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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3972/2023

ATA/483/2024 du 16.04.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3972/2023-AIDSO ATA/483/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1991, est le père de B______, née le ______ 2022, qui vit en France avec sa mère.

b. Il bénéficie de prestations d’aide financière de l’Hospice général
(ci-après : l’hospice) depuis le 1er août 2018.

c. Le 14 novembre 2019, il a signé un contrat d’aide sociale individuel, aux termes duquel il s’engageait à participer activement à l’amélioration de sa situation en contrepartie des prestations d’aide financière auxquelles il avait droit et des mesures d’intégration sociale ou d’intégration professionnelle mises en place.

d. Les 23 janvier 2020, 26 avril 2021, 25 novembre 2022 et 21 juillet 2023, il a signé un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : « mon engagement »), par lequel il s’est notamment engagé à faire valoir immédiatement tous les droits auxquels il pouvait prétendre en matière de prestations sociales (exemple : allocations de logement) et tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, notamment en recherchant activement une activité rémunérée ou en participant à un stage d’évaluation à l’emploi et/ou aux mesures d’insertion professionnelle qui lui seraient proposées. Enfin, il a pris acte qu’en cas de violation de ses engagements, l’hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer les prestations d’aide financière qu’il lui accordait et, le cas échéant, de déposer une plainte pénale à son encontre.

e. Le 18 août 2021, l’hospice lui a notifié un avertissement, au motif qu’il ne s’était plus présenté aux entretiens depuis le mois de mars 2021.

B. a. Lors de l’entretien du 25 novembre 2022 avec son assistante sociale, il a expliqué que sa compagne vivait en France voisine avec leur fille âgée de six mois. Comme il n’avait pas de projet défini, il avait été convenu qu’il participe à un stage d’évaluation à l’emploi auprès des Établissements publics pour l’intégration
(ci-après : EPI).

b. Le 6 février 2023, l’intéressé a été convoqué à un stage d’évaluation à l’emploi d’une durée de quatre semaines qui devait se dérouler du 20 février au 17 mars 2023.

Il ne s’est pas présenté au stage le 20 février 2023.

c. Le 23 février 2023, il a été à nouveau convoqué à un stage d’évaluation à l’emploi d’une durée de quatre semaines qui devait se dérouler du 6 au 31 mars 2023.

Il n’est pas présenté au stage le 6 mars 2023.

d. Le 24 février 2023, l’hospice lui a signifié un avertissement à la suite de son refus de participer au stage d’évaluation à l’emploi du 20 février au 17 mars 2023.

e. Par courriel du 9 mars 2023, l’intéressé a informé son assistante sociale qu’il avait un « autre projet » et a sollicité un entretien.

f. Par courriel du lendemain, l’assistante sociale lui a proposé un rendez-vous le 16 mars 2023.

g. L’intéressé n’a donné aucune suite à ce message et ne s’est pas présenté au rendez-vous proposé.

h. Par décision du 24 mars 2023, l’hospice a réduit son forfait d’entretien à hauteur du barème et supprimé toutes ses prestations circonstancielles hormis la participation à ses frais médicaux et dentaires pour une durée de douze mois dès le 1er avril 2023, pour défaut de collaboration.

Par courrier du même jour, l’hospice lui a signifié un nouvel avertissement au motif qu’il ne s’était pas présenté aux entretiens périodiques des 28 février 2023 et 16 mars 2023. Un nouvel entretien était fixé au 20 avril 2023, auquel il ne s’est pas présenté.

i. Par décision du 21 avril 2023, l’hospice a suspendu les prestations d’aide financière de l’intéressé à partir du 1er mai 2023, pour défaut de collaboration.

j. Par décision du 19 juin 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’hospice a mis un terme aux prestations d’aide financière à compter du 1er juillet 2023. Il ne s’était pas présenté aux stages d’évaluation, à quatre reprises.

k. Par courrier du 7 juillet 2023, il a demandé à être « réintégré aux droits de prestations de l’hospice », au motif qu’il traversait une « situation financière compliquée ». Il a expliqué que ses absences aux différents stages d’évaluation à l’emploi étaient dues à des « soucis de santé » et à la « perte de son certificat médical ». Il a présenté ses excuses, s’engageant à respecter « les stages et obligations de l’hospice ».

l. Lors de l’entretien du 21 juillet 2023, il a informé son assistante sociale qu’il souhaitait participer au stage d’évaluation. L’assistante sociale a accepté d’annuler la décision d’arrêt d’aide financière du 19 juin 2023 et l’hospice a repris le versement des prestations financières.

m. Le 24 juillet 2023, il a été convoqué à un stage d’évaluation à l’emploi d’une durée de quatre semaines qui devait débuter le 31 juillet 2023 et se terminer le 25 août 2023.

Il ne s’est pas présenté au stage le 31 juillet 2023, sans prévenir ni excuser son absence.

n. Par décision du 20 septembre 2023, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l’hospice a mis un terme aux prestations d’aide financière à compter du 1er octobre 2023. Il ne s’était pas présenté au stage d’évaluation, à cinq reprises.

o. A______ a formé opposition à cette décision le 15 octobre 2023. Il n’avait pas pu honorer les rendez-vous et stages d’évaluation en raison de « problèmes personnels ».

p. Par décision sur opposition du 17 novembre 2023, l’hospice a confirmé sa décision. L’intéressé ne contestait pas qu’il ne s’était pas présenté aux entretiens périodiques des 28 février, 16 mars, 20 avril et 16 mai 2023 et qu’il n’avait participé à aucun des cinq stages auxquels il avait été inscrit, et cela sans motifs valables. Ce faisant, il avait non seulement manqué à son devoir de collaboration mais avait également contrevenu à son obligation de tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation et retrouver un emploi. La persistance de son comportement, en dépit des avertissements et des sanctions prononcées à son encontre, dénotait un mépris des principes fondamentaux de l’aide sociale, justifiant la suppression de son droit aux prestations financières pour faute grave. Cette sanction était proportionnée à sa situation, dans la mesure où elle pourrait être réduite, voire interrompue, s’il obtempérait de manière tangible à ses obligations envers l’aide sociale.

C. a. Par acte expédié le 28 novembre 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à sa « réintégration ».

La situation en lien avec la garde de sa fille était très compliquée. Les rapports « très conflictuels » avec la mère de celle-ci ne lui avaient pas permis de respecter les règles et engagements malgré son envie et sa bonne volonté. Il avait pu « trouver une solution concernant la garde de sa fille » et sollicitait « une dernière chance afin de pouvoir montrer sa bonne volonté, son investissement, son implication et son envie de réussir ». Il se retrouvait sans revenus et ne pouvait assumer l’entretien de sa fille.

b. Par réponse du 9 janvier 2024, l’hospice a conclu au rejet du recours.

Les faits étant établis et non contestés, la sanction était justifiée dans son principe. Elle respectait également le principe de proportionnalité étant rappelé que le recourant avait persisté durant des mois dans son comportement, malgré les avertissements et qu’une première décision de fin de prestations d’aide financière lui avait été notifiée, avant d’être annulée sur la foi de ses engagements, non tenus. Enfin, la sanction avait été levée aussitôt qu’il s’était conformé à ses devoirs. Le recourant s’était en effet présenté à un stage d’évaluation le 2 janvier 2024, si bien qu’il avait été procédé au versement de ses prestations financières pour le mois de janvier 2024.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Le 20 février 2024, l’hospice a informé la chambre de céans que le père du recourant s’était présenté au Centre d’action sociale C______ de l’hospice le 16 février 2024 et avait indiqué que son fils était incarcéré en France pour une durée de 18 mois.

e. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 de loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 LIASI - J 4 04).

2.             Est litigieux le bien-fondé de la décision de l’hospice de mettre fin aux prestations du recourant dès le 1er octobre 2023.

2.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

En droit genevois, la LIASI et le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

2.2 À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l’art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

À teneur de l’art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d’aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014 consid. 4).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise notamment l’obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il mette tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière.

Selon l’art. 42A LIASI, toute personne majeure bénéficiant de prestations d'aide financière met tout en œuvre pour retrouver un emploi (al. 1). À cette fin, elle peut bénéficier des mesures d’insertion professionnelle mises en place par l’État dans le cadre des dispositifs prévus par la présente loi ainsi que de l’allocation de retour en emploi et des emplois de solidarité sur le marché complémentaire prévus par la loi en matière de chômage, du 11 novembre 1983 (al. 2).

Le stage d'évaluation à l'emploi a pour objectif de déterminer la capacité des bénéficiaires à se réinsérer sur le marché de l'emploi et d'établir un plan de réinsertion (art. 42B al. 1 LIASI).

2.3 L’art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d’aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (let. a), renonce à faire valoir des droits auxquels les prestations d'aide financière sont subsidiaires (art. 9 al. 2 LIASI ; let. b) ; ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (let. c) ; refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d) ou ne veut pas s’engager dans un contrat d'aide sociale individuel (art. 20 LIASI) ou n’en respecte pas intentionnellement les conditions (let. e).

2.4 Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017 consid 7c).

2.5 En l’espèce, le recourant a été inscrit à cinq stages d’évaluation à l’emploi. Il ne s’est toutefois présenté à aucune de ces mesures, malgré les nombreuses relances et avertissements notifiés par l’intimé. Il a également été convoqué à des entretiens périodiques les 28 février, 16 mars, 20 avril et 16 mai 2023 mais ne s’est pas présenté, ni excusé. Or, ces stages et entretiens avaient pour objectif de l’aider à se réinsérer sur le marché du travail, ce que le recourant ne pouvait ignorer.

Le recourant ne conteste pas ces faits. Il indique uniquement que ses relations conflictuelles avec la mère de sa fille l’ont empêché de respecter ses obligations envers l’intimé. Or, outre le fait que ces allégations ne sont aucunement démontrées, de tels éléments ne permettent en aucun cas de justifier ses nombreuses absences et manquements à son devoir de collaboration, étant rappelé qu’il n’a jamais prévenu l’intimé de ses absences, ni invoqué de motif d’excuse valable. Quant aux soucis de santé évoqués durant la procédure devant l’intimé, le recourant ne s’en prévaut plus, étant précisé qu’il n’a jamais produit de pièces médicales à leur appui. Dans ces conditions, l’hospice était fondé à considérer que les absences répétées du recourant aux stages d’orientation et aux entretiens périodiques étaient constitutifs d’un défaut de collaboration et d’un non-respect des conditions du contrat d’aide social individuel, au sens de l’art. 35 al. 1 let. c et e LIASI.

Le type de sanction infligée, soit la suppression des prestations financières, apparaît proportionné. La répétition des manquements en dépit des nombreux avertissements, la persistance à refuser de se présenter aux stages d’évaluation et à respecter ses propres engagements envers son assistante sociale, ainsi que l’absence de motifs pour justifier ses absences imposent de qualifier son manquement de grave. La décision entreprise prévoit enfin expressément que la sanction pourra être réduite, voire interrompue, dès que le recourant se conformera à ses obligations. Elle respecte, en cela, le principe de proportionnalité, étant relevé que le versement des prestations financières a été repris en janvier 2024, le recourant s’étant présenté au stage d’évaluation à l’emploi ayant débuté le 2 janvier 2024.

C’est partant à juste titre qu’en application de l’art. 35 al. 1 let. c et e RIASI, l’intimé a mis fin aux prestations financières dès le 1er octobre 2023.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et, vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 17 novembre 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :