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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/947/2023

ATA/626/2024 du 21.05.2024 sur JTAPI/1266/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.07.2024, 9C_380/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/947/2023-ICCIFD ATA/626/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Mes Joseph MERHAI et Gianni FERA, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 novembre 2023 (JTAPI/1266/2023)


EN FAIT

A. a. De 2013 à fin 2018, A______ a exercé une activité salariée auprès de B______, dont le siège est à Genève, active dans [ ______ ].

b. Parallèlement à ce travail, il a exercé une activité indépendante dans le même domaine, en exploitant le réseau commercial de la société. Par crainte que celle-ci ne découvre son activité parallèle, il ne l’a pas déclarée à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

c. Le 9 mars 2018, A______ a procédé auprès de l'AFC-GE à une dénonciation spontanée portant sur des éléments de revenu et de fortune qu’il n’avait pas mentionnés dans ses déclarations fiscales 2012 à 2017, soit les revenus découlant de son activité indépendante susmentionnée, précisant que les exercices 2014 à 2016 s’étaient soldés par les pertes ; un immeuble sis à C______ ; les loyers découlant dudit immeuble ; des avoirs sur un compte bancaire non déclaré et un véhicule de luxe.

Dans une lettre annexe et dans ses comptes joints (établis le 10 avril 2019 pour les besoins de sa dénonciation spontanée), il a fait valoir les provisions, correspondant à 1/3 de son chiffre d’affaires, constituées en vue de prévenir le risque de poursuite que la société pourrait intenter à son encontre, en raison de la violation de son devoir de fidélité. Il s’est également prévalu des pertes susmentionnées.

d. Le 10 juin 2020, l'AFC-GE l’a informé de l'ouverture à son encontre des procédures de rappel et de soustraction des impôts fédéral direct (IFD), cantonal et communal (ICC) pour les années 2010 à 2017. Rappelant les règles applicables en matière de dénonciation spontanée, elle a précisé qu’elle procéderait à l'émission des bordereaux de rappel d'impôt sur la base de ses indications et, le cas échant, à celle des décisions de non-punissabilité pour soustraction fiscale, si les conditions étaient remplies. Le contribuable était invité à fournir divers documents et renseignements, en particulier le détail de son chiffre d'affaires et des frais liés à son activité indépendante.

e. Le 31 août 2020, A______ a communiqué à l'AFC-GE le détail de son chiffre d’affaires ainsi que des commissions rétrocédées et des provisions pour risques futurs pour la période de 2021 à 2017.

Les commissions qu’il avait rétrocédées aux « divers partenaires », représentaient les frais liés à son activité indépendante. La société n’avait toujours pas engagé de poursuites judiciaires à son encontre.

f. Le 8 septembre 2020, l'AFC-GE a informé le contribuable des reprises envisagées, puis, le 28 janvier 2021, lui a indiqué qu’elle n’admettrait pas les provisions pour risques futurs, au motif que la société n’avait encore intenté aucune poursuite à son encontre. Elle lui a demandé une nouvelle fois de produire l'ensemble des justificatifs relatifs aux charges de son activité indépendante.

g. Le 27 août 2021, l’administré a contesté le refus de l'AFC-GE d’admettre les provisions pour risques futurs. Il se trouvait dans l’impossibilité de fournir les justificatifs relatifs aux frais liés à son activité lucrative, en raison de la discrétion convenue avec ses partenaires dans le versement des rétrocessions et afin que son activité illicite ne soit pas découverte par son employeur. Ces rétrocessions s’étaient effectuées par retraits bancaires en liquide, remis par la suite en mains propres à ses partenaires. La plupart d’entre eux avaient refusé d’établir des attestations confirmant les rétrocessions versées, à l’exception de D______et de E______. Il ne pouvait produire que des relevés bancaires faisant état des retraits en espèces en vue du paiement des commissions. Il n'existait aucune attestation bancaire démontrant ce paiement ou des virements à ces partenaires commerciaux.

h. Le 3 septembre 2021, I'AFC-GE a fait savoir au contribuable qu’elle maintenait son refus des provisions pour risques futurs et qu'il lui appartenait de justifier les frais liés à son activité, la preuve des retraits bancaires étant insuffisante à cet égard.

i. Le 29 octobre 2021, le contribuable a répondu avoir déjà justifié lesdits frais, par son courrier du 27 août 2021. Les paiements des rétrocessions ayant été effectués en espèces, il lui était impossible de les retracer.

j. Le 28 septembre 2022, l'AFC-GE a notifié à A______ des bordereaux de rappel d’impôts faisant état des reprises sur les chiffre d’affaires de 2012 à 2017. Seule une déduction de CHF 45'797.- était admise en 2017 pour des commissions rétrocédées. Toutes les provisions étaient refusées. Aucune amende n’était infligée.

Les rappels d’impôt s’élevaient à CHF 196'784,60 (2012), CHF 256'618,75 (2013), CHF 219'141,75 (2014), CHF 77'273,20 (2015), CHF 759’925,75 (2016) et CHF 923'646,55 (2017).

k. Le contribuable a contesté ces bordereaux.

Son activité indépendante constituait une violation des obligations lui incombant en vertu du contrat de travail conclu avec la société, ce notamment par l'utilisation de son réseau de clientèle à ses propres fins personnelles. Le risque que son employeur l’apprenne était élevé, le domaine [ d'activité ] étant petit et compétitif. D'après l'avis de droit qu’il avait produit, B______ serait en droit de lui réclamer les commissions indûment perçues dans le cadre de son activité indépendante. Une telle action serait recevable jusqu'en 2025 concernant les dernières transactions. Il avait fait l'objet d'articles de journaux diffamatoires l'accusant de transactions illicites, ce qui avait poussé sa banque à lui demander des explications approfondies sur ses agissements, menant à une détérioration de ses relations bancaires. Ces éléments médiatiques étaient également de nature à attirer l'attention de la société sur son activité indépendante.

Il ne revendiquait plus que les rétrocessions attestées par MM. D______et E______. Enfin, il sollicitait en déduction des frais de voyages professionnels de CHF 40'102.- en 2016 et CHF 56'754.- en 2017.

l. Par décision du 9 février 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Entre 2012 et 2017, l’employeur n’avait entrepris aucune action judicaire à l’encontre du contribuable. La responsabilité de ce dernier n’avait dès lors pas été engagée, de sorte que le risque de perte n’était pas certain. Le refus des provisions pour ce risque future était ainsi justifié.

MM. D______et E______ étant tous les deux domiciliés à l’étranger, aucune vérification de leurs déclarations n’était possible. Aucun autre sous-traitant n'avait confirmé avoir reçu les commissions alléguées. Certains frais liés à l'activité avaient été payés depuis un compte privé, lequel avait servi également à des règlements des dépenses privées, telles que l’achat d’un véhicule de luxe. La majorité des rétrocessions avait été acquittée en espèces, soit par un moyen de paiement non usuel en matière commerciale. Les avis de débit bancaires et de retrait d'espèces ne contenaient aucune indication sur le motif des versements et retraits (pas de numéro de facture, ni de référence à une affaire particulière). Enfin, aucun contrat écrit n'avait été présenté permettant d'identifier les prestations à des partenaires commerciaux et de comprendre le mode de leur rémunération. Dans ces conditions, les frais professionnels allégués ne pouvaient être déduits du revenu de l’activité indépendante.

B. a. Par acte du 13 mars 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’admission des charges litigieuses.

Il a repris, en la développant, son argumentation précédente.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

De 2013 à 2017, aucune prétention n'avait été ni adressée ni déposée en justice par la société contre l’intéressé, de sorte qu'il n'existait aucune probabilité qu'il fût condamné à payer les montants provisionnés. Il n’avait produit aucune attestation bancaire démontrant directement les paiements des commissions. Les attestations de MM. D______et E______ ne satisfaisaient pas aux exigences de preuves accrues en matière de charges commerciales.

c. Dans leurs écritures respectives de réplique et duplique, les parties ont maintenu leur position.

d. Par jugement du 13 novembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Ni la nécessité d’une provision pour litiges ni l’existence des deux rétrocessions n’étaient établies.

C. a. Par acte expédié le 15 décembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a repris ses conclusions de première instance, renonçant toutefois à réclamer la provision pour risque en 2012, dès lors que, comme l’avait relevé le TAPI, il n’avait été engagé par B______ qu’en 2013.

L’AFC-GE, dans les taxations 2018 et 2019, avait admis la provision pour risque en déduction dans l’impôt sur la fortune. Il était ainsi incohérent de ne pas avoir admis cette provision pour les années 2012 à 2017 comme charge venant en déduction du chiffre d’affaires.

Compte tenu du marché dans lequel il avait développé son activité indépendante, le risque que son employeur l’apprenne était très élevé. Des articles de presse étaient déjà paru, il avait dû s’expliquer auprès du service « compliance » de sa banque. Sa plainte pénale pour diffamation avait fait l’objet d’une ordonnance de non-entrée en matière.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Le litige concernait les années 2012 à 2017, de sorte que les griefs relatifs à la prétendue admission des provisions dans les taxations 2018 et 2019 ne faisaient pas l’objet du litige.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées le 26 février 2024 que la cause était gardée à juger.

e. Dans une écriture spontanée du 20 mars 2024, le recourant a produit un courriel du 18 mars 2024 émanant d’un partenaire commercial et se rapportait à des faits intervenus en 2018. Ce courriel appuyait le risque que son nom soit associé à des prétendues transactions illicites, comme l’avaient fait les articles de presse le mentionnant.

Ce courriel émane d’une adresse électronique rattachée à « F______ », est intitulé « G______ » et signé par une prénommée H______ qui, s’adressant à I______, créée en juin 2018, dont le recourant est administrateur-président, indique qu’elle avait entendu des rumeurs selon lesquelles le recourant aurait quitté B______ avec un CEO en 2018 en raison d’une allégation de fraude. Elle priait son destinataire de lui faire parvenir des documents officiels rejetant ces allégations et permettant de procéder à l’examen par leur « compliance assessment ».

f. Ce courrier et son annexe ont été transmis à l’AFC-GE et il a été rappelé aux parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Il convient au préalable de déterminer le droit matériel applicable.

2.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (ATF 140 I 68 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5).

2.2 En l'espèce, le litige porte sur la taxation ICC et IFD pour les années 2012 à 2017. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

3.             Le litige porte sur l’admissibilité, d’une part, de la provision pour risque d’être poursuivi par B______ et, d’autre part, de la déduction de rétro-commissions versées par le recourant à deux partenaires commerciaux.

3.1 Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). L’art. 17 LIPP a un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 LHID.

3.2 Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD, art. 30 LIPP, 10 al. 1 LHID).

Le renvoi du législateur à l'usage, commercial ou professionnel, donne à l'autorité de taxation un pouvoir d'appréciation important. L'autorité de taxation doit notamment apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense. Selon la jurisprudence, sont justifiées par l'usage commercial les dépenses qui apparaissent comme acceptables du point de vue commercial, ce qui dépend du contexte dans lequel elles sont effectuées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1).

Seuls les frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel sont déductibles du revenu brut. Si l’énumération de ceux-ci n’est qu’exemplative aux art. 27 al. 2 à 31 LIFD, leur déductibilité est conditionnée par la preuve de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie. Cette preuve incombe au contribuable, puisqu’elle tend à la diminution de la charge fiscale. La jurisprudence retient que la notion de frais justifiés par l’usage commercial doit être interprétée de manière large. Tout ce qui selon l’usage commercial et la bonne foi peut être considéré comme frais doit être admis du point de vue fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1 ; Yves NOËL, Commentaire romand, LIFD, 2017, n°2 ad art. 27 LIFD).

3.3 L'admissibilité d'une provision au plan fiscal suppose qu'elle soit justifiée par l'usage commercial et qu'elle ait été dûment comptabilisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2017 du 17 septembre 2018 consid. 6.3) et qu'elle porte sur des faits dont l'origine se déroule durant la période de calcul (principe de périodicité ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_723/2021 du 16 août 2022 consid. 5.2 et les arrêts cités).

3.3.1 Est justifiée par l'usage commercial toute provision portée au passif du bilan qui exprime le fait que le résultat de l'exercice ne peut pas être tenu pour définitif ; cette correction prévient le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu'une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Encore faut-il que ce risque de perte soit réel, concret et imminent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1).

Dans la mesure où une provision ne peut avoir pour objet que des pertes imminentes (art. 63 al. 1 let. c LIFD ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_478/2011 du 10 novembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_581/2010 précité consid. 3.1), elle doit, pour être acceptée, parer à des risques menaçants découlant d'engagements ou de charges encourues, et non pas couvrir des risques aléatoires. Le droit fiscal n'admet ainsi pas la diminution artificielle du bénéfice par le biais de provisions injustifiées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1101/2014 du 23 novembre 2015 consid. 3).

3.3.2 Une provision pour litiges, en soi admissible, concerne les risques liés à une prétention découlant d'une action judiciaire en cours (ATA/945/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4c ; Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., n. 19 ad art. 63 LIFD). Un contribuable ne peut ainsi constituer de provisions « pour accidents non liquidés » en l'absence de preuves telles que des indications exactes des faits et des procédures en cours accompagnée du mode de calcul du dommage redouté (arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 6.2).

3.3.3 L'appréciation du risque doit être faite en tenant compte de tous les faits connus à la date du bouclement des comptes, et non de faits ultérieurs qui viendraient confirmer ou infirmer le montant de la provision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3 ; 2C_392/2009 du 23 août 2009 consid. 2.1 et les références citées ; ATA/223/2020 du 25 février 2020 consid. 4c).

3.3.4 Les provisions constituant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d'exception à l'impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/858/2018 du 21 août 2018 ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées).

3.4 Les art. 959 ss CO traitent des comptes annuels et de la tenue du bilan.

3.4.1 L’art. 960e CO traite des dettes qui doivent être comptabilisées à leur valeur nominale (al. 1). Lorsque, en raison d’événements passés, il faut s’attendre à une perte d’avantages économiques pour l’entreprise lors d’exercices futurs, il y a lieu de constituer des provisions à charge du compte de résultat, à hauteur du montant vraisemblablement nécessaire (al. 2). En outre, des provisions peuvent être constituées notamment aux titres suivants : 1. charges régulières découlant des obligations de garantie ; 2. remise en état des immobilisations corporelles ; 3. restructuration ; 4. mesures prises pour assurer la prospérité de l’entreprise à long terme (ch. 3). De plus, les provisions qui ne se justifient plus ne doivent pas obligatoirement être dissoutes (ch. 4).

3.4.2 Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence (ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 8 et les références citées). Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l’art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s’éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d’une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d’un système fondé sur le principe de l’image fidèle (« true and fair »), comme celui prévalant dans les normes de comptabilité internationales (Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96-97).

3.4.3 Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie de règles correctrices spécifiques. L’autorité peut en revanche s’écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l’exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; 136 II 88 consid. 3.1).

3.4.4 En application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, l'autorité n'est pas liée par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée. Il n'y a ainsi pas de droit au maintien d'une provision au motif que l'autorité fiscale a renoncé à une reprise au cours d’une autre année fiscale ou l'a à tort accordée. Il n'y a par ailleurs pas de violation du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.) lorsque l'administration fiscale procède à un examen de la justification commerciale de la provision, alors qu'un tel examen n'a pas eu lieu l'année précédente. Ce n'est que si le fisc promet expressément un certain traitement fiscal que peut se poser la question de la bonne foi (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1 et les références citées).

4.             4.1 En l’espèce, il est, certes, manifeste que l’activité indépendante de courtage déployée de 2013 à 2017 par le recourant sans l’accord de son employeur relève d’un comportement déloyal à l’égard de ce dernier, susceptible d’engager sa responsabilité civile. Cela étant, les éléments apportés par le recourant visant à établir l’existence d’un risque concret et imminent de devoir s’acquitter des prétentions que son ancien employeur aurait pu faire valoir à son encontre sont insuffisants. Comme l’a relevé le TAPI, aucun élément ne rend vraisemblable que son employeur n’aurait même eu connaissance de ses agissements durant la période allant de 2013 à 2017. Les articles de presse le mentionnant défavorablement ont été publiés en 2020, soit bien après la période fiscale litigieuse. À noter, en outre, que le recourant n’allègue ni a fortiori n’établit que son ancien employeur se serait, depuis lors, manifesté auprès de lui pour lui demander des explications. Aucune action judiciaire ni poursuite n’a été engagée à son endroit.

En outre, le recourant a bouclé les comptes relatifs à son activité indépendante de 2012 à 2017 le 10 avril 2019. À cette date, le risque imminent ou quasiment certain d’être amené, pendant les périodes fiscales visées, à devoir indemniser son employeur ne s’était pas réalisé. Le courriel récemment adressé à l’entreprise du recourant sollicitant d’un partenaire commercial des éclaircissements sur des rumeurs le concernant n’est pas de nature à faire naître, avec effet rétroactif, un risque dont l’imminence de la réalisation n’existait alors pas. Enfin et comme le relève à bon droit l’autorité intimée, un éventuel traitement fiscal différent de la provision pour les années fiscales 2018 et 2019 – outre le fait qu’il ne fait pas l’objet du litige – demeure sans influence sur le présent litige, compte tenu du principe d’étanchéité des exercices fiscaux.

Au vu de ce qui précède, l’AFC-GE a retenu, sans violer la loi ni commettre d’abus de son pouvoir d’appréciation, que la provision pour le risque d’une action en paiement de B______ n’était pas justifiée. Constituant une réserve pour charge future, non déductible fiscalement, ladite provision a, à juste titre, été intégrée dans le bénéfice de l’activité indépendante du recourant.

4.2 Afin d’établir l’existence des rétro-commissions à ses partenaires commerciaux, dans le cadre de son activité indépendante, le recourant a produit les attestations de MM. D______et E______ et des extraits de ses comptes bancaires faisant état de retraits en espèces. Il soutient qu’il s’agissait de commissions versées de sa part, conformément à l’art. 413 CO, prélevées sur sa propre rémunération de courtage.

D______n’a pas daté son attestation et le tableau auquel il se réfère faisant état des différents montants perçus par ses soins ne mentionne pas la date de réception des fonds. L’écrit de E______ fait uniquement état du fait qu’il aurait reçu, en espèces, les montants ressortant du tableau annexé à son courrier. Ainsi, aucune des deux attestations n’indique qu’il s’agirait de rétro‑commissions, de commissions ou encore d’une forme de rémunération. Le motif même des prétendus retraits ou transferts au bénéfice des deux hommes n’est donc nullement rendu vraisemblable. Il en va de même du montant des commissions prétendument remises par le recourant. Aucune pièce (facture, contrat, échange de courriels, reçus etc.) ne fournit d’information permettant de qualifier les montants prétendument remis aux deux hommes et d’en vérifier la justification commerciale. Partant, même à supposer que les sommes en question aient effectivement été reçues par les précités, aucune pièce n’est produite permettant d’attribuer les montants que les deux précités indiquent avoir perçus en espèces ou par virement bancaire à une opération en particulier.

Si l’on comprend la discrétion voulue par le recourant au sujet de son activité indépendante, non déclarée à son employeur, rien ne l’empêchait d’établir et de conserver les justificatifs relatifs aux différentes transactions menées avec MM. E______ et D______. Il allègue que ces derniers souhaitaient conserver, de leur côté, une certaine discrétion au sujet de leur relation d’affaires avec lui, pour des raisons qui leur étaient propres. Il ne donne cependant pas davantage d’explication à ce sujet. Cette allégation, nullement étayée, est en outre contredite par les attestations signées par les deux hommes et les tableaux produits dans la présente procédure.

Par ailleurs, les éléments apportés au dossier ne permettent pas non plus de rendre vraisemblable que les retraits effectués se rapportaient à des prestations fournies par les deux partenaires commerciaux du recourant durant la même année, ce qui empêche de vérifier si le principe de la périodicité a été respecté. Enfin, les montants retirés ne correspondent pas exactement à ceux que les deux hommes indiquent avoir reçus lors des années concernées.

Dans ces conditions, il n’est pas possible de retenir qu’il s’agirait de frais commercialement justifiés. C’est ainsi conformément à la loi que l’AFC-GE a refusé d’admettre en déduction les commissions que le recourant soutient avoir versées à MM. E______ et D______.

Infondé, le recours sera donc rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Joseph MERHAI et Gianni FERA, avocats du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :