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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/255/2024

ATA/567/2024 du 07.05.2024 sur JTAPI/122/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/255/2024-PE ATA/567/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gandy DESPINASSE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 février 2024 (JTAPI/122/2024)


EN FAIT

A. a. Par décision du 30 novembre 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de A______, né le ______ 1995, et a prononcé son renvoi de Suisse.

Cette décision lui a été notifiée le 1er décembre 2023.

b. Le 22 janvier 2024, A______, représenté par B______ (ci-après : B______), a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision.

c. Après avoir interpellé B______ et le signataire du recours, C______, afin qu’ils justifient leur qualité de mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), le TAPI a déclaré le recours irrecevable le 14 février 2024.

La qualité de MPQ de la société ainsi que du signataire de l’acte de recours était douteuse. Le recours avait été formé après le 16 janvier 2024, date à laquelle le délai de recours était échu. Les explications de l’intéressé selon lesquelles il avait, à réception de la décision, été sous le choc, avait cherché à obtenir des témoignages et rencontré des problèmes médicaux ne permettait pas de considérer qu’il aurait été incapable d’agir ou de désigner un tiers pour agi à sa place. Le justiciable n’expliquait pas non plus pourquoi il avait attendu, selon ses explications, le 19 janvier 2024 pour s’adresser à un mandataire.

En l’absence d’un cas de force majeure, le recours tardif devait être déclaré irrecevable.

B. a. Par acte expédié le 15 mars 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______, représenté par un avocat, a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. À titre préalable, il a demandé à pouvoir compléter son recours et à ce que lui-même ainsi que trois témoins soient entendus.

Il a, notamment, expliqué que son mandataire, D______, avait demandé à pouvoir consulter son dossier auprès de l’OCPM le 2 décembre 2023. Après l’avoir consulté, le 8 décembre 2023, le précité lui avait demandé d’apporter des pièces complémentaires en vue du recours à rédiger. Courant janvier 2024, D______ lui avait dit que, n’étant pas avocat, il ne pouvait le représenter devant le TAPI et lui avait proposé d’être remplacé par B______. Ne voyant pas d’alternative, le recourant avait accepté que celle-ci le représente.

Au vu du jugement, il avait demandé au TAPI une copie du recours. À la lecture de cet acte, il avait constaté que le certificat médical le concernant produit par B______ était « irrégulier », car il n’avait pas été en incapacité de travail entre le 12 et le 18 janvier 2024. Il n’avait pas été reçu en consultation par le cabinet médical qui avait établi le certificat médical et n’avait jamais rencontré C______.

Il avait été victime d’une résiliation du mandat confié à D______ en temps inopportun. Il pensait de bonne foi que celui-ci l’assisterait dans la rédaction du recours au TAPI. Il n’avait découvert qu’après coup les démarches entreprises par B______ pour obtenir la restitution du délai de recours et ne les aurait jamais approuvées s’il les avait connues.

b. La chambre administrative a imparti un délai au recourant pour compléter son recours.

c. Celui-ci a, dans le délai imparti, informé la chambre administrative qu’en guise de complément de recours, il avait saisi l’OCPM d’une demande de reconsidération.

d. L’OCPM n’a pas été invité à répondre.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans la mesure où le TAPI a déclaré le recours porté devant lui irrecevable, l’objet du litige est circonscrit à ce point. En tant que le recourant conteste le bien-fondé de la décision de l’OCPM, ses griefs ne sont donc pas recevables.

3.             Le recourant sollicite son audition ainsi que celle de son épouse, de D______ et de C______.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, le litige ne portant que sur la recevabilité du recours formé devant le TAPI, l’audition de l’épouse du recourant ne paraît pas pertinente. Le recourant n’allègue en effet pas qu’elle serait d’une quelconque manière intervenue ou aurait été témoin des faits ayant conduit au prononcé de l’irrecevabilité du recours.

Le recourant, désormais assisté d’un avocat, a pu faire valoir son point de vue dans son recours devant la chambre de céans et produire toute pièce utile. Conformément à sa demande, un délai lui a été imparti pour compléter son recours. Il a ainsi eu l’occasion de s’exprimer. Il n’explique pas en quoi son audition permettrait d’apporter des éléments complémentaires à ceux déjà allégués.

Enfin, l’audition de ses deux précédents mandataires, D______ et le représentant de B______, à qui il a donné procuration le 19 janvier 2024, ne sont pas de nature à apporter des éléments pertinents pour l’issue du litige, comme cela sera exposé ci-après.

Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction sollicités.

4.             Il convient d’examiner si le jugement d’irrecevabilité est fondé.

4.1 Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 ; ATA/1240/2019 du 13 août 2019 consid. 4a). L'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_659/2021 du 24 février 2022 consid. 2.1 ; 6B_1079/2021 du 22 novembre 2021 consid. 2.1).

4.2 Aux termes de l'art. 16 LPA, les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (al. 3).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d). Les conditions pour admettre un empêchement de procéder à temps sont très strictes. Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. L’empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait impliqué la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’une personne avisée (ATA/495/2022 du 10 mai 2022 consid. 2c ; ATA/1373/2018 du 18 décembre 2018 consid. 8 ; ATA/1595/2017 précité consid. 3).

4.3 En l’espèce, il n’est pas contesté que le recours devant le TAPI a été formé après l’échéance du délai de recours. Seule est litigieuse la question de savoir si le recourant peut se prévaloir d’un cas de force majeure au sens de l’art. 16 al. 1 LPA.

Or, tel n’est pas le cas. Le recourant n’était, pendant le délai de recours, nullement entravé dans sa santé ou sa capacité d’agir ; il s’est au contraire clairement distancé des certificats médicaux produits par son précédent mandataire à ce sujet. Il n’est pas non plus allégué que son premier mandataire n’aurait pas été capable de l’assister en préparant pour lui l’acte de recours. Le recourant, désormais assisté d’un avocat, soutient que son premier mandataire aurait résilié le mandat en temps inopportun. Il ne précise cependant pas à quelle date la résiliation serait intervenue, de sorte que son caractère inopportun n’est pas établi. Il n’y a ainsi pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si une résiliation en temps inopportun est assimilable à un cas de force majeure. Le fait qu’une telle résiliation, si elle était avérée, serait susceptible d’engager la responsabilité du mandataire n’y change rien.

L’incompétence du second mandataire du recourant – voire la malhonnête dudit mandataire qui, selon le recourant, aurait produit un faux certificat médical devant le TAPI – ne constituent pas davantage un cas de force majeure au sens de l’art. 16 al. 1er LPA. En effet, ni l’incompétence ni la malhonnêteté d’un mandataire, aussi blamables que de tels comportements soient, ne répondent à une circonstance comparable à une impossibilité objective ou subjective d’agir dans le délai de recours légal. À cela s’ajoute que le recourant s’est adressé à des personnes n’étant pas titulaires d’un brevet d’avocat et dont la qualité de MPQ dans le domaine du droit des étrangers n’était pas établie. Cette décision relève de son propre choix et non d’une circonstance sur laquelle il n’avait pas d’emprise.

Au vu de ce qui précède, le TAPI a, sans violé la loi ni commettre d’abus de son pouvoir d’appréciation, considéré que les conditions restrictives permettant de restituer le délai de recours n’étaient pas remplies.

Il a ainsi, à juste titre, déclaré irrecevable le recours pour cause de tardiveté.

Manifestement mal fondé, le recours sera rejeté sans échange d’écritures (art. 72 LPA).

5.             Vu l’issue du litige, le recourant supportera un émolument de CHF 400.- et ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 15 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 février 2024 ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gandy DESPINASSE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.