Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/53/2025 du 14.01.2025 sur JTAPI/750/2023 ( LCI ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2664/2010-LCI ATA/53/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 14 janvier 2025 |
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dans la cause
A______, B______, C______ et D______ SA recourants
représentés par Me Laurent WINKELMANN, avocat
contre
FONDS INTERCOMMUNAL D'ÉQUIPEMENT intimé
représenté par Me Alain MAUNOIR, avocat
et
E______ appelée en cause
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2023 (JTAPI/750/2023)
A. a. Saisi d’un recours déposé le 20 janvier 2020 contre un arrêt ATA/1713/2019 rendu le 26 novembre 2019 par la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative), le Tribunal fédéral a rendu, le 15 octobre 2020, un arrêt 2C_80/2020 (ci-après : arrêt de référence).
b. Les faits pertinents qui ont conduit au prononcé de cet arrêt peuvent être résumés comme suit.
Au début du mois de novembre 2009, A______, B______ et C______ ainsi que D______ SA (ci-après : les requérants) ont obtenu du département des constructions et des technologies de l’information, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou département), une autorisation de construire cinq immeubles d’habitation, avec commerces, garage souterrain et aménagements extérieurs, aux 9, 11, 13 et 15, chemin F______, sur la commune de G______ (DD 1______). Cette autorisation n’a pas fait l’objet d’un recours.
Le projet s’inscrivait dans le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 2______, adopté le 4 mai 2005 par le Conseil d’État et concrétisé. Ce PLQ, qui avait donné lieu à d’autres autorisations de construire, portait sur un périmètre qui bordait le cycle d’orientation F______ et le chemin H______, ce dernier se trouvant entre la route I______ et la route J______ et séparant la E______ (ci-après : E______) de la commune de K______. L’accès en voiture aux garages souterrains construits dans ce périmètre se faisait par le chemin précité et était limité aux ayants droit. Outre le PLQ susmentionné, trois autres PLQ portant les nos 3______, 4______ et 5______ ont respectivement été adoptés, le long dudit chemin, sur le territoire de E______, en février 1987, juillet 1987 et avril 2019, ce dernier n’ayant donné lieu à aucune autorisation définitive de construire.
Le 29 mai 2009, lors de la procédure d’autorisation de construire susmentionnée, l’ancienne direction générale de l’aménagement du DT a établi un document intitulé « Conditions d’application des normes de la zone de développement », qui a été signé le 15 juin 2009 par B______ et C______ en tant que propriétaires de l’ouvrage projeté. Sous une section « Conditions financières », le document présentait une rubrique relative à la taxe d’équipement public. Il était prévu que celle-ci s’élève à CHF 535'933.65, correspondant à une somme de CHF 44.45 par m² de surface brute de plancher (ci-après : SBP) en application du droit cantonal en vigueur. Le Conseil d’État a approuvé ce document par le biais d’un arrêté du 14 octobre 2009 dont il est déclaré faire partie intégrante.
L’aménagement du chemin H______ a fait l’objet d’une demande d’autorisation de construire accordée le 31 janvier 2013. Celle-ci a été contestée entre autres par trois des requérants jusqu’au Tribunal fédéral, qui leur a dénié la qualité pour recourir par arrêt du 9 janvier 2015 (1C_411/2014).
Le Conseil municipal de E______ a, par délibération du 14 mars 2016, décidé d’ouvrir, pour le réaménagement du chemin H______, un crédit brut de CHF 5'980'700.-, correspondant à un montant net de CHF 4'930'700.-, après déduction du « produit de la taxe d’équipement de CHF 1'000'000.- » et de la participation de CHF 50'000.- de la commune voisine pour les travaux situés sur son territoire. Le 19 septembre 2016, le DT a informé E______ de la libération en sa faveur de la somme de CHF 1'000'000.-, au titre de participation initiale de 80% aux travaux d’équipement relatifs à l’aménagement du chemin H______ en lien avec les PLQ nos 2______, 4______ et 3______. Les travaux relatifs au réaménagement du chemin H______ ont commencé en janvier 2018. Ils ont duré environ une année.
Dans l’intervalle, le 2 juillet 2010, le DT a adressé aux requérants une facture n° 6______ de CHF 535'933.65 concernant la taxe d’équipement public, fixée en fonction d’une SBP de 12'057 m² à CHF 44.45 le m².
Le 5 août 2010, les quatre intéressés ont recouru auprès de l’ancienne commission cantonale de recours en matière administrative – devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) – contre cette facture en concluant à son annulation. Après la réponse du département, l’instruction de cette procédure de recours a été suspendue, sur demande commune des parties, par sept décisions successives prises entre le 8 décembre 2010 et le 20 mars 2017.
Le 23 mars 2017, le département a informé le TAPI que la nouvelle loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) relative à la taxe d’équipement – entrée en vigueur le 1er janvier 2017 – transférait ses tâches dans ce domaine au Fonds intercommunal d’équipement (ci-après : FIE), nouvellement créé sous la forme d’une fondation de droit public dotée de la personnalité juridique. Celui-ci devait lui succéder en tant que partie à la procédure de recours en cours.
Le 22 mai 2018, E______ a demandé à être appelée en cause dans la procédure de recours, ce que le TAPI a refusé le 23 juillet 2018.
Par jugement JTAPI/1274/2018 du 20 décembre 2018, le TAPI a rejeté le recours des consorts. Ceux‑ci ont recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative qui a rejeté leur recours par l’ATA/1713/2019 précité.
c. Dans la partie en droit de l’arrêt de référence, le Tribunal fédéral a retenu que la chambre administrative avait violé le droit fédéral en confirmant la taxe d’équipement litigieuse, sans déterminer, dans un premier temps, qui, de E______ ou du FIE, était responsable de l’équipement et de son financement au sens du droit cantonal, ni vérifier, dans un deuxième temps, de manière comptable, que le principe de la couverture des frais était en l’espèce respecté à l’échelle de cette entité (consid. 6.7), eu égard notamment à la thésaurisation importante de cette taxe, tant à l’échelle cantonale que communale (consid. 6.6.5).
Il a ainsi annulé l’arrêt de la chambre administrative et lui a renvoyé la cause pour qu’elle contrôle si la taxe d’équipement litigieuse respectait le principe de la couverture des frais et, dans la négative, qu’elle corrige cette contribution de façon à en assurer la conformité audit principe.
B. a. À la suite de l’arrêt de référence, la chambre administrative a interpellé les parties quant à l’appel en cause de E______. Le FIE y était favorable, contrairement aux requérants. La chambre administrative a appelé en cause E______ par arrêt du 24 novembre 2020 (ATA/1185/2020).
b. Le 18 janvier 2021, E______ a conclu au rejet du recours, à la confirmation de la facture litigieuse et au renvoi de la cause au TAPI pour instruction du principe de la couverture des frais. Elle a, à titre subsidiaire, sollicité l’octroi d’un délai de deux mois pour établir les coûts d’équipement qu’elle avait assumés sur son territoire ainsi que tout autre élément de nature à démontrer le respect dudit principe.
L’examen du principe de la couverture des frais devait prendre en compte l’ensemble des coûts d’équipement qu’elle avait assumés sur son territoire, et non uniquement ceux supportés pour le chemin H______. Les coûts d’équipement n’étaient toutefois pas identifiés en tant que tels, de manière séparée, dans les comptes de E______. La production des coûts globaux d’équipement n’était pas aisée et nécessitait un examen détaillé des coûts supportés à l’échelle de la commune. S’agissant de la nature des travaux couverts par la taxe d’équipement, il convenait de se référer aux considérants de l’ATA/1713/2019, non contestés sur ce point par devant le Tribunal fédéral et donc définitifs à l’égard des requérants. Enfin, s’agissant du principe de l’équivalence, ce grief, qui n’avait pas été porté devant le Tribunal fédéral, avait été rejeté définitivement dans l’ATA/1713/2019.
c. Le 10 mars 2021, le FIE a aussi conclu au rejet du recours, à la confirmation de la facture litigieuse et au renvoi de la cause au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
L’examen devait s’effectuer sur la base des recettes globales et des coûts globaux assumés par la commune concernée en matière d’équipements routiers au sens large. Le critère temporel n’était pas non plus indifférent, puisque les parcelles concernées par l’autorisation de construire DD 1______, à l’origine de la taxe d’équipement litigieuse, étaient implantées en zone de développement 3 depuis la fin des années 1950 et avaient, à ce titre, bénéficié depuis plus de 60 ans d’une amélioration importante et continue des équipements routiers, paysagers et de transports, notamment, tous entièrement financés par la collectivité publique.
d. Le 11 mars 2021, les requérants ont conclu à la prescription de la taxe d’équipement litigieuse au plus tard depuis le 2 juillet 2020 et à l’admission du recours. À titre subsidiaire, ils ont conclu au renvoi de la cause au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
e. Le FIE a considéré que la taxe d’équipement litigieuse n’était pas prescrite. E______ a adopté le même avis que le FIE sur la question de la prescription. Les requérants ont maintenu leur position.
f. Par arrêt ATA/705/2021 du 6 juillet 2021, qui n’a porté que sur la question de la prescription de la taxe litigieuse dès lors que les parties avaient convenu que la cause devait être renvoyée au TAPI, la chambre administrative a admis partiellement le recours interjeté le 1er février 2019 contre le jugement du TAPI du 20 décembre 2018, annulé ledit jugement et renvoyé la cause au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants de l’arrêt de référence. La taxe d’équipement litigieuse n’était pas encore atteinte par la prescription de dix ans prévu à l’art. 11D du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 (RGZD - L 1 35.01), lequel ne courrait pas pendant la procédure de recours formé contre la facture du 2 juillet 2010. La chambre administrative a retourné le dossier au TAPI le 7 octobre 2021.
C. a. Le 30 novembre 2021, le TAPI a procédé à l’audition des mandataires.
La représentante de E______ a indiqué que, sauf erreur, le département était encore en possession de fonds provenant de taxes d’équipement par commune et ce jusqu’au 31 décembre 2021, date à laquelle l’ensemble de ces fonds serait transféré au FIE et donc mutualisé. Lorsqu’elle demandait des subventions au FIE, celles-ci provenaient du montant à disposition de E______ en mains du département.
Selon le conseil du FIE, le calcul de la couverture des frais devait se faire en comparant le montant des taxes d’équipement facturées et le coût effectif de l’équipement public, subventionné ou non, pour l’ensemble du canton conformément au nouveau droit, avis que la représentante de E______ a indiqué partager.
Selon le conseil des requérants, le calcul devait se faire en comparant le montant des taxes d’équipement facturées sur le territoire de E______ et le montant des subventions versées à E______, ceci au niveau du département ou du FIE. L’ancien ou le nouveau droit n’avait aucune incidence sur la manière de vérifier si le principe de la couverture des frais était respecté.
b. Le 9 décembre 2021, le TAPI a ordonné aux parties intimées de produire différents tableaux et pièces justificatives, portant sur la période du 1er juillet 2010 (facture litigieuse) au 31 octobre 2020 (arrêt de référence), permettant de procéder au contrôle du respect du principe de la couverture des frais à l’échelle de E______.
c. Le 31 mars 2022, le FIE a transmis au TAPI un tableau récapitulatif des taxes d’équipement facturées (total : CHF 19'041'471.47) et des subventions accordées à E______ (total : CHF 5'973'818.55) pendant la période considérée (pièce 21 du chargé du FIE).
Conformément à l’art. 12 al. 7 LGZD, tous les fonds précédemment détenus par le département pour l’ensemble des communes avaient été reversés au FIE à l’issue du délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2017. Au jour de l’institution du FIE, le 1er janvier 2017, l’état du compte de E______ auprès du département s’élevait à CHF 3'647'212.48.
De 2017 à 2021, les données devaient être complétées, afin de tenir compte de la mutualisation des ressources et des dépenses, telle que voulue par le Grand Conseil lors de l’adoption de la loi n° 11'783. Sur cette période, les subventions versées à l’ensemble des communes genevoises (CHF 39'611'948.10) étaient supérieures aux taxations facturées par le FIE (CHF 33'195'807.90). Au 31 décembre 2021, le déficit cumulé par le FIE à ce titre était d’environ CHF 6'400'000.-. En ajoutant les autres charges et revenus de fonctionnement du FIE pendant la même période, le déficit d’exploitation s’élevait à environ CHF 8'600'000.- à fin 2021.
Au 1er janvier 2022, compte tenu de ce transfert, la fortune du FIE s’élevait à CHF 42'170'847.37. Ce montant servirait à financer des aménagements routiers (ou relatifs à l’espace public), à l’intérieur de plusieurs nouveaux quartiers qui avaient déjà fait l’objet de changements de zone ou pour lesquels un tel changement était prévu prochainement. Selon les projections établies à ce stade, les futurs coûts de ces aménagements dépasseraient très sensiblement les versements à percevoir, pendant les prochaines années, au titre de la taxe d’équipement. Ainsi, les demandes de subventions en traitement auprès du FIE, ou qui seraient prochainement déposées par les communes concernées, s’élèveraient à un total de CHF 40'000'000.-, montant avant étude complète des dossiers et sous réserve de l’acceptation finale du conseil du FIE.
d. Le 31 mars 2022, E______ a transmis au TAPI un tableau des dépenses et des recettes (pièce 1 du chargé de E______ - tableau A), un tableau des données brutes pour l’ensemble des projets (pièce 2 du chargé de E______ - tableau B), ainsi que des extractions de sa comptabilité, comportant l’ensemble des dépenses et recettes y relatives pour chacun des projets.
La totalité des dépenses relevait de crédits d’investissement. Comme les projets concernés avaient parfois commencé avant le 1er juillet 2010, ou s’étaient terminés après cette date, voire étaient encore en cours, le tableau A différenciait les dépenses faites durant la période du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2020 (CHF 32'269'311.-), les dépenses relatives aux mêmes projets mais antérieures à cette période (CHF 730'086.-), ainsi que les dépenses postérieures (CHF 6'514'840). Une colonne portait sur les dépenses engagées au 1er mars 2022, mais non encore payées (CHF 6'323'020.-). Ces différentes colonnes permettaient ainsi d’avoir une vue d’ensemble des dépenses relatives aux projets qui s’étaient, en totalité ou en partie, déroulés pendant la période concernée.
S’agissant des recettes, elle avait notamment différencié celles déjà obtenues (CH 5'466'133.-, y compris une subvention de CHF 261'964.- versée en 2021), celles qui avaient fait l’objet d’une demande auprès du FIE mais qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une décision de ce dernier (CHF 25'382'523.-), ainsi que celles qui avaient déjà fait l’objet d’une décision d’octroi mais n’avaient pas encore été formellement versées à E______ (CHF 769'650.-).
S’agissant du moment de réalisation des travaux, les indications se basaient sur la date des dépenses de chaque projet, étant précisé qu’il pouvait y avoir un léger décalage entre le moment de la réalisation des travaux ou d’une prestation et sa facturation.
Les projets pris en compte étaient les suivants :
1) L______ - PR-7______ votée le 23 mai 2011 : réalisation d'un trottoir en béton et sécurisation d'une traversée piétonne. Réalisation en 2012, modifications du trottoir en 2016 ;
2) M______/N______/O______ - PR-8______ votée le 22 février 2012 : travaux d'adaptation des infrastructures à la suite du développement des PLQ nos 14______ et 15______, comprenant la reconstruction ponctuelle de l'infrastructure (fondation) de la chaussée, la création de continuités piétonnes, l'élargissement de trottoirs et de divers aménagements paysagers. Réalisation en 2012 et 2013 ;
3) P______ - PR-9______ votée le 26 septembre 2011 : travaux de réaménagement du chemin des P______ avec reprise de l'infrastructure et de la superstructure ; réalisation d'un trottoir côté commune Q______ et d'un mail piétons/cyclistes de 3,50 m de large, côté E______, protégé de la circulation par un terre-plein végétalisé de 2 m minimum de largeur comprenant des places de stationnement pour vélos ; modification de la géométrie du carrefour P______/R______, afin d'intégrer le nouveau trafic piétons/cyclistes ; abattages et plantations. Réalisation en 2012 et 2013 ;
4) S______/T______ - PR-10______ (arrêté V) votée le 24 juin 2008 : travaux de modération de trafic, d'aménagement d'espaces publics et d'entretien de chaussée dans le quartier de T______ ; prolongation, élargissement et abaissement de trottoirs ; création de plusieurs passages pour piétons ; redisposition des places de stationnement par la construction de plusieurs éléments modérateurs ; mise en place de deux coussins berlinois. Réalisation en 2009 et 2010 ;
5) Allée U______ - PR-11______ votée le 23 mai 2011 : aménagement des espaces publics cédés à E______ conformément au PLQ n° 16______ ; réaménagement de l'allée du U______ dans sa partie nord-ouest et nord-est avec élargissement du trottoir à 4m60 ; création d'une nouvelle place ; réorganisation de la circulation ; arborisation. Réalisation entre 2011 et 2013 ;
6) V______ - PR-12______ votée le 17 décembre 2008 : aménagement en rue résidentielle du tronçon public du chemin V______, en accompagnement notamment du PLQ n° ______ ; création d'une zone de rencontre. Réalisation en 2015 ;
7) W______ - PR-10______ arrêté III voté le 25 juin 2008 : travaux de modération du trafic et d'aménagement d'espaces publics ; réalisation de trottoirs traversants. Réalisation en 2010 ;
8) Chemin X______/Y______/Z______ - PR-13______ votée le 4 avril 2017 : aménagement des voiries et trottoirs suite à la réalisation de plusieurs PLQ des AA______. Réalisation en 2019 et 2020 ;
- Chemin de X______ : aménagement des cessions au domaine public prévues par les PLQ ; élargissement et réaménagement complet du chemin de X______ ; aménagement de places de stationnement et abaissement de trottoirs ; pose d'un coussin berlinois ; aménagement de trottoirs ;
- Chemin des Y______ : création et aménagement d'un large trottoir, aménagement de places de stationnement voitures et deux-roues et installation d'épingles à vélos ; pose d'un coussin berlinois ; aménagement de zones de détente le long du trottoir ; création d'un trottoir traversant ;
- Chemin de la Z______ : aménagement d'un trottoir et de places de stationnement voitures et deux-roues ainsi que pose d'épingles à vélos, plantations ;
9) AB______ (AC______/AD______) - PR-17______ votée le 28 avril 2010 : aménagement d'un chemin piétonnier et cyclable, reliant la rue AB______ et la route de AE______ par la rue des AC______ et la rue de la AD______, en accompagnant du développement du quartier de la AD______, objet de plusieurs PLQ. Réalisation en 2011 et 2012 ;
10) AF______ - PR-18______ votée le 24 juin 2014 : réaménagement du chemin AF______, en accompagnement du développement du quartier ; aménagement de façade à façade favorisant la circulation des mobilités douces et des personnes à mobilité réduite avec des parties carrossables accessibles uniquement aux ayants‑droit ; création de deux trottoirs traversants. Réalisation en 2015 et 2016 ;
11) H______ - PR-19______ votée le 14 mars 2016 : réaménagement complet du chemin H______, en accompagnement de la densification du quartier, et plus particulièrement du développement des PLQ nos 2______, 4______ et 3______ ; aménagement des cessions inscrites dans les PLQ ; élargissement et création de trottoirs ; redimensionnement de la rue en vue de l'amélioration de la sécurité et du confort en particulier des piétons ; création d'un cheminement piéton en retrait de la rue ; plantations. Réalisation en 2018 et 2019 ;
12) AH______ - PR-20______ délibération Il votée le 7 février 2018 : travaux d'aménagement des espaces publics des abords de la AJ______ AH______, en accompagnement de la modification et du développement du quartier (nouvelle AJ______, galerie marchande, logements et bureaux, équipements socio-sportifs, crèche, Théâtre de la AI______) ; aménagement de la place de la AJ______, de l'avenue de la AJ______, de plusieurs parvis et du « barreau » AK______. Les prestations d'étude avaient commencé en 2012. Les travaux avaient commencé en 2018 et étaient en cours ;
13) AL______ - PR-21______ votée le 11 avril 2018 : aménagement de la cession au domaine public inscrite dans le PLQ n° 22______, par la création d'un plateau surélevé au chemin du AL______ ; création d'un chemin pour piétons et cycles. Réalisation en 2019 ;
14) AM______ (AN______/AO______) - PR votée le 7 mars 2018 : modification et requalification complète de la chaussée des avenues AN______ et AO______, en accompagnement du développement des PLQ nos 23______, 24______, 25______, 26______, 27______ et 28______, incluant la modification de l'axe de la chaussée, des reprises d'encaissement, la construction de nouvelles bordures ; création d'une bande multifonctionnelle le long de la rue, pouvant s'adapter aux futurs développements, et accueillant des plantations, du stationnement et des dégagements pour le croisement de véhicules ; création de trottoirs de 2.5m de large ; plantation de groupements d'arbres majeurs. Les travaux avaient démarré en automne 2020 et étaient en cours. Les études avaient commencé en 2018 ;
15) AP______ - PR votée le 8 septembre 2021 : réaménagement de la route des AP______ et d'un tronçon de l'avenue AQ______, en accompagnement du développement du quartier de T______ et de AR______ ; rétrécissement de la chaussée ; élargissement des trottoirs et création de trottoirs traversants ; réorganisation des traversées piétonnes et création d'espaces conviviaux pour les piétons ; création d'une piste cyclable continue ; réorganisation du stationnement ; réaménagement complet du carrefour route des AP______ - avenue AQ______ ; plantations. Les travaux devaient démarrer à l'automne 2022. Une partie des études avaient eu lieu entre 2007 et 2010, puis à partir de 2013.
e. Le 19 juillet 2022, les requérants se sont déterminés, persistant dans leurs conclusions.
Les informations transmises par le FIE étaient imprécises et lacunaires et les données manifestement filtrées pour les besoins de la cause. Pour vérifier et interpréter ces informations, une comparaison avec les renseignements contenus dans les rapports de gestion annuels du FIE était nécessaire.
Au regard des considérants de l’arrêt de référence, il convenait de déterminer l’entité responsable de l’équipement et de son financement. En l’occurrence, celle‑ci était la commune sur le territoire de laquelle était érigée la construction autorisée. S’agissant du financement, jusqu’au 31 décembre 2016, il était du ressort du canton, soit pour lui le département. L’examen du respect du principe de la couverture des frais pour les taxes facturées jusqu’à cette date devait toutefois être effectué séparément pour chaque commune, dès lors que le produit des taxes d’équipement n’était pas mutualisé entre celles-ci. À compter du 1er janvier 2017, l’entité responsable du financement était le FIE et l’examen du respect du principe de la couverture des frais pour les taxes d’équipement facturées à compter de cette date devait être conduit à l’échelle intercommunale. Compte tenu de ce changement, il convenait donc d’examiner séparément les périodes antérieures et postérieures à la constitution du FIE, en tenant compte de la mutualisation des ressources à compte du 1er janvier 2017.
Le principe de la couverture des frais était violé au regard du système en vigueur avant la création du FIE, dès lors que le produit global de la taxe d’équipement prélevée pour E______ dépassait largement les subventions accordées à cette dernière. Entre 2010 et 2016, le département n’avait en effet rétrocédé à E______ que 39% des taxes d’équipement « encaissées » pour son compte. En moins de dix ans, le département avait ainsi amassé, pour le seul compte de E______, plus de CHF 8'300'000.- en taxes d’équipement non rétrocédées. À une seule exception, tous les exercices avaient été largement bénéficiaires, ce qui montrait une tendance claire à l’excédent (thésaurisation).
S’agissant des besoins futurs prévisibles, si le Tribunal fédéral n’indiquait pas sur quelle période ceux-ci devaient être pris en considération, il était douteux que leur prise en compte doive s’étendre sur plus de sept ans, soit au-delà de l’année 2016. Au contraire, le fait que durant la période de 2010 à 2016, plus de CHF 8'300'000.- avaient été accumulés pour le seul compte de E______ auprès du département suffisait à établir à satisfaction de droit que l’encaissement de la taxe litigieuse aurait conduit à la constitution de réserves excédant les besoins futurs prévisibles de E______ en matière de subvention.
S’agissant du déficit cumulé d’environ CHF 6'400'000.- au 31 décembre 2021 dont faisait état le FIE, il était exclusivement dû au mauvais résultat de l’année 2021 et n’était donc pas représentatif de la gestion du FIE. Surtout, les chiffres présentés n’exposaient que très imparfaitement la réalité, puisqu’ils ne tenaient pas compte des dotations importantes reçues par le FIE durant les années 2017 à 2021. Ces dotations avaient été intégrées à la fortune du fonds, laquelle était passée de CHF 16'000'000.- en 2017 à CHF 42'200'000.- en 2021. De telles réserves étaient absolument excessives pour couvrir les besoins futurs prévisibles de la branche. Aussi, pour autant que la période postérieure au 31 décembre 2016 fût pertinente pour examiner la taxe litigieuse sous l’angle du principe de la couverture des frais, force était de constater que le FIE disposait de réserves immenses, bien supérieures aux besoins futurs prévisibles. La création du FIE, en 2017, n’avait ainsi pas mis fin à la thésaurisation du produit des taxes d’équipement, au contraire.
f. Le 30 septembre 2022, le FIE s’est déterminé, persistant dans ses conclusions.
Les montants annuels totaux mentionnés comme « taxations facturées » étaient effectivement des « encaissements » pour des projets situés sur le territoire de E______. Durant les années 2017 à 2019, le canton avait continué à encaisser une partie de ces taxes, selon un régime transitoire ayant débuté avec la création du FIE à partir du 1er janvier 2017.
Le montant à disposition de E______ entre « le 31 décembre 2016 et le 1er janvier 2017 » n’avait pas changé et s’élevait à CHF 3'647'212.48.
Les « dotations » correspondaient à des versements régulièrement opérés par le département au débit des comptes tenus pour les communes. Au 31 décembre 2016, le total des comptes communaux s’élevait à CHF 36'039'306.-. Ce montant avait ensuite quelque peu augmenté jusqu’à fin 2020 pour atteindre CHF 50'150'701.-. Pendant la même période (fin décembre 2016 – juin 2022), le département avait opéré des versements en faveur du FIE, de façon à réduire ce solde global. À ce jour, l’État ne détenait plus de fonds constitués de taxes d’équipement perçues pour le compte des communes.
Les montants à disposition de E______ dans les comptes tenus par le département, à la fin de chaque année, étaient les suivants :
CHF 3'524'225.87 au 31 décembre 2010 ;
CHF 5'631'246.42 au 31 décembre 2011 ;
CHF 6'185'120.67 au 31 décembre 2012 ;
CHF 6'477'177.- au 31 décembre 2013 ;
CHF 5'433'614.45 au 31 décembre 2014 ;
CHF 5'595'058.08 au 31 décembre 2015 ;
CHF 3'647'212.68 au 31 décembre 2016.
La commune était bien l’entité responsable de l’équipement. Le financement était assuré par la perception de la taxe d’équipement, étant précisé que le FIE détenait les compétences de rendre les décisions de taxation, puis de procéder à leur recouvrement. La rétrocession du produit de ces taxes s’opérait sur la base des demandes de financement présentées au FIE par les communes intéressées.
Il ressortait du tableau A (pièce 1 du chargé de E______) que les coûts d’équipement assumés par cette dernière étaient nettement supérieurs au produit total des taxes d’équipement encaissées pendant la même période ; le taux de couverture était même inférieur à 60%. Le principe de la couverture des frais était donc respecté.
Le total des subventions n’était aucunement révélateur des coûts de travaux d’équipement réellement assumés et ne démontrait pas davantage que le principe de la couverture des frais aurait été violé. La comparaison faite par les requérants avec le total des subventions versées révélait tout au plus que certaines communes n’avaient pas pu, ou voulu, demander la rétrocession de montants qui avaient été encaissés pour leur compte. Elle résultait également du décalage temporel existant entre le moment où la taxe d’équipement était facturée puis encaissée, et le moment où les travaux d’équipement collectif étaient réalisés par la commune concernée. Ce décalage pouvait parfois s’étendre sur plusieurs années, comme l’illustrait l’état de faits de la présente cause. Quoi qu’il en fût, le montant conservé par le département, puis désormais par le FIE, serait bel et bien utilisé, à terme, pour financer de nombreux et importants travaux d’équipement public liés à des projets d’aménagement réalisés dans les zones de développement en 2020 ou 2021 et dans les années à venir. Depuis le 1er avril 2022, trois dossiers supplémentaires de E______ avaient d’ailleurs obtenu des financements de la part du FIE, pour un montant total de CHF 7'316'256.20 et d’autres dossiers étaient en attente auprès du FIE pour un montant approximatif dépassant CHF 20'000'000.-.
g. Le 30 septembre 2022, E______ s’est déterminée, persistant également dans ses conclusions.
Le montant à disposition de E______ au 31 décembre 2016 s’élevait à CHF 3'647'212.-.
Au regard du principe de la couverture des frais, le montant des subventions effectivement versées n’était pas pertinent, dès lors qu’il n’était pas directement comparable aux dépenses assumées et prévisibles. Les subventions pouvaient en effet être versées avec un certain décalage, en raison de l’étape intermédiaire existante du fait que c’était l’État, et non les communes, qui prélevait les taxes. Elles ne couvraient par ailleurs pas la totalité des dépenses prévisibles.
La prise en compte des dépenses prévisibles permettait de compenser en partie le décalage entre le moment de la taxation et le moment où les travaux d’équipement étaient réellement entrepris. Dans la zone de développement, qui était déjà construite et comprenait des voies de circulation liées à la zone villa préexistante, le décalage entre ces deux moments pouvait être particulièrement important. Il dépendait notamment du rythme de développement d’un quartier, mais également des procédures liées aux travaux d’équipement.
Si l'on se plaçait au moment de la taxation, intervenue en juillet 2010, la situation était la suivante : au 31 décembre 2009, le montant à disposition de la commune était de CHF 2'986'492.72, les dépenses prévisibles s'élevaient au minimum à CHF 11'491'467.- et le montant des subventions obtenues pour les travaux prévisibles s’était élevé à CHF 5'528'447.60, étant précisé que la subvention totale octroyée pour le projet du chemin H______ s’était élevée à CHF 2'109'354.60 (dont à déduire l’acompte de CHF 1'000'000.- déjà reçu). Ainsi, il devait être constaté qu’à la date d’émission de la taxe litigieuse, le montant à disposition de E______ en provenance de la taxe d'équipement était largement inférieur au montant des dépenses assumées et prévisibles, ainsi qu'au montant des subventions reçues en lien avec ces dépenses. C’était donc à tort que les requérants soutenaient que le principe de la couverture des frais était violé au moment de l’émission de la facture.
Elle détaillait dans une liste les dépenses prévisibles au 1er juillet 2010 pour huit tronçons routiers, dont le chemin H______. Pour ce dernier, les travaux étaient directement liés à la taxation litigieuse et induits notamment par le développement du PLQ dans lequel s’inscrivaient les immeubles construits par les requérants. L’autorisation de construire portant sur le chemin H______ avait été déposée en juillet 2011. Les dépenses d’études antérieures à la date d’émission de la taxation litigieuse démontraient que le projet était déjà en cours et que les dépenses étaient donc prévisibles. La proposition de crédit PR-19______ avait porté sur un montant de CHF 5'980'700.-, retenu ici à titre de dépense prévisible.
Cette liste avait été établie principalement sur la base des dates de dépôt des propositions de crédit devant le Conseil municipal ou de leur vote, ainsi que des indications figurant dans les propositions quant aux études. Elle n’était donc pas exhaustive.
À supposer que le respect du principe de la couverture des frais dût s’examiner aussi au regard de la situation après la constitution du FIE, différents éléments devaient être pris en compte. En particulier, du fait que les travaux d’équipement étaient à la charge des communes alors que la gestion de la taxe était du ressort du FIE, on ne pouvait se baser sur la seule fortune du fond pour déterminer si le principe de la couverture des frais était violé. Il y avait en effet nécessairement un décalage entre le moment où une commune effectuait ou prévoyait des travaux d'équipement et le moment où elle percevait les subventions y relatives. Ainsi, une partie importante de la fortune du fonds devait être considérée, non pas comme une réserve pour des besoins futurs prévisibles, mais comme des provisions pour des dépenses déjà assumées ou engagées par les communes.
E______ a produit des extraits comptables de son compte auprès du département ainsi qu’un tableau A corrigé et complété, à teneur duquel, notamment, les demandes déposées auprès du FIE au 1er mars 2022 s’élevaient, après correction, à CHF 29'985'891.-. Ce tableau comprenait également une colonne sur les dépenses prévisibles au 1er septembre 2020 (pièce 21 du chargé de E______).
h. Par écriture du 25 janvier 2023, les requérants ont persisté dans leurs conclusions.
La liste dressée par E______ des dépenses d’équipement prévisibles au 1er juillet 2010 était dénuée de pertinence, dans la mesure où les dépenses en question n’avaient été que très partiellement financées par le produit de la taxe d’équipement. Par ailleurs, les soldes du compte de E______ au 31 décembre des années 2009 à 2016 ne tenaient pas compte des rectifications de subventions intervenues en 2019, ni de la taxe litigieuse. Enfin, si les dépenses futures du FIE devaient être prises en compte pour évaluer l’adéquation des réserves, il conviendrait alors également de tenir compte des revenus prévisionnels issus de la taxe d’équipement.
i. Par écriture du 15 mars 2023, le FIE a persisté dans ses conclusions.
Il a produit un tableau de sa comptabilité pour la période 2017-2022 duquel il ressortait notamment que le résultat annuel du FIE avait été déficitaire en 2018, 2020, 2021 et 2022, ainsi qu’un tableau « projection sur 5 ans 2023-2027 » selon lequel la situation devrait être nettement déficitaire à partir de 2025 et la fortune du FIE au 21 décembre 2022 entièrement absorbée à fin 2026.
j. Par écriture du même jour, E______ a également persisté dans ses conclusions.
D. a. Par jugement du 29 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.
Conformément à l’arrêt de la chambre administrative du 6 juillet 2021 (ATA/705/2021), il convenait, dans un premier temps, de déterminer l’entité étatique responsable de l’équipement et de son financement et, dans un second temps, de vérifier de manière comptable si le principe de la couverture des frais était respecté à l’échelle de cette entité.
b. Dans sa teneur applicable en juillet 2010, l’art. 11 aRGZD (« calcul ») disposait que la taxe d’équipement était due par chaque propriétaire ou superficiaire à raison de l’importance des SBP assignées à sa parcelle, selon l’autorisation de construire considérée (al. 1). Elle se montait en principe à CHF 40.- le m2 de SBP à créer (al. 2), montant régulièrement adapté à l’indice suisse des prix de la construction (al. 5), et ne devait pas excéder 2.5% du coût de construction de l’ouvrage projeté (al. 4).
En juillet 2010, date de la facture litigieuse, son montant s’élevait à CHF 44.45 le m2. Dans la mesure où les SBP résultant de l’autorisation de construire en cause (DD 1______) correspondaient à 12'057 m2, ce qui était admis par les requérants, le montant de la taxe d’équipement était de CHF 535'933.65.
c. Restait à déterminer si ce montant, calculé selon la méthode forfaitaire prévue par l’ancienne réglementation, respectait le principe de la couverture des frais, étant relevé qu’il n’était pas contesté que les requérants étaient les débiteurs de la taxe litigieuse (art. 3A al. 1 et 2 LGZD, ni que celle-ci était inférieure au plafond fixé à 2.5% du coût de la construction autorisée (art. 3A al. 2 LGZD, art. 11 al. 4 aRGZD).
Dans l’arrêt de référence, le Tribunal fédéral avait rappelé que le contrôle du respect du principe de la couverture des frais – notamment lors du prélèvement d’une taxe d’équipement – passait en principe par un examen concret des postes comptables de la collectivité qui fournissait la prestation (consid. 6.4), étant précisé qu’il appartenait à l’autorité taxatrice, qui en supportait le fardeau, d’établir comptablement que le principe de la couverture des frais était respecté.
Pour ce faire, et au regard des considérants de l’arrêt précité, il convenait de déterminer qui, de E______ ou du FIE, devait être considéré comme responsable de l’équipement et de son financement, entité à l’échelle de laquelle devait ensuite être apprécié le principe de la couverture des frais.
c.a. Il n’était pas contesté que l’entité responsable de l’équipement était la commune sur le territoire de laquelle était érigée la construction autorisée (art. 3C al. 1 LGZD ; arrêt de référence consid. 6.6.3), soit en l’espèce E______. Le financement était assuré, jusqu’à concurrence de 75% des coûts des projets d’équipement, par la perception de la taxe d’équipement, qui constituait une participation des propriétaires fonciers aux coûts d’équipement. Si, depuis le 1er janvier 2017, c’était le FIE qui était chargé de percevoir la taxe et la redistribuer (art. 3B al. 4 et 5 LGZD), les communes finançaient directement les travaux d’équipement.
S’agissant du respect du principe de la couverture des frais, une distinction devait être faite selon la période considérée. Jusqu’au 31 décembre 2016, il était acquis que les recettes de taxation étaient séparées commune par commune, chaque commune disposant d’un compte propre, tenu par le département, duquel étaient prélevées les subventions pour financer leurs travaux d’équipement. La révision législative, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, avait mis fin à ce système, en prévoyant désormais une mutualisation des recettes de la taxe d’équipement au niveau intercommunal.
Cette mise en commun du produit des taxes d’équipement avait pour conséquence que le contrôle du respect du principe de la couverture des frais devait se faire à une échelle territoriale différente selon la période considérée (avant ou après l’institution du FIE) : celui-ci s’effectuerait au niveau communal pour les taxes d’équipement facturées jusqu’au 31 décembre 2016, dès lors que les taxes d’équipement étaient prélevées séparément pour chaque commune, respectivement au niveau intercommunal pour les taxes d’équipement facturées à compter du 1er janvier 2017, conformément à la volonté du législateur de mutualiser les ressources provenant de la taxe d’équipement pour en permettre une meilleure allocation entre les communes. Dans la présente cause, la décision de taxation avait été rendue le 2 juillet 2010, de sorte que le respect du principe de la couverture des frais devait être examiné à l’échelle de la commune.
Par ailleurs, et conformément à l’arrêt de référence, qui retenait qu’un examen quartier par quartier du principe de la couverture des frais ne serait que difficilement conciliable avec l’art. 3A al. 2 LGZD qui prévoyait la perception de taxes d’équipement même lorsque le projet ne nécessitait pas de travaux d’équipement de la part de la collectivité (consid. 6.6.3), c’était bien sur la base de l’ensemble des coûts d’équipement assumés par E______ sur son territoire que cet examen devait s’effectuer, et non des seuls coûts supportés pour le chemin H______.
Sous l’angle temporel, compte tenu notamment du fait que l’aménagement des zones de développement évoluait constamment, il s’avérait nécessaire de définir une période de temps sur laquelle devrait porter l’examen du respect du principe susmentionné. En l’occurrence, il apparaissait judicieux de limiter son examen à la période allant de juillet 2010 (date d’émission de la facture litigieuse) à octobre 2020 (date de l’arrêt de référence), ce à quoi les parties ne s’étaient pas opposées.
c.b. Restait à vérifier, sur la base des données transmises par les parties intimées, si la taxe d’équipement litigieuse respectait le principe susmentionné.
Pour la période du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2020, les dépenses brutes d’équipement consenties par E______ s’élevaient à un montant total de CHF 32'269'311.-, étant relevé que ni la nature des travaux, ni leurs coûts – détaillés dans les écritures et pièces produites par E______ – n’étaient contestés par les requérants. Pendant la même période, le total des taxations encaissées par le département, puis par le FIE, pour des projets situés sur le territoire de E______ s’était élevé à CHF 19'041'471.-. La comparaison de ces deux montants (coûts : CHF 32'269'311.- / revenus : CHF 19'041'471.-) démontrait que les coûts d’équipement consentis pas la collectivité concernée, soit ici E______, étaient nettement supérieurs aux taxes d’équipement encaissées pendant la même période, y compris en tenant compte du montant de la taxe litigieuse de CHF 535'933.65. Le produit global des taxes d’équipement (CHF 19'577'404.65 dont CHF 535'933.65 facturés aux requérants) était même très inférieur au montant de CHF 24'201'983.25 correspondant au 75% des coûts d’équipement assumés par E______.
Partant, le principe de la couverture des frais avait été respecté.
d.a. Les requérants estimaient que le principe de la couverture des frais avait été violé au motif que les recettes provenant de la taxe d’équipement dépassaient le montant des subventions allouées. Selon eux, les excédents de recettes issus des taxes d’équipement auraient conduit à la constitution de réserves financières excessives. Ils ne pouvaient être suivis.
Le contrôle du respect du principe de la couverture des frais consistait à vérifier que le produit global des contributions ne dépassait pas, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la branche ou la subdivision administrative concernée. En matière d’équipement, ce contrôle passait par une comparaison des coûts globaux avec les recettes globales liés à l’équipement (arrêt de référence, consid. 6.3.3). Le montant des subventions versées n’était dans ce cadre pas pertinent, dès lors qu’il ne reflétait pas les coûts réels d’équipement assumés par la collectivité concernée.
Par ailleurs, les requérants omettaient de tenir compte du fait qu’il existait un décalage temporel entre le moment où la taxe était facturée, qui était lié à la délivrance de l’autorisation de construire, et celui où les travaux d’équipement étaient réalisés et payés par la commune intéressée, respectivement le moment où les subventions étaient versées, ce décalage pouvant s’étendre sur plusieurs années, comme l’illustrait le cas d’espèce : la taxe d’équipement litigieuse avait fait l’objet d’une facture du 2 juillet 2010, les travaux d’aménagement du chemin H______ s’étaient déroulés en 2018 et 2019 et les subventions octroyées pour ce projet (soit au total CHF 2'109'354.60) avaient été versées en 2016 et 2022, étant précisé qu’au moment de la taxation, des dépenses d’études avaient déjà été consenties pour un montant de CHF 177'068.-. Du fait de ce décalage, on ne pouvait comparer directement les recettes provenant de la perception de la taxe d’équipement avec les montants alloués par le département.
En réalité, en mettant en évidence la différence entre le montant total des taxes encaissées et le montant total des subventions versées, les requérants soulevaient la question de l’allocation effective du produit de la taxe d’équipement. Or, le principe de la couverture des frais n’était en l’espèce pas affecté par cette question, dans la mesure où, comme vu précédemment, le produit de la taxe d’équipement était largement inférieur aux coûts effectifs d’équipement. Sur la période considérée, le taux de couverture était même inférieur à 60%.
d.b. S’agissant de la question des réserves, les requérants considéraient qu’il n’était pas pertinent de prendre en compte les « dépenses prévisibles ». À nouveau, ils ne pouvaient être suivis puisque, conformément à la jurisprudence fédérale, il convenait de tenir compte, dans le cadre de l’examen du respect de la couverture des frais, non seulement des dépenses effectives, mais également des provisions pour les dépenses engagées et des réserves à constituer pour les dépenses prévisibles de manière objective. Comme cela ressortait des données transmises par E______ et qui n’étaient pas contestées par les requérants, au 1er juillet 2010, date de la facture litigieuse, les travaux d’équipement prévisibles s’élevaient à CHF 11'491'467.- et le montant des subventions obtenues pour ces travaux s’était élevé à CHF 5'528'447.60. Ainsi, et contrairement à ce que soutenaient les requérants, c’était près de 50% des dépenses prévisibles qui avaient été financées par le produit de la taxe d’équipement. Les dépenses réelles (soit CHF 8'275'499.-) s’étant finalement avérées moins élevées que les dépenses estimées, le taux de couverture, après déduction des autres recettes (CHF 171'474.‑), était au final de 68.21%, soit une part très proche de la part maximale de 75% des coûts d’équipement que la taxe était censée couvrir. Cela démontrait notamment que, non seulement la liste des dépenses prévisibles avait été pertinente, mais également que, sur la durée, les montants qui devaient revenir à E______ au titre de la taxe d’équipement lui étaient bien alloués et n’alimentaient pas « une forme de caisse noire sans fond en mains de la collectivité » comme le soutenaient les requérants.
d.c. Les requérants soutenaient également que l’évolution positive du solde annuel du compte de E______ auprès du département entre 2009 et 2016 démontrait une thésaurisation inadmissible du produit de la taxe d’équipement.
Il n’en était toutefois rien. Le montant accumulé s’expliquait notamment du fait du décalage temporel inévitable qui existait entre le moment de la taxation et celui où les travaux d’équipement étaient réellement entrepris, respectivement entre le moment où les dépenses étaient engagées ou planifiées et le moment où les subventions étaient allouées. Ce décalage pouvait être particulièrement important, comme pour le projet du chemin H______. Il dépendait notamment du rythme de développement d’un quartier, mais également des procédures liées aux travaux d’équipement. Il en découlait que les dépenses d’équipement n’étaient pas concomitantes aux décisions de taxation et que les subventions n’étaient pas concomitantes aux dépenses. L’autre raison, mise en évidence dans le rapport n° 59 de la Cour des comptes, était la méconnaissance de certaines communes au sujet du processus de rétrocession du produit des taxes d’équipement. Concernant plus particulièrement E______, sur les CHF 6'000'000.- encaissés pour son compte entre 2007 et juin 2012, aucun montant ne lui avait été rétrocédé, ce alors même que plusieurs projets d’équipement étaient en cours sur son territoire à ce moment-là selon les données transmises. En revanche, suite au rapport en question, E______ avait perçu plus de CHF 5'000'000.- de subventions et avait déposé, au 1er mars 2022, des demandes auprès du FIE pour un montant de près de CHF 30'000'000.-, étant précisé que ce dernier montant portait, à l’exception des dossiers AM______ et AP______, sur des dépenses déjà assumées ou engagées par E______ à cette date. Depuis lors, et selon les informations fournies par les parties intimées, des subventions pour un montant total d’environ CHF 20'000'000.- avaient été allouées à E______ par le FIE pour différents projets en cours, démontrant qu’à terme, le produit des taxes d’équipement était bel et bien utilisé pour financer des travaux d’équipement.
Quoi qu’il en fût, les états de situation du compte de E______ auprès du département pendant la période 2009-2016 ne démontraient pas, à eux seuls, l’existence de réserves excessives, puisque, comme déjà relevé, s’agissant des taxes d’équipement perçues dans le canton de Genève, les coûts effectifs d’équipement étaient nettement supérieurs aux encaissements.
d.d. Les requérants considéraient que le capital propre du FIE au 31 décembre 2021, d’environ CHF 42'000'000.- pour l’ensemble du territoire cantonal, était excessif. Selon eux, de telles réserves ne pouvaient être admises pour couvrir les besoins futurs prévisibles de la branche.
La question de l’adéquation des réserves actuelles du FIE excédait toutefois le cadre du litige, tant sous l’angle territorial que sous l’angle temporel, étant souligné qu’il apparaissait douteux que cette problématique puisse être pertinente pour l’examen, sous l’angle du principe de la couverture des frais, de la validité d’une taxe émise en 2010. Partant, le TAPI n’était pas entré en matière sur les développements des requérants à ce sujet.
d.e. Les requérants s’insurgeaient enfin contre le montant de plus de CHF 50'000'000.- versé au FIE provenant des taxes d’équipement encaissées dans le canton en faveur des communes et non réclamées par ces dernières. À ce sujet, le FIE avait expliqué que ce montant avait été reversé progressivement en faveur du fonds entre 2017 et 2022, conformément aux dispositions transitoires du PL 11'783, ceci afin d’éviter que les montants perçus et non encore utilisés avant l’entrée en vigueur de la modification législative demeurent en déshérence (exposé des motifs PL 11'783, p. 19/28). Il en est résulté que la fortune du FIE, au 31 décembre de chaque année, avait effectivement augmenté entre 2017 et 2021, comme cela ressortait des pièces produites. En revanche, durant la période 2017-2022, la plupart des exercices avaient été déficitaires et à fin 2022, la fortune nette du FIE avait baissé à CHF 27'330'961.84. Or, selon les projections du FIE, ses résultats seraient nettement déficitaires à partir de 2025 et la fortune actuelle du fonds devrait être totalement absorbée à fin 2027.
Cela étant, la question des versements opérés par le département en faveur du FIE n’avait, pour les requérants, pas d’impact sur leur assujettissement à la taxe litigieuse, dès lors que, comme exposé précédemment, le principe de la couverture des frais avait été respecté, le produit global des taxes d’équipement ne dépassant pas les coûts globaux d’équipement assumés par E______ sur son territoire.
Au surplus, le suivi financier des dossiers d’équipement était du ressort des communes, à qui il incombait non seulement d’adopter les crédits nécessaires à la réalisation des projets d’équipement, mais également de faire les demandes de rétrocessions des taxes en temps voulu. La question de savoir si, quand et comment une commune sollicitait les subventions auxquelles elle pouvait prétendre était exorbitante au litige.
E. a. Par acte mis à la poste le 4 septembre 2023, A______, B______ et C______ ainsi que D______ SA ont recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative. Ils ont conclu à son annulation et à celle de la décision de taxation du 2 juillet 2010.
a.a. Le TAPI avait à juste titre retenu que la commune sur le territoire de laquelle était érigée la construction autorisée était responsable de l’équipement. Il avait également correctement retenu que le contrôle du respect du principe de la couverture des frais devait se faire à une échelle territoriale différente selon la période considérée, avant ou après l’institution du FIE le 1er janvier 2017. Il en tirait toutefois une conclusion erronée en retenant que dans la mesure où la décision de taxation avait été rendue le 2 juillet 2010, le respect du principe de la couverture de frais devait être examiné à l’échelle de la commune. En effet, on ne pouvait considérer des taxes et subventions d’équipement postérieures au 1er janvier 2017 à l’échelle communale seulement, dès lors qu’à compter de cette date lesdites taxes n’étaient pas prélevées pour une commune en particulier, mais pour l’ensemble des communes du canton. Par conséquent, pour autant que la période postérieure à l’institution du FIE soit pertinente pour examiner si la taxe litigieuse – prononcée près de six ans avant la création du FIE – violait le principe de la couverture des frais, c’était alors à l’échelle intercommunale que le produit et l’affectation des taxes d’équipement encaissées durant cette période devaient être pris en considération. Cet examen devait permettre de déterminer si la création du FIE et la mutualisation des taxes d’équipement avaient permis de mettre un terme à la thésaurisation du produit de cette taxe.
a.b. Le TAPI avait commis une deuxième erreur en ne tenant pas compte du fait que la taxe d’équipement était prélevée aux administrés et rétrocédée aux communes par une entité tierce, à savoir le département pour E______, puis le FIE pour l’ensemble des communes. En limitant son examen du principe de la couverture des frais à une comparaison entre les dépenses brutes d’équipement consenties par E______ et les taxations encaissées par le département, puis par le FIE, pour les projets situés sur le territoire de E______, le TAPI avait raisonné comme si la transparence entre l’entité encaissant la taxe et la commune en bénéficiant était totale ; ce raisonnement revenait à considérer que l’intégralité des taxes d’équipement prélevées durant la période considérée avait été rétrocédée aux communes bénéficiaires et affectée à des travaux d’équipement, ce qui n’était de toute évidence pas le cas.
Cette façon de procéder ne permettait pas de contrôler efficacement le principe de la couverture des frais, lequel avait pour but de prévenir la constitution de réserves financières qui n’étaient plus justifiées objectivement, c’est-à-dire qui excédaient les besoins futurs prévisibles de la branche ou subdivision en question. À suivre les premiers juges, le principe de la couverture des frais pourrait systématiquement être mis en échec en interposant une entité tierce entre les recettes d’une taxe causale et les dépenses de la collectivité en lien avec cette taxe. Ainsi, une commune pourrait encaisser le produit d’une taxe au sac poubelle, au travers d’une fondation de droit public ad hoc, financer l’intégralité de ses dépenses relatives à l’élimination des déchets au moyen de son budget ordinaire et, ce faisant, thésauriser sans limite – sans violer le principe de la couverture des frais – l’intégralité du produit de la taxe ainsi prélevée. Or, de toute évidence, une telle accumulation mènerait à la constitution de réserves financières totalement injustifiées, gardées dans une forme de caisse noire sans fond en main de la collectivité.
Dans son résultat, le raisonnement du TAPI revenait à soustraire purement et simplement la taxe d’équipement au contrôle du respect du principe de la couverture des frais. Par conséquent, peu importait que les dépenses d’équipement de E______ puis des communes dès le 1er janvier 2017 excédaient le montant des taxes d’équipement prélevées à l’échelle de ces entités : si les taxes encaissées n’étaient pas effectivement allouées aux communes par le département puis le FIE, le produit de la taxe était thésaurisé, en violation du principe de la couverture des frais.
En définitive, pour examiner comptablement si la taxe litigieuse violait ce principe, soit en particulier si son encaissement avait conduit à la constitution de réserves excessives, les premiers juges auraient dû comparer : d’une part, la somme des taxes d’équipement encaissées à l’échelle de E______, puis des communes dès le 1er janvier 2017 et, d’autre part, la somme des rétrocessions effectuées pour financer des travaux d’équipement à la même échelle.
a.c. Les recourants soulevaient ensuite les griefs de violation du principe de la couverture des frais au regard du système en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016 puis de violation de ce principe après la constitution du FIE. Ces griefs seront détaillés dans la partie en droit
b. Le 31 octobre 2023, E______ a conclu au rejet du recours.
b.a. S’agissant de l’échelle à laquelle l’examen du principe de la couverture des frais devait avoir lieu, les recourants faisaient fi de ce que la taxe litigieuse avait été facturée antérieurement au 1er janvier 2017. Or, comme ils le relevaient eux-mêmes, la taxe avait été prélevée en faveur de E______ et non de l’ensemble des communes. Le TAPI avait donc eu raison de comparer les recettes et dépenses liées à l’équipement à l’échelle de E______ seulement, même si ces recettes et dépenses avaient été postérieures à l’institution du FIE.
b.b. Les recourants reprochaient au TAPI d’avoir commis une deuxième erreur en ce sens qu’il n’aurait pas tenu compte du fait que la taxe avait été prélevée par une entité tierce, à savoir le département puis le FIE, ce qui reviendrait à considérer que l’intégralité des taxes d’équipement prélevées durant la période considérée avait été rétrocédée aux bénéficiaires, ce qui ne serait pas le cas.
Or, le TAPI avait jugé que cette question n’avait pas trait au respect du principe de la couverture des frais mais à l’allocation effective du produit de la taxe. Le TAPI avait retenu que le montant total des dépenses prévisibles au 1er juillet 2010 s’élevait à CHF 11'491'467.- (pièce 21 du chargé de E______) et que le montant des subventions reçues pour ces travaux s’élevait à CHF 5'528'477.- (pièce 22 du chargé de E______). Les dépenses réelles, soit CHF 8'275'499.- (ibid.), avaient été moins élevées de sorte qu’après déduction des autres recettes (CHF 171'474.-) le taux de couverture avait été de 68.21%, ce qui était très proche de la part maximale de 75% des coûts d’équipement que la taxe était censée couvrir. Cela démontrait que les montants qui devaient revenir à E______ au titre de la taxe lui étaient bien alloués et n’alimentaient pas une caisse sans fond. Le TAPI avait en outre à juste titre retenu qu’outre les CHF 5'528'477.- reçus, des subventions pour un montant total de CHF 20'000'000.- avaient depuis été allouées à E______ pour différents projets, ce qui démontrait qu’à terme, le produit des taxes d’équipement était bel et bien utilisé pour financer des travaux d’équipement.
On ne pouvait en outre comparer directement le montant des taxes prélevées sur une période au montant des rétrocessions effectuées sur la même période. En raison de la structure de la zone de développement et de la réalisation par étapes des PLQ, un décalage existait entre le moment de la taxation et le moment où les dépenses d’équipement étaient consenties. Un second décalage séparait ensuite le moment où des dépenses étaient consenties, qui s’étalait sur toute la durée de conception et de réalisation d’un projet, et le moment où les rétrocessions étaient effectuées en faveur de E______. Ce dernier relevait d’un processus lié au dépôt de la demande de subvention, de son traitement puis des étapes de versement de la rétrocession, en un ou plusieurs versements.
b.c. Il fallait tenir compte des coûts réels des travaux assumés par E______, des travaux prévisibles au moment de la taxation ou encore des subventions allouées sur la durée. Ainsi, si l’on se plaçait au moment de la taxation en juillet 2010, la situation était la suivante :
- au 31 décembre 2009, le solde du compte de E______ auprès du département et découlant de la taxe d’équipement était de CHF 2'986'492.72 (pièce 20 du chargé de E______) ;
- le montant total des dépenses prévisibles s’élevait au minimum à CHF 11'491'467.- ;
- le montant des subventions obtenues pour les travaux prévisibles s’était élevé à CHF 5'528'477.-.
Le montant à disposition de E______ avait donc été inférieur au montant dont elle aurait dû bénéficier pour les travaux prévisibles.
De manière plus générale, E______ avait :
- assumé des dépenses brutes d’équipement pour un montant de CHF 32'269'311.- (pièce 21 du chargé de E______) entre le 1er juillet 2010 et le 31 octobre 2020 ,
- assumé des dépenses brutes d’équipement pour un montant total de CHF 6'514'840.- (ibid.) entre le 1er novembre 2020 et le 1er mars 2022 ;
- pris des engagements supplémentaires pour un montant total de CHF 6'323'020.- (ibid.) au 1er mars 2022.
Elle avait ainsi assumé ou engagé entre le 1er juillet 2010 et le 1er mars 2022 des dépenses brutes d’équipement pour un montant total de CHF 45'107'171.-.
En parallèle, E______ avait perçu des recettes diverses, hors taxes d’équipement, à hauteur de CHF 5'751'087.- (pièce 22 du chargé de E______), ainsi que des rétrocessions de la taxe d’équipement de CHF 11'690'208.- (ibid.). Des allocations supplémentaires pour un montant de CHF 14'328'229.- (ibid.) avaient été octroyées par le FIE. Elles lui seraient versées ultérieurement, au moment du bouclement des crédits.
Le montant à disposition de E______ d’environ CHF 6'000'000.- évoqué par la Cour des comptes avait donc dans l’intervalle été largement absorbé par les subventions qui lui avaient été versées. En aucun cas, il ne couvrait le montant moyen des subventions versées pendant des dizaines d’années, qui était beaucoup plus élevé que ce que soutenaient les recourants.
b.d. Dans l’hypothèse où il faudrait examiner le respect du principe de la couverture des frais après la constitution du FIE, les recourants considéraient que le TAPI avait eu tort de prendre en compte le décalage temporel entre le moment où la taxe était facturée, celui où les travaux d’équipement étaient réalisés et celui où les subventions étaient versées.
Or, le fait de prendre en compte les taxes facturées, les dépenses effectuées et les subventions versées sur une même période ne permettait pas de prendre en compte le décalage en question. Il convenait, au contraire, d’une part, de prendre en compte les dépenses prévisibles à une certaine date et les comparer aux montants disponibles en provenance de la taxe d’équipement. D’autre part, il fallait vérifier séparément l’allocation effective de la taxe à la commune, en fonction des projets réalisés. Les données fournies démontraient :
- que les dépenses prévisibles au moment de la taxation avaient bien été compensées dans une proportion conforme à la loi (environ 70%) par des rétrocessions de la taxe d’équipement ;
- que, sur une période plus longue, la globalité des dépenses assumées par E______ était bien couverte dans une mesure appropriée pas des allocations effectives de la taxe, à savoir : les dépenses assumées ou engagées entre le 1er juillet 2010 et le 1er mars 2022 s’étaient élevées à environ CHF 45'000'000.-, dont à déduire environ CHF 5'700'000.- de recettes diverses hors taxe d’équipement. Le montant net des dépenses s’était donc élevé à environ CHF 39'300'000.-. En contrepartie, un montant total d’environ CHF 26'000'000.- de subventions avait été octroyé à E______. Les subventions du FIE couvraient donc de manière effective environ 66% des dépenses d’équipement, part qui était relativement proche des 75%. Le fait que le solde dont E______ disposait auprès du département avait été versé au FIE pour profiter à l’ensemble des communes était sans pertinence, dès lors que E______ pouvait profiter, comme l’ensemble des autres communes, des taxes en main du FIE.
b.e. Les recourants considéraient enfin que le TAPI avait à tort pris en compte les subventions d’équipement prévisibles pour une période future sans tenir compte simultanément des revenus prévisibles de la taxe d’équipement durant la même période. Ils perdaient ce faisant de vue que les subventions ayant fait l’objet de demandes auprès du FIE portaient sur des projets en cours et non sur d’hypothétiques projets futurs. S’il était vrai que de nouvelles taxes prélevées viendraient alimenter les fonds en mains du FIE, il était tout aussi vrai que de nouveaux projets devraient être conçus et réalisés pour les besoins des nouveaux quartiers.
Il n’était quoi qu’il en soit pas contradictoire de prendre en compte les demandes de subventions opérées après la période fixée par le TAPI, la question de l’allocation effective de la taxe devant être séparée de celle du respect du principe de la couverture des frais. Cela était particulièrement vrai à Genève du fait que c’était une entité tierce qui percevait la taxe. L’examen de l’allocation effective ne pouvait donc se limiter à une période donnée mais devait, le cas échéant, vérifier que les projets réalisés avaient bien été financés dans une mesure adéquate par une rétrocession de la taxe d’équipement.
c. Le même jour, le FIE a conclu au rejet du recours.
c.a. Lorsque la taxe litigieuse avait été notifiée, soit plusieurs années avant la mise en place de la nouvelle loi, le système prévoyait une comptabilisation par commune. Il apparaissait dès lors logique de comparer, sur plusieurs années, les éléments comptables récoltés à l’échelle de E______ uniquement. Les particularités de la taxe d’équipement prévue par la LGZD imposaient de tenir compte, pour le contrôle du principe de la couverture des frais, d’une période de plusieurs années. Le Tribunal fédéral avait retenu, dans un litige en lien avec le financement d’un réseau d’assainissement des eaux usées, que la réalisation de travaux d’équipement impliquait des coûts et des amortissements s’étendant sur une longue durée. Les dix ans retenus par le TAPI était une durée adéquate pour éviter que des exercices comptables exceptionnels aient une influence disproportionnée sur le montant à verser par un promoteur. Il était de même justifié de rester dans les limites d’une même échelle territoriale sur toute la période visée.
c.b. Dans le jugement litigieux, le TAPI avait estimé à juste titre que le montant des subventions versées aux communes n’était pas pertinent pour vérifier le respect du principe de couverture des frais Les premiers juges avaient constaté que sur la période considérée, les taxes d’équipement encaissées en lien avec E______ étaient inférieures aux coûts effectifs d’équipement, puisque les dépenses brutes d’équipement consenties par elle s’étaient élevées à CHF 32'269'311.- et que le total des taxations encaissées pour des projets situés sur ce territoire se montait à CHF 19'041'471.-.
L’existence du FIE n’entravait en outre pas le contrôle effectif et concret du principe de la couverture des frais. Le TAPI avait en effet établi, de manière comptable, l’ampleur des coûts d’équipement et des produits totaux de la taxe sur une période déterminée.
Les soldes positifs figurant sur le compte de E______ entre la fin 2009 et la fin 2016 ne tenaient compte que des taxes d’équipement effectivement encaissées, et non de celles seulement facturées, et non payées, telle que la facture litigieuse. Pour ce seul motif, il était exclu d’ajouter le montant de la taxe en cause à chaque solde de fin d’année à partir de 2010. Du reste, les montants communiqués par les autorités au TAPI ne prenaient en considération que les paiements effectifs jusqu’au 31 décembre de chaque année. Il en allait de même des rétrocessions générées en faveur de la commune.
Les premiers juges avaient au surplus retenu à juste titre que l’évolution positive du solde annuel du compte de E______ auprès du département s’expliquait notamment par le décalage temporel de plusieurs années entre le moment où la taxe était facturée et celui où les travaux d’équipement étaient réalisés et payés par la commune intéressée. Un décalage existait également avec le moment où les subventions étaient versées, cette opération intervenant lorsque les travaux d’équipement étaient engagés, voire terminés.
Le TAPI avait également relevé qu’à la date de la facture en cause, les travaux d’équipement prévisibles pour E______ s’élevaient à CHF 11'491'467.-. Même si les dépenses effectives correspondantes s’étaient avérées moins élevées (CHF 8'275'499.-), il n’en demeurait pas moins que le solde figurant sur le compte de E______ à fin décembre 2010 était justifié au regard des dépenses prévisibles admises par la jurisprudence.
Pour le reste, les premiers juges avaient rappelé que selon le rapport de la Cour des comptes, des sommes importantes n’avaient pas immédiatement été rétrocédées aux communes concernées. Ils avaient indiqué que cela était dû à la méconnaissance du processus de rétrocession du produit des taxes d’équipement par certaines communes et à la relative complexité du suivi financier à établir, selon la pratique de l’époque, entre les taxes perçues et les coûts d’équipement pris en charge. Sur ce point, le FIE ne pouvait que répéter que les montants accumulés sur les comptes de chaque commune s’expliquaient par ces phénomènes décrits par la Cour des comptes et qu’à court ou moyen terme ils avaient ou seraient utilisés, au fil des années, pour réaliser des travaux d’équipement collectif.
c.c. Les montants figurant comme fortune du FIE dès la fin 2017 étaient grandement influencés par les sommes précédemment accumulées par le département puis progressivement reversées au FIE et les dépenses effectives d’équipement étaient supérieures aux encaissements réalisés.
Quoi qu’il en fût, pendant la période 2017 - 2022, le FIE avait lui-même encaissé les taxes ayant fait l’objet de nouveaux bordereaux, postérieurement au 1er janvier 2017. Parallèlement, il avait octroyé des subventions destinées aux communes, afin de financer de nouveaux travaux d’équipement. Le résultat annuel comptable du FIE avait été déficitaire pendant quatre des six dernières années, à savoir en 2018, 2020, 2021 et 2022 (pièce 23 du chargé du FIE). Sur cette base, le TAPI avait à juste titre retenu qu’à fin 2022 la fortune du FIE avait baissé à CHF 27'330'961.84, compte tenu d’encaissements inférieurs d’environ CHF 15'000'000.- par rapport aux subventions octroyées (ibid.). Les premiers juges avaient observé que selon les projections effectuées alors, la fortune nette du FIE au 31 décembre 2022 devrait être entièrement absorbée pendant la période 2023 à 2027, compte tenu des travaux d’équipement qui devraient être financés.
d. Le 21 novembre 2023, les recourants ont informé la juge déléguée qu’ils n’entendaient pas répliquer, de sorte que la cause a été gardée à juger.
F. a. Le 14 mai 2024, la chambre administrative a invité E______ et le FIE à lui transmettre des données comptables manquantes au dossier, pièces à l’appui. Dans le cadre de l’instruction, il ne lui avait pas été possible d’identifier, à teneur des pièces versées à la procédure, tous les montants permettant une bonne compréhension de la situation tant à l’échelle de E______ qu’à l’échelle intercommunale. Ces situations étaient résumées à l’aide de deux tableaux portant sur les années 2009 à 2023.
b. E______ a répondu le 31 mai 2024. Elle a retourné le tableau la concernant, les données relatives à la facturation et aux encaissements ayant été complétées par le FIE.
La colonne portant sur les réserves avait été complétée avec les données en provenance du département. Elles s’arrêtaient fin 2021, soit cinq ans après l’entrée en fonction du FIE. À cette date, le solde de son compte avait été transféré au FIE. Ce dernier ayant une affectation intercommunale, il n’y avait plus de réserves qui lui étaient directement affectées.
La colonne portant sur les versements avait été dédoublée : l’une portait sur les sommes qu’elle avait reçues, l’autre sur les décisions d’octroi et donc le solde à recevoir. Douze projets avaient fait l’objet de versements de subvention par le département entre 2014 et 2016, puis de correctifs en 2019, une fois les travaux achevés. Cinq projets avaient fait l’objet de décisions d’octroi du FIE entre 2021 et 2022, puis de versements partiels. La pratique du FIE était de verser un tiers du montant octroyé au démarrage du chantier, un tiers à la fin du chantier et le solde au moment du bouclement du crédit. Pour cette raison, le solde à recevoir était important, certains chantiers étant en cours.
Elle avait complété le tableau avec les dépenses différenciées pour les années 2009 à 2021, ainsi que le début de l’année 2022. Elle produisait également « la ventilation des dépenses » par année et par projet. Les dépenses étaient ventilées par année, les années 2010 et 2020 portant sur l’année entière et non sur la période initialement examinée, à savoir juillet à décembre 2010 et janvier à octobre 2020.
c. Le FIE a répondu le même jour. Il a sollicité la tenue, à brève échéance, d’une audience destinée à organiser la suite de la procédure devant la chambre administrative, et en particulier la meilleure façon de collecter toutes les informations comptables utiles qui permettraient de confirmer notamment le respect du principe de la couverture des frais. À cette audience pourrait participer le directeur financier de l’association AY______ (ci‑après : AY______) en charge du FIE.
Il avait constaté que la chambre administrative avait décidé d’étendre la période d’analyse des données comptables sur une durée de quinze ans. Pour répondre à cette demande, des investigations supplémentaires étaient nécessaires. Or, elles ne pouvaient être menées à bien en quelques jours, dès lors qu’il devait s’adresser individuellement à chaque commune. Chacune devrait en outre faire l’estimation de ses coûts administratifs liés à la mise en œuvre des travaux d’équipement. Cela représentait un travail considérable qu’il était désireux de faire mais qui prendrait du temps.
Dans la mesure où il n’existait que depuis 2017, il n’était pas en possession de la totalité des données comptables antérieures. Ces éléments devaient être demandés au département.
d. La chambre administrative a interpellé le FIE et le département le 4 juillet 2024.
Elle a demandé au département de compléter le tableau relatif à la situation intercommunale, pièces à l’appui, avec les données comptables pertinentes pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2016. Elle sollicitait, pour chaque année considérée, le montant global dépensé par les communes, ville comprise, mais pas les montants dépensés par chaque commune. Le département était par ailleurs invité à confirmer qu’il ne détenait plus d’argent pour le compte des communes et à préciser la date du dernier transfert d’argent en faveur du FIE.
Pour sa part, le FIE a été invité à compléter le tableau pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2023. La chambre administrative y avait fait figurer des éléments repris des rapports de gestion du FIE versés à la procédure pour les années 2017 à 2021. Le rapport de gestion 2022 avait été consulté en ligne. Pour le reste, un décompte commune par commune n’était pas nécessaire. Le montant global dépensé par les communes pour chaque année considérée, ville comprise, était suffisant. Enfin, le FIE était invité à confirmer que ses projections sur cinq ans (2023 à 2027) présentées sur la pièce 24 de son chargé se confirmaient et si ces données intégraient une estimation des engagements des communes pour les cinq prochaines années.
e. Le 11 juillet 2024, les recourants ont contesté que la période postérieure à 2020 soit pertinente pour l’examen du respect du principe de la couverture des frais. Il n’était pas concevable que la période de cet examen s’étende de façon illimitée en raison de la durée de la procédure.
f. Le FIE s’est déterminé le 20 août 2024.
Il n’était pas en possession de la totalité des informations relatives aux dépenses effectives d’équipement de l’ensemble des communes. Il avait décidé de s’adresser à chaque commune afin de récolter tous les éléments comptables pertinents. Un mandataire avait spécialement été engagé pour assister les autorités communales à ce sujet. Vu le nombre d’interlocuteurs, il était impossible de réaliser le travail d’agrégation puis d’analyse dans un délai de quelques semaines. Il se voyait contraint de solliciter un délai au 31 décembre 2024 pour compléter le tableau joint au courrier du 4 juillet 2024.
g. Le 27 août 2024, la chambre administrative a relancé le département. Elle a par ailleurs octroyé au FIE un ultime délai au 9 septembre 2024 pour donner suite à son courrier du 4 juillet 2024. Dans la mesure où elle ne sollicitait pas un décompte par commune mais uniquement le montant global dépensé par l’ensemble des communes sa demande de prolongation de délai était refusée.
h. Les recourants ont une nouvelle fois réagi le 3 septembre 2024.
À teneur de l’arrêt de référence, la somme totale dépensée par les communes pour l’équipement public chaque année de 2010 à 2023 n’était pas pertinente. Que l’on examine ces dépenses à l’échelle de chaque commune ou à l’échelle de l’ensemble des communes, elles devaient l’être au sein de la même entité qui, d’une part, était responsable du financement de l’équipement public au moyen de la taxe litigieuse, soit le département puis le FIE. Le respect du principe de la couverture des frais ne pouvait qu’être examiné au sein de cette même entité. L’examen du respect de ce principe pour les taxes facturées par le département jusqu’au 31 décembre 2016 devait toutefois être effectué séparément pour chaque commune dès lors qu’elles avaient chacune un compte, le produit des taxes n’étant pas encore mutualisé.
Pour examiner comptablement si la taxe litigieuse violait le principe de la couverture des frais, en particulier savoir si son encaissement avait conduit à la constitution de réserves excessives, il fallait comparer la somme des taxes d’équipement facturées par le département puis par le FIE à l’échelle des communes, avec la somme des rétrocessions consenties par le département en faveur de E______ puis, dès le 1er janvier 2017, par le FIE en faveur des communes dans leur ensemble. Ainsi, les sommes dépensées individuellement par les communes et/ou la somme totale dépensée par les communes dans leur ensemble apparaissait sans pertinence. En outre, la somme totale dépensée par les communes du canton dans leur ensemble avant 2017 paraissait également sans pertinence, l’examen du principe en cause devant être effectué, avant 2017, individuellement par commune au sein du département. Le travail de récolte de données comptables relatives au montant global dépensé par les communes, qui plus était au-delà de 2020, apparaissait doublement sans pertinence et superflu.
i. Le 9 septembre 2024, le département a informé la chambre de céans que, d’entente avec le FIE, il était d’accord que ce dernier se charge de remplir le tableau annexé au courrier du 4 juillet 2024. L’ensemble des données comptables des années 2009 à 2016 avait été transmis au FIE. Enfin, il ne détenait plus d’argent provenant du paiement des taxes d’équipement, pour le compte des communes. Le dernier transfert effectué en faveur du FIE avait eu lieu le 22 juin 2022.
j. Le même jour, le FIE a envoyé à la chambre administrative le tableau relatif à la situation intercommunale qu’il avait complété et corrigé en utilisant en partie des données transmises par le département. Il a commenté les différentes rubriques. Il a également joint un tableau relatif à sa comptabilité pour la période 2017 à 2023 et un tableau relatif aux subventions. S’il subsistait un doute sur la compréhension ou l’exactitude des données transmises, il proposait l’audition du directeur administratif et financier du département et celle du directeur financier auprès de l’AY______.
Depuis sa création en 2017 et jusqu’en 2023, sa comptabilité révélait que les taxations facturées durant cette période étaient inférieures d’environ CHF 18'700'000.- aux subventions octroyées après déduction des autres charges et revenus pour la même période. Comptablement, la taxe théorique pour couvrir ce déficit aurait dû être de CHF 65.- le m² au lieu des CHF 47.- en vigueur.
Les projections sur cinq ans qui figuraient sur la pièce 24 de son chargé avaient été établies en mars 2023 en collaboration avec le département sur la base notamment des PLQ adoptés de manière définitive en zone de développement et des procédures d’autorisations de construire en cours. Compte tenu de l’avancement des procédures administratives et des différents chantiers depuis début 2023, il serait nécessaire de réactualiser ces données en reprenant le détail de chaque dossier. Ce travail conséquent n’avait pas pu être effectué. Il confirmait enfin que le département ne détenait plus d’argent pour le compte des communes en provenance de la taxe d’équipement. Le dernier versement de CHF 17'427'263.- avait eu lieu le 22 juin 2022.
Les données chiffrées produites par le FIE dans les tableaux, telles que requises par la chambre de céans, sont reproduites aux consid. 14 et 15 de la partie en droit.
k. Un délai au 14 octobre 2024 a été octroyé aux parties pour formuler d’éventuelles observations après quoi la cause serait gardée à juger.
l. Le 14 octobre 2014, le FIE a persisté dans ses conclusions. Il réitérait sa proposition de tenir une audience.
l.a. Il avait pris connaissance d’un ATF 149 I 305 dans lequel le Tribunal fédéral avait jugé un litige relatif aux taxes de raccordement au réseau des eaux pluviales et usées, ainsi qu’à celui de l’approvisionnement en eau potable, fondées sur des règlements adoptés par la commune argovienne de AS______ et mettant notamment en œuvre l’art. 60a de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux - RS 814.20). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait précisé que le principe de la couverture des frais ne constituait pas un droit constitutionnel distinct et autonome lorsque la taxe litigieuse se fondait sur une loi formelle servant de base légale suffisante. D’après les juges fédéraux, ce principe ne jouait un rôle que dans deux cas : soit la règlementation formelle ne prévoyait pas les critères de calcul de la taxe de manière suffisamment précise, soit la taxe devait, en vertu d’une disposition légale spéciale, couvrir au maximum les coûts totaux de l’administration considérée. Il n’existait aucune raison convaincante de voir dans le principe de la couverture des frais un droit constitutionnel autonome, dont les justiciables pourraient se prévaloir indépendamment du principe de la légalité. Cela ressortait du fait que le législateur cantonal, voire communal, était en principe libre de prélever des taxes qui généraient un surplus de recettes, pour autant qu’il existe une base légale formelle correspondante. Dans l’hypothèse où le calcul de la taxe était réglé de manière suffisante par le droit formel, il n’était plus nécessaire d’examiner le principe de la couverture des frais, du moins d’un point de vue constitutionnel. Dans ce cas, seule la question de savoir si la loi formelle était compatible avec le droit supérieur ou de même rang pouvait se poser. Il revenait à la partie recourante de le faire valoir puis de le démontrer. En ce qui concernait la taxe litigieuse, les dispositions cantonales applicables étaient largement suffisantes pour respecter le principe de la légalité et la LGZD ne mentionnait pas que le principe de la couverture des coûts, au sens du droit fiscal, devait être respecté. Vu les précisions apportées par cet arrêt, les recourants ne pouvaient donc pas se contenter de critiquer la taxe litigieuse uniquement sous l’angle du principe de la couverture des frais. Il leur revenait, au contraire, soit de démontrer que la décision litigieuse ne respectait pas le droit cantonal applicable, soit, éventuellement, de soutenir que les nouvelles dispositions cantonales violaient le droit supérieur. Or, ils ne l’avaient pas fait.
l.b. En toute hypothèse, le principe de la couverture des frais était respecté pour les motifs qu’il avait précédemment exposés. Il s’ajoutait à cela que les futures dépenses d’équipement, à l’échelle du canton, seraient importantes au cours des prochaines années. Cela était dû à l’existence de plusieurs périmètres de développement urbains définis par le plan directeur cantonal (ci-après : PDCn), voire de nouveaux plans de zones déjà en vigueur comme les périmètres AT______ (ci-après : AT______), AU______ ou les futures zones d’extension du village de AV______. Dans sa troisième mise à jour approuvée par la Confédération le 12 avril 2024, le PDCn prévoyait notamment des extensions urbaines en zone agricole pour un total de 187 hectares d’ici 2023. Il versait à ce propos la fiche A05 du PDCn. Même si certains périmètres avaient pu prendre du retard dans le planning de développement initialement prévu, il n’en demeurait pas moins que les dépenses d’équipement correspondantes seraient très importantes et devraient être prises en charge. Or, il ne disposait pas d’autres sources de revenu que la perception de la taxe litigieuse.
m. Le même jour, E______ a également persisté dans ses conclusions.
Il n’était pas possible, dans le système genevois, d’examiner les dépenses au sein de la même entité comme le soutenaient à tort les recourants. En effet, d’une part les communes avaient la responsabilité du financement et de la réalisation de l’équipement et, d’autre part, le FIE avait la tâche de rendre et de notifier les décisions de taxation, puis d’en gérer le suivi ainsi que d’octroyer aux communes un financement jusqu’à concurrence de 75% des coûts du projet d’équipement. L’examen des dépenses de la commune concernée respectivement de l’ensemble des communes – si l’on considérait que l’examen devait être effectué à l’échelle intercommunale – était donc pertinent. Tant à l’échelle de E______ qu’à l’échelle intercommunale, le principe de la couverture des frais était dans le cas d’espèce respecté.
n. Le 4 novembre 2024, dans le délai octroyé par la chambre administrative, les recourants se sont déterminés.
n.a. Pour les motifs qu’ils avaient déjà développés dans leur recours, ils considéraient que l’examen des données comptables postérieure au 31 décembre 2016 n’était pas pertinent. A fortiori, ils contestaient qu’il faille étendre cet examen au-delà de la période arrêtée par le TAPI, laquelle prenait fin le 31 octobre 2020.
n.b. Il n’était pas non plus pertinent de connaître les coûts des travaux d’équipement supportés par toutes les communes. Compte tenu de l’intervention d’un tiers, soit le FIE, dans l’encaissement puis l’allocation du produit de la taxe, il importait de s’assurer que cette dernière soit effectivement allouée aux communes. Si tel n’était pas le cas, le produit de la taxe était thésaurisé quand bien même ce produit serait inférieur aux frais d’équipement supportés par les communes.
Par ailleurs, les renseignements relatifs aux frais d’équipement supportés par les autres communes que E______ avant le 1er janvier 2017 étaient doublement dénués de pertinence. En effet, d’une part, l’examen du respect du principe de la couverture des frais devait se faire à l’échelle de la commune. D’autre part, avant le 1er janvier 2017, le produit de la taxe n’était pas mutualisé, de sorte que l’ampleur des dépenses d’équipement d’autres communes que E______ ne devait pas être pris en considération pour déterminer si la taxe litigieuse violait le principe de la couverture des frais.
Force était de constater que le FIE lui-même n’avait pas été en mesure de fournir un aperçu des dépenses d’équipement assumées par les communes. Il l’avait admis dans sa réponse du 9 septembre 2024, se contentant de fournir des estimations de ces dépenses, extrapolées à partir du montant des subventions accordées. Ces valeurs, dont l’estimation ne reposait sur aucune pièce, ne pouvaient pas être exploitées. Il était surprenant que le FIE ne connaisse pas les dépenses d’équipement des communes. En effet, dès lors qu’il soutenait, à l’instar du TAPI, que le produit de la taxe était inférieur aux dépenses des communes, il devait être apte à en faire la démonstration comptable. Il en allait de même du département qui n’était pas en mesure de communiquer les coûts d’équipement à l’échelle du canton. Cela démontrait l’absence durable d’analyse des coûts d’équipement dans le canton et de comparaison de ces coûts avec le montant de la taxe.
n.c. Les montants figurant dans la colonne « réserves communales/fortune FIE au 31.12 » du tableau produit par le FIE le 9 septembre 2024 étaient en partie erronés. Quoi qu’il en fût, ces chiffres, jusqu’alors inconnus d’eux, indiquaient que même plusieurs années après la création du FIE, les réserves de la taxe d’équipement de E______ avaient augmenté de façon très importante, bien au-delà de ce qu’ils avaient exposé dans leur recours. Ce fait avait de quoi surprendre, dès lors qu’à compter du 1er janvier 2017, seules des taxes facturées avant cette date avaient été encaissées par le département pour le compte des communes. Entre les années 2009 et 2020, sous le système prévalant avant la création du FIE, le solde du produit des taxes encaissées pour le compte de E______ et non rétrocédées à cette dernière avait augmenté, en tenant compte de la taxe litigieuse, de plus de CHF 8'000'000.-. Ce seul constat permettait de constater que la taxe litigieuse violait le principe de la couverture des frais dès lors que son encaissement avait contribué à constituer des réserves allant manifestement largement au-delà des besoins de E______.
n.d. Il convenait enfin de s’interroger sur certaines subventions accordées par le FIE. Ce dernier et E______ faisaient grand cas des importantes subventions promises ces dernières années. Ainsi, le FIE affirmait, dans sa réponse du 9 septembre 2024 que les taxations facturées durant la période 2017 à 2023 étaient inférieures d’environ 18'700'000.- aux subventions octroyées après déduction des autres charges et revenus pour la même période. Or, l’analyse détaillée des subventions accordées indiquait qu’un nombre très restreint de projets s’était vu allouer l’essentiel de ces subventions. Parmi celles-ci, celle allouée en 2022 à l’aménagement des espaces publics des abords de la AJ______ des AH______, d’un montant de CHF 13'578'959.-, attirait l’attention. À elle seule, elle causait en effet presque l’intégralité du déficit dont se prévalait le FIE. Quand bien même l’ampleur des travaux accomplis et restant à accomplir dans ce secteur était notoire, il semblait douteux que le montant accordé n’excède pas le 75% du coût des travaux relevant strictement de l’équipement au sens de l’art. 19 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Si cette notion incluait la construction de voies d’accès et de conduites, elle n’englobait pas tout aménagement des espaces publics, notamment les aménagements paysagers. À cela s’ajoutait que cette subvention correspondait à elle seule à 34% de l’intégralité des dépenses d’équipement de E______ durant près de 20 ans. La même interrogation se posait relativement à la subvention de CHF 8'059'304.- accordée par le FIE en 2021 pour l’aménagement de l’écoquartier AW______ à AE______ ou encore la subvention de CHF 1'387'216.- accordée pour l’aménagement du centre du village de AX______.
Pour les motifs précédemment rappelés, il ne se justifiait pas d’examiner la taxe litigieuse à l’aune de subventions décidées plus de dix ans plus tard. Dans l’éventualité où la chambre administrative devrait être d’un autre avis, ils requéraient que le détail des travaux financés au moyen des subventions accordées par le FIE soit versé à la procédure afin qu’il puisse être vérifié que les dépenses financées relevaient strictement de l’équipement.
o. Le 19 novembre 2024, après transmission aux parties des différentes écritures, les recourants ont estimé que contrairement à ce qu’affirmait le FIE, les principes développés dans l’ATF 149 I 305 confirmaient que la taxe litigieuse devait être examinée au regard du principe de la couverture des frais.
p. Le 2 décembre 2024, E______ a persisté dans ses précédentes conclusions et explications. Elle a en outre répondu aux interrogations des recourants relatives à certaines subventions qui lui avaient été octroyées.
q. Le 5 décembre 2024, le FIE a également persisté dans ses conclusions. Dans l’arrêt de référence, le Tribunal fédéral n’avait pas définitivement statué sur l’application du principe de la couverture des frais, en tant que règle de rang constitutionnel, aux dispositions de la LGZD en vigueur dès le 1er janvier 2017, l’ancienne version de celle-ci ne pouvant au surplus pas être invoquée. Il n’était enfin pas démontré qu’avec cette nouvelle version de la LGZD, le législateur avait voulu instituer une base légale commandant que toutes les taxes d’équipement respectent le principe de la couverture des frais, au sens du droit fiscal, à savoir un principe qui permettrait à chaque contribuable d’en faire contrôler le respect.
r. Le 17 décembre 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Ils ont repris leurs explications sur le manque de pertinence de certaines des données comptables versées à la procédure et insisté sur le fait que l’essentiel des taxes facturées pour l’ensemble des communes ne leur avait pas été rétrocédé.
s. Sur quoi la cause a été gardée à juger.
t. Les arguments et écritures des parties ainsi que les considérants de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral seront repris dans la partie en droit en tant que de besoin.
Les montants pertinents pour la solution du litige sont récapitulés dans les tableaux des consid. 14 et 15 en droit.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le FIE sollicite la tenue d’une audience, l’audition du directeur financier de l’AY______ ainsi que celle du directeur administratif et financier du département. Quant aux recourants, ils demandent que le détail des travaux financés au moyen des subventions accordées par le FIE soit versé à la procédure afin qu’il puisse être vérifié que les dépenses financées relevaient strictement de l’équipement au sens de l’art. 19 LAT.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, les parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments à de nombreuses reprises, tant devant le TAPI, y compris oralement, que par écrit devant la chambre de céans. Celle-ci a obtenu, au terme d’une instruction complémentaire engagée au mois de mai 2024, de nombreuses données comptables qui lui permettent de trancher le litige. Ces données ont été portées à la connaissance des parties, qui ont également eu l’occasion de se déterminer à leur sujet. Le FIE fait valoir qu’il sera prochainement en mesure de transmettre à la chambre de céans certaines données qui lui manquent encore. Comme cela sera examiné plus loin (infra consid. 17, 18 et 19), ces données ne sont pas à elles seules déterminantes pour l’issue du litige et il ne justifie plus, la taxation litigieuse datant de 2010, d’attendre encore la production de données comptables. Quant au détail des travaux financés au moyen des subventions accordées par le FIE, le litige peut être jugé sans qu’il soit utile de le verser à la procédure.
Il ne sera donc pas donné suite aux mesures d’instruction sollicitées.
3. Le FIE fait état, dans sa dernière écriture, de l’ATF 149 I 305. Se référant aux considérants et conclusions de cet arrêt, il soutient que dans le cas d’espèce, les dispositions cantonales applicables étant largement suffisantes pour respecter le principe de la légalité et la LGZD ne mentionnant pas que le principe de la couverture des frais, au sens du droit fiscal, devrait être respecté, les recourants ne pouvaient, selon le FIE, pas se contenter de critiquer la taxe litigieuse uniquement sous l’angle du principe de la couverture des frais. Il leur revenait, soit de démontrer que la décision litigieuse ne respectait pas le droit cantonal applicable, soit, éventuellement, de soutenir que les nouvelles dispositions cantonales violaient le droit supérieur. Or, ils ne l’avaient pas fait.
3.1 Le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi découle du droit fédéral non écrit. Conformément à ce principe, l'autorité à laquelle la cause est renvoyée par le Tribunal fédéral est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 148 I 127 consid. 3.1; 143 IV 214 consid. 5.2.1).
3.2 En l’espèce, l’arrêt de référence précise qu’ « il n'est pas contesté que la taxe d'équipement en cause, aujourd'hui prévue à l'art. 3A LGZD/GE, est une charge de préférence dépendant des coûts, prélevée auprès des propriétaires et superficiaires de terrains en contrepartie de la plus-value conférée à leurs immeubles par les équipements construits par la commune. Partant, il est également admis que cette taxe - dont le montant est fixé par un simple règlement du Conseil d'État genevois et doit équivaloir à 75% des coûts moyens d'équipement des projets de développement (cf. supra consid. 3.2) - doit respecter le principe de couverture des frais, ainsi que l'a constaté la Cour de céans dans l'arrêt 2C_226/2015 déjà cité (cf. consid. 3). Les différents participants à la procédure soutiennent en revanche des avis divergents sur la manière de procéder à ce contrôle et, en particulier, sur la façon de déterminer les coûts maximaux censés être couverts par la taxe d'équipement de 535'933 fr. 65 au centre du présent litige » (consid. 6.6).
Dans le considérant 7, la cause est renvoyée à la chambre de céans « afin qu’elle contrôle si la taxe d’équipement litigieuse respecte le principe de la couverture des frais au sens des considérants qui précèdent, et, si tel n’est pas le cas, qu’elle corrige cette contribution de façon à en assurer la conformité audit principe ».
L’objet du litige porte ainsi sur la conformité au principe de la couverture des frais, au sens des considérants retenus dans l’arrêt de référence, de la taxe d’équipement de CHF 535'933.65 réclamée aux recourants le 2 juillet 2010, après que ceux-ci ont construit plusieurs immeubles en ville, concrétisant de cette manière partiellement le PLQ n° 2______ adopté en 2005.
4. Saisie d’un recours, la chambre administrative applique le droit d’office ; elle ne peut pas aller au‑delà des conclusions des parties, mais n’est liée ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3).
5. L’art. 22 LAT prévoit qu’aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). L’autorisation est délivrée, notamment si le terrain est équipé (al. 2 let. b). Un terrain est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à l’utilisation prévue par des voies d’accès et par des conduites auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l’alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l’évacuation des eaux usées (art. 19 al. 1 LAT). Les zones à bâtir sont équipées par la collectivité intéressée dans le délai prévu par le programme d’équipement, si nécessaire de manière échelonnée. Le droit cantonal règle la participation financière des propriétaires fonciers (art. 19 al. 2 LAT).
6. Selon l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ; modifier la configuration du terrain (let. d).
Les demandes d’autorisation sont adressées au département (art. 2 al. 1 LCI). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l’autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).
7. Les règles genevoises régissant la taxe d’équipement ont été modifiées lors de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, de la loi n° 11'783 du 1er septembre 2016 modifiant la LGZD sur la taxe d’équipement. Comme cela a déjà été retenu, sans être contesté notamment devant le Tribunal fédéral, d’abord dans le JTAPI/1274/2018 (consid. 8b), puis dans l’ATA/1713/2019 (consid. 2), l’ATA/705/2021 (consid. 3) et enfin dans le JTAPI/750/2023 (consid. 4), c’est la nouvelle teneur de la LGZD et du RGZD qui trouve application en l’espèce, sous réserve du montant de la taxe, conformément à l’art. 12 al. 6 LGZD.
7.1 Les dispositions de la LGZD fixent les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement affectées à l’habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d’État peut autoriser l’application des normes d’une telle zone. Le Conseil d’État peut également autoriser des activités artisanales dans les zones de développement précitées lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public (art. 1 LGZD).
7.2 L’art. 3A LGZD institue une taxe d’équipement qui constitue une contribution des propriétaires, le cas échéant des superficiaires, aux coûts de réalisation, de modification ou d’adaptation des voies de communication publiques, en particulier celles prévues par le programme d’équipement tel que défini à l’art. 3 al. 3 let. a LGZD (al. 1). À teneur de cette dernière disposition, les PLQ prévoient les éléments de base du programme d’équipement, soit le tracé des voies de communication projetées et les modifications à apporter aux voies existantes, ainsi que les alignements le long ou en retrait de ces voies, en distinguant les voies publiques cantonales, communales ou privées ; dans tous les cas, il est tenu compte de la protection du cadre de vie.
La taxe d’équipement est due par le propriétaire ou le superficiaire du terrain sur lequel doit être érigé le projet qui fait l’objet d’une autorisation définitive de construire. Elle est fonction de l’importance des constructions projetées. Elle n’excède en aucun cas 2.5% du coût de la construction autorisée (al. 2).
La taxe d’équipement consiste en un montant par m² de SBP autorisée. Celui-ci est arrêté par le Conseil d’État dans le règlement d’application de la LGZD. Il doit équivaloir au 75% des coûts moyens d’équipement des projets de développement, à l’échelle du canton. Le Conseil d’État revoit au moins tous les cinq ans le montant de la taxe d’équipement en tenant compte des dépenses réelles du FIE (al. 3).
8. Le FIE a été institué dès le 1er janvier 2017 sous la forme d’une fondation de droit public dotée de la personnalité juridique (art. 3B al. 1 LGZD).
8.1 L’organisation, les modalités de fonctionnement et la surveillance du FIE sont définies par les statuts annexés à la LGZD (art. 3B al. 3 LGZD).
Le FIE rend les décisions de taxation, conformément à l’art. 3A, les notifie aux débiteurs, et en gère le suivi (art. 3B al. 4 LGZD). Il octroie aux communes qui lui en présentent la demande un financement jusqu’à concurrence de 75% des coûts du projet d’équipement, approuvés selon des standards de référence (art. 3B al. 5 LGZD). Si les circonstances le justifient, le canton peut octroyer un prêt au FIE en cas d’insuffisance temporaire de trésorerie (art. 3B al. 6 LGZD).
L’art. 12 al. 7 LGZD prévoit que les montants perçus au titre de la taxe d’équipement avant l’entrée en vigueur de la modification du 1er septembre 2016 sont versés au FIE s’ils n’ont pas fait l’objet d’une demande d’allocation dans un délai de cinq ans à compter de leur perception. Sont déterminantes à cet effet les demandes de rétrocession assorties de toutes les pièces justificatives requises.
8.2 Les statuts du FIE du 1er septembre 2016 (PA 342.01 ; ci-après : statuts) prévoient que le FIE a pour but de prélever et gérer les taxes d’équipement, ainsi que d’en attribuer le produit (al. 1).
Selon l’art. 5 des statuts, ses ressources sont : les taxes d’équipement, y compris, le cas échéant, celles mises à sa disposition conformément à l’art. 12 al. 7 LGZD (let. a) ; les intérêts éventuels (let. b) ; les revenus de ses avoirs (let. c) ; les dons et subventions éventuelles (let. d).
Les communes peuvent faire appel au FIE pour obtenir de ce dernier l’octroi de fonds destinés au financement de l’équipement public au sens de l’art. 3 A LGZD et de l’art. 8 des statuts.
À teneur de l’art. 8 des statuts, les montants alloués par le FIE sont destinés au financement des voies de communication publiques. Constituent de telles voies les accès routiers, cyclistes et piétons du domaine public communal qui permettent la desserte d’un périmètre, la circulation et le cheminement en son sein. Les composantes émergées ou enterrées, à l’exception des canalisations des réseaux primaires et secondaires, qui présentent un lien de dépendance fonctionnelle avec la voie, ou en sont l’accessoire, et contribuent à en garantir un usage adéquat font partie intégrante de celle-ci (al. 1). Il n’octroie de financement que dans la mesure où le projet d’équipement est suffisamment documenté (al. 2). Les coûts pris en compte doivent être indissociables de la voie et contribuer à son maintien dans le temps ainsi qu’à la sécurité des usagers. Pour le surplus, les coûts précités doivent être constitutifs de la qualité du projet. Les coûts relatifs aux mutations foncières et aux intérêts ne sont pas pris en compte (al. 3). Le Fonds établit les modalités de la procédure d’approbation des projets, y compris les standards de référence reconnus permettant d’apprécier les coûts des projets soumis, en application de la présente disposition et en conformité avec l’art. 3B al. 4 LGZD. Ces modalités sont approuvées par l’assemblée générale de l’AY______ (al. 4).
9. Plusieurs principes sont rappelés dans l’arrêt de référence.
9.1 Le principe de la couverture des frais implique que la collectivité percevant une taxe déterminée n’obtienne, au total, pas plus de ressources financières par ce biais (ou seulement légèrement plus) qu’elle ne dépense pour l’ensemble de l’activité administrative justifiant cette contribution. Le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la branche ou subdivision concernée de l’administration, y compris, dans une mesure appropriée, les provisions, les amortissements et les réserves. De telles réserves financières violent le principe de la couverture des frais lorsqu’elles ne sont plus justifiées objectivement, c’est-à-dire lorsqu’elles excèdent les besoins futurs prévisibles de la branche ou subdivision en question estimés avec prudence (arrêt de référence consid. 6.3).
Le principe de la légalité revêt une importance particulière en droit fiscal qui l’érige en droit constitutionnel indépendant déduit de l’art. 127 al. 1 Cst. S’agissant des taxes causales, le principe de la légalité est appliqué avec moins de rigueur, dans la mesure où le montant de la taxe peut être limité par des principes constitutionnels vérifiables (en particulier la couverture des frais et l’équivalence ; consid. 6.1 et 6.2). La plupart des contributions causales – en particulier les charges de préférence dépendantes des coûts – doivent respecter le principe de la couverture des frais. Selon ce principe, le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la branche ou subdivision concernée de l’administration, y compris, dans une mesure appropriée, les provisions, les amortissements et les réserves. De telles réserves financières violent le principe de la couverture des frais lorsqu’elles ne sont plus justifiées objectivement, c’est-à-dire lorsqu’elles excèdent les besoins futurs prévisibles de la branche ou subdivision en question estimés avec prudence.
Ce qu’il faut entendre par branche ou subdivision administrative s’apprécie d’un point de vue fonctionnel de façon à embrasser toutes les tâches administratives qui sont objectivement liées entre elles et dont les coûts sont financés par la taxe causale concernée (par exemple la réunion en une seule branche administrative des diverses prestations de la chancellerie fournies par l’État ou le regroupement des services relevant du registre foncier, du cadastre et de la géomatique). La collectivité responsable jouit cependant d’une certaine marge d’appréciation dans la définition de l’unité de coûts qu’elle entend couvrir par le biais de la taxe causale qu’elle prélève. En matière de taxe d’équipement, c’est en principe chacun des équipements (routes, trottoirs, places de parc, eau, énergie, égouts, déchets, etc…) qui doit être examiné de manière séparée ; il est néanmoins admis que chacun de ces postes soit réuni en un seul relatif à l’équipement global du terrain (consid. 6.3 et les arrêts cités).
Le contrôle du respect du principe de la couverture des frais – notamment lors du prélèvement d’une taxe d’équipement – passe en principe par un examen concret des postes comptables de la collectivité qui fournissait la prestation (consid. 6.4).
9.2 S’agissant spécifiquement de la taxe d’équipement prévue par la LGZD, le Tribunal fédéral rappelle qu’il avait déjà jugé, dans un arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015, qu’il incombait en principe aux autorités genevoises de supporter le fardeau de la preuve en matière de respect du principe de la couverture des frais et de démontrer « comptablement » que ce principe était respecté lorsqu’un contribuable contestait sa taxe d’équipement ; il n’était pas possible pour les autorités genevoises de se retrancher derrière des affirmations générales et des moyennes d’expérience. Le Tribunal fédéral s’était fondé dans son arrêt précité sur le rapport n° 59 de la Cour des comptes qui établissait qu’en 2012, les montants encaissés dans le canton pour l’équipement des terrains en faveur des communes et non réclamés par ces dernières représentaient plus de CHF 51'000'000.- et plus de CHF 6'000'000.- pour la seule ville. D’après le Tribunal fédéral, le rapport en question laissait supposer que le principe de la couverture des frais était peut-être violé en matière de taxes d’équipement dans le canton et au niveau des communes, tout en mettant en lumière une absence de suivi financier qui rendait difficile la comparaison des revenus et des charges en matière d’équipement (consid. 6.5).
Le Tribunal fédéral rappelle ensuite que le principe de la couverture des frais suppose une comparaison des ressources financières obtenues grâce aux taxes d’équipement par la collectivité considérée comme responsable de l’équipement à Genève avec les coûts totaux supportés dans ce domaine par cette même entité et censés être couverts (en tout ou en partie) par ces taxes. Pour le Tribunal fédéral, à cet égard, le droit genevois ne définit pas clairement l’entité étatique responsable de l’équipement et de son financement et, partant, l’échelle à laquelle doit être apprécié le principe de la couverture des frais in casu. D’un côté, il est acquis qu’il appartient à chaque commune genevoise de réaliser l’équipement (art. 3C LGZD). De l’autre, il incombe à une organisation supracommunale, soit au FIE, de financer jusqu’à 75% des coûts des projets d’équipement, à la demande des communes, ainsi que de prélever les taxes dues pour cet équipement, étant précisé que le montant de ces contributions causales devait non seulement équivaloir à 75% des coûts moyens d’équipement des projets de développement à l’échelle cantonale, mais aussi tenir compte des dépenses réelles dudit fonds (art. 3A al. 3 et 3B al. 5 LGZD ; consid. 6.6.3).
Le Tribunal fédéral poursuit en précisant que la réglementation quelque peu singulière que connaît Genève fait que les autorités jouissent d’un certain pouvoir d’appréciation au moment de contrôler que la taxe d’équipement respecte le principe de la couverture des frais. A priori, un tel contrôle peut passer par une comparaison des coûts et des revenus liés à l’équipement non seulement à l’échelle communale, mais aussi, alternativement, à l’échelle intercommunale, suivant que l’entité responsable de l’équipement et de son financement soit E______ ou le FIE. En revanche, l’examen de la couverture des frais ne peut pas consister en une comparaison d’un seul crédit adopté par E______, sur la base d’une estimation des coûts liés au réaménagement du chemin H______, avec les taxes d’équipement fixées forfaitairement et perçues auprès de certains propriétaires ayant construit dans ce secteur, comme les recourants. Un examen par quartier du principe de la couverture des frais – qui semble être envisagé exceptionnellement pour les entités internationales seulement (art. 3A al. 4 LGZD) – s’avère difficilement conciliable avec l’art. 3A al. 2 LGZD prévoyant la perception de taxes d’équipement auprès de tout propriétaire érigeant un projet de construction, ce même lorsque ce projet ne nécessitait pas de travaux d’équipement de la part de la collectivité (consid. 6.6.3).
9.3 Dans les considérants qui suivent, le Tribunal fédéral critique le raisonnement de la chambre de céans puis énonce les questions auxquelles il faut répondre pour résoudre le litige. Il retient qu’ayant considéré, à tort, qu’il suffisait de constater, sous l’angle du principe de la couverture des frais, que le montant des taxes facturées aux propriétaires ayant construit dans le secteur du chemin H______ ne dépassait pas le total estimé des coûts du réaménagement dudit chemin effectué en 2018, sur la base duquel un crédit avait été adopté en 2016, la chambre administrative n’avait pas jugé nécessaire d’établir ni les données comptables de E______ ni celles du FIE. L’arrêt de la chambre de céans ne faisait ainsi aucunement état des charges supportées en matière d’équipement par E______ – qui avait pourtant déclaré son souhait d’être appelée en cause devant le TAPI – ni des revenus que cette commune retirait de manière indirecte de la taxe d’équipement, en l’occurrence par le biais des aides octroyées par le FIE, ni les réserves dont cette fondation de droit public disposait. Il n’était dès lors pas possible de déterminer si la taxe litigieuse respectait le principe de la couverture des frais, lequel aurait dû passer par un contrôle concret des postes comptables de l’entité étatique tenue pour responsable de l’équipement et de son financement au sens du droit cantonal, quelle qu’elle soit (consid. 6.6.4).
Selon le Tribunal fédéral, une démonstration comptable s’imposait d’autant plus qu’il ne pouvait être exclu que la taxe d’équipement prévue par la LGZD contrevienne au principe de la couverture des frais, eu égard à la thésaurisation importante de cette taxe, ce tant à l’échelle cantonale que communale. La jurisprudence découlant de l’arrêt 2C_226/2015 restait d’actualité. En effet, les taxes d’équipement facturées pour un montant total de CHF 2'021'779.35 par le FIE aux différents propriétaires des terrains situés à proximité du chemin H______, dont les requérants, dépassaient de plus d’un million de francs la subvention de CHF 1'000'000.- accordée par le FIE à E______ pour le réaménagement de ce chemin. Sans autre explication, cette différence entre les revenus obtenus par le FIE grâce à la taxe d’équipement et les dépenses qu’il avait concédées en lien avec ledit chemin laissait plutôt transparaître un risque persistant de thésaurisation de la taxe d’équipement dans le canton de Genève (consid. 6.6.5).
La chambre de céans s’était limitée à relever que le problème de thésaurisation avait été réglé par la révision de la LGZD qui avait notamment créé le FIE afin de mutualiser les recettes de la taxe d’équipement au niveau intercommunal et de permettre une allocation effective de la taxe d’équipement en faveur des communes qui en avaient besoin, et non selon une logique de découpage administratif. La chambre administrative ne prétendait toutefois pas que le législateur cantonal aurait voulu que le principe de la couverture des frais soit examiné de manière intercommunale. Elle ne constatait pas non plus que la somme des taxes d’équipement facturées dans le canton correspondrait à peu près aux dépenses effectuées par l’ensemble des communes genevoises en matière d’équipement. Ainsi, la révision de la LGZD ne suffisait pas à elle seule à renverser la présomption posée dans l’arrêt 2C_226/2015 précité, selon laquelle le principe de la couverture des frais pourrait être violé à Genève en lien avec les taxes d’équipement tant que les autorités cantonales n’en auraient pas contrôlé le respect en procédant à un examen concret des postes de l’entité étatique considérée comme responsable de l’équipement et de son financement, en l’espèce E______ ou le FIE. L’exigence d’un tel contrôle avait été rappelée à maintes reprises lors de l’élaboration de la révision de la LGZD (consid. 6.6.5).
La chambre administrative avait en conséquence violé le droit fédéral en confirmant la taxe d’équipement litigieuse, sans déterminer, dans un premier temps, qui, de E______ ou du FIE, était responsable de l’équipement et de son financement au sens du droit cantonal, ni vérifier, dans un deuxième temps, de manière comptable, que le principe de la couverture des frais était en l’espèce respecté à l’échelle de cette entité (consid. 6.7).
10. Il s’agit donc, dans un premier temps, de déterminer qui, de E______ ou du FIE, doit être considéré comme responsable de l’équipement et de son financement au sens du droit cantonal.
10.1 Selon l’art 3C al. 1 LGZD, intitulé « équipement », la commune intéressée est tenue d’effectuer les travaux de réalisation, de modification ou d’adaptation des voies de communication publiques et des systèmes publics d’assainissement des eaux usées et pluviales nécessaires à l’équipement des parcelles concernées par l’autorisation de construire délivrée, cas échéant prévus par le PLQ, au plus tard à l’ouverture du chantier. Ceux-ci doivent être terminés au plus tard à l’achèvement de l’ouvrage. La commune veille à adopter les crédits nécessaires à cette fin en temps utiles.
Dans sa version en vigueur le 2 juillet 2010, soit à la date à laquelle la facture litigieuse a été envoyée aux recourants, l’art. 3 aLGZD prévoyait qu’à l’issue du délai (de deux ans) visé à l’alinéa précédent, si l’instruction de la demande d’autorisation était terminée et s’il se déclarait prêt à délivrer l’autorisation sollicitée, le département, d’office ou sur requête des propriétaires, demandait à la commune de s’engager à commencer les travaux nécessaires à la réalisation des équipements prévus par le PLQ au plus tard à l’ouverture du chantier. Ceux-ci une fois commencés, devaient être poursuivis sans interruption (al. 8). La commune disposait d’un délai d’un mois pour produire l’engagement visé à l’alinéa précédent (al. 9).
Dans sa version en vigueur au 31 décembre 2016, soit avant la modification législative entrée en vigueur le 1er janvier 2017, le contenu des al. 8 et 9 cités ci‑dessus a été repris à l’identique à l’art. 3 al. 10 et 11.
Il y a donc lieu de suivre le TAPI qui, sans être contredit sur ce point, a retenu que E______ – commune sur le territoire de laquelle est érigée la construction autorisée – est ici responsable de l’équipement. C’est en effet elle qui est tenue de fournir cette prestation.
10.2 Il faut ensuite déterminer qui, de E______ ou du FIE, est responsable du financement au sens du droit cantonal.
Si dans l’arrêt litigieux les premiers juges retiennent explicitement que l’entité responsable de l’équipement est la commune, ils sont moins affirmatifs s’agissant du financement. Ils n’indiquent en effet pas explicitement qui en est responsable, mais retiennent que le financement est assuré, « jusqu’à concurrence de 75% des coûts des projets d’équipement, par la perception de la taxe d’équipement, qui constitue une participation des propriétaires fonciers aux coûts d’équipement. Si, depuis le 1er janvier 2017, c’est le FIE qui est chargé de percevoir la taxe et la redistribuer (art. 3B al. 4 et 5 LGZD), il n’en reste pas moins que ce sont les communes qui financent directement les travaux d’équipement ».
10.2.1 La dernière phrase de l’art. 3C al. 1 LGZD (cité au consid. 11.1 du jugement du TAPI) prévoit que la commune veille à adopter les crédits nécessaires en temps utiles. Dans l’hypothèse où la commune n’entreprend pas les travaux d’équipement dans les temps, les propriétaires peuvent demander au département, soit de procéder aux travaux d’office, soit d’équiper eux-mêmes les terrains. Les propriétaires peuvent alors faire l’avance des frais nécessaires. Dans un délai de trois mois à compter de l’achèvement des travaux d’équipement à charge de la commune, celle‑ci rembourse aux propriétaires ou superficiaires la totalité de leurs avances de frais, y compris les intérêts (art. 3C al. 2 et 3 LGZD).
Dans l’ancien droit, il était prévu que dans un délai de deux ans à compter du dépôt d’une demande définitive d’autorisation de construire fondée sur un PLQ entré définitivement en force, la commune intéressée était tenue d’adopter les crédits destinés au financement des travaux nécessaires à la réalisation des équipements prévus par ce plan (art. 3 al. 9 aLGZD).
10.2.2 Pour sa part, le FIE, et avant lui le département (art. 11B aRGZD), rend les décisions de taxation, les notifie et en gère le suivi (art. 3B al. 4 LGZD). Il prélève les taxes d’équipement (art. 1 des statuts) et octroie aux communes un financement jusqu’à concurrence de 75% des coûts du projet d’équipement (art. 3B al. 5 LGZD). Si, depuis le 1er janvier 2017, la LGZD prévoit la mise en commun du montant des taxes d’équipement auprès du FIE, il ne ressort ni de la LGZD ni de ses statuts qu’il serait responsable du financement de l’équipement.
10.2.3 Il ressort du rapport de la commission d’aménagement du canton chargée d’étudier le projet de loi du Conseil d’État modifiant la LGZD du 17 mai 2016 (p. 26 ; consultable sous : PL 11783A - modifiant la loi générale sur les zones de développement [LGZD ; L 1 35 ; Taxe d’équipement ; ge.ch]), que des commissaires se sont inquiétés du devenir de la comptabilité au niveau communal. Ainsi, un commissaire a indiqué avoir compris « qu’il n’y aura plus de compte par commune et que l’on pourra avoir des montants de taxe d’équipement d’une commune qui sont affectés sur des équipements d’une autre commune. Il demande si l’on envisage qu’il y ait des comptabilités par commune qui subsistent ». Un autre commissaire a expliqué avoir compris « qu’il n’y aura plus de comptabilité qui permette d’établir le principe de la couverture des frais ». Un représentant du département a répondu « qu’il y aura justement une comptabilité au travers de l’établissement des coûts des projets d’une commune. En effet, la commune devra déterminer quel sera le coût de son équipement pour son projet et il y aura ensuite des délibérations pour enfin adresser la facture. C’est à ce moment-là que le fonds va gérer le produit de cette taxe. (…) la comptabilité va rester dans chaque commune. Il pense qu’il y a un malentendu car, sur le plan de la comptabilité propre des projets, les communes seront capables et devront déterminer précisément leurs projets. De plus, pour déposer un projet au fonds mutualisé et obtenir un versement, elles devront fournir des pièces justificatives, donc cela incitera même les communes à être encore plus précises et transparentes dans leurs projets ».
10.2.4 Il découle de ce qui précède, singulièrement de l’art. 3C al. 1 à 3 LGZD et de l’intervention du représentant du département lors des travaux préparatoires, que, dans le cadre de la LGZD, les communes sont responsables du financement de l’équipement sur le territoire de laquelle est érigée la construction autorisée. Le FIE n’intervient qu’en qualité d’autorité chargée de prélever la taxe, de la gérer puis de la redistribuer après avoir vérifié le respect des conditions applicables. Pour sa part, le département est appelé à délivrer l’autorisation de construire, sans qu’il apparaisse être responsable du financement de l’équipement sur le territoire d’une commune. En application des principes dégagés par le Tribunal fédéral dans l’arrêt de référence, il faut ainsi vérifier à l’échelle de E______, de manière comptable, si le principe de la couverture des frais est respecté.
Il n’apparaît pas que cette solution serait contraire à une autre loi cantonale. Elle ne semble en particulier pas faire obstacle à la mise en œuvre de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) qui répartit les compétences et obligations du canton et des communes en matière de travaux et d’entretien des voies publiques cantonales et communales. En effet, à teneur du rapport de la commission d’aménagement précité (p. 10 et 32), des commissaires ont questionné le département quant aux effets des modifications de la LGZD sur cette répartition. Un commissaire a ainsi souhaité savoir si la discussion au sujet du classement des routes entre E______ et le canton avait été réglée. Le département a répondu que la discussion était toujours en cours et que le dossier était traité dans le cadre du groupe de travail « canton-communes ». À la question du même commissaire de savoir « s’il y a une taxe lorsque la parcelle se trouve aux abords d’une route cantonale par exemple », le département a indiqué que toutes les autorisations de construire en demande définitive qui bénéficiaient d’une SBP à créer en zone de développement étaient taxées, mais que cela ne comprenait pas les routes cantonales. Le montant ainsi prélevé ne pourrait pas financer ces routes cantonales.
En conséquence, au sens du droit cantonal, la commune est l’entité responsable tant de l’équipement que de son financement.
11. Se pose la question de l’incidence de la création du FIE le 1er janvier 2017, notamment dans l’analyse du respect du principe de la couverture des frais.
11.1 Le TAPI rappelle que jusqu’au 31 décembre 2016, les recettes de taxation étaient séparées commune par commune, chaque commune disposant d’un compte propre, tenu par le département, duquel étaient prélevées les subventions pour financer leurs travaux d’équipement. La révision législative entrée en vigueur le 1er janvier 2017 a mis fin à ce système, en prévoyant une mutualisation des recettes de la taxe d’équipement au niveau intercommunal (consid. 12 du jugement litigieux).
Le TAPI retient que cette mise en commun du produit des taxes d’équipement aurait pour conséquence que le contrôle du respect du principe de la couverture des frais devrait se faire à une échelle territoriale différente selon la période considérée : au niveau communal pour les taxes facturées jusqu’au 31 décembre 2016, puis au niveau intercommunal pour les taxes facturées à compter du 1er janvier 2017.
11.2 Cette solution ne saurait être suivie : dès lors que chaque commune est responsable de son équipement et de son financement, un contrôle du respect du principe de la couverture des frais s’impose toujours à cette échelle, la modification législative en vigueur depuis le 1er janvier 2017 n’ayant pas prévu de transférer à une autre entité que la commune la responsabilité de son équipement et de son financement. La mise en évidence d’éventuelles réserves et d’un risque de thésaurisation au niveau communal doit rester possible avant ou après la modification législative.
Cela étant, le système existant à Genève, avant ou après le 1er janvier 2017, ne permet pas aux communes de gérer de manière autonome les taxes utiles au financement qu’elles doivent assurer pour leur équipement. Le département puis le FIE sont en effet chargés de prélever puis de reverser les taxes d’équipement. Il en découle qu’outre un contrôle à l’échelle de la commune qui fournit la prestation, un contrôle du respect du principe de la couverture des frais s’impose également au niveau intercommunal, ceci avant ou après le 1er janvier 2017, la constitution de réserves et un risque de thésaurisation relevé par le Tribunal fédéral, existant aussi à ce niveau, ce que confirme le rapport n° 59 de la Cour des comptes qui évoque l’existence de sommes importantes inutilisées, à disposition tant des communes que de E______.
11.3 Il découle de ce qui précède qu’il convient, en l’espèce, conformément à l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, de s’assurer comptablement, tant à l’échelle de E______ qu’au niveau intercommunal, que le principe de la couverture des frais est respecté. Pour ce faire, il convient de connaître les montants taxés et encaissés par le département puis le FIE puis effectivement versés par eux à E______ et à l’ensemble des communes et enfin de connaître les montants effectivement dépensés par E______ et l’ensemble des communes. Il s’agit également de connaître le montant des éventuelles réserves à disposition de E______ et de l’ensemble des communes. Si de telles réserves existent, il conviendra de déterminer si elles sont justifiées au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral.
12. La période soumise à la vérification du respect du principe de la couverture des frais doit être précisée.
12.1 Compte tenu notamment du fait que l’aménagement des zones de développement évolue constamment, les juges du TAPI ont limité leur examen à la période allant de juillet 2010 (date de la facture litigieuse) à octobre 2020 (date de l’arrêt de référence).
12.2 Dans un arrêt 2C_322/2010 du 22 août 2011, auquel se réfère le FIE dans sa réponse au recours, le Tribunal fédéral, s’agissant d’un litige en lien avec les taxes de raccordement au réseau des eaux usées de la commune de AZ______, a jugé qu’il était possible de vérifier le respect du principe de la couverture des frais sur une période 2000-2017. Selon le Tribunal fédéral, les coûts de construction et d’amortissement des conduites et installations sont souvent générés sur une longue période et de manière irrégulière, de sorte que l’examen du principe de la couverture des frais ne peut se référer qu’à une durée correspondante. Il convient également d’accorder aux communes ou aux districts une certaine marge de manœuvre dans l’estimation des recettes et des dépenses futures (consid. 3).
12.3 Outre l’argument de la fluctuation dans le temps des coûts relatifs à l’équipement selon que des aménagements sont ou non réalisés sur le territoire de la commune et selon leur ampleur, la facture litigieuse a été émise en 2010 et un changement de législation est intervenu en 2017. Si ce changement n’a pas modifié l’entité à l’échelle de laquelle il faut contrôler le respect du principe de la couverture des frais, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI, il s’avère pertinent, en particulier sous l’angle d’une éventuelle thésaurisation de la taxe, de contrôler si les modifications légales ont eu un effet positif à cet égard. Ceci est d’autant plus vrai que le Tribunal fédéral a émis des doutes à ce sujet dans l’arrêt de référence (consid. 6.6.5).
12.4 La période retenue par le TAPI répond à une certaine logique (date d’émission de la facture et du prononcé de l’arrêt du Tribunal fédéral) et prend en compte les premières années qui suivent l’entrée en vigueur de la nouvelle législation.
Toutefois, la date d’octobre 2020 se situe au milieu de la période transitoire prévue par la LGZD. En effet, à teneur de l’art. 12 al. 7 LGZD, les montants perçus au titre de la taxe d’équipement avant l’entrée en vigueur de la modification du 1er septembre 2016 sont versés au FIE s’ils n’ont pas fait l’objet d’une demande d’allocation dans un délai de cinq ans à compter de leur perception. Sont déterminantes à cet effet les demandes de rétrocession assorties de toutes les pièces justificatives requises.
En conséquence, et comme l’ont confirmé tant le département que le FIE, la période transitoire a pris fin le 31 décembre 2021.
L’instruction complémentaire ordonnée par la chambre de céans a en conséquence porté sur une période plus longue, soit de 2009 à 2023. Elle a permis de mettre en évidence qu’en 2021 une partie des réserves de E______ ont été versées dans le « pot commun » à disposition de l’ensemble des communes conformément à la nouvelle législation et que dès 2022, toutes les réserves de E______ ont été versées dans le pot commun intercommunal. Dès lors que les réserves de E______ ont commencé à être dissoutes en 2021 et qu’il n’est en conséquence plus possible d’en connaître l’évolution après cette date, il se justifie pour ce motif également d’examiner le respect du principe de la couverture des frais à l’échelle de cette entité au-delà d’octobre 2020, soit jusqu’au 31 décembre 2020.
Ainsi, une instruction de la cause sur une période plus étendue que celle initialement retenue par le TAPI était nécessaire pour établir les faits pertinents pour la période retenue par les juges du TAPI.
Dans le présent arrêt, la chambre de céans examinera dès lors la conformité de la taxe litigieuse sur une période identique à celle du TAPI, sous réserve de ce qui précède pour la fin de l’année 2020 et du fait que les chiffres produits sont annuels, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2020 (ci-après : période de référence).
13. Conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral, il appartient à la chambre de céans, dans un second temps, de vérifier de manière comptable que le principe de la couverture des frais est respecté à l’échelle de l’entité retenue, en l’espèce la commune, soit E______, sous réserve d’une éventuelle thésaurisation communale ou cantonale.
13.1 Dans son analyse du respect du principe de la couverture des frais, le TAPI rappelle à juste titre, se référant à l’arrêt de référence (consid. 6.6.3), que c’est bien sur la base de l’ensemble des coûts d’équipement assumés par E______ sur son territoire que l’examen du principe de la couverture des frais doit s’effectuer et non des seuls coûts supportés pour le chemin H______. À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a été appelé à trancher un litige soleurois dans lequel des époux contestaient un émolument de CHF 2'238.- réclamé pour la constitution de deux cédules hypothécaires (ATF 126 I 180). Il a jugé que le principe de la couverture des frais était respecté après avoir retenu qu’il apparaissait dans les comptes cantonaux pour l’année 1995 que la branche de l’administration concernée avait perçu CHF 24'000'000.- pour des dépenses totales d’environ CHF 18'700'000.- et que pour l’année 1996 les revenus et les dépenses s’élevaient respectivement à CHF 19'300'000.- et CHF 19'270'000.-.
13.2 Sur le plan comptable, le TAPI a retenu que pour la période du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2020, les dépenses brutes d’équipement consenties par E______ s’élevaient à CHF 32'269'311.-. Pendant la même période, le total des taxations encaissées par le département, puis par le FIE, pour des projets situés sur le territoire de E______ s’était élevé à CHF 19'041'471.-. La comparaison de ces deux montants (coûts/revenus) démontrait que les coûts d’équipement consentis par E______ étaient nettement supérieurs aux taxes encaissées pendant la même période, y compris en tenant compte du montant de la taxe litigieuse de CHF 535'933.65. Le produit global des taxes d’équipement (CHF 19'577'404.65 dont CHF 535'933.65 facturés aux recourants) était même inférieur au montant de CHF 24'201'983.25 correspondant au 75% des coûts d’équipement assumés par E______.
14. Sur le plan communal, la chambre de céans a interpellé E______ et le FIE le 14 mai 2024. Une instruction complémentaire est en effet apparue indispensable dès lors que plusieurs données comptables manquaient au dossier, qu’elles y figuraient mais de manière éparse ou étaient contradictoires.
14.1 Les données comptables sont reproduites dans le tableau ci-dessous (en CHF). Les données reçues dans le cadre de l’instruction complémentaire ordonnée par la chambre de céans sont en italiques ; les calculs effectués par la chambre de céans et utiles à la solution du litige sont en gras.
Certains totaux doivent être relativisés, en l’absence de données, à l’instar de celui portant sur les décisions d’octroi.
Les données comptables comprennent les « réserves », soit les montants en possession soit du département soit du FIE en faveur de E______, les montants facturés pour ladite commune au titre de taxes d’équipement ainsi que ceux encaissés au même titre. Le tableau indique les montants ayant fait l’objet de décisions d’octroi à E______ ainsi que les montants effectivement versés, étant précisé que les seconds sont déjà compris dans les premiers, conformément aux écritures de E______ du 31 mai 2024. Enfin, les sommes dépensées par E______ au titre de frais d’équipement sont indiquées.
14.2 Pour ce qui concerne E______ :
- ses réserves auprès du département étaient de CHF 2'986'492.- le 31 décembre 2009 (écriture de E______ du 30 septembre 2022). Avant les mesures d’instruction complémentaires ordonnées par la chambre de céans, les réserves étaient ensuite connues chaque année, mais jusqu’au 31 décembre 2016 seulement. Pièces à l’appui, E______ a complété ces données dans sa réponse du 31 mai 2024. Ses réserves auprès du département et/ou du FIE étaient ainsi, au 31 décembre des années 2017 à 2020, respectivement de CHF 6'105'186.-, CHF 7'184'687.-, 10'684'077.- puis de CHF 10'782'137.-. Comme cela a déjà été précisé, une partie des réserves de E______ a été versée au pot commun de l’ensemble des communes en 2021, le reste en 2022 ;
- avant les mesures d’instruction complémentaires ordonnées par la chambre de céans, il était connu que E______ avait dépensé CHF 32'269'311.- entre le 1er juillet 2010 et le 31 octobre 2020 (pièce 1 du chargé de E______). Il était toutefois difficile d’établir le détail de ses dépenses année par année à compter du 1er janvier 2010. E______ a transmis les informations utiles le 31 mai 2024 et confirmé le montant de CHF 32'269'311.-. Les données transmises correspondent à l’état en mars 2022 ;
- avant les mesures d’instruction complémentaires ordonnées par la chambre de céans, les montants versés par le département puis le FIE à E______ n’étaient pas clairs. E______ a donné les indications utiles le 31 mai 2024. Elle a, au surplus, distingué entre les montants versés et ceux faisant l’objet d’une décision d’octroi, faisant apparaître un solde à recevoir. Entre 2010 et 2020, E______ a reçu CHF 5'204'169.-. Dans son écriture, E______ a précisé que par « versé » il fallait entendre le montant qui lui avait été versé durant l’année quelle que soit l’année d’octroi de la subvention ;
- avant les mesures d’instruction ordonnées par la chambre de céans, on ignorait les montants que le département puis le FIE avaient facturés pour le compte de E______. Il n’était pas non plus facile de comprendre quels montants le département puis le FIE avaient encaissés pour le compte de E______. Par exemple, alors que pour la période du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2020 le jugement litigieux retient que le département puis le FIE ont encaissé CHF 19'041'471.- pour des projets situés sur le territoire de E______, dans sa réponse au recours E______ fait état de « taxes d’équipement facturées » s’agissant du montant de CHF 19'041'471.- et non de taxes encaissées. E______ a répondu le 31 mai 2024, s’appuyant sur des données transmises par le FIE. Il apparaît qu’entre 2010 et 2020, le département puis le FIE ont facturé CHF 22'824'929.95 pour le compte de E______. Ces mêmes entités ont, sur cette période, encaissé CHF 20'344'232.34 pour le compte de E______. Cette dernière précise dans son écriture que, par « encaissé », il faut entendre le montant encaissé durant l’année quelle que soit l’année de facturation de la taxe. E______ précise que les montants qui restent à encaisser sont des dossiers en contentieux, dont la présente cause.
| Réserves | Facturé | Encaissé | Versé | Décisions d’octroi | Dépensé par E______ |
2009 | 2'986'492.- |
|
| 0.- |
| 253'386.- |
2010 | 3'524'225.- |
| 537'733.15 (par le Dpt) | 0.- |
| 708'078.- |
2011 | 5'631'246.- |
| 2'107'020.55 (par le Dpt) | 0.- |
| 224'186.- |
2012 | 6'185'120.- | 15'426'338.45 (par le Dpt) | 553'873.25 (par le Dpt) | 0.- |
| 2'979'398.- |
2013 | 6'477'177.- |
| 292'056.33 (par le Dpt) | 0.- |
| 2'567'131.- |
2014 | 5'433'614.- |
| 2'316'592.55 (par le Dpt) | 3'116'760.55 | 2'619'801.55 (soit 3'116'760.- - 496'958.- rectifié en 2019) | 541'552.- |
2015 | 5'595'058.- |
| 2'057'263.50 (par le Dpt) | 1'834'101.95 | 1'584'367.- (soit 1'834'101.09 – 249'734.95 rectifié en 2019) | 1'049'660.- |
2016 | 3'647'212.- |
| 1'649'678.30 (par le Dpt) | 3'547'735.- | 1'000'000.- (soit 3'547'735.- - 2'547'735.- rectifié en 2019) | 2'813'653.- |
2017 | 6'105'186.- | 520'713.- (par le FIE) | 2'535'121.56 (2'533'993.56 Dpt + 1'128.- FIE) | 0.- | 0.- | 1'066'625.- |
2018 | 7'184'687.- | 319'224.- (par le FIE) | 1'961'097.- (1'112'888.- Dpt + 848'209.- FIE) | 0.- | 0.- | 4'222'611.- |
2019 | 10'684'077.- | 2'997'981.50 (par le FIE) | 3'743'161.25 (210'993.25 Dpt + 3'532'168.- FIE) | Correction de subvention : - 3'294'428.40 | 0.- | 12'363'006.- |
2020 | 10'782'137.- | 3'560'673.- (par le FIE) | 2'590'634.90 (101'091.90 Dpt + 2'489'543.- FIE) | 0.- | 769'650.- | 5'835'601.- |
|
| Total facturé : 22'824'929.95 | Total encaissé: 20'344'232.34 | Total reçu : 5'204'169.- | Total octroyé : 5'973'818.55 | Total dépensé : 34'371’501.- |
2021 | 6'797'046.- mais 3'985'091.- versé au pot commun | 1'660'557.- (par le FIE) | 2'284'059.- (par le FIE) | 261'964.- | 261'964.- | 4'381'939.- |
2022 | 0.- | 2'452'037.- (par le FIE) | 1'537'229.- (par le FIE) | 0.- | 20'895'214.- (dont 1'000'000.- rectifié en 2023) | 66'251.- (du 01.01 au 01.03) |
|
|
|
|
|
| Total 01.01.2009 au 01.03.2022 : 39'073'077.- |
2023 | 0.- | 2'123'901.80 (par le FIE) | 920'983.80 (par le FIE) | 6'336'630.- | -1'000'000.- |
|
|
| Total facturé: 29'061'425.75 | Total encaissé : 25'086'504.14 |
| Total octroyé : 26'130'996.55 |
|
|
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| Reste à encaisser : 3'974'920.61 (1'953'153.11 par le Dpt et 2'021'767.50 par le FIE) | Total reçu : 11'802'763.- | Solde à recevoir : 14'328'234.-
| Engagements au 01.03.2022 : 6'323'020.- |
|
|
|
| Total des subventions reçues et à recevoir : 26'130'997.- |
| Total des dépenses et engagements au 01.03.2022 : 45'396'097.- |
(1) écritures de E______ et du FIE du 30.9.2022 ; écriture de E______ du 31.05.2024 ; (4) écriture de E______ du 31.05.2024
(2) pièce 21 et courriers 31.3.2022 puis 30.09.2022 FIE ; (5) pièce 1 ville et écriture de E______ du 31.05.2024
(3) pièce 21 et courrier du 31.3.2022 FIE ; écriture de E______ du 31.05.2024 ;
Sur la base de ces éléments, il convient de comparer, conformément à l’arrêt de référence (consid. 6.6.3), les ressources financières obtenues grâce aux taxes d’équipement avec les coûts totaux supportés par E______ et censés être couverts (en tout ou partie) par ces taxes.
14.2.1 L’instruction complémentaire menée par la chambre de céans a mis en évidence que les ressources financières obtenues grâce aux taxes d’équipement, à savoir les taxes encaissées pour le compte de E______ entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2020, ont été de CHF 20'344'232.34. Quant aux dépenses consenties par E______ durant la même période, elles ont été de CHF 34'371'501.-. S’il se confirme à ce stade que les sommes encaissées sont inférieures aux sommes dépensées par E______. Comme cela a été retenu en première instance, on ne peut toutefois pas encore exclure que des sommes injustifiées ont été thésaurisées pendant la période de référence.
14.2.2 Le système genevois implique en effet que l’autorité qui taxe et encaisse n’est pas la même que celle qui est responsable de son équipement et de son financement. Il est dès lors indispensable de s’assurer que le montant total des taxes encaissées et le montant total des sommes versées, parfois nommées par les parties « subventions », correspondent, d’autant que, en l’espèce, les réserves à disposition de E______ ont augmenté de plus de CHF 7'000'000.- durant la période de référence. L’instruction complémentaire menée par la chambre de céans révèle que durant cette période, E______ n’a reçu que CHF 5'204'169.- sur les CHF 34'371'501.- qu’elle a dépensés. E______ a donc financé en très grande partie autrement que par les taxes prévues à cet effet ses dépenses d’équipement à hauteur de CHF 29'167'332.-, alors même que pendant la période de référence ses réserves, sur lesquelles elle n’a pas la main, ont augmenté. On est loin des CHF 25'778'625.75 auxquelles E______ pouvait prétendre en application de l’art. 3B al. 5 LGZD qui prévoit un financement jusqu’à concurrence de 75% des coûts des projets d’équipement. On voit mal dans de telles conditions comment une commune, par hypothèse peu fortunée et qui ne disposerait pas immédiatement des fonds nécessaires, pourrait financer son équipement. Cette manière de faire s’écarte par ailleurs de l’exposé des motifs du projet de loi modifiant la LGZD (MGC 17-18 décembre 2015, session XII, p.11ss), dans lequel le Conseil d’État avait notamment indiqué que ce projet devait servir les intérêts des communes « grâce à une disponibilité accrue et plus rapide de fonds ».
14.2.3 Le TAPI a fait état du décalage temporel qui existait entre le moment de la taxation et celui où les travaux d’équipement étaient réellement entrepris, ainsi qu’entre le moment où les dépenses étaient engagées ou planifiées et le moment où les subventions étaient allouées, ce décalage pouvant être important. Il a retenu, concernant E______, que sur les CHF 6'000'000.- encaissés pour son compte entre 2007 et juin 2012, aucun montant ne lui avait été rétrocédé, ce alors même que plusieurs projets d’équipement étaient en cours sur son territoire à ce moment-là. En revanche, à la suite du rapport de la Cour des comptes, E______ avait perçu plus de CHF 5'000'000.- de subventions et avait déposé, au 1er mars 2022, des demandes auprès du FIE pour un montant de près de CHF 30'000'000.-, étant précisé que ce dernier montant portait, à l’exception de deux dossiers, sur des dépenses déjà assumées ou engagées par E______ à cette date. Depuis lors, des subventions pour un montant total d’environ CHF 20'000'000.- avaient été allouées à E______ par le FIE pour différents projets en cours, démontrant qu’à terme, le produit des taxes d’équipement était bien utilisé pour financer des travaux d’équipement. À propos de ce décalage, E______ a précisé dans sa réponse au recours qu’on ne pouvait comparer directement le montant des taxes prélevées durant une période au montant des rétrocessions effectuées pendant la même période. En raison de la structure de la zone de développement et de la réalisation par étapes des PLQ, un décalage existait entre le moment de la taxation et le moment où les dépenses d’équipement étaient consenties. Un second décalage séparait ensuite le moment où des dépenses étaient consenties, qui s’étalait sur toute la durée de conception et de réalisation d’un projet, et le moment où les rétrocessions étaient effectuées en sa faveur. Ce dernier relevait d’un processus lié au dépôt de la demande de subvention, de son traitement puis des étapes de versement de la rétrocession, en un ou plusieurs versements.
L’existence d’un certain décalage dans le temps entre la taxation, l’encaissement, le versement, le début et la fin des travaux paraît inévitable. La question de ce décalage pose toutefois en l’espèce un problème particulier dès lors que, pour les motifs déjà exposés, l’examen du respect du principe de la couverture des frais porte sur une période de dix ans qui se termine au 31 décembre 2020. Or, la plupart des éléments comptables auxquels se réfère le TAPI sont postérieurs à cette période. Il en va ainsi en particulier des CHF 20'000'000.- alloués à E______ et mentionnés dans le jugement litigieux. Il s’agit en effet des CHF 20'895'214.- octroyés – mais non versés – à E______ en 2022, soit après la période de référence, puisque durant celle-ci, seuls CHF 5'973'818.55 ont été octroyés à E______.
Quoi qu’il en soit, il ne découle pas de ce qui précède que la comparaison entre les sommes obtenues grâce à la taxe d’équipement sont supérieures aux coûts effectifs de E______. Il n’en reste pas moins que sur la totalité des sommes encaissées par le département puis le FIE durant la période de référence, seule une petite partie a été octroyée puis versée à E______ pour lui permettre de couvrir ses coûts effectifs. Des sommes importantes ont ainsi été thésaurisées par l’entité en charge de la taxation au détriment de l’entité chargée de l’équipement et de son financement. Il convient d’examiner si cette thésaurisation doit être qualifiée d’excessive.
14.3 Les éléments comptables compilés dans le tableau ci‑dessus montrent que durant la période de référence les réserves de E______ ont connu plusieurs fluctuations. Cela étant, elles étaient de CHF 2'986'492.- au 1er janvier 2010 et de CHF 10'782'137.- au 31 décembre 2020. Ce dernier montant n’est pas anodin au regard des CHF 6'185'120.- dont la Cour des comptes s’était étonnée en 2012 déjà.
Le fait que les réserves de E______ ont augmenté de CHF 7'795'645.- entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2020, montant qui rejoint celui mis en évidence par les recourants, ne suffit toutefois pas à démontrer, contrairement à ce qu’ils soutiennent, que le principe de la couverture des frais a été violé. En effet, selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la branche ou subdivision concernée de l’administration, y compris, dans une mesure appropriée, les provisions, les amortissements et les réserves. De telles réserves financières violent le principe de la couverture des frais lorsqu’elles ne sont plus justifiées objectivement, c’est-à-dire lorsqu’elles excèdent les besoins futurs prévisibles de la branche ou subdivision en question estimés avec prudence (arrêt de référence, consid. 6.3).
Les premiers juges, ainsi que E______ dans sa réponse au recours, ont rappelé ce qui précède avec raison. Le TAPI a retenu qu’au 1er juillet 2010, date de la facture litigieuse, le montant prévisible des travaux d’équipement de E______ s’élevait à CHF 11'491'467.-, alors que le montant de ses réserves n’était que de CHF 2'986'492.-. Dans la mesure où les subventions obtenues pour ces travaux s’étaient élevées à CHF 5'528'447.60 (montant non contesté qui était alors identifié à teneur de la pièce 21 du chargé de E______), c’était près du 50% des dépenses prévisibles qui avait été financé par le produit de la taxe d’équipement, ce pourcentage se fixant finalement à 68,21%, les dépenses réelles ayant été inférieures au montant initialement prévu. Cela démontrait, selon le TAPI, que sur la durée, les montants qui devaient revenir à E______ au titre de la taxe lui avaient bien été alloués. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ce qui précède, d’autant que E______ a justifié, pièces à l’appui, l’ensemble de ses dépenses prévisibles au 1er juillet 2010. À cette date, les réserves à sa disposition ne lui permettant pas de faire face à ses dépenses prévisibles, il était justifié d’alimenter son compte en conséquence.
Pour le reste, les réserves de E______ au 31 décembre 2020 peuvent se justifier en raison de ce qui suit. Pendant la période concernée, E______ a dépensé CHF 34'371'501.-. En application de l’art. 3B al. 5 LGZD, qui prévoit un financement jusqu’à concurrence de 75% des coûts des projets d’équipement, elle pouvait prétendre à recevoir pour ses frais effectifs CHF 25'778'625.75. Dès lors qu’elle n’a reçu que CHF 5'204'169.-, il lui reste à recevoir CHF 20'574'456.75, montant que les réserves à sa disposition au 31 décembre 2020, soit CHF 10'782'137.-, ne lui permettent pas de couvrir, ceci sans même tenir compte de ses dépenses prévisibles.
Il découle de ce qui précède que si durant la période litigieuse le département et le FIE ont thésaurisé des sommes importantes qui n’ont pas servi à financer les coûts effectifs de E______, cette thésaurisation ne peut être qualifiée d’excessive, les réserves accumulées sur le compte de E______ ne lui permettant même pas, au 31 décembre 2020, de faire face à ses dépenses comptablement arrêtées à cette date.
14.4 Cela étant, pendant la période concernée, il est établi que le département puis le FIE ont encaissé CHF 20'344'232.- pour le compte de E______, montant dont il faut déduire les CHF 5'204'169.- versés à cette entité. Restent ainsi CHF 15'140'063.- dont il faut déduire les CHF 7'795'645.- versés dans les réserves de E______, ses réserves ayant augmenté d’autant durant la période de référence.
Un solde de CHF 7'344'418.-, qui excède largement les CHF 535'933.65 de la taxe litigieuse, se dégage en conséquence au 31 décembre 2020 sans que cette somme soit identifiable dans les réserves de E______ ou ailleurs dans les données comptables fournies par E______, le département ou le FIE.
Il n’est ainsi comptablement pas établi que le principe de la couverture des frais est respecté à l’échelle de E______. Le recours doit dès lors être admis pour ce motif et la taxe litigieuse annulée.
15. Pour ce qui relève du niveau intercommunal, la chambre de céans a sollicité la production, par le FIE et le département, de données comptables.
15.1 Elles sont reproduites dans le tableau ci-dessous (en CHF). Les données reçues dans le cadre de l’instruction complémentaire ordonnée par la chambre de céans sont en italique ; les calculs effectués par la chambre de céans et utiles à la solution du litige sont en gras.
Certains totaux doivent être relativisés, en l’absence de données, à l’instar de ceux portant sur les montants facturés et les décisions d’octroi.
Les données comptables comprennent les « réserves », à savoir les montants en possession soit du département soit du FIE en faveur de toutes les communes, les montants facturés pour toutes les communes au titre de taxes d’équipement ainsi que ceux encaissés au même titre. Le tableau indique les montants ayant fait l’objet de décisions d’octroi à toutes les communes ainsi que les montants effectivement versés, étant précisé que les seconds sont déjà compris dans les premiers, conformément aux écritures de E______ du 31 mai 2024. Enfin, les sommes dépensées par toutes les communes au titre de frais d’équipement sont indiquées. Certaines de ces dernières données sont le résultat d’une projection, selon les écritures du FIE du 9 septembre 2024, les montants octroyés, connus, étant limités au maximum au 75% du coût des dépenses d’équipement. Les données projetées sont mentionnées avec une astérisque.
15.2 Le FIE a répondu à la chambre de céans le 9 septembre 2024. Il a notamment indiqué qu’en accord avec le département sa réponse incluait les données en possession de celui-ci :
- avant les mesures d’instruction complémentaires ordonnées par la chambre de céans, les réserves en mains du département puis du FIE à disposition de l’ensemble des communes n’étaient pas connues pour les années 2009, 2010 et 2011. Elles étaient de l’ordre de CHF 51'000'000.- en 2012, selon la Cour des comptes, et n’étaient pas non plus connues en 2013, 2014 et 2015. Ces réserves étaient de CHF 36'039'306.- au 31 décembre 2016 selon le FIE (pièce 22 de son chargé). Les réserves étaient connues de 2017 à 2022 bien que leur montant exact au 31 décembre 2020 n’était pas clair : le FIE indiquait en effet disposer de CHF 24'394'950.- et le département de CHF 50'150'701 à cette date. Enfin, le montant des réserves n’était pas connu au 31 décembre 2023.
Le FIE a répondu le 9 septembre 2024 et communiqué les informations manquantes. Il a précisé qu’au 31 décembre 2012, les réserves étaient de CHF 55'472'370.- et de CHF 36'335'065.- au 31 décembre 2016. Pour 2020, le montant exact des réserves était de CHF 24'394'950.-. Les CHF 50'150'701.- constituaient le total des mouvements portés au crédit des comptes communaux encore tenus par le département entre fin 2016 et fin 2020 comme cela ressortait de la pièce 22 de son chargé.
- la chambre de céans a également ordonné des mesures d’instruction complémentaires du fait que les montants dépensés par l’ensemble des communes ne figuraient pas à la procédure. Le FIE a répondu le 9 septembre 2024. Selon ce dernier, le montant global minimum des dépenses effectives d’équipement prises en charge par les communes pouvait être établi sur la base des subventions versées, le financement accordé aux communes correspondant au maximum de 75% des coûts réels d’équipement. Si une subvention avait été accordée puis versée à une commune, cela signifiait que les travaux d’équipement correspondants avaient été réalisés ou étaient en cours de réalisation. Il s’agissait toutefois d’un montant minimal, certaines dépenses d’équipement des communes n’ayant pas systématiquement fait l’objet d’une demande de subvention. Vu l’absence de données consolidées disponibles – en raison de 45 comptabilités communales différentes – il avait mis en place un groupe de travail pour consolider plus précisément le total des dépenses communales. Le résultat de cette démarche pourrait être connu à la fin 2024. Il était certain que ce dernier total serait plus élevé que les montants indiqués.
- avant que la chambre de céans n’ordonne des mesures d’instruction complémentaires, les montants effectivement versés à l’ensemble des communes semblaient connus dès 2017 grâce aux rapports de gestion du FIE. Les montants versés par le département étaient inconnus pour la période de 2010 à 2016. Le FIE a répondu et transmis des données comptables. Il a précisé que les données tirées des rapports de gestion ne retranscrivant pas l’ensemble des versements comptabilisés, il avait mentionné les montants corrects sur la base d’extractions comptables dont l’ensemble des mouvements par année était joint à son envoi. Il avait identifié les différences en comparaison des rapports de gestion et les détaillait. Il a également distingué entre les montants versés et ceux faisant l’objet d’une décision d’octroi. Toutefois, le canton se basant sur une comptabilité d’encaissements et de décaissements, les informations relatives aux décisions d’octroi n’étaient pas disponibles en 2009 et 2016 ;
- des mesures d’instruction complémentaires ont aussi été nécessaires pour identifier les montants que le département a facturés et ceux qu’il a encaissés entre 2009 et 2023 au titre de la taxe d’équipement. Les montants taxés et encaissés par le FIE dès 2017 semblaient connus grâce aux rapports de gestion versés à la procédure. Le FIE a précisé dans sa réponse du 9 septembre 2024 que les montants facturés mentionnés dans la pièce 23 de son chargé étaient corrects. Concernant la période 2009 – 2016, les montants facturés n’étaient pas connus, le département se basant sur une comptabilité d’encaissements et de décaissements. À partir du 1er janvier 2017, le département n’avait plus facturé de nouvelle taxe. Pour les montants encaissés, les rapports de gestion ne prenant pas en compte l’ensemble des mouvements comptables, il fallait se référer aux données qu’il transmettait avec la pièce 25 de son chargé ;
- dans son écriture du 9 septembre 2014, le FIE a enfin fait valoir des frais de fonctionnement (pièce 25 de son chargé). Pour la période de 2010 à 2020, ces frais sont, selon les années, supportés par le département ou le FIE, voire les deux. Au 31 décembre 2020, fin de la période litigieuse, ces frais ont été de CHF 3'280'532.-. Ils s’élevaient à CHF 4'420'197.- au 31 décembre 2023.
| Réserves (1) | Facturé (2) | Encaissé (3) | Versé (4) | Décisions d’octroi (5) | Dépensé par les communes (6) |
2009 | 36'091'900.- |
| 7'362'147.- (par le Dpt) | 400'000.- (par le Dpt) |
| 533'333.- * |
2010 | 43'500'818.- |
| 7'408'919.- (par le Dpt) | 0.- |
| 0.- |
2011 | 48'635'758.- |
| 6'588'939.- (par le Dpt) | 1'454'000.- (par le Dpt) |
| 1'938'667. *- |
2012 | 55'472'370.- |
| 6'836'613.- (par le Dpt) | 0.- |
| 0.- |
2013 | 52'467'689.- |
| 2'960'731.- (par le Dpt) | 5'924'226.- (par le Dpt) |
| 7'898'968.- * |
2014 | 44'660'940.- |
| 9'945'051.- (par le Dpt) | 17'445'641.- (par le Dpt) |
| 23'260'855.- * |
2015 | 50'896'349.- |
| 8'961'084.- (par le Dpt) | 2'443'257.- (par le Dpt) |
| 3'257'676.- * |
2016 | 36'335'065.- |
| 9'493'874.- (par le Dpt) | 23'770'342.- (par le Dpt) |
| 31'693'789.- * |
2017 | 16'649'024.- | 4'520’913.- (par FIE) | 12'199'196.- (8'973'163.- Dpt et 3'226'033.- FIE) | 4'851'114.- (par le Dpt) | 2'732'863.- | 6'468'152.- * |
2018 | 15'098'065.- | 4'962'505.- (par FIE) | 7'930'330.- (4'607'479.- Dpt et 3'322'851.- FIE) | 4'720'711.- (234'473.- Dpt +4'486'238.- FIE) | 9'217'568.- | 6'294'282.- * |
2019 | 23'512'107.- | 8'320'845.- (par FIE) | 15'397'081.-(4'982'727.- Dpt et 10'414'354.- FIE) | 9'336'466.- (537'723.- Dpt + 8'798'743.- FIE) | 4'462'716.- | 12'448'621.- * |
2020 | 24'394'950.-
| 11'420'757.- (par FIE) | 9'793'780.- (628'075.- Dpt et 9'165'705.- FIE) | 1'685'937.- (par le FIE) | 12'178'879.- | 2'247'916.- * |
|
| Total : 29'225'020.- | Total encaissé : 104'877'745.- | Total versé : 72'031'694.- | Total octroyé : 28'592'026.- | Total : 96'042'259.- |
2021 | 42'276'056.- | 3'970'788.- (par FIE) | 4'888’239.- (par le FIE) | 10'356'624.- (par le FIE) | 11'019'922.- | 13'808'833.- * |
2022 | 27'330'962.- | 7'021'192.- (par FIE) | 4'544'093.- (par le FIE) | 2'055'098.- (par le FIE) | 22'043'196.- | 2'740'131.- * |
2023 | 32'376'573.- | 8'783'483.- (par FIE) | 7'950'912.-(par le FIE) | 8'226'709.- (par le FIE) | 3'299'613.- | 10'968'945.- * |
|
| Total facturé : 49'000'483.- | Total encaissé :122'260'989.- | Total versé : 92'670'125.- | Total : 64'954'757.- | Total : 123'560'168.- |
|
|
| Reste à encaisser : 5'488'296.- | Reste à verser : 29'345'408.- |
| 39'127'211.- |
|
|
| Total : 127'749'283.- | Total : 122'015'533.- |
| Total : 162'687'378.- |
(1) rapports de gestion FIE dès 2017, écriture du FIE du 9 septembre 2024 et sa pièce 25 ;
(2) rapports de gestion FIE dès 2017, son écriture du 9 septembre 2024 et ses pièces 23 et 25 ;
(3) rapports de gestion FIE dès 2017, son écriture du 9 septembre 2024 et sa pièce 25 ;
(4) rapports de gestion FIE dès 2017, écriture du FIE du 9 septembre 2024 et pièces 23 et 25 FIE ;
(5) écriture du FIE du 9 septembre 2024 et sa pièce 25 ;
(6) écriture du FIE du 9 septembre 2024 et sa pièce 25 ;
* montants projetés, selon écritures du FIE du 9 septembre 2024.
15.3 Il découle de ce qui précède que le solde du compte intercommunal a connu plusieurs fluctuations. Il apparaît toutefois que durant la période de référence, les réserves ont diminué de CHF 11'696'950.-. Elles ont nettement diminué par rapport aux CHF 55'472'370.- de 2012 (année du rapport de la Cour des comptes) puisqu’elles s’élevaient à CHF 24'394'950.- au 31 décembre 2020.
Pour le reste, le FIE a informé la chambre de céans que les informations relatives aux montants facturés et aux décisions d’octroi n’étaient pas disponibles de 2009 à 2016. Le FIE a également exposé que vu l’absence de données consolidées disponibles – en raison de 45 comptabilités communales différentes – les dépenses de l’ensemble des communes n’étaient pas connues. Selon le FIE, le montant global minimum des dépenses effectives d’équipement prises en charge par les communes pouvait être établi sur la base des subventions versées, le financement accordé aux communes correspondant au maximum de 75% des coûts réels d’équipement. Si une subvention avait été accordée puis versée à une commune, cela signifiait que les travaux d’équipement correspondants avaient été réalisés ou étaient en cours de réalisation. Il s’agissait toutefois d’un montant minimal, certaines dépenses d’équipement des communes n’ayant pas systématiquement fait l’objet d’une demande de subvention.
Il ressort du tableau que les sommes encaissées entre 2010 et 2020, soit CHF 97'515'598.- (CHF 104'877'745 ./. CHF 7'362'147.-), période déterminante en l’espèce, seraient, en l’état, supérieures de quelques 2 millions aux dépenses communales en équipement de CHF 95'508'926.- telles qu’elles résultent toutefois de la seule projection du FIE (CHF 96'042'259.- ./. CHF 533'333.-), représentant un peu moins de 2% des sommes encaissées ce qui ne constituerait pas nécessairement une violation du principe de la couverture des frais. Il paraît quoi qu’il en soit douteux, du fait des éléments manquants mentionnés par le FIE, qu’il serait possible de vérifier comptablement si ledit principe est respecté au niveau intercommunal.
Il ressort toutefois de la situation intercommunale qu’en 2010, date de la facture querellée, les réserves intercommunales s’élevaient à CHF 43'500'818.-. Elles augmentaient régulièrement, cette tendance ne s’étant inversée, ou à tout le moins freinée, que dès 2013, probablement suite au rapport de la Cour des comptes rendu en 2012. Au surplus, le département n’est en mesure d’indiquer ni les sommes facturées ni celles octroyées à cette époque, singulièrement pour 2010, précisant toutefois n’avoir versé aucun montant aux communes en 2010 et 2012. Or, dans l’arrêt de référence, le Tribunal fédéral a rappelé que « s'agissant spécifiquement de la taxe d'équipement prévue par la LGZD/GE, le Tribunal fédéral a déjà jugé dans un arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015 qu'il incombait en principe aux autorités genevoises de supporter le fardeau de la preuve en matière de respect du principe de la couverture des frais et de démontrer « comptablement » que ce principe était respecté lorsqu'un contribuable contestait sa taxe d'équipement » (consid. 6.5). Force est de constater qu’en l’espèce, malgré l’instruction complémentaire menée par la chambre de céans, l’intimé n’est pas en mesure d’apporter la preuve nécessaire à fonder la réclamation d’une taxe de CHF 535'933.65 en 2010.
Ainsi, et bien que cette solution puisse paraître insatisfaisante et heurte, notamment, le principe de l’égalité de traitement, il convient d’annuler la taxe litigieuse en l’absence de données pertinentes pour la fixer, d’autres méthodes de calcul applicables, des instructions contenues dans l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral ainsi que de l’écoulement de plus de treize années de procédure, la chambre de céans n’étant pas en mesure d’en « corriger » le montant au sens du consid. 7 de l’arrêt de référence.
En conséquence, le recours sera admis et la taxation litigieuse annulée.
16. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de E______ qui a conclu au rejet du recours. Aucun émolument ne sera mis à la charge du FIE dès lors qu’il succède au département qui a établi la décision en cause (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 4'000.- sera allouée aux recourants, solidairement entre eux, à la charge solidaire du FIE et de E______ (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2023 par A______, B______, C______ et D______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2023 ;
au fond :
l’admet ;
annule la facture n° 6______ de CHF 535'933.65 concernant la taxe d’équipement public du 2 juillet 2010 ;
met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la E______ ;
alloue à A______, B______, C______ et D______ SA, solidairement entre eux, une indemnité de procédure de CHF 4'000.-, à la charge solidaire du Fonds intercommunal d’équipement et de la E______ ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Laurent WINKELMANN, avocat des recourants, à Me Alain MAUNOIR, avocat du Fonds intercommunal d'équipement, à la E______ ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE |
| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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