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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3801/2024

ATA/680/2025 du 20.06.2025 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.08.2025, 2C_449/2025, 2C_3/2025
Descripteurs : MAISON DE PROSTITUTION;RESPONSABILITÉ DE L'EXPLOITANT;MÉDICAMENT;COCAÏNE;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE;HONNEUR;CESSATION DE L'EXPLOITATION;AMENDE;PROPORTIONNALITÉ;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : Cst; LProst.12.letc; LProst.12.letd; LProst.12.letletg; LProst.2.al1; LProst.1.leta; LProst.10.letc; LProst.14; LProst.21; LProst.25; Cst; Cst
Résumé : En tant que responsable de salon, il appartenait à la recourante de s’assurer que de la drogue et des médicaments acquis sans ordonnance n’y circulent pas et n’y soient pas consommés, et que des pratiques sexuelles à risque n’y soient pas exécutées. Elle devait également s’assurer que son employé n’y participe pas en remplissant son devoir d’instruction et de surveillance. Le cumul des manquements reprochés à la recourante à ses antécédents implique que celle-ci ne satisfait désormais plus à la condition d’honorabilité. Pour les mêmes motifs, les sanctions infligées apparaissent adéquates et proportionnées, compte tenu des atteintes portées à la santé publique et du fait que la recourante n’allègue pas ni ne prouve que sa situation financière ne lui permettrait pas d’acquitter le montant de l’amende en question. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3801/2024-EXPLOI ATA/680/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Dimitri TZORTZIS, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______ est inscrite auprès de la Brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite (ci-après : BTPI) en tant que responsable des salons de massage B______, sis chemin des C______ à D______, et E______, sis rue F______ à Genève (ci-après : le salon).

b. A______, G______ et H______ sont respectivement associés gérants pour les deux premiers cités et associé gérant président de la société I______ Sàrl (ci-après : la société). Cette dernière a racheté le fonds de commerce et repris le bail du salon, ouvert le 15 mai 2023.

c. Après avoir travaillé à l’B______, J______ a été employée par le salon dès son ouverture jusqu’au 21 juin 2023.

B. a. Selon le rapport de la BTPI du 17 juin 2024, il était reproché à A______ et G______ :

-        d’avoir mis à disposition dans le salon, par l’intermédiaire du second, des médicaments vendus uniquement sur ordonnance en Suisse et des stupéfiants ;

-        de ne pas avoir remis la somme due à J______, employée du salon ;

-        d’avoir mis à disposition de tiers des médicaments soumis à ordonnance.

Le 5 juillet 2023, J______ avait déposé plainte pénale à l’encontre de A______ et d’G______ dans le cadre de son activité au salon. Elle avait été à nouveau entendue le 30 avril 2024. Il ressortait de ses auditions que A______ lui avait présenté G______ comme étant son associé et le patron du salon. Dès le premier jour, elle avait considéré devoir rendre des comptes principalement à lui. Le 29 mai 2023, G______ avait créé deux groupes de discussions WhatsApp : l’un entre les deux et l’autre incluant également A______. Les échanges se faisaient principalement entre G______ et elle : elle lui annonçait lorsqu’elle avait des rendez-vous avec des clients, ses divers déplacements et le montant des prestations. Elle lui faisait pleinement confiance, avant de s’apercevoir d’une erreur le 13 juin 2023. Elle s’était rendu compte qu’il se trompait régulièrement et que les montants qui lui étaient destinés étaient souvent erronés. D’après ses calculs, il lui devait CHF 1'350.-, ainsi qu’une part des montants encaissés sur le terminal de paiement du salon. À la demande des clients, G______ lui remettait de la cocaïne, du Viagra, du Kramaga et du Poppers, substances qu’il commandait en partie sur Internet ou qu’il achetait en France. Il revendait la cocaïne aux employées à CHF 100.- le gramme qu’il déduisait des prestations effectuées. Comme le salon était ouvert 24h/24, A______ interdisait aux employées de dormir sur place. Cependant, certaines d’entre elles venant pour quelques jours et n’ayant pas de logement à Genève, avaient une chambre dédiée dans laquelle elles dormaient lorsqu’elles ne travaillaient pas.

Le 2 mai 2024 avait eu lieu une perquisition au salon. À l’arrivée de la BTPI, deux employées présentes, K______ et L______, étaient en train de dormir dans deux chambres dévolues à la prostitution. Le chien avait détecté dans la salle de repos/cuisine, un parachute de cocaïne vide dans la poche d’un gilet se trouvant sur le canapé et des restes de cocaïne sur une assiette se trouvant à l’intérieur d’un casier ouvert. À son arrivée sur place, A______ avait été informée de la plainte déposée par J______ et avait participé à la suite de la perquisition. Dans un des casiers qu’elle avait dit partager avec son réceptionniste, G______, la BTPI avait trouvé cinq pilules de Viagra et trois boîtes de Kamagra. A______ avait indiqué qu’G______ avait commandé ces médicaments sur Internet, à la demande de J______, pour les clients qui souhaitaient en prendre avant une prestation tarifée. À la suite d’un contrôle effectué le 20 septembre 2023, G______, présent au salon, s’était annoncé comme étant l’associé de A______. Le 21 septembre 2024 [recte : 2023], A______ avait annoncé à la BTPI qu’elle avait engagé G______ en tant que réceptionniste, en remettant un contrat « d’employé polyvalent » signé par la société.

À la fin de la perquisition, A______ et les deux employées susmentionnées avaient été auditionnées par la BTPI. Il ressortait de l’audition de L______ que, dans le cadre d’un échange de messages WhatsApp, G______ lui avait demandé si elle « avale », le client voulant « finir dans sa bouche », ce qu’elle avait accepté. Selon A______, J______ avait déposé plainte à son encontre pour la seule raison de la ruiner. Elle lui avait demandé de commander du Viagra et du Kamagra sur Internet pour ses clients. J______ s’était fâchée car elle considérait que le calcul de ses prestations était faux. Elle s’était alors rendu compte que celle-ci consommait de la drogue et de l’alcool, ce qu’elle ne tolérait pas dans son salon, raison pour laquelle elle avait résilié son contrat de travail. S’en étaient suivies des insultes de part et d’autre. Elle‑même tenait la comptabilité du salon et n’avait jamais fait d’erreur dans les calculs des prestations sexuelles des employées. L’analyse du téléphone portable de A______ montrait une conversation WhatsApp nommée « Groupe Salon » dont elle faisait partie avec ses deux associés. G______ y avait envoyé le 3 juillet 2023 un document intitulé « comptabilité juin » mentionnant plusieurs achats de Viagra et de Kamagra. Après analyse de cette discussion, il apparaissait que A______ s’occupait du recrutement des employées, H______ de la comptabilité de la société, et G______, de la comptabilité liée aux employées et de la gestion du salon. A______ avait fourni à ce dernier les codes d’accès aux différentes plateformes nécessaires au travail des employées, dont celle de la Confédération, contrairement à ce qu’elle avait déclaré.

Lors de son audition du 14 mai 2024, G______ avait nié se charger des calculs des prestations des employées et leur fournir de la cocaïne et des médicaments, mais avait confirmé avoir acheté du Viagra et du Kamagra sur Internet, après le départ de J______, pour sa consommation personnelle et les avoir laissés au salon par discrétion. Confronté à plusieurs discussions WhatsApp, il avait admis gérer la comptabilité des employées, via des groupes WhatsApp en expliquant que cela faisait partie de la comptabilité de la société. Il avait fait office d’intermédiaire entre A______ et J______, leur relation étant tendue.

La pharmacienne cantonale avait confirmé que le Viagra et le Kamagra, médicament générique du premier, étaient soumis à ordonnance et ne pouvaient être ni remis ni vendus.

b. Par courrier du 27 juin 2024, le département des institutions et du numérique (ci‑après : DIN) a informé A______ de son intention de lui infliger une amende administrative et de prononcer la fermeture définitive de ses salons, compte tenu de plusieurs manquements aux obligations lui incombant selon l’art. 12 let. c et d de la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49), soit :

- la mise à disposition de drogue (cocaïne) et de substances (Viagra et Kamagra) dont l’accès est soumis à l’obtention d’une ordonnance médicale au sein de son salon, en compromettant la santé des employées et des clients de celui-ci ;

- d’accepter, voire d’encourager la pratique de prestations sexuelles à risque ;

- de servir de prête-nom à G______.

Le rôle important d’G______ dans la gestion du salon résultait notamment des échanges WhatsApp intervenus avec J______ lui annonçant ses rendez-vous avec les clients, ses déplacements et le montant des prestations. Il était en charge du fonctionnement du salon et établissait les décomptes de prestations. Il était d’ailleurs enregistré sous « G______ Boss » dans le téléphone de J______. Pour sa part, A______ faisait partie d’un groupe de discussion WhatsApp dans lequel la mise à disposition de cocaïne était mentionnée à plusieurs reprises. La perquisition du 2 mai 2024 avait révélé la présence de cocaïne. Les deux employées alors présentes dormaient sur place. Selon un des messages échangés entre L______ et le téléphone du salon, il lui avait été demandé si elle pratiquait une sorte de prestation sexuelle non protégée et si elle prenait de la cocaïne.

c. Dans ses observations du 23 août 2024, A______ a contesté avoir violé la LProst, en reconnaissant avoir accepté, par négligence et ignorance, l’utilisation de Viagra et de Kamagra. Elle demandait donc que « l’affaire soit classée sans suite, voir à ce qu’un avertissement soit prononcé à son endroit ». Elle s’opposait à toute amende administrative et/ou la fermeture de ses salons. En cas de maintien de la position du département, elle demandait que l’ensemble des pièces mentionnées dans le rapport de la BTPI lui soient transmises.

Responsable des deux salons, elle remplissait toutes les obligations lui incombant. Le règlement interne mentionnait l’interdiction de consommation de drogue, sous la menace d’un renvoi immédiat, et une affiche le rappelant était placardée au sein de chaque salon. La BTPI avait été informée lorsque des personnes voulaient lui vendre de la drogue. En tant qu’associé gérant et employé polyvalent salarié de la société, G______ avait notamment pour tâches de s’occuper de l’établissement des décomptes pour qu’elle puisse ensuite établir les quittances remise aux hôtesses. Il ne pouvait lui être reproché de servir de prête‑nom au motif qu’un employé intervenait pour la seconder. G______ n’avait aucun antécédent judiciaire et bénéficiait d’une bonne réputation, de sorte qu’il remplissait a priori les conditions pour être responsable de salon.

J______ ne l’avait pas mise en cause concernant l’achat, la vente ou la remise de cocaïne. Aucune trace de cocaïne n’avait été découverte dans le casier d’G______. Elle ne pouvait pas se déterminer sur les discussions WhatsApp entre G______ et J______ à ce sujet puisqu’elle n’en avait pas connaissance. Le premier avait néanmoins déposé plainte pénale à l’encontre de la seconde pour ce motif. Elle‑même en avait discuté avec lui en l’avertissant que la présence de stupéfiants n’était pas tolérée au salon. Vu les nombreux messages WhatsApp échangés au cours d’une journée, il arrivait qu’elle ne les lise pas et reprenne la discussion après plusieurs messages échangés, de sorte qu’elle n’avait pas vu le mot « coke ». Par l’intermédiaire d’G______, elle avait commandé, du Viagra et du Kamagra pour les besoins d’une employée transgenre. Elle ignorait que ces médicaments, en vente libre sur Internet, ne pouvaient pas être librement acquis et regrettait d’en avoir fait l’acquisition. G______ lui avait également indiqué en prendre occasionnellement et les laisser au salon par discrétion. Elle lui avait rappelé, ainsi qu’à l’ensemble des employées, qu’il était interdit d’en faire l’acquisition sans ordonnance et d’en mettre à disposition de la clientèle, sous peine de licenciement immédiat. Elle n’avait jamais été condamnée pour des infractions en matière de stupéfiants.

Les prestations sexuelles non protégées ne faisaient pas partie des prestations proposées à la clientèle. La demande d’un client à une employée effectuée par l’intermédiaire de son associé ne pouvait lui être reprochée, d’autant plus que l’intéressé ne s’était finalement pas présenté au salon. Elle-même ne donnait pas suite à de telles demandes, en rappelant qu’elles étaient interdites.

Étaient jointes des copies du registre des employées, de quittances transmises à celles-ci et de courriels adressés à la BTPI pour annoncer l’arrivée de travailleuses du sexe au salon ou l’informer des messages de personnes la contactant pour vendre de la drogue, ainsi qu’une photographie d’une affiche « pas de drogue » placardée.

d. Par ordonnances pénales du 4 septembre 2024, contre lesquelles A______ et G______ ont formé opposition, le Ministère public les a reconnus coupable d’infraction à l’art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et d’infraction à l’art. 89 al. 1 let. a la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux du 15 décembre 2000 (loi sur les produits thérapeutiques, LPTh - RS 812.21) et les a condamnés à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à respectivement CHF 130.- et CHF 140.- le jour, avec sursis et un délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de respectivement CHF 1'300.- et CHF 1'400.‑.

Selon l’extrait du casier judiciaire, A______ avait été condamnée le 29 février 2016 par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 80.-, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 800.- pour délit contre la loi sur les armes (art. 33 al. 1 à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions du 20 juin 1997 [aLArm - RS 514.54]), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), injure (art. 177 CP), contravention à la LStup (art. 19a al. 1 LStup), voies de fait (art. 126 ch. 1 al. 1 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et menaces (art. 180 al. 2 let. a CP).

Par ordonnances de non-entrée en matière partielle du même jour, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits ressortant de la plainte pénale de J______, susceptibles d’être qualifiés d’injures (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 CP) et d’abus de confiance (art. 138 al. 1 CP).

e. Par courrier du 27 septembre 2024, le DIN a transmis à A______ la retranscription des discussions WhatsApp mentionnées dans le rapport précité, en lui impartissant un délai pour se déterminer à ce sujet. En sus des manquements susmentionnés, il semblait qu’elle ne remplissait plus la condition d’honorabilité de l’art. 10 let. c LProst, en acceptant que de la drogue circule dans son salon et que des prestations sexuelles non protégées y soient pratiquées.

f. Dans ses observations du 15 octobre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions en se référant à ses précédents développements et sollicitant la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé au pénal.

Il ne pouvait être donné plus de crédit à des échanges WhatsApp, qui ne démontraient pas l’intégralité de l’activité qu’elle déployait, qu’à ses déclarations, étant précisé que J______ avait confirmé qu’elle s’occupait des prises de rendez-vous, des quittances et du livre de police. G______ était également le « responsable remplaçant » nommé par elle, lors de ses absences. Il ressortait également des documents remis qu’il transmettait notamment des informations communiquées par elle. Aucun élément ne corroborait le fait qu’G______ gérait la plupart des prestations relatives au salon. Aucun contrôle effectué par la BTPI ne constatait un manquement avec l’absence de responsable de salon ou l’impossibilité de la joindre. Une audience auprès du Ministère public était prévue le 28 novembre 2024.

g. Par décision du 21 octobre 2024, le DIN a ordonné à A______, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, la fermeture de l’B______, ainsi que celle du salon, en lui impartissant un délai au 30 novembre 2024 pour mettre un terme à toute activité de prostitution dans ces locaux ; lui a interdit d’exploiter tout autre salon de massage ou agence d’escorte pendant dix ans, ces points étant déclarés exécutoires nonobstant recours, et lui a infligé une amende administrative de CHF 3’000.-.

Une procédure administrative avait été ouverte à la suite du rapport de la BTPI, dénonçant les manquements suivants : A______ servait de prête-nom à G______ ; de la cocaïne était mise à disposition des clients et facturée par le biais du salon ; du Kamagra et du Viagra, uniquement disponibles sur ordonnance médicale, avaient été acquis par le salon et mis à disposition des clients et travailleuses du sexe du salon ; des prestations sexuelles non protégées étaient demandées aux travailleuses du sexe du salon.

Il lui était ainsi reproché des manquements aux obligations qui lui incombaient en vertu des art. 12 let. c, d et g LProst. Il n’était pas donné suite à la demande de suspension de la procédure jusqu'à droit jugé au pénal dès lors que les faits pertinents sous l'angle de la LProst étaient suffisamment établis. A______ avait déjà fait l'objet de deux avertissements depuis 2019.

C. a. Par acte du 14 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation. Préalablement, elle sollicitait la restitution de l’effet suspensif au recours, la suspension de la procédure jusqu’à droit connu sur les faits au pénal, et l’audition de cinq témoins, ainsi qu’il soit ordonné une expertise graphologique des documents sur lesquels figurait de manière manuscrite le mot « coke ».

S’il elle avait pu s’exprimer par écrit, il apparaissait nécessaire d’entendre des témoins concernant la cocaïne et sa qualité de responsable, afin de déterminer si elle avait commis une faute, ce qu’elle contestait. Les messages WhatsApp mentionnant « truc » n’avaient pas été rédigés par elle et elle n’en avait pris connaissance que bien plus tard. Les déclarations de J______ devaient être prises avec précaution, compte tenu de leur discussion houleuse du 10 juin 2024 avec G______, au cours de laquelle elle avait été informée du fait qu’elle n’était plus la bienvenue au salon, compte tenu sa consommation de cocaïne notamment.

Il était reproché à l'autorité intimée d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits pertinents, violé le droit y compris d'avoir commis un excès et un abus du pouvoir d’appréciation, violé les art. 10 let. c et 12 let. c, d et g LProst, violé le principe de la proportionnalité et d'avoir consacré une violation de l’interdiction de l’arbitraire.

Le DIN avait considéré pour établi que le salon mettait à disposition de la cocaïne et la facturait aux clients, ainsi que l’usage de cocaïne par les travailleuses du sexe, en se fondant sur les déclarations de J______. Celle-ci était toutefois à l’initiative de l’ensemble des griefs qu’elle s’était juré de lui reprocher, quelques jours avant de se rendre à la police et faire fermer le salon. Le DIN qui l’avait initialement considérée comme un prête-nom en faveur d’G______, avait finalement estimé que cette question pouvait rester ouverte. C’était bien elle qui gérait de manière effective les deux salons au vu des éléments figurant au dossier. Contrairement à ce que retenait le DIN, aucune décision en force ne venait attester « du nombre, de la durée et de la gravité des manquements commis dans la gestion » des salons, ni de la mise en danger que leur exploitation représentait pour les travailleuses du sexe et les clients. Elle avait toujours tout mis en œuvre pour respecter ses obligations en tant que responsable de salons, au sein desquels elle n’avait jamais mis à disposition de la drogue. Le DIN ne tenait pas non plus compte de ses observations s’agissant des demandes de clients, relatives à des prestations sexuelles non protégées. Vu de la gravité de la décision attaquée, l’ouverture d’une enquête était justifiée.

Dans l’hypothèse où il lui serait reproché de ne pas avoir suffisamment instruit le « responsable remplaçant », une fermeture définitive apparaissait disproportionnée.

À l’appui de ses écritures, elle a produit diverses pièces relatives à l’activité du salon (contrats de bail ; copie de cartes d’identité d’employées ; courriels d’annonce à la BTPI ; le contrat de travail pour « employé polyvalent » d’G______ conclu le 1er septembre 2023 avec la société ; le registre des hôtesses ; des copies de quittances remises aux employées ; des attestations d’employées concernant l’absence de drogue au salon ; les procès-verbaux d’audition et la retranscription des messages WhatsApp issus de la procédure pénale en cours ; une copie de la plainte pénale du 9 août 2024 d’G______ à l’encontre de J______ ; une ordonnance du Ministère public du 14 août 2024 de suspension de cette procédure jusqu’à droit jugé dans l’autre procédure pénale ; les déterminations d’G______ dans la cadre de l’enquête administrative dirigée en parallèle contre lui par le DIN ; un courrier du DIN à G______ du 7 novembre 2024 l’informant qu’il renonçait à prononcer une sanction à son encontre, la fermeture définitive du salon mettant également fin à sa participation dans l’exploitation de celui-ci).

b. Le DIN s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif au recours et à la suspension de la procédure.

Indépendamment de la confirmation ou non de la condamnation pénale prononcée, les faits étaient suffisamment établis pour considérer que la recourante avait enfreint les obligations qui lui incombaient en vertu de l'art. 12 let. c et d LProst et qu'elle ne remplissait plus la condition d'honorabilité prévue à l'art. 10 let. c LProst.

c. Par courrier du 27 novembre 2024, la recourante a renoncé à répliquer et sollicité que la cause soit gardée à juger sur la question de la restitution de l’effet suspensif au recours.

d. Le DIN a conclu au rejet du recours.

La recourante n’expliquait pas en quoi chacun de ses griefs était réalisé.

Contrairement à ses allégations, la décision querellée retenait que la présence de cocaïne au salon était démontrée par les pièces, soit sur la base des déclarations de J______, les messages échangés dans un groupe WhatsApp dont la recourante faisait partie et la perquisition réalisée dans le salon. G______ avait également demandé à L______ si elle consommait de la « coco », sans précaution ni gêne. Les déclarations d’K______ confirmaient également que la drogue circulait librement dans le salon et que J______ ne constituait pas un cas isolé.

La recourante ne se plaignait pas des autres faits retenus, notamment en lien avec les prestations sexuelles à risque, alors que les déclarations de L______, K______ et J______ les établissaient également.

La recourante ne remettait pas non plus en cause la présence avérée de Kamagra et de Viagra, commandés par le salon.

Il avait renoncé à établir l’infraction de prête-nom, considérant que la recourante avait soit manqué à son devoir d’exploiter le salon de manière personnelle et effective, soit manqué à son devoir de désigner un remplaçant compétent et instruit, en la personne d’G______, hypothèses constituant des infractions à l’art. 12 let. g LProst. La recourante avait a minima manqué à ses obligations de former et de surveiller G______, puisqu’il avait « cru » pouvoir commander du Viagra et du Kamagra, sans ordonnance, proposé à une travailleuse du sexe de travailler sans préservatif et mis à disposition et facturé de la cocaïne et demandé à une travailleuse du sexe si elle en consommait. L’infraction de l’art. 12 let. g LProst était établie que la recourante ait servi de prête‑nom à G______, que celui-ci ait « cogéré » le salon à ses côtés ou qu’il ait agi en tant que remplaçant qu’elle aurait omis d’informer de ses devoirs, d’instruire et de superviser.

Le simple fait qu’un règlement intérieur ou des affichettes interdisaient la drogue ne suffisait pas à réaliser positivement l’obligation de maintien de l’ordre et de la santé publics que la loi imposait aux responsables d’établissements. La responsabilité de la recourante était également engagée quant aux prestations sexuelles non protégées, la protection de la santé des travailleuses du sexe et des clients n’étant pas compatible avec le fait de « relayer » les demandes de clients pour laisser in fine le choix à la travailleuse du sexe d’accepter ou non une telle prestation lui faisant courir un risque pour sa santé. Les nombreuses références à la cocaïne et la drogue retrouvée sur place lors de la perquisition démontraient que la présence de drogue résultait bien d’une pratique courante et acceptée. Il en allait de même du Kamagra et du Viagra.

Au vu des travaux législatifs concernant l’appréciation de la condition d’honorabilité, l’absence de jugement pénal définitif ne l’empêchait pas de considérer que la recourante ne remplissait pas la condition d’honorabilité, sous l’angle des manquements qualifiés au sens de la LProst. L’exploitation des salons de la recourante représentait un danger important pour les travailleuses du sexe et pour les clients, en raison de la présence de drogue, de substances prescrites sur ordonnance ou de prestations sexuelles non protégées.

Il n’avait pas d’autre choix que de sanctionner par une décision de fermeture définitive les situations dans lesquelles les responsables ne remplissaient plus la condition légale d’honorabilité. À cela s’ajoutaient les antécédents de la recourante.

Étaient joints les documents suivants :

- une décision du département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (ci‑après :  DSES) du 17 décembre 2019 infligeant un avertissement à A______ pour ne pas avoir respecté les obligations de la personne responsable d’un salon avant de régulariser sa situation au sein de l’B______ ;

- une décision du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci‑après : DSPS) du 21 avril 2022 infligeant à A______ un avertissement et une amende administrative de CHF 750.- pour des manquements à ses obligations de responsable d’un salon (soit ne pas avoir tenu à jour de livre de police de l’B______ et y avoir engagé des employées au bénéfice d’autorisations en faveur d’un autre établissement).

e. Par décision présidentielle du 29 décembre 2024 (ATA/1399/2024), confirmée par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_3/2025 du 26 février 2025, la chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif et la demande de suspension de la procédure, en réservant le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

f. Le 31 janvier 2025, la recourante a remis un chargé de pièces complémentaire, en sollicitant l’audition de J______. Celui-ci contenait notamment les documents suivants :

- un procès-verbal de l’audience du 28 novembre 2024, daté par erreur du 13 novembre 2024, dont il ressort notamment que la recourante contestait l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés. G______ et elle contestaient l’usage et la présence de drogue au salon. J______ avait quitté le salon après une altercation qu’ils avaient eu les trois le 10 juin 2023 au sujet de sa consommation de drogue interdite. Cette dernière ne s’était pas présentée à ladite audience malgré sa convocation ;

- un procès-verbal de l’audience du 23 janvier 2025, dont il ressort notamment que J______ ne s’était pas présentée à l’audience. Contactée à son numéro de téléphone indiqué sur le site Internet M______, sur lequel elle apparaissait en ligne, elle avait indiqué se trouver en France à une heure de route. L’audience avait été suspendue dans l’attente de son arrivée. À nouveau contactée après plus d’une heure, J______ avait indiqué qu’elle ne pouvait finalement pas venir, faute de moyen de transport. Elle figurait alors comme étant active sur le site Internet M______. A______ et G______ persistaient à solliciter leur confrontation avec J______ ;

- un mandat de comparution du 24 janvier 2025 pour une nouvelle audience de confrontation prévue le 6 février 2025.

g. La recourante a répliqué en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

En substance, elle remettait une copie du procès-verbal de l’audition de J______ par le Ministère public du 6 février 2025, dont elle commentait le contenu. Elle en concluait qu’en réalité, J______ vendait sa propre cocaïne à sa clientèle, étant précisé qu’elle s’acquittait de ses prestations et de la cocaïne achetée au moyen de cartes de crédit. Elle demandait ensuite à G______ de lui remettre le montant qui lui revenait en espèces, comprenant sa part de prestations (55%) et l’argent de la cocaïne qu’elle avait elle-même vendue, à l’insu de la recourante.

h. Les éléments suivants ressortent du procès-verbal en question : selon les déclarations de J______, G______ lui remettait des stupéfiants pour qu’elle les consomme avec ses clients. Elle prenait la cocaïne dans l’armoire du salon et le mentionnait sur la facture. Il était connu de toutes les filles que les stupéfiants se trouvaient à cet endroit. Elle ne se souvenait pas si A______ était informée de la présence de stupéfiants dans le salon et si elle lui en avait remis. G______ avait proposé d’acheter du Viagra et du Kamagra en grande quantité sur Internet. Elle n’avait jamais vu le panneau « pas de drogue » placardé dans le salon. A______ la suppliait de rester au salon, alors qu’elle-même voulait partir car elle se sentait « flouée ». Elle n’avait pas souvenir de la conversation du 10 juin 2023 avec A______ et G______. Elle n’avait pas de rancœur à leur égard. Elle avait eu peur lorsqu’elle avait porté plainte à la police, car G______ l’avait menacée. Sur le moment, elle avait ressenti de la haine à leur encontre car ils l’avaient volée, mais elle était ensuite rapidement passée à autre chose. Les insultes étaient réciproques. Elle ne se souvenait pas de plusieurs de ses déclarations à la police du 5 juillet 2023. Lorsqu’un « bon client » venait, il payait sa prestation plus la cocaïne demandée. Elle était énervée contre A______ car celle‑ci avait pris la défense d’G______ alors que celui-là l’avait volée, bien qu’elle leur faisait confiance. Elle avait alors peur d’eux, ce qui pouvait expliquer ses messages menaçants.

i. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

j. Par écriture spontanée, la recourante a transmis une copie de l’avis de prochaine clôture de l’instruction du Ministère public du 19 février 2025, selon lequel ladite autorité entendait rendre une ordonnance de classement partiel concernant l’infraction à la LStup et une ordonnance pénale s’agissant de l’infraction à la LPTh. Cela confirmait le fait que ni G______ ni elle n’avait eu de lien avec l’achat, la vente ou la remise de cocaïne à des travailleuses du sexe ou à des clients.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             À titre préalable, la recourante sollicite l’audition de cinq témoins, ainsi que la mise en œuvre d’une expertise graphologique des documents sur lesquels figurait de manière manuscrite le mot « coke ».

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.2 In casu, les témoins dont la recourante requiert l’audition sont G______, ainsi que plusieurs employées du salon. Or, d’une part, le premier a d’ores et déjà été entendu à plusieurs reprises dans le cadre de la procédure pénale ouverte sur la base de la plainte pénale de J______. D’autre part, les employées présentes le jour de la perquisition au salon de la BTPI ont également été auditionnées par la BTPI. À cet égard, les éventuelles déclarations d’employées présentes au salon depuis seulement quelques semaines, comme le sollicite la recourante, ne sauraient être utiles pour l’appréciation d’une situation et de reproches formulés il y a plusieurs mois. Tant les procès‑verbaux des auditions menées par la BTPI que par le Ministère public ont été versés à la procédure. La recourante a également pu produire les derniers procès‑verbaux des auditions effectuées par le Ministère public, en particulier celui du 6 février 2025. En outre, l’allégation selon laquelle lesdites auditions tendraient à démontrer que la recourante n’avait eu connaissance que bien plus tard des messages WhatsApp mentionnant le mot « truc » ne sont d’aucune pertinence pour l’issue du litige, compte tenu des considérants qui suivent.

Pour les mêmes motifs, rien ne justifie la mise en œuvre d’une expertise graphologique des documents sur lesquels figurait de manière manuscrite le mot « truc » afin de déterminer s’il s’agissait de l’écriture de la recourante. Sous l’angle de la LProst, la perquisition effectuée au salon le 2 mai 2024 a permis de démontrer la présence de drogue, peu importe pour l’issue du litige la provenance et la fourniture de celle-ci.

À cela s’ajoute que la recourante a valablement pu s’exprimer à plusieurs reprises, que ce soit au cours de l’enquête administrative menée par l’intimé, que par-devant la chambre de céans, à travers ses déterminations écrites et les pièces produites, dont notamment les procès-verbaux susmentionnés, comprenant ses propres auditions par la BTPI et le Ministère public.

En ces circonstances, il y a lieu de considérer que la chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. Il ne sera ainsi pas donné suite à la requête d’actes d’instruction de la recourante.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision par laquelle l’autorité intimée a ordonné à la recourante la fermeture des deux salons au 30 novembre 2024, lui a interdit d’exploiter tout autre salon de massages ou agence d’escorte pendant dix ans à compter du 30 novembre 2024 et lui a infligé une amende de CHF 3'000.-.

4.             La recourante fait grief à l’intimé de lui reprocher une violation de l’art. 12 let. c et d (concernant la présence de cocaïne, de Viagra et de Kamagra au salon), g (utilisation d’un prête-nom ou mauvaise instruction du responsable remplaçant) LProst, de manière infondée en se basant uniquement sur les déclarations de J______, ce qui caractériserait une appréciation inexacte des faits pertinents et une violation du pouvoir d’appréciation.

4.1 Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/114/2015 du 27 janvier 2015 consid. 5c).

4.2 La LProst a pour principal objectif de permettre aux personnes qui se prostituent, c'est-à-dire se livrent à des actes sexuels ou d'ordre sexuel avec un nombre déterminé ou indéterminé de clients, moyennant rémunération (art. 2 al. 1 LProst), d'exercer leur activité dans des conditions aussi dignes que possible (art. 1 let. a LProst).

Selon la jurisprudence, le but poursuivi par la LProst ne se confine pas à la prévention d'infractions pénales. Elle tend aussi à favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble, ainsi qu'une gestion correcte et transparente des établissements publics actifs dans ce domaine à risque. Elle vise également le but d’intérêt public légitime de protection des personnes exerçant la prostitution contre l’exploitation et l’usure (ATA/443/2023 du 26 avril 2023 consid. 4.3 ; ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 et les arrêts cités).

4.3 À teneur de l'art. 10 LProst, la personne responsable d'un salon doit, au nombre des conditions personnelles à remplir, offrir, par ses antécédents et son comportement, toute garantie d'honorabilité et de solvabilité concernant la sphère d'activité envisagée (let. c), être au bénéfice d’un préavis favorable du département du territoire confirmant que les locaux utilisés peuvent être affectés à une activité commerciale (let. d), et ne pas avoir été responsable au cours de dix dernières années d’un salon ou d’une agence d’escorte ayant fait l’objet d’une fermeture ou d’une interdiction d’exploiter (let. e).

4.4 Selon l’art. 12 LProst, la personne responsable d'un salon a notamment pour obligations : de tenir constamment à jour et en tout temps à disposition de la police, à l'intérieur du salon, un registre mentionnant l'identité, le domicile, le type d'autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d'arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie. Pour ces derniers, une quittance détaillée, datée et contresignée par les deux parties leur sera remise, dont une copie devra également être en tout temps à disposition de la police à l'intérieur du salon (let. a) ; de s'assurer qu'elles ne contreviennent pas à la législation, notamment celle relative au séjour et au travail des étrangers, et qu'aucune personne mineure n'exerce la prostitution dans le salon (let. b) ; d'y empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publiques (let. c) ; de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution y sont conformes à la législation, en particulier qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure, ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel (let. d) ; d'autoriser l'accès des collaborateurs des services chargés de la santé publique afin de leur permettre de procéder aux contrôles et activités de prévention relevant de leur compétence (let. e) ; d'intervenir et d'alerter les autorités compétentes si elle constate des infractions dans le cadre des obligations qui lui incombent en vertu des lettres a à e (let. f) ; d'exploiter de manière personnelle et effective son salon, de désigner en cas d'absence un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, et d'être facilement atteignable par les autorités compétentes ; le prête-nom est strictement interdit (let. g).

Selon les travaux préparatoires relatifs à l'art. 12 let. g LProst (PL 12'031), dans sa teneur depuis le 29 juillet 2017, la modification apportée à la let. g vise à renforcer l'obligation, pour la personne responsable d'un salon, d'exploiter l'établissement de façon personnelle et effective. Il est rajouté à cette disposition l'obligation pour la personne responsable de désigner, en cas d'absence, un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, tout en ajoutant que le prête-nom est strictement interdit. Cette modification résulte indirectement et notamment de la recommandation 4 (constats 8 et 10) de la Cour des comptes, qui demande à la police de lutter contre les prête-noms sans proposer des modifications légales et/ou réglementaires.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'interdiction de servir de prête-nom vise à prévenir l’exploitation d’établissements par des personnes qui ne répondraient pas à des conditions de capacité et d’honorabilité bien déterminées, avec tout ce que cela comporte comme risque pour le public (ATA/685/2014 du 26 août 2014 consid. 4d).

4.5 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. La chambre administrative ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 136 I 316 consid. 2.2.2). La cognition de la chambre de céans n’étant pas limitée à l’arbitraire, ce grief se confond avec celui de mauvaise application du droit (ATA/14/2025 du 7 janvier 2025 consid. 4.2).

4.6 Dans un arrêt récent (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 6) confirmant sa précédente jurisprudence (ATA/315/2017 du 21 mars 2017 consid. 3b), la chambre de céans a confirmé une violation de l’art. 12 let. c LProst de la part d’une responsable d’un salon de massages s’étant accommodée du fait que de la drogue circulait au sein de l’établissement et ne contestant pas avoir eu connaissance que des prestations sexuelles à risque étaient pratiquées. Par décision séparée notifiée à la nouvelle responsable du salon, soit la fille de la recourante, le département avait ordonné la fermeture définitive et immédiate du salon, avec interdiction d'exploiter tout autre salon de massages ou agence d'escorte pour une durée de dix ans, ces deux mesures étaient déclarées exécutoires nonobstant recours.

4.7 En l’occurrence, en premier lieu, l’intimé reproche à la recourante une violation de l’art. 12 let. c et d LProst s’agissant de la présence de cocaïne, de Viagra et de Kamagra au salon.

Il ressort clairement du rapport de la BTPI du 17 juin 2024 que, lors de la perquisition effectuée au salon le 2 mai 2024, un parachute de cocaïne vide a été retrouvé dans la poche d’un gilet se trouvant sur le canapé et des restes de cocaïne avaient été retrouvés sur une assiette se trouvant à l’intérieur d’un casier ouvert. Il est donc incontestable que de la cocaïne se trouvait au salon. À cela s’ajoute que les analyses des diverses conversations WhatsApp, que ce soit entre J______, G______ et la recourante ou entre les associés de la société, que la référence au « truc » était clairement indiquée, notamment dans les décomptes transmis par G______ à la recourante. Cette dernière ne peut donc, de bonne foi, désormais prétendre qu’elle ignorait que de la drogue circulait dans son salon. Son prétendu manque de disponibilité pour prendre connaissance de la totalité des messages WhatsApp échangés dans les fils de discussions concernant le salon ne permet pas d’atténuer sa responsabilité sur ce point. Au contraire, cela ne fait que démontrer davantage encore que la recourante a manqué à ses obligations en tant que responsable de salon en n’empêchant pas toute atteinte à l’ordre public et en ne contrôlant pas les conditions d’exercice de la prostitution. Le seul fait de placarder une affiche ne saurait suffire à mettre un terme à la circulation de drogue au sein du salon, étant précisé que la recourante n’a aucunement produit le règlement invoqué, lequel mentionnerait l’interdiction d’y consommer de la drogue.

Lors de la perquisition précitée, il n’est pas contesté que des pilules de Viagra et de Kamagra ont également été retrouvées au salon. Si, à cet égard, les déclarations d’G______ et de la recourante ont parfois varié ou se sont avérées contradictoires, il n’en demeure pas moins que tous deux en admettent la présence et la consommation que ce soit par le prétendu « responsable remplaçant », une employée transgenre ou J______. S’agissant de cette dernière, l’enquête pénale a clairement démontré que les achats de Viagra et Kamagra avaient débuté avant son arrivée et s’étaient poursuivis après son départ, de sorte que celle-ci ne saurait en être tenue pour responsable. En toute hypothèse, il appartenait à la recourante de s’assurer que des médicaments acquis sans ordonnances ne soient pas consommés dans son salon.

4.8 L’intimé considère également que, que ce soit sous l’angle d’un prête-nom ou de l’instruction du « responsable remplaçant » du salon, la recourante n’a pas rempli son obligation y relative consacrée par l’art. 12 let. g LProst.

Le contrat de travail en tant qu’« employé polyvalent » d’G______ a été conclu avec la société le 21 septembre 2023, soit après l’ouverture du salon au mois de mai 2023. Cela signifie donc que, contrairement aux déclarations de la recourante, celui-ci n’était pas encore employé de la société lorsque les faits ont eu lieu avec J______ aux mois de mai et juin 2023. De plus, ledit document ne définit aucunement en quoi consistent les tâches d’un « employé polyvalent », de sorte qu’il ne peut en être déduit qu’G______ intervenait en tant que « responsable remplaçant » de la recourante. Certes, cette dernière produit une copie d’un courriel adressé le 25 septembre 2023 à la BTPI l’informant qu’il interviendrait comme tel durant son absence du jour-même au 1er octobre 2023. Ce n’est donc a priori qu’à partir du mois de septembre 2023, soit celui de la signature de son contrat d’ « employé polyvalent », qu’G______ a formellement été annoncé à la BTPI pour une période déterminée comme « responsable remplaçant ».

Ces éléments montrent que le statut d’G______ au sein du salon n’était pas clairement défini, à tout le moins avant le mois de septembre 2023, alors que les employées le considéraient déjà comme étant le responsable de celui‑ci. Cela étant dit, que la recourante ait fonctionné en tant que prête-nom ou non d’G______, il n’en demeure pas moins que celui-ci a participé, voire encouragé, la circulation de cocaïne, Viagra et de Kamagra au sein du salon. Dans la mesure où il demeurait sous la responsabilité de la recourante, il faut retenir que cette dernière a manqué à son devoir d’instruction et de surveillance de son employé.

4.9 Il résulte des considérants qui précède que la recourante fait valoir à tort que le département se serait fondé uniquement sur les déclarations de J______, lors de sa plainte pénale du 5 juillet 2023.

Au contraire, il ressort des éléments du dossier, dont ceux produits par l’intimé, qu’il s’est basé sur les divers actes instruits dans la cadre de la procédure pénale initiée par J______, dont le rapport de la BTPI. Or, ce dernier document ne fait pas uniquement état des déclarations susmentionnées, mais également de celles de la recourante, de deux de ses employées et d’G______, du déroulement et du résultat de la perquisition du 2 mai 2024, ainsi que du contenu des échanges WhatsApp, en particulier de groupe de discussion dont elle était aussi membre. Il a également pris en considération les pièces produites par la recourante dans le cadre de la présente procédure administrative, en se référant à leur contenu. De surcroît, la décision querellée résume clairement les multiples observations de la recourante, ce qui a d’ailleurs justifié que l’intimé sollicite et obtienne un accès aux annexes au rapport de la BTPI afin d’en prendre connaissance.

Il ne saurait donc lui être reproché de s’être fondé uniquement sur les déclarations de la plaignante pour rendre la décision querellée.

4.10 Enfin, se fondant sur les constats des manquements précités, l’intimé estime que la recourante ne remplit plus, en tant que responsable de salon, la condition d’honorabilité de l’art. 10 let. c LProst.

Considérant le nombre, la durée et la gravité des manquements commis dans la gestion de ses salons, ainsi que la mise en danger que son exploitation représentait pour les travailleuses du sexe et pour les clients, que ce soit en raison de la présence de drogue, de substances prescrites uniquement sur ordonnance ou encore de prestations sexuelles non protégées, la recourante ne satisfaisait plus à la condition d’honorabilité. S’y ajoutaient ses antécédents, à savoir l’avertissement prononcé à son encontre en 2019 pour prête-nom, l’avertissement et l’amende infligés en 2022 pour absence de mise à jour du livre de police et emploi des travailleuses du sexe sans permis de travail valable, ainsi que sa précédente condamnation pénale.

Force est d’admettre que le cumul des manquements reprochés à la recourante à ses antécédents rend difficile de considérer que celle-ci continue désormais de satisfaire à la condition d’honorabilité. En effet, celui-ci révèle que la recourante persiste, à tout le moins, à faire preuve de négligence dans la mise en œuvre de ses obligations en tant que responsable de salon et que ce comportement tend à une aggravation par la présence de drogue et de médicaments non autorisés, ainsi que l’admission de pratiques sexuelles à risque.

Au vu des considérants qui précèdent, il y a lieu de retenir que l’intimé pouvait valablement retenir les violations susmentionnées aux obligations de la recourante selon la LProst, sans mésuser de son pouvoir d’appréciation ni faire preuve d’arbitraire.

5.             Dans l’hypothèse où il serait finalement reproché à la recourante de ne pas avoir suffisamment instruit le « responsable remplaçant », celle-ci invoque qu’une fermeture définitive serait disproportionnée.

5.1 L'art. 14 LProst a trait aux mesures et sanctions administratives dont peut faire l'objet la personne responsable d'un salon (al. 1) qui n'a pas rempli son obligation d'annonce en vertu de l'art. 9 LProst (let. a), ne remplit pas ou plus les conditions personnelles de l'art. 10 LProst (let. b), n'a pas procédé aux communications qui lui incombent en vertu de l'art. 11 LProst (let. c) ou n'a pas respecté les obligations que lui impose l'art. 12 LProst (let. d). L'autorité compétente prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction (al. 2) l'avertissement (let. a), la fermeture temporaire du salon, pour une durée de un à six mois et l'interdiction d'exploiter tout autre salon, pour une durée analogue (let. b) ou la fermeture définitive du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans (let. c).

5.2 La fermeture, temporaire ou définitive, est conçue davantage comme une mesure administrative, destinée à protéger l'ordre public et la liberté d'action des personnes qui se prostituent que comme une sanction. Pour être efficace, une telle mesure doit être accompagnée d'une véritable sanction administrative consistant en une interdiction d'exploiter tout autre salon afin d'empêcher la personne concernée de poursuivre, ou reprendre, l'exploitation d'un autre établissement quelques rues plus loin (MGC 2008-2009/VII A 8669).

5.3 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé la fermeture définitive d'un salon de massages pour défaut de préavis exigé par la loi (ATA/568/2023 du 30 mai 2023). En outre, la chambre de céans a également connu plusieurs dossiers dans lesquels le département a ordonné des fermetures définitives avec une interdiction d'exploiter durant dix ans. Les recours contre ces décisions ont tous été rejetés (ATA/934/2023 du 25 août 2023 ; ATA/791/2023 du 18 juillet 2023 ; ATA/443/2023 du 26 avril 2023 ; ATA/477/2022 du 4 mai 2022 ; ATA/1100/2020 du 3 novembre 2020 ; ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017).

Récemment, la chambre de céans a jugé proportionné l'ordre de fermeture, ainsi que l'interdiction d'exploiter pendant une durée de dix ans infligés à un justiciable qui, alors qu’il connaissait parfaitement la réglementation applicable, avait tenté de cacher l’exploitation de sept appartements à des fins de prostitution, n’avait pas communiqué cette situation spontanément au département, n’avait pas signalé le nom des personnes exerçant la prostitution dans les sept appartements et n’avait pas sollicité le changement d’affectation des locaux d’habitation. Il en avait, régulièrement, retiré des revenus de plusieurs milliers de francs par mois. La faute du recourant était grave et les mesures le privaient uniquement de l'exercice d'une activité économique dans le domaine de la prostitution. Compte tenu de la gravité des infractions à la LProst, le montant de l’amende, de CHF 1'000.-, qui se situait au bas de la « fourchette » prévue par l'art. 25 al. 1 LProst, ne prêtait pas le flanc à la critique et apparaissait même clément (ATA/83/2024 du 23 janvier 2024 consid.  3).

L’ATA/1100/2020 précité a confirmé que la cessation immédiate de toute activité tombant sous le coup de la LProst dans des locaux d’habitation, le refus de l’ouverture d’un salon de massages et une amende de CHF 1'000.- pour des faits similaires étaient justifiés et proportionnés (consid. 4).

5.4 Indépendamment du prononcé des mesures et sanctions administratives, l'autorité compétente peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou ses dispositions d'exécution (art. 25 al. 1 LProst).

Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/262/2025 du 17 mars 2025 consid. 2.1 et les références citées). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/462/2025 du 29 avril 2025 consid. 2.6).

5.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

5.6 En l’espèce, pour les infractions commises, la recourante s’exposait aux mesures et sanctions prévues aux art. 14, 21 et 25 LProst.

L’intimé a prononcé la fermeture des deux salons de massages, dont la recourante était responsable, au 30 novembre 2024, lui a interdit d’exploiter tout autre salon de massage ou agence d’escorte pendant dix ans (conformément aux art. 14 al. 2 let. c et 21 al. 2 let. c LProst) et lui a infligé une amende administrative de CHF 3'000.‑.

La mesure de fermeture des deux salons de massages exploités par la recourante, assortie d’une interdiction d’exploiter tout autre salon de massages ou agence d’escorte pendant dix ans, constitue la mesure la plus sévère prévue par la LProst. Celle-ci prend en considération la gravité des violations en cause. Plusieurs manquements sont en effet reprochés à la recourante, dont certains aboutissant à une atteinte à l’ordre public, la consommation de drogue ou de médicaments non autorisés pouvant causer des ravages au sein de la population. De même, l’admission de pratiques sexuelles à risque est de nature à porter atteinte à la santé publique.

À cela s’ajoute que la recourante a d’ores et déjà fait l’objet de deux avertissements, ainsi que d’une amende pour le non-respect de ses obligations en tant que responsable de salon. Malgré ceux-ci, son comportement a montré une aggravation de ses lacunes dans la gestion de ses salons, susceptibles d’avoir de graves conséquences sur la population. Du surcroît, elle ne semble non seulement pas tenir de ses antécédents, ni prendre la mesure de la gravité des manquements reprochés, persistant à les réduire à un hypothétique léger défaut d’instruction du « responsable remplaçant », ce qui dénote une absence de prise de conscience en dépit de la gravité de la situation, étant précisé que la préservation de la santé publique l’emporte sur l’intérêt privé à maintenir ouvert deux salons de massages pour des raisons économiques. Dans la mesure où la protection de l’ordre public impose que la recourante cesse d’agir en tant que responsable de salon de massages, la fermeture de ses deux salons doit être prononcée, faute de quoi la sanction n’aurait pas d’effet.

La mesure apparaît donc in casu adéquate et proportionnée au sens strict pour obtenir de la recourante qu’elle cesse d’exploiter deux salons de massages en violation de la loi.

La recourante conteste également l’amende infligée, sans toutefois invoquer de grief particulier à cet égard. Il sied cependant de constater que le montant de cette amende se situe dans le bas de l’échelle prévue à l’art. 25 al. 1 LProst, qui va de CHF 100.- à CHF 60'000.-. Il apparaît proportionné à la faute de la recourante compte tenu de la diversité et de la gravité des manquements reprochés, alors qu’elle ne pouvait ignorer ses obligations en tant que responsable de salons de massages. Au surplus, elle n’invoque pas, ni a fortiori ne prouve, que sa situation financière ne lui permettrait pas de s’acquitter du montant en question.

Pour ces motifs, la sanction infligée à la recourante, à savoir la fermeture de ses deux salons, une amende de CHF 3'000.- et l’interdiction d’exploiter tout autre salon de massages ou agence d’escorte pendant dix ans, apparaît justifiée, proportionnée et conforme à la loi, au principe de proportionnalité et à la jurisprudence susrappelée.

Dès lors, l’intimé a respecté la loi et n’a pas mésusé ni abusé de son pouvoir d’appréciation en infligeant la sanction contestée.

Mal fondé en tous points, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, y compris pour la décision de rejet de la requête de suspension de la procédure et de restitution de l’effet suspensif au recours, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2024 par A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 21 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dimitri TZORTZIS, avocat de la recourante, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :