référé entre dix et trente cas par année à des confrères, principalement aux HUG et à certains de ses confrères, mais très peu au défendeur. Il assistait rarement aux interventions et ne percevait pas de rétrocessions d'honoraires, sauf en cas d'assistance. Dans le cadre de sa pratique, il effectuait diverses interventions. En 2004 et 2005, il ne pratiquait plus certaines interventions, comme la greffe de cornée, mais il pratiquait la chirurgie du segment antérieur. Il s'agissait de moins de dix cas à charge de l'AOS, mais il effectuait globalement une cinquantaine d'opérations intra-oculaires par année. Le témoin ne pratiquait pas d'angiographies ni de topographies cornéennes. Ces cas étaient référés soit aux HUG, soit à des confrères, à savoir la Dresse AG__________, le défendeur et le Dr AC__________. Lorsqu'il référait un patient à un confrère, c'est en principe ce dernier qui s'occupait du suivi. Selon le témoin, l'examen du fond de l'œil se pratiquait selon la symptomatologie présentée par le patient et nécessairement en cas d'intervention intra-oculaire ou de réfraction. Pour les diabétiques, un examen du fond de l'œil devait être effectué une fois par année, mais tous les deux ans si le diabète était équilibré.

Entendu également en qualité de témoin, le Dr W__________ (témoin n° 6) a déclaré que depuis l'introduction du TARMED, il pratiquait uniquement de la mini-chirurgie extra-oculaire. Le témoin a indiqué qu'il n'effectuait pas d'angiographies, de GDX (examen de la rétine) ou de topographies cornéennes, cas qu'il référait à des confrères, essentiellement au Dr AC__________. S'agissant des chirurgies non à charge de l'AOS, il opérait lui-même avec l'assistance d'un confrère à la Clinique ZZ__________. Les cas à charge de l'AOS étaient en général pratiqués aux HUG ou par un confrère, sans rétribution pour lui (environ soixante à cent cas par année). Le témoin n'opérait quasiment pas à charge de l'AOS. De manière générale, le suivi pré- et postopératoire était effectué par l'opérateur, sauf accord spécifique. Enfin, le témoin a indiqué qu'il opérait les décollements de la rétine, cas qui nécessitaient des examens complets du fond de l'œil. Son cabinet employait une personne pratiquant les examens optométriques complets et une autre des examens orthoptiques. Pour le surplus, il facturait très peu de cas d'urgence selon la définition du TARMED. Il a enfin ajouté avoir été souvent surpris de recevoir à son cabinet des patients myopes qui ont été suivis par un ophtalmologue sans avoir jamais eu un examen du fond de l'œil complet, alors même qu'il s'agissait de patients à risque.

Le Tribunal arbitral a entendu en qualité de témoin le Dr AB__________ (témoin n° 7). Spécialisé en ophtalmo-pédiatrie, il a expliqué avoir cessé d'opérer depuis février 2005. Auparavant, il opérait surtout des cas de strabisme, soit à charge de l'AOS, soit des assurances complémentaires. Il a effectué très peu d'interventions en 2004 (une douzaine). Il n'effectuait pas d'angiographies, pas de topographies, pas d'opérations de la cataracte, ni d'interventions intra-oculaires, cas référés à l'Hôpital de la Tour (Dr M___________) ou à d'autres confrères, mais pas au défendeur. S'il opérait en dehors du cabinet à charge de l'AOS, la facture était établie à son nom. Au point de vue statistique, il a indiqué qu'il était non-opérateur. S'agissant de l'examen du fond de l'œil (08.30.10), il a relevé qu'il s'agissait d'un examen nécessaire pour tout ce qui était en rapport avec la rétine. L'examen supplémentaire était nécessaire pour les cas qui présentaient des facteurs à risque. Enfin, 10 % des cas étaient facturés en urgence selon la codification du TARMED.

La Dresse E___________ (témoin n° 8) a déclaré qu'elle effectuait des interventions intra-oculaires (cataracte et intervention au laser). En 2004 et 2005, elle a effectué environ trente interventions par année à charge de l'AOS. D'autres étaient effectuées à charge des assurances complémentaires. Elle ne travaillait que trois jours par semaine. Elle pratiquait des angiographies, mais que très rarement des topographies, dès lors qu'elle ne faisait pas de chirurgie rétractive. Au besoin, elle référait ces cas au défendeur (trois à quatre cas par année en 2004 et 2005). Elle n'effectuait pas d'interventions sur le segment postérieur qu'elle déléguait aux HUG ou à des confères, tout comme les glaucomes. En général, elle s'occupait du suivi pré- et postopératoire, tout comme le médecin opérateur. Elle n'effectuait l'examen complémentaire de la périphérie du fond de l'œil que si la symptomatologie l'exigeait. Quant à l'examen de la réfraction subjective bilatérale, elle l'effectuait systématiquement. La réfraction élargie (08.00.50) était effectuée selon la situation. Sur dix cas où elle a pratiqué l'examen de réfraction subjective (08.00.40), 20 % environ ont nécessité un examen complémentaire selon la position 08.00.50. Enfin, elle a ajouté qu'elle pratiquait la facturation tarifaire d'urgence du TARMED.

En dernier lieu, le Tribunal arbitral a entendu en qualité de témoin le Dr AA__________ (témoin n° 9), lequel a indiqué qu'il n'effectuait plus d'interventions, même intra-oculaires, depuis l'entrée en vigueur du TARMED. En dehors des champs visuels et des examens courants, il ne pratiquait pas d'examens spécifiques, comme les angiographies ou les topographies. Si des cas nécessitaient une intervention, il les adressait à des confrères, à savoir, pour les interventions intra-oculaires, au Dr L___________, au défendeur ou à la Dresse R___________, pour les interventions rétiniennes, à la Clinique ophtalmologique et pour les examens spécifiques, au défendeur, au Dr C___________ ou au Dr AC__________.

À l'issue de l'audience, le défendeur a requis l'audition des ophtalmochirurgiens qui auraient une pratique opératoire comparable à la sienne, à savoir les Drs L___________, H___________, M___________ et R___________. Il a également requis que le Tribunal arbitral procède à l'audition des autres médecins du sous-groupe de comparaison. Les demanderesses ne s'y sont pas opposées.

Lors de l'audience de suite d'enquêtes du 9 juin 2008, le Tribunal arbitral a entendu, en qualité de témoin, le Dr M___________, lequel a indiqué que dans le cadre de sa pratique, il effectuait des interventions sur le segment antérieur, les paupières, les voies lacrymales, le strabisme ainsi que des interventions au laser. En 2004 et 2005, il a déclaré avoir effectué en moyenne quatre-vingt-huit interventions par année, sans pouvoir indiquer la proportion entre les interventions effectuées à charge de l'AOS et les autres. Les interventions intra-oculaires à charge de l'AOS étaient effectuées à l'Hôpital de la Tour, à la Clinique de la Colline et à la Clinique YY__________. Depuis 7 ou 8 ans, il ne pratiquait plus d'interventions sur le segment postérieur ni d'angiographies, cas qu'il référait aux HUG (Prof. O___________) ou au Centre universitaire hospitalier vaudois (CHUV). Le témoin a relevé qu'il n'adressait pas de patients au défendeur. 80 % à 90 % des patients qu'il opérait étaient des cas référés. Depuis l'introduction du TARMED, les interventions à charge de l'AOS étaient facturées par la clinique qui lui rétrocédait ses honoraires, alors qu'avant 2004, les honoraires étaient facturés au nom du cabinet. Lorsque les patients lui étaient adressés pour une intervention, il les voyait une fois avant et ne refaisait pas forcément l'examen de réfraction ni l'examen complet. En revanche, il refaisait la biométrie, dès lors qu'il en allait de sa responsabilité médicale. Il n'a jamais facturé d'actes d'urgence. Suite à un entretien qu'il a eu avec SANTÉSUISSE, il a commencé à facturer les petits actes, lesquels font baisser la moyenne des coûts.

Lors de l'audience de suite d'enquêtes du 13 juin 2008, le Tribunal arbitral a d'abord entendu le Dr L___________, en qualité de témoin. Ce médecin a exposé qu'il pratiquait des opérations du segment antérieur. Il référait à des confrères, notamment au défendeur, les interventions du segment postérieur. Il n'effectuait pas d'angiographies fluorescéniques ni aucun traitement maculaire. La moitié de sa patientèle était composée de cas référés. Il a en outre exposé qu'il opérait à la Clinique YY________ pour les cas en ambulatoire et à la Clinique ZZ__________ pour les cas non-ambulatoire. Depuis l'introduction du TARMED, il a effectué deux fois plus d'interventions en ambulatoire. Lorsque des patients lui sont référés, il ne pratiquait que les examens nécessaires. Enfin, il lui arrivait de recevoir des patients en urgence, cas facturés selon les prescriptions du TARMED.

Le Tribunal arbitral a ensuite entendu le Dr H___________ en qualité de témoin, lequel a exposé pratiquer des interventions sur le segment postérieur et antérieur. Depuis environ cinq ans, il n'a plus effectué d'opérations sur les paupières. Il n'opérait pas le strabisme et les voies lacrymales, et n'effectuait pas d'examens de photothérapie dynamique ni d'angiographies, cas qu'il référait à des confrères, comme le défendeur, surtout pour les angiographies. Il pratiquait environ deux cent interventions par année, dont la moitié à charge de l'AOS. En principe, le suivi pré- et postopératoire était effectué à son cabinet. Si l'intervention était pratiquée en clinique privée, elle était à charge des assurances privées. En 2004 et 2005, le témoin et son associée, la Dresse U__________, ont adressé au défendeur une cinquantaine de patients par année pour des angiographies. Le témoin a par ailleurs indiqué que la Clinique ZZ__________ a toujours pratiqué une facturation séparée pour ce qui concerne la chirurgie ophtalmologique ambulatoire. La Clinique YY__________ facturait à son nom depuis l'introduction du TARMED et rétrocédait au médecin ses honoraires. Enfin, le témoin a précisé que lorsqu'un patient lui était adressé, il ne pratiquait que les examens nécessaires. Rares étaient les patients qui ne nécessitaient aucun examen complémentaire et rares étaient les cas où rien n'avait été fait par le médecin référant.

Enfin, le Tribunal a entendu, en qualité de témoin, la Dresse R___________. Spécialisée en glaucomatologie, elle a exposé qu'elle pratiquait essentiellement des interventions du segment antérieur, tant en clinique qu'en milieu hospitalier. Les interventions ambulatoires étaient pratiquées en clinique, sauf les traitements au laser effectués à son cabinet. Elle opérait environ dix fois par semaine et 80 % des interventions étaient à charge de l'AOS. Le témoin a indiqué qu'elle n'effectuait plus d'interventions sur les paupières depuis quatre ans et qu'elle n'avait jamais pratiqué d'opérations du strabisme et des voies lacrymales. Elle ne pratiquait pas d'angiographies, cas qu'elle référait à des confrères, dont le défendeur. Elle pratiquait en majorité des opérations de glaucomes, de la cataracte et du segment antérieur autres que les paupières, sauf pour des petites tumeurs. En 2004 et 2005, elle a adressé plusieurs cas par année au défendeur, en particulier des patients diabétiques, dès lors qu'il est spécialisé dans ce domaine. Elle adressait ses patients pour des examens angiographiques et des traitements au laser, ne disposant à l'époque pas du matériel nécessaire. Elle adressait également au défendeur des patients pour de la chirurgie réfractive (entre vingt-cinq et trente patients par année relevant du diabète et une dizaine pour les problèmes de chirurgie réfractive). Pour sa part, son activité était référée à 50 %, 80 % de son activité totale se rapportant purement au glaucome. Pour les interventions à charge de l'AOS, elle pratiquait au Centre X___________ (à Genève) qui établissait une facture globale sous son propre code RCC et lui rétrocédait ses honoraires. Lorsqu'elle opérait à la Clinique ZZ__________, elle établissait la facture sous son propre code RCC, mais il s'agissait de prestations relevant de l'assurance complémentaire. Enfin, lorsqu'un patient lui était référé, avec une question précise qui relevait de sa spécialité, elle effectuait tous les examens nécessaires pour poser le diagnostic, même si certains examens avaient déjà été effectués.

À l'issue de l'audience, le défendeur a requis l'audition des Dr I___________, N___________ et AD__________. SANTÉSUISSE a précisé que depuis l'entrée en vigueur du TARMED, les médecins qui pratiquaient la chirurgie ambulatoire dans un établissement médical faisant partie de la planification hospitalière ne pouvaient pas facturer sous leur propre code RCC. Ainsi, même si la facture établie par l'établissement comportait la référence au numéro RCC du médecin, seuls entraient en ligne de compte les remboursements faits aux cliniques. Ainsi, l'intervention effectuée par le médecin à charge de l'AOS échappait aux statistiques.

Lors de l'audience de suite d'enquêtes du 4 juillet 2008, le Tribunal arbitral a d'abord entendu, en qualité de témoin, le Dr I___________. Ce médecin, spécialisé en chirurgie du segment antérieur, a déclaré pratiquer toutes les interventions (entre 700 et 800 par année) concernant la chirurgie de l'œil, en ambulatoire, à la Clinique de l'œil (à Genève). 90 % de ses interventions étaient pratiquées à charge de l'AOS. Un tiers de sa patientèle était composé de cas référés. Il a précisé qu'avec le défendeur, ils ne s'adressaient pas de patients. Lorsqu'un confrère lui référait un client, il ne refaisait pas tous les examens, sauf ceux qui étaient nécessaires à l'opération spécifique. Enfin, il pratiquait également des angiographies et des vitrectomies. Pour le surplus, il recevait des patients en urgence, selon la définition du TARMED (p. ex. conjonctivite).

À l'issue de l'audience, le défendeur a maintenu sa requête tendant à l'audition du Dr N___________ et a sollicité l'audition de Mme CC__________, directrice d'une Clinique. SANTÉSUISSE a précisé que le "tarif-pool", qui recensait les positions du TARMED, permettrait d'établir le pourcentage de consultations d'urgence du défendeur. Toutefois, le GROUPE MUTUEL, qui assurait pratiquement la moitié des assurés genevois, ne livrait pas ces chiffres.

Le 23 juillet 2008, vingt-quatre caisses-maladie (ci-après: les demanderesses du groupe III), représentées par SANTÉSUISSE et le mandataire de cette organisation, ont saisi le Tribunal arbitral d’une troisième demande à l’encontre du défendeur, concluant principalement, sous suite de frais et dépens, au remboursement de la somme de 112'832 fr. en mains de SANTÉSUISSE, charge à elle de répartir ce montant entre les demanderesses et, subsidiairement, au remboursement de la somme de 47'410 fr. en mains de SANTÉSUISSE, charge à elle de répartir ce montant entre les demanderesses. La cause a été enregistrée sous le numéro A/2799/2008.

Sur le fond, la demande est fondée sur les mêmes motifs que les deux précédentes. Ainsi, les demanderesses ont considéré que la pratique du défendeur, durant l'année statistique 2006, était constitutive de polypragmasie, dès lors que ses indices de coûts par malade étaient supérieurs à la moyenne du groupe de comparaison. Se fondant principalement sur l'indice des coûts totaux ANOVA (Analyse de variance) de 148, elles parvenaient à un trop perçu de 112'832 fr. Subsidiairement, en se fondant sur l'indice des coûts totaux (137) en comparaison du sous-groupe d'ophtalmologues opérateurs, elles parvenaient à un trop perçu de 47'410 fr.

Lors de l'audience conciliation du 8 septembre 2008, le Tribunal arbitral a constaté l'échec de la tentative de conciliation et a ordonné la jonction de la troisième cause (A/2799/2008) à la première cause (A/2819/2006).

Une audience de suite d'enquêtes s'est tenue le 10 octobre 2008. Le Tribunal arbitral a d'abord entendu le Dr N___________ en qualité de témoin. Ce médecin a exposé exploiter un cabinet composé de deux ophtalmologues. Il pratiquait exclusivement des interventions chirurgicales ambulatoires. À l'exception de petites interventions sur les paupières pratiquées au cabinet, les autres interventions étaient effectuées dans des établissements médicaux privés, à charge de l'AOS. Spécialisé dans la chirurgie vitréo-rétinienne, il pratiquait beaucoup d'interventions sur le glaucome et la cataracte (environ 130 par année). Il effectuait également des angiographies. Son épouse, la Dresse N___________, avec qui il partageait les locaux, n'opérait pas, de sorte qu'elle lui référait tous les cas chirurgicaux. Il adressait à des confères ou aux HUG tous les cas de strabismes et les interventions sur les paupières. Il pratiquait à la Clinique de l'œil qui facturait sous son code RCC et lui rétrocédait ses honoraires. Il a enfin indiqué qu'il recevait des patients en urgence selon la définition du TARMED (environ 5 % de la clientèle).

Le Tribunal arbitral a ensuite entendu, en qualité de témoin, Mme CC__________, directrice d'une Clinique depuis 10 ans. Elle a exposé que la Clinique, spécialisée dans les interventions de chirurgie ambulatoire, pratiquait environ deux mille interventions par an. Les médecins qui opéraient à la Clinique étaient soit des médecins salariés (de la Clinique), soit des médecins indépendants installés en ville. Elle a précisé que la Clinique établissait une seule facture, avec son numéro RCC et celui du médecin opérateur. Elle rétrocédait à ce dernier les prestations médicales lui revenant. Le médecin salarié n'était pas concerné, dès lors qu'il percevait un salaire.

À l'issue de l'audience, le défendeur a à nouveau requis l'audition du Dr AD__________. Les demanderesses ont requis l'audition des Drs AE__________, S___________ et AF__________. SANTÉSUISSE a précisé par ailleurs que si deux codes RCC apparaissaient sur la facture d'une clinique, elle pourrait probablement opérer une distinction dans les factures.

Par ordonnance du 17 octobre 2008, le Tribunal arbitral a requis de SANTÉSUISSE qu'elle indique si elle-même, respectivement les caisses-maladie, saisissaient le code RCC du médecin avec le montant lui revenant au titre de ses prestations médicales lorsqu'une facture établie par une clinique concernant des soins ambulatoires à charge de l'AOS comportait deux codes RCC (celui de la clinique et celui du médecin opérateur). Par ailleurs, le Tribunal arbitral a demandé quel était le taux de facturation de la taxe d'urgence du défendeur durant les années concernées, au regard de l'ensemble des factures. Ensuite, le Tribunal arbitral a souhaité connaitre le taux de facturation de l'examen du fond de l'œil position 08.30.10 et 08.30.20 du TARMED du défendeur durant les années en question, au regard de l'ensemble des statistiques. Enfin, le Tribunal arbitral a demandé quelle était la proportion de l'activité ambulatoire du défendeur en dehors de son cabinet.

Une nouvelle audience d'enquêtes s'est tenue le 14 novembre 2008. Le Tribunal a alors entendu, en qualité de témoin, la Dresse AF__________. Elle a exposé pratiquer des interventions chirurgicales ambulatoires à la Clinique YY__________. Elle effectuait des opérations du strabisme, de la cataracte et quelques opérations de la paupière. Elle ne faisait pas d'angiographies ni d'opérations du segment postérieur. Ses interventions étaient facturées par la Clinique qui lui rétrocédait sa part. S'agissant des opérations de la cataracte, elles étaient facturées selon un forfait convenu entre la Clinique et, à sa connaissance, tous les médecins qui opéraient. Enfin, elle facturait des interventions d'urgence.

Ensuite, le Tribunal a entendu, en qualité de témoin, le Dr AE__________, ophtalmochirurgien et président de l'Association des ophtalmologues de Genève (AOG). Il pratiquait des interventions chirurgicales au Centre Vision X___________, principalement des injections intraoculaires (à raison d'environ une heure par semaine). Il effectuait également des angiographies à son cabinet. Selon lui, les médecins ophtalmologues composaient un groupe très hétérogène. Divers entretiens avaient déjà eu lieu à ce sujet avec SANTÉSUISSE afin de trouver un dénominateur commun, toutefois sans succès au vu de la spécificité de chaque ophtalmologue. Le témoin a en outre relevé que parmi les ophtalmochirurgiens, seuls trois ou quatre étaient nettement au-dessus des autres. Pour la cataracte, un quart des ophtalmologues genevois leur référait les cas: il s'agissait du défendeur et des Drs L___________, M___________ et H___________. Pour les opérations de la rétine, il s'agissait du défendeur et des Drs N___________ et H___________. Ces médecins étaient, selon le témoin, hors norme, en raison de leurs compétences chirurgicales et médicales. Le défendeur pratiquait de surcroît des angiographies. Selon le témoin, vu leur spécificité, ces médecins pratiquaient des actes médicaux coûteux par nature. Par ailleurs, la chirurgie rétinienne était une haute spécificité, pratiquée par le défendeur. Cette branche de l'ophtalmologie nécessitait un énorme investissement du point de vue de la formation et des appareillages. À Genève, les interventions sur la rétine se pratiquaient essentiellement aux HUG, par le Dr O___________, spécialiste en la matière, ainsi que par deux ou trois médecins indépendants ou encore par la Clinique de l'œil.

Selon le témoin, les cas de patients qui présentaient des affections de la rétine (dégénérescences, occlusions, etc.) nécessitaient des examens angiographiques, dont le coût était d’environ 700 à 1'000 fr. Ces patients devaient être suivis chaque mois. Ainsi, un confrère qui avait parmi sa clientèle un nombre important de malades souffrant de telles affections avait un coût nettement plus élevé que ses confrères. Le défendeur maitrisait l'entier de la médecine ophtalmologique. Il disposait, par ailleurs, à son cabinet, d’un matériel lui permettant d’effectuer tous les actes nécessaires à sa discipline, notamment le laser, les angiographies, un champ visuel, etc., ce qui était rarement le cas chez un médecin indépendant. À sa connaissance, le défendeur ne référait pas de patients, en tout cas pas à lui.

En outre, le témoin a relevé que les médecins qui opéraient plus de cent cas par année du segment antérieur étaient le Dr P___________ (HUG) et, en ville, le défendeur et les Drs M___________, H___________, Q___________, G___________, R___________ et probablement S___________. Chacun d’entre eux avait ses spécificités. Selon le témoin, ces médecins ne pourraient pas former un sous-groupe et ne seraient pas comparables, dès lors qu’en plus de leur spécificité, ils avaient également une pratique hétérogène, certains pratiquant plus d’examens complémentaires que d’autres, comme des angiographies, des examens visuels, etc.

Le témoin a confirmé avoir accompagné les Drs L___________ et C___________ auprès de SANTÉSUISSE afin de discuter de leurs statistiques, mais non le défendeur, dès lors qu'il n'avait pas été approché. Pour le surplus, le témoin a déclaré qu’il ne facturait pas de cas d'urgence, dès lors que ses patients ne venaient pas sans rendez-vous.

Le Tribunal arbitral a également entendu, en qualité de témoin, le Dr S___________, lequel a déclaré effectuer des interventions à charge de l'AOS, principalement du segment antérieur, de la cataracte, du glaucome, des paupières et des voies lacrymales, au Centre X________. Pour ce qui concerne l'assurance privée, il pratiquait à la Clinique Y_______ ou à Z________. Le Centre X___________ facturait à son nom et lui rétrocédait ses prestations médicales, selon le TARMED. Le témoin a précisé qu'il commençait à pratiquer des interventions sur le segment postérieur et effectuait des angiographies. En 2004, il opérait moins qu'aujourd'hui. Enfin, il a indiqué qu'il n'avait quasiment pas de cas d'urgence.

À l'issue de l'audience, le Tribunal a accordé aux parties un délai pour déposer leurs conclusions après enquêtes.

Faisant suite à l'ordonnance du Tribunal arbitral du 17 octobre 2008, les demanderesses ont exposé, par écriture du 19 novembre 2008, que les caisses-maladie qui recevaient une facture d'une clinique ne saisissaient que le code RCC de l'émetteur de la facture, même si elle comportait deux codes RCC. En l'état du protocole utilisé pour le recensement des éléments statistiques, SANTÉSUISSE a relevé qu'il n'était pas envisageable de tenter de réunir a posteriori les prestations du défendeur en clinique, car la masse de travail pour les périodes passées serait gigantesque et extrêmement coûteuse. Pour les mêmes motifs, il n'était pas possible de déterminer la proportion de l'activité ambulatoire du défendeur, car il conviendrait pour cela que chacune des caisses-maladie reprenne toutes les factures de toutes les cliniques où a opéré le défendeur.

SANTÉSUISSE a par ailleurs expliqué qu'en parallèle au système statistique traditionnel, elle a développé dès 2005 un "tarif pool", qui consistait, pour certaines spécialités, à recenser l'utilisation par les fournisseurs de soins de certaines positions du TARMED et de les comparer les unes aux autres. Ce système n'était pas encore utilisé officiellement dans le cadre du contrôle d'économicité. En effet, pour Genève, les caisses-maladie membres du GROUPE MUTUEL ne fournissaient pas leurs données à SANTÉSUISSE, alors qu'elles représentaient peu ou prou 50 % des assurés LAMal à Genève. Aussi, SANTÉSUISSE ne pouvait se baser que sur une tendance, les données n'étant pas suffisamment représentatives.

SANTÉSUISSE a ainsi relevé que le défendeur, comparé aux 113 ophtalmologues genevois, avait facturé à raison de 3.8 % de la position tarifaire d'urgence (001.00.2510), alors que ce pourcentage était de 0.5 % pour le groupe de référence en 2005. En 2006, ces pourcentages étaient de 2.2 %, respectivement de 0.5 %. S'agissant de l'examen du fond de l'œil (position tarifaire 08.3010), elle était en moyenne facturée dans 11 % des cas par le défendeur en 2005, cette moyenne étant de 13 % pour le groupe de comparaison. En 2006, la moyenne était de 11.4 % contre 14.1 %. S'agissant de la position tarifaire 08.3020, elle était en moyenne facturée dans 21.2 % des cas par le défendeur, contre 7.8 % pour le groupe de comparaison en 2005. En 2006, la moyenne était de 21.3 % contre 8.4 %.

En réponse à la demande du 23 juillet 2008, le défendeur a, par écriture du 15 décembre 2008, pris des conclusions identiques à celles déjà formulées dans son mémoire du 15 janvier 2008. Rappelant les motifs déjà invoqués, il a ajouté que les enquêtes ont permis d'établir que le groupe de comparaison n'était pas fiable. Pour le surplus, il a contesté l'usage de la méthode ANOVA, laquelle ne tiendrait pas compte du critère essentiel de la pathologie. Enfin, cette base de données était incomplète, dès lors que les actes facturés par une clinique mais effectués et encaissés en partie par le médecin échappaient aux statistiques.

Dans son mémoire après enquêtes du 15 janvier 2009, le défendeur a maintenu ses conclusions et repris les arguments qu'il avait déjà développés, en s'appuyant notamment sur les déclarations des divers témoins entendus par le Tribunal arbitral lors des enquêtes.

Les demanderesses ont déposé le 6 février 2009 leurs conclusions après enquêtes. S'agissant du délai de péremption d'une année, SANTÉSUISSE a considéré qu'il était respecté, dès lors que, conformément à la jurisprudence, la date de référence était bien celle figurant sur les statistiques émises. S'agissant de la qualité pour agir des demanderesses, SANTÉSUISSE était d'avis que quel que soit le nombre de demanderesses, le montant réclamé était celui qui découlait des statistiques RSS pour l'ensemble de la pratique du médecin, à charge de l'AOS. Ainsi, s'agissant du cas de VISANA, qui n'était pas partie la procédure, cela n'avait pas de conséquence sur les montants réclamés en restitution dès lors qu'il n'était pas indispensable que tous les assureurs ayant remboursé des factures émises par un médecin participent à la procédure. De surcroît, après vérification, la VISANA n'avait pris en charge que des coûts indirects.

Par ailleurs, le fait que les statistiques ne tenaient pas compte de certains critères, telle que la gravité des cas ou encore la nécessité de plusieurs consultations, était sans conséquence. En effet, ce genre d'imperfections était pallié par l'interpellation préalable du médecin et la demande de fournir des explications sur sa pratique et sur ses coûts élevés. C'était aussi l'une des raisons d'être de la marge de tolérance de 30 %.

S'agissant de la problématique liée à la facturation par une clinique, SANTÉSUISSE a rappelé que le travail consistant à reprendre tous les factures émises serait irréaliste et ne serait statistiquement guère relevant, puisque les collègues du défendeur pratiquaient de la même manière.

S'agissant de l'échantillon comparatif, SANTÉSUISSE a relevé que suite aux enquêtes, seuls neuf ophtalmologues, sur les quatorze auditionnés, référaient des patients au défendeur, et pour la plupart qu'occasionnellement. Ainsi, le défendeur ne serait pas prééminent en matière de délégation de patients. Par ailleurs, les enquêtes auraient démontré que le médecin recevant des patients d'un confrère pour une intervention spécifique n'avait pas à refaire la totalité des examens préalables, de sorte que celui qui, comme le défendeur, effectuerait systématiquement tous les examens déjà pratiqués par leur confrère référant violerait les principes caractéristiques de l'économicité.

En outre, SANTÉSUISSE a estimé que contrairement à ce que soutenait le défendeur, il n'y avait pas lieu de retirer du groupe de comparaison les Dresses J___________, T___________, U__________ et E___________, lesquelles pratiquaient encore une activité chirurgicale durant les années en statistiques en question. S'agissant de la Dresse V__________ et des Drs F___________, W__________, AA__________ et AB__________, ils devaient être retirés du groupe de comparaison, ne pratiquant pas ou plus d'activité chirurgicale. Ce faisant, SANTÉSUISSE a établi un nouveau sous-groupe des ophtalmochirurgiens, réduit des cinq médecins précités, composé dès lors du défendeur, des Drs. C___________, B___________, AC__________, E___________, N___________, F___________, G___________, K___________, H___________, I___________, AM__________, G___________, L___________, M___________, AK__________, AL__________, U__________, AF__________, T___________, AG__________, S___________ et R___________. Les indices obtenus avant et après épuration du groupe étaient les suivants:

Sous-groupes

Indices coûts par malade

2004

2005

2006

Sous-groupe avant épuration

Indices coûts directs

171

155

142

Indices coûts totaux

169

151

137

Sous-groupe épuré

Indices coûts directs

165

150

137

Indices coûts totaux

164

145

131

Sur cette base, SANTÉSUISSE a modifié ses conclusions.

Pour l’année 2004, en se fondant sur un indice des coûts directs de 165, il en résultait un trop perçu de 196'138 fr. 06. En se fondant sur un indice des coûts totaux de 164, c’est un trop perçu de 238'865 fr. 17 qu’il conviendrait de réclamer en restitution. Toutefois, l'action étant soumise à péremption, le montant maximum exigible était limité au montant réclamé dans le cadre de la demande du 28 juillet 2006, à savoir 221'720 fr. SANTÉSUISSE a donc conclu, principalement, à la restitution d'un montant de 221'720 fr. (première conclusion) et, subsidiairement, d'un montant de 196'138 fr. 06 (pour l'année 2004).

Pour l'année 2005, en se fondant sur indice des coûts directs de 150, c’est un trop perçu de 108'695 fr. qu’il conviendrait de restituer. En retenant l’indice des coûts totaux de 145, il en résultait un trop perçu de 107'349 fr. 30. SANTÉSUISSE a ainsi conclu, principalement, à la restitution d'un montant de 131'630 fr. (première conclusion), subsidiairement de 108'695 fr. et, plus subsidiairement, de 107'349 fr. 30.

Pour l'année 2006, SANTÉSUISSE, en se fondant sur un indice des coûts directs de 137, est parvenue à un trop perçu de 47'410 fr. En se fondant sur un indice des coûts totaux de 131, la différence serait de 7'089 fr. 12. Elle a donc conclu, principalement, à la restitution d'un montant de 112'832 fr. (première conclusion), subsidiairement de 47'410 fr. et plus subsidiairement de 7'089 fr.

Enfin, SANTÉSUISSE a considéré, d'une part, qu'il n'y avait pas de spécificités dans la pratique du défendeur qui justifierait un dépassement du seuil de tolérance de 30 %, dès lors que les enquêtes auraient démontré que les médecins entendus pratiqueraient également des actes spécifiques et rares. D'autre part, si des médecins ne pratiquaient pas certains actes, les statistiques démontreraient que certaines spécificités en compenseraient d'autres.

Par communication du 8 décembre 2009, le Tribunal arbitral a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise analytique et d'en confier la mission au Prof. O___________, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmochirurgie et professeur associé à la Clinique d'ophtalmologie des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (ci-après HUG). Le Tribunal arbitral a soumis aux parties les questions qu'il entendait soumettre à l'expert, en leur impartissant un délai pour se déterminer sur celles-ci et pour faire valoir un éventuel motif de récusation.

Par courriers des 15 janvier et 26 février 2010, le défendeur a fait valoir ses observations relatives aux questions destinées à l'expert et ne s'est pas opposé à la désignation du Prof. O___________ en qualité d'expert. Pour le surplus, il a remis au Tribunal arbitral les listes de ses patients à charge de l'AOS pour les années en cause.

Par pli du 15 février 2010, les demanderesses ont également fait valoir leurs observations relatives aux questions destinées à l'expert et ne se sont pas opposées à la désignation du Prof. O___________ en qualité d'expert. Elles ont toutefois considéré qu'une expertise analytique, pour faire ses preuves, devait également comparer le médecin en cause à un ou plusieurs autres médecins du groupe de comparaison.

Par ordonnance du 26 février 2010, le Tribunal arbitral a chargé le Prof. O___________ d’effectuer une expertise analytique de la pratique du défendeur portant sur les années 2004 à 2006, d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions de la mission d’expertise.

Le 12 mars 2010, le Tribunal arbitral a invité le défendeur à transmettre à l'expert les dossiers médicaux sélectionnés et les factures y relatives, soit 20 dossiers pour l'année 2004, 20 dossiers pour l'année 2005 et 21 dossiers pour l'année 2006. Le défendeur a remis ses dossiers à l’expert en date du 31 mars 2010.

L’expert a rédigé son rapport d’expertise le 25 mars 2011. Pour les besoins de l'expertise, le Prof. O___________ a requis l'aide du Dr C___________, spécialiste FMH en ophtalmologie et en ophtalmochirurgie et médecin associé à la Clinique d'ophtalmologie des HUG.

Au préalable, l'expert a remis en cause l'usage des statistiques, au motif que le sous-groupe des ophtalmochirurgiens n'était pas homogène, dès lors qu'il comprenait des ophtalmologues ayant une activité chirurgicale importante (plus de 100 cas par année), des ophtalmologues ayant une activité chirurgicale modérée (moins de 100 cas par année) ainsi que des ophtalmologues possédant le titre de chirurgien mais n'opérant pas. De ce fait, l'analyse statistique basée sur ce groupe était, aux dires de l'expert, pour le moins contestable si ce n'est pas valable. S'il fallait tenter d'identifier un sous-groupe de comparaison sur la base de l'activité opératoire, seule trois ou quatre chirurgiens pourraient être comparés au défendeur, eu égard au nombre et au type d'interventions effectuées.

À la question de savoir si la pratique médicale du défendeur comportait des particularités par rapport à celle des médecins de son groupe de référence (question 4b), l'expert a exposé que la pratique du défendeur se distinguait de celle de ses confrères en ceci qu'il avait non seulement une activité chirurgicale extrêmement complète, mais également l'accès à un plateau technique (sis à la Clinique ZZ__________, adjacent à son cabinet) qui lui permettait de réaliser directement, et donc de facturer, la quasi-totalité des examens complémentaires ophtalmologiques. De ce fait, le défendeur allait, d'une part, effectuer de nombreux examens complémentaires pour ses patients que d'autres ophtalmologues référeront à des confrères ou aux HUG. D'autre part, il pratiquait également un certain nombre d'examens complémentaires pour des patients référés.

Cette particularité ressortait clairement, selon l'expert, du mémoire de réponse établi par le défendeur qui distinguait les coûts liés à des "consultations de base" et ceux liés à des actes spécifiques. Il apparaît que plus de 40 % de son chiffre d'affaires ressortait de ce type d'actes, l'analyse de ces actes spécifiques révélant qu'il s'agissait en dehors du champ visuel (position 08.03.30 et 08.03.40) d'examens complémentaires qui n'étaient pas facturés par la majorité des ophtalmologues exerçant en cabinet. Les pathologies les plus coûteuses (cataracte, diabète, dégénérescence maculaire, glaucome et thrombose) nécessitent soit une intervention chirurgicale, soit de nombreux examens complémentaires et souvent les deux, qui engendrent des coûts élevés. Or, ces examens ne sont pas pratiqués par la majorité des ophtalmologues mais uniquement par certains d'entre eux, dont le défendeur et les HUG, auxquels la majorité des ophtalmologues réfèrent ces cas, soit pour une prise en charge globale, soit simplement pour les examens complémentaires.

À la question de savoir si la clientèle du défendeur était composée d'un nombre plus élevé de personnes âgées que la moyenne de son groupe de référence (question 4b), l'expert a répondu que selon les statistiques ANOVA, tel était le cas. Quant à la question de savoir si ces patients nécessitaient davantage de suivi médical, l'expert n'a pas pu y répondre, considérant qu'il faudrait disposer des coûts par pathologie.

À la question de savoir si le défendeur effectue des gestes thérapeutiques supplémentaires par rapport à ses confrères du groupe de référence (question 4c), l'expert a répondu par l'affirmative. Il relève que l'activité du défendeur est vraisemblablement comparable à trois ou quatre médecins figurant dans le sous-groupe des ophtalmochirurgiens (Drs M___________, N___________ et H___________), mais n'est vraisemblablement pas comparable à celle des autres médecins figurant sur cette liste. Quant à la qualité des gestes effectués spécifiquement par le défendeur, il s'agit d'interventions chirurgicales sur le segment antérieur, sur le segment postérieur ainsi que de nombreux examens complémentaires tels que angiographies, OCT, topographies cornéenne, HRT, GDX et bilan orthoptique. La comparaison avec le sous-groupe est difficile, dès lors que dans ce sous-groupe, l'activité orthoptique n'est pratiquée que par les Drs AB__________, S___________ et le défendeur, à la connaissance de l'expert. En revanche, d'autres médecins parmi les ophtalmologues généralistes ne figurant pas dans le sous-groupe ont également ce type d'activité. La comparaison est d'autant plus difficile, selon l'expert, que les bilans orthoptiques sont généralement réalisés par des techniciens (orthoptistes), salariés par le médecin et dont le degré d'activité est variable. À titre d'exemple, et durant la période concernée, le défendeur employait une orthoptiste à 100 % alors que le Dr S___________ n'employait une orthoptiste qu'à un taux de 10 %. De ce fait, l'impact sur les coûts est significatif, dès lors que le nombre de cas avec examens orthoptiques sera plus élevé chez le défendeur que chez les autres médecins. Ainsi, l'expert a estimé que seule une analyse qualitative des dossiers des patients permettrait de savoir si les cas traités l'ont été selon les règles de l'art.

À la question 4d, l'expert a répondu que l'étude analytique des dossiers confiés n'a pas mis en évidence d'anomalie quant au nombre, à la nature et à la durée des consultations, ni quant aux examens médicaux, aux prescriptions et aux gestes thérapeutiques. Concernant la durée des consultations, l'expert a précisé que la facturation du défendeur ne comprenait que des gestes facturés à l'acte plus les cinq premières et les cinq dernières minutes de consultation, ce qui correspond non pas à une notion de temps absolu mais à l'ouverture et la clôture de la consultation. Les gestes médicaux pratiqués par le défendeur se sont révélés, notamment après les explications complémentaires qu'il a fournies à l'expert (annexe 2 du rapport), tout à fait correctes eu égard au diagnostic. Les actes thérapeutiques pratiqués par le défendeur sont pour l'essentiel conformes au TARMED. L'expert relève toutefois qu'un certain nombre de cas ont été facturés par analogie. En l'espèce, il s'agit d'un examen complémentaire spécifique utilisé dans le suivi des glaucomes (GDX) qui a été facturé chez douze patients en utilisant la position photos panoramiques en lieu et place de la position photo SLO. La position tarifaire utilisée par le défendeur implique une économie de 40 % par rapport au coût de la position communément utilisée en cas d'examen par GDX dans le cadre du suivi d'un glaucome. L'expert précise toutefois que la position de référence est soumise à une limitation selon la liste OPAS qui implique que le remboursement de cet examen par la caisse-maladie est limité à certaines conditions. L'expert relève encore que l'examen par GDX comporte également un cliché de la papille qui pourrait être facturé dans tous les cas mais dont le coût serait d'environ 110 fr. à Genève par rapport au 140 fr. de la position utilisée par le défendeur. La question de savoir s'il convient de revenir sur l'ensemble des examens GDX est une question d'opportunité que l'expert considère ne pas avoir à trancher. Enfin, il a constaté deux cas de sous-facturation. Il s'agit, selon les explications du défendeur, d'une erreur de facturation. Pour le surplus, l'analyse des dossiers n'a révélé aucun acte qui aurait été facturé sans avoir été consigné au dossier médical.

L'expert n'a pas pu répondre à la question de savoir si le défendeur opérait plus de cas par année que la moyenne de ses confrères (question 4e). En effet, il n'existe pas, à sa connaissance, de statistiques fournies par SANTÉSUISSE relevant le nombre et le type d'opérations pratiquées par année par médecin. Toutefois, sur la base du sous-groupe de référence, l'expert est certain que le défendeur opère plus de cas par année que la majorité des ophtalmologues figurant sur la liste. Par ailleurs, le défendeur cumule de nombreux actes spécifiques, à savoir qu'il est un des rares ophtalmologues à Genève à pratiquer à la fois la chirurgie du segment antérieur et celle du segment postérieur. Il est également un des rares ophtalmologues à réaliser un grand nombre d'examens complémentaires, tels que GDX, HRT, OCT, topographies cornéennes, biométries, examens orthoptiques, angiographies fluorescéniques, angiographie au vert d'indocyanine, traitement par photocoagulation au laser, traitements par Laser Yag et injections intra-vitréennes.

À la question de savoir si l'examen des dossiers sélectionnés révèle ou infirme une pratique non économique du défendeur (question 4f), l'expert a répondu que l'étude des dossiers sélectionnés n'a pas permis de mettre en évidence de cas où le défendeur aurait de manière patente effectué des examens ou des gestes thérapeutiques non nécessaires. Dans un certain nombre de cas, l'analyse des dossiers avait fait surgir une question quant à la répétition systématique de l'examen de la périphérie du fond de l'œil chez certains patients. Les réponses spécifiques du défendeur au cas par cas sont, aux dires de l'expert, dans l'ensemble satisfaisantes et ne permettent en aucun cas de conclure avec certitude quant à l'existence de l'utilisation abusive de cette position.

En réponse à la question 4h, l'expert n'a pas été en mesure d'indiquer s'il y avait des particularités de la pratique et de la patientèle du défendeur qui pourraient justifier un supplément au coût moyen par patient du groupe de comparaison et à combien le surcoût engendré en pour cent du coût par patient de ce groupe pourrait être évalué, ceci certainement en raison du fait que le groupe n'est pas suffisamment homogène pour pouvoir être considéré comme représentatif.

En conclusion, l'expert n'a pas pu mettre en évidence de suspicion fondée de polypragmasie dans son évaluation analytique des dossiers concernant l'échantillon de patients sélectionnés par le Tribunal arbitral. L'expert souligne que le sous-groupe de comparaison déterminé par SANTÉSUISSE est inadéquat, pour les motifs qu'il a déjà évoqués. Les pathologies lourdes sur le plan de la prise en charge et donc très coûteuses sont généralement assumées par un nombre limité de sous-spécialistes qui vont donc assumer la majorité des coûts ayant trait à ces pathologies, ce qui fait une différence significative en terme de coût par cas par an. Cela n'est en soi en aucun cas constitutif d'une suspicion de polypragmasie. À titre d'exemple, un patient diabétique (léger, sans atteinte oculaire ou avec une atteinte oculaire minime) aura besoin d'un ou deux contrôles par année, lesquels seront effectués par tous les ophtalmologues et donc induiront un coût de référence. En revanche, lorsqu'un ophtalmologue "spécialisé" dans ce type de pathologie prendra en charge un patient référé par un collègue, il va effectuer diverses séances de photocoagulation au laser, parfois une ou plusieurs interventions chirurgicales sur une année voire deux ans, qui vont engendrer des coûts 10 à 50 fois supérieurs à ceux de la moyenne des ophtalmologues genevois.

Le Tribunal arbitral a communiqué le rapport d’expertise aux parties et leur a imparti un délai pour déposer leurs observations.

Par écriture du 2 mai 2011, le défendeur a souligné que l'expert était également d'avis que l'échantillon comparatif serait contestable. De même, le défendeur a relevé que l'expert confirmait que sa pratique était spécifique et qu'elle n'était comparable qu'à trois ou quatre ophtalmochirurgiens. Par ailleurs, l'expert a confirmé que le défendeur opérait plus que la majorité de ses confrères. Enfin, sa facturation était conforme au TARMED, à l'exception de quelques cas rares. Le défendeur a donc conclu à ce que les demanderesses soient déboutées de toutes leurs conclusions.

Les demanderesses, par écriture du 31 mai 2011, ont fait valoir que l'expert n'avait pas tenu compte du fait que pour toutes les classes d'âges, les traitements étaient plus coûteux chez le défendeur que chez ses confrères, quelle que soit la pathologie.

Par ailleurs, l'expert a mentionné que le défendeur avait accès à un plateau technique extrêmement complet lui permettant de réaliser la quasi-totalité des examens complémentaires. Or, selon les demanderesses, ce plateau technique se trouverait à la Clinique ZZ__________. Dès lors que selon le TARMED, la facturation se détermine en fonction du lieu où l'examen se déroule et sous le numéro RCC de l'établissement concerné (si un médecin intervient ailleurs qu'à son cabinet), les prestations du défendeur devraient donc être exclues. Ensuite, les demanderesses ont estimé que l'expert ne disait rien, sous l'angle du principe de l'économicité, quant à la nécessité de tels examens complémentaires eu égard aux dossiers concernés.

En outre, les demanderesses ont considéré que l'expert avait pris en considération les allégués du défendeur sans esprit critique. Or, l'analyse de quelques positions spécifiques du Tarifpool montrerait clairement que le défendeur utilise certaines positions dans des proportions deux fois plus importantes que l'ensemble du groupe cantonal.

Enfin, les demanderesses ont relevé que, comme l'a indiqué l'expert, la facturation par analogie était proscrite par les règles d'application du TARMED.

Pour le surplus, les conclusions de l'expert n'étaient, selon les demanderesses, pas claires, celui-ci ne s'exprimant qu'en des termes généraux. Les demanderesses ont sollicité l'audition de l'expert et ont prié le Tribunal arbitral d'interpeller le Dr AE__________ au sujet des moyennes genevoises pour le coût d'une prescription de lunettes, de la conjonctivite et de la cataracte.

Par écriture du 28 juillet 2011, le défendeur a indiqué que l'affirmation de SANTÉSUISSE selon laquelle l'activité déployée dans le bâtiment adjacent (plateau technique) à la Clinique ZZ__________ serait facturée sous le code RCC de la Clinique était erronée.

Le défendeur a également relevé que les coûts pour traiter une conjonctivite pouvaient fortement varier selon qu'il s'agissait d'une consultation unique ou que, au contraire, plusieurs consultations étaient nécessaires. Il en allait de même de la cataracte, en particulier si le patient présentait une pathologie associée, ainsi que pour les pathologies du segment postérieur. Par ailleurs, le défendeur a allégué qu'il s'était toujours rendu disponible pour ses propres urgences, de sorte qu'il n'adressait que rarement ses patients à un service de garde ou à une autre institution. Pour le surplus, le défendeur ne s'est pas opposé à l'audition de l'expert ni à celle du Dr AE__________.

Le 19 août 2011, le Tribunal arbitral a entendu le Prof. O___________. L'expert a confirmé que le plateau technique utilisé par le défendeur se situait à l'intérieur des locaux de la Clinique ZZ__________. Il a précisé que ce plateau technique, financé par la Fondation ROTSCHILD, était mis à disposition de tous les ophtalmologues collaborant avec la Clinique ZZ__________. L'expert ne connaissait pas précisément les arrangements financiers entre les médecins et la Clinique, mais la pratique serait que l'ophtalmologue facture les prestations et en rétrocède une partie à la Clinique à titre de dédommagement pour les frais de personnels mis à disposition. Tel serait également le cas à la Clinique BEAUMONT et au Centre ophtalmologique de Rive.

S'agissant des consultations usuelles lors de prescriptions de lunettes, l'expert a effectivement constaté que le défendeur pratiquait un examen associé complet et que sa facturation correspondait bien aux actes pratiqués. Tel a été le cas pour toutes les factures examinées. Il a précisé qu'il était fortement recommandé de procéder à un examen ophtalmologique complet lors d'une première consultation, si le patient n'était pas connu. Il n'était en revanche pas nécessaire de pratiquer un examen complet par la suite, sauf raisons médicales.

L'expert a ajouté que, comme dans toutes les professions, il y avait des personnes qui travaillaient moins bien que les autres, ce qui expliquait la différence de tarification. Ainsi, à Genève, de nombreux médecins qui n'ont pas été formés en Suisse ont obtenu un droit de pratique. Toutefois, ces médecins ne pratiqueraient pas une médecine ophtalmologique de bon niveau. L'AMG aurait reçu des plaintes et lui-même a dû dénoncer des cas.

S'agissant des examens complémentaires pratiqués par le défendeur, l'expert a précisé que le défendeur s'occupait de pathologies complexes qui nécessitaient une surveillance régulière. Il s'agissait par exemple des patients diabétiques présentant des problèmes vasculaires. Les dernières études internationales ont confirmé la nécessité d'une surveillance très soutenue de ces pathologies et ont édicté des recommandations à cet égard, des discussions étant en cours avec l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) à ce sujet. L'expert a précisé que les recommandations en question préconisaient pour les patients diabétiques un suivi mensuel et la répétition des examens complémentaires. Il serait difficile d'admettre, selon l'expert, que ces recommandations internationales ne sauraient être suivies à Genève. L'expert a relevé que parmi les soixante ophtalmologues à Genève, seule une minorité d'entre eux était formée pour suivre ce genre de pathologies, soit, en plus du défendeur, environ cinq ou six médecins.

S'agissant des conjonctivites, un seul cas parmi les dossiers présentait un problème. La facture comportait un examen complet, ce qui explique que le montant de la facture était de 150 fr. Toutefois, du point de vue de l'expert, un médecin ne devrait pas se contenter d'un examen superficiel de la surface de l'œil à 40 fr., dès lors qu'un examen complet permettrait par exemple de détecter une dégénérescence maculaire. L'expert a exposé qu'il était sensible à cette question, dès lors qu'il a été confronté à un cas où un patient souffrait d'une tumeur à l'intérieur de l'œil qui n'a pas été détectée par le précédent ophtalmologue qui n'avait pas pratiqué un examen complet. Ainsi, lorsqu'un patient présentait une conjonctivite, l'expert préconisait un examen du fond de l'œil. Selon l’expert, les ophtalmologues qui ne pratiquaient pas un tel examen faisaient du mauvais travail.

S'agissant du supplément sous position 0830.3020, l'expert a relevé qu'il s'agissait d'un examen obligatoire qu'il fallait pratiquer afin de détecter des pathologies telles que des déchirures rétiniennes asymptomatiques. Il s'agissait d'un examen préventif qui devait principalement être effectué pour la myopie. Le traitement au laser de cette prédisposition permettait de prendre le cas en charge très rapidement et d'éviter précisément le décollement de la rétine.

L'expert a relevé que lors d'une première consultation, il était indispensable que le médecin pratique un examen aussi complet que possible. Aux HUG, les médecins voyaient énormément de patients en urgence avec des pathologies qui n'avaient pas été détectées. Les assistants étaient formés pour pratiquer un examen complet.

Chez un patient myope, il était indispensable que le médecin pratique au moins une fois par année un examen du fond de l'œil.

S'agissant des cas de cataractes, l'examen du nombre très limité des cas qui a été transmis à l'expert n'a pas permis de constater que les positions tarifaires étaient injustifiées. S'agissant des opérations de cataractes, l'expert a précisé que l'examen biométrique était nécessaire et obligatoire: seul cet examen permettait d'évaluer la puissance dioptrique de l'implant artificiel. Dans les cas examinés, l'expert a constaté que cet examen a toujours été pratiqué par le défendeur.

S'agissant des photos bilatérales ou panoramiques bilatérale, l'expert a précisé que cette terminologie utilisée par le TARMED n'avait pas de sens. Il s'agissait probablement d'une mauvaise traduction de l'allemand. Il ignorait pourquoi le terme "bilatérale" avait été utilisé, car les ophtalmologues faisaient une photo panoramique de chaque œil. La pratique des HUG était de faire une photo panoramique du fond de l'œil de chaque côté. Cet examen n'est cependant pratiqué qu'à trois ou quatre endroits, soit par une minorité d'ophtalmologues.

Enfin, sur les vingt-cinq dossiers examinés, 30 % des patients avaient subi une angiographie fluorescénique.

À l'issue de l'audience, le Tribunal arbitral a accordé aux parties un délai pour déposer leurs conclusions après enquêtes.

Par pli du 26 août 2011, l'expert a remis au Tribunal arbitral les annexes qu'il avait omis de transmettre lors du dépôt de son rapport d'expertise. Il s'agit, d'une part, d'un courrier de l'expert destiné au défendeur, lui posant des questions sur 36 dossiers et, d'autre part, d'un courrier du 19 octobre 2010 du défendeur répondant aux interrogations de l'expert.

Ces pièces ont été communiquées aux parties par le Tribunal arbitral.

Le 26 octobre 2011, le défendeur a déposé ses conclusions après enquêtes. Hormis les arguments déjà soulevés, le défendeur a d'abord relevé que SANTÉSUISSE ne représentait ni les caisses-maladie des organisations internationales ou des organismes apparentés, ni les assurances frontalières. Par ailleurs, VIVAO SYMPANY serait inconnue en tant qu'assureur et six des assureurs faisant partie des demanderesses n'avaient pas produit de factures.

Ensuite, se fondant sur un avis de droit du 21 juin 2007 établi par l'Office fédéral de la Justice, à la demande de l'OFSP, le défendeur a considéré que SANTÉSUISSE n'avait pas la qualité pour agir, dès lors que les activités dévolues par les assureurs à SANTÉSUISSE dans la mise en œuvre de la loi dépassaient le cadre de simples activités administratives et requéraient une base légale formelle.

En outre, le défendeur a considéré que les statistiques de SANTÉSUISSE n'étaient pas exploitables. En effet, le GROUPE MUTUEL ne livrait pas ses chiffres, alors qu'il assurait pratiquement la moitié des assurés genevois. Par ailleurs, certaines assurances, telles LA GENEVOISE, ALLIANZ, ASSURA, SUPRA, SANITAS ou encore VISANA, n'étaient pas représentées par SANTÉSUISSE, de sorte qu'il y a lieu de relativiser le rôle de "négociateur tarifaire unique".

Enfin, le défendeur a allégué que les enquêtes avaient démontré que sa pratique était très spécifique et qu'il était difficilement comparable à d'autres confrères à Genève. Aussi, il se justifierait de tenir compte d'une marge supplémentaire de 30 % eu à égard aux particularités de sa pratique. Le défendeur a conclu au rejet des demandes.

Les demanderesses ont déposé leur mémoire après enquêtes le 26 octobre 2011. Hormis les arguments déjà soulevés, elles ont relevé ce qui suit :

À suivre l'expert, la majorité des ophtalmologues genevois pratiqueraient une médecine de mauvaise qualité et seuls le défendeur et un autre ophtalmologue (qui fait l'objet d'une procédure identique pendante devant le Tribunal arbitral et dont la pratique a été soumise pour expertise au Prof. O___________) pratiqueraient une bonne médecine ophtalmologique. C'est précisément ce genre de conception qui illustrerait, selon les demanderesses, ce que la loi a voulu éviter en prescrivant le respect du principe de l'économicité. Il ne serait en effet pas raisonnable de considérer que seuls les médecins qui seraient systématiquement "jusqu'au-boutistes" seraient de bons médecins, et que tous ceux - la majorité écrasante - qui limiteraient leur intervention à ce qui est nécessaire et suffisant (autrement dit en respectant le principe d'économicité) seraient de mauvais médecins. Dans le cas d'un patient diabétique, les demanderesses ont relevé que la pratique de la quasi-totalité des ophtalmologues correspondait en effet au standard de ce qui se pratiquait, non seulement en Suisse, mais également en Europe, les demanderesse faisant référence aux recommandations pour le dépistage et la surveillance de la rétinopathie diabétique (établies par l'Association de langue française pour l'étude du diabète et des maladies métaboliques sise en France, 1996; cf. pièce unique du chargé du 26.10.2011).

En outre, les demanderesses ont exposé que le défendeur ne pratiquait pas seulement le traitement des pathologies lourdes et complexes, mais il développait également une activité plus simple, à l'instar de ses confrères non chirurgiens. Or, selon ses courbes statistiques ANOVA, le défendeur n'était pas seulement plus cher que ses confrères pour ses patients les plus âgés, mais il était systématiquement plus cher que la moyenne du groupe de comparaison, dans toutes les classes d'âge.

Enfin, les demanderesses ont considéré que l'expert s'était tout de même interrogé sur la pertinence et la justification d'un bon nombre de prestations facturées dans certains dossiers du défendeur, comme cela ressort des annexes au rapport. Si l'expert a estimé que le défendeur avait répondu de manière satisfaisante à ses interrogations, il n'en demeurait pas moins, selon les demanderesses, que ce qui est justifiable n'est pas nécessairement indispensable.

Les demanderesses ont persisté dans leurs dernières conclusions du 6 février 2009.

Après échange des écritures, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

a) Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ; RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

Selon l'art. 39 al. 1 de la loi d'application genevoise de la LAMal (LaLAMal - RSG J 3 05), le Tribunal arbitral, nommé pour 4 ans par le Conseil d’Etat, est chargé aux termes de l'art. 89 LAMal de trancher les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations.

Aux termes de l'art. 41 LaLAMal, le tribunal ne peut entrer en matière avant que le cas ait été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention ou à une tentative de conciliation conformément aux dispositions de l’art. 45 de la loi. Si le cas n’a pas été soumis à un organisme de conciliation prévu par convention, le président du tribunal tente de concilier les parties (art. 45 al. 2 LaLAMal).

b) En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal ; RS 832.102) du défendeur, installé à titre permanent dans le canton de Genève, n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs autorisés à pratiquer à charge de l'AOS au sens de la LAMal (cf. site internet de l'OFSP pour la liste des assureurs-maladie admis, disponible sur www.bag.admin.ch/themen/krankenversicherung/00295/11274/index.html?lang=fr).

Lors de l'audience du 24 août 2006, le défendeur a contesté la compétence du Tribunal de céans pour procéder à une tentative de conciliation, motif pris qu’elle était du ressort de la Commission paritaire. Cela étant, il n'a plus pris de conclusions à ce sujet par la suite, acceptant, sans autres contestations, que le Tribunal de céans procède à l'instruction au fond de la cause.

À toutes fins utiles, le Tribunal de céans relève qu'il a déjà jugé, dans une cause similaire, que la convention d'adhésion cantonale (CCA) à la convention-cadre conclue entre l'AMG et SANTÉSUISSE, - qui prévoyait que la Commission paritaire était compétente pour l'arbitrage des litiges entre assureurs et les caisses-maladie et que le Tribunal arbitral ne pouvait être saisi directement que si les parties avaient renoncé à soumettre le litige à la Commission paritaire (art. 19 al. 3 let. b et al. 4 CCA) - , n'était plus en vigueur depuis le 1er janvier 2006. Dans la mesure où, dans cette cause, les demanderesses avaient saisi le Tribunal arbitral le 28 juillet 2006, soit au moment où la CCA n'était plus en vigueur, le Tribunal arbitral était compétent, conformément à la LaLAMal, pour procéder à une tentative de conciliation (ATAS/53/2007 du 22 janvier 2007, consid. 3 et 4).

La présente cause étant identique à raison de la matière, les demanderesses du groupe I ayant saisi le Tribunal de céans le 28 juillet 2006, soit au moment où la CCA n'était plus en vigueur, il y a donc lieu d'admettre qu'il était compétent pour procéder à la tentative de conciliation.

Par conséquent, la compétence du Tribunal de céans pour juger du cas d’espèce est établie ratione loci et materiae.

Pour le surplus, les demandes du 28 juillet 2006, du 2 juillet 2007 et du 23 juillet 2008 respectent les conditions de forme prescrites par l'art. 45 al.1 LaLAMal et les art. 64 al. 1 et 65 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; RSG E 5 10), applicables par renvoi de l'art. 45 al. 4 LaLAMal, de sorte qu'elles sont recevables.

Le défendeur invoque préalablement la péremption des prétentions des demanderesses.

a) Aux termes de l'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1), le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1). Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATFA non publié K 9/00 du 24 avril 2003, consid. 2).

Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ; RS 831.10) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 145 consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable. Selon celle-ci, il s'agit de délais de péremption (ATF 119 V 431 consid. 3a). L'expiration de ce délai est empêché lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande par-devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral, dans le délai d'une année à partir du moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 5.2 ; RAMA 2003, p. 218, consid. 2.2.1).

Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas inexact, faute d'éléments contraires, de retenir comme point de départ du délai de péremption d'une année la date figurant sur les documents intitulés "préparation des données" et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (ATF non publié 9C_968/2009 du 15 décembre 2010, consid. 2.3; ATF non publié 9C_205/2008 du 19 décembre 2008, consid. 2.2).

b) Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

En l'espèce, selon les pièces produites, les statistiques de SANTÉSUISSE concernant l'année 2004 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt le 29 juillet 2005, à savoir le lendemain de leur préparation (le 28 juillet 2005). Pour l'année 2005, les statistiques de SANTÉSUISSE ont été portées à leur connaissance au plus tôt le 4 juillet 2006, à savoir le lendemain de leur préparation (le 3 juillet 2006). Pour l'année 2006, les statistiques de SANTÉSUISSE ont été portées à leur connaissance le 24 juillet 2007 au plus tôt, à savoir le lendemain de leur préparation (le 23 juillet 2007).

L'argument du défendeur, selon lesquelles les demanderesses ont eu connaissance des statistiques bien avant la date figurant sur les statistiques produites, à savoir déjà au mois de mars de l'année suivant l'année en cause, ne trouve toutefois aucun fondement. Il ne produit aucune pièce ou élément probant permettant de remettre en cause l'authenticité de la date d'établissement des statistiques. Est tout autant infondé l'argument selon lequel SANTÉSUISSE établirait, à sa guise, la date d'établissement des statistiques, lesquelles sont régulièrement établies, du moins pour les années en question, en milieu d'année (en l'espèce au mois de juillet). D'ailleurs, on ne voit pas quel avantage tireraient les demanderesses de systématiquement faire établir, quand bon leur semble, les données statistiques.

Faute de preuves ou même d'indices contraires, il convient de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, la date figurant sur les statistiques comme point de départ du délai de péremption d'une année.

Pour l'année 2004, les statistiques ont été portées à la connaissance des demanderesses du groupe I le 29 juillet 2005 et la demande en restitution a été déposée le 28 juillet 2006, soit dans le délai légal d'une année. Pour l'année 2005, les statistiques ont été portées à la connaissance des demanderesses du groupe II le 4 juillet 2006 et la demande en restitution a été déposée le 2 juillet 2007, soit dans le délai d'une année. Enfin, pour l'année 2006, les statistiques ont été portées à la connaissance des demanderesses du groupe III le 24 juillet 2007 et la demande a été déposée le 23 juillet 2008, de sorte que le délai d'une année a été respecté.

Partant, l’exception de péremption soulevée par le défendeur est mal fondée.

Il convient encore d'examiner les griefs du défendeur relatifs à la qualité pour agir des caisses.

a) Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1; ATF non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46; cf. ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131; cf. ATF 126 III 59 consid. 1 et ATF 125 III 82 consid. 1a).

b) Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE - peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19; ATF 127 V 281 consid. 5d p. 286 s.).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (ATF non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 4.7 ; ATF non publié 9C_167/2010 du 14 janvier 2011, consid. 2.2). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (ATFA non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4.c).

c) Il est notoire que le GROUPE MUTUEL représente diverses caisses-maladie autorisées à pratiquer à charge de l'assurance-maladie sociale, mais cette association n'a pas qualité pour agir en son nom propre en tant que demanderesse. Toutefois, rejeter la demande du Groupe mutuel ou des assureurs-maladie de ce groupe, au motif que les membres du groupe n'ont pas été individuellement énoncés dans l'intitulé de la demande, ne se concilie ni avec le principe de la prohibition du formalisme excessif (cf. art. 9 et 29 al. 1 Cst.), ni avec l'obligation du tribunal d'établir avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige (cf. art. 89 al. 5 LAMal; ATF non publiés 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 5.3.1, et 9C_167/2010 du 14 janvier 2011, consid. 2.2).

a) Au préalable, le Tribunal de céans relève que certaines caisses-demanderesses ont été reprises par d'autres caisses-maladie ou que leur raison sociale a été modifiée, à savoir:

Le successeur en droit de la CAISSE-MALADIE 57 est MOOVE SYMPANY SA (depuis 2007 selon le registre du commerce informatisé du canton de Berne disponible sur http://www.jgk.be.ch/jgk/fr/index/direktion/organisation/hra.html).

Le successeur en droit de la CAISSE-MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE est PHILOS (selon le registre du commerce informatisé du Bas-Valais depuis février 2012 disponible sur http://www.rcvs.ch/hrweb/fre/vs.htm).

Le successeur en droit d'OKK SUISSE est VIVAO SYMPANY SA (selon le registre du commerce informatisé du canton de Bâle-Ville disponible sur http://www.handelsregisteramt.bs.ch/).

Le successeur en droit de SANATOP est SUPRA CAISSE MALADIE depuis 2010 (selon les données du registre du commerce informatisé du canton de Soleure disponible sur www.so.ch/departemente/finanzen/kantonales-handelsregister.html).

La qualité des parties concernées sera donc rectifiée en conséquence.

b) S'agissant de la qualité pour agir des demanderesses du groupe I, au nombre de trente-huit, chacune d'elles a donné procuration à SANTÉSUISSE pour les représenter. Toutefois, seules les caisses-maladie suivantes ont produit une facture justifiant un remboursement durant l'année statistique en cause (2004): AQUILANA, ASSURA, ATUPRI, CAISSE-MALADIE 57 (successeur en droit: MOOVE SYMPANY SA), CSS, EGK, GALENOS, HELSANA, KOLPING, KPT/CPT et SANITAS. Partant, la qualité pour agir de ces caisses doit être admise. L'argument du défendeur, selon lequel les caisses devraient établir tous les montants qu'elles ont remboursés va au-delà des réquisits jurisprudentiels, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'exiger des demanderesses.

En outre, le Tribunal de céans constate que, selon pièces produites, la majorité des caisses - à savoir vingt-sept - n'ont pas produit au moins une facture. Il s'agit d'AGRISANO, AUXILIA, AVANEX, AVANTIS, AVENIR, CMBB, CONCORDIA, EASY SANA, EOS, CAISSE-MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE (successeur en droit: PHILOS), FONDATION NATURA, HERMES, INTRAS, LA CAISSE VAUDOISE, MUTUEL ASSURANCES, OKK SUISSE (successeur en droit: VIVAO SYMPANY SA), PHILOS, PANORAMA, PROGRES, PROVITA, SANATOP (successeur en droit: SUPRA CAISSE MALADIE depuis 2010), SANSAN, SUPRA, SWICA, CAISSE-MALADIE DE TROISTORRENTS, UNIVERSA et WINCARE. À cet égard, plusieurs pièces produites par les demanderesses ne permettent pas d'identifier quelle caisse a procédé au remboursement (cf. pièces no 44, 45, 49, 50, 51, 55, 56, 58, 60 et 68 du chargé des demanderesses du groupe I du 28 juillet 2006).

Le défendeur n'a pas manqué d'attirer l'attention des demanderesses à ce sujet, sans qu'elles ne réagissent ultérieurement, étant précisé que la qualité pour agir (ou la légitimation active) est une question de fond qui s'examine au moment du jugement. De même, les demanderesses elles-mêmes ont à réitérées reprises fait référence à la jurisprudence selon laquelle les caisses doivent au moins présenter une facture remboursée pour démontrer leur qualité pour agir (cf. par exemple écriture du 23 janvier 2007, p. 12).

Or, cette jurisprudence ne saurait être contournée par l'argument des demanderesses selon lequel la restitution du trop perçu est calculée sur l'ensemble de la facturation du défendeur et que la répartition interne ne se fera qu'envers les demanderesses qui ont effectivement remboursés des frais de traitement. Même si tel devait être le cas en pratique, cela reviendrait toutefois à contourner, de manière inadmissible, les exigences jurisprudentielles précitées en admettant qu'une caisse pourrait démontrer sa légitimation active, c'est-à-dire la titularité de son droit, par la seule allégation qu'elle a remboursé des prestations. Le contrôle de la légitimation active, par la production d'une seule facture, est une exigence minimale que l'on peut attendre des demanderesses, exigence qui n'est de loin pas insurmontable ou contraignante. Elles ne le soutiennent d'ailleurs pas.

De plus, l'argument de SANTÉSUISSE, selon lequel les factures produites qui ne permettraient pas d'identifier l'assureur permettrait dans tous les cas d'identifier qu'il s'agit d'une facture remboursée au défendeur, n'est pas pertinent. En effet, la production d'au moins une facture a en particulier pour but d'identifier l'assureur et d'établir sa légitimation active.

Enfin, s'agissant de la facture produite au nom du GROUPE MUTUEL (pièce n° 67 du chargé précité), chaque caisse-maladie membre du GROUPE MUTUEL aurait dû produire au moins une facture à son nom, SANTÉSUISSE ne pouvant se contenter de produire une facture en y apposant uniquement "GROUPE MUTUEL". De surcroît, SANTÉSUISSE a admis que la facture en question concernait l'assurance complémentaire, et non l'AOS. Or, elle n'a pas produit, ultérieurement, d'autres factures, malgré son engagement (cf. écriture de SANTÉSUISSE du 23 janvier 2007).

S'il appartient certes au Tribunal de céans d'établir d'office les faits, il convient toutefois de constater que l'attention du représentant des demanderesses a été suffisamment attirée sur l'absence de pièces permettant d'établir la légitimation active de certaines d'entre elles. En cela, la portée de la maxime inquisitoire est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l’administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2, 128 III 411 consid. 3.2).

Au vu de ce qui précède, les vingt-sept caisses précitées faisant partie du groupe I, y compris celles faisant partie du GROUPE MUTUEL, qui n'ont pas produit au moins une facture seront donc déboutées d'office de leurs conclusions, faute d'avoir démontré leur légitimation active.

c) Les demanderesses du groupe II ont toutes donné procuration à SANTÉSUISSE pour les représenter dans le cadre de la présente procédure. Elles ont également toutes produites au moins une facture, à l'exception des caisses-maladie membre du GROUPE MUTUEL. En effet, SANTÉSUISSE n'a produit qu'une seule facture à l'entête du groupe (cf. pièce no 32 du chargé des demanderesses du 2 juillet 2007).

Pour les motifs précédemment invoqués, les demanderesses (du groupe II) faisant partie du GROUPE MUTUEL, à savoir MUTUEL ASSURANCES, AVENIR, HERMES, UNIVERSA, CMBB, LA CAISSE VAUDOISE, CAISSE MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE (successeur en droit: PHILOS), CAISSE-MALADIE DE TROISTORRENTS, EOS, AVANTIS, FONDATION NATURA, PANORAMA, EASY SANA et PHILOS, devront être déboutées d'office de leurs conclusions, faute d'avoir établi leur légitimation active.

d) Les demanderesses du groupe III ont toutes donné procuration à SANTÉSUISSE pour agir en leur nom et ont toutes produit au moins une facture démontrant avoir remboursé une prestation effectuée par le défendeur durant l'année statistique 2006 au titre de l'AOS.

Partant, leur qualité pour agir sera admise.

Le litige porte sur la question de savoir si la pratique du défendeur, pendant les années 2004 à 2006, est contraire au principe de l'économicité, ainsi que si et dans quelle mesure les demanderesses sont habilitées à lui réclamer l'éventuel trop perçu.

a) Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort.

L'obligation de restitution fondée sur l'art. 56 al. 2 LAMal ne peut englober que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui; ATF 137 V 43 consid. 2.5.1 - 2.5.5). L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution ne modifie en rien la pratique selon laquelle l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire sur la base d'une vision d'ensemble (au sens de l'ATF 133 V 37). En effet, une part plus importante que la moyenne de prestations directement délivrées par le médecin par rapport aux prestations déléguées peut s'expliquer par une pratique médicale spécifique pouvant justifier des surcoûts (ATF 137 V 43 consid. 2.5.6).

Ainsi, il convient de prendre en considération pour l’examen de l’économicité l’indice de l’ensemble des coûts, à savoir aussi bien les coûts de traitement directs que de traitements indirects (coût des médicaments et autres coûts médicaux occasionnés par le médecin auprès d’autres fournisseurs de prestations), lorsque l’ensemble des coûts est inférieur aux coûts directs. Toutefois, lorsqu’il existe des indices concrets que les coûts inférieurs dans un domaine sont dus à des circonstances extérieures sans lien de causalité avec la façon de pratiquer du médecin, il n'y a pas lieu de procéder à une prise en compte de l’ensemble des coûts (ATF 133 V 37 consid. 5.3.2 à 5.3.5).

a) Pour établir l’existence d’une polypragmasie (Überarztung), le Tribunal fédéral admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.1; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1; ATF 119 V 448 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d’examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (ATFA non publié du 9 octobre 2006, consid. 4.1; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1).

b) La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (ATFA K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé . Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b et les références).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1 et les références; SVR 1995 KV p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (ATFA non publiés K 113/03 du 10 août 2004, consid. 6.2 et K 134/99 du 28 novembre 2001, consid. 6d).

c) Le Tribunal fédéral a réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (cf. par exemple ATF non publiés 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 et 9C_649/2007 du 23 mai 2008; ATFA non publiés K 130/06 du 16 juillet 2007, K 46/04 du 25 janvier 2006, K 93/02 du 26 juin 2003 et K 108/01 du 15 juillet 2003) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, cf. notamment ATFA non publiés K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.3 et K 9/99 du 29 juin 2001, consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3; JUNOD, op. cit. p. 140 ss). On rappellera encore que la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2).

d) Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). A cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par Santésuisse ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par Santésuisse le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné ("données du pool de données SANTÉSUISSE") (ATF 136 V 415 consid. 6.3.2 et 6.3.3).

e) Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (JUNOD, op. cit., p. 137). Lorsque le tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s).

Le tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 6 et 7; ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007, consid. 5; JUNOD, op. cit., p. 138).

f) Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impératifs des conclusions d’une expertise médicale judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une sur-expertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa).

En l’occurrence, le Tribunal de céans a mis en œuvre une expertise analytique afin de déterminer concrètement si la pratique du défendeur est ou non constitutive de polypragmasie. Si, comme l'ont relevé les demanderesses, la préférence devrait être donnée à la méthode statistique, il n'en demeure pas moins que le Tribunal arbitral demeure libre quant au choix de la méthode (cf. ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007, consid. 4 et les références), en particulier lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut.

À ce sujet, le Tribunal de céans relève ce qui suit.

Comparé dans un premier temps au groupe des ophtalmologues pratiquant à Genève, SANTÉSUISSE a ensuite admis que le défendeur devait être comparé aux ophtalmologues opérateurs, à savoir à ses confrères de même spécialité. Force est de constater que la comparaison entre le défendeur et des ophtalmologues non-chirurgiens n'était en effet pas soutenable, leur pratique étant manifestement distincte. D'ailleurs, la comparaison avec les ophtalmochirurgiens a mis en évidence des indices de coûts considérablement réduits. Ainsi, pour l'année 2004, l'indice des coûts totaux du défendeur est passé de 193 à 164, pour l'année 2005, de 166 à 145 et pour l'année 2006, de 152 à 131.

Les enquêtes ont en outre permis d'établir que le sous-groupe des ophtalmologues était composé de médecins ne pratiquant pas ou très peu la chirurgie ophtalmologique. Les demanderesses l'ont expressément reconnu dans leur écriture du 6 février 2009, en réduisant à nouveau la liste du sous-groupe des ophtalmochirurgiens.

Les enquêtes ont également révélé que sur tous les témoins entendus, seuls quatre médecins, à savoir le défendeur, le Dr H___________, le Dr N___________ et le Dr I___________, pratiquaient des interventions tant du segment antérieur que postérieur (le Dr S___________, selon ses déclarations, n'a commencé à les pratiquer qu'après les années statistiques en cause). Par ailleurs, très peu de médecins pratiquaient des angiographies. En cela, les auditions rejoignent le témoignage du Dr AE__________ ainsi que celui de l'expert, qui ont mis en évidence le haut degré de spécialisation du défendeur. De même, les enquêtes ont démontré que seule une moitié des médecins entendus pratiquaient plus de 100 interventions par année.

Ces spécificités cumulées, quoi qu'en dise SANTÉSUISSE, rendent difficile la comparaison entre médecins, dès lors que seuls les quelques médecins précités ont une pratique similaire, et donc comparable. Dans la mesure où un groupe de comparaison inférieur à 10 médecins n'est pas admissible, selon la jurisprudence, le Tribunal de céans ne saurait se fonder sur les statistiques RSS, même sur celles relatives au sous-groupe des ophtalmochirurgiens, pour examiner si la pratique du défendeur est constitutive de polypragmasie.

De surcroît, les statistiques, dans le cas particulier, sont d'autant moins fiables que les enquêtes ont permis d'établir que lorsqu'un ophtalmochirurgien opère en clinique, la facture est établie sous le code RCC de la clinique, et non sous celui du médecin-opérateur, conformément aux directives de facturation du TARMED (facturation au lieu de traitement). Ainsi, bon nombre d'actes médicaux échappent aux statistiques. Or, l'absence de telles données fausse la comparaison, dès lors que tant le nombre de patients que la plupart des actes médicaux ne sont pas comptabilisés, ce qui peut avoir pour conséquence soit d'augmenter, soit au contraire de diminuer les indices de coûts.

Au vu de ce qui précède, outre le fait que le Tribunal arbitral a le libre choix de la méthode, il est dans tous les cas manifeste que les statistiques RSS ne permettent pas, dans le cas particulier, d'examiner si la pratique du défendeur est non-économique, raison pour laquelle la mise en œuvre d'une expertise analytique était d'autant plus justifiée.

a) Il convient d'examiner si, à teneur du rapport d'expertise du Prof. O___________, un cas de polypragmasie est avéré ou non, au degré de la vraisemblance prépondérante.

Dans son rapport du 25 mars 2011, l’expert indique qu'il n'a pas été en mesure de mettre en évidence de suspicion fondée de polypragmasie.

Pour parvenir à cette conclusion, l'expert expose, d'une part, que le défendeur exerce une activité chirurgicale ophtalmologique complète, à savoir qu'il effectue tant des interventions du segment antérieur que du segment postérieur. D'autre part, il effectue à son cabinet et en clinique la quasi-totalité des examens complémentaires ophtalmologiques. Ainsi, son activité est spécifique et hautement qualifiée, seuls quelques ophtalmologues, dont les Drs M___________, N___________ et H___________, ayant une activité comparable.

L'expert explique qu'une telle pratique est bien plus coûteuse que celle de la majorité des ophtalmologues et des ophtalmochirurgiens. En effet, l'examen des factures démontre clairement que les coûts sont extrêmement variables en fonction de la pathologie qui doit être traitée. Les pathologies les plus coûteuses (cataracte, diabète, dégénérescence maculaire, glaucome et thrombose), nécessitant soit une intervention chirurgicale, soit des examens complémentaires, soit les deux, engendrent des coûts plus élevés. Or, ces examens ne sont pas pratiqués par la majorité des ophtalmologues genevois, mais uniquement par certains d'entre eux, dont le défendeur et les HUG, auxquels la majorité des ophtalmologues réfèrent les cas. Le Tribunal de céans relève, à cet égard, que les témoins entendus parviennent à la même conclusion.

L'expert relève, par ailleurs, que l'examen analytique des dossiers et des factures y relatives n'a pas mis en évidence d'anomalie quant au nombre, à la nature et à la durée des consultations, ni quant aux examens médicaux, aux prescriptions et aux gestes thérapeutiques. Les actes thérapeutiques facturés par le défendeur sont conformes au TARMED, à quelques exceptions près. Ainsi, l'expert relève que certains cas ont été facturés par analogie, que la position utilisée pour le GDX n'est pas correcte et a enfin constaté deux cas de sous-facturation. Après interrogation du défendeur, il s'est avéré qu'il s'agissait d'erreur de facturation. Enfin, l'expert relève qu'aucun acte n'a été facturé sans avoir été consigné dans le dossier.

Partant, l'expert constate que l'étude des dossiers n'a pas permis de mettre en évidence de cas où le défendeur aurait de manière patente effectué des examens ou des gestes thérapeutiques non nécessaires. Dans un certain nombre de cas, l'analyse des dossiers avait fait surgir une question quant à la répétition systématique de l'examen de la périphérie du fond de l'œil chez certains patients. Les réponses spécifiques au cas par cas du défendeur sont dans l'ensemble satisfaisantes et ne permettent en aucun cas de conclure avec certitude à une utilisation abusive de cette position. Lors de son audition par le Tribunal de céans, l'expert a précisé que les dernières études et recommandations internationales ont confirmé la nécessité d'une surveillance très soutenue pour les patients diabétiques. L'expert est d'avis que de manière générale, un examen complet est nécessaire afin d'éviter de "rater" une pathologie, même en cas de conjonctivite. Le Tribunal de céans relève que le Dr AE__________, lors de son audition, a déclaré qu'une surveillance régulière des patients souffrant d'affections de la rétine est préconisée.

Le Tribunal de céans constate que l'expert a procédé à un examen approfondi de la facturation du défendeur, conformément à sa mission d'expertise. Hormis quelques erreurs de facturation, l'expert n'a pas relevé que le défendeur avait une pratique non-économique, précisant que les actes facturés étaient conformes aux pathologies présentées, ou à la prévention de pathologies. Ainsi, les coûts élevés du défendeur ne s'expliquent pas par une pratique non économique de sa spécialité, mais en raison de son haut degré de spécialisation, les actes pratiqués étant coûteux du fait de leur spécificité et de leur difficulté.

Quant aux remarques de l'expert relatives à la validité des statistiques et de l'échantillon du sous-groupe de comparaison, - critiquées par les demanderesses dans leur écriture du 26 octobre 2011 -, elles vont au-delà de la mission confiée. Cela n'enlève toutefois rien à la valeur du reste de l'expertise, le Tribunal de céans ayant de surcroît constaté que l'usage des statistiques, dans le cas d'espèce, n'était pas fiable.

b) Les demanderesses n’avancent que des généralités pour remettre en cause la valeur probante de l'expertise.

En effet, elles reprochent à l'expert de considérer que les examens complémentaires pratiqués par un médecin tels que le défendeur serait l'image rare d'une bonne pratique médicale. Les demanderesses en tirent la conclusion, a contrario, que pour l’expert, la majorité des ophtalmologues seraient de mauvais médecins. Les demanderesses se contentent toutefois de remettre en cause la probité de l'expertise, si ce n'est l'objectivité de l'expert, sans toutefois amener un seul indice prouvant en quoi le Prof. O___________ ne serait pas neutre.

Selon les demanderesses, dans les cas de patients diabétiques, ce que pratique la quasi-totalité des ophtalmologues correspond en effet au standard de ce qui se pratique, non seulement en Suisse, mais également en Europe. Or, les demanderesses, en se référant à des recommandations françaises établies il y a plus de dix ans, se contentent d'exposer des généralités, sans toutefois indiquer quels seraient ces standards, ni quelle serait la pratique générale des ophtalmologues suisses pour ces cas ni même en quoi le défendeur n'aurait pas respecté ces standards.

Par ailleurs, on ne saurait suivre les demanderesses lorsqu'elles simplifient les conclusions de l'expert, tirées de leur contexte, en invoquant que l'expert a cru pouvoir conclure qu'on ne saurait concevoir une suspicion de polypragmasie dans la simple fait que la facturation correspond aux prestations effectuées. En effet, l'expert a clairement indiqué que les examens effectués par le défendeur étaient conformes aux principes d'économie, eu égard aux pathologies présentées par les patients, et que dans aucun des cas analysés il n'a constaté d'examens qui n'auraient pas dû être effectués, c'est-à-dire qui étaient inappropriés ou encore qui allaient au-delà de ce que requérait le cas.

De plus, l'expert a annexé à son rapport les questions posées au défendeur ainsi que les réponses de ce dernier. SANTÉSUISSE n'a à aucun moment remis en cause les réponses apportées par le défendeur, ni même ne les a discutées, alors qu'elle en a eu la possibilité.

En outre, les demanderesses entendent remettre en cause les conclusions de l'expert en comparant les coûts du défendeur avec ceux de ses confrères. Par ce biais, les demanderesses persistent à procéder à une méthode de comparaison statistique, alors que le Tribunal de céans a considéré qu'une telle méthode n'était pas fiable en l'espèce. À cet égard, les demanderesses se réfèrent à leur base de données intitulée Tarifpool, établie en fonction des différentes positions tarifaires utilisées par les médecins. Elles ont toutefois admis que le GROUPE MUTUEL, assurant la moitié des personnes domiciliées à Genève, ne transmettait pas les données de position tarifaire à SANTÉSUISSE. Dès lors, il est manifeste qu'une telle base de données n'est pas fiable.

Enfin, les demanderesses invoquent que l'expert a repris sans esprit critique les allégués du défendeur. Cet argument est dénué de pertinence. En effet, l'expertise analytique était fondée sur l'examen des dossiers et des factures y relatives remis à l'expert, examen auquel il a consciencieusement procédé, n'hésitant pas à demander au défendeur des explications sur la plupart d'entre elles (plus de la moitié).

Ainsi, les demanderesses n'ont démontré à aucun moment de la procédure, hormis en se fondant sur des chiffres, que la pratique et les actes exercés par le défendeur ne seraient pas conformes au principe d'économicité. On ne voit d'ailleurs pas en quoi la demande de SANTÉSUISSE tendant à une nouvelle audition du Dr AE__________ serait utile, dès lors que ce médecin, déjà entendu par le Tribunal de céans, a confirmé que le défendeur pratiquait une ophtalmologie hautement qualifiée. De surcroît, il convient de préciser que la méthode analytique, contrairement à la méthode statistique, ne consiste pas en une comparaison des données entre divers médecins, mais uniquement en une analyse de la facturation du médecin en cause. L'argument des demanderesses selon lequel l'expert aurait dû comparer ses résultats avec ceux d'autres médecins ayant une pratique similaire n'est pas pertinent.

Pour le surplus, le fait que l'expert ait constaté des erreurs de facturation, comme celles relevant des examens GDX ou encore de facturation par analogie, ne saurait constituer un indice de polypragmasie. Les demanderesses ne l'invoquent d'ailleurs pas.

c) Force est de constater qu’aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause les conclusions du rapport d’expertise du Prof. O___________, auquel il convient de conférer pleine valeur probante.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal de céans se ralliera aux conclusions du rapport d'expertise du Prof. O___________, selon lesquelles il n’est pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la pratique du défendeur n'était pas conforme au principe de l’économicité durant les années 2004 à 2006. Dès lors que la polypragmasie n’est pas avérée in casu, il n’y a pas lieu à restitution.

Partant, les demandes du 28 juillet 2006, du 2 juillet 2007 et du 23 juillet 2008, mal fondées, seront rejetées.

La procédure devant le Tribunal arbitral n’est pas gratuite. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (cf. art. 46 al. 2 LaLAMal).

Au vu du sort du litige, l'émolument, fixé à 15’000 fr. et les frais du Tribunal par 23’442 fr. (dont 3'375 fr. d’indemnités de témoins, 4’000 fr. de frais d’expertise) seront mis à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement (art. 46 al. 1 LaLAMal).

Les demanderesses qui succombent seront également condamnées, conjointement et solidairement, à verser au défendeur une indemnité de 10'000 fr. à titre de participation à ses frais et dépens.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

A la forme :

Déclare les demandes recevables.

Rectifie la qualité des parties, LA CAISSE-MALADIE 57 étant MOOVE SYMPANY SA, LA CAISSE MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE étant PHILOS, OKK SUISSE étant VIVAO SYMPANY SA, et SANATOP étant SUPRA CAISSE MALADIE.

Au fond :

Préalablement :

Rejette les conclusions du défendeur tendant à la mise en œuvre d'une expertise analytique des statistiques de SANTÉSUISSE.

Déboute AGRISANO, AUXILIA, AVANEX, AVANTIS, AVENIR, CMBB, CONCORDIA, EASY SANA, EOS, FONDATION NATURA, HERMES, INTRAS, LA CAISSE VAUDOISE, MUTUEL ASSURANCES, VIVAO SYMPANY SA (successeur en droit de OKK SUISSE), PHILOS (également en tant que successeur en droit de CAISSE-MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE), PANORAMA, PROGRES, PROVITA, SANSAN, SUPRA (également en tant que successeur en droit de SANATOP), SWICA, CAISSE-MALADIE DE TROISTORRENTS, UNIVERSA et WINCARE des fins de leur demande du 28 juillet 2006 pour défaut de légitimation active.

Déboute MUTUEL ASSURANCES, AVENIR, HERMES, UNIVERSA, CMBB, LA CAISSE VAUDOISE, CAISSE-MALADIE DE TROISTORRENTS, EOS, AVANTIS, FONDATION NATURA, PANORAMA, EASY SANA et PHILOS (également en tant que successeur en droit de CAISSE MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE) des fins de leur demande du 2 juillet 2007 pour défaut de légitimation active.

Principalement :

Rejette les demandes du 28 juillet 2006, du 2 juillet 2007 et du 23 juillet 2008.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Met les frais du Tribunal, par 23'442 fr., à charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement.

L’émolument, fixé à 15'000 fr., est mis à charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement.

Condamne les demanderesses, conjointement et solidairement, à verser au défendeur une indemnité de 10'000 fr. à titre de participation à ses frais et dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

La présidente

 

 

 

Juliana BALDE

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le