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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/981/2024

ATA/1315/2024 du 12.11.2024 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/981/2024-FPUBL ATA/1315/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Yann LAM, avocat

contre

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION (EPI) intimés
représentés par Me Sébastien VOEGELI, avocat

_________



EN FAIT

A. a. A______ a été engagée le 1er novembre 1994 au sein du centre d’intégration professionnelle (ci-après : CIE), devenu les Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) dès le 1er janvier 2008.

b. Nommée fonctionnaire le 1er novembre 1997, elle a occupé diverses fonctions au cours de sa carrière, notamment assistante de direction, assistante de secteur, chargée de formation 2 du 1er novembre 2015 au 31 janvier 2020, gestionnaire des ressources humaines (ci-après : RH) à partir du 1er février 2020 jusqu’au 31 décembre 2020 puis chargée de formation 2 depuis le 1er janvier 2021 jusqu’au 23 février 2024.

c. Les différents entretiens d’évaluation de la collaboratrice des 26 février 2007, 27 mars 2008, 4 décembre 2014 et 2 mai 2022 étaient globalement positifs, de nombreux critères étant qualifiés de « maîtrisés », voire « expertise ». Certains éléments à améliorer ont successivement été relevés par sa hiérarchie, notamment la communication, l’adaptabilité ou la prise d’initiative. Aucun n’était toutefois problématique pour sa fonction.

d. Par courrier du 1er décembre 2020, A______ a été informée avoir été sélectionnée pour le poste de chargée de formation 2, affectée au service d’analyse et de développement RH du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022. À l’issue de cette période, une réévaluation serait effectuée avant confirmation. En cas de réaffectation, son poste de gestionnaire ressources humaines aux conditions initiales était garanti.

e. Le 22 février 2022, un compte rendu écrit de l’entretien du 17 février 2022 a été envoyé à la collaboratrice, résumant la position de sa supérieure hiérarchique. Son implication au travail était louée. Elle relevait une surcharge de travail. Sa supérieure hiérarchique récapitulait diverses demandes et tâches à accomplir afin de la soutenir dans la priorisation des tâches et diminuer son ressenti de surcharge. Elle demandait en revanche le respect du cadre horaire par la collaboratrice (pas d’arrivées après 9h), l’adoption d’un ton respectueux même en cas de problèmes, la prise d’initiative concernant les activités de formations, soit la prise en charge des dossiers dans les délais convenus, afin que les EPI et sa supérieure puissent se « reposer sur sa maîtrise des processus et tâches en lien avec la formation ». Un nouveau point serait fait lors du prochain entretien d’évaluation en avril-mai 2022.

f. Deux entretiens d’évaluation supplémentaires successifs portant sur la période du 1er janvier 2021 au 30 avril 2022 se sont tenues les 2 mai et 28 juin 2022 pour juger de son adéquation au poste de chargée de formation 2.

L’évaluation du 2 mai 2022 relevait que certains critères restaient à améliorer, notamment : le respect des personnes, la maîtrise des compétences professionnelles, l’adaptabilité, le sens de l’initiative, l’implication personnelle, la résistance, la communication et la gestion du stress. Plusieurs critères étaient également considérés comme maîtrisés. Selon le bilan hiérarchique, la collaboratrice voulait bien faire mais on attendait d’elle plus d’initiative et d’autonomie. Le poste nécessitait une forte implication personnelle et plusieurs points à corriger avaient déjà été abordés en février 2022. Lors de son changement de fonction au 1er décembre 2020, le courrier de confirmation mentionnait qu’un bilan serait effectué fin 2022 pour valider ou non la nouvelle affectation. Au vu des problèmes relevés et des objectifs fixés, un nouvel entretien intermédiaire était fixé à juillet 2022.

La collaboratrice a indiqué pour sa part que la communication était parfois difficile car elle ne savait pas exactement qui était impliqué dans les dossiers dont elle avait la charge. En outre, la charge de travail était importante et l’anticipation s’avérait difficile. N’étant pas en accord avec les éléments mentionnés dans l’évaluation, elle ne souhaitait pas les commenter. Elle n’avait pas la même perception de la gestion du stress et du ton adopté. Les relations depuis 27 ans avaient toujours été excellentes avec la hiérarchie et les collaborateurs. Le précédent service où elle avait travaillé la considérait comme une ressource pour ses collègues. Son souhait était de continuer à s’investir dans le poste de chargée de formation pour lequel elle possédait de l’expérience depuis 2009, sans qu’aucune problématique professionnelle ou même une posture inadéquate telles que relatées dans cette évaluation lui aient jamais été reprochées.

Faute d’être atteints, les objectifs ont été reconduits le 28 juin 2022.

g. Par courrier du 1er décembre 2022, A______ a été confirmée dans son poste de chargée de formation 2, bien que les entretiens d’évaluation et de développement de 2022 avaient révélé des points d’amélioration.

h. Lors de l’entretien d’évaluation du 18 juillet 2023, intitulé « évaluation intermédiaire », quatre objectifs étaient considérés comme partiellement atteints et un seul, « prendre le lead sur les sujets liés aux formations collectives à organiser » n’était pas atteint. La hiérarchie estimait manquer de garanties quant à la gestion adéquate des formations par la collaboratrice. Certaines démarches n’avaient pas été entreprises à temps. Son volume de travail n’atteignait pas le minimum requis dans sa fonction. Il lui était demandé de traiter plus rapidement ses dossiers, sans attendre d’intervention de sa hiérarchie. La gestion du stress s’était améliorée mais restait « fragile », ayant des conséquences négatives sur sa manière de communiquer. Ces points avaient déjà été relevés lors des évaluations précédentes.

La collaboratrice n’a pas rempli sa part de l’évaluation et aucun commentaire supplémentaire ne figure dans le document. Les objectifs ont tous été reportés respectivement au 28 février 2024, voire au 30 juin 2024.

B. a. Le 9 janvier 2024, en raison de soupçons de la hiérarchie de la collaboratrice en lien avec ses horaires, les EPI ont extrait les données concernant ses entrées au moyen de sa clé électronique dans les locaux sis au 1er étage du bâtiment où elle travaillait pour la période du 16 janvier 2023 au 4 janvier 2024. Ils ont croisé ce fichier de données avec les entrées manuelles des horaires de la collaboratrice dans l’application officielle dédiée à l’enregistrement du temps de travail des membres du personnel, MOBATIME.

Une seconde extraction des données a été faite le 11 janvier 2024 concernant les recherches et consultations de données personnelles effectuées dans la base de données Vision RH (ci-après : VRH) par la collaboratrice afin d’établir l’existence ou non d’un manquement à ses obligations professionnelles et son étendue.

b. Le 30 janvier 2024 s’est tenu un entretien de service, au cours duquel la hiérarchie a reproché à A______ une manipulation des timbrages dans l’application MOBATIME et des consultations non autorisées de données sur l’application VRH. Elle a appris à cette occasion que des données la concernant avait été récoltées durant une année.

Le 4 janvier 2024, la responsable RH avait constaté son entrée dans le bâtiment aux alentours de 10h15. Cela l’avait questionnée, dans un contexte d’arrivées après l’horaire de présence obligatoire. Elle avait donc vérifié MOBATIME et constaté que l’heure de ce jour enregistrée manuellement indiquait 9h00. Après constat, plusieurs autres cas étaient ressortis, laissant supposer qu’elle avait régulièrement ajouté à son enregistrement du temps de travail non réalisé.

Début janvier 2024, un collègue avait constaté qu’A______ avait effectué des recherches à son sujet dans l’application VRH afin de consulter ses données salariales et avait alerté sa hiérarchie. Le 11 janvier 2024, les EPI avaient procédé à une vérification des recherches et une journalisation de VRH avait été requise. Il en ressortait qu’elle consultait régulièrement des données personnelles sensibles (données salariales, historiques des salaires, données administratives, état civil, liste d’enfants, adresses d’urgence, dates contractuelles, transports, listes des entretiens d’évaluation, diplômes, expériences professionnelles) des collaborateurs des EPI et de la hiérarchie, en particulier des collègues du service RH, ce qui ne se justifiait pas au regard de ses activités professionnelles. B______ avait pourtant rappelé à tout le service RH que le fait de disposer d’un accès à une application ne conférait pas un droit à aller consulter l’ensemble des données qui s’y trouvaient. Il était mentionné qu’il était interdit de consulter des données qui n’étaient pas nécessaires dans le cadre de ses propres activités professionnelles.

Cette situation était susceptible de conduire à la résiliation des rapports de service « avec effet immédiat » pour violation grave de ses devoirs de fonction au sens des art. 20 al. 5 et 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Elle était libérée de l’obligation de travailler jusqu’à nouvel ordre.

c. Le 14 février 2024, A______ a fait part de ses observations à la suite de son entretien de service. Selon le relevé remis, la majorité des entrées manuelles était accompagnée d’une remarque explicative de sa part. Le relevé mettait en lumière le fait qu’elle avait toujours fourni une explication en cas d’absence de timbrage (oubli de badge ou de timbrer). En outre, lui prêter une intention malhonnête à caractère pénal s’agissant de la manipulation des horaires était à déplorer. Les données de VRH avaient été collectées de manière illicite, contraire à la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08). Elle ne savait pas que le logiciel VRH enregistrait ses activités et que les données étaient conservées pendant une année. La seule directive liée à VRH concernait l’obligation de confidentialité, scrupuleusement respectée.

Enfin, le terme « d’insuffisance de prestations » n’était apparu que dans le cadre de la convocation à l’entretien de service. La dernière évaluation complète remontait à mai 2022 et aucun critère n’était « non maîtrisé ». Si certains points devaient être améliorés, il n’était nullement fait mention d’une insuffisance de prestations. En août 2022, l’entretien était intermédiaire et aucun bilan général n’avait été tiré. Le délai pour atteindre certains objectifs n’était toujours pas échu, de sorte qu’il était prématuré d’en tirer des conclusions. Finalement, l’entretien de service n’avait pas été convoqué en raison de l’insuffisance de prestations mais pour deux autres motifs, de sorte qu’elle n’allait pas s’exprimer davantage sur la question.

d. Par décision du 22 février 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, les EPI ont résilié avec effet immédiat les rapports de service d’A______ en raison de manquements graves à ses devoirs de fonction, découverts fortuitement les 4 et 11 janvier 2024 en lien avec des manipulations de timbrages et des consultations non autorisées de données personnelles de collaborateurs de l’institution dans l’application VRH et survenant dans un contexte d’insuffisance de prestations. La continuation des rapports de service était incompatible avec le bon fonctionnement de l’institution. Elle n’avait pas pris conscience des fautes professionnelles commises par son comportement.

Son licenciement se fondait sur les fichiers obtenus dans le cadre des extractions de VRH et de la journalisation relative à l’utilisation de sa clé électronique pour ouvrir les portes sécurisées du 1er étage. Les manquements constatés étaient suffisants pour mettre fin aux rapports de service de leur collaboratrice avec effet immédiat.

C. a. En parallèle de la présente procédure, la collaboratrice a formulé, le 14 février 2024 auprès de son employeur, une requête au sens de l’art. 47 LIPAD. Elle n’avait jamais été informée de l’utilisation de sa clé pour générer un fichier de données à son nom et que celles-ci étaient conservées. Elle ignorait également que le logiciel VRH générait un historique détaillé de ses recherches. Elle demandait que son employeur détruise ces fichiers et que le caractère illicite du traitement soit constaté. En cas de refus, elle demandait la transmission du dossier au Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé).

b. Les EPI ont transféré sa requête, avec des observations, au préposé.

c. Par recommandation du 15 mars 2024, le préposé a considéré que la journalisation des accès dans l’application VRH était conforme à la LIPAD et ne constituait pas un traitement illicite des données personnelles de la collaboratrice. En revanche, l’utilisation à des fins de contrôle horaire de la journalisation relative aux ouvertures des portes sécurisées du service des RH au moyen de la clé électronique constituait un traitement illicite des données. Il s’agissait d’y mettre fin. Les principes de finalité et de reconnaissabilité n’étaient pas respectés, car la notion indiquée dans les quittances de remise des clés « en cas de soupçon de malversation » ne pouvait se comprendre qu’en lien avec la sécurité des lieux (accès indu aux locaux) et non en lien avec un contrôle horaire. Le préposé estimait en outre que le principe de proportionnalité n’était pas respecté, au motif que l’employeur aurait pu constater la manipulation alléguée des horaires d’une autre manière, par exemple par la surveillance directe du supérieur hiérarchique.

d. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 28 mars 2024, les EPI ont constaté que la journalisation des accès dans l’application VRH (ch. 1) et celle relative à la clé d’ouverture des portes sécurisées du service RH (ch. 2) étaient conformes à la LIPAD. Ils considéraient que l’utilisation de la journalisation précitée à des fins de contrôle des horaires de travail dans le contexte de la procédure administrative A/981/2024 était ainsi licite (ch. 3). Ils ont refusé de procéder à la destruction des fichiers générés par les deux extractions querellées aussi longtemps que la procédure de recours A/981/2024 était pendante (ch. 4).

e. Par acte du 6 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision précitée, concluant au constat de l’illicéité du traitement de ses données issues de la journalisation des accès et de VRH et à la destruction des fichiers correspondants.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1536/2024.

D. a. Par acte expédié le 20 mars 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative à l’encontre de la décision de résiliation immédiate des rapports de service des EPI du 22 février 2024, concluant principalement à son annulation et à sa réintégration. Subsidiairement, il convenait d’annuler la décision et de proposer sa réintégration. En cas de refus, une indemnité équivalente à 24 mois de traitement avec intérêts à 5% dès le 1er février 2024 devait lui être octroyée.

Les données utilisées pour justifier la résiliation immédiate des rapports de service étaient illicites, comme le confirmait le préposé. La journalisation des entrées au 1er étage faite avec sa clé personnelle violait les principes de bonne foi et de reconnaissabilité. L’utilisation de données illicites dans le cadre d’une procédure administrative impliquait une pesée des intérêts entre celui de l’employeur à exploiter des données illicitement pour surveiller son employé et justifier un licenciement avec effet immédiat et la protection de la personnalité de l’employé. L’outil utilisé surveillant le travailleur dans ses déplacements infligeait une atteinte importante à la sphère privée dudit travailleur et à sa personnalité. L’intérêt de l’employeur à exploiter ces données était amoindri car il existait des moyens moins attentatoires pour atteindre le but poursuivi. Dans ces conditions, il se justifiait de reconnaître l’inexploitabilité des données récoltées. Le motif lié à la manipulation des horaires ne pouvait être retenu pour justifier le licenciement avec effet immédiat car il se fondait sur des preuves inexploitables.

S’agissant de VRH, il n’existait aucun cadre juridique ni directives à ce sujet. La seule règle ressortait d’un courriel au sujet de MOBATIME. Elle n’avait pas violé son obligation de confidentialité, n’ayant ni communiqué les informations à des tiers ni utilisées celles-ci à mauvais escient. Il ne s’agissait pas d’un motif fondé, car elle n’avait aucun antécédent. Même à considérer que c’était sans droit qu’elle avait consulté les données, un accès libre lui avait pourtant été accordé par son employeur, qui aurait pu restreindre les accès aux seuls ayants droit.

Enfin, le contexte d’insuffisance de prestations ne justifiait nullement un licenciement avec effet immédiat. L’entretien de 2022 fixait des objectifs, qui avaient été revus en 2023 sans qu’un bilan général ne soit tiré, alors même que le délai pour atteindre certains objectifs n’était pas encore échu.

b. Dans leurs observations du 22 avril 2024, les EPI ont conclu au rejet du recours.

Les faits ayant motivé la décision querellée se déroulaient dans un cadre de prestations professionnelles dégradées, faisant l’objet d’un suivi hiérarchique depuis deux ans.

Un accès indu à des données personnelles constituait un motif de résiliation immédiate des rapports de travail. La recourante ne contestait pas avoir consulté à de nombreuses reprises et sans raisons professionnelles des données personnelles sensibles de ses collègues, de sa hiérarchie et des membres de la direction générale. Elle évoluait dans la formation et les ressources humaines depuis près de 30 ans. Elle était sensibilisée aux enjeux et aux conditions requises pour le traitement des données personnelles des collaborateurs. Elle connaissait la charte informatique des EPI, librement accessible sur l’intranet. La directrice RH avait rappelé le 27 août 2021 que le fait de disposer d’un accès à une application (ici MOBATIME) ne conférait pas un droit à consulter l’ensemble des données qui s’y trouvaient et qui n’étaient pas nécessaires dans le cadre de ses propres activités professionnelles.

La recourante ne démontrait pas que les consultations litigieuses avaient été nécessaires ou utiles à l’exécution de ses tâches. La proximité temporelle des consultations de données démontrait qu’elle se livrait à de « véritables sessions de consultations illicites, sans rapport quelconque avec son cahier des charges » aux fins de satisfaire sa curiosité personnelle.

Ce faisant, elle avait violé ses devoirs de service et porté une atteinte illicite à la sphère privée de tiers. Son comportement rompait le rapport de confiance les liant, justifiant le prononcé de la décision querellée. Il n’était pas possible de poursuivre les relations de service. Par surabondance de motifs, l’inexactitude du timbrage horaire représentait également un motif de résiliation immédiate au sens de la jurisprudence. Ils avaient constaté plus de quatorze occurrences où elle avait pointé manuellement des horaires ne correspondant pas à la réalité.

Enfin, la finalité du traitement des données était reconnaissable pour le personnel de l’institution. Si par impossible ce traitement était illicite, ces données étaient malgré tout utilisables. La surveillance était limitée, requise en raison de soupçon et l’atteinte aux droits de la recourante était faible.

c. Dans sa réplique du 4 juillet 2024, la recourante a rappelé que l’évaluation du 18 juillet 2023 était seulement intermédiaire. Le contexte d’insuffisance de prestations, même s’il était prouvé, ne suffisait pas à justifier à lui seul une décision de résiliation avec effet immédiat des relations de travail. Dans son cas, contrairement à l’ATA/56/2019 du 22 janvier 2019 cité par les intimés, il n’était pas question d’une violation du secret de fonction. Elle n’avait violé aucun secret de fonction ni commis d’infraction pénale.

Elle ne se souvenait pas des raisons pour lesquelles elle aurait consulté le profil de l’une ou l’autre personne. En outre, dès son ouverture, l’application VRH déployait une arborescence, ce qui pouvait déjà être considéré comme une consultation. Par exemple, le 12 avril 2023, elle aurait consulté le profil de B______ dix fois à 13h46 puis trois fois à 13h47, soit moins de six secondes par consultation, ce qui n’avait pas de sens.

Le même raisonnement s’appliquait aux autres consultations, pour lesquelles le nombre de consultations ne permettait pas de conclure à des « sessions intenses de consultations illicites ». C______ : quinze consultations en moins d’une minute. D______ : douze consultations en moins de deux minutes. Il était en outre fait état des termes « suppression de collaborateur » ou de « gestion de dossier confidentiel » : elle ignorait à quoi ces termes correspondaient et n’avait pas la possibilité de procéder à des suppressions de collaborateur.

Elle sollicitait un rapport explicatif sur le fichier concerné permettant de savoir à quelles conditions une « occurrence » était enregistrée et quelle était la signification des termes « programme sans trace » ou de « vision salaire », et le cas échéant de la personne ayant rédigé l’audit VRH. Concernant les données issues de MOBATIME, leur caractère illicite et inexploitable devait être reconnu. Il n’avait jamais été question de manipulations d’horaires. Les insertions manuelles résultaient d’oubli de son badge et elle avait systématiquement ajouté une remarque explicative.

d. Sur demande de la juge déléguée, les EPI ont fourni des captures d’écran concernant VRH. Il s’agissait d’un système développé et maintenu par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Une occurrence, soit une nouvelle ligne était générée et mentionnée dans le rapport d’extraction à chaque fois qu’un utilisateur cliquait sur une « transaction » VRH. Chaque « clic » effectué sur un des onglets donnait accès aux informations relatives au membre du personnel et générait une ligne dans le tableau d’extraction. La colonne « opération » indiquait si l’utilisateur avait consulté cette information ou s’il l’avait modifiée, imprimée ou autre. Enfin, la catégorie « sensibilité » n’était plus tenue à jour par leurs informaticiens, raison pour laquelle de nombreuses occurrences indiquaient « programme sans trace ».

e. Par écriture du 1er octobre 2024, la recourante a expliqué qu’elle n’était pas en mesure de justifier pour quelles raisons les profils avaient été consultés, les faits remontant à une période ancienne. Les explications de l’autorité intimée n’étaient pas claires s’agissant de savoir si le fait de cliquer sur un onglet engendrait automatiquement une ligne pour chaque sous-dossier, telle que « identité », « enfants », « dates contractuelles », dès que ce dossier existait ou non. Le nombre élevé de consultations faites en moins d’une ou deux minutes paraissait incompatible avec des « véritables sessions de consultations illicites » comme le retenait l’autorité intimée. En outre, les EPI avaient la possibilité de paramétrer les accès qu’ils estimaient nécessaires pour les collaborateurs, sans faire usage de cette compétence dans son cas.

f. Le 11 octobre 2024, les EPI ont indiqué que le fait de cliquer sur l’onglet « collaborateur » ne générait aucune ligne dans le tableau des accès dans VRH contrairement à ce que la recourante supposait. Une ligne était créée lors qu’un utilisateur ouvrait un sous-dossier permettant d’accéder aux données particulières, par exemple « état civil, identité, enfant ». Cela indiquait que dans les données extraites, la recourante avait cliqué sur les sous-dossiers correspondant, accédant à des informations confidentielles se situant hors de son périmètre d’intervention au sein du secteur formation. Il importait peu que la recourante ne se souvienne pas des raisons l’ayant amenée à consulter ces profils : elle n’était pas légitimée à le faire au vu de son cahier des charges.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante sollicite au titre de mesures d’instruction un rapport explicatif sur le fichier concerné permettant de savoir à quelles conditions une « occurrence » était enregistrée et quelle était la signification des termes « programme sans trace » ou de « vision salaire », et le cas échéant de la personne ayant rédigé l’audit VRH.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 132 II 485 consid. 3.21). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, un rapport explicatif a été fourni par les EPI sur le fichier concerné permettant de savoir à quelles conditions une « occurrence » était enregistrée et la signification des termes utilisés, de sorte qu'il a été fait droit aux chefs de conclusions y relatifs.

Il n'apparaît en outre pas nécessaire d'entendre la personne ayant rédigé l’audit VRH. En effet, la recourante n'indique ni sur quoi cette audition devrait porter ni, a fortiori, quels éléments pertinents qui n’auraient pu être produits par écrit un tel témoignage permettrait d’apporter à la solution du litige. Par ailleurs, la recourante s'est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit à plusieurs reprises. Elle s'est ainsi exprimée de manière circonstanciée sur l'objet du litige et a produit les pièces auxquelles elle s’est référée dans ses écritures. La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier complet qui lui permet de statuer en connaissance de cause.

Il ne sera donc pas procédé à d'autres actes d'instruction.

3.             La recourante conteste le bien-fondé de la résiliation immédiate de ses rapports de service.

3.1 Les rapports de travail entre les EPI, établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 28 de la loi sur l’intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 - LIPH - K 1 36), et son personnel sont régis par la LPAC et son règlement d’application (RPAC - B 5 05.01) (art. 43 al. 1 LIPH).

3.2 L’art. 4 al. 1 LPAC dispose que le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d’employés, d’auxiliaires, d’agents spécialisés et de personnel en formation. Est un fonctionnaire le membre du personnel régulier ainsi nommé pour une durée indéterminée après avoir accompli comme employé une période probatoire (art. 5 al. 1 LPAC).

3.3 À teneur de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé.

3.4 Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : a) l'insuffisance des prestations ; b) l'inaptitude à remplir les exigences du poste ; c) la disparition durable d'un motif d'engagement.

Le motif fondé, au sens de l'art. 22 LPAC, n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a).

Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

3.5 Sur le plan formel, la résiliation de l’engagement d’un employé ou d’un fonctionnaire doit respecter les délais légaux instaurés par l’art. 20 LPAC, soit un mois pour la fin d’un mois lorsque les rapports de service ont duré moins d’une année (art. 20 al. 2 LPAC) et trois mois pour la fin d’un mois au-delà de ce terme (art. 20 al. 3 LPAC). Cet article précise que les cas de résiliation des rapports de service avec effet immédiat sont réservés (art. 20 al. 5 LPAC).

3.6 Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques et la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss). Le principe de la légalité exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1).

3.7 Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 138 II 557 consid. 7.1 ; 138 II 105 consid. 5.2  ; 132 V 321 consid. 6 ; 129 V 258 consid. 5.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 138 II 217 consid. 4.1 ; 133 III 175 consid. 3.3.1 ; 125 II 206 consid. 4a).

L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle‑ci est insatisfaisante ou objectivement insoutenable (ATA/317/2020 du 31 mars 2020 consid. 2d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., 2018, n. 440). D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ; 138 II 1 consid. 4.2). Lorsqu'il apparaît que c'est à dessein que la loi ne réglemente pas une situation donnée, ce silence qualifié doit en principe être respecté. Il n'y a alors pas de place pour un quelconque comblement de lacune (ATA/317/2020 précité consid. 2d ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 441).

3.8 La chambre de céans a retenu dans l’ATA/1297/2015 du 8 décembre 2015 que la possibilité d’une résiliation des rapports de service avec effet immédiat était réservée par l’art. 20 al. 5 LPAC, sans que cette disposition légale ni aucune autre disposition de la LPAC ou du RPAC n’expose ou ne donne d’indications sur les circonstances et les conditions qui doivent être réunies pour autoriser un licenciement d’un fonctionnaire avec effet immédiat.

Il ressort de cet arrêt que les travaux préparatoires et les débats parlementaires ayant mené à l’adoption de la LPAC en 1997 n’abordaient pas les raisons qui conduisaient à réserver le droit de l’employeur public de licencier un agent public avec effet immédiat. Cette faculté était déjà prévue à l’art. 18 du PL 7’493 déposé par le Conseil d’État en vue de faire adopter la LPAC (MCG 1996 IV 6341) et, dans le texte de cette loi tel qu’adopté en 1997, elle figurait finalement à l’art. 20 al. 4 LPAC. À la suite à l’adoption le 23 mars 2007 d’une novelle modifiant la LPAC (PL 9’904), l’art. 20 al. 4 était devenu l’art. 20 al. 5 de la LPAC. Le message du Conseil d’État à l’appui du PL 9’904 rappellait que le licenciement avec effet immédiat prévu par cette disposition ne concernait que des situations spécifiques ne relevant pas de la disposition relative à la révocation et de son éventuel effet immédiat mais concernait le personnel en période probatoire, soit les employés et le personnel auxiliaire (MGC 2005-2006/XI A - 10’436).

Ainsi, tout employeur étatique soumis à la LPAC qui désirait se séparer avec effet immédiat d’un collaborateur, devait passer obligatoirement par une procédure de révocation au sens et aux conditions de l’art. 16 al. 1 let. c et al. 2 LPAC s’il s’agissait d’un fonctionnaire, tandis que pour les autres catégories d’agents publics, notamment s’il s’agit d’un employé en période probatoire, il pouvait fonder sa décision sur l’art. 20 al. 5 LPAC (ATA/1297/2015 précité consid. 8).

Cet arrêt rappelle, au sujet des conditions devant être réunies pour la mise en œuvre du droit de licencier un employé avec effet immédiat, que l’art. 20 al. 5 LPAC était muet sur ce point. Cette disposition avait été reprise sans modification de la législation qui a précédé la LPAC, soit la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 15 octobre 1987 (ci-après : aLPAC) dans laquelle une telle possibilité était expressément réservée (art. 17 al. 4 aLPAC). Si l’art. 20 al. 5 LPAC ne définissait pas les conditions autorisant un licenciement avec effet immédiat, l’aLPAC était plus précise sur ce point, non pas à l’art. 17 al. 4 aLPAC, mais à l’art. 23 al. 3 aLPAC selon lequel le licenciement pouvait intervenir avec effet immédiat s’il était « fondé sur une raison particulièrement grave excluant la continuation des rapports de service ».

3.9 De jurisprudence constante, l’employeur public dispose dans ce cadre d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Dans sa prise de décision, il reste néanmoins tenu au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité, de la proportionnalité, de l’interdiction de l’arbitraire et du droit d’être entendu (ATA/1008/2017 du 27 juin 2017 consid. 5c et les arrêts cités).

3.10 Selon l'art. 337 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs ; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande (al. 1) ; sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2) ; le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3). Le Tribunal fédéral a notamment rappelé que la jurisprudence relative à l'art. 337 CO, selon laquelle la partie qui résilie un contrat de travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations de travail (ATF 130 III 28 consid. 4.4), n'était pas sans autre transposable en matière de rapports de travail de droit public (arrêt du Tribunal fédéral 8C_170/2009 du 25 août 2009 consid. 6.2.1, JdT 2010 I 101).

3.11 Certains statuts communaux (par exemple la Ville de Genève, art. 30 de son statut ou la commune de Plan-les-Ouates, art. 37 de son statut) prévoient spécifiquement la possibilité pour les parties de résilier les rapports de travail avec effet immédiat pour justes motifs. Il en va de même par exemple des TPG (art. 74 du statut).

La chambre de céans a aussi jugé que les principes développés en droit privé dans le cadre de l’application de la résiliation immédiate pour justes motifs valent aussi lorsqu'un statut du personnel communal renvoie à l'art. 337 CO (ATA/893/2022 du 6 septembre 2022 consid. 4a ; ATA/57/2022 du 25 janvier 2022 consid. 5c ; ATA/466/2020 du 12 mai 2020 consid. 8c). La doctrine a retenu qu’il en allait de même dans la mesure où la formulation du statut était identique aux termes de l’art. 337 CO, le statut incorporant ainsi matériellement la notion de droit privé (Héloïse ROSELLO, Les influences du droit privé du travail sur le droit de la fonction publique, 2016, p. 127 ; Peter HÄNNI, Fin des rapports de service de droit public, RDAF 1995 p. 407 ss).

3.12 En l’espèce, comme déjà mentionné, les relations entre les EPI et son personnel sont régies par la LPAC (art. 43 al. 1 LIPH).

Contrairement à ce que semble retenir l’autorité intimée, il n’existe pas de base statutaire ou règlementaire prévoyant expressément la résiliation des rapports de service avec effet immédiat. Les EPI se sont fondés sur les art. 21 al. 3 et 20 al. 5 LPAC. Or, l’art. 20 al. 5 LPAC ne traite pas des conditions auxquelles une résiliation immédiate des rapports service peut avoir lieu mais uniquement des délais à respecter, pas plus que l’art. 21 al. 3 LPAC qui concerne les motifs fondés de résiliation.

La jurisprudence (ATA/1297/2015 précité) a en outre considéré que tout employeur étatique soumis à la LPAC et désirant se séparer avec effet immédiat d’un collaborateur doit passer obligatoirement par une procédure de révocation au sens et aux conditions de l’art. 16 LPAC s’agissant d’un fonctionnaire. En revanche, pour les autres catégories d’agents publics, notamment un employé en période probatoire, il pouvait fonder sa décision sur l’art. 20 al. 5 LPAC (ATA/1297/2015 précité consid. 8). Le raisonnement de l’ATA précité est transposable au cas d’espèce, la LPAC et le RPAC n’ayant pas été modifiés dans l’intervalle sur ces points.

Or, les EPI ont choisi de licencier avec effet immédiat la recourante, fonctionnaire depuis 1997, sans passer par la voie de la révocation. Ils fondent leur décision sur l’art. 20 al. 5 LPAC, en s’appuyant sur deux arrêts de la chambre administrative pour justifier leur approche. Or, ces deux arrêts ne s’appliquent pas au cas d’espèce. En effet, le premier (ATA/1019/2022 du 11 octobre 2022) concernait un employé des Transports publics genevois (ci-après : TPG). Celui-ci était en période probatoire et le statut des TPG prévoyait spécifiquement la possibilité de licencier avec effet immédiat (art. 74 du statut des TPG). L’ATA/1297/2015 concernait aussi une employée en période probatoire et retenait justement comme déjà mentionné, que les fonctionnaires ne pouvaient être licenciés avec effet immédiat, au vu des travaux préparatoires et des débats parlementaires. Un employeur public soumis à la LPAC qui souhaitait se séparer avec effet immédiat d’un collaborateur fonctionnaire devait obligatoirement passer par une procédure de révocation au sens et aux conditions de l’art. 16 al. 1 let. c et al. 2 LPAC (ATA/1297/2015 consid. 8).

Il découle ainsi de la doctrine et de la jurisprudence que si la pratique applicable en cas de licenciement immédiat en droit privé est transposable en droit public, encore faut-il que la loi ou le statut prévoient un renvoi au CO, comme par exemple le statut de la Ville de Genève (art. 3 al. 2), ou par une application analogique de normes au contenu similaire. Tel n’est pas le cas de la LPAC, comme mentionné supra, qui ne fait mention d’un licenciement avec effet immédiat qu’à son art. 20 al. 5 LPAC, ce qui a déjà été jugé par la jurisprudence cantonale comme étant insuffisant pour résilier les rapports de service des fonctionnaires. Il ne s’agit pas d’une lacune à combler, les travaux préparatoires précisant expressément que cette possibilité n’est réservée qu’à des situations spécifiques concernant les employés en période probatoire. Les EPI n’étaient pas fondés à résilier les rapports de service les liant à la recourante sur cette seule base. Il s'agit d'un vice grave de la décision, l’application d’un cadre légal erroné à la recourante la prétéritant en la privant notamment des droits découlant de la procédure de reclassement prévue en cas de résiliation des rapports de service pour motifs fondés. Aucun élément ne permet donc de constater qu’un régime similaire au droit privé devrait être appliqué en l’espèce. Les EPI n’ont d’ailleurs ni allégué ni motivé de tels éléments justifiant de s’écarter de la jurisprudence précitée et d’appliquer sans autre motifs ni explications l’art. 20 al. 5 LPAC au cas d’espèce.

La résiliation des rapports de service avec effet immédiat de la recourante ne repose ainsi sur aucune base légale. Malgré le large pouvoir d’appréciation de l’employeur public quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service, il sera rappelé que ce dernier est tenu au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité (ATA/1008/2017 du 27 juin 2017 consid. 5c et les arrêts cités). Les EPI, établissement de droit public doté de la personnalité juridique, doivent appliquer la loi et ne peuvent s’en affranchir, ce d’autant qu’il existait à leur disposition d’autres moyens prévus par la LPAC pour atteindre le but envisagé.

Dans ces conditions, la décision querellée sera annulée, pour d’autres motifs que ceux soulevés par la recourante. Le dossier sera donc renvoyé à l’autorité intimée pour qu'elle examine la suite à qu’elle entend lui donner selon le mécanisme prévu par la LPAC, à savoir si elle privilégie la voie de la résiliation des rapports de service pour motifs fondés ou la voie disciplinaire, et dans ce dernier cas, qu'elle détermine la nature et la quotité de la sanction qu'elle entend infliger, dans le respect des règles procédurales et de compétences qui y sont prévues.

Étant donné cette issue, il n'est pas nécessaire de trancher les autres points de droit abordés tant par la recourante que par l’autorité intimée.

4.             Vu l'issue du litige et la qualité des intimés, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure - réduite - de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, qui a exposé des frais pour sa défense et qui certes, obtient gain de cause, mais pour d’autres motifs que ceux soulevés par son avocat, à la charge des EPI (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mars 2024 par A______ contre la décision des Établissements publics pour l'intégration du 22 février 2024  ;

au fond :

admet le recours interjeté le 20 mars 2024 par A______ contre la décision des Établissements publics pour l'intégration du 22 février 2024  ;

annule la décision des Établissements publics pour l'intégration du 22 février 2024 ;

renvoie le dossier aux Établissements publics pour l'intégration pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge des Établissements publics pour l'intégration ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann LAM, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Sébastien VOEGELI, avocat des Établissements publics pour l'intégration.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :