Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/812/2025 du 25.07.2025 ( FPUBL )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3569/2024-FPUBL ATA/812/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 25 juillet 2025
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Elisabeth BERNARD, avocate
contre
ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION (EPI) intimés
représentés par Me Stéphanie FULD, avocate
Attendu, en fait, que, par décision du 26 septembre 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, les établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI) ont résilié, pour le 31 décembre 2024, les rapports de service les liant à A______ ;
que, par acte du 28 octobre 2024, cette dernière a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et, principalement, à sa réintégration en qualité de cheffe de secteur ou, subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné aux EPI d'ouvrir une procédure de reclassement ;
que, dans leurs écritures en réponse, les EPI ont conclu au rejet du recours ;
qu'après un second échange d'écritures la cause a été gardée à juger le 11 mars 2025 ;
que, par acte du 26 juin 2025, B______ (ci-après : B______), se référant aux avis de subrogation provisoire qu'elle avait précédemment adressés à la chambre administrative, a demandé à pouvoir intervenir dans la procédure, concluant sur le fond à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la recourante sous déduction du montant de sa subrogation au jour de la réintégration de celle-ci, ce montant s'élevant provisoirement à CHF 5'206.- net ; subrogée en application de l'art. 29 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance‑chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) à la recourante à hauteur des prestations versées conformément à l'art. 29 al. 1 LACI, elle disposait d'un intérêt digne de protection à ce que celle-ci obtienne sa réintégration dès lors que les EPI devraient dans cette hypothèse lui rembourser lesdites prestations ;
qu'interpellées sur cette demande d'intervention, tant la recourante que l'intimée s'en sont rapportées à justice, la seconde déplorant toutefois le caractère à ses yeux tardif de la requête et faisant valoir que, compte tenu de la teneur actuelle de l'art. 31 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), une réintégration de la recourante n'entrait pas en considération ;
que la cause a été gardée à juger le 23 juillet 2025 ;
considérant, en droit, que selon l'art. 71 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure ; que la décision leur devient dans ce cas opposable ;
que, selon l’art. 71 al. 2 LPA, l'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties ;
que la doctrine précise que l’autorité saisie a la faculté d’ordonner l’appel en cause, d’office ou sur requête, mais qu’elle n’en a pas l’obligation, sauf lorsque le tiers dispose d’un intérêt digne de protection, son droit à l’appel en cause découlant directement des art. 89 et 111 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ;
que, selon l’art. 29 de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0), si la caisse a de sérieux doutes que l'assuré ait droit, pour la durée de la perte de travail, au versement par son ancien employeur d'un salaire ou d'une indemnité au sens de l'art. 11 al. 3, ou que ces prétentions soient satisfaites, elle verse l'indemnité de chômage (al. 1) ; en opérant le versement, la caisse se subroge à l'assuré dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière versée par la caisse (al. 2, première phrase ; cf. aussi l’art. 54 al. 1 LACI) ;
que, selon une jurisprudence constante de la chambre administrative, les demandes d'intervention qui lui sont soumises par les caisses de chômage dans des procédures de licenciement d'employés ou de fonctionnaires sont irrecevables, la demande d'intervention n'existant pas en procédure administrative (ATA/838/2019 du 30 avril 2019 consid. 46 ; ATA/161/2013 du 12 mars 2013 consid. 3 ; ATA/92/2013 du 19 février 2013 consid. 6 ; ATA/300/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/92/2013 du 19 février 2013 ; ATA/161/2013 du 12 mars 2013 consid. 3 ; ATA/820/2010 du 23 novembre 2010 ; ATA/424/2008 du 26 août 2008) ;
que la chambre administrative a toutefois considéré qu’une requête d’intervention valait demande d’appel en cause au sens de l’art. 71 LPA (ATA/744/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3 ; ATA/424/2008 du 26 août 2008 consid. 4 ; ATA/804/2005 du 28 novembre 2005) ;
que la jurisprudence interprète l’art. 71 LPA à la lumière des conditions relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse (art. 60 LPA), dans le respect de la règle de base définie à l’art. 7 LPA ; que l’institution de l’appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d’obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue ; qu’il faut toujours examiner avec soin si la personne susceptible d’être appelée en cause est touchée directement ; qu’en définitive, tout tiers qui dispose de la qualité pour recourir pourra ou devra être appelé en cause (art. 71 LPA) pour exercer ses droits, sans qu’il soit nécessaire de prévoir une procédure spéciale d’intervention (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 903 ss ad art. 71 LPA ; ATA/850/2024 du 15 juillet 2024) ;
que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2022 du 21 novembre 2022), la caisse de chômage appelée à verser des prestations à un employé public dont les rapports de service ont été résiliés dispose d'un intérêt juridique manifeste à voir l’employé obtenir gain de cause dans la procédure portant sur le bien-fondé de cette résiliation, puisqu’en cas de perte du procès par celui-ci, elle ne pourrait faire valoir aucune prétention financière contre l’employeur sur la base de l’art. 29 al. 2 LACI ; le Tribunal fédéral a ajouté que le droit de procédure devait permettre l’accomplissement du droit matériel (en l’occurrence l’art. 29 al. 2 LACI) et non en empêcher la réalisation ;
que, se fondant sur cette jurisprudence, la chambre administrative a admis – sous la forme de l'appel en cause – une demande d'intervention formée par une caisse de chômage dans un litige opposant un fonctionnaire à l'état et portant sur la question de savoir si la révocation du premier était ou non bien fondée (ATA/1065/2024 du 10 septembre 2024) ;
qu'en l’espèce B______, qui a d'ores et déjà versé à la recourante des indemnités de chômage en application de l'art. 29 al. 1 LACI et pourrait être amenée à en verser encore, s’est subrogée à celle-ci dans tous ses droits, à concurrence de la somme des indemnités versées ;
que sa situation juridique sera ainsi directement affectée par l’issue du présent litige dès lors que, en cas de rejet du recours, elle ne pourra pas faire valoir de prétention financière contre l’intimée sur la base de l’art. 29 al. 2 LACI ; qu’elle dispose en conséquence d'un intérêt juridique à voir la recourante obtenir gain de cause ; que, dès lors, la demande d’intervention doit être admise – sous la forme d'un appel en cause – et la caisse doit avoir la possibilité de se déterminer sur le bien-fondé de la décision litigieuse ;
que le sort des frais de la procédure sera réservé ;
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
ordonne l’appel en cause de la B______ ;
lui communique une copie des actes de la procédure ;
lui impartit un délai au 29 août 2025 pour présenter, si elle le souhaite, ses observations sur le fond du litige ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Elisabeth BERNARD, avocate de la recourante, à Me Stéphanie FULD, avocate des établissements publics pour l'intégration (EPI), et à la B______.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
C. MEYER |
| le juge délégué :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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