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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2863/2024

ATA/693/2025 du 24.06.2025 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.08.2025, 2C_464/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2863/2024-AMENAG ATA/693/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2025

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Mattia DEBERTI, avocat

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE intimée



EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire, dans la commune de C______ (ci-après : la commune), des parcelles nos 915, de 122 m² comprenant une habitation de 94 m², et 3'174, de 107 m², sur laquelle se trouve une habitation de 79 m². Les deux parcelles sont situées en zone 4B protégée.

Elles se situent à l’ouest de la parcelle no 13'490, séparées de celle-ci par un chemin vicinal (parcelles nos 4'210 et 911).

b. D______ était propriétaire de la parcelle no 13'490 (ci‑dessous : nos 4'812 et 4'813) de la même commune, située à l’est des biens‑fonds, d’une surface de 5'024 m2, située pour partie (90 m2) en zone 4B protégée (sur le plan ci-dessous : parcelle n° 4'812) et pour le reste (4'934 m2), en zone agricole (sur le plan : parcelle n° 4'813 ; parties hachurée et non hachurée).

Aucune construction n’est érigée sur cette parcelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


B. a. Le 18 octobre 2019, D______ a adressé à la commission foncière agricole (ci-après : CFA) une requête visant à soustraire une partie de la parcelle no 13'490 du champ d'application du droit foncier rural. Elle a fait savoir, par la suite, qu'elle entendait établir un plan de division de cette parcelle suivant les limites des zones d'affectation et demander le désassujettissement de la partie qui était utilisée comme jardin d'agrément depuis 1964 et qui se situait à la fois en zone 4B protégée (90 m2) et en zone agricole (sur le plan : la partie utilisée comme jardin d'agrément correspond à la parcelle n° 4'812 et à la partie hachurée de la parcelle n° 4'813).  

b. Par ordonnance préparatoire n° 3 du 21 avril 2020, la CFA a souligné que la parcelle n° 13'490 avait été incluse dans un remaniement parcellaire et qu'en conséquence son morcellement devait être autorisé par l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN). Elle « préavis[ait] favorablement les opérations projetées, les parties faisant l’objet de la demande de désassujettissement étant respectivement sise en zone 4B protégée et formant depuis 1964 un jardin d’agrément ».

Elle a invité la requérante à transmettre à ce dernier sa demande, avec un plan de division.

c. Par décision du 14 janvier 2021, l’OCAN a refusé la division de la parcelle no 13'490.

Comme cette dernière était issue du remaniement parcellaire de la commune, son morcellement était en principe interdit. Aucune des hypothèses de l’art. 36 de l’ordonnance sur les améliorations structurelles dans l’agriculture du 7 décembre 1998 (OAS - RS 913.1) n’était réalisée.

La division sollicitée consistait à détacher une sous-parcelle de 845 m2 formant un jardin d’agrément. L’affectation non agricole ne pouvait être retenue comme motif important, selon la jurisprudence. La sous-parcelle était d’ailleurs apte à être utilisée à des fins agricoles, comme pâturage ou prairie de fauche, et sa seule utilisation comme jardin, même pendant une période prolongée, ne pouvait constituer un juste motif permettant de déroger à l’interdiction de morceler. L’intérêt privé ne pouvait pas prévaloir sur l’intérêt public au respect du principe de l’interdiction de morcellement.

Aucun recours n’ayant été interjeté à l’encontre de cette décision, elle est entrée en force.

d. Compte tenu de ce refus, la CFA a, dans une décision du 9 mars 2021, rejeté la demande de soustraction au droit foncier rural de la parcelle n° 13'490, celle-ci se situant en zone agricole. 

C. a. Le 6 avril 2021, D______ a sollicité de la CFA l’autorisation de vendre la parcelle no 13'490 à B______, exploitant agricole au bénéfice d’un certificat fédéral de capacité d’agriculteur.

b. Par décision du 11 mai 2021, la CFA a autorisé le précité à l’acquérir pour le prix de CHF 8.-/m2.

D. a. Le 3 septembre 2021, A______ et B______, sous la plume d’un notaire, ont sollicité de la CFA l’autorisation de constituer, sur une partie de la parcelle no 13'490, une servitude d’usage de jardin en faveur des parcelles nos 915 et 3'174.

Il existait en effet un jardin d’agrément qui reposait pour 845 m2 sur la parcelle no 13'490 dont 90 m2 en zone 4B protégée.

Au vu du rejet de la demande de désassujettissement, B______ avait décidé de procéder à la division de la parcelle selon les limites des zones d’affectation, ce qui lui permettait déjà de vendre la partie sise en zone 4B protégée, de 90 m2, à A______, propriétaire notamment des parcelles voisines nos 915 et 3'174. Ces dernières bénéficiaient depuis plusieurs décennies de l’usage du jardin sur une petite partie de la parcelle no 13'490.

La surface en zone agricole correspondant au jardin n’était pas affectée à l’agriculture ou la viticulture et n’était pas exploitée comme telle. Elle ne dépendait pas d’une entreprise agricole, mais constituait depuis de très nombreuses années un jardin d’agrément pour le propriétaire des parcelles en zone 4B protégée, soit A______.

b. Il ressort de l’acte notarié du 29 septembre 2021, intitulé « Division et vente immobilière par B______ à A______ » et du plan de mutation de parcelle no 3/2020, établi le 28 avril 2020 et certifié conforme le 16 juillet 2021, annexé à l’acte notarié, que la parcelle no 13'490 serait divisée selon les limites des zones d’affectation en deux nouvelles parcelles.

La partie sise en zone 4B protégée (la plus proche de la zone à bâtir), de 90 m2, no 13'490A, deviendrait la parcelle no 4'812, tandis que la surface restante, en zone agricole, de 4'934 m2, no 13'490B, prendrait le no 4'813.

Selon l’acte notarié, cette opération n’avait pas besoin d’être autorisée, dès lors que la division était réalisée en limites de zone et que la nouvelle parcelle n4'812, sise exclusivement en zone 4B protégée, ne dépendait « d’aucune entreprise agricole, ainsi que les parties [l’attestaient] ».

Selon l’acte, B______ conservait pour son usage propre la parcelle agricole, cadastrée à la suite de la division foncière sous le no 4'813, et vendait à A______ la partie en zone à bâtir, cadastrée sous le no 4'812, pour la somme de CHF 18'000.-.

c. Il ressort du projet de constitution de servitude entre B______ et A______ que devait être constituée, sur la parcelle n° 4'813 une servitude d’usage de jardin, qui s’exercerait conformément à l’assiette sous teinte de couleur verte au plan de servitudes du 16 juillet 2021. L’usage accordé était exclusif et les frais d’entretien du jardin seraient à la charge des fonds dominants.

Selon le plan annexé la partie destinée à l’usage de jardin, représentée par des traitillés sur le plan, correspondait à 1/5e la parcelle n° 4'813 soit un peu moins de 1’000 m² (4'934 m² : 5 = 986.8 m²). La partie concernée par la servitude était située au nord de la parcelle. Elle était entourée, au nord et au sud, de parcelles situées en zone agricole, vierges de toute habitation. À l’est s’étendait le solde de la parcelle n° 4'813. À l’ouest, se trouvait la parcelle n° 4'812.

d. Par décision du 12 octobre 2021, la CFA a rejeté la requête de constitution d’une servitude de jardin sur la parcelle no 13'490, car celle-ci était matériellement équivalente à une division parcellaire.

E. a. Par acte du 3 décembre 2021, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à ce qu’ils soient autorisés à constituer une servitude d’usage de jardin sur la parcelle no 4'813, au profit des parcelles nos 915 et 3'174, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité pour les frais causés par la procédure.

b. Par arrêt du 10 mai 2022 (ATA/487/2022), la chambre administrative a rejeté le recours. La constitution d’une servitude de jardin sur la parcelle n° 13'490 de la commune revenait à contourner les refus de morcellement et de soustraction au droit foncier rural de la parcelle litigieuse prononcés antérieurement par les autorités compétentes.

c. Le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par A______ et B______ contre l’ATA/487/2022 (arrêt 2C_483/2022 du 12 janvier 2024). Il a annulé l’arrêt de la chambre administrative et lui a renvoyé la cause afin qu’elle complète les faits s’agissant de la portée de la servitude d’usage du jardin et rende une nouvelle décision quant à la soumission de la constitution de cette servitude à autorisation.

L’ATA/487/2022 ne traitait pas du point de savoir si la constitution de la servitude tombait sous le coup de l’art. 61 al. 3 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11). Il ne mentionnait même pas cette disposition. Il en allait d’ailleurs de même de la décision du 12 octobre 2021 de la CFA qui n’avait pas examiné ce point, alors que A______ et B______ avaient déposé une demande d’autorisation de constitution de servitude. Or, avant de décider si la constitution de la servitude en cause pouvait ou non être autorisée, il s’agissait d’analyser si cette constitution était soumise à autorisation, c’est-à-dire si elle représentait un acte juridique équivalent économiquement à un transfert de la propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR. Ce n’était qu’en cas de réponse positive que cette opération nécessitait l’obtention d’une autorisation en application de l’art. 61 al. 1 LDFR. Si une autorisation n’était pas requise, la servitude pouvait être inscrite au registre foncier (ci-après : RF). La subsomption développée dans l’arrêt attaqué, affirmant que la constitution d’une servitude représentait une fraude à la loi dans la mesure où elle équivalait à une division de la parcelle n° 4'813, qui avait déjà été refusée par décision du 14 janvier 2021 de l’OCAN, nécessitait donc une première analyse qui avait été omise, la chambre administrative (de même que la CFA) n’ayant pas examiné la cause à l’aune de l’art. 61 al. 3 LDFR, comme requis par A______ et B______. Les faits de l’arrêt entrepris ne contenaient aucune précision concernant la servitude faisant l’objet du litige et du contrat y relatif. Il n’était donc pas possible de juger dans quelle mesure celle-ci restreignait le propriétaire foncier dans ses droits et si elle avait les mêmes effets économiques qu’une aliénation.

En outre, on pouvait se demander si la constitution d’une servitude telle que celle en cause était compatible avec l’autorisation que B______ avait dû obtenir comme préalable à l’achat du bien-fonds agricole en 2021 (art. 60 al. 1 LDFR). En effet, pour se voir octroyer une telle autorisation, B______, qui était agriculteur, devait, sous réserve des exceptions mentionnées à l’art. 64 LDFR, démontrer sa qualité d’exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR) et s’engager à s’occuper personnellement des terres (art. 9 al. 1 LDFR). La chambre administrative se devait d’examiner également si une telle exception avait été retenue au moment de l’octroi de l’autorisation d’acquérir et donc, le cas échéant, si l’obligation de s’occuper soi-même du bien-fonds acquis était conciliable avec la constitution d’une servitude qui, d’après le plan de servitude du 16 juillet 2021, s’étendait sur environ 1/5e de la parcelle.

d. Après avoir invités les parties à se déterminer à la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral, la chambre administrative a, par arrêt du 27 février 2024 (ATA/243/2024), partiellement admis le recours du 3 décembre 2021 et, conformément à la requête des parties, renvoyé la cause à la CFA pour complément d’instruction et nouvelle décision.

e. Devant la CFA, A______ et B______ ont relevé que ce dernier avait manifesté sa volonté d’accorder une servitude d’usage de jardin à A______ sur une surface correspondant à moins d’1/5e de la parcelle en cause, en contrepartie de son entretien. La constitution de cette servitude ne le priverait pas de ses autres prérogatives de propriétaire : il continuerait à pouvoir jouir et disposer de l’intégralité de sa parcelle et user des 4/5e restants. En outre, les exploitations agricoles adjacentes ne seraient pas prétéritées par la constitution de la servitude litigieuse.

f. Par décision du 11 juin 2024, la CFA a rejeté la requête en autorisation de constituer une servitude d’usage de jardin sur la parcelle.

A______ et B______ entendaient constituer une servitude d’usage de jardin sur la parcelle en faveur des fonds dominants nos 915 et 3'174 qui ne prendrait pas la forme d’un droit distinct et permanent. Pour ce motif, il ne s’agissait pas d’une acquisition d’immeuble au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR.

B______ ne disposerait d’aucune possibilité d’user de la partie de la parcelle grevée par la servitude. Partant, la constitution de ce droit réel limité constituait un acte juridique qui équivalait économiquement à un transfert de propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR.

L’autorisation devait être refusée en vertu de l’art. 63 al. 1 let. a LDFR, l’ayant droit de la servitude d’usage n’étant pas une exploitante à titre personnel au sens auquel l’entendait la LDFR.

Le cas d’espèce ne tombant dans aucun des justes motifs de l’art. 64 al. 1 let a à g LDFR, la bénéficiaire de la servitude litigieuse ne pouvait pas profiter des exceptions au principe de l’exploitation à titre personnel au sens de cette disposition. L’usage d’un jardin à des fins de loisirs ne constituait pas une circonstance objective suffisante pour déroger au principe de l’exploitation à titre personnel et ne tendait pas à atteindre les objectifs de la politique agricole du droit foncier rural.

Dans son arrêt du 12 janvier 2024, le Tribunal fédéral imposait également d’examiner si l’inscription de la servitude d’usage de jardin serait compatible avec l’engagement que B______ avait pris de s’occuper personnellement des terres lorsqu’il avait acquis la parcelle n° 13'490 ou si au contraire il avait bénéficié d’une exception fondée sur l’art. 64 LDFR. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral avait rappelé que la volonté d’exploiter personnellement les terres devait non seulement être présente au moment de l’acquisition, mais elle devait également l’être sur le long terme, surtout lorsqu’il s’agissait de la vente d’immeubles agricoles.

Force était de constater que sa décision du 11 mai 2021 par laquelle elle avait autorisé B______ à acquérir la parcelle n° 13'490 ne faisait état d’aucune exception au sens de l’art 64 LDFR. Pour ce motif, l’inscription de la servitude en cause n’était pas compatible avec l’engagement pris par lui – au demeurant très récent, puisque de 2021 – de s’occuper personnellement de cette terre agricole. Quelques mois seulement s’étaient écoulés entre le jour où B______ avait acquis la parcelle n° 13'490 et celui où, avec A______, ils avaient déposé la requête en inscription de la servitude litigieuse. Cette circonstance permettait de douter de leur bonne foi. Au moment d’acquérir l’ancienne parcelle n° 13'490, B______ s’était engagé à exploiter à titre personnel ce bien-fonds. Il s’agissait d’une condition sine qua non à l’octroi de l’autorisation d’acquérir du 11 mai 2021.

F. a. Le 6 septembre 2024, A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative. Ils ont conclu, préalablement, à l’organisation d’un transport sur place et, principalement, à l’annulation de la décision du 11 juin 2024 et à ce que la constitution de la servitude requise soit autorisée conformément au projet d’acte dressé par Me E______ et au plan de servitude dressé par F______ SA les 16 juillet et 31 août 2021.

Leurs arguments seront repris dans la partie en droit du présent arrêt.

Ils joignaient trois attestations : l’une du paysagiste qui, de 1999 à 2022 avait procédé à des travaux d’entretien du jardin ; l’une d’un voisin, né à C______ dans les années 1960, qui confirmait l’existence du jardin d’agrément depuis des décennies, précisant que la parcelle était à sa disposition, à bien plaire, pour y laisser paître ses chevaux ; il ne se souvenait pas avoir vu la parcelle cultivée ; et celle d’un ancien propriétaire d’une maison située à proximité immédiate de la parcelle n° 13’490 qui confirmait que la dernière personne ayant utilisé la parcelle pour l’agriculture était le père de G______ qui avait cessé cette activité dans les années 1970. Ce dernier en avait fait un jardin d’agrément tel que le reflétait la situation actuelle.

b. Le 8 octobre 2024, la CFA a persisté dans sa décision.

c. Le 28 octobre 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces et le détail de leurs arguments seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

f. À la demande de la juge déléguée, la CFA a versé à la procédure copie de la décision de la CFA autorisant B______ à acquérir la parcelle n° 13'490 ainsi que le dossier y relatif, notamment la requête.

Interpellés, les recourants ont indiqué que le courrier n’apportait aucun élément nouveau.

EN DROIT

1.             Le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 12 janvier 2024 (2C_483/2022) ainsi qu’à l’arrêt de la chambre de céans du 27 février 2024 renvoyant la cause à la CFA (ATA/243/2024).

Le recours du 6 septembre 2024 contre la décision de la CFA du 11 juin 2024, notifiée le 11 juillet 2024, interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             2.1. En application du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l’autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès. La motivation de l’arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la Cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 148 I 127 consid. 3.1 ; 143 IV 214 consid. 5.2.1).

2.2. En l’espèce, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au canton pour, d’une part, analyser si la constitution de la servitude en cause était soumise à autorisation, c’est‑à-dire si elle représentait un acte juridique équivalent économiquement à un transfert de la propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR et, d’autre part, si la constitution d’une telle servitude était compatible avec l’autorisation que B______ avait dû obtenir comme préalable à l’achat du bien-fonds agricole en 2021 (art. 60 al. 1 LDFR).

3.             Les recourants sollicitent préalablement la tenue d’un transport sur place.

3.1 Le droit de faire administrer des preuves sur des faits pertinents, tel que la jurisprudence l’a déduit du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l’espèce, il ne se justifie pas de faire droit à la requête des recourants. En effet, le dossier contient plusieurs photographies des parcelles ainsi que les plans cadastraux de celles-ci, qui montrent la configuration des lieux.

De surcroît, un transport sur place ne serait pas pertinent au vu des considérants qui suivent et des questions, juridiques, posées.

Cette requête d’acte d’instruction sera rejetée, car inutile, le dossier de la chambre de céans étant complet et en état d’être jugé.

4.             La première question consiste à déterminer si la constitution de la servitude tombe sous le coup de l’art. 61 al. 3 LDFR.

4.1 La LDFR a pour but, selon son art. 1 al. 1, d’encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte et d’une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d’améliorer les structures (let. a), de renforcer la position de l’exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d’acquisition d’entreprises et d’immeubles agricoles (let. b), et de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (let. c).

4.1.1 Selon la jurisprudence, le but de politique agricole de la LDFR n’est pas simplement de maintenir le statu quo, mais de renforcer la position des exploitants à titre personnel et de privilégier l’attribution des immeubles à de tels exploitants lors de chaque transfert de propriété, c’est-à-dire de réellement promouvoir le principe de l’exploitation à titre personnel. La LDFR cherche, dans cette mesure, à exclure du marché foncier tous ceux qui visent à acquérir les entreprises et les immeubles agricoles, principalement à titre de placement de capitaux ou dans un but de spéculation (ATF 145 II 328 consid. 3.3.1 et les références citées).

4.1.2 L’art. 9 LDFR définit les notions d’exploitant à titre personnel et de capacité d’exploiter à titre personnel : selon cette disposition, est exploitant à titre personnel quiconque cultive lui-même les terres agricoles et, s’il s’agit d’une entreprise agricole, dirige personnellement celle-ci (al. 1) ; est capable d’exploiter à titre personnel quiconque a les aptitudes usuellement requises dans l’agriculture de notre pays pour cultiver lui-même les terres agricoles et diriger personnellement une entreprise agricole (al. 2). Pour répondre à la notion d’exploitant à titre personnel, le requérant doit remplir les conditions posées par ces deux alinéas (arrêt du Tribunal fédéral 5A.17/2006 du 21 décembre 2006 consid. 2.2 et les références citées).

4.1.3 La LDFR contient notamment des dispositions sur l’acquisition des immeubles agricoles (art. 1 al. 2 let. a et art. 61 ss LDFR), laquelle est soumise à autorisation (art. 61 al. 1 LDFR).

En effet, sous réserve des exceptions prévues par l’art. 62 LDFR, celui qui entend acquérir un immeuble agricole doit obtenir une autorisation (art. 61 al. 1 LDFR). La notion d'acquisition d'immeubles agricoles soumise à autorisation est définie à l'art. 61 al. 3 LDFR. Cette disposition procède à l'énumération exhaustive des deux situations : « le transfert de la propriété, ainsi que tout autre acte juridique équivalant économiquement à un transfert de la propriété ».

Le but de l’assujettissement à autorisation est de garantir que le transfert de propriété corresponde aux objectifs du droit foncier rural, au premier rang desquels figure la concrétisation du principe de l’exploitation à titre personnel (ATF 145 II 328 consid. 3.3.1). L’autorisation est accordée lorsqu’il n’existe aucun motif de refus (art. 61 al. 2 LDFR). Le fait pour l’acquéreur de ne pas être exploitant à titre personnel constitue l’un de ces motifs (art. 63 al. 1 let. a LDFR). Dans un tel cas, l’acquéreur peut néanmoins être autorisé à acquérir un bien immobilier agricole s’il prouve l’existence d’un juste motif au sens de l’art. 64 al. 1 LDFR, disposition qui contient, d’une part, aux let. a à g, un catalogue non exhaustif d’exceptions au principe de l’exploitation à titre personnel et, d’autre part, une clause générale de « juste motif » fondant l’octroi d’une autorisation (ATF 133 III 562 consid. 4.4.1).

Sont visés par la notion de « tout autre acte juridique équivalant économiquement à un transfert de la propriété » les procédés qui ne modifient pas la propriété au RF, mais qui donnent une position équivalente à la propriété foncière à leur ayant droit. On peut notamment mentionner l'acquisition de parts sociales d'une personne morale propriétaire de biens fonds agricoles. Il convient d'ajouter la constitution d'un droit de superficie, la constitution d'un usufruit, le droit d'emption, le droit de préemption, la promesse de vente (L'acquisition d'immeubles agricoles par des non-exploitants à titre personnel, Thierry LARGEY, Communications de droit agraire, 3/2022 p. 213).

4.2 Dans l’arrêt de renvoi du 12 janvier 2024 (consid. 3.1), le Tribunal fédéral avait rappelé que la constitution d'une servitude peut représenter un tel acte juridique (arrêts 2C_157/2017 du 12 septembre 2017 consid. 4.1; 2C_562/2009 du 23 avril 2019 consid. 2.2.4.2). À titre d'exemple, un droit de superficie limité dans le temps, qui n'est pas conçu comme un droit distinct et permanent, peut conférer à l'ayant droit une position similaire à celle d'un propriétaire et ainsi être considéré comme un acte juridique équivalant économiquement à un transfert de la propriété au sens de l'art. 61 al. 3 LDFR nécessitant l'obtention d'une autorisation d'acquérir (arrêt 2C_157/2017 susmentionné consid. 4.1).

4.3 Selon l’objet qu’elle concerne, la constitution d’un usufruit est parfois, comme le transfert de la propriété, soumise à autorisation. Tel est notamment le cas dans l’hypothèse visée par l’art. 61 al. 3 LDFR (usufruit de longue durée sur un immeuble agricole équivalent à une aliénation de celui-ci ; Les droits réels, Tome III, Paul Henri STEINAUER, 5e éd. 2021, p. 69 n. 3623)

5.             Dans un premier argument, les recourants soutiennent que la constitution de la servitude en cause ne prive pas le propriétaire de ses prérogatives.

5.1 Selon les recourants, le propriétaire continuerait à pouvoir jouir et disposer de l’intégralité de la parcelle n° 4'813 et user des « 475e restants », indépendamment du droit d’usage partiel accordé à A______. Cet acte ne produirait pas des effets assimilables à ceux d’une vente, dans la mesure où celle-ci n’aurait qu’un droit d’usage, au même titre que le titulaire d’un bail à ferme ou d’un contrat de prêt à usage, accords qui ne sont pas soumis à autorisation. L’opération se distinguerait également de la constitution d’un usufruit dans la mesure où elle ne procurerait pas à la bénéficiaire la plénitude de l’usage et de la jouissance du bien. La partie couverte par l’assiette de la servitude (750 m² environ) serait au demeurant aménagée sous forme de jardin d’agrément depuis, en tous les cas, les années 60, ce qui avait été démontré par les attestations et orthophotographies produites. Enfin, A______ était déjà propriétaire d’une partie de ce jardin, sur une surface de 90 m², soit de la parcelle n° 4'812.

5.2 En l’espèce, le fait que A______ soit déjà propriétaire d’une partie de ce jardin, sur une surface de 90 m², soit de la parcelle n° 4'812 de C______ n’est pas pertinent pour l’analyse de l’art. 61 al. 3 LDFR en lien avec la parcelle n° 4'813.

Les parties s’opposent sur la question de la question de savoir si le pourcentage de la parcelle affecté par la servitude est un élément de l’analyse de l’art. 61 al. 3 LDFR : la CFA considère que tel n’est pas le cas, alors que les recourants plaident au contraire que la notion d’acte juridique équivalent économiquement à un transfert de la propriété relèverait d’une notion juridique indéterminée qui devrait s’analyser au cas par cas. L’assiette de la servitude aurait donc une incidence pour déterminer si l’opération envisagée priverait B______ de ses prérogatives de propriétaire. La surface réduite de la servitude plaiderait en défaveur d’un acte assimilable à un transfert de propriété. La question souffrira de rester indécise. En effet, même à considérer que tel soit le cas, la servitude porte sur 750 m² sur une parcelle de 4'934 m2, soit 15% de la surface totale. Or, d’une part le 15% d’une parcelle n’est pas anodin puisqu’il concerne un peu moins d’environ 1/5e de la surface à teneur de l’arrêt du Tribunal fédéral. D’autre part, la surface s’élève à 750 m2, soit une superficie non négligeable, de surcroît pour une utilisation de jardin, lequel serait en l’occurrence spacieux. Les recourants ne peuvent dès lors pas être suivis lorsqu’ils affirment que l’assiette de la servitude est « des plus réduites ».

La durée d’une servitude est un critère essentiel utilisé par le Tribunal fédéral pour déterminer si un acte est assimilable à un transfert de propriété au sens de la LDFR. Dans la mesure où la servitude projetée serait constituée sans limite de temps, elle conférerait à la bénéficiaire de la servitude une position similaire à celle d’un propriétaire. C’est à tort que les recourants font une comparaison avec les baux à ferme ou les prêts à usage. Ceux-ci sont précisément limités dans le temps. Un bail de durée indéterminée est résiliable et, à teneur de la jurisprudence, un bail de durée illimitée restreindrait à l’excès la liberté personnelle (ATF 113 II 146 = JdT 1987 I 612 ; 103 II 176 = JdT 1978 I 333). Ainsi, à juste titre, la CFA a relevé que le propriétaire ne pourrait ni user ni jouir de la partie de la parcelle sur laquelle était projetée la servitude. Il ne pourrait plus en faire usage, à tout le moins la cultiver et en récolter les fruits, et ce, de façon illimitée dans le temps. Il n’aurait qu’un droit de disposition alors que l’usage et la jouissance de cette partie de la parcelle dépendrait de la seule volonté de la propriétaire des fonds dominants. Partant, cette servitude conférerait un droit qui s’apparenterait à un usufruit, le droit réel le plus proche de la propriété.

En conséquence, la constitution de la servitude d’usage de jardin restreint, sans limite dans le temps, le propriétaire foncier dans ses droits, notamment d’en user, d’en jouir, de la cultiver, d’en récolter les fruits et a en conséquence les mêmes effets économiques qu’une aliénation. L’acte juridique en cause est dès lors équivalent à un transfert de propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR et est soumis à autorisation.

5.3 Les recourants contestent la comparaison avec l’usufruit et considèrent que l’exclusivité de l’usage ne priverait pas le propriétaire de son droit de jouissance puisqu’il pourrait toujours remettre à bail l’intégralité de la parcelle à un tiers malgré la servitude. Il en irait différemment s’il s’agissait d’un usufruit.

Ils ne peuvent être suivis. Même à imaginer un bail, la servitude d’usage de jardin perdurerait et tant le bailleur que le locataire se verraient restreints dans l’usage du périmètre de l’assiette de la servitude.

5.4 Les recourants invoquent que cette partie de terrain ne serait pas appropriée à un usage agricole. Ce ne serait pas une coïncidence si l’assiette de la servitude n’était pas comprise dans les surfaces d’assolement. B______ avait acquis la parcelle n° 4'813 pour exploiter personnellement les champs qui la composaient, inclus dans les surfaces d’assolement et qui étaient appropriés à un usage agricole. A contrario, l’exploitation agricole du jardin d’agrément ne serait ni appropriée, ni rationnelle, compte tenu de la configuration des lieux. Ce jardin était en effet composé d’une haie le séparant de la parcelle contiguë n° 13'489, au nord. Plusieurs arbres ornementaux y avaient également été plantés. Cette configuration, existante depuis des décennies, rendait cette partie du terrain inapte à toute affectation agricole, tant par le passé qu’au moment où B______ s’était porté acquéreur de la parcelle.

Or, cette question n’est pas pertinente pour déterminer si un acte est assimilable à un transfert de propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR. Cette argumentation devrait au surplus être écartée conformément aux considérants qui suivent. Enfin, le fait que la CFA ait préavisé favorablement dans son ordonnance n° 3 du 21 avril 2020, est sans incidence et les recourants ne peuvent en déduire aucun droit.

5.5 Les recourants se prévalent du fait que les parties avaient convenu de constituer la servitude gratuitement, ce qui contredirait totalement l’assimilation de l’opération à une vente. Dans leur réplique, ils soutiennent toutefois que la servitude d’usage n’était pas totalement gratuite puisque la bénéficiaire devait en contrepartie entretenir le terrain. La gratuité de l’opération tendait à démontrer que la partie dévolue au jardin était sans utilité pour le propriétaire de la parcelle. Il avait ainsi tout intérêt à constituer une servitude d’usage pour obtenir en contrepartie son entretien par les propriétaires des fonds dominants, sans que cela ne menace les intérêts poursuivis par la LDFR.

Or, la constitution de la servitude à titre gratuit est un acte assimilable à une donation et par conséquent équivalent économiquement à un transfert de propriété. Si certes, ce n’est pas l’immeuble qui serait touché par la donation mais l’octroi de la constitution de la servitude d’usage, la question n’est pas, à ce stade de l’analyse, de savoir si la partie dévolue au jardin serait sans utilité pour le propriétaire actuel. Elle consiste à déterminer si elle n’intervient pas contrairement aux buts de la LDFR, notamment de renforcer la position de l’exploitant à titre personnel (art. 1 al. 1 let. b LDFR). Tel est à l’évidence le cas.

La constitution de la servitude de jardin litigieuse est en conséquence assimilable à un transfert de propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR et donc est soumise à autorisation d’acquérir (art. 61 al. 1 LDFR).

6.             La seconde question consiste à déterminer si la constitution de la servitude est compatible avec l’autorisation que le propriétaire avait dû obtenir comme préalable à l’achat du bien-fonds agricole en 2021 (art. 60 al. 1 LDFR).

Selon l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, le propriétaire, agriculteur, avait dû, pour pouvoir acquérir la parcelle n° 13’490, sous réserve des exceptions mentionnées à l’art. 64 LDFR, démontrer sa qualité d’exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR) et s’engager à s’occuper personnellement des terres (art. 9 al. 1 LDFR). La chambre administrative se devait d’examiner si une telle exception avait été retenue au moment de l’octroi de l’autorisation d’acquérir et donc, le cas échéant, si l’obligation de s’occuper soi‑même du bien-fonds acquis était conciliable avec la constitution d’une servitude qui, d’après le plan de servitude du 16 juillet 2021, s’étendait sur environ 1/5e de la parcelle.

6.1 En vertu de l'art. 61 LDFR, celui qui entend acquérir un immeuble agricole doit obtenir une autorisation (al. 1). L’autorisation est accordée lorsqu'il n'existe aucun motif de refus (al. 2).

Selon l’art. 63 al. 1 let. a LDFR, l’acquisition d’un immeuble agricole est refusée lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel.

L’art. 64 al. 1 LDFR prévoit que lorsque l’acquéreur n’est pas personnellement exploitant, l’autorisation lui est accordée s’il prouve qu’il y a un juste motif pour le faire. Cette disposition contient, aux let. a à g, un catalogue non exhaustif d'exceptions au principe de l'exploitation à titre personnel.

6.2 Pour des immeubles nouvellement acquis, ou plus précisément que l'intéressé n'exploite pas encore (par exemple en tant que fermier), celui-ci doit s'engager à cultiver personnellement les terrains qu'il entend acquérir ; s'agissant d'un fait futur, il lui suffit de rendre ce comportement simplement vraisemblable, ce qui peut être le cas par la simple mise en évidence d'attaches actuelles ou passées avec l'agriculture (arrêts du Tribunal fédéral 2C_334/2021 du 16 mars 2022 consid. 4.2 et 2C_747/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.1, non publié in ATF 135 II 123).

6.3 L'art. 64 LDFR contient une clause générale de juste motif pouvant fonder l'octroi d'une autorisation.

Les justes motifs sont une notion juridique indéterminée, qui doit être concrétisée en tenant compte des circonstances du cas particulier et des objectifs de politique agricole du droit foncier rural (ATF 133 III 562 consid. 4.4.1 ; ATF 122 III 287 consid. 3a).

Seul celui qui peut démontrer matériellement un juste motif à se voir attribuer des terres agricoles alors qu'il n'est pas exploitant à titre personnel peut ainsi obtenir une dérogation (ATF 133 III 562 consid. 4.4.2). Lorsque cette clause générale est invoquée, il faut, compte tenu de l'ensemble des circonstances, procéder à une pesée des intérêts entre les intérêts des parties au contrat et l'intérêt public à la sauvegarde du principe de l'exploitation à titre personnel (Christoph BANDLI /
Beat STALDER, Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998, n. 36, ad art. 64 p. 618 ch. 4).

L'autorité ne saurait, par une pratique extensive de la clause dérogatoire, vider la norme générale de son sens. À l'inverse, elle ne saurait poser des conditions excessives pour faire application de la clause dérogatoire. Si les justes motifs existent, l'administré a droit à la délivrance de l'autorisation exceptionnelle
(Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse : droit public et droit privé, vol. 2, 2006, n. 2033, ad art. 64 p. 164 ch. 577). En tous les cas, le juste motif doit être celui qui ne porte pas atteinte aux buts poursuivis par la loi. Des motifs de nature économique et de convenance personnelle ne sauraient, dans l’esprit de la LDFR, être considérés comme de justes motifs permettant l’octroi d’une autorisation exceptionnelle (Yves DONZALLAZ, op. cit., ad art. 64 p. 192‑193 ch. 497-498 et les références citées).

6.4 En l’espèce, la CFA a autorisé la vente de la parcelle à B______ au motif qu’il était exploitant à titre personnel au sens de l’art. 9 LDFR. Aucune exception au sens de l’art. 64 LDFR n’a été évoquée au moment de l’acquisition par ce dernier des 5'024 m2 concernés. L’intéressé s’est donc engagé à s’occuper personnellement des terres (art. 9 al. 1 LDFR). La constitution d’une servitude qui, d’après le plan du 16 juillet 2021, s’étend sur environ 1/5e de la parcelle n’est en conséquence pas conciliable avec l’obligation de la disposition légale précitée.

6.5 Les recourants soutiennent qu’il ne pourrait pas être considéré que B______ ne respecterait pas l’obligation d’exploiter personnellement les terres dans le cas d’un périmètre qui aurait perdu toute vocation agricole depuis plus d’un demi-siècle. Les exploitations agricoles adjacentes à la parcelle ne seraient pas prétéritées par la constitution de la servitude litigieuse.

6.5.1 La loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 (LaLDFR - M 1 10) s’applique aux immeubles, qu’il s’agisse de bâtiments ou de biens-fonds situés dans la zone agricole au sens de l’art. 20 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700 ; art. 2 al. 1 LaLDFR). Elle prévoit que les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d’application de la présente loi par décision de l’autorité compétente (art. 3 al. 1 LaLDFR), soit la CFA (art. 10 let. f LaLDFR).

6.5.2 Selon l'art. 6 al. 1 LDFR, est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole (ATF 132 III 515 consid. 3.2 ; 128 III 229 consid. 2), à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (ATF 139 III 327 consid 2.1 ; Eduard HOFER, in Christoph BANDLI et al., Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998, n. 7 ss ad art. 6 LDFR). En faisant abstraction des aires forestières, toutes les surfaces qui ne sont pas boisées et qui disposent d'une couche de terre suffisante pour produire de la végétation se prêtent à un usage agricole (ATF 139 III 327 consid. 2.1 ; Yves DONZALLAZ, op. cit., p. 49). Parmi celles‑ci, on trouve les prairies, les champs, les surfaces cultivables, les cultures fruitières et les pâturages (arrêts du Tribunal fédéral 2C_14/2020 du 18 juin 2020 consid. 5.1 ; 2C_1068/2019 du 26 mai 2020 consid. 2.1). Cette notion est identique à celle des terrains se prêtant à une exploitation agricole au sens de l'art. 16 al. 1 LAT (ATF 125 III 175 consid. 2b).

6.5.3 Si, du point de vue des plans d'affectation locaux, l'on admet qu'un immeuble non bâti est potentiellement soumis au régime de la LDFR, il conviendra encore d'examiner dans quelle mesure l'immeuble concerné est effectivement approprié à une utilisation agricole. Dès lors, ce n'est pas seulement l'admissibilité de l'utilisation agricole au sens de la LAT qui doit être donnée, mais aussi l'aptitude concrète d'un immeuble à cette utilisation (Yves DONZALLAZ, op.cit. p. 176).

6.5.4 La caractéristique de l'aptitude est d'abord d'ordre objectif (ATF 139 III 327 consid. 2.1). Elle est néanmoins tempérée par une composante d'ordre subjectif, à savoir la prise en compte de l'usage effectif qui est fait de l'immeuble. Cette composante ne revêt qu'une portée subsidiaire. Elle ne doit pas conduire à contourner la LDFR (ATF 139 III 327 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A.2/2007 du 15 juin 2007 consid. 3.4 ; 5A.14/2006 du 16 janvier 2007 consid. 2.2.3). Dès lors qu'elle est de nature à faire perdre au terrain sa nature agricole, elle ne peut être déterminante qu'à trois conditions cumulatives strictes : l'usage non agricole doit durer depuis quelques dizaines d'années, il ne doit plus être envisageable pour l'avenir et les installations qui ont été érigées sur le terrain doivent l'avoir été de manière légale (ATF 139 III 327 consid. 2.2 et 3).

6.6 En l’espèce, le litige ne consiste pas à déterminer si les 750 m2 de la parcelle n° 4'813 sont encore appropriés à un usage agricole au sens de l'art. 6 al. 1 LDFR. En effet, lorsqu'un immeuble sis hors d'une zone à bâtir – et donc présumé agricole – n'est pas approprié à un usage agricole ou horticole, l'art. 84 LDFR permet au propriétaire de faire constater, par l'autorité compétente, que l'immeuble considéré n'est pas soumis au champ d'application de ladite loi ; le cas échéant, une mention sera inscrite au RF (art. 86 al. 1 let. b LDFR ; ATF 139 III 327 consid. 2 ; 10 let. f et g LaLDFR). Or, il n’est pas contesté qu’en l’état l’entier de la parcelle est soumise à la LDFR. Aucune décision d’exclusion du champ d’application de la LDFR n’existe au sens de l’art. 10 let. f LaLDFR.

Au contraire, une décision définitive et exécutoire, refusant un tel désassujettissement a été prononcé le 9 mars 2021 par la CFA. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours. Le fait que la CFA, dans son ordonnance n° 3 du 21 avril 2020, ait préavisé favorablement la demande de l’ancienne propriétaire tendant au désassujettissement de la partie de la parcelle dévolue au jardin, après avoir effectué un transport sur place, est sans pertinence. Seule est déterminante la décision ultérieure, contre laquelle il n’a pas été interjeté recours.

De même, l’OCAN a maintenu l’interdiction de morceler la parcelle n° 13'490, relevant que les 750 m2 de terrain litigieux étaient parfaitement aptes à être utilisés à des fins agricoles, notamment en tant que pâturage ou comme prairie de fauche. Il relevait que la seule utilisation comme jardin, même pendant une période prolongée, ne saurait constituer un juste motif pour une dérogation à l’interdiction de morceler. Cette décision, du 21 avril 2020, n’a pas fait l’objet d’un recours. L’existence des haies, déjà présente à l’époque, ne suffit donc pas à lui faire perdre cette aptitude à l’agriculture.

Enfin, seuls quatre mois séparent la décision du 11 mai 2021 de la CFA autorisant l’agriculteur à acquérir la parcelle n° 13'490, du dépôt de la demande de constitution de la servitude querellée le 3 septembre 2021. Les décisions définitives et exécutoires prononcées juste avant la requête conservaient toute leur actualité.

En conséquence, aucune exception n’ayant été retenue au moment de l’octroi de l’autorisation d’acquérir la parcelle n° 13’490, l’obligation du propriétaire de s’occuper lui‑même du bien-fonds acquis n’est pas conciliable avec la constitution de la servitude querellée.

Infondé, le recours doit être rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 septembre 2024 par A______ et B______ contre la décision de la commission foncière agricole du 10 juillet 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et de B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mattia DEBERTI, avocat des recourants ainsi qu'à la commission foncière agricole, à l'office fédéral de la justice, à l’office fédéral du développement territorial (ARE), ainsi qu'à l'office fédéral de l'agriculture (OFAG).

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, Justine BALZLI, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :