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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3995/2024

ATA/985/2025 du 09.09.2025 sur JTAPI/304/2025 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;NOTIFICATION DE LA DÉCISION;FICTION DE LA NOTIFICATION;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE;COMMUNICATION;DÉCISION;NOTIFICATION ÉCRITE;COMMUNICATION ÉLECTRONIQUE DES ÉCRITS;REPRÉSENTANT;DOMICILE ÉLU;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPA.9; LPA.18A; LPA.46; LPA.47; LPA.62; LAel.1; LAel.2; LAel.4; LAel.5; LAel.7; RAel.6; RAel.8; RAel.9; RAel.26.al1
Résumé : Admission du recours contre un jugement du TAPI déclarant irrecevable, pour cause de tardiveté, un recours contre deux décisions du DT notifiées sur la plateforme AC-DEMAT de l'OAC, via le compte usager de l'un des recourants, alors représenté. En droit administratif genevois, les décisions ne doivent être notifiées au conseil d'une partie que si une élection de domicile a été expressément faite en sa faveur ou ressort sans équivoque d'une procuration qu'il aurait fournie à l'autorité, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Les décisions litigieuses n'avaient donc pas à être communiquées audit conseil. En revanche, elles ont été notifiées sans que le recourant titulaire du compte ait reçu au préalable, par courriel, le signalement prévu par l'art. 9 al. 6 RAeL, ce qui constitue un vice important de la procédure de notification électronique. Les recourants ayant agi onze jours après qu'ils ont réellement pris connaissance des décisions litigieuses, ils ont agi dans un délai raisonnable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3995/2024-LCI ATA/985/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 septembre 2025

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Pascal PÉTROZ, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2025 (JTAPI/304/2025)


EN FAIT

A. a. A______ et B______ sont propriétaires de la parcelle n° 4'014 de la commune de C______, sise au ______, chemin D______.

b. B______ est inscrit au tableau des mandataires professionnellement qualifiés (ci-après : MPQ), en tant qu'architecte indépendant.

B. a. Le 18 août 2023, A______ et B______ ont déposé une requête en autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après : DT) portant sur la construction d'un habitat groupé, par le biais de la plateforme numérique AC-DEMAT au moyen du compte usager de B______. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 1______ et le précité y était mentionné comme mandataire architecte. Son adresse électronique était indiquée.

b. Lors de l’instruction de la demande, plusieurs instances de préavis ont requis l'apport de pièces complémentaires ou la modification du projet.

c. Par courrier du 13 novembre 2023, le DT a imparti un délai de 30 jours aux requérants pour lui faire parvenir les compléments requis par les instances de préavis.

d. Après plusieurs relances, le DT a donné suite aux demandes de prolongation de délai déposées par les propriétaires et a reporté le délai au 22 juillet 2024.

e. Par courrier du 25 juillet 2024, restant sans nouvelles des intéressés, le DT leur a imparti un délai au 26 août 2024 pour répondre aux demandes de compléments, précisant que passé ce délai, le dossier serait instruit avec les éléments en sa possession.

f. Les différents échanges entre les requérants et le DT ont eu lieu par voie postale et par voie électronique (courriels et plateforme AC-DEMAT).

g. Le 21 août 2024, le conseil de B______ a écrit au DT. Il a informé l'administration être le conseil du requérant et a contesté l'appréciation de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) sur la question des droits à bâtir. Il a sollicité l'octroi d'un délai de trois mois pour répondre aux demandes de compléments et, le cas échéant, modifier le projet. Il restait dans l'attente de l'accord du DT par retour de courrier.

h. Le 23 septembre 2024, le DT a prononcé le classement de la procédure ainsi qu’une décision relative aux émoluments pour un montant de CHF 5'500.-. Ces décisions ont été communiquées par le biais de la plateforme AC-DEMAT, via le compte usager de B______.

C. a. Par courriel du 2 octobre 2024, le DT a répondu au conseil de B______ à propos de la question des droits à bâtir, évoquée dans le courrier du 21 août 2024 dudit conseil.

b. Par courrier du 21 octobre 2024, le conseil des requérants a contesté la position du DT.

c. Par courrier 28 octobre 2024, le DT a adressé aux propriétaires un rappel de paiement de l'émolument de CHF 5'500.-.

d. Par courriel du 6 novembre 2024, les requérants ont indiqué au DT qu'ils n'avaient pas encore reçu la décision de taxation du 23 septembre 2024 et que selon eux, le dossier était encore en cours de traitement.

e. Par courriel du 15 novembre 2024, le DT a rappelé aux propriétaires que le dossier avait été classé.

D. a. Le 26 novembre 2024, A______ et B______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre les décisions de classement et d’émolument du 23 septembre 2024, concluant à leur annulation.

b. Le DT a conclu au rejet du recours.

c. Après un nouvel échange d'écritures, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, par jugement du 25 mars 2025.

L'acte par lequel le DT procédait au classement de la procédure devait être qualifié de décision administrative, et non pas de simple communication. Il était ainsi sujet à recours.

Le recours était tardif. En premier lieu, la notification de la décision n'était pas irrégulière. B______ avait créé un compte usager sur la plateforme AC-DEMAT et l'avait utilisé pour déposer la demande d'autorisation de construire en qualité de MPQ, manifestant par là son accord avec la communication électronique. En outre, en sa qualité d'architecte MPQ, il ne pouvait ignorer le fonctionnement de cette plateforme électronique et devait faire preuve de diligence en la consultant régulièrement. En second lieu, les intéressés disposaient d'un délai de 30 jours pour former recours contre les décisions litigieuses depuis l'ouverture de ses documents par le titulaire du compte usager, mais au plus tard sept jours après leur dépôt sur la plateforme AC-DEMAT, soit du 30 septembre au 30 octobre 2024. Partant, formé le 26 novembre 2024, le recours était tardif.

E. a. Par acte remis à la poste le 6 mai 2025, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI.

Ils n'avaient pas été informés par courrier ou par courriel des décisions du DT. Considérant que les échanges avaient désormais lieu par voie postale entre le DT‑OAC et leur conseil, ils n'avaient pas consulté la plateforme AC-DEMAT. Ce n'était que le 15 novembre 2024 que le DT les avait informés, par courriel, que le dossier avait été classé.

La seule communication des décisions entreprises par voie électronique demeurait irrégulière. Le DT avait agi de façon déloyale en publiant les décisions du 23 septembre 2024 uniquement sur la plateforme, alors qu'il avait toujours été question de communication par courriers et courriels.

b. Le DT a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants ne s'étant pas manifestés dans le délai qui leur avait été imparti pour une éventuelle réplique, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

d. Les arguments des parties et le contenu des pièces seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la validité de la communication des deux décisions du DT du 23 septembre 2024 sur la plateforme AC-DEMAT, via le compte usager de B______.

2.1 Le délai de recours est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA). Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA). Lorsqu’une personne à qui une décision devait être notifiée ne l’a pas reçue, sans sa faute, le délai de recours court du jour où cette personne a eu connaissance de la décision (art. 62 al. 5 LPA).

2.2 En procédure administrative genevoise, l'art. 9 LPA prévoit que les parties, à moins qu’elles ne doivent agir personnellement ou que l’urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un partenaire enregistré, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s’agit (al. 1). Sur demande, le représentant doit justifier ses pouvoirs par une procuration écrite (al. 2).

La question de la détermination du domicile de notification doit être distinguée de la désignation d'un représentant, car agir par l'entremise d'un mandataire ne signifie pas forcément que les actes peuvent être notifiés à ce dernier pour le compte du représenté. Certes, lorsque le représentant est domicilié en Suisse, l'art. 11 al. 3 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) prévoit que, tant que la partie ne révoque pas la procuration, l'autorité adresse ses communications au mandataire. La notion de communication comprend la notification des décisions. Ce principe a été posé dans l'intérêt de la sécurité du droit, afin d'établir une règle claire quant à la notification déterminante pour le calcul du délai de recours. Il n'en demeure pas moins qu'il incombe normalement aux parties de se constituer un domicile de notification, les dispositions légales ayant seulement valeur de clause de sauvegarde. Partant, la partie, agissant en personne ou par le biais de son avocat (art. 396 al. 2 CO), peut choisir un autre domicile de notification que celui prévu à l'art. 11 al. 3 PA. Il faut toutefois qu'elle en informe clairement les autorités à la procédure, afin qu'il n'existe aucun doute sur le domicile de notification choisi. En cas d'ambiguïté, la sécurité du droit implique que la notification au mandataire de la partie au sens de l'art. 11 al. 3 PA sera réputée régulière (arrêt du Tribunal fédéral 2C_869/2013 du 19 février 2014 consid. 4.1 et les références citées).

2.3 Selon l'art. 18A LPA, la communication électronique entre les parties, les tiers et les autorités est admise (al. 1). Elle respecte les principes suivants : a) la sécurité des communications ; b) la coordination avec les normes édictées par la Confédération ; c) la protection de la bonne foi (al. 2). L'autorité ne peut imposer la communication électronique aux parties ou aux tiers. Une partie peut renoncer en tout temps à la communication électronique (al. 3). Le Conseil d’État fixe, par voie réglementaire : a) le format de la communication électronique, qui peut être soumise à des exigences différentes selon les domaines ; b) les modalités d'obtention de l'accord des parties ou des tiers pour adopter la communication électronique (al. 4). La communication électronique ne s’applique pas à la procédure de recours (art. 57 à 89), ni à la procédure devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (art. 89A à 89I ; al. 6).

Selon l'art. 46 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours. En cas de communication électronique au sens de l’art. 18A, une signature manuscrite n’est pas exigée (al. 1). Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit. Elles peuvent être notifiées par voie électronique aux parties qui ont expressément accepté cette forme de communication. Le Conseil d’État règle les modalités de la notification électronique par voie réglementaire (al. 2).

2.4 Selon son art. 1 al. 1, la loi sur l’administration en ligne du 23 septembre 2016 (LAeL - B 4 23) régit le site Internet officiel de l’État et les services en ligne de l’administration cantonale. Elle a notamment pour but de définir un cadre à l’organisation au sein de l’administration cantonale en lien avec les services en ligne (art. 1 al. 2 let. d LAeL). La LAeL s’applique à l’administration cantonale, à l’exclusion des organismes placés sous la surveillance des départements au sens du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2023 (ROAC - B 4 05.10 ; art. 2 al. 1 LAeL). L'art. 4 LAeL prévoit que l’accès aux prestations publiques en ligne est facultatif et gratuit (al. 1). Il ne remplace pas l’accès aux prestations au guichet ou par courrier postal, ni le droit d’obtenir des décisions et documents officiels sur un support papier (al. 2).

2.5 Le compte usager est l'ensemble des attributs liés au titulaire du compte et collectés lors de l’inscription de l’usager, en particulier son identifiant (art. 5 let. b LAeL). L'espace usager est la zone de stockage associée au compte usager et dans lequel l’administration cantonale et l’usager peuvent échanger des informations en y déposant messages, demandes, informations et documents (art. 5 let. f LAeL).

Un espace usager accessible en ligne est mis à disposition du titulaire du compte. L’administration cantonale et l’usager peuvent y échanger des informations, des documents ou des messages (art. 7 al. 2 LAeL). Aux termes de l'art. 8 du règlement sur l’administration en ligne du 26 juin 2019 (RAeL - B 4 23.01), l’espace usager permet au titulaire du compte usager y afférent d’accéder aux documents et données relatifs aux prestations auxquelles il est inscrit ; l’espace usager contient ses demandes numériques en cours, ainsi que leur statut (al. 1). L’espace usager est cloisonné de façon à limiter l’accès des représentants, des responsables solidaires d’une obligation ou des co-titulaires d’un avantage à sa seule section utile. En l’absence d’élection de domicile en faveur du représentant, ce dernier et le représenté bénéficient d’un accès à la même section utile du compte usager du représenté (al. 2).

2.6 L'art. 4 al. 1 RAeL dispose que la communication numérique entre administration et administrés peut être effectuée par les canaux suivants : courrier électronique (ci‑après : courriel ; let. a) ; site Internet officiel de l’État, y compris espace usager (let. b) ; SMS, MMS (let. c) ; applications de partage de données pour téléphones intelligents (« smartphones » ; let. d) ; tout autre canal numérique proposé par l'administration (let. e).

2.7 L'art. 6 RAeL prévoit qu'un compte simplifié peut être créé pour permettre à l'administré et à l'administration de se communiquer certaines informations en accédant de manière limitée à la section utile de l’espace usager qui lui est propre (al. 1). La création de ce compte simplifié se fait selon une procédure d'inscription allégée, sans identification formelle, par laquelle l'administré indique ses nom et prénom, ainsi que son mot de passe, tout en renseignant les coordonnées correspondant aux canaux par lesquels il accepte d'être contacté, telles que son adresse de messagerie ou son numéro de téléphone mobile (al. 2).

2.8 Selon l'art. 9 RAeL, la notification électronique des décisions administratives ne peut avoir lieu que pour les usagers – le cas échéant leurs représentants – ayant fait l’objet d’une procédure d’identification formelle (art. 26 RAeL ; al. 1). La notification électronique des décisions administratives est faite alternativement : en cas de représentation avec élection de domicile, au seul représentant ; dans tous les autres cas, aux seuls destinataires de la décision (al. 2). L'administré marque son acceptation au sens de l'art. 46 al. 2 LPA : a) soit par la création d'un compte simplifié (art. 6) et le « renseignement », à titre de canal spécifique de notification, d’une adresse électronique, pour toute décision notifiée via cette adresse ; b) soit par l'envoi d'une demande en ligne, pour toute notification de décision y relative via le canal proposé par défaut par l'office concerné c) soit par élection de domicile auprès d’un représentant titulaire d’un compte représentant ; c’est alors le canal accepté par le représentant qui s’applique (al. 4). Vaut notification au sens de la LPA la communication des décisions qui est effectuée : a) soit par envoi d'un lien activable par mot de passe et transmis à travers le canal numérique spécifiquement « renseigné » à cet effet dans le compte simplifié ; b) soit par dépôt sur l’espace usager de l'intéressé ; c) soit par tout autre mode de notification numérique proposé par l’office concerné et accepté expressément par la personne notifiée (al. 5). Toute notification par dépôt dans l’espace usager est signalée dans le même temps aux personnes notifiées par un message envoyé par le canal qu’elles auront « renseigné » sur leur compte. L’envoi de ce message, à pur titre d'information, ne vaut pas notification au sens du présent article (al. 6). La date de notification d'une décision de l’administration correspond, lorsque la décision est déposée sur l’espace usager, à la date de son ouverture par l'intéressé (soit le destinataire de la décision ou toute autre personne ayant accès à sa section utile, soit, en cas de domicile élu, le représentant ou toute autre personne ayant accès à sa section utile), mais au plus tard sept jours après le dépôt sur l’espace usager (al. 7 let. b).

2.9 L’identification formelle d’une personne physique se fait en principe une seule fois, en particulier à l’occasion de l’ouverture d’un compte usager. Elle permet d’associer ce compte au responsable de son usage (art. 26 al. 1 RAeL).

2.10 La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA). Cependant, la jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification : la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a donc lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme. Ainsi, l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu'il entend contester (ATF 132 I 249 consid. 6 ; 122 I 97 consid. 3a.aa ; 111 V 149 consid. 4c).

2.11 De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir des actes du juge est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 141 II 429 consid. 3.1). Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 141 II 429 consid. 3 et la référence citée). À défaut, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle (ATF 117 V 131 consid. 4a).

2.12 En procédure administrative, le principe de fiction de la notification suppose l'existence d'une procédure pendante, qu'elle soit judiciaire ou administrative (arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.3.1 ; 2C_832/2014 du 20 février 2015 consid. 4.3.2 et les références citées). Un justiciable se sachant partie à une procédure administrative doit donc, en application du principe de la bonne foi (ATF 138 III 225 consid. 3.1), s'attendre à ce que l'autorité administrative lui notifie des actes de procédure, au même titre qu'un juge le ferait dans une procédure judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2016 précité consid. 3.1.1). Si le justiciable s'abstient de prendre des mesures pour que son courrier lui parvienne, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde de sept jours, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 141 II 429 consid. 3.1 ; 139 IV 228 consid. 1.1).

Si l'administré communique plusieurs adresses à l'autorité, celle-ci peut en principe notifier ses décisions à l'une d'entre elles. L'adresse de notification n'est pas nécessairement celle du domicile de l'administré ; si tel est le cas, il importe que toutes les notifications se fassent alors à la même adresse (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 379). Dès lors que le destinataire a le droit d'indiquer une autre adresse de notification que son domicile ou sa résidence habituelle, il a le droit que les notifications se fassent à l'adresse communiquée (ATF 139 IV 228 consid. 1.2 ; 101 Ia 332 consid. 3).

2.13 Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser dans quel délai une partie est tenue d'attaquer une décision lorsque celle-ci n'est pas notifiée à son représentant dont l'existence est connue de l'autorité, mais directement en ses mains. Dans de telles situations, il a jugé que l'intéressé doit, en vertu de son devoir de diligence, se renseigner auprès de son mandataire de la suite donnée à son affaire au plus tard le dernier jour du délai de recours depuis la notification de la décision litigieuse, de sorte qu'il y a lieu de faire courir le délai de recours dès cette date (arrêts du Tribunal fédéral 9C_741/2012 du 12 décembre 2012 consid. 2 ; 9C_296/2011 du 28 février 2012 consid. 5 ; 9C_85/2011 du 17 janvier 2012 consid. 6.2, 6.3 et 6.8).

2.14 L’art. 5 al. 3 Cst. oblige les organes de l’État et les particuliers à agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent ainsi réciproquement de manière loyale. L’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2).

3.             En l'espèce, le TAPI a retenu que la notification des décisions attaquées n'était pas irrégulière, puisque B______ avait créé un compte usager sur la plateforme AC-DEMAT et l'avait utilisé pour déposer la demande d'autorisation de construire en qualité de MPQ, manifestant par-là son accord avec la communication électronique. En outre, en sa qualité d'architecte MPQ, il ne pouvait ignorer le fonctionnement de cette plateforme électronique et devait faire preuve de diligence en la consultant régulièrement.

Le TAPI a ensuite considéré que les intéressés disposaient d'un délai de 30 jours pour former recours contre les décisions litigieuses depuis l'ouverture des documents par le titulaire du compte usager, mais au plus tard sept jours après leur dépôt sur la plateforme AC-DEMAT, soit du 30 septembre au 30 octobre 2024. Partant, formé le 26 novembre 2024, le recours était tardif.

3.1 Les recourants contestent cette analyse. Ils estiment que la seule communication par voie électronique des décisions entreprises était irrégulière, dans la mesure où la notification électronique n'avait pas été clairement définie comme un canal spécifique au sens de l'art. 9 RAeL. Ils considèrent également que rien ne permettait de penser que le DT classerait le dossier après le 26 août 2024 et que celui-ci avait agi de façon déloyale en publiant les décisions litigieuses uniquement sur la plateforme, alors qu'il avait toujours été question de communication par courrier et courriels. Ils allèguent également ne pas avoir été informés par courrier ou par courriel du prononcé des décisions litigieuses. Enfin, les intéressés considèrent que le délai de recours avait débuté le 15 novembre 2025 et qu'ils n'étaient ainsi pas hors délai en interjetant recours le 26 novembre 2024.

3.2 Un conseil s'étant constitué auprès du DT en tant que représentant de l'un des recourants, B______, avant le prononcé des décisions litigieuses, il convient au préalable de déterminer si celles-ci auraient dû être notifiées à celui‑ci.

Il doit être répondu à cette question par la négative. En effet, lors de sa constitution auprès du DT, le conseil n'a pas indiqué qu'une élection de domicile était faite en son étude. Or, selon le Tribunal fédéral, la question de la détermination du domicile de notification doit être distinguée de la désignation d'un représentant, car agir par l'entremise d'un mandataire ne signifie pas forcément que les actes peuvent être notifiés à ce dernier pour le compte du représenté. En outre, la LPA ne prévoit pas que la seule constitution d'un avocat vaut tacitement élection de domicile en son étude, contrairement à ce qui prévaut notamment en procédures pénale (art. 87 al. 3 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0) et civile (art. 137 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 - CPC - RS 272). Son art. 46 al. 2 prévoit au contraire expressément que les décisions sont notifiées, le cas échéant, « au domicile élu » du mandataire, ce qui implique une mention expresse de l'élection de domicile. Par conséquent, il convient de retenir qu'en droit administratif genevois, les décisions ne doivent être notifiées au conseil d'une partie que si une élection de domicile a été expressément faite en sa faveur ou ressort sans équivoque d'une procuration qu'il aurait fournie à l'autorité. En l'occurrence, ces conditions ne sont pas remplies.

3.3 Il n'est pas contesté que B______ a créé un compte usager sur la plateforme numérique AC-DEMAT et l'a utilisé pour déposer l'autorisation de construire. Sur la demande figurait son adresse électronique. Au moment du dépôt de la demande, il n'était pas représenté.

Se pose la question de la régularité de la notification de la décision entreprise via le compte usager de B______.

La notification électronique des décisions administratives ne peut avoir lieu, premièrement, que pour les usagers – le cas échéant leurs représentants – ayant fait l’objet d’une procédure d’identification formelle, qui se fait en principe une seule fois, en particulier à l’occasion de l’ouverture d’un compte usager. Cette condition est réalisée en l'espèce, B______ disposant d'un compte usager.

Secondement, il faut que l'administré ait marqué son acceptation (au sens de l'art. 46 al. 2 LPA), qui peut se manifester soit par la création d'un compte simplifié et l'indication, à titre de canal spécifique de notification, d’une adresse électronique, pour toute décision notifiée via cette adresse, soit par élection de domicile auprès d’un représentant titulaire d’un compte représentant. En l'occurrence, si les recourants ont, en cours de procédure, mandaté un avocat qui s'est constitué comme leur représentant auprès du DT, ils n'ont pas fait élection de domicile en son étude et rien ne permet non plus de retenir que l'avocat disposerait d'un compte représentant. En revanche, comme cela a été exposé ci-avant, B______ est titulaire d'un compte usager par lequel il a déposé la demande d'autorisation de construire et il a fourni son adresse électronique au plus tard lors du dépôt de la demande. La question de savoir si l'indication de cette adresse par ce biais constitue « le renseignement, à titre de canal spécifique de notification, d’une adresse électronique » au sens de l'art. 9 al. 4 let. a RAeL pourra toutefois souffrir de demeurer indécise, compte tenu de ce qui suit.

Les décisions litigieuses ont été notifiées, le 23 septembre 2024, sur l’espace usager de B______, étant précisé que le DT n'était pas tenu d'en informer le conseil des recourants, aucune élection de domicile en faveur dudit conseil n'ayant été faite et celui-ci ne disposant pas, à teneur du dossier, d'un compte représentant sur la plateforme AC-DEMAT.

Toute notification par dépôt dans l’espace usager doit être signalée aux personnes « notifiées » par un message envoyé par le canal qu’elles auront indiqué sur leur compte (art. 9 al. 6 RAeL). En l'occurrence, les recourants contestent à juste titre avoir été informés par courriel, à l'adresse électronique de B______, du prononcé des décisions. En effet, le DT ne fournit aucun courriel allant dans ce sens. Il y a certes une lettre, datée du 23 septembre 2024, qui informe les recourants que le DT a répondu à leur demande, mais il ne s'agit pas d'un courriel. Selon toute vraisemblance, cette lettre a été communiquée directement sur le compte usager de B______ le 23 septembre 2024. Un tel procédé ne répond toutefois pas aux exigences de l'art. 9 al. 6 RAeL.

La procédure de notification des décisions est donc viciée. Bien qu'une procédure en autorisation de construire était en cours, les recourants ne pouvaient se douter de l'existence de ces décisions, en l'absence de courriel d'alerte les informant de leur prononcé. En outre, une réponse du DT au courrier de leur conseil du 21 août 2024 était attendue et celle-ci n'a été donnée qu'un mois et demi après et plus d'une semaine après le prononcé desdites décisions. La réponse du DT ne les mentionne d'ailleurs pas. Pour ces motifs, on ne pouvait exiger de B______ qu'il consulte son compte usager dans le cadre de la procédure. Le fait qu'il ne pouvait ignorer le fonctionnement de la plateforme électronique AC-DEMAT, en raison de sa profession d'architecte, n'y change rien.

Dès lors, et en raison du vice important intervenu dans la procédure de notification des décisions, celles-ci ne sauraient être réputées avoir été notifiées au plus tard sept jours après le dépôt sur l’espace usager de B______ (art. 9 al. 7 let. b RAeL), soit au plus tard in casu le 30 septembre 2024. Il doit en revanche être retenu qu'elles ont été notifiées dès que les recourants en ont pris connaissance, soit le 15 novembre 2024.

Ceux-ci ont déposé leur recours devant le TAPI le 26 novembre 2024. Le recours ayant ainsi été interjeté onze jours après qu'ils ont pris connaissance des décisions litigieuses, ils ont agi dans un délai raisonnable.

Il s'ensuit que le TAPI ne pouvait pas déclarer le recours irrecevable pour tardiveté. Le recours sera donc admis et la cause renvoyée au TAPI afin qu'il entre en matière sur le fond.

4.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de CHF 750.- sera allouée aux recourants, pris conjointement, à la charge du DT (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2025 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2025 ;

au fond :

l'admet ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de CHF 750.- à A______ et B______, pris conjointement, à la charge du département du territoire - OAC ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal PÉTROZ, avocat des recourants, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :