Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4047/2005

ATA/804/2005 du 28.11.2005 ( DIV ) , REFUSE

Parties : PINEIRO Maria, ALFARO-OLIVER Dionisio, EGLI Cicero, PIER Maurice, HIRZEL Ursula, LOEFFEL Gabriela, CHAPPUIS Romaine, CASTIELLA Martin, BERTRAND Jérôme et autres, INNOCENZI Marion, DUSS Anne Christine, JEAN-RICHARD François, BRAEGGER Marcelle, CARDINAUD Anne, KERCHENBAUM Miriam, CONNOLLY Oona, VALLEJO RODRIGUEZ Esperanza / MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL, VERGELL CASA S.A. ET SI BOULEVARD DE LA TOUR 14 S.A., SI BOULEVARD DE LA TOUR 14 S.A.
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4047/2005-DIV ATA/804/2005

DÉCISION

DU

PRÉSIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 novembre 2005

sur effet suspensif, appel en cause et accès au dossier

 

dans la cause

 

Monsieur Jérôme BERTRAND et autres
représentés par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

et

SOCIÉTÉS VERGELL CASA S.A. et SI BOULEVARD DE LA TOUR 14 S.A., appelées en cause,

représentées par Me Bénédict Fontanet, avocat


Vu l’arrêt rendu le 16 novembre 2005 (n° 1P.723/2005) par le Tribunal fédéral dans la cause opposant Monsieur Jérôme Bertrand et autres (ci-après  : les recourants ou les squatters) au Procureur général de la République et canton de Genève (ci-après  : le Procureur général ou l’intimé) ;

vu la requête en mesures urgentes des recourants du 17 novembre 2005 ;

vu la requête « en intervention » et en retrait de l’effet suspensif des sociétés Vergell Casa S.A. et SI Boulevard de la Tour 14 S.A (ci-après  : les sociétés ou les appelées en cause) du 18 novembre 2005, complétée le 22 du même mois ;

vu la requête en retrait de l’effet suspensif du Procureur général du 21 novembre 2005 ;

vu les déterminations des recourants sur la requête du Procureur général du 23 novembre 2005 ;

Attendu  :

que l’arrêt rendu le 16 novembre 2005 par le Tribunal fédéral, et communiqué tant aux recourants et à l’intimé qu’au Tribunal administratif par pli du même jour, distribué le lendemain, renvoie la cause à ladite juridiction, faute d’épuisement des instances cantonales au sens de l’article 86 alinéa 1er de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) ;

qu’à teneur de l’arrêt du Tribunal fédéral, le Procureur général, ordonnant le 19 octobre 2005 par voie d’avis affichés sur les portes des immeubles sis boulevard de la Tour 12 et 14 et boulevard des Philosophes 24, à Genève, propriétés des sociétés, l’évacuation de ceux-ci, a agi en application de l’article 43 alinéa premier lettre c de la loi cantonale sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) ;

que le tribunal de céans étant l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative au sens de l’article 56A alinéa premier LOJ, il lui appartenait de statuer sur le litige, en l’absence de clause d’exclusion de sa compétence à teneur de l’article 56B LOJ ;

qu’en application de l’article 66 alinéa premier de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recours a effet suspensif sauf disposition légale contraire ;

que tel n’est pas le cas ;

que la saisine du tribunal de céans, par renvoi du Tribunal fédéral, a pour effet de paralyser « l’ordonnance » du Procureur général portée à la connaissance des recourants par voie d’affichage le 19 octobre 2005 ;

qu’invité à se déterminer sur l’application éventuelle de l’article 66 alinéa 2 LPA, offrant la faculté à la juridiction de recours de retirer l’effet suspensif sur demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, le Procureur général a conclu à un tel retrait dans ses conclusions du 21 novembre 2005 ;

que les sociétés en ont fait de même par écritures des 18 et 22 décembre 2005 ;

que les squatters concluent au maintien de l’effet suspensif ;

que la loi attache au recours un effet suspensif automatique en vertu de l’article 66 alinéa premier LPA ;

que l’alinéa 2 de la même disposition comporte une règle dans la pesée des intérêts, ceux des parties requérant le retrait de l’effet suspensif devant être gravement menacés ;

qu’à teneur de la jurisprudence du tribunal de céans, l’effet suspensif ne doit être retiré que pour des motifs particuliers suffisants, importants ou impérieux ou encore lorsque des intérêts publics considérables sont en danger (ATA du 27 mai 1991 dans la cause n° 91.TP.281) ;

que selon la doctrine, le retrait de l’effet suspensif ne doit être ordonné que si, faute d’exécution immédiate de la décision litigieuse, la réalisation des buts même de la loi applicable serait mise en danger (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen im Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, rapport à la société suisse des juristes, 1997, n° 91 p. 323) ;

que selon un deuxième auteur, la notion de menace grave au sens de l’article 66 alinéa 2 LPA doit être comprise comme la mise en danger de façon grave et imminente ou encore comme la compromission irrémédiable des intérêts prépondérants invoqués (Benoît BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 406) ;

que selon un troisième auteur, le retrait de l’effet suspensif ne se conçoit que si l’hypothèse d’une mise en danger grave et directe d’intérêts publics importants  s’impose avec évidence (Fritz GYGI, Aufschiebende Wirkung und vorsorgliche Massnahmen in der Verwaltungsrechtspflege in Beiträge zum Verfassungs- und Verwaltungsrecht, Berne 1986, p. 486) ;

que le Procureur général a agi dans le cadre de la protection de l’ordre public au sens de l’article 43 alinéa premier lettre c LOJ ;

que cette notion paraît prima facie plus étroite que celle d’intérêt public, voire de politique sociale, consistant à favoriser la mise sur le marché locatif d’appartements correspondant aux besoins prépondérants de la population ;

que s’agissant des risques allégués d’effondrement de l’immeuble sis 12-14 boulevard de la Tour, ils ne présentent pas le caractère d’urgence alléguée par l’intimé et les sociétés, de l’avis du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, à teneur d’un arrêt rendu par le Tribunal administratif en date du 4 octobre 2005 (ATA/647/2005) ;

qu’aucun motif de sécurité n’impose l’évacuation immédiate de l’immeuble concerné ;

que la lésion alléguée des intérêts privés des sociétés pendant la durée de la procédure par-devant le Tribunal administratif en cas de refus de restitution de l’effet suspensif, doit être mesurée au regard de la durée de l’occupation des immeubles, soit depuis le 9 novembre 1988, et de celle probable de la présente procédure ;

que selon la jurisprudence et la doctrine, il y a lieu de tenir compte également des chances de succès du recours (ATA/482/2005 du 6 juillet 2005 ; Isabelle HÄNER, eodem loco, n° 93 p. 325 et Fritz GYGI, eodem loco, p. 486) ;

que l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral a créé une situation juridique nouvelle rendant hasardeuse toute évaluation des chances de succès ou d’échec du recours ;

qu’en cas de retrait éventuel de l’effet suspensif suivi par hypothèse d’une admission du recours, toute restitutio in integrum serait rendue impossible du fait même de l’exécution des travaux projetés par les sociétés, malgré leurs conclusions préalables en ce sens ;

qu’il serait contraire au bon sens d’ordonner avant dire droit l’évacuation des immeubles litigieux pour faciliter l’exécution des travaux bénéficiant d’une autorisation en force selon l’arrêt rendu par Tribunal administratif en date du 27 septembre 2005 (ATA/632/2005), tout en donnant acte aux sociétés de leur engagement de les arrêter, voire de revenir à l’état antérieur, le cas échéant ;

qu’au regard du long temps écoulé, de l’absence de menace à l’ordre public stricto sensu, de l’absence également de danger immédiat ayant trait à la sécurité de l’un des immeubles visés, de l’absence encore de toute décision civile ou pénale exécutoire, il convient de ne pas retirer l’effet suspensif au recours ;

***

que s’agissant de la demande d’intervention des sociétés, elle doit être comprise comme une demande d’appel en cause au sens de l’article 71 alinéa premier LPA ;

que les sociétés sont sans conteste propriétaires des immeubles litigieux ;

qu’elles sont également titulaires d’autorisations de construire aujourd’hui en force ;

qu’à ce double égard, leur situation juridique vis-à-vis des parties au litige par-devant le Tribunal fédéral, n’est pas susceptible d’être affectée au sens de l’article 71 alinéa premier LPA ;

que le Procureur général n’a pas soutenu avoir tenu la main à l’exécution d’un jugement pénal ou civil en faveur des sociétés, au sens de l’article 45 alinéa premier LOJ ;

que ces dernières ne soutiennent pas non plus que des procédures pertinentes dans ce but seraient en cours (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.175/2002 du 10 mai 2002) ;

que l’institution de l’appel en cause a également pour fonction de rendre opposable à toutes les parties la décision de justice rendue au fond ;

qu’elle contribue dès lors à éviter la multiplication des procédures et réduit le risque de contrariété entre jugements ;

qu’il sera fait droit à la requête des sociétés, leur appel en cause étant ordonnée ;

***

qu'à teneur de l’article 45 alinéa premier LPA, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent ;

que le juge délégué à l’instruction de la cause a requis du Procureur général la production du dossier P/14176/1991 dont l’instruction n’est pas contradictoire ;

qu’il convient dès lors d’en interdire l’accès aux autres parties ;

qu’en application de l’article 45 alinéa 3 LPA, le Tribunal administratif, s’il entend utiliser une pièce contenue dans son dossier au désavantage d’une partie, lui en communiquera le contenu essentiel ;

***

qu’il sera enfin faire droit à la requête des recourants de compléter leur recours pour tenir compte des particularités respectives d’une part du recours de droit public au Tribunal fédéral et d’autre part du recours au Tribunal administratif, au sens de l’article 65 alinéa 3 LPA, étant précisé que le cadre des débats est déjà fixé par les conclusions prises par les recourants en date du 7 novembre 2005 (art. 65 al. 1er LPA ; SJ 1997 p. 42 n° 102 ; ATA/780/2005 du 15 novembre 2005 ; ATA/571/1998 du 15 septembre 1998) ;

qu’il sera donné également un délai au Procureur général et aux appelés en cause pour se déterminer ;

que ces différents délais ne seront pas susceptibles d’être prolongés (art. 75 LPA) ;

que la question des frais et dépens restera réservée jusqu’à droit jugé au fond ;

PAR CES MOTIFS  

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF  :

rejette la requête de retrait de l’effet suspensif ;

appelle en cause les sociétés anonymes Vergell Casa et SI Boulevard de la Tour 14;

impartit aux recourants un délai au lundi 5 décembre 2005 à 16h00 pour compléter leurs écritures ;

impartit au Procureur général de la République et canton de Genève et aux sociétés anonymes Vergell Casa et SI Boulevard de la Tour 14 un délai au mercredi 14 décembre 2005 à 16h00 pour répondre au recours ;

interdit aux recourants et aux sociétés anonymes Vergell Casa et SI Boulevard de la Tour 14 loi l’accès au dossier P/14176/1991 ;

réserve la question des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

communique la présente décision, en copie, à Me Pierre Bayenet, avocat des recourants, à Monsieur le Procureur général de la République et canton de Genève ainsi qu’à Me Bénédict Fontanet, avocat des sociétés appelées en cause.

 

 

Le président du Tribunal administratif :

 

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée ce jour par télécopieur et sous pli recommandé aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :