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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3697/2023

ATA/871/2024 du 23.07.2024 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3697/2023-TAXE ATA/692/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juillet 2024

1re section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE LA TAXE D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE SERVIR

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimés




EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1986, a été naturalisé le 29 août 2016.

b. Le 27 novembre 2020, le service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO) lui a fait parvenir un bordereau de taxation d’exemption militaire (ci-après : TEO) pour l'année 2019, le montant dû étant fixé à CHF 1'989.-.

c. Le 21 décembre 2020, A______ a formé réclamation à l'encontre de cette décision, invoquant en substance une violation de la non-rétroactivité des lois et une inégalité de traitement.

d. Le 6 janvier 2021, le STEO a accusé réception de sa réclamation et l'a informé que la procédure risquait de durer plus longtemps qu'usuellement au vu du nombre important de cas à traiter.

e. Par décision du 9 octobre 2023, le STEO a rejeté la réclamation formée contre le bordereau précité.

La nouvelle loi fédérale sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661), entrée en vigueur le 1er janvier 2019, s'appliquait également aux citoyens naturalisés comme l'avait confirmé le Tribunal fédéral. L'assujettissement à la taxe prenait naissance, au plus tôt, au début de l'année au cours de laquelle l'homme atteignait l'âge de 19 ans et s'éteignait, au plus tard, à la fin de l'année au cours de laquelle il atteignait l'âge de 37 ans. Durant cette période, les assujettis qui n'étaient ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil, devaient acquitter onze taxes d'exemption ce qui, comme sous l'ancien droit, correspondait à onze années (soit à compter de l'année des 20 ans jusqu'à l'année des 30 ans). La nouvelle LTEO ne créait donc pas de nouvelles obligations, ni de nouvelles charges, car il s'agissait des mêmes obligations, à savoir le paiement de onze taxes. Elles étaient désormais réparties différemment dans le temps en raison de la flexibilité dans l'établissement des années de service.

L’intéressé avait été naturalisé en 2016, soit l'année de ses 30 ans. Il n'avait pas effectué de service militaire ou de service de remplacement (service civil) durant l'année 2019. Son assujettissement à la TEO était donc maintenu. Les décisions de taxations pour les années futures lui seraient communiquées ultérieurement.

B. a. Par acte du 8 novembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à la suspension de la procédure dans l'attente des arrêts du Tribunal fédéral dans les causes « 2C_978/2022 et 2C_995/2022 » (sic).

La novelle modifiant la LTEO entrée en vigueur le 1er janvier 2019 ne contenait pas de disposition transitoire permettant de taxer à nouveau des personnes qui avaient terminé leurs obligations selon l'ancien droit. La base légale sur laquelle se fondait la taxation pour créer de nouvelles obligations était inexistante. Au surplus le principe de non-rétroactivité des lois, permettant au justiciable de connaître sa situation et d'assurer la sécurité du droit dans le temps, telle qu'il l'avait comprise, s'appliquait.

La taxe étant causale, le principe de l'égalité de traitement était violé entre des personnes dispensées d'accomplir le solde de leurs jours de service et d'autres, dans les mêmes circonstances d'âge, appelées à payer la taxe. Celle-ci perdait ainsi sa nature causale. L'intérêt public impératif à l'existence d'une telle taxe, si tant était qu'elle disposait d'une base légale et répondait à l'égalité de traitement, n'était plus démontré, d'aucun n'ayant plus à servir, base de la taxe, alors que d'autres étaient astreints à payer la taxe.

De plus, la mesure n'était pas proportionnée car elle ne permettait pas d'atteindre le but recherché qui était d'effectuer le service militaire ou civil, la taxe n'en étant qu'un substitut. Or les personnes concernées par l'application de la novelle étaient soit des personnes naturalisées, soit des personnes qui en raison d'une présence à l'étranger n'avaient pu effectuer l'entier de leurs obligations avant les limites d'âge de l'ancien droit. Toutes les autres personnes astreintes avaient pu, selon l'ancienne loi, bénéficier soit du temps nécessaire pour accomplir leurs obligations de service, soit d'une remise du solde de jours à faire, soit du délai nécessaire pour payer onze taxes. Pour que les mesures de taxation proposées par l'administration ne soient pas discriminatoires, les circonstances ayant amené à ne pas terminer lesdites obligations devaient être prises en compte. Ainsi, les droits acquis de ces personnes, soit la fin de leurs obligations quelles qu'elles fussent selon l'ancien droit, devaient être respectés.

b. Le 5 décembre 2023, l'administration fédérale des contributions (ci‑après : AFC‑CH) a conclu au rejet du recours.

Selon la LTEO actuelle, applicable dès l'année d'assujettissement 2019, le recourant était soumis, en tant qu'astreint, à l'obligation de servir non-incorporé dans une formation de l'armée, respectivement pas astreint au service civil, à un assujettissement à la taxe. Cet assujettissement se basant sur une nouvelle base légale applicable, il n'y avait pas d’atteinte au principe de bonne foi.

À la suite de leurs vérifications, le recourant n’avait jamais fait de demande de recrutement ultérieur selon l’art. 12 al. 2 de l’ordonnance sur les obligations militaires du 22 novembre 2017 (OMi - RS 512.21), étant précisé que deux cas de « nouveaux citoyens » avaient été admis au recrutement durant l'année de leurs 35 ans, respectivement 36 ans, suite à des demandes selon cette disposition. Le recourant ne pouvait donc raisonnablement faire valoir une discrimination du fait de l'absence d'alternatives réelles à l'obligation de s'acquitter de la taxe d'exemption de l'obligation de servir – pour autant que cette absence soit réellement déterminante – car il n'avait pas cherché à faire usage de la possibilité existante.

c. La STEO, soit pour lui l’administration fiscale cantonale (AFC-GE), a également conclu au rejet du recours.

d. Dans sa réplique du 12 janvier 2024, le recourant a observé que s'agissant plus particulièrement de la possibilité de demander à servir en remplacement de la taxe, au moment de la taxation, quand bien même il aurait eu connaissance de cette possibilité (et il conviendrait que l'administration prouve qu'elle le lui avait proposé), vu la durée de la procédure et ayant cette année 38 ans, il lui était désormais impossible de servir en remplacement de la taxe. De plus, il aurait eu à accomplir un recrutement puis au minimum 245 jours de service pour pouvoir satisfaire aux exigences de la loi. Concernant une exigence impossible ou confinant à l'impossible ; elle était largement disproportionnée.

e. Dans une écriture spontanée du 9 février 2024, la STEO a persisté dans ses conclusions et conclu à l'application des arrêts 2C_648/2022 et 2C_707/2022 rendus par le Tribunal fédéral respectivement, les 9 et 25 janvier 2024.

f. Le 3 mai 2024, invité par la juge déléguée à se déterminer sur les arrêts 2C_648/2022 et 2C_707/2022 précités, le recourant a maintenu son recours, au motif que sa situation différait nettement de celles étudiées dans lesdits arrêts dès lors que contrairement à la situation des personnes concernées dans ces arrêts, cette « opportunité » confinait à l'impossible et constituait une mesure disproportionnée, d’une part. D'autre part, il a répété que les civilistes et militaires auxquels il restait des jours à accomplir lors de leur libération sous l'ancienne loi n'ayant pas été rappelés pour terminer leurs jours sous la nouvelle loi, il y avait violation de l'égalité de traitement.

g. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant a demandé la suspension de la procédure dans l'attente des arrêts du Tribunal fédéral dans les causes « 2C_978/2022 et 2C_995/2022 », concernant des cas similaires. Or, ces numéros de cause n’existent pas dans la base de données du Tribunal fédéral. Cela étant, il existe deux cas similaires, tranchés par le Tribunal fédéral récemment, soit les causes 9C_648/2022 du 9 janvier 2024, destiné à la publication, et 9C_707/2022 du 25 janvier 2024.

La requête du recourant est donc sans objet, le Tribunal fédéral ayant rendu des arrêts dans chacune de ces deux causes, étant précisé qu'il a eu l'opportunité de se déterminer à leur sujet.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision prononçant l'assujettissement du recourant à la TEO pour l'année 2019.

3.1 L’art. 59 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) prévoit que tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement (al. 1). Tout homme de nationalité suisse qui n’accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s’acquitte d’une taxe. Celle-ci est perçue par la Confédération et fixée et levée par les cantons (al. 3).

3.2 De jurisprudence constante, cette taxe qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l’obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 3.1 ; 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 3.1 et les références). Le militaire qui est dispensé d'un service en tire normalement un avantage par rapport aux autres astreints de sa classe d'âge. La perception d'une taxe doit compenser cet avantage, sous la forme d'une prestation financière (ATA/598/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.3 ; ATA/1094/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3d).

3.3 Selon l’art. 1 LTEO, les citoyens suisses qui n’accomplissent pas ou n’accomplissent qu’en partie leur obligation de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire. Cette taxe est fixée chaque année en application de l’art. 25 al. 1 LTEO.

Aux termes de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l’étranger et qui, au cours d’une année civile (année d’assujettissement), ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l’armée ni astreints au service civil.

3.4 L’art. 3 aLTEO, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018, prévoyait que l’assujettissement à la taxe commence au début de l’année en cours de laquelle la personne astreinte atteint l’âge de 20 ans (al. 1). Il se termine : pour les personnes qui ne sont pas incorporées dans une formation de l’armée et qui ne sont pas astreintes au service civil, à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 30 ans (al. 2 let. a).

L’art. 3 LTEO, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2019, prévoit que l’assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l’année au cours de laquelle l’homme astreint atteint l’âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 37 ans (al. 1). Pour les assujettis visés à l’art. 2 al. 1 let. a qui n’effectuent pas de service de protection civile, l’assujettissement à la taxe commence l’année qui suit le recrutement. Il dure onze ans (al. 2).

3.5 L'un des objectifs poursuivis par la modification de la LTEO était d'harmoniser la durée du service militaire et du service civil introduite par les modifications des bases légales du « développement de l'armée » (ci-après : DEVA) à celle de l'assujettissement à la TEO. Ces modifications-là auraient une incidence sur la TEO un an après leur entrée en vigueur. La mise en œuvre du DEVA étant prévue à partir du 1er janvier 2018, l'entrée en vigueur de la modification de la LTEO devait ainsi intervenir le 1er janvier 2019. La taxation de la première année d'assujettissement 2018 aurait lieu l'année suivante. Les premières décisions de taxation selon la nouvelle législation seraient rendues au 1er mai 2019 (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840 s. et 5851-52).

3.6 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l’interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n’est possible qu’à des conditions strictes, soit en présence d’une base légale suffisamment claire, d’un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées).

Il n’y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend règlementer un état de chose qui, bien qu’ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les arrêts cités).

À l’occasion de la modification de la LTEO du 16 mars 2018, le Parlement n’a adopté aucune disposition transitoire spécifique relative à l’art. 3 LTEO (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.2). Partant, en l’absence d’une disposition transitoire explicite ou qui pourrait se déduire d’une interprétation du texte légal, il convient de se référer aux principes généraux relatifs du droit intertemporel qui viennent d’être rappelés (ATF 148 V 70 consid. 5.3).

3.7 Dans l'arrêt 9C_648/2022 précité, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de retenir qu'en matière de prélèvement de la LTEO, la taxe d'exemption de servir ne présente pas les caractéristiques d'un état de fait durable. Il a ensuite considéré que le fait de soumettre un citoyen naturalisé suisse en 2017 à l'obligation de payer la TEO en 2019, en vertu de la nouvelle loi, ne constituait pas une application rétroactive de celle-ci. En effet, l'assujetti en question avait été soumis à la TEO pour l'année d'assujettissement 2019, sur la base des éléments de fait survenus cette année-là et en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier 2019 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 consid. 7.2 et les références citées).

3.8 Selon l’art. 9 de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire du 3 février 1995 - LAAM - RS 510.10), modifié au 1er janvier 2018, les conscrits passent le recrutement au plus tôt au début de leur 19e année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans (al. 2). Le Conseil fédéral peut prévoir un recrutement ultérieur si les services d’instruction obligatoires (art. 42 LAAM) peuvent encore être accomplis dans les limites d’âge visées à l’art. 13 LAAM. Le recrutement ultérieur est soumis au consentement des personnes concernées (al. 3).

3.9 Bien qu’il existe un lien entre la LTEO et la LAAM du point de vue de la durée de l’obligation de remplacement, la LTEO règle de manière autonome la durée de l’obligation de remplacement par la TEO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 7.2).

3.10 L’art. 12 al. 2 OMi prévoit qu’à leur demande, le « cdmt Instr » peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suissesses et les Suisses qui n’ont pas été convoqués au recrutement jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 24 ans ou qui n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l’art. 9 al. 3 LAAM soient remplies et que le besoin de l’armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu’une seule fois.

3.11 Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l’État dont la caractéristique commune est qu’ils bénéficient d’une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu’elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps (ATA/48/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.13 et l’arrêt cité).

Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. En tant que telle, la répétition de décisions successives de contenu identique ne crée pas non plus de droit acquis. La catégorie la plus importante de droits acquis est constituée de ceux qui sont créés par un contrat entre l’État et les administrés. La stabilité particulière du droit est ici fondée sur le principe pacta sunt servanda (principe de la confiance ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, pp.266 et 267).

3.12 Dans les arrêts 9C_648/2022 et 9C_707/2022 précités, le Tribunal fédéral a jugé des litiges similaires à la présente cause. Dans le premier arrêt, il a en effet confirmé l’assujettissement à la TEO pour l’année 2019 d’un homme né en janvier 1988 et naturalisé en septembre 2017 à l’âge de 29 ans. Dans le second arrêt, il a confirmé l’assujettissement à la TEO pour l’année 2019 d’un homme né en janvier 1984 et naturalisé en mai 2017 à l’âge de 33 ans. Le présent arrêt se référera ainsi largement à ces deux arrêts.

4.             En l'espèce, il convient de déterminer si le recourant était, en 2019, astreint au service militaire. La TEO étant une taxe causale, de remplacement, elle ne saurait en effet être perçue en 2019, si le recourant n’était alors plus astreint au service militaire ou civil.

Le recourant a été naturalisé en 2016, à l'âge de 30 ans. Selon le droit alors en vigueur, il n’était plus astreint à l’obligation de servir. La nouvelle LTEO n’a pas été appliquée à un état de fait antérieur à son entrée en vigueur. L'application de la nouvelle LTEO dès l'année 2019 et l'assujettissement du recourant à la TEO qui en découle pour cette année-là ne constituent pas une application rétroactive de la loi. En effet, les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO pour l'année 2019 se sont produits ou existaient cette année‑là, soit sous l'empire de la nouvelle loi : le recourant, alors âgé de 33 ans, n'était ni incorporé dans une formation de l'armée, ni soumis à l'obligation de servir dans le civil, ni n'accomplissait du service militaire ou civil. L’élévation de la limite d’âge de 30 ans à l’âge de 37 ans se rapporte à l’âge actuel de la personne concernée dans l’année considérée, de sorte qu’il n’y a pas rétroactivité à cet égard (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 7.2 et 9C_707/2022 précité consid. 5.1).

En 2019, le recourant restait ainsi tenu à des obligations militaires. Il était donc soumis à la TEO en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier  2019 (art. 3 LTEO).

Par ailleurs, il ne découle pas des dispositions légales précitées que le législateur aurait conféré des droits acquis s'agissant de l'absence d'assujettissement à la TEO pour des situations telles que celle du recourant.

Les griefs du recourant en lien avec la violation du principe de la non-rétroactivité des lois seront ainsi écartés. Il en ira de même du grief de violation des droits acquis dès lors qu’aucune loi ou décision ne garantit au recourant la pérennité de la situation qui prévalait avant l’entrée en vigueur du nouveau droit.

4.1 Le recourant invoque une violation de l'égalité de traitement au motif que les Suisses naturalisés n'auraient plus la possibilité de passer le recrutement alors que les civilistes ou militaires auxquels il restait des jours à accomplir lors de leur libération sous l'ancienne loi n'auraient pas été rappelés pour terminer leurs jours. Il soutient qu’il lui était impossible d’effectuer un recrutement volontaire au sens de l’art. 12 al. 2 OMi, n'ayant pas eu connaissance de cette possibilité et qu'il s'agissait d'une exigence impossible ou confinant à l'impossible.

4.2 Le Tribunal fédéral s'est également déjà prononcé sur ces aspects dans les arrêts 9C_648/2022 (consid. 8 et les références) et 9C_707/2022 (consid. 5.2) précités. Il a retenu qu'un assujetti à la TEO ne pouvait pas se prévaloir d'une discrimination fondée sur les art. 8 Cst., ainsi que sur les art. 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH‑ RS 0.101) et sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme rendue dans l'arrêt Glor contre Suisse du 30 avril 2009 (requête n° 13444/04), en l'absence de démarches concrètes visant à effectuer un « recrutement ultérieur » au sens de l'art. 9 al. 3 LAAM (et concrétisé par l'art. 12 al. 2 OMi).

4.3 En l’espèce, il apparaît que le recourant n’a jamais demandé à être mis au bénéfice d’un recrutement ultérieur au sens de l’art. 9 al. 3 LAAM, disposition concrétisée par l’art. 12 OMi, qui lui aurait permis, le cas échéant, d’accomplir un service militaire ou un service civil. Comme l’a retenu le Tribunal fédéral (arrêt 9C_648/2022 précité consid.8.1), le texte clair de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO ne distingue pas les situations qui ont conduit à l’absence d’incorporation dans une formation de l’armée ou d’astreinte au service civil pendant plus de six mois. Les considérations théoriques sur la durée du service (qui auraient pour conséquences qu’un tel recrutement ultérieur ne serait pas possible) ne changent rien à cette conclusion. C’est bien la situation individuelle du recourant et les démarches qu’il a ou non concrètement effectuées qui sont déterminantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.3 et 9C_707/2022 consid.5.2), étant précisé que contrairement à ce que soutient le recourant, sa situation est tout à fait identique aux cas étudiés dans ces arrêts.

C’est en conséquence également à tort que le recourant s’en prend à la qualification de taxe de remplacement, ce grief étant fondé sur sa prétendue impossibilité de participer à un recrutement, puisque le motif pour lequel la TEO doit être payée n’est pas déterminant.

De même, c'est en vain qu'il affirme que l'administration ne lui avait pas proposé cette possibilité existante. Les dispositions précitées prévoient en effet clairement qu’il appartenait au citoyen, du point de vue individuel, d’effectuer toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d’effectuer un tel recrutement ultérieur. Pour ces motifs, il ne peut valablement se prévaloir d'une discrimination (arrêt du Tribunal fédéral 2C_924/2012 du 29 avril 2013 consid. 5.1. et les références citées). Contrairement à ce qu’il soutient, en 2019, il était âgé de 33 ans et il lui était ainsi possible de servir en remplacement de la taxe.

Au contraire, une autre solution introduirait une inégalité de traitement injustifiée entre les citoyens suisses naturalisés, âgés au moment de leur naturalisation entre 24 et 36 ans, et les citoyens suisses (ou devenus suisses avant leurs 24 ans) du même âge (ATA/1094/2022 du 1er novembre 2022 consid. 4, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 9C_707/2022 précité, et ATA/1056/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5a, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 9C_94/2023 précité).

L’assujettissement du recourant à la TEO 2019 est en conséquence conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA et 31 al. 2 et 2bis LTEO).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 9 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :