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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/83/2021

ATAS/953/2022 du 01.11.2022 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/83/2021 ATAS/953/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er novembre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Bernard PETITAT

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER-CIAM 106.1, sise Rue de St-Jean 98, GENEVE

Monsieur B______, domicilié ______, 74930 Pers-Jussy, FRANCE

Monsieur C______, domicilié ______, MEYRIN

intimée

 

appelés en cause


 

EN FAIT

 

A. a. Le 17 juin 2010, la société à responsabilité limitée D______ Sàrl (ci-après: la société ou la Sàrl), sise dans le canton de Genève, a été inscrite au registre du commerce (ci-après: RC).

Son but était : sous la marque E______, élaboration de concepts en matière de stationnement; gestion de parking privés et/ou ouverts au public; contrôles du stationnement; services liés à la circulation et au stationnement de tous types de véhicules; fourniture et pose de signalisation routière; enlèvement de véhicules; création et réfection de marquage; cours de formation; sous la marque F______, tous services de sécurité liés à la protection et la surveillance de biens et de personnes ainsi qu'à un service d'intervention sur déclenchement d'alarmes; sous la marque G______, services liés à l'événementiel; sous la marque H______, services liés aux premiers secours; sous la marque I______, services liés aux conseils, fourniture, pose et raccordement de systèmes d'alarmes; sous la marque J______, prospection de renseignements privés, commerciaux et financiers.

Par décision du juge du Tribunal de première instance (ci-après: TPI) du 7 novembre 2019, la société a été dissoute conformément à l'art. 731b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220); sa liquidation a été ordonnée selon les dispositions applicables à la faillite. La procédure de faillite a été suspendue faute d'actifs par jugement du TPI du 5 mars 2020. Aucune opposition n'ayant été formée, la société a été radiée d'office conformément à l'art. 159 al. 5 let. a de l'ordonnance sur le registre du commerce du 17 octobre 2007 (ORC - RS 221.411).

b. La Sàrl a compté plus de 70 employés en 2014, plus de 90 en 2015, plus de 85 en 2016, près de 70 en 2017.

c. À teneur du RC, après le départ d'un premier associé gérant de la société en fonction de juin 2010 à mars 2014, Monsieur A______ (ci-après: le concerné, l'intéressé ou le recourant), né en 1964 et spécialiste FMH en médecine interne générale, profession dans laquelle il était actif à 100 %, en a été associé gérant président, avec signature individuelle, de mars 2014 à mai 2017, puis associé sans signature jusqu'à fin février ou début mars 2019.

Messieurs B______ et C______ ont tous deux été directeurs de la Sàrl, chacun avec signature individuelle, entre août 2011 et mars 2014, puis associés gérants, toujours avec signature individuelle, jusqu'à fin février ou début mars 2019.

d. La société était affiliée, pour l'ensemble des cotisations sociales, à la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes - FER CIAM 106.1 (ci-après: la caisse ou l'intimée).

e. Dès 2013, la Sàrl a eu des difficultés concernant le paiement des cotisations sociales, avec des retards de versements et des arriérés, pour lesquels la caisse lui a à plusieurs reprises octroyé des arrangements de paiement. Des plans d'assainissement mis en place par la société n'ont pas permis suffisamment de remédier à ces difficultés. En septembre 2016, la caisse a fait notifier à la Sàrl des commandements de payer, poursuites qui se sont terminées par la réception de neuf actes de défaut de biens après saisie au nom de la société datés du 3 novembre 2017, puis six le 17 juin 2019.

Le 29 mai 2018, en réponse à une lettre de la Sàrl du 18 mai précédent, la caisse a rappelé à celle-ci que le plan provisoire sur la "part pénale" des cotisations qu'elle lui avait accordé le 6 décembre 2017 n'avait pas été respecté malgré ses divers rappels, dont le dernier datait du 16 mars 2018, étant sans nouvelles de la société depuis cette date et n'ayant reçu aucun versement depuis le mois de février 2018, et l'a informée que le solde dû à ce jour se montait à CHF 410'679.80 (sous réserve des intérêts moratoires et des frais de poursuite), dont CHF 192'986.20 représentait la "part pénale" pouvant faire l'objet d'une dénonciation.

B. a. Par décision du 19 août 2019, la caisse a actionné le concerné en réparation du dommage pour le montant total impayé de CHF 278'148.-, correspondant aux cotisations paritaires dues par la société pour les "périodes de février, mars, juillet à septembre 2015, bouclement d'acomptes 2015, janvier à avril 2016, septembre à décembre 2016" ainsi qu'à "un solde de frais et d'intérêts sur les périodes d'octobre 2014 et août 2016" (sous forme de frais administratifs, intérêts moratoires, frais de poursuites et taxes de sommation).

b. Par décisions du même jour, elle a également actionné MM. C______ et B______ en réparation du dommage, tous deux pour une somme totale de CHF 403'346.25 pour les mêmes périodes de cotisations et de frais et d'intérêts que pour l'intéressé, mais avec en plus les périodes de cotisations de juin à décembre 2017 et le bouclement d'acomptes 2017, ainsi qu'un solde de frais et d'intérêts comprenant aussi mai 2017.

Ni M. C______ ni M. B______ n'ont réclamé à la Poste les plis recommandés qui contenaient ces décisions.

c. Le 11 septembre 2019, par la signature de son conseil, le concerné a formé opposition contre la décision du 19 août 2019 le concernant.

d. Le 20 novembre 2019, la caisse en a pris note et, en réponse à une proposition d'arrangement formulée le 18 septembre 2019 par l'intéressé pour éviter une poursuite pénale, a fixé un arrangement "provisoire jusqu'en novembre 2020" consistant en le versement d'acomptes mensuels de CHF 3'000.- pour amortir le montant de CHF 89'474.- (part pénale).

e. Le 23 janvier 2020, la caisse a dénoncé pénalement au Ministère public genevois MM. C______ et B______, précisant ne pas le faire contre le concerné en raison de son engagement de versements susmentionné.

Cette procédure pénale (P/1736/2020) s'est terminée par les ordonnances pénales du 7 mai 2020, par lesquelles le Ministère public a déclaré MM. C______ et B______ tous deux coupables d'infraction à l'art. 87 al. 4 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) et les a condamnés à une peine pécuniaire de 120 jours-amende.

f. D'une manière générale, M. B______ n'a réagi à aucun des courriers que la caisse lui avait adressés.

De son côté, M. C______ a, par pli du 24 juillet 2020, sollicité de la part de la caisse de la compréhension pour le paiement des mensualités qu'il avait proposées le 28 février 2020.

g. En parallèle, le 3 février 2020, la caisse a, au titre de "production provisoire dans la faillite de la société", indiqué à l'office des faillites posséder contre celle-ci une créance totale de CHF 423'726.36

Le 5 mai 2020, l'office des faillites a informé la caisse que, par jugement du 30 avril 2020, le TPI avait clôturé par défaut d'actifs la liquidation de la faillite de la Sàrl.

h. Par décision sur opposition rendue le 8 décembre 2020, la caisse a rejeté l'opposition qu'avait formée le concerné contre la décision – initiale – du 19 août 2019, en tant qu'elle portait encore sur CHF 218'418.65, avec exclusion du dommage des cotisations de l'assurance-maternité cantonale, prise en compte des versements opérés depuis le 19 août 2019 ainsi que redistribution de la taxe CO2, étant précisé que la responsabilité de l'intéressé était conjointe et solidaire avec celle de MM. C______ et B______ qui ne s'étaient pas opposés aux décisions de réparation de dommage qui leur avaient dûment été notifiées.

C. a. Par acte du 11 janvier 2021, le concerné a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre cette décision sur opposition, concluant, avec dépens, à son annulation.

Notamment, il se prévalait de la prescription de la prétention de l'intimée, sans en préciser le motif, et faisait valoir ne s'être jamais occupé ni du personnel, ni du paiement des factures et charges sociales, ni de l'établissement des comptes, ni de manière générale des activités administratives, sa seule activité ayant été celle de médecin-conseil de la société.

b. Par réponse du 26 février 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours, le dommage s'élevant encore, vu les versements effectués par l'intéressé, à CHF 215'418.65.

c. Par réplique du 16 avril 2021, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours.

d. Par ordonnance du 14 octobre 2021, la chambre des assurances sociales a appelé en cause MM. C______ et B______ (ci-après : les appelés en cause), avec des pièces en annexe, et leur a imparti un délai au 26 novembre 2021 pour se déterminer.

Cette ordonnance, envoyée en recommandé, a été distribuée à M. B______ le 22 octobre 2021 et à M. C______, vu son domicile en République tchèque puis son retour en Suisse, seulement le 19 janvier 2022.

e. Le 3 mai 2022 s'est tenue devant la chambre de céans une audience de comparution personnelle des parties, en présence y compris de M. C______ (appelé en cause) mais non de M. B______ auquel la convocation avait été pourtant distribuée le 24 mars 2022.

f. Comme fixé à l'issue de ladite audience, l'intimée a, le 3 juin 2022, présenté des renseignements et pièces complémentaires, le solde actuel du dommage étant quant à lui chiffré à CHF 207'418.65.

g. Le 5 juillet 2022, le recourant a formulé des observations, sollicitant notamment l'audition en qualité de témoin de Madame K______, qui avait travaillé un certain temps auprès de la Sàrl.

h. Le 5 août 2022, sur question de la chambre de céans quant aux motifs qui le conduisaient à demander cette audition, il a produit une liste des questions qu'il suggérait de poser à Mme K______.

i. Par pli du 29 août 2022, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger sur mesures d'instruction et au fond.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément aux art. 134 al. 1 let. a ch. 1, 2, 7 et 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 20 de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAVS, à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20), à la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1), à la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (loi sur les allocations familiales, LAFam - RS 836.2), à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0), ainsi qu'à la LAMat (assurances sociales dont la dénomination peut être abrégée sous AVS-AI-APG et AC ainsi qu’AMat et AF).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie, et ce également ratione loci (art. 52 al. 5 LAVS).

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu notamment des féries du 18 décembre au 2 janvier inclusivement, l'acte de recours est recevable (art. 38 al. 4 let. c et 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             Par ordonnance du 14 octobre 2021 de la chambre de céans et en application de l'art. 71 LPA, MM. C______ et B______ ont été appelés en cause, en tant qu'autres débiteurs solidaires recherchés par la caisse, dont la responsabilité a fait l’objet de décisions déjà entrées en force (cf. dans ce sens SVR 2007 AVS n° 2, consid. 2.2).

Ils ont eu la possibilité de se déterminer sur les écritures de la présente procédure de recours.

5.             L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et suivants du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

6.             Le présent litige porte sur l'éventuelle responsabilité qu'assumerait le recourant, en qualité d'organe de la Sàrl, dans le préjudice causé à l’intimée par le défaut de paiement de cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC ainsi qu’AMat et AF), plus des frais et intérêts, pour des périodes entre octobre 2014 et décembre 2016.

7.              

7.1 La version applicable de la disposition légale présentement topique, l'art. 52 LAVS, est celle entre l'entrée en vigueur le 1er janvier 2012 selon le ch. I de la loi fédérale du 7 juin 2011 (Amélioration de la mise en œuvre; RO 2011 4745; FF 2011) et celle en vigueur à partir du 1er janvier 2020 selon l’annexe ch. 21 de la LF du 15 juin 2018 (Révision du droit de la prescription; RO 2018 5343; FF 2014 221; cf. dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

7.2 À teneur de l’art. 52 LAVS – dans sa version présentement applicable –, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

Cette teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

7.3 Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu’il n’existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat.

8.              

8.1 Il incombe à la caisse de compensation, qui supporte les conséquences de l'échec de la preuve, d'alléguer les faits fondant la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS et permettant d'établir qu'une personne occupait au sein d'une société la position d'un organe au sens matériel (ATF 114 V 213 consid. 5 in fine; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 20/01 du 21 juin 2001 consid. 5).

8.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.3 Au surplus, si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

9.              

9.1 À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de la caisse est prescrite, comme le fait valoir l'intéressé sans toutefois en préciser le motif.

