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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/492/2018

ATA/945/2020 du 22.09.2020 sur JTAPI/918/2018 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.10.2020, rendu le 20.05.2021, REJETE, 2C_900/2020
Descripteurs : SOCIÉTÉ ANONYME;DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE BÉNÉFICE DES ENTREPRISES;FARDEAU DE LA PREUVE;PROVISION; CORRECTION DE VALEUR(DROIT FISCAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LIFD.57; LIFD.58.al1.leta; LIFD.58.al1.letb; LIPM.11; LIPM.12.leta; LIPM.13.lete; LIFD.63.al1
Résumé : Arrêt suite à un retour du TF. Confirmation de la reprise de la provision pour litiges au motif que celle-ci ne respecte pas le principe de périodicité et d’étanchéité des exercices fiscaux.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/492/2018-ICCIFD ATA/945/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2020

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Olivier Nicod, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
24 septembre 2018 (JTAPI/918/2018)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2014 d'A______ SA (ci-après : A______ ou la société), société anonyme inscrite au registre du commerce depuis le 16 mars 2000 et dont le siège était à B______ jusqu'au 26 novembre 2018, avant son transfert dans le canton de Vaud. Le but statutaire de la société est la détention de participations ainsi que les activités financières et commerciales.

Elle détient l'intégralité du capital-actions de la société française C______ SAS (ci-après : C______).

Monsieur D______, domicilié en France jusqu'au 31 décembre 2009 puis à B______ depuis le 1er janvier 2010, est administrateur, actionnaire majoritaire et salarié d'A______. Il a la signature individuelle et détient 90 % de son capital-actions.

2) À teneur d'une convention de prestations de services conclue le 5 janvier 2009, A______ devait réaliser des prestations commerciales et de gestion financière au profit de C______ en contrepartie d'une redevance.

3) Dans sa déclaration fiscale 2014 du 12 juin 2015, A______ a comptabilisé, en tant que charge, tel que cela ressortait de ses comptes de pertes et profits annexés, une provision pour risque et litiges à concurrence de
CHF 324'911.75.

À teneur de l'annexe B de la déclaration fiscale, cette provision a été déclarée à hauteur de CHF 320'408.-.

4) Faisant suite à deux demandes de renseignements de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), A______ a indiqué, le 28 septembre 2015, que la provision en question portait sur les impôts que le fisc français avait réclamés en 2014 à M. D______, au titre des revenus réalisés par A______ pour les services rendus à C______. Celui-ci avait contesté ces impôts devant les autorités françaises.

La provision ne concernait pas les impôts français dus le cas échéant par le précité, mais une provision pour risques et litiges supportés par A______. Selon l'art. 155A du code général des impôts français (ci-après : CGI), A______ était solidairement responsable aux côtés de M. D______ des impôts qui lui étaient réclamés. Elle était exposée à un risque fiscal propre qui justifiait la constitution d'une provision. Les impôts étrangers étaient déductibles en tant que charge justifiée par l'usage commercial, si bien qu'ils pouvaient faire l'objet d'une provision. Dès lors que l'actionnaire ne disposait plus d'actifs localisés en France, ni dans l'Union européenne, A______ se trouverait en première ligne au cas où le fisc français entendrait procéder au recouvrement des impôts.

Par ailleurs, si le risque fiscal français devait se réaliser au terme des procédures en cours, A______ serait tenue de rembourser à M. D______ le montant des impôts en question. Il existait ainsi un risque de litige prud'homal entre la société et son actionnaire.

5) Par bordereaux et avis de taxation ICC et IFD 2014 du 11 novembre 2015, l'AFC-GE a taxé A______ en réintégrant dans son bénéfice la provision susmentionnée à concurrence de CHF 320'408.-. Malgré les dispositions du droit français, les redressements opérés auprès de la filiale ne pouvaient en aucun cas être considérés comme des charges justifiées par l'usage commercial en droit suisse.

6) Le 11 décembre 2015, A______ a formé une réclamation en contestant la reprise susmentionnée, renvoyant l'AFC-GE à son courrier du 28 septembre 2015.

Elle n'avait pas comptabilisé ledit redressement, non encore définitif, comme charge justifiée par l'usage commercial, mais avait uniquement pris en compte, par le biais d'une provision, le risque de redressement. Ladite provision se fondait sur le droit comptable suisse, qui exigeait de provisionner les risques fondés sur le droit fiscal et sur le droit du travail, ce dernier contraignant l'employeur à prendre en charge le dommage subi par son salarié du fait de ses activités. Les redressements concernaient, non pas C______, mais A______ et M. D______.

7) Par décisions du 11 janvier 2018, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

La reprise concernait des impôts français réclamés par le fisc de cet État à M. D______ et non à A______, de sorte que ces frais ne pouvaient pas être imputés à la société.

8) Le 8 février 2018, A______ a formé recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions sur réclamation précitées, en concluant à leur annulation et à la déductibilité de la provision litigieuse.

En 2009, elle avait effectué des prestations en faveur de C______ à hauteur de EUR 510'173.-, ce qui correspondait à CHF 770'397.45. Elle avait déclaré ce montant, lequel avait été imposé en Suisse. Cependant, le fisc français avait estimé, à tort, que M. D______ était le seul auteur desdites prestations et que les sommes perçus l'avaient été par lui à titre de salaire. En 2012, le fisc français avait initié une procédure fiscale sur la base de l'art. 155A CGI, aux fins de réduire le bénéfice d'A______ et d'attribuer le revenu à M. D______. Un rappel d'impôt avait finalement été notifié le 31 mars 2014 pour un montant de EUR 266'474.-. A______ était débitrice solidaire de cette somme selon l'art. 155A al. 3 CGI. Elle avait donc provisionné CHF 320'408.- pour l'année 2014 pour « risques et litiges ». Aucune instance n'avait à ce jour constaté que ce rappel d'impôt était illicite ; la procédure était toujours pendante en France.

L'AFC-GE partait du principe que la procédure française ne concernait que M. D______ et que la recourante n'était pas touchée, si bien que la provision n'était pas admissible. Or, les honoraires litigieux avaient été encaissés par A______, qui les avaient déclarés en 2009 en Suisse, et ils avaient été taxés. En sa qualité de récipiendaire de ces revenus, elle s'exposait, conformément à
l'art. 155A al. 3 CGI, à devoir payer l'impôt en qualité de débiteur solidaire, d'autant plus que M. D______ ne disposait d'aucun actif important en France.

Le principe de périodicité avait été respecté. La procédure de redressement fiscal avait commencé en 2012 et la décision finale de taxation française avait été notifiée le 31 mars 2014. L'opposition de M. D______ avait été écartée le
3 novembre 2014.

Subsidiairement, la provision était justifiée dès lors qu'elle se fondait sur l'art. 327a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Cette disposition permettait à un employé de réclamer à son employeur les frais liés à une activité conforme au droit suisse mais contraire à un droit étranger. Le redressement fiscal imposé par la France à M. D______ devait être considéré comme une charge imposée par l'exécution de son travail que son employeur, à savoir A______, devait lui rembourser. Il fallait en conclure que le risque de perte de la somme de CHF 320'428.- dans le cadre d'une action prud'homale qui serait intentée par
M. D______ était plus que vraisemblable, de sorte que le principe de périodicité était également respecté.

En annexe, la recourante a produit des pièces relatives à la procédure fiscale française, dont il ressort les éléments suivants : le fisc français avait indiqué à
M. D______, par pli du 14 novembre 2012, qu'il était susceptible de faire l'objet de rectifications fondées sur les dispositions de l'art. 155A CGI et l'avait invité à produire des justificatifs sur ce point. Le 18 décembre 2012, le précité s'était vu adresser une proposition de rectification concluant à l'imposition se fondant sur l'art. 155A CGI pour les montants perçus par A______ au titre des prestations de services qu'il aurait personnellement réalisées en 2009, pour le compte de cette société, au bénéfice de C______. Il avait présenté ses observations le 16 février 2013, en concluant au rejet de la proposition en question. Le 18 avril 2013, le fisc avait maintenu en totalité les chefs de redressements et les pénalités. Cette position avait été confirmée par décision du 22 octobre 2013. Un avis d'imposition daté du 12 mars 2014 lui avait alors été adressé. Sa réclamation contre ledit avis d'imposition avait été rejetée le 3 novembre 2014. Il avait formé, le 13 janvier 2015, une « requête introductive d'instance » en vue d'obtenir la « décharge des compléments d'imposition » mis à sa charge pour l'année 2009 auprès du Tribunal administratif de Grenoble, lequel avait rejeté sa requête par jugement du 6 février 2017. Il avait fait appel de ce jugement le 27 mars 2017 auprès de la Cour administrative d'appel de Lyon.

9) Dans sa réponse du 11 mai 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La provision avait été constituée en prévision d'un risque potentiel, puisque la procédure française avait été intentée à l'encontre de M. D______ et non d'A______. Aucune action judiciaire à son encontre n'était pendante en 2014. Elle évoquait conditionnellement le risque d'une action prud'homale, mais une renonciation à la prescription entre elle et M. D______ n'avait été signée qu'en 2018.

Il existait par ailleurs la procédure amiable, prévue par l'art. 27 § 1 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscale (avec protocole additionnel ; CDI-F - RS 0.672.934.91), en application de laquelle A______ aurait dû saisir l'autorité compétente, à savoir le Secrétariat d'État aux questions financières internationales.

10) Par jugement du 24 septembre 2018, le TAPI a rejeté le recours.

La question de savoir si la provision se justifiait par l'usage commercial ou si elle pouvait se fonder sur l'art. 327a CO pouvait demeurer ouverte, dès lors que de toute manière, elle enfreignait le principe de périodicité.

C'était en effet le 14 novembre 2012 que le fisc français avait indiqué à M. D______ qu'il était susceptible de faire l'objet de rectifications et l'avait invité à produire des justificatifs sur ce point. Le 18 décembre 2012, il avait adressé à M. D______ une proposition de rectification, et par décision du 18 février 2013, confirmée le 22 février 2014, le fisc avait maintenu en totalité les chefs de redressements et les pénalités.

Ainsi, à supposer qu'existât le risque évoqué par A______ dans ses écritures, à savoir l'obligation d'acquitter les impôts réclamés à M. D______ en vertu de son obligation solidaire découlant de l'art. 155A CGI, ou alors de lui rembourser ces montants, en application l'art. 327a CO, ledit risque était né en 2012 ou au plus tard en 2013. La connaissance de la procédure fiscale française pouvait être imputée à A______, puisque M. D______ était organe de cette société. C'était dès lors en 2012, voire en 2013, mais non en 2014 - année durant laquelle la décision finale de taxation a été notifiée au précité - qu'A______ aurait dû comptabiliser la provision litigieuse. La constitution de la provision en 2014 devait ainsi être refusée.

11) Par acte posté le 25 octobre 2018, A______ a interjeté recours
par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à la déductibilité de la provision litigieuse, « avec suite de frais et dépens ».

Le respect du principe de la périodicité ne pouvait pas être séparé de la question du caractère justifié de la provision, car celle-ci devait être constituée lorsque le risque devenait suffisamment concret.

Le droit comptable imposait de tenir compte de la situation avec prudence et de provisionner le risque dès que celui-ci devenait suffisamment concret. Le TAPI avait implicitement considéré que le risque était suffisamment important en 2012 et 2013 pour constituer une provision pour risque. Dans un rapport de 2014, le Conseil fédéral avait indiqué que si une maison-mère ayant son siège en Suisse détenait une filiale à l'étranger et que suite à un comportement illicite de l'un des membres du groupe, une autorité étrangère procédait à une réduction du bénéfice, alors cela constituait pour la maison-mère une charge justifiée par l'usage commercial et donc déductible.

L'AFC-GE considérait par ailleurs que la procédure française ne concernait que M. D______ et qu'A______ ne serait pas directement concernée, ce qui était erroné. En effet, les honoraires que les autorités françaises entendaient attribuer directement à M. D______ étaient en réalité des honoraires qui avaient été encaissés par A______, qui les avait déclarés comme revenus en 2009 et sur lesquels elle avait été imposée. En outre, A______ était solidairement responsable avec M. D______ du rappel d'impôt de EUR 266'474.- dû par
celui-ci et encourait donc un risque juridique direct dans le litige. La charge était également justifiée par l'usage commercial en application de l'art. 327a CO.

S'agissant du respect du principe de périodicité, l'AFC-GE lui reprochait d'avoir provisionné le risque trop tôt, alors que le TAPI lui reprochait d'avoir provisionné le risque trop tard. Il était parfaitement justifié d'avoir attendu la décision du 31 mars 2014 pour constituer la provision, car pendant toute la phase non contentieuse, il était raisonnable de penser que l'autorité fiscale française se rangerait aux arguments de M. D______. A______ n'avait obtenu aucun avantage fiscal à comptabiliser la provision en 2014 plutôt qu'en 2012 ou en 2013 ; elle n'avait donc aucun but d'optimisation fiscale. L'application du principe de périodicité visait à empêcher le contribuable de constituer des réserves latentes, or le TAPI refusait la constitution d'une provision pour un risque qui existait toujours au motif qu'elle aurait dû être constituée auparavant, ce qui heurtait le principe de l'imposition selon la capacité contributive.

12) Le 30 novembre 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les trois conditions pour la déduction fiscale d'une provision, à savoir être dûment comptabilisée, être justifiée par l'usage commercial et porter sur des faits dont l'origine remonte à la période de calcul (principe de périodicité) étant cumulatives, c'était à juste titre que le TAPI s'était contenté d'examiner la question du respect de la périodicité. Le TAPI n'avait de plus pas admis que le risque avait existé en 2012 ou 2013, mais en avait tout au plus émis l'hypothèse.

13) Par arrêt du 5 novembre 2019 (ATA/1636/2019), la chambre administrative a rejeté le recours.

La conclusion du TAPI selon laquelle la provision aurait dû, pour autant qu'elle fût justifiée par l'usage commercial, être constituée avant 2014, ne prêtait pas le flanc à la critique. Les comportements ayant donné lieu au rappel d'impôt avaient eu lieu en 2009, la procédure française en rappel d'impôt s'était ouverte en 2012 et avait commencé à être instruite en 2012, voire en 2013. L'année 2014 n'avait été marquée que par l'émission de l'avis d'imposition final du 12 mars 2014 et par la procédure de réclamation, cette dernière ayant été rejetée par décision du 3 novembre 2014. Quant au jugement de première instance, il avait été prononcé en 2017, et l'arrêt d'appel n'avait pas encore été rendu.

De plus, il ne pouvait être considéré qu'il existait un risque certain ou quasi-certain que ce soit la société, et non M. D______, qui serait amenée, en cas de confirmation du jugement de première instance français par les tribunaux supérieurs, à verser la somme provisionnée dans les comptes 2014.

14) Par arrêt du 28 février 2020 (2C_1051/2019), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______, annulé l'arrêt de la chambre administrative et a renvoyé le dossier à cette dernière pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Devant l'instance précédente, la société avait présenté une double argumentation pour justifier la constitution de la provision en cause. D'une part, elle avait expliqué qu'ayant perçu les honoraires pour l'activité exercée par
M. D______ pour son compte en faveur de sa filiale française, elle était solidairement responsable aux côtés de celui-ci des impôts français qui lui étaient réclamés. D'autre part, elle avait fait valoir que l'activité de M. D______ étant conforme au droit suisse et valablement effectuée dans le cadre de son contrat de travail, le redressement fiscal effectué par les autorités françaises devait être considéré comme une charge imposée par l'exécution du travail de celui-ci. Selon elle, M. D______ avait par conséquent une créance en remboursement envers elle conformément à l'art. 327a CO. Ce second risque était subsidiaire au premier, puisqu'il n'existait que si le fisc français n'avait pas recherché la société en tant que débiteur solidaire.

La Cour de justice ne s'était pas prononcée sur l'argumentation de la société concernant le risque lié au droit du travail, fût-ce implicitement. Pourtant, les faits à l'origine de la provision, ainsi que la période durant laquelle ils s'étaient produits n'étaient pas nécessairement les mêmes pour les deux risques en cause. La Cour de justice ne pouvait donc pas faire l'économie d'un examen de l'admissibilité de la provision litigieuse sous l'angle du risque lié au droit du travail. La seule référence à l'argumentation de la société concernant ce point dans la partie « en fait » de l'arrêt attaqué ne suffisait à écarter un déni de justice formel ou à constituer une motivation suffisante. Le droit d'être entendu d'A______ avait ainsi été violé et l'existence d'un déni de justice formel devait être admis.

15) Par courrier du 27 avril 2020, la chambre administrative a invité les parties à communiquer leurs observations, suite à l'arrêt du Tribunal fédéral du 28 février 2020, sur le risque lié au droit du travail, après quoi la cause serait gardée à juger.

16) Dans ses observations du 14 mai 2020, A______ a conclu à l'admission de son recours du 25 octobre 2018 et à la réformation du jugement du TAPI du
24 septembre 2018 en ce sens que la provision pour risques et litiges de
CHF 320'408.- figurant dans sa déclaration fiscale 2014 devait être admise.

Le Conseil d'État de la République française avait rejeté le 21 novembre 2019 le pourvoi de M. D______ contre la décision du fisc français de sorte qu'il avait définitivement été condamné à payer des impôts en France en raison des rémunérations perçues par A______.

En 2009, avec l'aide du travail effectué par M. D______, elle avait pu facturer la somme de EUR 510'173.- à C______. Le fisc français avait considéré que M. D______ avait lui-même perçu les montants facturés par la « fiction » de l'art. 155A CGI, alors même que cette rémunération lui avait été versée à elle. Le redressement fiscal devait être considéré comme une charge imposée par l'exécution de son travail. M. D______ avait donc, en application de l'art. 327a CO, une créance en remboursement envers elle. Il n'avait jamais renoncé à la faire valoir, comme en attestait d'ailleurs la déclaration de renonciation à la prescription produite dans la procédure. Le fait qu'aucune action n'ait été formellement intentée ne changeait rien à cela, le conseil d'administration devant, selon la doctrine, provisionner les risques juridiques de procès en cours mais également menaçants. Il ne faisait aucun doute que l'indemnisation de M. D______ représentait une charge justifiée par l'usage commercial. Sa qualité d'actionnaire n'était à cet égard pas pertinente. Il était licite qu'une société conclue un contrat de travail avec son actionnaire et il convenait d'appliquer les mêmes règles qu'avec un tiers. Comme M. D______ faisait l'objet d'une reprise portant sur des revenus qui avaient été réalisés par A______, dont il était l'employé, il était légitimé à réclamer à son employeur le remboursement des impôts qui lui étaient réclamés par le fisc français. Dès lors que le rappel d'impôts avait été confirmé, elle devrait faire face de manière certaine et inévitable soit aux prétentions des autorités fiscales françaises soit aux prétentions de son employé. Il existait dès lors un risque concret, lequel était né en 2014 lors de la notification du rappel d'impôt français à M. D______.

17) Dans ses observations du même jour, l'AFC-GE a persisté intégralement dans les termes et considérations de ses précédentes écritures.

Conformément à la jurisprudence et à la doctrine, c'était dans l'année dans laquelle le litige à l'encontre d'un contribuable débutait que celui-ci devait constituer une provision pour litige et déduire ainsi de son revenu le montant correspondant. C'était en effet dès ce moment-là que le risque de perte pour son activité avait pris naissance. Or, A______ n'avait pas allégué ou démontré de fait générateur d'une possible obligation de verser la « créance en remboursement » en 2014. L'année fiscale considérée, aucune prétention dans ce sens ne lui avait été adressée ou avait été déposée contre elle en justice par
M. D______. La procédure française de redressement, qui avait débuté en 2012 et qui était actuellement pendante auprès de la Cour administrative d'appel de Lyon, n'avait par ailleurs été intentée qu'à l'encontre de M. D______, et non à son encontre. Dès lors, le risque couvert par la provision litigieuse ne s'était pas réalisé durant l'exercice litigieux et la provision ne s'inscrivait pas dans la perspective de couvrir un risque futur et hypothétique qui n'avait pas pris naissance en 2014. Force était d'ailleurs de constater que la renonciation à la prescription n'avait été signée entre les parties qu'en date du 1er février 2018. La provision litigieuse ne respectait ainsi pas les principes de périodicité et d'étanchéité des exercices et devait, pour ce motif déjà, être refusée.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours a déjà été admise par arrêt de la chambre de céans du 5 novembre 2019 (ATA/1636/2019) et le présent arrêt fait suite à l'arrêt du Tribunal fédéral du 28 février 2020 (2C_1051/2019).

2) a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/191/2020 du 18 février 2020
consid. 4b ; ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

b. En l'espèce, le présent litige porte sur la taxation 2014, tant en matière d'ICC que d'IFD. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

c. La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

3) Le litige porte sur l'admissibilité de la provision pour risque et litiges de CHF 320'408.- comptabilisée par la recourante pour l'année 2014.

Dans son arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral relève que la recourante a présenté une double argumentation pour justifier la constitution de ladite provision, mais que la chambre administrative n'a pas examiné l'un des arguments soulevés, soit le risque lié au droit du travail, raison pour laquelle la cause lui est renvoyée.

4) a. Selon les art. 11 LIPM et 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial sont considérés comme bénéfice net imposable (art. 12 al. 1 let. e LIPM et 58 al. 1 let. b LIFD). L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu'il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 57, 58, al. 1 LIFD ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 224).

Tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial sont ajoutés au bénéfice imposable (art. 58 al. 1 let. b LIFD), telle par exemple une provision non justifiée. L'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce également le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal, et sur lequel il sera revenu ci-après.

Selon l'art. 12 let. a LIPM, en vigueur durant l'exercice litigieux, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvement énoncés aux art. 12 let. b à i LIPM. L'art. 12 LIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l'art. 58 al. 1 LIFD (ATA/380/2018 du 24 avril 2018 et les arrêts cités).

b. Selon l'art. 63 al. 1 LIFD, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de résultat pour les engagements de l'exercice dont le montant est encore indéterminé (let. a), les risques de pertes sur des actifs circulants (let. b) et les risques de pertes imminentes durant l'exercice (let. c). En ICC, les provisions justifiées par l'usage commercial sont également admises en déduction du bénéfice (art. 13 let. e LIPM).

c. L'admissibilité d'une provision au plan fiscal suppose qu'elle soit justifiée par l'usage commercial et qu'elle ait été dûment comptabilisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2017 du 17 septembre 2018 consid. 6.3).

Est justifiée par l'usage commercial toute provision portée au passif du bilan qui exprime le fait que le résultat de l'exercice ne peut pas être tenu pour définitif ; cette correction prévient le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu'une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Encore faut-il que ce risque de perte soit réel, concret et imminent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1).

Dans la mesure où une provision ne peut avoir pour objet que des pertes imminentes (art. 63 al. 1 let. c LIFD), les provisions pour des charges futures ainsi que pour risques ou investissements futurs ne sont pas admissibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_478/2011 du 10 novembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_581/2010 précité consid. 3.1). Pour être acceptées, les provisions doivent prévenir des pertes imminentes ou parer à des risques menaçants découlant d'engagements ou de charges encourues, et non pas couvrir des risques aléatoires (Division Études et supports/AFC, juin 2012, « L'imposition des personnes morales », in Informations fiscales éditées par la Conférence suisse des impôts CSI, ch. 411.3, p. 56).

Le droit fiscal ne permet pas la constitution par le biais de provisions de réserves latentes, pourtant tolérées en droit commercial (ATF 103 Ib 366 ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 15 ad art. 63 LIFD). En particulier, les provisions constituées en vue d'une utilisation future, notamment pour faire face à des dépenses que l'entreprise devra supporter en raison de son activité à venir, constituent des réserves ; en tant que telles, elles font partie du revenu imposable et ne sauraient être déduites de ce dernier avant que la société n'ait à supporter les charges en cause, conformément au principe de périodicité du droit fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit fiscal n'admet ainsi pas la diminution artificielle du bénéfice par le biais de provisions injustifiées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1101/2014 du
23 novembre 2015 consid. 3).

Une provision pour litiges, en soi admissible (Markus REICH/
Marina ZÜGER, in : Martin ZWEIFEL/ Peter ATHANAS [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, I/2a - Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG], Art. 1-82, 2ème éd., 2008, n. 18 ad art. 29 LIFD ; Peter LOCHER, Kommentar zum DBG, vol. I, 2001, n. 13 ad art. 29 LIFD), concerne les risques liés à une prétention découlant d'une action judiciaire en cours (Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., n. 19 ad art. 63 LIFD).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé qu'un contribuable ne pouvait constituer de provisions « pour accidents non liquidés » en l'absence de preuves telles que des indications exactes des faits et des procédures en cours accompagnée du mode de calcul du dommage redouté (arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 6.2).

d. Deux conditions doivent être réunies pour que les provisions soient
admises : les faits qui sont la cause du risque de perte doivent trouver leur origine au cours de l'exercice clos pendant la période de calcul (en d'autres termes, les événements qui sont la cause d'une dépense effective ou vraisemblable dont le montant est indéterminé à la date de clôture du bilan, doivent s'être produits durant l'exercice commercial en cours : arrêts du Tribunal fédéral 2A.90/2001 du 25 janvier 2002 consid. 3.2 = RDAF 2002 II 315 ; 2C_945/2011 du 12 octobre 2012 consid. 2.2) ; et le risque de perte doit être certain ou quasi certain, mais non nécessairement définitif. Par ailleurs, l'appréciation du risque doit être faite en tenant compte de tous les faits connus à la date du bouclement des comptes, et non de faits ultérieurs qui viendraient confirmer ou infirmer le montant de la provision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3 ; 2C_392/2009 du
23 août 2009 consid. 2.1 et les références citées ; ATA/223/2020 du 25 février 2020 consid. 4c).

Lorsque des provisions, qui ont été passées en charge du compte de résultat, ne sont pas admissibles, l'autorité fiscale est en droit de procéder à la dissolution de la provision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3.1). La dissolution d'une provision est susceptible d'intervenir dès qu'elle n'est plus justifiée commercialement, engendrant une correction en défaveur du contribuable (Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL op. cit., n. 41 et 67 ad art. 58 LIFD).

e. S'agissant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d'exception à l'impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/858/2018 du 21 août 2018 ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées).

5) Dans une affaire où la recourante avait constitué une provision « en vue d'assurer une protection contre tout éventuel risque de litige au niveau juridique », la chambre administrative a jugé que « même si un tel risque ne [pouvait] être exclu d'un point de vue théorique, il n'[était] ni certain, ni quasi-certain, comme l'exige[ait] la jurisprudence susmentionnée. La recourante n'a[vait] d'ailleurs pas allégué qu'il se serait réalisé durant les périodes fiscales litigieuses (...). Les risques encourus [étaient] ainsi seulement estimés, ce qui ressort[ait] d'ailleurs du mode de constitution de la provision, forfaitaire » (ATA/829/2013 du
17 décembre 2013).

Dans une autre cause concernant une provision « pour risques non couverts par la RC » comptabilisée au bilan d'une société de gestion de fortune pour cause de risques d'exposition à des actions en dommages-intérêts de clients mécontents et à une action en récupération dite « clawback » suite à « l'affaire Madoff », la chambre administrative a jugé que le montant de la provision ne pouvait pas dépendre que de l'évaluation du risque encouru qui était à l'origine de la provision. C'était l'existence même de la réalisation (certaine ou quasi certaine) de ce risque qui permettait à la société de se prévaloir d'une provision et de la porter en déduction du revenu imposable. La seule probabilité que la société fasse l'objet d'actions en dommages et intérêts n'était pas suffisante à cet égard. La quasi-certitude du risque couvert par la provision, exigée par la jurisprudence, devait être établie (ATA/174/2016 du 23 février 2016).

Dans une affaire présentant certaines similitudes avec le cas d'espèce, la chambre de céans a confirmé le refus d'admettre une provision pour litige comptabilisée en 2009 par une personne ayant agi en qualité de liquidateur d'une société et à qui l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) réclamait le paiement de l'impôt anticipé sur les excédents de liquidation. En qualité de professionnel dans le domaine de la finance et de la comptabilité, il ne pouvait ignorer les obligations de solidarité du liquidateur. Ces obligations lui avaient d'ailleurs été rappelées par l'AFC-CH par courriers des 24 octobre 2003, 31 mars et 19 mai 2004. Par décision du 18 mai 2007, l'AFC-CH avait confirmé le montant de la créance d'impôt et avait déclaré en outre le liquidateur solidairement responsable Cette décision avait été confirmée par le Tribunal fédéral par un arrêt du 13 avril 2010. Dans la mesure où l'intéressé ne s'était jamais trouvé, pour des raisons qu'il n'avait pas explicitées, dans la possibilité de fournir à l'AFC-CH, les renseignements lui permettant de s'exempter de sa responsabilité solidaire pour le paiement de la créance d'impôt anticipé, le risque qu'il doive s'acquitter dudit impôt était réel, à tout le moins dès l'exercice 2004. Le recourant n'était pas en droit de différer jusqu'en 2009 la comptabilisation de la provision commerciale destinée à couvrir ce risque. Dans la mesure où celui-ci ne peut être relié avec l'exercice comptable 2009, mais concerne des exercices précédents, l'autorité intimée était en droit, par application du principe de déterminance, de refuser l'écriture comptable figurant pour la première fois au passif du bilan 2009 de l'entreprise de l'intéressé (ATA/777/2016 du
13 septembre 2016).

S'agissant du moment où la provision doit être comptabilisée, dans un arrêt, le Tribunal fédéral a constaté que le recourant avait fait face à une plainte pénale déposée contre lui en juin 2007, en raison de son activité de « card sharing » ; des mesures d'instruction avaient été effectuées dès l'automne 2007 par le magistrat en charge du dossier. Le recourant ne niait par ailleurs pas qu'il était conscient que son activité de card sharing était risquée et qu'il était exposé à restitution. Dans ces circonstances, le recourant devait faire apparaître ce risque inhérent dans sa comptabilité par la comptabilisation d'une provision, ce qu'il n'avait jamais fait, ni en 2006, ni postérieurement, et ce alors même qu'il a été confronté concrètement à une plainte pénale et à des conclusions civiles en restitution du gain dès 2007. Faute de comptabilisation, il n'était pas nécessaire de trancher le point de savoir si de telles provisions auraient été admises comme charges justifiées par l'usage commercial pour chacune des périodes fiscales litigieuses, soit les années 2006 à 2009 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2017 précité consid. 6.4) ; par les considérations qui précèdent, le Tribunal fédéral semble retenir que c'était lors du dépôt de la plainte, voire au début de l'instruction de celle-ci, qu'une telle comptabilisation eût dû intervenir.

6) a. Dans une première argumentation, la recourante soutient qu'ayant perçu les honoraires pour l'activité exercée par M. D______ pour son compte en faveur de sa filiale française, elle était solidairement responsable aux côtés de celui-ci, au sens de l'art. 155A al. 3 CGI, des impôts français qui lui étaient réclamés.

S'il semble, à la lecture de la disposition française précitée qui n'appartient au demeurant pas à la chambre de céans d'interpréter que la recourante serait effectivement solidairement responsable, au côté de M. D______, des montants dus au fisc français, aucun élément au dossier ne permet de retenir qu'un risque qu'on lui réclame ces montants existait réellement. En effet, si un tel risque ne peut être exclu d'un point de vue théorique, il n'est ni certain, ni quasi-certain, comme l'exige la jurisprudence susmentionnée. Il sied en particulier de relever que, contrairement à ce qui prévalait dans l'affaire précitée (ATA/777/2016), dans laquelle le liquidateur avait été formellement interpellé par l'AFC-CH sur sa responsabilité solidaire et avait pris part à la procédure judiciaire, la recourante n'a jamais été visée par la procédure intentée contre
M. D______ par les autorités françaises, ni n'y a jamais participé d'une quelconque manière. Seul M. D______ a été visé et condamné par les autorités françaises. Rien dans le dossier ne permet par ailleurs de penser qu'il soit insolvable. Enfin, tant la recourante que M. D______ devraient être actionnés en Suisse, de sorte qu'à nouveau rien ne permet de retenir un risque certain ou quasi certain que l'intéressée soit recherchée pour un paiement équivalent au montant la provision litigieuse.

Par ailleurs, même à admettre l'existence d'un risque certain ou
quasi-certain, celui-ci aurait été réel, à tout le moins dès l'exercice 2013, voir depuis 2012 déjà. Il ressort en effet du dossier que le fisc français a indiqué le
14 novembre 2012 déjà à M. D______ qu'il était susceptible de faire l'objet de rectifications fondées sur les dispositions de l'art. 155A CGI. Le 18 décembre 2012, le précité s'est vu adresser une proposition de rectification concluant à l'imposition se fondant sur l'art. 155A CGI pour les montants perçus par A______ au titre des prestations de services qu'il aurait personnellement réalisées en 2009, pour le compte de cette société, au bénéfice de C______. Le 18 avril 2013, le fisc a maintenu en totalité les chefs de redressements et les pénalités, position qu'il a confirmée par décision du 22 octobre 2013. Il ne fait au demeurant aucun doute que la procédure initiée en 2012 par le fisc français à l'encontre de M. D______, administrateur, actionnaire majoritaire et salarié de la recourante, était connue de cette dernière dès son origine.

b. La recourante argumente subsidiairement que le redressement fiscal subi par M. D______ devait être considéré comme une charge imposée par l'exécution de son travail et que ce dernier disposait donc, en application de l'art. 327a CO, d'une créance en remboursement à son encontre, justifiant la comptabilisation de la provision litigieuse.

En l'occurrence, force est de constater qu'aucun élément au dossier ne laisse à penser qu'il existait un risque certain ou même quasi certain d'action de la part de M. D______ contre la recourante durant l'année fiscale litigieuse, soit en 2014. Aucune action judiciaire, ni même extrajudiciaire, n'a été intentée par ce dernier durant cet exercice, ni même à ce jour à la connaissance de la chambre de céans. Par ailleurs, la renonciation à la prescription signée entre M. D______ et la recourante ne l'a été qu'en 2018. Elle ne saurait fonder une preuve, ainsi que semble l'invoquer la recourante, de l'existence d'un risque certain ou quasi certain d'action de la part de son employé à son encontre. Il sera d'ailleurs relevé qu'à teneur de ladite renonciation, celle-ci était valable jusqu'au 31 janvier 2020, et la recourante ne prétend pas qu'elle aurait été renouvelée. En réalité, il apparaît que la recourante s'est fondée sur des risques hypothétiques futurs, de sorte que l'exigence de la quasi-certitude du risque couvert par la provision posée par la jurisprudence n'est pas remplie en l'espèce.

Compte tenu de ce qui précède, la question de savoir si le redressement fiscal imposé à M. D______ peut être qualifié de charge imposée par l'exécution de son travail, qui justifierait l'existence d'une créance envers la recourante pouvant être qualifiée de charge justifiée par l'usage commercial pour cette dernière, peut souffrir de rester indécise.

7) La recourante argumente encore, après avoir rappelé que la provision doit être constituée l'année au cours de laquelle l'action judiciaire dont elle couvre les risques a été introduite, qu'il était parfaitement justifié d'attendre la décision du 31 mars 2014 pour constituer la provision litigieuse dans la mesure où
M. D______ avait contesté les différentes reprises et qu'il considérait que ses arguments étaient susceptibles de modifier l'issue du dossier fiscal français. Ce raisonnement ne saurait toutefois être suivi. Comme susmentionné, le litige opposant M. D______ et le fisc français a démarré en 2012, voire au plus tard en 2013, de sorte que la constitution d'une provision en 2014 pour autant qu'un risque certain ou quasi certain puisse être admis, ce qui n'est pas le cas ne respectait pas le principe de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux. Le litige s'est par la suite poursuivi durant plusieurs années, pour aboutir à la décision du Conseil d'État de la République française du 21 novembre 2019 rejetant définitivement la position de M. D______.

Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2018 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Nicod, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :