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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/816/2023

ATA/766/2024 du 25.06.2024 sur JTAPI/806/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/816/2023-PE ATA/766/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 juin 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Andrea VON FLÜE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juillet 2023 (JTAPI/806/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 2001, est ressortissante du Brésil.

b. La mère de la précitée, B______, née le ______ 1982, est arrivée en Suisse le 14 mars 2018. A______ l'a rejointe le 31 juillet 2018 et a été immédiatement scolarisée.

c. B______ s'est mariée le 27 mai 2022 avec un ressortissant suisse et a bénéficié d'une autorisation de séjour en vue de regroupement familial dès cette date.

d. Le frère d'A______, arrivé en Suisse étant mineur, a aussi bénéficié d'une autorisation de séjour en vue de regroupement familial.

B. a. Le 9 août 2021, A______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) une demande d'autorisation de séjour à titre de regroupement familial auprès de sa mère.

b. Par courrier du 26 octobre 2022, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

c. Le 23 novembre 2022, A______ a sollicité un délai supplémentaire pour faire valoir son droit d'être entendue. Elle n'y a cependant pas donné suite.

d. Par décision du 31 janvier 2023, l'OCPM a refusé d'octroyer à A______ l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé son renvoi de Suisse.

Bien qu'elle eût rejoint sa mère en Suisse le 31 juillet 2018 – soit alors qu'elle était encore mineure –, au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, elle était âgée de 20 ans et sa mère ne possédait encore aucun statut légal en Suisse, de sorte qu'A______ ne pouvait prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. En outre, elle n'était pas venue en Suisse en même temps que sa mère, mais l'avait rejointe de manière autonome quatre mois après. Elle était ainsi restée seule au Brésil durant ce laps de temps.

L'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne lui était d'aucun secours, dès lors qu'elle avait plus de 18 ans et qu'elle ne nécessitait pas de prise en charge permanente ne pouvant être assurée qu'en Suisse. Elle ne se trouvait pas dans une situation de détresse personnelle, de sorte que les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur n'étaient également pas remplies. Sa situation ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Brésil.

Le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

C. a. Par acte du 3 mars 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à un titre de séjour.

Elle était venue en Suisse pour suivre sa mère et son frère. En tant que jeune adulte, elle était encore dépendante de sa famille. Elle n'avait achevé aucune formation et ne disposait pas de la maturité nécessaire pour retourner vivre au Brésil de manière indépendante, bien qu'elle y eût grandi. Malgré les difficultés linguistiques éprouvées à son arrivée, elle avait su s'intégrer en Suisse.

Sur le plan économique, elle était soutenue par sa mère et son beau-père et elle était fragile sur le plan psychologique.

Elle vivait mal le fait que son frère ait obtenu une autorisation de séjour du simple fait qu'il était tout juste mineur au moment de la demande de regroupement familial, alors qu'elle-même était aussi arrivée en Suisse en tant que mineure. La décision attaquée revenait à la séparer de sa famille.

Elle a produit un chargé de pièces contenant notamment une attestation des C______ (ci‑après : C______) du 23 novembre 2022.

b. Le 8 mai 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

La mère d'A______ était arrivée en Suisse en février ou mars 2018 et était au bénéfice d'une autorisation de séjour depuis le 27 mai 2022. La demande de regroupement familial avait été déposée à un moment où les dispositions topiques ne pouvaient être invoquées, faute de statut légal de sa mère. Par ailleurs, A______ était majeure au moment du dépôt de sa demande. Enfin, l'installation de sa famille en Suisse n'était pas suffisante pour retenir des raisons familiales majeures, ce d'autant que la recourante n'était pas arrivée en Suisse en même temps que sa mère, mais seulement quelques mois après.

Au surplus, A______ ne pouvait se prévaloir ni d'un long séjour ni d'une intégration poussée ni de l'existence d'attaches avec la Suisse. Elle possédait des attaches importantes avec le Brésil, où elle était née et avait vécu l'essentiel de sa vie, de sorte que sa réintégration s'avérait possible.

Sa fragilité psychologique ne constituait qu'un élément parmi d'autres, lequel n'était pas déterminant.

c. Par jugement du 21 juillet 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, le 9 août 2021, A______ ne pouvait justifier que d'un séjour d'un peu plus de trois ans, soit une durée de séjour relativement courte.

Dans une telle situation, seule une intégration professionnelle ou socioculturelle exceptionnelle, ou encore de très graves difficultés auxquelles devrait faire face la personne, permettaient de retenir un cas d'extrême gravité. Or, son intégration socio-professionnelle en Suisse n'était ni remarquable ni exceptionnelle. Elle suivait une formation d'employée de commerce à Genève, et ne s'était pas investie d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, elle était arrivée en Suisse à l'âge de 17 ans, après avoir passé son enfance et son adolescence au Brésil, ce d'autant qu'elle avait vécu seule au Brésil entre le départ de sa mère et son arrivée en Suisse. Elle en maîtrisait la langue ainsi que les us et coutumes. Bien qu'elle alléguât que son père biologique n'avait jamais fait partie de sa vie et qu'elle ne disposait d'aucun tissu familial au Brésil, aucun élément du dossier ne permettait de le confirmer. Elle était âgée de 22 ans, de sorte qu'elle était en principe en mesure de vivre de manière indépendante. Elle avait appris le français, ce qui constituerait un atout supplémentaire pour sa réintégration. Sa mère et son beau-père pourraient, le cas échéant, lui fournir un appui financier depuis la Suisse.

D. a. Par acte posté le 15 septembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-‑après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à un titre de séjour et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Elle n'avait plus aucune famille proche ni attache au Brésil. Elle s'était intégrée en Suisse, fréquentant tout d'abord une classe d'accueil (2018-2019), puis une filière d'insertion scolaire (2019-2020), et enfin une formation d'employée de commerce qu'elle n'avait toutefois pas réussi à achever (2020-2021 et 2021-2022), notamment en raison de la crise sanitaire sévissant lors de ces deux années. Elle poursuivait sa formation au sein de l'École de culture générale (ci-après : ECG).

Elle joignait une attestation médicale de sa psychiatre traitante du 18 août 2023, qui faisait état d'un trouble de la personnalité borderline ainsi que d'un trouble dépressif récurrent, impliquant la prise d'antidépresseurs. Un renvoi dans son pays d'origine pourrait potentiellement entraîner une décompensation psychique pouvant, notamment, réactiver des pensées suicidaires.

Elle vivait avec sa mère et son beau-père, qui acceptait de subvenir à ses besoins. Le jugement attaqué ne prenait pas en considération le fait qu'elle avait déposé sa demande alors qu'elle était encore mineure, consacrant ainsi une violation de l'art. 8 CEDH.

b. Le 1er novembre 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés dans ce dernier n'étant pas de nature à modifier sa position.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 15 décembre 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 4 décembre 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à faire valoir.

e. La recourante ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier de la recourante avec un préavis favorable, et prononçant son renvoi de Suisse.

2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après cette date sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.3 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Brésil.

2.4 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.5 Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci-après : directives LEI] - état au 1er avril 2024, ch. 5.6.10 ; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

2.6 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

2.7 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1 ; ATA/756/2023 précité consid. 2.6).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/332/2024 du 5 mars 2024 consid. 2.5).

2.8 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé.

Le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation.

La personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/628/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.5).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F‑4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

Selon le TAF, le Brésil dispose d'un service de santé publique (Sistema unico de Saude) offrant une couverture universelle, y compris des possibilités de suivi psychothérapeutiques et psychiatriques dans les grandes villes (arrêts du TAF F‑4623/2021 du 5 octobre 2023 consid. 6.4 ; E-6584/2020 du 3 octobre 2023 consid. 5.4), étant précisé que la recourante n'allègue pas être obligée de s'installer, en cas de retour au Brésil, dans une région éloignée de tout centre urbain.

2.9 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2). La chambre de céans a jugé que la solitude, même extrême, ne permettait pas à un parent de se prévaloir d’un état de dépendance particulier (ATA/1238/2020 du 8 décembre 2020 consid. 9b).

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI, lequel prévoit que les autorités compétentes doivent tenir compte, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que ceux de son degré d'intégration (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; 2C_1125/2012 du 5 novembre 2013 consid. 3.1 ; ATA/519/2017 du 9 mai 2017 consid. 10d).

2.10 En l'espèce, la recourante est arrivée en Suisse le 31 juillet 2018, soit il y a un peu moins de six ans, ce qui ne constitue pas une longue durée au sens de la jurisprudence. En outre, cette durée de séjour doit être relativisée au regard du fait que ce dernier a été effectué dans l’illégalité ou, depuis le dépôt de la demande de régularisation, au bénéfice d'une tolérance des autorités de migration.

Si la recourante est, certes, entretenue par sa famille, n'a pas été condamnée pénalement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. La recourante ne prouve pas avoir tissé – hormis avec les membres de sa famille – des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts à Genève, qu’elle ne pourrait continuer à poursuivre depuis le Brésil par le biais de moyens de télécommunication moderne. De même, elle ne rend pas vraisemblable qu’elle se serait investie dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, elle a suivi sa scolarité de manière régulière, mais n'a pas réussi à achever son apprentissage, ni jamais exercé d'activité professionnelle, si bien qu'elle ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence.

S'agissant des problèmes médicaux de la recourante, sans les minimiser, on ne saurait retenir qu'ils ne puissent être traités et suivis au Brésil. La recourante n'établit pas non plus que ses troubles, en particulier son trouble de la personnalité borderline, n'étaient pas préexistants à son arrivée en Suisse.

Quant à la séparation d'avec sa famille, elle ne peut selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, se prévaloir avec succès du droit au respect de sa vie familiale, dès lors qu'elle est majeure et n'est pas dans un rapport de dépendance vis-à-vis de sa mère et de son beau-père. De plus, si elle est arrivée en Suisse – illégalement – en 2018, elle avait déjà 20 ans lorsqu'elle a déposé une demande d'autorisation de séjour. Elle ne peut donc pas tirer de parallèle avec la situation de son frère, les normes applicables n'étant pas les mêmes en fonction de l'âge des enfants et du moment du dépôt de la demande de regroupement familial.

La recourante est née au Brésil et y a passé toute son enfance et son adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. Elle connaît la mentalité et les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Elle soutient ne plus y avoir de famille, mais sans donner aucune information pertinente au sujet de son père ni sur les éventuels parents qu'elle aurait encore au Brésil. Âgée de 23 ans et en bonne santé, elle pourra faire valoir en cas de retour les compétences acquises en Suisse pour sa réintégration, notamment professionnelle et sociale, et ne devrait ainsi pas rencontrer des problèmes de réintégration professionnelle indépendants des difficultés connues par l'ensemble de la population au Brésil. Rien n'empêche qu'elle poursuive sa formation – qui est pour l'instant restée à un stade peu avancé – au Brésil, avec l'aide financière de sa mère et de son beau-père. Sa situation ne permet donc pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par la recourante.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI ne saurait en revanche être interprété comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou la maintenir, au simple motif que les structures hospitalières et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse. Si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, cas échéant avec d'autres médications que celles prescrites en Suisse, l'exécution du renvoi dans l'un ou l'autre de ces pays sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, au sens de la disposition précitée si, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique ou psychique (arrêt du TAF D-4369-2022 du 27 octobre 2022 consid. 6.2).

3.3 L'on ne saurait de plus, de manière générale, prolonger indéfiniment le séjour d'une personne au seul motif que la perspective d'un retour exacerbe un état psychologique perturbé, et ni une tentative de suicide ni des tendances suicidaires (« suicidalité ») ne s'opposent en soi un obstacle à l'exécution du renvoi, y compris au niveau de son exigibilité, seule une mise en danger présentant des formes concrètes devant être prise en considération (arrêt du TAF E‑3188/2022 du 6 octobre 2022 et les arrêts cités).

3.4 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourante, l'intimé devait en principe prononcer son renvoi. Comme on l'a vu, les problèmes de santé de la recourante peuvent faire l'objet d'un traitement et d'un suivi au Brésil, et les risques suicidaires évoqués dans l'attestation médicale jointe au recours ne revêtent pas le caractère concret requis par la jurisprudence, si bien que l'exécution du renvoi de la recourante revêt un caractère raisonnablement exigible.

Le dossier ne laisse pas apparaître d'autres circonstances propres à considérer que l'exécution du renvoi de la recourante serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.