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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1211/2022

ATAS/1065/2022 du 02.12.2022 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 12.01.2023, rendu le 16.02.2023, IRRECEVABLE, 9C_27/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1211/2022 ATAS/1065/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 décembre 2022

9ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié à MONTREUX

 

Monsieur B______, domicilié à LE GRAND-SACONNEX

recourants

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimée

Monsieur C______, domicilié à ONEX

appelé en cause

 

 

 


EN FAIT

 

A. a. La société D______ SA, en liquidation (ci-après : la société), avec siège social à Genève, a été inscrite au registre du commerce de Genève le 15 juin 1989. Elle avait notamment pour but l’exploitation d’une entreprise générale de construction, ainsi que tous travaux publics ou de génie civil et promotion immobilière.

b. La société était affiliée à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse).

c. Par jugement du 17 septembre 2018, le Tribunal de première instance a prononcé sa faillite.

La procédure de faillite a été clôturée par jugement du 9 septembre 2019 et la société a été radiée d’office selon publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) du 16 septembre 2019.

d. Monsieur C______ (ci-après : l’administrateur 1) en était l’administrateur du 12 décembre 2003 au 25 novembre 2014, du 6 octobre 2015 au 9 décembre 2015 et du 27 juin 2018 jusqu’à sa radiation.

e. Monsieur A______ (ci-après : l’administrateur 2) en était l’administrateur du 25 novembre 2014 au 6 octobre 2015.

f. Monsieur B______ (ci-après : l’administrateur 3) en était l’administrateur du 9 décembre 2015 au 27 juin 2018.

B. a. Par décision du 23 juillet 2020, la caisse a réclamé à l’administrateur 1 le paiement de la somme de CHF 66'262.65, correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés de 2013 à 2018. D’après le décompte annexé à la décision, le montant du dommage était de CHF 23'861.85 en 2013, CHF 27'643.90 en 2014, CHF 6'704.65 en 2015, CHF 1'709.25 en 2016, CHF 4'192.60 en 2017 et CHF 2'150.40 en 2018.

b. L’administrateur 1 n’a pas formé opposition à cette décision.

C. a. Par décision du 24 juillet 2020, la caisse a réclamé à l’administrateur 2 le paiement de la somme de CHF 10'475.25, correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés en 2014 et 2015. D’après le décompte annexé à la décision, le montant du dommage était de CHF 5'168.35 en 2014 et CHF 5'306.90 en 2015.

b. Le 17 août 2020, l’administrateur 2 a formé opposition à cette décision, contestant sa responsabilité et faisant valoir qu’à la suite d’un entretien avec l’administrateur 1, il avait été convenu que cette somme serait prise en charge par ce dernier.

À l’appui de son opposition, il a produit une attestation de l’administrateur 1, selon laquelle ce dernier prenait l’entière responsabilité de la dette de CHF 10'475.25 auprès de l’OCAS.

c. Par décision du 24 mars 2022, la caisse a rejeté l’opposition et dit que du montant total exigé serait déduite la somme correspondant aux cotisations de l’assurance maternité. En sa qualité d’organe de la société, il lui incombait de veiller personnellement au paiement des cotisations et contributions paritaires courantes et arriérées en mettant en œuvre toute mesure ou vérification utile afin que la société soit à même de remplir ses obligations d’employeur. Or, l’administrateur 2 ne s’était pas acquitté des charges sociales et ne s’était pas non plus assuré que celles-ci soient effectivement payées par les autres responsables de la société. Sa négligence devait être qualifiée de grave. Le fait qu’une tierce personne puisse prendre en charge le paiement du dommage causé à la caisse ne constituait pas un facteur pouvant l’exclure de sa responsabilité. Enfin, en conformité avec la jurisprudence de la chambre de céans, la caisse imputerait du montant exigé les sommes correspondant aux cotisations AMAT.

D. a. Par décision du 23 juillet 2020, la caisse a réclamé à l’administrateur 3 le paiement de la somme de CHF 66'262.65, correspondant à son dommage en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AC/AF/AMAT en lien avec les salaires versés de 2013 à 2018. D’après le décompte annexé à la décision, le montant du dommage était de CHF 23'861.85 en 2013, CHF 27'643.90 en 2014, CHF 6'704.65 en 2015, CHF 1'709.25 en 2016, CHF 4'192.60 en 2017 et CHF 2'150.40 en 2018.

b. Le 17 août 2020, l’administrateur 3 a formé opposition à cette décision, contestant sa responsabilité et faisant valoir qu’à la suite d’un entretien avec l’administrateur 1, il avait été convenu que cette somme serait prise en charge par ce dernier.

À l’appui de son opposition, il a produit une attestation de l’administrateur 1, selon laquelle ce dernier prenait l’entière responsabilité de la dette de CHF 66'262.65 auprès de l’OCAS.

c. Par décision du 25 mars 2022, la caisse a rejeté l’opposition et dit que du montant total exigé serait déduite la somme correspondant aux cotisations de l’assurance maternité. Elle a repris en substance la motivation de la décision sur opposition du 24 mars 2022 concernant l’administrateur 2.

E. a. Par actes du 14 avril 2022, les administrateurs 2 et 3 ont interjeté recours contre les décisions sur opposition des 24 et 25 mars 2022 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, reprenant la motivation de leur opposition du 17 août 2020 et précisant que l’administrateur 1 avait demandé un arrangement de paiement pour payer l’intégralité de sa dette.

Ces procédures ont été enregistrées sous les nos de causes A/1211/2022 et A/1212/2022.

b. Par réponse du 16 mai 2022 dans le cadre des deux procédures, la caisse a conclu au rejet des recours. Le courrier de l’administrateur 1 n’était pas opposable à la responsabilité que les administrateurs 2 et 3 avaient engagée en tant qu’administrateurs de la société pendant la période de leur mandat d’administrateurs. Les arguments des recourants n’avaient ainsi aucune influence sur les obligations de diligence des organes d’une SA. Les recourants n’avaient rien mis en place de concret ou objectif à l’interne pour payer les arriérés de cotisations paritaires et étaient restés passifs à l’égard de la situation. Leur comportement relevait manifestement d’une violation de leur obligation de diligence et de surveillance. L’administrateur 1 avait remboursé une petite partie de son dommage, de sorte que le solde du dommage correspondait à ce jour à CHF 52'862.62.

La caisse a notamment produit l’acte de défaut de biens après faillite établi par l’office cantonal des faillites le 20 août 2019, d’où il ressort que le dividende se montait à 0% pour les créances admises de la caisse à hauteur de CHF 63'229.95.

c. Par ordonnance du 28 juin 2022, la chambre de céans a ordonné la jonction des causes A/1211/2022 et A/1212/2022 sous la cause A/1211/2022 et appelé en cause l’administrateur 1.

d. Par courriers des 14 juillet 2022, les administrateurs 2 et 3 ont produit un courrier de la caisse du 13 juillet 2022 attestant de ce que le 25 août 2020, un arrangement de paiement de la créance de CHF 66'262.65 avait été convenu avec l’administrateur 1, à raison de CHF 670.- par mois. Le montant devait être revu en mai 2022. À ce jour, et compte tenu des versements enregistrés au 28 avril 2022, le solde s’élevait à CHF 52'862.65.

e. Par courriers du 22 août 2022, les administrateurs 2 et 3 ont persisté dans leurs conclusions, relevant que la dette relative au litige avec la caisse n’était pas à leur charge.

f. Le 26 août 2022, la caisse a persisté dans ses conclusions, précisant toutefois que si les administrateurs 2 et 3 devaient être reconnus responsables solidaires du dommage causé et que l’administrateur 1 continuait à respecter les engagements pris, aucune procédure d’encaissement ne serait entamée à leur encontre et cela jusqu’à extinction de la dette du solde du dommage.

g. La chambre de céans a transmis cette écriture aux administrateurs 1, 2 et 3.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

Le siège de la société ayant été situé dans le canton de Genève jusqu’au moment de sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

1.3 Interjetés dans les formes et délai prévus par la loi, les recours sont recevables (art. 56ss LPGA).

2.             Le litige porte sur la responsabilité des recourants pour le dommage subi par l'intimée du fait du défaut de paiement des cotisations sociales pour les salaires versés par la société de 2013 à 2018.

3.             À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

3.1 L’art. 52 al. 3 LAVS prévoit que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites. Cette disposition renvoie à l’art. 60 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Code des obligations [CO] - RS 220), selon lequel l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé.

Ces deux dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020. Jusqu’au 31 décembre 2019, l’ancien art. 52 al. 3 LAVS prévoyait que le droit à la réparation se prescrivait deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. En renvoyant aux nouvelles dispositions du CO relatives à la prescription, le nouvel art. 52 al. 3 LAVS porte le délai de prescription relatif de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. En outre, le délai absolu de prescription ne commence plus à courir à la survenance du dommage mais le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé, ce qui inclut les dommages causés par une omission, les dommages survenant de manière répétée et les dommages résultant d’une action prolongée dans le temps. Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d’empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, sont régis par les art. 130ss CO (Message relatif à la modification du code des obligations [droit de la prescription] du 29 novembre 2013, FF 2014 221, spéc. pp. 237 et 260). S’agissant de déterminer le droit de la prescription applicable, l’art. 49 al. 1 Titre final CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210), ici pertinent, règle de manière générale les questions de droit transitoire en matière de prescription et a été réécrit lors de la révision du droit de la prescription (FF 2014 221, 230 s.). Selon cette disposition, lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas échue en vertu de l’ancien droit (al. 1). L’entrée en vigueur du nouveau droit est sans effet sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n’en dispose autrement (al. 3).

3.2 Selon la jurisprudence rendue à propos de l’ancien art. 52 al. 3 LAVS, la caisse de compensation a connaissance du dommage au moment où elle doit savoir, en usant de l’attention qu’on est en droit d’attendre d’elle, que les circonstances ne lui permettent plus d’exiger le paiement des cotisations, mais peuvent entraîner l’obligation de réparer le dommage. C’est à ce moment que le délai relatif commence à courir. Quant au moment de la survenance du dommage, il s’agit du moment où l’on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées pour des motifs juridiques ou des motifs de fait. Ainsi en cas de faillite, en raison de l’impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement, le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite ; le jour de la survenance du dommage marque celui de la naissance de la créance en réparation et de la date à partir de laquelle court le délai absolu (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_246/2017 du 18 décembre 2017 consid. 4.2). S’agissant de délais de prescription et non de péremption, cela signifie qu’ils ne sont pas sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage peut donc aussi se prescrire durant la procédure d’opposition ou la procédure de recours qui s’ensuit. Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 CO). Cette notion d’acte judiciaire des parties doit être interprétée largement, tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l’inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d’une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l’instance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 4.2 et les références citées). La prescription du droit à la réparation du dommage vis-à-vis de l’organe employeur ne peut être interrompue que par des actes qui se rapportent à la créance. Les actes concernant la créance vis-à-vis de l’employeur n’engagent aucun effet interruptif de délai. En outre, l’art. 136 CO ne s’applique pas à l’organe tenu subsidiairement à la réparation de l’art. 52 LAVS, de sorte que les actes interruptifs de la prescription contre la personne morale (débiteur primaire) ne peuvent lui être opposés (ATF 141 V 487 consid. 4).

3.3 S’agissant des actes interruptifs de prescription, il résulte de la jurisprudence rendue à propos de l’art. 52 al. 3 aLAVS les éléments qui suivent.

Les délais de prescription sont interrompus par les actes énumérés à l’art. 135 CO (applicable par analogie) ainsi que par tous les actes adéquats par lesquels la créance en dommages-intérêts est invoquée de manière appropriée à l’encontre du débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2020 du 30 mars 2021 consid. 5.3 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 9C_400/2020 du 19 octobre 2020 consid. 3.2.1 et la référence). Tant la décision que l’opposition interrompent les délais de prescription (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

La prescription est notamment interrompue par une action ou une exception devant un tribunal (art. 135 ch. 2 CO par analogie) et recommence à courir lorsque le litige devant l'instance saisie est clos (art. 138 al. 1 CO; ATF 147 III 419 consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_906/2017 du 21 juin 2018 consid. 1.2; sur l'application par analogie des dispositions générales selon les art. 135 ss CO, cf. ATF 141 V 487 consid. 2.3 et les références; ATF 135 V 74 consid. 4.2.1 et les références).

3.4 En l’espèce, le prononcé de la faillite, en date du 17 septembre 2018, marque le début du délai de prescription absolu de cinq ans prévu par l’ancien droit (ATF 129 V 193 consid. 2.2). Quant au délai relatif de deux ans (toujours selon l’ancien droit), il court depuis le moment de la connaissance du dommage, soit en l’occurrence depuis la publication de l’état de collocation, le 7 mars 2019, qui a révélé que la créance produite dans la faillite ne serait pas couverte. Ces deux délais n’étaient pas échus lorsque le nouveau droit de la prescription est entré en vigueur au 1er janvier 2020, de sorte que c’est le nouveau droit qui s’applique. En l’occurrence, en demandant la réparation du dommage aux recourants les 23 et 24 juillet 2020, l’intimée a valablement interrompu tant la prescription relative qu’absolue.

4.             L'action en réparation du dommage n'étant pas prescrite, il convient à présent d'examiner si les recourants peuvent être considérés comme étant tenus de verser les cotisations à l'intimée, s'ils ont commis une faute ou une négligence grave et enfin s'il existe un lien de causalité adéquate entre leur comportement et le dommage causé à l'intimée.

4.1 À teneur de l'art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

Selon la jurisprudence, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L'art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

4.2 La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO. En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas NUSSBAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

5.             En l'espèce, le recourant 2 était administrateur de la société, avec signature individuelle, du 25 novembre 2014 au 6 octobre 2015, alors que le recourant 3 en était administrateur, avec signature individuelle, du 9 décembre 2015 au 27 juin 2018. Ils disposaient ainsi de la qualité d'organe formel de la société à teneur du RC, ce qui n’est pas contesté. Conformément aux dispositions précitées, ils répondent du dommage à titre subsidiaire.

Reste à examiner si les autres conditions de la responsabilité de l'art. 52 al. 1 LAVS sont réalisées.

6.              

6.1 L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêts du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

Selon une jurisprudence constante, c'est la démission effective de l'organe qui fixe en principe les limites temporelles de la responsabilité (ATF 123 V 172 consid. 3a ; ATF 112 V 1 consid. 3c p. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_713/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.3.2). Un administrateur ne peut alors être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement des cotisations qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ses fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui n'ont déployé leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (ATF 126 V 61 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).

6.2 La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

6.3 Le dommage selon l'art. 52 LAVS comprend les cotisations impayées dues selon la LAVS, la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI -RS 831.20 ; art. 66 LAI), la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG - RS 834.1 ; art. 21 al. 2 LAPG), la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA - RS 836.1 ; art. 25 al. LFA), la loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam - RS 836.2 ; art. 25 let. c LAFam), et la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0 ; art. 6 LACI).

Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d'employés ou ouvriers) dues par l'employeur, les contributions aux frais d'administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, nos 8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu'il n'existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption (LAMat - RSG J 5 07).

6.4 Les organes d'une société qui ont causé ensemble un dommage au sens de l'art. 52 LAVS en répondent solidairement (ATF 119 V 87 consid. 5a). Le paiement par l'un d'entre eux de tout ou partie du préjudice éteint, dans la même mesure, la créance de la caisse à l'égard de l'ensemble des débiteurs solidaires (art. 147 al. 1 CO ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 68/03 du 5 février 2004 consid. 4.2). Lorsqu’un organe est tenu de payer une somme plus élevée par rapport aux autres et qu’il paie une partie du dommage, la caisse est en droit d’imputer les acomptes versés sur une part du montant total du dommage pour laquelle l’organe qui a payé n’était pas tenu solidairement (voir arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 452/00 du 7 juin 2001).

7.              

7.1 Devant la chambre de céans, les recourants font uniquement valoir que l’administrateur 1 s’était engagé à prendre l’entière responsabilité relative à la période pour laquelle les cotisations paritaires n’avaient pas été payées. Or, ainsi que l’a retenu l’intimée, le fait qu’une tierce personne prenne en charge le paiement du dommage causé à la caisse ne constitue pas un facteur permettant d’exclure la responsabilité des recourants fondée sur l’art. 52 LAVS. En leur qualité d’administrateurs inscrits au registre du commerce, il leur appartenait en effet de se renseigner sur la situation financière de la société et de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation et ce, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein de la société (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Ils ne peuvent en particulier pas se libérer de leur responsabilité en soutenant que la gestion de la société était, dans les faits, assurée par l’administrateur 1. Leurs manquements relatifs au défaut de paiement des cotisations paritaires sont sans aucun doute en rapport de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par l'intimée. Il s'ensuit que les recourants ne sauraient être exonérés de leur responsabilité d'organe envers l'intimée et répondent solidairement du dommage causé au sens de l’art. 52 LAVS. C'est partant à juste titre que l’intimée a réclamé aux recourants, solidairement avec l’administrateur 1, la réparation du dommage subi en raison d'arriérés de cotisations paritaires courant de 2014 à 2015 (recourant 2) et de 2013 à 2018 (recourant 3). Les décisions contestées seront donc confirmées sur ce point. La chambre de céans relèvera toutefois que l’intimée s’est engagée à n’entamer aucune procédure d’encaissement à leur encontre aussi longtemps que l’administrateur 1 continue à respecter les engagements pris, et cela jusqu’à extinction de la dette.

7.2 S’agissant du montant du dommage, celui-ci s’élève, selon les décisions contestées, à CHF 10'475.25 en ce qui concerne le recourant 2 et à CHF 66'262.65 en ce qui concerne le recourant 3. Les recourants ne remettent pas en cause les sommes réclamées, qui n’apparaissent pas critiquables, étant précisé que, selon la jurisprudence, l'administrateur ne répond pas uniquement des cotisations qui deviennent exigibles durant son mandat, mais également de celles déjà échues lorsqu'il entre en fonction, puisqu'il est alors en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour qu'elles soient acquittées (cf. ATF 119 V 401 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_841/2010 du 22 septembre 2011 consid. 4.3).

Il ressort toutefois de la réponse de l’intimée du 16 mai 2022 que l’administrateur 1 a partiellement remboursé sa dette à concurrence de CHF 13'400.-. Le solde du dommage dont la réparation était réclamée à ce dernier s’élevait, à la date de cette écriture, à CHF 52'862.65. Les montants indiqués dans les décisions sur opposition querellées doivent donc être déduits des remboursements acquittés par l’administrateur 1 depuis les décisions en réparation du dommage des 23 et 24 juillet 2020. Par ailleurs, et comme l’a retenu l’intimée dans les décisions querellées (cf. consid. 4 des dispositifs), il convient encore de déduire de ce montant le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat (ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020). Les décisions contestées seront donc confirmées sur ce point.

7.3 Au vu de ce qui précède, les recours seront partiellement admis et les causes renvoyées à l'intimée pour nouveau calcul du dommage, sous déduction des montants acquittés par l’administrateur 1, et excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants.

8.              

8.1 Les recourants obtenant partiellement gain de cause et ayant agi en personne, il ne se justifie pas de leur octroyer des dépens (art. 61 let. g LPGA et art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

8.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les admet partiellement.

3.        Renvoie les causes à l’intimée, dans le sens des considérants, pour nouveau calcul du dommage, sous déduction des montants déjà acquittés et excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants.

4.        Confirme les décisions attaquées pour le surplus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le