9.2  

9.2.1 Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

9.2.2 Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a). Un dommage se produit notamment en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1). En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

9.2.3 Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. CO). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

9.3 En l'occurrence, la caisse a reçu neuf actes de défaut de biens après saisie au nom de la société datés du 3 novembre 2017, puis six le 17 juin 2019, et la procédure de faillite a été suspendue faute d'actifs par jugement du TPI du 5 mars 2020.

Partant, le délai de prescription de deux ans après que l'intimée a eu connaissance du dommage a été respecté, la décision de réparation à l'encontre du concerné ayant été rendue le 19 août 2019, soit avant même la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs, et, au demeurant, moins de deux ans après la réception des actes de défaut de biens le 3 novembre 2017. A fortiori, le délai de prescription de cinq ans après la survenance du dommage n'est pas non plus arrivé à échéance.

Après le prononcé du 19 août 2019, le délai de prescription de deux ans a à nouveau été interrompu par celui de la décision sur opposition le 8 décembre 2020, puis au surplus par les actes de la présente procédure de recours.

10.         L'action en réparation du dommage n'étant pas prescrite, il convient à présent d'examiner si les autres conditions de la responsabilité de l'art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant " l'employeur " tenu de verser les cotisations à l'intimée, s'il a commis une faute qualifiée (intention ou négligence grave) et enfin s'il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l'intimée, et de quel montant est celui-ci.

11.          

11.1  

11.1.1 S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

11.1.2 Selon la jurisprudence, les personnes qui sont - légalement ou formellement - organes d'une personne morale entrent en principe toujours en considération en tant que responsables subsidiaires aux conditions de l'art. 52 LAVS. Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une société à responsabilité limitée ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2015 du 19 janvier 2016 consid. 5.2 et 9C_1086/2009 du 15 juillet 2010 consid. 4.2.1 et les références, in SVR 2011 AHV n° 4 p. 11).

11.1.3 Pour ce qui est plus particulièrement du cas d'une société à responsabilité limitée, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité – et sont donc des organes statutaires ou légaux et par conséquent formels (cf. par analogie ATF 128 III 29 consid. 3a et les références citées) –, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2015 précité consid. 5.3, 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2 et H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176). Ils ont ainsi l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2015 précité consid. 5.3 et 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

11.2 En l'espèce, le concerné est actionné en responsabilité par la caisse en tant qu'il a été associé gérant (président) de la Sàrl de mars 2014 à mai 2017.

Il s'agit d'une fonction qui est incontestablement celle d'un organe au sens formel.

Les griefs du recourant selon lesquels, notamment, il ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour empêcher un dommage, ont en réalité trait à un organe de fait, ce qui n'est précisément pas son cas qui est celui d'un organe au sens formel qui, conformément à la jurisprudence précitée, entre en principe toujours en considération en tant que responsable subsidiaire aux conditions de l'art. 52 LAVS. Contrairement à ce qu'il prétend, le recourant, de par sa seule qualité d'organe au sens formel, avait les pouvoirs nécessaires pour intervenir dans la gestion de la Sàrl, y compris concernant le paiement des cotisations, et pour empêcher la survenance d'un dommage résultant de leur non-versement.

Il importe en conséquence peu qu'il ait le cas échéant, comme il l'allègue dans son recours, constamment travaillé comme médecin généraliste indépendant durant la période concernée et se soit toujours occupé, comme seule activité pour la société, en tant que médecin-conseil, donc du domaine médical de la société, très accessoire dans les activités sociales de celle-ci.

L'intéressé doit dès lors répondre du dommage si les autres conditions d'une réparation sont remplies.

12.          

12.1 Il convient de déterminer si le recourant a commis une faute qualifiée par intention ou par négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS et, en cas de réponse affirmative, si celle-ci est en rapport de causalité avec la survenance du dommage.

12.2  

12.2.1 L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

12.2.2 Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple arrêts du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 et 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Enfin, commet une faute au sens de l'art. 52 LAVS l'organe qui investit de manière répétée des fonds dans une entreprise sans faire en sorte qu'ils servent en priorité à payer les cotisations sociales en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 305/00 du 6 septembre 2001 consid. 4b).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). Commettent ainsi une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2; SVR 1996 AHV n°98 p. 299 consid. 3).

La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 précité consid. 6.2).

12.2.3 La responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du RC. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). En d'autres termes un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement de cotisations qui sont venues à échéance et auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ces fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).

12.2.4 Il n'y a pas obligation de réparer le dommage lorsqu'il existe une circonstance justifiant le comportement fautif de l'employeur ou excluant l'intention et la négligence grave. À cet égard, on peut envisager qu'un employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que cela entraîne pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas lorsque l'inobservation des prescriptions en question apparaît, au vu des circonstances, comme légitime ou non fautive (ATF 108 V 189 consid. 2b; ATAS/79/2020 précité consid. 9). Ainsi, il peut arriver qu'en retardant le paiement de cotisations, l'employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF108 V 183 consid. 2 p. 188, confirmé dans ATF 121 V 24; arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). À cet égard, la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas ; il faut des éléments concrets et objectifs selon lesquels on peut admettre que la situation économique de la société se stabilisera dans un laps de temps déterminé et que celle-ci recouvrera sa capacité financière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/06 du 11 juin 2007 consid. 4.4). Ce qui est déterminant, ce n'est pas de savoir si l'employeur croyait réellement que l'entreprise pouvait être sauvée et que les cotisations seraient payées dans un proche avenir, il s'agit bien plutôt d'examiner si une telle attitude était alors défendable, objectivement, aux yeux d'un tiers responsable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/07 du 10 décembre 2007 consid. 4.1).

Cela étant, lorsque l'employeur ne dispose pas des liquidités suffisantes pour s'acquitter des salaires bruts et des cotisations sociales dues, il doit réduire la masse salariale dans une mesure lui permettant de verser les cotisations paritaires sur ces montants (arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 69/05 du 15 mars 2006 consid. 5.3.3 et H 21/04 du 29 septembre 2004 consid. 5.2). Un manque de liquidités n'est pas un motif d'exculpation (ATAS/79/2020 précité consid. 9; Ueli KIESER, Rechtsprechung zur AHV, 3ème éd., n. 51 ad art. 52).

12.2.5 Par ailleurs, d'après la jurisprudence, les manquements de la caisse de compensation à des prescriptions élémentaires relatives à la fixation et à la perception des cotisations constituent une faute grave, concomitante à celle des administrateurs, qui justifie de réduire le montant du dommage, pour autant que celui-ci entre dans un rapport de causalité notamment adéquate avec le comportement illicite reproché (ATF 122 V 189 consid. 3c). Constitue par exemple un motif de réduction l'octroi irrégulier d'un sursis au paiement ou le fait de ne pas ordonner par voie de décision le paiement de cotisations arriérées avant le délai de péremption de cinq ans (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 307/02 du 28 janvier 2004 consid. 8.1).

12.2.6 La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

L'administrateur d'une société anonyme répond non seulement des cotisations d'assurances sociales courantes, mais également de la dette de cotisations échues avant son entrée dans le conseil d'administration. En effet, selon la jurisprudence, le nouvel administrateur a le devoir de veiller tant au versement des cotisations courantes qu'à l'acquittement des cotisations arriérées, qui sont dues pour la période où il ne faisait pas encore partie du conseil d'administration car il y a dans les deux cas un lien de cause à effet entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations. Ce lien de cause à effet n'existe pas, toutefois, quand un dommage au sens de l'art. 52 LAVS préexiste, parce que la société était déjà insolvable avant l'entrée du nouveau membre au conseil d'administration (ATF 119 V 401 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 71/05 du 10 août 2006 consid. 5.1 et H 295/00 du 22 janvier 2001 consid. 6a).

Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif – soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés – et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8 et H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

Le comportement d'un organe responsable peut, le cas échéant, libérer son coresponsable solidaire s'il fait apparaître comme inadéquate la relation de causalité entre le comportement de ce dernier et le dommage. La jurisprudence se montre stricte à cet égard. Elle précise qu'une limitation (et, a fortiori, une libération) de la responsabilité fondée sur la faute concurrente d'un tiers ne doit être admise qu'avec la plus grande retenue si l'on veut éviter que la protection du lésé que vise, d'après sa nature, la responsabilité solidaire de plusieurs débiteurs, ne soit rendue en grande partie illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_779/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.2 et les références).

La causalité adéquate peut être exclue, c’est-à-dire interrompue, l’enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu’une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d’un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. L’imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate ; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener, en particulier le comportement de l’auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

12.3  

12.3.1 En l'espèce, le recourant a dans un premier temps, dans son acte de recours et sa réplique du 16 avril 2021, fait valoir ce qui suit. La société avait toujours été administrée et gérée par MM. C______ et B______ seuls. C'était à l'insu de l'intéressé que la Sàrl avait convenu des arrangements avec la caisse concernant des modalités de règlement d'arriérés, qui s'élevaient en 2012 déjà à CHF 50'000.-, alors que l'intimée ne pouvait pas ignorer que le recourant était inscrit au RC en qualité de gérant. Celui-ci ne s'était jamais occupé ni du personnel, ni du paiement des factures et charges sociales, ni de l'établissement des comptes, ni de manière générale des activités administratives, sa seule activité ayant été celle de médecin-conseil de la société.

Certes, de manière générale, les plis de la caisse, portant notamment sur des arrangements de paiement, étaient, en 2015, 2016 et 2017, adressés parfois au "Dpt Ressources humaines" à l'attention de Mme K______, parfois à Monsieur L______. Depuis août 2014 à tout le moins, c'était ce dernier, se désignant comme "responsable comptabilité" au sein de la "direction générale" de la société, qui exposait à l'intimée les problèmes, en particulier financiers, de celle-ci, et proposait, respectivement sollicitait des arrangements de paiement, prenant des engagements de versements d'acomptes et de montants de cotisations pour le compte de la Sàrl.

Il sied cependant de relever d'emblée que, comme cela découle de la jurisprudence énoncée plus haut, un tel désintérêt et une telle inaction du concerné par rapport à des questions qu'il avait l'obligation de traiter de par sa seule qualité d'associé gérant (président) – organe au sens formel – de la Sàrl ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

De surcroît, par lettre du 26 avril 2016 à la caisse, le concerné ("Associé gérant, Président"), M. C______ ("Associé gérant") et M. B______ ("Associé gérant") ont fait valoir que le retard accumulé à ce jour par la société était notamment et principalement dû à des prestations non honorées à hauteur de plus de CHF 100'000.- par l'un de ses principaux clients pour son activité – dans le cadre d'une manifestation publique – en été 2014 –, malgré les procédures de recouvrement en cours, ont fait état d'un plan d'assainissement des dettes de la Sàrl mis sur pied durant les dernières semaines et ont proposé un arrangement de paiement dès mai 2016 comprenant une cotisation mensuelle de CHF 12'000.- et un remboursement mensuel de la dette de CHF 5'000.-. En réponse à un courrier de l'intimée du 4 mai 2016 adressé à l'attention des trois précités, ces derniers ont, par pli du 19 mai 2016, proposé à cette dernière un "plan de remboursement temporaire" sous forme de versements de CHF 10'000.-, CHF 10'000.- et CHF 5'800.- d'ici fin juin 2016 ainsi que paiement de la cotisation de mai 2016 et reprise de contact en juin 2016 avec la caisse afin de lui proposer un échéancier. Par pli du 25 mai 2016, l'intimée a répondu à la société à l'attention de ces trois signataires qu'elle n'était pas en mesure de donner une suite à leur demande et les a enjoints à payer les cotisations arriérées dues. Le recourant fait savoir ne pas se souvenir de ces courriers des 26 avril et 19 mai 2016, tout en ne contestant pas les avoir signés

La première initiative du recourant ressortant clairement du dossier de pièces consiste en ce que, lors d'une séance extraordinaire du 11 avril 2017 avec MM. C______ et B______, il a "[expliqué] les raisons de la demande d'une mise en faillite [de la Sàrl] en raison d'un surendettement et d'un profit futur incertain quant au remboursement", puis, devant les hésitations des appelés en cause, a "[recommandé] de ne pas traîner avec cette situation" et "[mis] en vente ses actions d'associé dans le but d'une capitalisation et donc d'un retrait de sa personne", après quoi il a été "décidé d'attendre trois semaines pour évaluer la situation de la société à la suite du rendez-vous de Monsieur [ ], fiduciaire" (cf. procès-verbal de ladite séance). Par lettre recommandée du 5 mai 2017, le concerné a demandé à la Sàrl de prendre note de sa démission, avec effet immédiat, de son mandat de gérant et gérant président, ce dont il a informé 8 mai 2017 le "bureau des armes". Le 10 mai 2017, il a informé le service du médecin cantonal de sa démission en tant que "médecin responsable de Médical Management" et de la cessation de ses activités au sein de la société le 31 mai 2017.

12.3.2 Cela étant, les allégations de l'intéressé formulées dans son acte de recours et sa réplique du 16 avril 2021 ont été précisées, voire sur certains points modifiées par lui lors de l'audience de comparution personnelle des parties devant la chambre de céans, dont il ressort notamment ce qui suit.

Selon ses premières déclarations faites en audience, en mars 2014, le recourant s'est engagé d'être associé gérant président de la société pour la sauver et faire quelque chose de positif. En effet, concernant la marque de la Sàrl portant sur la sécurité, même s'il n'avait pas de compétence spécifique en matière de sécurité, et étant donné qu'il n'avait pas eu de problème pénal contrairement aux appelés en cause, ce qui lui permettait de remplir les conditions du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14), il pouvait obtenir et a obtenu la carte concordataire; or, selon ses explications, si on avait la carte concordataire, on était obligé d'être gérant. Lorsque l'intéressé s'est engagé comme associé gérant président, il n'était pas au clair concernant ses obligations envers la société, les créanciers, l'Etat, les assurances sociales, etc. C'est après-coup que "le bureau des armes" lui a dit qu'il fallait qu'il s'inscrive au RC, dans le courant de mars 2014, mais ceci ne lui a pas fait mieux connaître ses obligations, surtout que MM. B______ et C______ lui avaient dit qu'ils géraient tout l'aspect administratif. Dans la mesure où les appelés en cause s'occupaient de la gestion et signaient tous les documents, le concerné leur faisait confiance. Il n'a pas pensé à se renseigner plus sur ses obligations, continuant comme avant 2014 à agir comme médecin-conseil de la société, activité incluant la gestion des concepts sanitaires pour les manifestations publiques, la formation de secouristes, voire des soins.

L'intéressé ne connaissait pas personnellement Mme K______, ex-épouse de M. B______, mais l'a vue quelques fois dans l'entreprise. Il sait qu'elle signait des documents, mais il ne sait pas lesquels, ni pour qu'elle fonction elle avait été engagée par la Sàrl, peut-être comme secrétaire; il a "peut-être vu un de ces documents par-ci par-là", mais il ne les a jamais lus.

En revanche, il a, depuis mars 2014 jusqu'à mai 2017, eu des contacts avec M. L______, le comptable de la société. Ce dernier envoyait souvent des courriels, que le recourant a reçu de 2015 à mai 2017, qui décrivaient la situation économique de la société et qui expliquaient qu'il faisait des plans de désendettement et en quoi ces plans consistaient, à savoir notamment régler les dettes liées aux impôts à la source, à l'AVS et aux autres créanciers. Ces courriels ne mentionnaient toutefois pas les montants des dettes, mais surtout les arrangements; ils sous-entendaient que la société avait des difficultés à payer ses dettes; ils étaient préoccupants. Avant ces courriels, M. L______ disait au concerné qu'il trouvait des arrangements de paiement. Vers 2015-2016, le recourant a discuté ensemble avec MM. B______ et C______ sur la situation économique de la société et les stratégies à trouver pour améliorer la situation de celle-ci. C'était M. L______ qui a proposé Monsieur M______. Ce dernier est venu en 2016 et il a œuvré pour la société pendant environ une année, jusqu'à environ la même période où l'intéressé a donné sa démission. Assez rapidement, M. M______ a dit que la Sàrl "était une catastrophe, au niveau de la gestion, de l'économie, des dettes, que rien n'était vraiment fait pour que cette société perdure". Il n'a pas parlé à l'intéressé des dettes envers l'AVS; il y avait deux à trois informations selon lesquelles des créanciers devaient être payés. Cela a inquiété le concerné après deux ou trois séances avec lui. C'est à ce moment-là que le recourant a vraiment réalisé toute la problématique qu'il y avait et son implication dans la société, c'est-à-dire qu'en tant que gérant toute la responsabilité lui reviendrait, selon ce que M. M______ lui a dit. A ce moment-là également, M. M______ l'a éclairé sur le fait que la société n'était pas vivable et même lui a très clairement recommandé de mettre en faillite la société. Le refus des appelés en cause d'introduire la mise en faillite a été une des raisons, avec aussi le fait que M. B______ a récupéré sa carte concordataire et "repris le flambeau", pour lesquelles le recourant, réalisant qu'il n'y avait plus aucun espoir (car la gestion continuait comme avant et qu'il n'y avait pas de mise en application de ce que M. M______ conseillait) et ne mettant pas lui-même la Sàrl en faillite, a démissionné et a quitté cette dernière en mai 2017. L'intéressé n'est pas parti avant mai 2017 parce qu'il y avait un petit espoir, que M. M______ était "encore dans la course" et qu'il laissait entendre un possible espoir. Le recourant ne voyait pas les décomptes et factures à l'égard de l'AVS ou des autres créanciers. C'était M. M______ qui s'est plongé dans toute la comptabilité avec M. L______. Le concerné aurait pu demander ces décomptes et factures, mais il n'y pensait même pas car ce n'était pas lui qui gérait la société et qu'il ne pouvait pas le faire, étant engagé à 100 % dans son cabinet de médecin. Il a participé à beaucoup de séances avec MM. M______, B______ et C______, ainsi que plusieurs fois avec M. L______ (dans les mêmes séances).

Les déclarations du concerné qui précèdent ne concordent pas entièrement avec celles faites un peu plus tard lors de l'audience. D'après ces dernières, les arrangements de MM. B______ et C______ avant mars 2014 ont été cachés au recourant, à l'instar de beaucoup d'autres choses telles que l'existence de la dette à l'égard de l'AVS et de l'impôt à la source, qu'il a découvertes petit à petit depuis 2017. L'intéressé admet toutefois qu'il aurait pu leur demander des renseignements, sans savoir s'ils les lui auraient donnés. Les appelés en cause lui disaient qu'il y avait des dettes et qu'il fallait trouver plus de contrats pour améliorer les remboursements; le concerné a surtout eu les informations par M. C______ qui était la personne avec laquelle il discutait le plus; il déduisait des courriels et plans de M. L______ qu'il y avait des dettes, notamment à l'égard de l'AVS, mais il n'en connaissait pas les montants. Ses déclarations subséquentes selon lesquelles il retenait plutôt qu'il s'agissait d'un retard de paiement des cotisations de l'AVS d'un ou deux mois, ce qui ne le préoccupait pas trop, sont en partie contredites par ses explications formulées plus tard durant l'audience. D'après ces dernières, le recourant savait dès avant mars 2014 que la société avait des problèmes de trésorerie, mais il avait l'espoir qu'elle puisse payer ses heures (qu'il décomptait pour lui-même seulement, sans être payé) à un moment donné; il voyait néanmoins bien que la Sàrl avait des difficultés à payer l'AVS et les autres créanciers et, par la suite, que la situation allait de moins en moins bien, de sorte qu'il n'a pas présenté ses décomptes d'heures.

La chambre des assurances sociales ayant, en audience, lu aux parties le deuxième paragraphe de la page 17 de l'ATAS/79/2020 précité (consid. 9), en lien notamment avec les arrangements et délais de paiement octroyés par l'intimée à la société, la représentante de l'intimée, sur ce point, estime qu'il ne s'agissait dans le cas présent pas que d'une passe difficile, mais de problèmes plus profonds; à son sens, le recourant ne peut pas se voir exonéré de sa responsabilité dans ce contexte; il aurait dû se renseigner au sujet des dettes de l'AVS, cas échéant directement auprès de la caisse, voire démissionner avant mai 2017. Le concerné déclare ne pas contester ce qui vient d'être dit par la représentante de la caisse.

Entendu ensuite par la chambre de céans, M. C______ confirme les déclarations du recourant. D'après cet appelé en cause, si le concerné lui avait demandé des renseignements au sujet de la situation financière de la Sàrl et des dettes notamment à l'égard de l'AVS, il les lui aurait donnés. Il n'avait aucune raison de les cacher. Il avait une bonne relation avec l'intéressé et ils ne mentaient pas l'un à l'égard de l'autre. Personnellement, ledit appelé en cause avait connaissance de la situation économique précise de la société ainsi que des dettes envers l'AVS. Rétrospectivement, il y aurait dû y avoir plus de contrôle entre les uns et les autres. Toujours selon M. C______, lorsque les cadres de la société – dont lui-même – concluaient des arrangements et délais de paiements avec l'intimée, ils avaient l'espoir de régler les dettes passées et de poursuivre l'activité de la société. "Cela s'est gâté au moment du départ de [l'intéressé]".

12.3.3 Il découle, en résumé, du contenu – rapporté ci-dessus – de l'audience de comparution personnelle des parties que le recourant, durant l'entier de la période pendant laquelle il a été associé gérant (président) de la Sàrl (de mars 2014 à mai 2017), connaissait dans les grandes lignes les difficultés, notamment de trésorerie, de celle-ci, y compris concernant les cotisations AVS, de même que l'existence d'arrangements de paiement avec l'intimée, et était en mesure de demander et d'obtenir toutes explications, détails et documents plus précis, entre autres quant aux montants exacts des dettes et desdits arrangements, de la part de MM. C______ et B______ ainsi que L______ et M______. Il est à cet égard notamment relevé qu'à la suite de sa démission, en annexe d'un pli du 31 mai 2017, le concerné a remis à la Sàrl notamment "les clés du local" et "les clés du coffre", ce qui montre un plein accès aux informations et biens de la société.

Or, vu sa qualité d'organe de la société, qui plus est président même, il incombait au concerné, pendant la période dans laquelle il était en fonction, comme du reste aux deux autres associés gérants, de veiller personnellement au paiement des cotisations et contributions paritaires courantes et arriérées, en mettant en œuvre toutes les mesures de vérification utiles, afin que la société soit à même de remplir ses obligations d’employeur (cf. notamment, dans ce sens, ATAS/322/2022 du 7 avril 2022 consid. 8.1).

Le comportement du recourant durant la période de son mandat d'associé gérant (président) de la Sàrl constitue, y compris de par ses omissions, une négligence grave entraînant sa responsabilité au sens de l'art. 52 LAVS. En effet, l'intéressé ne peut pas s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société. Il a du reste admis, en audience, avoir manqué à son devoir dans la mesure où il n'a pas eu de contrôle de la société, tout en indiquant avoir fait ce que qu'il a pu en faisant appel à M. M______. Cela étant, le concerné n'a pas assumé suffisamment son mandat dans les faits, en ne respectant en particulier pas son obligation d'organe de la société de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, incluant notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires, et en corollaire de prendre les mesures appropriées dès sa prise de connaissance des problèmes financiers de la Sàrl, à savoir dès mars 2014. Il a au contraire laissé les autres associés gérants et le comptable verser des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlaient de par la loi n'étaient pas couvertes et ne pouvaient en réalité pas être acquittées dans un délai raisonnable. Or il pouvait agir en vue de les en empêcher en prenant toutes les mesures nécessaires, y compris une mise en faillite de la société, ce qu'il n'a pas essayé de faire avant avril 2017. À défaut, s'il se trouvait, en raison de l'attitude des tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations, il devait sans attendre, dès 2014, démissionner de ses fonctions; en ne le faisant pas, il a également commis une faute grave.

La demande d'aide à M. M______, dont le nom a été suggéré par le comptable, ne permet en tout état de cause pas de réduire dans une quelconque mesure la responsabilité de l'intéressé.

Le fait que la caisse a à plusieurs reprises, sur la base des seules indications fournies par la société, accordé à cette dernière des arrangements de paiement n'est pas non plus de nature à mettre en cause la responsabilité du concerné dans le fait d'avoir laissé la Sàrl continuer son activité, alors que les salaires étaient de moins en moins couverts pour les versements des cotisations sociales. Il n'est pas allégué par le recourant et rien ne permet de considérer que l'intimée aurait octroyé de manière irrégulière les arrangements de paiement à la Sàrl. Il est à cet égard relevé ce qui suit: notamment durant la période de fonction d'associé gérant (président) de l'intéressé ainsi que jusqu'au début du mois de février 2018, la société effectuait de nombreux versements, bien qu'aux montants insuffisants, en faveur de la caisse; selon le relevé de compte concernant les cotisations (pièce 18 de l'intimée), les dernières cotisations dues par la Sàrl étaient celles de décembre 2017, et, à teneur de la partie en fait de la décision sur opposition attaquée, la société a confirmé à la caisse le 9 février 2018 qu'elle cessait son activité et n'avait plus d'employés depuis le 31 décembre 2017; par la suite, l'intimée n'a pas cessé de chercher à recouvrer les cotisations dues.

12.3.4 Par ailleurs, les manquements des autres organes responsables, à savoir les appelés en cause, ne sont aucunement de nature à exonérer le recourant de sa propre responsabilité selon l'art. 52 LAVS. En effet, comme retenu plus haut, l'intéressé était, durant la période pendant laquelle il a été associé gérant (président), en mesure de demander et d'obtenir toutes explications, détails et documents utiles de la part de MM. C______ et B______ ainsi que L______ et M______, puis de prendre ensuite, sur cette base, toutes mesures nécessaires, ce qu'il n'a pas essayé de faire avant avril 2017.

Dans ses dernières observations (des 5 juillet et 5 août 2022), le recourant sollicite l'audition en qualité de témoin de Mme K______, une liste de questions à l'appui (portant principalement sur le rôle de celle-ci au sein de la Sàrl, sur celui du concerné ainsi que sur les manquements des appelés en cause). Cependant, par appréciation anticipée des preuves, il apparaît superflu de donner une suite favorable à cette requête de mesure d'instruction complémentaire. En effet, s'agissant d'une responsabilité solitaire des organes, des informations sur d'éventuels manquements jusqu'ici inconnus de Mme K______ et MM. C______ et B______, y compris sous forme de dissimulation d'éléments ayant trait à la situation financière de la société, ne seraient aucunement susceptibles de remettre en cause la responsabilité du recourant, qui existe en tout état de cause sur la base de ce qui a été considéré ci-dessus et indépendamment des fautes des autres personnes.

12.3.5 En définitive, dans la mesure où les salaires versés étaient tels que les créances de cotisations qui en découlaient directement ex lege n'étaient plus couvertes, le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif et le dommage survenu n'est pas contestable.

N'y change rien le fait que, selon le recourant et l'appelé en cause auditionné, le non-paiement pour un mois de la Sàrl pour l'engagement d'une soixantaine d'agents de sécurité et une quinzaine de secouristes lors de la manifestation publique de l'été 2014 a été la principale cause des difficultés économiques de la société, avec sa mauvaise gestion.

12.4 Vu ce qui précède, les conditions de la faute qualifiée et du rapport de causalité sont ici réalisées.

13.          

13.1 En droit, le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (part employeur et part employé) dues par l'employeur, les contributions aux frais d'administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG - DP, n. 8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

13.2 Dans le cas présent, l'intimée actionne le concerné en réparation du dommage pour le montant total impayé de CHF 278'148.-, correspondant aux cotisations paritaires dues par la société pour les "périodes de février, mars, juillet à septembre 2015, bouclement d'acomptes 2015, janvier à avril 2016, septembre à décembre 2016" ainsi qu'à "un solde de frais et d'intérêts sur les périodes d'octobre 2014 et août 2016" (sous forme de frais administratifs, intérêts moratoires, frais de poursuites et taxes de sommation).

Le concerné ne conteste pas le montant total du dommage tel que fixé par la caisse. Au demeurant, il a eu la possibilité de consulter le chargé de pièces produit par elle avec sa réponse du 26 février 2021 et il a reçu le chargé annexé aux observations de l'intimée du 3 juin 2022, chargés où figurent l'ensemble des documents pertinents, notamment les décomptes de cotisations établis par la caisse sur la base des déclarations de salaire, sur la base de déclarations de salaires et "attestations de salaires AVS" effectuées par la Sàrl, ainsi que des relevés de compte.

Il sied de relever que cette somme totale de dommage de CHF 278'148.- porte sur une période durant laquelle le recourant était associé gérant président de la société et qu'elle est fixée avec précision dans deux tableaux au 19 août 2019 (date de la décision de réparation de dommage), produits le 3 juin 2022 (pièces 106 et 107).

Selon les déclarations de la représentante de la caisse lors de l'audience, les ventilations des paiements effectués par la société avant sa faillite, y compris durant la période à laquelle le concerné était associé gérant président, ont été faites par l'intimée selon ce qui avait été convenu avec la société et ses organes, MM. B______ et C______; il était logique d'épurer d'abord les cotisations les plus anciennes avant les plus récentes; dans les arrangements, étaient mentionnés les décomptes de cotisations qu'ils concernaient. Le grief formulé le 5 juillet 2022 par le recourant selon lequel l'intimée aurait sciemment affecté les paiements des cotisations effectués par la Sàrl en priorité aux dettes antérieures à son entrée en fonction comme associé gérant (ce dont il n'aurait jamais été informé), si tant est qu'il repose sur des faits exacts – ce qui peut demeurer indécis –, est en tout état de cause sans pertinence. En effet, conformément à la jurisprudence citée plus haut, l'intéressé répondait non seulement des cotisations d'assurances sociales courantes, mais également de la dette de cotisations échues avant son entrée en fonction, et la société n'était à cette époque – en 2014 – pas insolvable. N'est, vu le principe de la responsabilité solidaire, pas non plus pertinent, ni d'ailleurs fondé en fait, le grief du concerné d'après lequel la caisse aurait négligé de recouvrer sa créance en réparation du dommage auprès des appelés en cause.

Les tableaux au 19 août 2019 susmentionnés mentionnent "part pénale pouvant faire l'objet d'une plainte, inclus dans notre dommage : 89'474.00". À cet égard, le courrier du 20 novembre 2019 de la caisse à l'intéressé précisait que ce montant de part pénale était inclus dans la décision en réparation du dommage et pouvait être dénoncé pénalement indépendamment de l'opposition du 11 septembre 2019. En outre, en audience, la représentante de l'intimée a exposé que les montants encore dus par le recourant pour la part pénale – au sens de l'art. 87 al. 4 LAVS – sont dans le dommage réclamé dans la présente procédure, ce qui explique la diminution partielle du dommage – par les versements opérés par l'intéressé – depuis la décision sur opposition jusqu'au jour de l'audience.

13.3 Rien ne permet en définitive de mettre en doute ce montant total de dommage de CHF 278'148.-, précédant les versements effectués par l'intéressé, si ce n'est uniquement que de cette somme doivent être déduites les cotisations AMat (au titre de la LAMat) à hauteur de CHF 1'380.75 que la caisse avait omis de soustraire, selon ses observations du 3 juin 2022.

Le montant total du dommage de l'intimée au 19 août 2019 s'élevait ainsi à CHF 276'767.25 (CHF 278'148.- - CHF 1'380.75 de cotisations AMat).

14.          

14.1 La décision sur opposition querellée fixe le solde du dommage encore dû après prise en compte des versements opérés depuis le 19 août 2019 (CHF 57'000.- et CHF 1'348.60) et de la redistribution de la taxe CO2, à concurrence de CHF 218'418.65 (objet de la contestation), solde qui a fait l'objet de griefs dans le cadre de la présente procédure de recours (objet du litige). Au demeurant, même si l'on considérait que ce point ne ferait pas l'objet du litige, il conviendrait en tout état de cause d'étendre, par économie de procédure (cf. ATF 130 V 501 ; ATF 122 V 36 consid. 2a et les références), celui-ci au solde restant dû tel que clairement arrêté dans le cadre de la présente procédure de recours.

14.2 Le recourant a, le 16 avril 2021, produit un "relevé manuscrit des versements" effectués par lui entre le 23 novembre 2019 et le 9 avril 2021 - difficilement lisible - et fait valoir avoir ainsi versé une somme totale de CHF 67'000.- conformément à son engagement du 20 novembre 2019 et selon l'échéancier établi le 19 août 2019 pour le paiement des acomptes de la part pénale de CHF 89'474.-.

Selon les explications formulées en audience par la représentante de la caisse, le concerné, ayant pris des arrangements avec celle-ci après la faillite de la société, a procédé aux versements qui lui ont évité une procédure pénale; il a respecté cet engagement sauf à partir d'un certain moment vu la présente procédure. Lors de l'audience, l'intimée a en outre produit un "extrait de compte du 19 août 2019 au 2 mai 2022" relatif aux versements effectués par le recourant, qui atteignaient la somme totale de CHF 68'000.-. Selon celui-ci, il y avait deux versements qui n'auraient pas été notés dans cet extrait de compte produit ce matin, soit celui du 5 août 2020 de CHF 3'000.- et celui du 15 février 2021 de CHF 3'000.-, donc CHF 6'000.- en tout. Dans ses observations subséquentes du 3 juin 2022, la caisse a indiqué, sur la base d'un - nouvel - "extrait de compte du 20 août 2019 au 3 juin 2022", qu'il fallait encore déduire du solde du dommage les cotisations AMat (au titre de la LAMat) à hauteur de CHF 1'380.75 qu'elle avait omis de soustraire, ledit solde se montant ainsi à CHF 207'418.65, la part pénale restant due se montant quant à elle à CHF 21'474.-; en outre, malgré la lettre du conseil de l'intéressé du 30 mai 2020 joignant un document du 15 février 2021 de sa banque acceptant l'ordre de paiement de CHF 3'000.- en faveur de l'intimée et mentionnant qu'il serait exécuté le 16 février 2021 tout en précisant qu'il pouvait être modifié d'ici là, et après vérification de sa comptabilité, elle n'avait trouvé aucune trace des deux versements de CHF 3'000.- chacun allégués par le recourant lors de l'audience. Dans ses écritures subséquentes des 5 juillet et 5 août 2022, le concerné n'a pas contesté ces dernières indications de la caisse.

14.3 Rien ne permet de mettre en doute ces dernières indications et extrait de compte présentés par l'intimée. C'est ainsi la somme totale de CHF 69'348.60 (CHF 68'000.- de versements + CHF 1'348.60 de taxe CO2) qui doit être déduite du dommage arrêté au 19 août 2019 à CHF 276'767.25, d'où un solde de dommage restant dû par le recourant au 3 juin 2022 de CHF 207'418.65. Le solde restant effectivement dû uniquement sur la part pénale ne fait quant à lui pas l'objet du présent litige.

15.         Vu ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition querellée sera réformée en ce sens que le montant total du dommage de l'intimée au 19 août 2019 s'élevait à CHF 276'767.25 (au lieu de CHF 278'148.-), et confirmée pour le surplus.

Il sera en outre dit que le solde restant dû par le recourant au titre du dommage s'élevait au 3 juin 2022 à CHF 207'418.65.

16.         Le recourant échouant sur presque l'entier du litige (sauf les cotisations AMat), une indemnité de dépens très réduite, de CHF 500.-, lui sera accordée (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition querellée en ce sens que le montant total du dommage de l'intimée à réparer par le recourant au 19 août 2019 s'élevait à CHF 276'767.25, et la confirme pour le surplus.

4.        Dit que le solde dû par le recourant au titre du dommage de l'intimée s'élevait au 3 juin 2022 à CHF 207'418.65.

5.        Alloue une indemnité de dépens de CHF 500.- au recourant, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le