Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/437/2025 du 15.04.2025 sur JTAPI/997/2024 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3870/2022-ICCIFD ATA/437/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 15 avril 2025 4ème section |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Me Alexandre FALTIN, avocat
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2024 (JTAPI/997/2024)
A. a. A______ SA (ci‑après : A______), dont le but est l'étude, la réalisation, l'acquisition et la diffusion de logiciels bancaires et financiers ainsi que les conseils en organisation informatique, bancaire et financière, a son siège à Genève, où elle est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le 2 mars 1989.
b. Son activité principale consiste à commercialiser un logiciel nommé I______ (ci‑après : le logiciel I______), qui permet de gérer toutes les activités d'une banque.
c. L'administratrice-présidente de la société est J______ et K______ en est l'administrateur.
d. La société est détenue par B______ SA, sise à Genève, et C______ SA, sise au Luxembourg, elles-mêmes détenues par J______.
e. D______LUXEMBOURG SA (ci-après : D______ Luxembourg) a son siège au Luxembourg. Elle a pour but l'étude, la réalisation, l'acquisition et la diffusion de logiciels informatiques bancaires et financiers. Elle détient les droits exclusifs de commercialisation et d’exploitation du logiciel I______ en Suisse. Elle est détenue par L______ SA (ci‑après : L______).
K______ est en l'un des administrateurs. J______ a siégé au conseil d'administration de 1996 à 2005.
f. A______ et D______ Luxembourg font partie du même groupe de sociétés, lequel est également composé d'E______ Paris, F______ (Londres) et H______ (Singapour).
g. Les directeurs d'F______ (Londres) sont J______ et K______. C______ SA est la société mère de ladite société.
h. D______ Luxembourg est la société mère d'E______ Paris SA.
B. a. Le 3 juillet 1989, A______ a conclu une convention avec D______ Luxembourg, à teneur de laquelle D______ Luxembourg a accordé à A______ une licence exclusive de commercialisation et d’exploitation du logiciel I______ sur le territoire helvétique, moyennant versement par cette dernière de royalties se montant à 60% du prix de vente des logiciels et de 60% du montant des maintenances payées par les clients. A______ se réservait le droit de compenser les montants que lui devait D______ Luxembourg, en les déduisant directement des royalties. Renvoi était notamment opéré à l’art. 2 let. c de la convention, à teneur duquel la société luxembourgeoise s’engageait à faciliter par tous les moyens, y compris financiers, l’introduction du logiciel I______ sur le marché suisse, en particulier prendre en charge tous les frais et prestations relatifs aux développements nécessités pour l’adaptation des programmes de base du logiciel aux normes légales suisses. Ces coûts seraient déduits des royalties.
b. Le 28 juin 1989, D______ Luxembourg a conclu avec M______, sise au Pays‑Bas, dont l'ayant droit économique est N______, une convention de licence « know how » dans laquelle elle s'est engagée à payer à celle-ci une redevance de 50% du chiffre d'affaires généré par la diffusion de logiciels bancaires et financiers.
C. a. Le 20 juin 2000, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a ouvert à l'endroit d'A______ une procédure de vérification de ses déclarations d'impôts 1995 à 1998.
b. Dans le cadre de cette procédure, A______ a transmis à l'AFC-GE une copie de la convention du 3 juillet 1989. Elle a également informé l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du fait qu'D______ Luxembourg avait conclu des conventions portant sur la concession de licences non seulement avec A______ mais également avec des sociétés étrangères aux mêmes conditions.
c. La procédure a été close sans reprise.
D. a. A______ a déposé sa déclaration pour l'année fiscale 2010 en juin 2011. Elle a déclaré un bénéfice net de CHF 128'565.-.
b. Le 24 novembre 2011, l'AFC-GE a taxé la société pour la période 2010.
c. Après avoir admis partiellement la réclamation de la société, elle lui a envoyé, le 20 septembre 2012, des bordereaux rectificatifs.
E. a. Les 24, 25 et 26 avril 2013, l'AFC-GE a effectué un contrôle (contrôle externe aléatoire) dans les locaux d'A______, dans le cadre de la taxation 2011 de celle‑ci, en présence de O______ (directeur financier d'A______) et K______, alors directeur général. Le contrôle avait notamment pour but de contrôler les prix de transfert pratiqués entre les sociétés du groupe.
b. Selon le rapport de contrôle sur place, établi le 27 mai 2013 par l'AFC-GE, O______ a notamment indiqué que la clientèle était composée de tous les types de banques. Les développements du produit de base effectués à Genève (et non les adaptations demandées par le client) étaient refacturés à D______ Luxembourg. Il arrivait que d'autres sociétés du groupe aient besoin des compétences des experts d'A______.
Selon K______, lorsqu'un développement du logiciel était décidé, une estimation des coûts du développement était effectuée par A______ puis validée par D______ Luxembourg. Il était administrateur de celle-ci.
c. Le 23 mai 2013, A______ a indiqué à l'AFC-GE qu'D______ Luxembourg était détenue par L______. Il n’existait aucun lien entre les actionnaires de cette société et l’actionnaire ultime d'A______ ou les membres de sa famille.
d. Après des demandes de renseignements complémentaires et de nouveaux échanges de correspondance, l’AFC-GE a ouvert à l'encontre d'A______, le 10 mars 2014, une procédure en rappel d’impôt portant sur les années 2004 à 2010.
e. Un entretien a eu lieu entre l’AFC-GE et des représentants d'A______ le 25 mars 2014.
Selon le rapport d'entretien, l'AFC-GE considérait qu'A______ et D______ Luxembourg étaient des proches au sens fiscal. Dans la mesure où la preuve que le prix de leurs prestations réciproques était conforme au marché n'avait pas été apportée, elle avait entrepris des procédures en rappel d'impôt. Elle avait désormais une meilleure compréhension du groupe G______, grâce aux éléments suivants : A______ et D______ Luxembourg commercialisaient toutes deux le logiciel, développé en très grande partie à Genève ; elles étaient présentées comme faisant partie du même groupe dans les médias ; le directeur général d'A______, beau‑frère de l'actionnaire, était également président du conseil d'administration d'D______ Luxembourg ; les documents formalisant les relations entre les deux sociétés étaient très succincts ; la facturation des heures de développement par A______ à D______ Luxembourg était faite de manière globale, sans time sheet, et était basée sur la différences entre les heures totales de travail et les heures facturées à d'autres clients ; enfin, la marque I______ avait initialement été enregistrée au nom d'A______ avant d'être transférée au Luxembourg dans les années 1990.
Les représentants d'A______ ont indiqué que les deux sociétés étaient des tiers. Cette problématique avait déjà été examinée lors d'un contrôle fiscal dix ans auparavant.
f. Le 4 février 2015, A______ a fourni un avis juridique de la professeure et docteure en droit P______, selon lequel la licence entre A______ et D______ Luxembourg pouvait, en résumé, être considérée comme usuelle, sous conditions.
g. Le 15 décembre 2015, l’AFC-GE a ouvert à l'endroit d'A______ une procédure pour soustraction d’impôt portant sur les années 2004 à 2010.
h. Un nouvel entretien a eu lieu entre l’AFC-GE et des représentants d'A______ le 25 octobre 2016.
Selon l'AFC-GE, compte tenu des derniers constats, A______ devait être considérée comme la propriétaire économique du logiciel et les redevances n'étaient pas justifiées. L'analyse de P______ ne citait pas les comparables utilisés et comparait des produits très largement différents du logiciel I______. A______ et D______ Luxembourg étaient à l'équilibre malgré des chiffre d'affaires dépassant CHF 60'000'000.-. Dans le même temps, une autre entité encaissait des redevances de plusieurs dizaines de millions de francs suisses. Les « architectes du logiciel » étaient principalement basés à Genève. Les développements qui auraient été commandés par D______ Luxembourg n'avaient pas fait l'objet de cahiers des charges détaillés ni de validation au gré de l'avancement des travaux.
O______ a répondu qu'A______ travaillait depuis plus de 20 ans avec D______ Luxembourg, si bien qu'un climat de confiance s'était installé.
i. Le 20 décembre 2016, A______ a remis à l'AFC-GE les comptes statutaires et les comptes consolidés d'D______ Luxembourg pour les années 2004 à 2011.
Les annexes aux comptes font état de ce qu'D______ Luxembourg a conclu une convention de licence « know-how » datée du 28 juin 1989 dans laquelle elle s'est engagée à payer une redevance de 50% du chiffre d'affaires généré par la diffusion de logiciels bancaires et financiers.
F. a. Par courriel du 19 novembre 2015, l'AFC-GE a exposé à l'AFC-CH qu'elle souhaitait adresser, par son entremise, une demande d'assistance administrative au Luxembourg.
b. L'AFC-CH a indiqué que l'échange de renseignements avec le Luxembourg pour l'application de la législation interne n'était applicable que depuis le 1er janvier 2011. Par conséquent, seule une demande portant sur les périodes fiscales 2011 et suivantes pouvait être adressée au Luxembourg. Elle souhaitait donc connaître les périodes concernées par la demande.
c. Le 9 décembre 2015, l'AFC-GE a précisé que la demande portait sur les périodes fiscales 2011 à 2014 et visait à obtenir des informations concernant ces périodes, quand bien même les documents à remettre auraient été établis ou reçus avant le 1er janvier 2011.
d. Le 10 décembre 2015, l'AFC-CH a précisé que si les documents requis avaient été établis à une période antérieure à 2011 mais qu'ils déployaient encore des effets pour les périodes fiscales concernées (2011 à 2014), ces derniers pourraient en principe être transmis.
e. La demande d'assistance administrative a été adressée le 29 janvier 2016 au Luxembourg. Il y était précisé que les périodes fiscales concernées étaient les années 2011 à 2014 et que le but de la demande était l'imposition.
f. Le 5 septembre 2016, les autorités luxembourgeoises ont fourni un certain nombre de réponses et de documents aux autorités helvétiques, notamment le contrat conclu entre D______ Luxembourg et M______ ainsi que le nom de l'ultime ayant droit économique d'L______.
g. Après avoir été saisies d'une demande d'entraide par les autorités helvétiques, les autorités néerlandaises ont indiqué que les parts de M______ étaient en partie en mains d'une société sise à Curaçao et que l'ayant droit économique de cette société était N______. Elles ont également donné le nom des administrateurs de M______ pour la période du 1er mars 2010 au 31 décembre 2014 (Q______, R______, S______ et T______).
G. a. Un nouvel entretien a eu lieu le 27 mai 2021 entre l'AFC-GE et les représentants d'A______.
Selon le rapport d'entretien, l’AFC-GE considérait qu'A______ et D______ Luxembourg faisaient partie du même groupe, ce à quoi les représentants d'A______ et D______ n'avaient apporté aucune remarque. Elle aurait pu considérer qu'aucune des redevances n'était justifiée, ce qui aurait toutefois conduit à des montants de reprise considérables. Dès lors, dans la mesure où D______ Luxembourg ne reversait au propriétaire juridique final que 50% du montant des redevances, elle considérait que le pourcentage reversé par Genève n'était pas conforme au principe de pleine concurrence (utilisation d'un comparable interne). Les reprises étaient donc basées sur un différentiel de 10%.
b. Le 4 juin 2021, l’AFC-GE a clos les procédures de rappel et de soustraction d’impôt. Elle a notifié à A______ des bordereaux de rappel d’impôt pour les périodes 2006 à 2010, les reprises portant sur des charges considérées comme excessives pour un total de CHF 19'652'876.-. Aucune amende ne lui était infligée, dès lors que la poursuite pénale était prescrite.
c. Le 10 juin 2021, l’AFC-GE a remis à la contribuable une clé USB contenant notamment 274 fichiers accompagnés d'une liste récapitulative de ces documents, intitulée « nomenclature ». Pour les pièces nos 245 à 274, seul un intitulé générique de chacune d’elles était communiqué, à l'exclusion des pièces elles‑mêmes.
H. a. Le 1er juillet 2021, A______ a formé réclamation à l’encontre des bordereaux de rappel d’impôt 2006 à 2010, concluant notamment à leur annulation et à ce que l’intégralité du dossier (notamment les pièces nos 245 à 274) lui soit communiqué.
b. L’AFC-GE a refusé de remettre à la contribuable les pièces nos 245 à 274, en raison du secret fiscal.
c. Par jugement du 23 mai 2022, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a admis le recours interjeté par la contribuable contre cette décision et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour qu'elle lui communique le contenu essentiel des pièces nos 245 à 274.
d. Le 9 septembre 2022, l'AFC-GE a communiqué à la contribuable le contenu estimé essentiel desdites pièces.
e. Par décision du 18 octobre 2022, l’AFC-GE a admis la réclamation en tant qu’elle concernait l’année fiscale 2006 en raison de la prescription du droit de taxer. Elle a dégrevé partiellement les bordereaux des années 2007 à 2010 pour tenir compte des montants des redevances effectivement versés.
I. a. Par acte du 21 novembre 2022, A______ a interjeté recours devant le TAPI à l’encontre de cette décision. Elle a également demandé la production de l'ensemble du dossier de la cause, dont notamment les pièces nos 245 à 274 dans leur intégralité, le retranchement de la procédure de toutes les pièces obtenues à la suite des demandes d'assistance administrative au Luxembourg et aux Pays-Bas ou, subsidiairement, la transmission des demandes d'assistance administrative.
b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, précisant que la méthode retenue concernant les prestations appréciables en argent était la suivante : ajustement à hauteur de 50% de la charge des royalties versées à D______ Luxembourg. Compte tenu du fait qu'A______ et D______ Luxembourg avaient une contribution similaire dans le cadre du maintien et de l'évolution du logiciel, elle avait appliqué le même taux de redevance que celui versé par D______ Luxembourg.
c. Par décision du 2 octobre 2023, le TAPI a partiellement admis la demande de consultation des pièces couvertes par le secret fiscal, a autorisé la contribuable à consulter les pièces nos 245 à 250, 252 à 264 et 272 à 274.6 et lui a refusé la consultation des pièces nos 251 et 265 à 271.
d. Par acte du 16 octobre 2023, la contribuable a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'admission de la demande de consultation des pièces nos 251 et 265 à 271.
Par arrêt du 30 janvier 2024, la chambre administrative a partiellement admis le recours, accordant l'accès aux pièces nos 265 à 271 dans la mesure admise dans les considérants.
En particulier, elle a octroyé à A______ partiellement l'accès à la pièce no 267, sans son annexe, ainsi que l'accès à la pièce n° 271, également sans les annexes. Par rapport à l'annexe de la pièce n° 267, l'AFC‑GE était invitée à communiquer à titre d'information essentielle le mode de fixation des redevances prévu par ce contrat.
e. Par jugement du 7 octobre 2024, le TAPI a partiellement admis le recours, dans la mesure où la prescription absolue du droit de procéder au rappel d’impôt pour les années 2007 et 2008 était acquise. Il a rejeté le recours pour le surplus.
J. a. Par acte remis à la poste le 8 novembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant principalement à son annulation. Préalablement, elle a requis de l'AFC‑GE qu'elle lui remette l'intégralité des annexes numérotées 267 et 271 du dossier tenu par l'AFC-GE. Elle a demandé que toutes les pièces obtenues à la suite des demandes d'assistance administrative au Luxembourg et aux Pays-Bas soient retranchées du dossier. Enfin, elle a demandé la mise en œuvre d'une expertise judiciaire (étude de prix de transfert).
Se plaignant de la violation de son droit d'être entendue, elle a également contesté, d'une part, le fait que les conditions d'un rappel d'impôt étaient remplies et, d'autre part, ne pas avoir respecté le principe de pleine concurrence.
b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, se référant à ses écritures déposées devant le TAPI. Dans une écriture ultérieure, elle a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à annuler les bordereaux ICC et IFD 2009, le droit de taxer la période fiscale 2009 étant prescrit.
c. Après que la recourante a répliqué, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).
2. Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI par lequel ce dernier a constaté la prescription absolue du droit de procéder au rappel d’impôt pour les années 2007 et 2008 et a, pour le surplus, confirmé les rappels d'impôt pour les années 2009 à 2010 (ICC et IFD).
La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts (ICC et IFD), comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).
3. La recourante sollicite le retranchement de toutes les pièces issues des demandes d'entraide.
3.1 Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la Convention entre la Confédération suisse et le Grand‑Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 janvier 1993 (RS 0.672.951.81 ; ci-après : CDI CH-LUX) ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts visés par la CDI CH-LUX, dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la CDI CH‑LUX. L’échange de renseignements n’est pas restreint par l’art. 1 (art. 26 § 1 CDI CH-LUX). Les renseignements reçus en vertu du § 1 par un État contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont communiqués qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l’établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au § 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Ces personnes ou autorités n’utilisent ces renseignements qu’à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d’audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements. Nonobstant ce qui précède, les renseignements reçus par un État contractant peuvent être utilisés à d’autres fins (non fiscales [FF 2010 1081, 1086]) lorsque cette possibilité résulte des lois des deux États et lorsque l’autorité compétente de l’État qui fournit les renseignements autorise cette utilisation (art. 26 § 2 CDI CH-LUX).
L’art. 26 CDI CH-LUX, dans sa version jusqu'au 18 novembre 2010, a été modifié par l'art. 3 de l'avenant du 25 août 2009, en vigueur depuis le 19 novembre 2010. Selon l'art. 5 par. 3 dudit avenant, le nouvel art. 26 CDI CH-LUX est applicable en ce qui concerne les années fiscales commençant au 1er janvier de l’année civile suivant celle au cours de laquelle ledit avenant est entré en vigueur, ou après cette date (RO 2010 5693). Ainsi, et selon le message du 20 janvier 2010 du Conseil fédéral concernant l'approbation d'un avenant modifiant la Convention entre la Suisse et le Grand-Duché de Luxembourg contre les doubles impositions, les nouvelles dispositions concernant l’échange de renseignements ne s’appliquent qu'aux renseignements relatifs à des revenus que le contribuable concerné a réalisés à cette date ou après cette date ou à l’état de sa fortune à cette date ou après cette date. Pour la période précédant cette date, l’échange de renseignements est limité aux renseignements nécessaires à l’application régulière de la convention, conformément à l’art. 26 en vigueur jusqu'au 18 novembre 2010 (FF 2010 1081, 1088). Cet article prévoyait que les autorités compétentes des États contractants pouvaient, sur demande, échanger les renseignements nécessaires pour une application régulière de la convention. Tout renseignement échangé de cette manière devait être tenu secret et ne pouvait être révélé qu’aux personnes qui s’occupaient de la fixation, de la perception, de la juridiction ou des poursuites pénales des impôts auxquels se rapportait la Convention. Il ne pouvait pas être échangé de renseignements qui auraient dévoilé un secret commercial, bancaire, industriel ou professionnel ou un procédé commercial (https://www.lexfind.ch/
fe/fr/tol/29004/versions/162268/fr).
3.2 La demande de renseignements doit inclure un certain nombre d’éléments, telles que l’identification du contribuable concerné ainsi que de la personne (par exemple une banque) présumée être en possession des renseignements demandés (let. c). En outre, l’État requérant doit décrire les renseignements qu’il souhaite obtenir, les périodes fiscales concernées et le but fiscal visé. Il s’ensuit que l’échange de renseignements est limité à des demandes concrètes émises dans des cas particuliers (FF 2010 1081, 1087).
3.3 Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la Convention entre la Confédération suisse et le Royaume des Pays-Bas en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales du 26 février 2010 (RS 0.672.963.61 ; ci-après : CDI CH-NLD), entrée en en vigueur par échange de notes le 9 novembre 2011, ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales, dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la CDI CH-NLD. L’échange de renseignements n’est pas restreint par les art. 1 et 2 (art. 26 § 1 CDI CH-NLD). L'art. 26 § 2 CDI CH‑NLD a la même substance que l'art. 26 § 2 CDI CH-LUX.
L'art. 29 CDI CH-NLD prévoit que la Convention entre en vigueur 30 jours après la date de réception de la dernière notification par laquelle les États contractants se sont respectivement confirmé que les formalités constitutionnelles requises dans chaque État ont été remplies, et ses dispositions seront applicables aux années et périodes fiscales commençant le 1er janvier de l’année civile suivant celle au cours de laquelle la Convention est entrée en vigueur, ou après cette date (§ 1). Nonobstant les dispositions du par. 1 du présent article, l’art. 26 et l’art. XVI du Protocole de la Convention seront applicables à des demandes de renseignements déposées à la date de l’entrée en vigueur de cette Convention ou à une date ultérieure pour des renseignements qui se rapportent à toute période débutant le 1er mars qui suit immédiatement la date de signature de cette Convention ou à une date ultérieure (§ 2). La Convention entre le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, et son Protocole, signés à La Haye le 12 novembre 1951, est abrogée à la date d’entrée en vigueur de la présente Convention. Toutefois, les dispositions de la première Convention mentionnée continueront de s’appliquer aux années et périodes fiscales qui ont pris fin avant la date à laquelle les dispositions de la présente Convention deviennent applicables (§3).
Selon le message du Conseil fédéral du 25 août 2010 concernant l’approbation d’une convention entre la Suisse et les Pays-Bas contre les doubles impositions, la signature de la convention n’a pu avoir lieu fin 2009 et il a finalement été convenu que les nouvelles dispositions concernant l’échange de renseignements seraient applicables pour les demandes déposées à la date d’entrée en vigueur de la Convention, ou à une date ultérieure, en vue d’obtenir des renseignements se rapportant à toute période débutant au plus tôt le 1er mars qui suit immédiatement la date de signature de la Convention. Pour la période précédant cette date, l’échange de renseignements est limité aux renseignements nécessaires à l’application régulière de la convention, conformément à la convention « actuelle » (FF 2010 5243, 5259 s.).
3.4 L'application d'une CDI ne coïncide pas nécessairement avec son entrée en vigueur. Les CDI règlementent cette question par des dispositions spécifiques. En général, les nouvelles CDI, soit celles renégociées ou établies après le changement de paradigme de mars 2009, ne visent que les demandes de renseignement postérieures à l'entrée en vigueur du nouveau traité. Il existe quelques exceptions, notamment la CDI CH-USA de 2009 (ratifiée en septembre 2019), qui visera les demandes effectuées à la date de sa signature (Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 5e éd., 2022, p. 163 n. 440).
3.5 L’interprétation des CDI s’effectue selon la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV ; RS 0.111), en particulier selon les règles d’interprétation des art. 31 ss CV (ATF 147 V 402 consid. 9.2.1 ; 147 V 387 consid. 3.3 ; 146 II 150 consid. 5.3.1). Les principes de la Convention de Vienne pour l’interprétation d’un traité constituent une codification du droit coutumier international (ATF 149 II 400 consid. 7.1 = RDAF 2023 II 506, 520 ; ATF 147 V 387 consid. 3.3 ; ATF 146 II 150 consid. 5.3.1).
La règle générale d’interprétation de l’art. 31 al. 1 CV se fonde sur des éléments tels que le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet, de son but, de bonne foi et en accord avec son contexte. Ces quatre éléments sont de rang égal. Le point de départ de l’interprétation est la lettre du traité. Le texte de la disposition conventionnelle doit être interprété selon son sens ordinaire. Ce sens ordinaire doit être déterminé en accord avec son contexte, avec l’objet et le but de la convention et de bonne foi. L’objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre en concluant cette convention (ATF 147 V 387 consid. 3.3 ; 147 II 13 consid. 3.3 ; 146 II 150 consid. 5.3.2).
3.6 L'État requérant ne doit utiliser les informations qu'à l'égard des personnes et des agissements pour lesquels il les a demandées et pour lesquelles elles lui ont été transmises (principe de spécialité ; Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 5e éd., 2022, p. 422 n. 1217).
3.7 Dans un arrêt du 23 juillet 2024 (2C_1010/2022), concernant une demande d'assistance administrative, fondée sur l'art. 28 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après: CDI CH-FR ; RS 0.672.934.91), portant notamment sur l'impôt sur le revenu des années 2010 à 2016, le Tribunal fédéral a précisé que la documentation d'ouverture d'un compte bancaire peut être transmise à l'autorité requérante même si elle a été établie avant la date à partir de laquelle des renseignements peuvent être communiqués (soit dans le cas d'espèce dès le 1er janvier 2010). Comme la documentation d'ouverture d'un compte bancaire régit la relation entre la banque et le client pour toute la durée de celle-ci, elle représente un renseignement vraisemblablement pertinent pour les périodes fiscales ultérieures et doit donc être transmise (consid. 5.2). En revanche, communiquer la date d'établissement de formulaires A (celle-ci étant antérieure au 1er janvier 2010) reviendrait à transmettre une information qui excède le champ d'application temporel de l'art. 28 CDI CH-FR, les dispositions pertinentes s'appliquant aux demandes d'échange de renseignements concernant toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier 2010 (consid. 4.1 et 5.6).
3.8 La loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF ; RS 651.1) est une loi d'exécution, qui s'applique à la procédure en Suisse dans la mesure où ses dispositions viennent concrétiser les dispositions conventionnelles applicables dans le cas d'espèce (ATF 146 II 150 consid. 5.4 ; 143 II 628 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2022 du 2 novembre 2022 consid. 4.2). Selon l'art. 22 LAAF, les autorités fiscales intéressées adressent leur demande d’assistance administrative internationale à l’AFC (al. 1). L’AFC-CH transmet les renseignements obtenus de l’étranger aux autorités fiscales intéressées et leur rappelle les limitations concernant leur utilisation et l’obligation de maintenir le secret prévue par les dispositions régissant l’assistance administrative de la convention applicable (al. 5).
3.9 La question de savoir quels sont les moyens de preuve admis en procédure administrative est régie, devant les autorités cantonales, par le droit cantonal, sous réserve de dispositions de droit fédéral (ATF 139 II 7 consid. 5). Le sort des preuves obtenues illégalement n'est toutefois pas réglé par la LPA (ATA/24/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.3).
La jurisprudence reconnaît qu'une interdiction de principe d'utiliser des preuves acquises illicitement peut être déduite du droit à un procès équitable au sens des art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 143 II 443 consid. 6.3 ; 139 II 95 consid. 3.1 ; 139 II 7 consid. 6.4.1). L'exclusion de tels moyens n'est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence, à savoir, d'une part, l'intérêt public à la manifestation de la vérité et, d'autre part, l'intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (ATF 143 II 443 consid. 6.3 ; 139 II 95 consid. 3.1 ; 131 I 272 consid. 4). Dans ce cadre sont notamment déterminantes la gravité de l'acte répréhensible et la question de savoir si le moyen de preuve est en soi admissible et aurait pu être obtenu de façon légale (ATF 137 I 218 consid. 2.3.4 ; 131 I 272 consid. 4.1.2 et les références citées ; ATA/404/2023 du 18 avril 2023 consid. 9c).
L'invalidité de la preuve initiale ne déploie pas d'effets sur les preuves subséquentes, sauf si elle en constitue un élément indispensable. Cette solution tient de manière adéquate compte des intérêts en jeu, soit d'une part du souci de ne pas priver l'interdiction légale de toute portée, sans toutefois rendre impossible la recherche de la vérité (ATF 133 IV 329 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_641/2009 du 18 février 2010 consid. 1.1.2). Les éventuelles violations relatives à l'administration des preuves qu'un État étranger commettrait dans le cadre d'une procédure ouverte sur son territoire n'entraînent pas automatiquement l'inexploitabilité desdites preuves dans le contexte d'une procédure ouverte dans un autre État. Pour que la procédure conduite par les autorités suisses s'en trouve affectée, il faudrait encore que l'on puisse reprocher à celles-ci d'avoir participé ou contribué au prétendu acte illicite ou à tout le moins d'avoir adopté un comportement contraire à la bonne foi (ATF 133 I 234 consid. 2.6 ; 139 IV 137 consid. 5.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 7.3).
3.10 En l'espèce, l'AFC-GE a obtenu des pièces par l'entraide avec le Luxembourg et les Pays-Bas et les a versées au dossier. La demande d'entraide adressée aux autorités du Luxembourg portait sur les années 2011 à 2014, comme cela ressort explicitement du courriel du 9 décembre 2015 que l'AFC-GE a adressé à l'AFC-CH et du formulaire que celle-ci a ensuite adressé aux autorités luxembourgeoises. La demande d'entraide adressée aux autorités néerlandaises portait sur les périodes fiscales 2010 à 2014, comme cela ressort de la description du cas annexée à la demande que l'AFC-GE a adressé à l'AFC-CH le 10 novembre 2010.
3.10.1 Dès lors que la demande adressée au Luxembourg ne portait que sur les années 2011 à 2014, les renseignements que l'AFC-GE a obtenus à la suite de l'entraide ne pouvaient être utilisés que pour ces périodes, à l'exclusion notamment de la période 2010 (seule encore litigieuse, comme cela sera exposé ci-après). L'État requérant ne doit en effet utiliser, pour des questions de bonne foi notamment, les informations qu'à l'égard des personnes et des agissements pour lesquels il les a demandées et pour lesquelles elles lui ont été transmises. En tant que les périodes fiscales visées par une demande font partie des éléments essentiels de l'entraide, eu égard notamment à la question du champ d'application temporel de la convention en cause et puisque chaque demande d'entraide doit mentionner les périodes visées, cette obligation couvre également les périodes fiscales pour lesquelles l'État requérant a demandé l'entraide.
Par conséquent, pour ce motif déjà, l'AFC-GE ne pouvait pas utiliser les pièces obtenues par voie d'entraide avec le Luxembourg pour les périodes fiscales 2007 à 2010. De surcroît, dans la mesure où elle voulait les utiliser pour lesdites périodes, il lui incombait d'en faire la demande expresse.
Quoi qu'il en soit, il ressort de l'art. 5 par. 3 de l'avenant du 25 août 2009 à la CDI CH‑LUX, en vigueur depuis le 19 novembre 2010, et de l'ancienne teneur de l'art. 26 de la CDI CH-LUX que l'échange, avec le Luxembourg, de renseignements pouvant porter, comme en l'espèce, sur un secret commercial, bancaire, industriel ou professionnel ou un procédé commercial n'est applicable que pour les périodes fiscales 2011 et suivantes. Dès lors, l'AFC-GE n'aurait pas pu déposer une demande d'entraide pour obtenir des renseignements couverts par certains de ces secrets ni, a fortiori, les utiliser pour des périodes antérieures à 2011. Ainsi, en utilisant pour ces périodes des documents contenant des renseignements couverts par lesdits secrets et au demeurant établis avant 2011, obtenus en vue de les utiliser uniquement pour les années 2011 à 2014, elle est sortie du champ d'application temporel de la CDI CH-LUX.
Le raisonnement du TAPI, selon lequel les pièces obtenues peuvent être utilisées car elles ont été établies à une période antérieure à 2011 mais déploient des effets pour des périodes 2011 et subséquentes, n'est en soi pas erroné mais ne peut trouver application en l'occurrence. D'une part, ce raisonnement ne tient pas compte du fait que, bien que la demande ait été déposée uniquement pour des années postérieures à 2011 (2011 inclus), les documents ont été utilisées pour des années antérieures à cette période, contrairement à ce qui était indiqué dans ladite demande. En cela, la présente procédure se différencie fondamentalement de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1010/2022 précité puisque, dans cette cause, les documents avaient pour vocation d'être utilisés exclusivement pour les années pour lesquelles la demande avait été déposée et pour des périodes postérieures à la date à partir de laquelle les renseignements pouvaient être communiqués. D'autre part, l'AFC-CH a certes indiqué à l'AFC-GE que si les documents requis avaient été établis à une période antérieure à 2011 mais qu'ils déployaient encore des effets pour les périodes fiscales concernées (2011 à 2014), ces derniers pourraient en principe être transmis. Or, au vu de ce qui précède, cela ne signifiait pas que les documents en question pouvaient être utilisés pour des années qui ne faisaient pas l'objet de la demande. Ces documents ont pu être transmis parce qu'ils déployaient encore des effets pour les périodes concernées par la demande (années 2011 à 2014) et étaient censés n'être utilisés que pour ces périodes.
Par conséquent, si les preuves n'ont certes pas été acquises illicitement puisqu'elles sont issues d'une demande d'entraide valablement déposée, leur utilisation pour la période 2010 est en revanche contraire à la CDI CH-LUX.
3.10.2 Se pose ainsi la question du sort de ces preuves.
L'interdiction de principe d'utiliser des preuves illicites n'est pas absolue et une pesée des intérêts est nécessaire. En l'occurrence, il y a lieu de tenir compte de la nécessité pour l'AFC-GE de déterminer le montant des éventuels impôts qui n'auraient pas été versés pour la période 2010 par la recourante, du fait que les preuves ont été acquises licitement en tant qu'elles concernent les périodes postérieures à 2010 et du fait qu'elles ne sont pas utilisées à d'autres fins que fiscales.
L'intérêt de la recourante à ce que les pièces concernées ne soient pas exploitées est important, compte tenu du montant du rappel d'impôt (CHF 651'101.05 pour l'ICC et CHF 242'165.- pour l'IFD). À cet intérêt s'ajoute l'intérêt public au respect des engagements internationaux pris par la Suisse, qui est fondamental.
Par ailleurs, l'AFC-GE était consciente du fait qu'elle ne pourrait pas utiliser les pièces transmises par les autorités luxembourgeoises pour la période 2010, l'AFC‑CH ayant attiré son attention, le 9 décembre 2015, sur le fait que seule une demande portant sur les périodes fiscales 2011 et suivantes pouvait être adressée au Luxembourg. Or, à aucun moment l'AFC-GE n'a expressément indiqué que les pièces pourraient lui être utiles pour des périodes antérieures à 2011. Les autorités luxembourgeoises n'ont pas non plus été informées de cette problématique et aucun échange à ce sujet n'a, à teneur du dossier, eu lieu.
Au vu de qui précède et des circonstances, la pesée des intérêts en présence commande d'interdire l'utilisation des pièces transmises par les autorités luxembourgeoises. Elles seront par conséquent retranchées du dossier.
3.10.3 En tant qu'elle portait sur l'année 2010, la demande adressée aux autorités néerlandaises l'a été pour une période antérieure à l'entrée en vigueur, le 9 novembre 2011, de la CDI CH‑NLD. Toutefois, il ressort de l'art. 29 § 2 CDI CH‑NLD que l'échange de renseignements selon le nouveau droit est admis pour des renseignements qui se rapportent à toute période débutant le 1er mars qui suit immédiatement la date de signature de cette Convention (26 février 2010), soit le 1er mars 2010. Dès lors, la transmission à l'AFC-GE d'informations ayant des effets dès (ou encore) le 1er mars 2010 est conforme à la CDI CH-NLD. Cette solution s'impose d'autant plus que les autorités néerlandaises ont notamment donné le nom des administrateurs de M______ pour la période du 1er mars 2010 au 31 décembre 2014, et non pas uniquement dès la période 2011. Par conséquent, et dès lors également que la demande adressée aux autorités néerlandaises couvrait l'année 2010, les pièces obtenues à la suite de l'entraide peuvent être utilisées pour la période fiscale 2010.
Au surplus, contrairement à ce que prétend la recourante sans l'expliquer, on ne discerne pas pour quel motif le fait que l'ensemble des sociétés concernées opèrent la clôture de leur exercice le 31 décembre de chaque année empêcherait la demande d'entraide de porter sur des comptes concernant l'année 2010. Cela semble d'autant moins s'imposer qu'au 1er mars 2010, les comptes de la recourante pour l'année 2010 n'avaient pas encore été clos.
Il n'y a donc pas lieu de retrancher du dossier les pièces obtenues par l'entraide avec les Pays-Bas.
En définitive, le grief sera partiellement admis, dans la mesure où les pièces transmises par les autorités luxembourgeoises seront retranchées du dossier.
4. La recourante sollicite l'accès à l'intégralité des annexes 267 et 271 du dossier tenu par l'AFC-GE.
4.1 Dans l'ATA/104/2024 du 30 janvier 2024, qui concernait les mêmes parties et la même procédure, la chambre de céans a octroyé partiellement à la recourante l'accès à la pièce no 267, sans son annexe, ainsi que l'accès à la pièce n° 271, également sans les annexes. Par rapport à l'annexe de la pièce n° 267, l'AFC‑GE était invitée à communiquer à titre d'information essentielle le mode de fixation des redevances prévu par ce contrat (consid. 2.7).
La pièce no 267 était la réponse des autorités luxembourgeoises, comportant une annexe. Le courrier de réponse contenait des informations sur une société tierce, dont l'AFC-GE avait indiqué le nom dans sa communication des informations jugées essentielles, soit M______. Or, ce courrier ne contenait pas plus d'informations couvertes par le secret fiscal que celles déjà données par l'autorité intimée dans sa communication. Il n'y avait dès lors plus d'intérêt à garder le secret fiscal par rapport à ce courrier, qui pouvait donc être communiqué dans son intégralité. L'annexe n'était pas mentionnée dans les informations essentielles transmises par l'autorité, mais contenait des informations qui pouvaient être pertinentes pour la résolution du litige au fond. Il s'agissait du contrat de licence mentionné par les autorités luxembourgeoises dans leur réponse. En tant que M______ n'avait pas donné son consentement à la communication des pièces la concernant et que la radiation d'une société n'éteignait pas le secret fiscal, celui‑ci devait l'emporter (consid. 2.7).
La pièce no 271 correspondait au courrier de réponse des autorités néerlandaises, avec ses annexes. Le courrier comportait des informations concernant des tiers, mais aucune information concernant ceux-ci qui n'avait pas déjà été communiquée dans les informations essentielles transmises par l'autorité, de sorte que rien ne s'opposait à l'accès à son intégralité. Les annexes contenaient des informations relatives à des sociétés tierces dont aucune n'avait donné son accord à la communication des informations la concernant et la communication du courrier des autorités suffisait à garantir l'accès de la recourante aux informations essentielles. Il était dès lors donné accès à la recourante au courrier des autorités néerlandaises dans son intégralité, sans les annexes (consid. 2.7).
4.2 En l'espèce, dès lors que la pièce no 267 a été transmise par les autorités luxembourgeoises et qu'elle doit, conformément à ce qui précède, être retranchée du dossier, la demande de la recourante, en tant qu'elle porte sur la transmission de l'annexe à cette pièce, est devenue sans objet.
En ce qui concerne la pièce no 271, transmise par les autorités néerlandaises, il ressort de ce qui précède que la chambre de céans a déjà statué sur la demande de la recourante, par arrêt du 30 janvier 2024 (ATA/104/2024 précité consid. 2.7). Dans la mesure où celle-ci ne fournit aucun nouvel élément pertinent permettant de revenir sur cet arrêt, il y sera renvoyé, comme l'admet la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_642/2022 du 7 novembre 2023 consid. 4.6.2 et les références citées), y compris pour les considérants juridiques (consid. 2.1 à 2.6). Par conséquent, sa demande sera rejetée à nouveau.
5. La recourante sollicite la mise en œuvre d'une expertise judiciaire consistant en une étude de prix de transfert.
5.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1).
Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1).
5.2 L’expertise représente un moyen de preuve (art. 38 LPA) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (ATA/1291/2024 du 5 novembre 2024 consid. 2.2 ; ATA/656/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités). À l'exception éventuelle du contenu du droit étranger, une expertise ne peut porter que sur des questions de fait et non de droit, la réponse à ces dernières incombant obligatoirement au juge (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2023 du 14 octobre 2024 consid. 5.2.1).
5.3 En l'espèce, l'étude de prix de transfert dont la recourante sollicite la mise en œuvre aurait pour objectif, selon elle, de déterminer si les redevances qu'elle verse à D______ Luxembourg sont justifiées par l'usage commercial. Or, il s'agit là d'une question de droit, sur laquelle une expertise judiciaire ne peut pas porter.
De surcroît, les parties se sont exprimées à plusieurs reprises sur ce point, que ce soit devant le TAPI ou la chambre de céans, et ont fourni les pièces permettant à la chambre de céans d'apprécier la problématique des prix de transfert pratiqués par la recourante.
Par conséquent, l'expertise judiciaire ne pouvant en l'occurrence être ordonnée et n'apparaissant en toute hypothèse pas nécessaire, la demande de la recourante sera rejetée.
6. La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue.
6.1 Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.2).
6.2 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/915/2024 du 6 août 2024 consid. 5.4 et l'arrêt cité).
6.3 En l'espèce, le TAPI a retenu que les conditions du rappel d'impôt étaient réunies. Selon lui, il convenait de ne pas confondre les motifs d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt, pour laquelle de simples soupçons étaient suffisants nonobstant leur source, avec le bien-fondé matériel des rappels. Les informations que l’AFC-GE avait recueillies lors du contrôle mené dans les locaux de la recourante fin avril 2013, ainsi qu’à la suite de demande de renseignements, étaient de nature à faire naître auprès de l’autorité intimée un soupçon que la contribuable avait accordé des prestations appréciables en argent à D______ Luxembourg (consid. 15).
La motivation du TAPI est sommaire. On ignore en effet quelles sont, selon cette juridiction, les informations que l’AFC-GE a recueillies qui étaient de nature à éveiller des soupçons que la recourante avait accordé des prestations appréciables en argent à D______ Luxembourg. On ignore également pourquoi le TAPI a considéré que ces informations étaient de nature à éveiller lesdits soupçons. Dès lors, la question de savoir si la motivation du TAPI sur ce point répond aux exigences relatives au droit d'être entendu se pose.
La même question doit se poser quant à la motivation du TAPI en lien avec les expertises privées transmises par la recourante. Ce dernier a estimé qu'il n’y avait pas lieu de prendre en considération les avis de droit produits par la recourante, car les avis de droit privés ne constituaient pas des moyens de preuve, mais étaient largement traités comme des allégués de partie (consid. 26). Or, s'il convient certes d'interpréter les expertises privées avec prudence (ATA/1021/2024 du 27 août 2024 consid. 8.18), cela n'empêche pas les autorités judiciaires de les apprécier et d'indiquer, même succinctement, pour quel motif les résultats de celles-ci doivent être écartés.
La question de savoir si le TAPI a violé le droit d'être entendue de la recourante pourra toutefois souffrir de demeure indécise. En effet, dans la mesure où le TAPI et la chambre administrative disposent du même pouvoir d’examen, portant sur les faits et le droit, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 1 et 2 LPA ; ATA/11/2024 du 9 janvier 2024 consid. 2), une telle violation peut être réparée devant la chambre de céans, d'une part. D'autre part, la recourante a pu, à l'occasion de plusieurs échanges d'écritures, faire valoir ses arguments devant celle-là aussi efficacement qu'elle aurait pu le faire devant le TAPI et le renvoi, dans la présente affaire détaillée ci-après, constituerait une vaine formalité aboutissant à un allongement inutile de la procédure. Une éventuelle violation du droit d'être entendue de la recourante doit donc être considérée comme réparée devant la chambre de céans.
Pour le surplus, contrairement à ce que soutient la recourante, le TAPI a examiné le caractère de pleine concurrence des redevances. Il a estimé que le montant de 60% était excessif, compte tenu du fait que si D______ Luxembourg distribuait des logiciels sur le territoire suisse, elle devrait reverser à M______ des royalties correspondant à 50% de son chiffre d’affaires (consid. 27). Cette motivation permet à la recourante de se rendre compte de la portée du jugement sur ce point, étant précisé que l'on ne saurait admettre une violation du droit d'être entendu du seul fait que la motivation de l'autorité n'est pas, comme en l'espèce, celle attendue par la recourante (arrêt du Tribunal fédéral 7B_166/2023 du 29 septembre 2023 consid. 3 ; ATA/1250/2024 du 28 octobre 2024 consid. 3.3.1).
Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu sera donc écarté.
7. Se pose la question de la prescription du droit de taxer les périodes 2007 à 2010.
7.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative examine d'office (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4).
7.2 L'art. 152 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et l’ICC (ATA/761/2023 du 11 juillet 2023 consid. 4.1, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2023 du 27 novembre 2023).
7.3 En l'espèce, comme l'a retenu à juste titre le TAPI et dans la mesure où le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte, la prescription du droit de procéder au rappel d'impôt pour les périodes 2007 (1er janvier 2023) à 2008 (1er janvier 2024) est acquise. Il en va de même de la prescription du droit de procéder au rappel d'impôt pour la période 2009 (1er janvier 2025), comme l'a relevé l'AFC-GE dans sa réponse. Enfin, la prescription du droit de procéder au rappel d'impôt pour la période 2010 sera acquise le 1er janvier 2026. Elle ne l'est donc pas au jour du prononcé du présent arrêt.
8. La recourante conteste l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt pour l'année 2010.
8.1 Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc). Selon la jurisprudence, il s'agit de la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, à savoir des faits ou moyens de preuves qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation (ATF 148 V 277 consid. 4.2.2 ; 144 II 359 consid. 4.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_689/2022 du 12 avril 2023 consid. 9.1, non publié in ATF 149 II 177).
Lorsque le contribuable a déposé une déclaration complète et précise concernant son revenu, sa fortune et son bénéfice net, qu’il a déterminé son capital propre de façon adéquate et que l’autorité fiscale en a admis l’évaluation, tout rappel d’impôt est exclu, même si l’évaluation était insuffisante (art. 151 al. 2 LIFD et 59 al. 2 LPFisc).
8.2 Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD, 42 al. 1 LHID et 31 al. 1 LPFisc). Il doit en particulier remplir la formule de déclaration d’impôts de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc).
Le rappel d’impôt est soumis à des conditions objectives. Il faut d'abord qu'une taxation n'ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d’impôt suppose ensuite l'existence d'un motif de rappel, en particulier la découverte de moyens de preuve ou de faits qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation. Le rappel d’impôt ne peut porter que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.2 ; 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 6.1).
8.3 L'autorité fiscale peut, en principe, considérer que la déclaration d’impôts est exacte et complète et elle n'est pas tenue, à défaut d'indices correspondants, de rechercher des informations complémentaires. En raison de la maxime inquisitoire, l'autorité doit cependant procéder à une analyse plus approfondie, lorsqu'il ressort manifestement du dossier que les faits déterminants sont incomplets ou peu clairs. Il faut en particulier considérer que les faits et les moyens de preuve étaient connus lorsque l'autorité de taxation pouvait éclaircir l'état de faits sur la base d'indices concrets au cours de la procédure de taxation. Le rappel d'impôt ne peut servir à pallier une instruction déficiente de l'autorité fiscale au cours de cette procédure. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d’impôt font défaut (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 et les arrêts cités). Cette rupture du lien de causalité est soumise à des exigences sévères, à savoir une négligence grave imputable à l'autorité fiscale. Il n'y a pas de négligence grave de l'autorité de taxation qui n'a pas connaissance d'informations à disposition d'un autre secteur de l'administration, sauf s'il est établi que ces informations ont effectivement été communiquées, notamment entre les taxateurs du service des personnes physiques et ceux du service des personnes morales. Par ailleurs, la découverte d'une mauvaise appréciation des preuves ou application du droit ne peut donner lieu à un rappel d'impôt (arrêts du Tribunal fédéral 9C_567/2023 du 12 septembre 2024 consid. 4.1 ; 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.4 et les arrêts cités ; 2C_1018/2015 et 2C_1019/2015 du 2 novembre 2017 consid. 6.1).
8.4 Savoir si des moyens de preuve ou des faits sont nouveaux ou existaient déjà au moment de la taxation s'examine selon l'état des pièces du dossier au moment de la taxation ; à cet égard, seuls les documents qui peuvent être vus directement par les fonctionnaires du fisc sont considérés comme faisant partie de l'état du dossier (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, p. 677).
8.5 En l'espèce, il ressort des déterminations de l'AFC-GE devant le TAPI que le rappel d'impôt est fondé sur le fait que, lors du contrôle sur place en 2013 et à la suite des différentes demandes de renseignement, l'AFC-GE a découvert un faisceau d'indices concordant vers le fait que la recourante et D______ Luxembourg étaient des proches au sens fiscal, en particulier les liens effectifs entre la recourante et D______ Luxembourg, le fonctionnement de ladite société et ce que celle-ci développait à Genève.
Comme on le verra ci-après, pour évaluer l'existence d'une prestation appréciable en argent entre des sociétés par hypothèse du même groupe, sont déterminants l'existence d'un groupe de sociétés et le montant des prestations effectuées au sein du groupe.
En l'occurrence, il ressort des échanges ayant eu lieu entre le 20 février 2001 et le 13 juin 2003 entre la recourante, d'une part, et l'AFC-GE et l'AFC-CH, d’autre part, que la première a transmis à l'AFC-GE, entre ces deux dates, la convention de 1989 indiquant le taux de redevances qu'elle payait à D______ Luxembourg (60%). Ainsi, au moment de la taxation pour l'année 2010, l'AFC avait connaissance de l'existence des redevances et de son taux.
Toutefois, cela ne suffit pas encore à admettre que l'AFC-GE avait connaissance de tous les éléments pertinents au moment de la taxation 2010. Il reste en effet à déterminer si l'AFC-GE disposait de tous les éléments pour apprécier si la recourante faisait partie d'un groupe de sociétés.
Tel n'apparaît pas être le cas. Au moment de la taxation, la recourante avait toujours soutenu qu'elle ne faisait partie d'aucun groupe de sociétés, ce que l'AFC-GE avait certes admis à l'issue de la procédure ouverte au début des années 2000. Or, à ce moment-là, il n'apparaît pas que les sociétés étaient déjà présentées comme faisant partie du même groupe dans les médias, étant précisé que la recourante n'indique pas à quel moment le site Internet a été mis en ligne ni à quel moment elle a créé son profil LinkedIn. L'AFC-GE ignorait également que le directeur général de la recourante était également président du conseil d'administration d'D______ Luxembourg et que la facturation des heures de développement par la recourante à D______ Luxembourg était faite de manière globale, sans time sheet.
Les éléments susmentionnés étant donc inconnus de l'AFC-GE, sans sa faute, au moment de la taxation 2010, on ne saurait lui reprocher une négligence grave entraînant une interruption du rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète, bien qu'elle ait été en possession de la convention de 1989. Par conséquent, et dans la mesure où les éléments découverts par l'AFC-GE étaient de nature à éveiller le soupçon que la recourante faisait en réalité partie d'un groupe de sociétés et que les prix de transfert pouvaient ne pas être nécessairement justifiés, les conditions du rappel d'impôt sont réalisées.
Pour le surplus, la recourante estime que l'AFC-GE aurait dû renoncer à procéder à la taxation de l'année 2010, dans la mesure où l'AFC-GE avait déposé une première demande de renseignements portant sur la période fiscale 2011 le 18 septembre 2012 alors que la procédure de taxation 2010 était encore ouverte au stade d'une réclamation. Elle se réfère sur ce point à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017. Or, la situation présentée dans cette cause n'est pas comparable à celle de la recourante. Dans l'arrêt précité, au moment où le fisc avait notifié au contribuable les décisions de taxation de la période fiscale 2007 (1er juillet 2009), il avait déjà informé, par courrier du 7 novembre 2008, le contribuable de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et d'une procédure pénale pour soustraction d'impôts portant sur les ICC et IFD des périodes fiscales 2001 à 2005 (consid. 3.4). Or, dans le cas de la recourante, aucune procédure de rappel d'impôt n'avait encore été ouverte au moment de la décision de taxation des ICC et IFD 2010 le 24 novembre 2011. Le fait que la première demande de renseignements ait été adressée à la recourante le 18 septembre 2012, soit deux jours avant le prononcé de la décision sur réclamation (ICC et IFD 2010), n'y change rien, aucune procédure en rappel d'impôts n'ayant encore été ouverte à ce moment-là non plus.
Le grief sera donc écarté.
9. La recourante conteste avoir procédé à une distribution dissimulée de bénéfice en versant à D______ Luxembourg des redevances à hauteur de 60% de son chiffre d'affaires.
9.1 L'art. 57 LIFD prévoit que l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. D'après l'art. 58 al. 1 let. a LIFD, le bénéfice net imposable comprend le solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent. Il s'ensuit que le bénéfice imposable est, sous réserve des règles correctrices prévues notamment par l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD, celui qui ressort de la comptabilité commerciale, dont le contenu, pour autant qu'il soit conforme au droit commercial, est contraignant pour l'autorité fiscale en vertu du principe de l'autorité du bilan commercial, si bien que, pour autant que les autres conditions soient remplies, une soustraction est commise dès qu'il y a irrégularité dans la comptabilité (ATF 135 II 86 consid. 3.1).
En vertu de l'art. 58 al. 1 let. b in fine LIFD, le bénéfice net comprend notamment tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial, tels que les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par ledit usage.
9.2 Selon le Tribunal fédéral, il y a prestation appréciable en argent – également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice – lorsque 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 144 II 427 consid. 6.1 ; 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 I 57 consid. 2.2). Il faut ainsi examiner si la prestation faite par la société aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, en d'autres termes si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4.1; 138 II 57 consid. 2.2). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent aussi intervenir comme si elles étaient effectuées entre tiers dans un environnement de libre concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4 et 4.1 et les références citées ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.2), y compris dans un contexte international, les prix de transfert ne pouvant être fixés de manière à déplacer un bénéfice d'un État dans un autre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018, 2C_1089/2018 du 20 décembre 2019 consid. 11.1).
9.3 Une distribution dissimulée de bénéfice peut prendre la forme d'une rémunération insuffisante pour une prestation fournie à l'actionnaire ou à un proche. Dans ce cas, vérifier si le principe de pleine concurrence a été respecté suppose l'identification du prix du marché de la prestation fournie (ATF 140 II 88 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral s'inspire à cet égard des méthodes développées par l'OCDE en matière de prix de transfert, étant précisé que de pratique constante, le Tribunal fédéral prend en considération la convention modèle de l’OCDE (MC OCDE) et le commentaire y relatif (Commentaire OCDE) pour l’interprétation des CDI, pour autant qu’elles se fondent sur les mêmes standards (ATF 149 II 400 consid. 7.3 = RDAF 2023 II 506, 521 ; ATF 144 II 130 consid. 8.2.3 ; 143 II 257 consid. 6.5). Lorsqu'il existe un marché libre, les prix de celui-ci sont déterminants et permettent une comparaison effective avec les prix appliqués entre sociétés associées. Sans marché libre permettant une comparaison effective, il convient de procéder selon la méthode de la comparaison avec une transaction comparable, laquelle consiste à procéder à une comparaison avec le prix appliqué entre tiers dans une transaction présentant les mêmes caractéristiques. À défaut de transaction comparable, la détermination du prix de pleine concurrence s'effectue selon d'autres méthodes, telles que la méthode du coût majoré (« cost plus ») ou celle du prix de revente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.2.1).
9.3.1 L'application du principe de pleine concurrence se fonde généralement sur une comparaison entre les conditions d'une transaction entre entreprises associées et celles d'une transaction entre entreprises indépendantes. Pour qu'une telle comparaison soit significative, il faut que les caractéristiques économiques des situations prises en compte soient suffisamment comparables. Les caractéristiques ou « facteurs de comparabilité » qui peuvent être importants pour évaluer la comparabilité sont au nombre de cinq : les caractéristiques des biens ou services transférés, les fonctions assurées par les parties (compte tenu des actifs mis en œuvre et des risques assumés), les clauses contractuelles, les circonstances économiques des parties et les stratégies industrielles et commerciales qu'elles poursuivent. Dans le cadre d'un exercice de comparaison, l'examen de ces cinq facteurs est par essence double, puisqu'il implique d'analyser les facteurs qui ont une incidence sur les transactions contrôlées du contribuable et ceux qui affectent les transactions comparables sur le marché libre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_343/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.6).
9.3.2 Dans le cadre de la méthode de la transaction comparable, les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’attention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (de janvier 2022) prévoient en particulier deux types de comparaisons, l'une interne, l'autre externe. La comparaison dite interne consiste à comparer la transaction contrôlée avec une transaction comparable intervenue entre une partie à la transaction contrôlée et une partie indépendante. La comparaison externe consiste à comparer la transaction contrôlée avec une transaction similaire intervenue entre deux entreprises dont aucune n'est partie à la transaction contrôlée (par. 3.24 de l'édition 2022).
9.4 Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a déjà confirmé, dans le cas d'une société mère qui avait trop rémunéré sa filiale (étrangère), qu'il fallait procéder à des reprises dans le bénéfice de la société mère (arrêt du Tribunal fédéral 2A.588/2006 du 19 avril 2007 consid. 5.2). Dans un autre arrêt, il a confirmé une reprise dans le chef d'une société mère en lien avec une rémunération trop importante qu'elle avait accordée à sa filiale étrangère (arrêt du Tribunal fédéral 2C_343/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.3 et 6.2). Le résultat ne doit pas être différent lorsqu'une société mère ne se fait pas ou insuffisamment rémunérer pour des prestations qu'elle fournit à sa filiale. Une reprise se justifie déjà en vertu de la norme correctrice fiscale de l'art. 58 al. 1 let. b LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 et 2C_1089/2018 du 20 décembre 2019 consid. 15.1 et 15.2).
9.5 L'obligation de déclarer tous les éléments de bénéfice et de capital couvre également les prix de transfert concernant les transactions effectuées entre des entreprises appartenant au même groupe, soit les prix auxquels une entreprise transfère des biens ou rend des services à une entreprise associée. Lorsque des entreprises associées entre elles exercent des activités dans différents États et dépendent d’une direction centrale unique, elles peuvent adopter, pour les transactions effectuées à l’intérieur du groupe, des prix de transfert qui s’écartent des prix du marché, dans le but de réduire leur charge fiscale. Ce risque est pallié par l'application du principe de pleine concurrence (ATA/214/2024 du 13 février 2024 consid. 4.3 ; ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017 consid. 6e et les références citées).
9.6 L'on se trouve en présence d'un groupe de sociétés lorsque plusieurs entreprises juridiquement autonomes sont réunies, sur le plan économique, sous une direction unique au sein d'une entreprise d'ensemble (une unité économique ; ATF 130 III 213 consid. 2.2.1 = JdT 2004 I 223). La direction unique peut être fondée sur une participation à 100%. Une simple participation majoritaire, voire une participation minoritaire de contrôle, sont également possible. Inversement, même une participation importante, le cas échéant à 100%, ne remplit pas les critères du groupe de sociétés si une direction unique n'est pas envisagée. Aussi n'y a-t-il pas de groupes de sociétés si les participations sont détenues aux seuls fins d'investissements, sans qu'une influence soit exercée au‑delà de l'exercice des droits d'actionnaire (Arthur MEIER-HAYOZ/Peter FORSTMOSER, Droit suisse des sociétés, 2015 p. 869 s. n. 36).
9.7 Il peut arriver que, même après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont alors les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.4 et les arrêts cités). Dans le domaine des prestations appréciables en argent, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il y a alors une présomption de l'existence d'une distribution dissimulée de bénéfice et il appartient à la société contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1026/2021 du 21 décembre 2022 consid. 7.2 ; 2C_716/2022 du 15 novembre 2022 consid. 6.2). Le devoir de collaboration du contribuable (art. 124 LIFD) est toutefois particulièrement qualifié dans les relations internationales (ATF 144 II 427 consid. 2.3.2), dès lors que les moyens d'investigation de l'autorité fiscale suisse sont nécessairement restreints (arrêts du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.3 ; 2C_775/2019 du 28 avril 2020 consid. 7.1).
9.8 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les expertises privées n’ont pas la même valeur qu’une expertise demandée par un tribunal. Les résultats d’une expertise privée réalisée sur mandat d’une partie sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves, sont considérés comme de simples allégués des parties et n’ont pas la qualité de preuve. Étant donné qu’en règle générale, des expertises privées ne sont présentées que si elles sont favorables à leur mandant, il convient de les interpréter avec prudence. L’expert privé n’est pas objectif et indépendant comme l’est l’expert officiel. Il existe un rapport de mandat entre l’expert privé et la partie privée qui l’a chargé d’établir l’expertise et l’intéressé donne son avis sans en avoir été chargé par les organes judiciaires. Il faut donc supposer une certaine partialité chez l’expert privé qui a été choisi par la partie selon ses propres critères (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 = JdT 2016 IV 160 et les références citées ; ATA/1021/2024 du 27 août 2024 consid. 8.18 et l'arrêt cité).
9.9 Les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver, sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge. Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l'esprit ; il suffit qu'il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (ATF 135 III 88 consid. 4.1 ; 134 III 224 consid. 5.2), à l'instar par exemple des indications figurant au registre du commerce accessibles sur Internet (ATF 138 II 557 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.4.2). Il ressort cependant également de la jurisprudence que les innombrables renseignements figurant sur Internet ne peuvent pas être considérés comme notoires (ATF 138 I 1 consid. 2.4 in SJ 2012 I p. 351 ; dans ce sens également : ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.3). Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que certaines informations accessibles sur Internet constituaient des faits notoires, tandis que d'autres n'en remplissaient pas les critères (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1). Sur Internet, seules les informations bénéficiant d'une empreinte officielle (par ex : Office fédéral de la statistique, inscriptions au registre du commerce ou horaires de train des CFF par exemple) peuvent en principe être considérées comme notoires au sens de l'art. 139 al. 2 CPP, car facilement accessibles et provenant de sources non controversées (ATF 143 IV 380).
10. En l'espèce, l'AFC-GE a estimé que la recourante a procédé, en 2010, à une distribution dissimulée de bénéfice au profit d'D______ Luxembourg en lui versant des redevances à hauteur de 60% de son chiffre d'affaires.
10.1 Il convient d'abord de déterminer si, comme l'ont retenu l'AFC‑GE puis le TAPI, la recourante et D______ Luxembourg font partie d'un même groupe de sociétés, ce que la recourante ne semble a priori plus contester.
Plusieurs indices suggèrent que tel est le cas.
Premièrement, ces sociétés sont présentées comme faisant partie du même groupe dans les médias. Selon leur site Internet, le groupe est désignée « G______ » et « fournit des solutions logicielles complètes via sa plateforme digitale, I______ » (https://www.I______.com/fr/). Le site Internet parle également de « présence globale », le groupe incluant la recourante (désignée comme A______ SA), E______ Paris, F______ (Londres), D______ Luxembourg SA et H______ (Singapour ; https://www.I______.com/fr/une-presence-globale/). En outre, le profil LinkedIn de la société indique que celle-ci est « bien implantée sur les plus grandes places financières » et que « G______ est présente à Genève, Zurich, Lugano, Londres, Luxembourg, Singapour et Paris » (https://fr.linkedin.com/company/G______-bancaire). Enfin, selon l'Extrait Pappers du registre national des entreprises, librement accessible sur Internet, D______ Luxembourg est la maison mère (« la présidente ») d'une société du groupe, à savoir E______ Paris (https://www.pappers.fr/entreprise/E______-paris-377760152/E______%20PARIS%20-%20Extrait%20d'immatriculation.pdf).
Deuxièmement, la recourante et D______ Luxembourg ont le même but, soit l'étude, la réalisation, l'acquisition et la diffusion de logiciels bancaires et financiers (pour D______ Luxembourg, cf. annexes aux comptes transmis par la recourante). En particulier, elles commercialisent toutes deux le même logiciel, qui est développé en très grande partie à Genève, comme cela ressort des déclarations du directeur financier de la recourante lors du contrôle d'avril 2013.
Troisièmement, il ressort des explications de l'AFC-GE, non contestées sur ce point par la recourante, que la marque « I______ » a initialement été enregistrée au nom de la recourante avant d'être transférée au Luxembourg dans les années 1990. Or, aucune pièce du dossier ne démontre qu'D______ Luxembourg aurait fourni une contreprestation pour ce transfert, ce qu'une entreprise tierce aurait très vraisemblablement fait.
Quatrièmement, J______ est l'administratrice-présidente de la recourante et K______ en est l'administrateur. Alors que J______ a siégé au conseil d'administration d'D______ Luxembourg et a en a été la présidente de 1996 à 2005 [selon les mémoriaux du Grand-Duché de Luxembourg de 1996 et 2005, librement accessibles sur Internet (https://memorialc.public.lu/memorial/1996/C/Pdf/c2633105.pdf ; https://memoria
lc.public.lu/memorial/2005/C/Pdf/c133807C.pdf)], K______ continue d'en être l'un des administrateurs, ce qu'il a confirmé lors de l'entretien des 24, 25 et 26 avril 2013. Il importe peu qu'il n'ait, selon la recourante, plus qu'une fonction honorifique, ce dont elle n'apporte d'ailleurs pas la preuve. En outre, les intéressés sont les directeurs d'une autre société du groupe, F______ UK (https://find-and-update.company-information.service.gov.uk/company/04117
774/officers). Ces éléments tendent à démontrer que la recourante et D______ Luxembourg sont réunies, sur le plan économique, sous une direction unique au sein d'une entreprise d'ensemble.
Enfin, comme le relève l'AFC-GE, les documents formalisant les relations entre les deux sociétés sont très succincts et la facturation des heures de développement par la recourante à D______ Luxembourg est effectuée de manière globale, sans time sheet. Or, il apparaît peu vraisemblable que deux entreprises indépendantes placées dans la même situation agissent de la même façon, en ne formalisant que très peu leurs relations contractuelles, quand bien même, selon le directeur financier de la recourante, un climat de confiance se serait installé au vu de la durée des relations (20 ans).
Au vu de ce qui précède, la recourante et D______ Luxembourg doivent être considérées comme appartenant à un groupe de sociétés.
10.2 Il reste ensuite à déterminer si le versement par la recourante de redevances à hauteur de 60% de son chiffre d'affaires à D______ Luxembourg est conforme au principe de pleine concurrence.
10.2.1 Le pourcentage de 60% ressort de la convention du 3 juillet 1989, conclue entre la contribuable et la société luxembourgeoise, celle-ci octroyant à la première une licence exclusive de commercialisation et d’exploitation du logiciel I______ sur tout le territoire helvétique moyennant le versement de royalties se montant à 60% du prix de vente des logiciels et de 60% du montant des maintenances payées par les clients.
Comme l'a exposé le TAPI, l’AFC-GE s’est notamment fondée sur des pièces obtenues par voie d’entraide administrative avec le Luxembourg, pour retenir que les redevances payées par la recourante à D______ Luxembourg auraient dû être de 50%. Elle a en particulier fondé son raisonnement sur les annexes à la pièce n° 267, selon lesquelles D______ Luxembourg, détenue à 100% par L______, dont l’ultime ayant droit économique est N______, verse des redevances à hauteur de 50% du chiffre d’affaires généré par le produit, mais au minimum CHF 1'500'000.- par an, à M______. Or, comme exposé ci-avant, ces pièces doivent être retranchées du dossier, si bien que l'AFC-GE ne pouvait pas se fonder sur elles pour conduire son raisonnement.
Néanmoins, cela ne signifie pas encore que l'AFC-GE ne pouvait pas se fonder sur le taux de 50% pour établir une comparaison avec les redevances versées par la recourante à D______ Luxembourg. En effet, selon les annexes aux comptes 2010 d'D______ Luxembourg, que la recourante a produites, celle-là a conclu une convention de licence « know-how » datée du 28 juin 1989 dans laquelle elle s'est engagée à payer une redevance de 50% du chiffre d'affaires généré par la diffusion de logiciels bancaires et financiers. L'AFC-GE avait ainsi connaissance du taux de 50%, même en l'absence d'entraide avec les autorités luxembourgeoises. Rien ne s'opposait ainsi, sur le principe, à ce qu'elle retienne ce montant pour effectuer la comparaison.
10.2.2 Il ressort du rapport d'entretien du 27 mai 2021 que l'AFC-GE a, selon elle, utilisé un « comparable interne ». Le TAPI a en revanche considéré qu'afin de déterminer le prix du marché, l’AFC-GE n’avait pas eu recours à la méthode de comparaison de prix externe, ni à celle de prix interne, ce qui ne pouvait lui être reproché. En effet, ces deux méthodes impliquaient de pouvoir procéder à une comparaison avec un tiers indépendant. Or, la recourante, la société luxembourgeoise et la société néerlandaise (M______) étaient trois sociétés proches. Les deux premières appartenaient au même groupe et les deux dernières étaient détenues par le même actionnaire.
Les positions de l'AFC-GE et du TAPI sont ainsi contradictoires, puisque le TAPI a estimé que l'AFC-GE n’avait pas eu recours à la méthode de comparaison interne, alors que l'AFC-GE a implicitement indiqué qu'elle y avait eu recours. Ce point, déterminant, doit être éclairci.
Il ressort de la jurisprudence précitée que la comparaison dite interne consiste à comparer la transaction contrôlée avec une transaction comparable intervenue entre une partie à la transaction contrôlée et une partie indépendante. En l'occurrence, les deux parties en cause sont D______ Luxembourg (la partie à la transaction contrôlée) et M______ (partie indépendante selon l'AFC-GE), dont l'AFC-GE a eu confirmation de l'identité par la voie de l'entraide avec les autorités néerlandaises, dont les pièces n'ont pas à être écartées de la procédure. Le TAPI a retenu que M______ était une société proche d'D______ Luxembourg, puisqu'elles étaient détenues par le même actionnaire (N______), information transmise par les autorités luxembourgeoises s'agissant de l'identité de l'actionnaire d'D______ Luxembourg. Or, sans les pièces issues de l'entraide luxembourgeoise, plus rien ne permet de l'affirmer, puisque l'on ignore l'identité de l'ayant droit économique (actionnaire) d'L______, qui détient D______ Luxembourg. De surcroît, certains éléments tendent à démontrer qu'G______ et M______ ne sont pas des proches. Comme cela ressort des informations transmises par les autorités néerlandaises, ni J______ ni K______ ne sont administrateurs de M______, laquelle n'est pas non plus présentée dans les médias comme faisant partie du même groupe que le groupe G______. Même si son but, soit l'acquisition et le transfert de droits de propriété intellectuelle, se rapproche de celui de la recourante et d'D______ Luxembourg, il n'est en revanche pas similaire. Dès lors, à teneur du dossier, M______ doit être considérée comme une société indépendante.
Dans cette mesure, il doit être constaté, d'une part, que c'est la méthode de comparaison de prix interne que l'AFC-GE a utilisée et, d'autre part, que celle-ci était fondée, sur le principe, à y avoir recours, étant précisé que les parties ne contestent pas qu'il n'existe dans le domaine concerné aucun marché libre permettant une comparaison effective.
10.2.3 Comme exposé ci-avant, les annexes aux comptes d'D______ Luxembourg indiquent que celle-ci a conclu une convention de licence « know-how » dans laquelle elle s'est engagée à payer à M______ une redevance de 50% du chiffre d'affaires généré par la diffusion de logiciels bancaires et financiers.
L'AFC-GE était fondée à établir une comparaison sur la base de ce contrat. En effet, D______ Luxembourg a pour but principal de commercialiser le logiciel I______ et le contrat de licence « know-how » prévoit la diffusion par elle-même de logiciels bancaires et financiers, si bien que ledit contrat s'étend avec une vraisemblance confinant à la certitude à la diffusion du logiciel I______. On peut dès lors retenir que les caractéristiques du service (soit le facteur de comparaison) faisant l'objet de la convention de licence « know-how » sont identiques – ou à tout le moins très similaires – à l'objet de la convention du 3 juillet 1989 conclue entre la recourante et D______ Luxembourg. Dans cette mesure, les marchés concernés peuvent être considérés comme comparables.
10.2.4 En apportant ainsi la preuve que le taux de 60% s'écartait de 10% d'une transaction effectuée entre D______ Luxembourg et un tiers indépendant, l'AFC-GE a apporté un indice suffisant permettant de relever une disproportion dans les montants versés à D______ Luxembourg. Il y a dès lors une présomption de l'existence d'une distribution dissimulée de bénéfice et il appartenait à la recourante d'établir l'exactitude de ses allégations contraires.
À ce propos, la recourante a affirmé que l'activité des banques différait entre le Luxembourg et la Suisse, dans la mesure où la clientèle de la recourante se composait presque essentiellement de banques privées et où celle d'D______ Luxembourg se composait essentiellement de banques d'investissement et de banques privées ayant des activités axées sur les fonds de placement. Or, en plus de n'apporter aucune preuve de cette allégation, celle-ci apparaît contredite par les propos du directeur financier de la recourante, lequel a affirmé, le 27 mai 2013, que la clientèle était composée de tous les types de banques (banques privées, banques de détail, banques nationales etc.), sans toutefois établir de distinction selon le lieu de situation desdites banques. De surcroît, même si le logiciel est, selon la recourante, adaptable aux besoins spécifiques de chacun des clients, sa base reste la même.
Par ailleurs, on ne voit pas en quoi le fait que la recourante et D______ Luxembourg n'occupent pas la même fonction sur un plan juridique (D______ Luxembourg étant détentrice exclusive des droits de licence sur le logiciel et la recourante ne disposant que d'un contrat de sous-licence) ne permettrait aucune comparaison entre les deux marchés, et la recourante ne l'explique d'ailleurs pas. Ceci est d'autant moins vraisemblable que, dans les deux cas, tant la recourante qu'D______ Luxembourg, indépendamment de leur situation juridique ou contractuelle, paient chacune des redevances aux concédants pour la même activité.
La recourante allègue encore que les frais de développement ayant pour finalité de maintenir la valeur du logiciel, voire de l'améliorer, devraient être pris en compte pour déterminer le caractère de pleine concurrence de l'ensemble du contrat. Or, comme l'a relevé l'AFC-GE lors de l'entretien du 25 octobre 2016 sans être contredite par la recourante, les développements qui auraient été commandés par D______ Luxembourg à la recourante n'ont pas fait l'objet de cahiers des charges détaillés ni de validation au gré de l'avancement des travaux. Il n'est donc pas possible d'affirmer que les frais de développement payés par D______ Luxembourg à la recourante se trouveraient dans un rapport économiquement raisonnable avec les prestations fournies par la recourante. Par conséquent, il n'y a pas lieu de tenir compte de ce rapport d'échange, dont on peut raisonnablement douter, à teneur du dossier, qu'il respecte lui-même le principe de pleine concurrence.
Enfin, la recourante se réfère à l'expertise réalisée le 15 décembre 2014 par la prof. P______ pour affirmer que le taux de redevance appliqué (60%) respecterait le principe de la pleine concurrence. Selon cette expertise, son autrice a obtenu 18 informations différentes et indépendantes sur les marges des distributeurs. Quatorze se rapportent à des logiciels purs et quatre concernent des composants hardware, des parties hardware de réseaux ou des composants hardware intégrant du software (p. 7). La licence intervenue entre la recourante et D______ Luxembourg peut être considérée comme usuelle lorsque le distributeur est amené à apporter un réel soutien technique dans le développement de l'installation des logiciels concernées qui peuvent être adaptés aux besoins des clients et qui sont destinés à évoluer. Dans ce cas, une marge de 40% en faveur du distributeur, qu'elle porte sur les redevances ou la maintenance, peut non seulement être considérée comme se trouvant dans la norme pour les frais de maintenance, mais comme tout en haut de la fourchette, soit en faveur du distributeur, pour les redevances sur les licences (p. 13). Les quelques cas dans les tableaux figurant dans l'expertise se rapportant aux redevances sur licence où une marge de l'ordre de 50% au maximum est évoquée concernent soit des logiciels dont le prix des licences est de l'ordre de quelques centaines de francs contre quelques centaines de milliers de francs dans le cas d'I______, soit des systèmes complexes dont seuls quelques exemplaires sont commercialisés.
Il ressort de ce qui précède que l'experte privée a procédé à une comparaison avec divers logiciels, autres que le logiciel I______, présents sur plusieurs types de marchés pour arriver à la conclusion que, sous réserve du respect de certaines conditions, le taux de redevance appliqué (60%) entre la recourante et D______ Luxembourg respecterait le principe de la pleine concurrence. Ce faisant, elle a eu recours à la méthode de comparaison externe, qui consiste à comparer la transaction contrôlée avec une transaction similaire intervenue entre deux entreprises dont aucune n'est partie à la transaction contrôlée. Or, pour que cette méthode soit applicable, la ou les transactions qui servent de comparaison doivent être similaires. Tel n'est pas le cas de celles citées dans l'expertise privée, puisque, comme ne manque pas de le relever son autrice, les prix des logiciels utilisés pour la comparaison sont beaucoup moins élevés que celui du logiciel I______, d'une part. D'autre part, si l'expertise a certes pris en compte des « logiciels de niche dans le système de l'informatique bancaire et financière » notamment, de nombreux autres logiciels ont également été utilisés comme comparatifs, ceux-ci portant sur des domaines différents de l'activité informatique bancaire (« dessins assistés par ordinateur » ; « cartographie du sous-sol » ; « prospection minière » ; « modélisation des sols » notamment) et étant, pour certains, commercialisés auprès du grand public (« logiciels et solutions informatiques proposés par un des leaders mondiaux des réseaux » ; « logiciels graphiques d'utilisation grand public »), contrairement au logiciel I______. Les caractéristiques des services utilisés comme comparatifs n'étant ainsi pas similaires à celles du logiciel I______, le recours à la méthode de comparaison externe n'était pas fondé. Les conclusions de l'expertise privée ne sont dès lors pas pertinentes et celle‑ci n'est a fortiori pas susceptible de démontrer que le taux de redevance appliqué (60%) entre la recourante et D______ Luxembourg respecterait le principe de la pleine concurrence.
Par conséquent, et faute pour la recourante d'apporter la preuve du respect de principe de concurrence, c’est à bon droit que l’AFC-GE a réduit de 60% à 50% le montant des redevances versées à la D______ Luxembourg, admissible à titre de charge commerciale.
Pour le surplus, comme elle l'a fait devant le TAPI, la recourante demande que le montant des reprises soit diminué des frais que lui doit la société luxembourgeoise. Elle se fonde sur la comptabilité jointe à sa réclamation du 1er juillet 2021. Pour l'année 2010, elle fait valoir en déduction des sommes s’élevant à CHF 29'455'000.‑. Or, comme l'a retenu à juste titre le TAPI, les comptes en question, libellés « Redevances concessions Licences – D______ LUX », ne font qu’enregistrer les redevances versées à la société luxembourgeoise et ne font pas état des frais que cette entité lui aurait versés. Il n'y a donc pas lieu d'opérer la déduction demandée.
10.3 Dans un ultime grief, la recourante expose qu'D______ Luxembourg supporte d'importants frais en lien avec le logiciel I______. Elle soutient que la solution retenue par l'AFC-GE puis par le TAPI reviendrait à considérer D______ Luxembourg comme un simple intermédiaire n'apportant aucune valeur ajoutée, aucun de ses frais ne pouvant être intégrés dans sa propre facturation à la recourante. Il serait selon elle contraire à tous les principes en matière de prix de transfert que les frais importants de développement du logiciel assumés par D______ Luxembourg le soient gratuitement par la recourante. Le principe « dealing at arm's length » ne pouvait admettre que des dizaines de millions d'euros soient pris en charge par D______ Luxembourg sans refacturer le moindre franc en lien avec ces frais (sic).
Or, ce faisant, la recourante ne fournit aucune explication ni données chiffrées qui permettraient d'étayer son grief, à l'exception des coûts de développement informatiques externes de EUR 29'739'405.- supportés par D______ Luxembourg, ce qui ne permet toutefois pas d'apprécier la situation qu'elle décrit. Elle ne démontre du reste pas non plus que celle-ci serait réalisée. En toute hypothèse, on ne voit pas en quoi une telle situation apparaîtrait problématique au regard du principe « dealing at arm's length ». Le contrat de licence de 1989 prévoit expressément que la recourante se réserve le droit de compenser les montants que lui doit la société luxembourgeoise (frais de développement), en les déduisant directement des redevances. Il n'est pas exclu que les frais de développement soient supérieurs au montant des redevances. Dès lors, en raison de la compensation prévue dans le contrat, on peut parfaitement concevoir, sans que cela soit contraire au droit, que « des dizaines de millions d'euros soient pris en charge par D______ Luxembourg sans refacturer le moindre franc en lien avec ces frais ».
Les griefs seront donc écartés et les reprises effectuées par l’AFC-GE dans les bordereaux et les avis de taxation du 18 octobre 2022 pour l'année 2010, dont les montants ne sont pas contestés, seront confirmées.
En définitive, le recours sera partiellement admis, compte tenu de l'acquisition de la prescription du droit de taxer l'année 2009.
11. Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 2'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Cette dernière n'obtenant que très partiellement gain de cause, une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'AFC-GE (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
préalablement :
retranche du dossier les pièces issues de l'entraide luxembourgeoise ;
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 8 novembre 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2024 ;
au fond :
l’admet partiellement ;
annule les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 ;
confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
met un émolument de CHF 2'500.- à la charge d'A______ SA ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______ SA, à la charge de l’État de Genève ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Alexandre FALTIN, avocat de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
M. RODRIGUEZ ELLWANGER
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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