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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2376/2014

ATA/1024/2014 du 16.12.2014 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2376/2014-AIDSO ATA/1024/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 décembre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Georges Bagnoud, avocat

contre

HOSPICE GENERAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1957, a déposé une demande de prestations auprès de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) le 16 janvier 2008. Il était célibataire, vivait avec sa mère, née en 1931. Il avait un fils, né en 1987, avec lequel il n’avait plus de contact depuis plusieurs années. Il n’avait ni revenu ni fortune, ni en Suisse ni à l’étranger, et était endetté à hauteur de CHF 15'000.- environ.

La demande était accompagnée de la signature d’un document intitulé : « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » confirmant qu’il avait pris connaissance de ses obligations, notamment celles « de donner immédiatement et spontanément à l’hospice tous renseignements et toutes pièces nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ».

2) M. A______ a bénéficié d’une aide financière de l’hospice, dès le 1er janvier 2008.

3) Il a régulièrement renouvelé sa demande de prestations d’aide financière et son engagement à informer l’hospice, par signatures des 16 décembre 2008 et 29 janvier 2009.

4) M. A______ ne s’est plus présenté à l’hospice à compter du 31 mai 2010, raison pour laquelle, l’aide financière a été arrêtée à cette date.

5) Par requête du 27 janvier 2011, M. A______ a déposé une nouvelle demande de prestations d’aide financière. Sa situation était inchangée sous réserve de l’existence d’un compte bancaire et de l’absence de dette.

6) M. A______ a perçu des prestations d’aide financière à compter du 1er février 2011.

7) Il a régulièrement affirmé que sa situation ne s’était pas modifiée, par signatures du 7 février 2011, 2 février 2012 et 14 mars 2012.

8) Le 5 décembre 2011, l’hospice a ouvert une enquête complète sur la situation de M. A______.

9) Selon le rapport d’enquête du 15 juin 2012, la fixation d’un entretien avec M. A______ avait été difficile. Quelques jours avant la date prévue pour un passage à domicile, l’intéressé avait téléphoné en indiquant que sa mère ne pouvait pas être incommodée par leur audition. L’hospice s’était dit d’accord de modifier le lieu du rendez-vous et l’avait reporté à une date ultérieure. Deux jours avant la nouvelle date, M. A______ avait demandé de repousser l’entretien pour raison de maladie. L’audition s’était finalement tenue le 28 juin 2012 en lieu et place du 21 février 2012.

M. A______ a déclaré vivre chez sa mère depuis 1997. De 1995 à 2004, il passait environ trois à quatre mois en Sicile et revenait, pour la même durée, en Suisse, raison pour laquelle il logeait chez sa parente.

Monsieur B______, père de l’intéressé, était décédé en 1988 à C______. Il avait été indépendant à Genève de son vivant, propriétaire d’une teinturerie aux Pâquis. Aucune succession n’était déclarée. Le service des successions de Genève a confirmé, le 22 février 2012, qu’en l’absence de tout actif, la succession avait été déclarée négative.

Il ressortait du curriculum vitae du bénéficiaire, notamment une activité d’indépendant, associée à une entreprise de produits de surgelés en Italie, pendant cinq ans. L’usager a précisé que celle-ci s’était déroulée de 1995 à 2004-2005 environ. Il a indiqué avoir dû tout arrêter suite à un problème de santé en 2005-2006 et ne plus rien posséder en Sicile. Il n’a présenté aucun document concernant cette activité, telle que la clôture de comptes bancaires notamment. Son ancien associé, M. D______ était décédé. Durant toute la période en question, il n’avait pas eu besoin de l’aide de l’hospice. Celui-ci notait toutefois que cette affirmation était contredite par leur registre selon lequel il avait bénéficié d’une aide du 1er décembre 1990 au 30 novembre 2002.

Le rapport concluait que l’hospice avait tenté d’obtenir des renseignements de l’Ambassade suisse à Rome et du Consulat italien (ci-après : le consulat) à Genève et restait dans l’attente de différents documents sur la possession éventuelle de biens immobiliers en Italie que devaient fournir tant l’usager qu’éventuellement le consulat.

10) M. A______ n’est pas venu au rendez-vous fixé le 28 juin 2012 par le service des enquêtes.

11) Par correspondance du 12 juillet 2012, l’hospice a prononcé un avertissement à l’encontre de M. A______, suite à son absence au rendez-vous du 28 juin 2012. Il lui appartenait de reprendre contact avec le service des enquêtes afin de répondre à leur demande concernant un éventuel bien immobilier et une activité professionnelle en Sicile. Dans cette attente, l’aide financière était suspendue.

12) Le 23 juillet 2012, l’hospice a renouvelé sa requête de documents auprès du consulat.

13) Le 8 janvier 2013, ledit consulat a transmis un courrier à M. A______, dont il a donné copie, de la première page uniquement, à l’hospice. Il faisait suite à la demande d’informations de l’hospice du 23 juillet 2012 et priait M. A______ de prendre contact avec l’hospice. Étaient annexés à ce courrier, les documents obtenus à la suite de l’enquête effectuée auprès de l’agence du territoire de E______, F______ et G______. Ces annexes n’ont pas été transmises à l’hospice.

14) M. A______ ne s’est pas manifesté auprès de l’hospice.

15) Le 10 février 2013, l’hospice a prononcé une décision de fin de prestations d’aide sociale avec demande de restitution de CHF 69'586,15 concernant les prestations perçues indûment pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mai 2010 et du 1er février 2011 au 30 juin 2012.

L’intéressé avait refusé de venir à l’audition du 28 juin 2012 du service des enquêtes et de fournir les pièces demandées concernant son activité indépendante en Italie. Il n’avait pas fourni la preuve qu’il y avait mis un terme, raison pour laquelle l’hospice n’était pas en mesure d’évaluer son droit à des prestations d’aide financière pour toutes les périodes pendant lesquelles il avait été soutenu. Il avait indûment perçu des prestations. Pour des motifs de prescription, l’hospice renonçait à lui demander le remboursement de celles touchées avant 2008.

16) Le 21 février 2013, M. A______ a fait opposition à la décision du 10 février 2013. Il n’était propriétaire d’aucun meuble ou immeuble, plus précisément de la région de B______, F______, G______ et H______. Le consulat ne fournissait pas d’attestations officielles de non-propriété. Différents reproches étaient faits à l’inspectrice, laquelle avait presque réussi à provoquer un incident diplomatique par des sous-entendus désobligeants envers les fonctionnaires internationaux. Il n’avait jamais exercé d’activité lucrative en Italie, en Sicile, en Suisse ou ailleurs dans le monde. Il n’avait pas insisté lorsque l’hospice avait décidé le 12 juillet 2012, de ne plus l’aider « parce que je sais que vos prestations sont à bien plaire et que je ne peux prétendre à rien. Je vous prie à l’avenir de vous intéresser aux périodes de ma vie où vous êtes présents et de ne plus faire preuve d’une indiscrétion incongrue. »

17) Par courrier du 25 février 2013, l’hospice a pris acte que l’usager admettait ne pas avoir droit à des prestations d’aide financière, raison pour laquelle il n’avait pas contesté la fin de l’aide annoncée le 12 juillet 2012. Il ne se prononçait toutefois pas sur le remboursement, dont les modalités seraient fixées une fois la décision devenue définitive et exécutoire.

18) Par courrier non daté mais reçu le 6 mars 2013, M. A______ a fait opposition à la décision du 10 février 2013. Durant une période sans travail, il avait séjourné en Sicile, non pour y exercer une activité indépendante mais pour aider des amis qui menaient des projets soit commerciaux soit culturels.

Pour des raisons médicales, notamment des effets secondaires liés à sa médication, il lui arrivait d’être agressif, ce dont il priait de bien vouloir l’excuser.

Les documents reçus le 8 janvier 2013 par le consulat, ne comportaient aucune attestation d’aucune sorte. Le consulat, dans un premier temps, n’avait pas répondu, avant de fournir une réponse « à côté de la question ». M. A______ avait jeté les documents que le consulat d’Italie lui avait envoyés.

Il contestait avoir touché indûment des prestations d’aides financières « si ce n’est peut-être à partir où votre service n’a vu arriver aucune réponse à sa demande d’attestations de non propriété et de cessation d’une activité qui n’a jamais exister (sic) en tant que telle ». Il concluait à ce que l’hospice renonce à la restitution de la somme litigieuse excepté pour la période du 1er mars 2012 au 1er juin 2012.

Il formulait une demande de remise dans la mesure où il serait plongé dans une situation difficile du fait du remboursement d’un montant important.

19) Par courrier du 26 mars 2013, un avocat s’est constitué pour la défense des intérêts de M. A______.

Son client n’avait jamais perçu de prestations entre le 1er octobre 1990 et le 31 mai 1996. La question se posait de savoir si l’office avait versé ses prestations à un homonyme. M. A______ n’avait jamais possédé un quelconque bien en Italie et n’avait jamais eu aucune activité lucrative durant les périodes pendant lesquelles il avait été aidé.

Le cas de M. A______ devait être reconsidéré et l’aide financière reprise.

20) Par courrier du 2 avril 2013, le conseil a précisé que M. A______ n’avait jamais « admis » ne pas avoir droit à des prestations d’aide financière. L’usager s’était limité à prendre note de la position des collaboratrices. Il était sans ressource aucune, aidé momentanément par une mère âgée et malade, et sollicitait d’être réintégré dans l’intégralité de ses droits.

21) Par courrier du 5 avril 2013, l’hospice a rappelé que l’usager pouvait déposer une nouvelle demande d’aide financière à la suite de laquelle une nouvelle décision serait rendue, susceptible d’opposition.

Ce courrier a été complété, trois jours plus tard, par l’assistant social en charge du dossier de l’intéressé, proposant à M. A______ de fixer un rendez-vous.

22) M. A______ n’a pas pris contact avec l’hospice.

23) Par courrier du 17 janvier 2014, l’hospice a sollicité, une ultime fois, avant de se déterminer sur l’opposition, un duplicata de l’annexe au courrier du 8 janvier 2013.

24) Par courriers des 11 février et 21 février 2014, le conseil de M. A______ a relancé le consulat pour obtenir les documents idoines.

25) Le 1er avril 2014, M. A______, par le biais de son avocat, a transmis copie du courrier qu’il venait de recevoir du consulat d’Italie. M. A______ précisait que les quelques biens immobiliers mentionnés dans les documents italiens avaient été laissés par sa mère et lui-même à titre d’usufruit à ses grands-parents, avant leur vente en 2008. A cette date, l’usager avait laissé à sa mère le quart lui revenant, représentant quelques milliers de francs, en considération du fait que, depuis de nombreuses années, cette dernière le logeait et le nourrissait.

26) Il ressortait des documents que :

-                 le 12 septembre 1988, le père de l’assuré lui avait laissé en héritage la propriété, pour un quart, d’un appartement de 7,5 pièces avec cave, sis au 3ème étage de I______ à B______ ainsi que d’un terrain de 3'540 ha dans la même commune, quartier de J______ et d’un terrain de 70,50 ares, sis à B______, quartier de K______.

-                 l’appartement du I______ avait été vendu le 23 décembre 2008.

-                 le terrain de 70,50 ares avait été vendu le 18 octobre 2010.

27) Par décision du 19 juin 2014, le directeur général de l’hospice a rejeté l’opposition de M. A______ contre la décision du 10 février 2013. Les duplicatas des documents adressés à l’opposant le 8 janvier 2013 par le consulat général d’Italie permettaient d’établir que, durant la première période d’aide financière, soit du 1er janvier 2008 au 31 mai 2010, l’opposant était propriétaire à hauteur d’un quart de trois biens immobiliers à B______. Il en avait caché l’existence à l’hospice, violant ainsi gravement son obligation de renseigner. Il était évident que, si l’hospice avait su que l’opposant était propriétaire desdits biens, aucune prestation d’aide financière ne lui aurait été versée, l’hospice n’intervenant pas en faveur d’un usager lorsque celui-ci est propriétaire d’un bien immobilier ne lui servant pas de demeure permanente. Il se justifiait donc de réclamer à l’opposant l’intégralité des prestations qui lui avaient été versées du 1er janvier 2008 au 31 mai 2010 puisqu’elles avaient été perçues indûment.

Durant la deuxième période d’aide financière, soit du 1er février 2011 au 30 juin 2012, au regard des duplicatas des documents adressés à l’opposant le 8 janvier 2013 par le consulat, celui-là n’était plus propriétaire pour un quart de l’appartement et du terrain de 70,50 ares, mais était resté propriétaire pour un quart du terrain de 3'500 ha dans le quartier de J______ à B______. Il apparaissait donc que, durant cette deuxième période d’aide, l’opposant avait également perçu indûment des prestations puisqu’il était propriétaire d’un bien immobilier dont il avait tu l’existence à l’hospice. La demande de restitution était fondée.

Enfin, la demande de remise devait être rejetée, le bénéficiaire n’étant pas de bonne foi. En tous les cas, il ne pouvait être considéré que le remboursement mettrait l’usager dans une situation difficile, celui-ci étant toujours propriétaire d’un terrain.

28) Par acte du 14 août 2014, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 19 juin 2014.

Il a conclu, préalablement, à ce que l’effet suspensif lui soit accordé. Principalement, le recours devait être déclaré fondé, la décision litigieuse devait être annulée et la chambre administrative devait dire que le recourant conservait le droit à l’aide sociale à partir du 1er juillet 2012 et qu’il n’avait pas à rembourser la somme de CHF 69'586,15. Les frais devaient être mis à la charge de l’État.

Le recourant avait été navré, voire révolté à la lecture d’une partie des faits tels qu’exposés dans les décisions du 10 février 2013 et du 19 juin 2014. L’hospice ne pouvait ignorer que, depuis 2007, le recourant était gravement malade. Son état de santé déplorable ne lui avait parfois pas permis de répondre complètement aux demandes qui lui étaient faites. Il n’avait jamais fait preuve de mauvaise volonté. Il confirmait n’avoir exercé aucune activité lucrative durant les périodes pendant lesquelles il avait été aidé, tout comme il ne possédait aucune ressource autre que celles allouées par l’hospice. Il versait à la procédure un tirage de ses déclarations fiscales pour les années 2011 à 2013. Le seul reproche qui pouvait lui être adressé consistait en l’omission de déclarer un terrain agricole, sans valeur, qui lui avait été dévolu en héritage dans son pays d’origine. En fait, le terrain de 3'540 ha (sic) tel qu’indiqué dans la décision du 19 juin 2014, ne consistait qu’en quelques mètres carrés en zone agricole « de la valeur modique que nous savons et estimée encore avant une expropriation en matérielle intervenu récemment … ». Il n’avait jamais encaissé un quelconque revenu de ce bien sis en Sicile et restait totalement dépendant financièrement de l’aide de sa mère. C’était à tort qu’il avait mentionné, dans un premier temps, ne détenir aucun bien immobilier dans son pays d’origine. Il avait cru, fautivement, ne pas devoir le faire, dès lors qu’il s’agissait du seul bien qui lui restait, qu’il ne pouvait être estimé qu’à quelques milliers de francs et surtout qui ne lui avait jamais rapporté de revenus. Il ne pensait nullement contrevenir aux conditions posées dans les formulaires de demandes de l’hospice.

À l’appui de son recours, M. A______ produisait un certificat médical du 19 mars 2008 indiquant qu’il était suivi à la consultation ambulatoire de la division de gastro-entérologie et d’hépatologie à raison d’une cirrhose virale C, pour laquelle un traitement antiviral avait été effectué en 2007 sans succès.

Il ressortait de la déclaration fiscale 2011 que le contribuable avait perçu CHF 18'777.- de l’hospice et s’était acquitté de CHF 25.- d’impôts. La situation découlant de la déclaration 2012 était identique, l’usager ayant perçu CHF 8'575.- de l’hospice et s’étant acquitté de primes d’assurance de CHF 5'932.-. La récapitulation pour l’impôt 2013 mentionnait qu’il n’avait aucun revenu imposable. Le montant des primes d’assurance était inchangé.

29) Par réponse du 29 août 2014, l’hospice a conclu au rejet du recours. Il a persisté dans les termes de sa décision.

Sur l’effet suspensif, il considérait que seule était litigieuse la demande de remboursement, laquelle n’avait pas été déclarée immédiatement exécutoire. L’hospice n’avait pas l’intention de procéder au recouvrement de la somme qui était due avant de connaître l’issue du recours.

Concernant la décision de mettre fin aux prestations du recourant en juin 2012, confirmée par la décision du 10 février 2013, cette dernière n’était pas l’objet du recours. Dans un premier temps, M. A______ avait déclaré ne pas s’y opposer avant que son conseil ne sollicite une reprise de l’aide. L’intéressé n’avait pas donné suite à l’offre de se présenter au centre d’action sociale (ci-après : CAS) de la Servette pour un nouveau rendez-vous et une évaluation de sa situation. Cette attitude ne pouvait être interprétée par l’hospice que comme signifiant que le recourant ne souhaitait plus recevoir des prestations, à l’instar de ce qu’il avait affirmé préalablement. Si celui-ci estimait avoir, à nouveau, besoin de prestations d’aide financière, il pouvait en tous temps les solliciter auprès du CAS de son quartier, étant rappelé que, s’il était toujours propriétaire d’un bien immobilier en Italie, comme il semblait lui-même l’admettre dans son recours et comme cela ressortait des documents transmis par le consulat de ce pays, la loi interdisait l’octroi de prestations d’aide financière au propriétaire d’un bien immobilier à moins que celui-ci ne lui serve de demeure permanente.

30) Par réplique du 30 septembre 2014, le recourant a insisté sur son état de santé précaire. Il constatait que le lapsus calami de « 3'540 hectares » était repris tel quel dans les observations de l’hospice.

Pour le surplus, il persistait dans ses conclusions.

31) Par courrier du 2 octobre 2014, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

32) Le 6 octobre 2014, l’hospice a informé la chambre administrative qu’il avait déposé une plainte pénale à l’encontre du recourant.

33) Par correspondance du 13 novembre 2014, le juge délégué a demandé au recourant de lui transmettre d’ici au 28 novembre 2014, une traduction libre des passages qu’il souhaitait voir pris en compte par la chambre administrative à l’appui de son allégué relatif au lapsus calami. L’allégué y relatif de son recours renvoyait la chambre de céans à la liasse de documents, en italien, transmis par le consulat.

34) Le recourant n’y a pas donné suite.

35) Par correspondance du 11 décembre 2014, le recourant a déploré que l’hospice se soit estimé fondé à déposer plainte pénale à son encontre pour escroquerie. Il avait pu s’expliquer auprès de la police le 3 décembre 2014.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 
(LIASI - J 4 04) est entrée en vigueur le 19 juin 2007 sous l’intitulé « Loi sur l'aide sociale individuelle (LASI) ». Le titre a été modifié le 1er février 2012.

3) Le recours porte sur la demande de restitution des prestations perçues indûment pour un montant de CHF 69’586.15 entre le 1er janvier 2008 et le 31 mai 2010 ainsi qu’entre le 1er février 2011 et le 30 juin 2012, le recourant ne contestant pas avoir perçu ces montants d’aide sociale.

4) La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1).

Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). Les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de la perception indue des prestations (art. 8 al. 1 et 2 LIASI).

Exceptionnellement, une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable. L'immeuble peut être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice (art 12 al. 2 LIASI).

La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit. Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire. Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi. Les héritiers sont solidairement responsables, mais seulement à concurrence du montant de la succession. L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait. Si la restitution de l'indu donne lieu à compensation, le minimum vital du bénéficiaire, calculé selon les normes d'insaisissabilité de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889, doit être respecté (art 36 LIASI).

5) De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/127/2013 du 26 février 2013 ; ATA/54/2013 du 29 janvier 2013).

Celui qui a déjà encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., Berne 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire.

Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/127/2013 précité).

6) En l’espèce, il ressort des demandes de prestations d’aide financière régulièrement signées par le recourant que celui-ci a systématiquement nié être propriétaire de biens immobiliers tant en Suisse qu’à l’étranger. Or, il ressort des documents produits par le consulat que M. A______ a été propriétaire de 1988 jusqu’au 23 décembre 2008 de trois biens immobiliers. Si l’appartement de  I______ a été vendu le 23 décembre 2008 et que le terrain de 70,50 ares sis à L______, quartier de K______, a été cédé le 18 octobre 2010, il n’en reste pas moins que le recourant est resté et semble être toujours propriétaire d’un terrain à L______, quartier de J______. La surface du terrain est contestée tout comme sa valeur actuelle. Le recourant ne produit toutefois aucun document à même de remettre en cause les allégations de l’hospice, fondées sur les pièces dûment transmises par le consulat général d’Italie. Même interpellé par la chambre de céans, il n’a pas répondu à l’invite de celle-ci de mettre en exergue le passage, parmi les documents en italien, qui prouvait le lapsus calami dont il se plaint. Il ressort au contraire des pièces que la lecture et traduction qu’en a fait l’hospice est conforme, l’acte de succession faisant état en page 6 de 3'540 « ettare ». Quand bien même il est impossible que le recourant soit effectivement propriétaire d’une aussi grande surface (plus de 35 km2) dans le quartier en question, la problématique est identique : en sa qualité de propriétaire immobilier d’un bien ne servant pas de demeure principale, le recourant ne remplissait pas les conditions pour bénéficier des prestations financières de l’hospice. Or, l’intéressé avait signé un engagement selon lequel il devait renseigner l’hospice sur tout fait à même de modifier l’aide qui lui était versée mensuellement. Il était donc informé de son obligation dans ce domaine et des conditions d’octroi d’aide de l’hospice. En taisant ses propriétés immobilières à l’hospice, il a manqué à son obligation de collaborer et de renseigner l’hospice sur sa situation économique et personnelle, susceptible d’entraîner la modification de son droit à l’aide financière versée par ce dernier. Les prestations de l’hospice ont été versées indûment.

C’est ainsi à juste titre que l’hospice a considéré que le recourant est tenu de rembourser les prestations qui lui ont été versées tant pendant la première que durant la seconde période d’aide, soit du 1er janvier 2008 au 31 mai 2010 et du 1er février 2011 au 30 juin 2012 représentant CHF 69'586,15, montant que le recourant ne conteste pas avoir reçu.

Sans être remis en cause, l’état de santé précaire de l’intéressé est sans pertinence juridique sur son absence de droit à percevoir des prestations financières.

Le fait qu’il n’ait perçu aucun revenu de ses biens immobiliers est sans incidence en l’espèce, puisque le seul fait de taire la propriété de ses biens immobiliers constitue une violation des obligations du recourant à l’égard de l’hospice.

7) Les conclusions du recourant en restitution de l’effet suspensif deviennent sans objet, compte tenu de la décision sur le fond rendue ce jour.

8) Les conclusions du recourant en reprise du versement des prestations d’aide financière ne font pas partie de l’objet du litige, la décision initiale du 10 février 2013 puis la décision sur opposition du 19 juin 2014 ne statuant pas sur la suppression des prestations à l’usager.

De surcroît et comme l’hospice l’a mentionné, il est loisible au recourant de solliciter à nouveau l’aide s’il s’y estime fondé.

9) L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait ouvrant le droit au remboursement. Ce droit s’éteint au plus tard dix ans après la survenance dudit fait (art. 36 al. 5 LIASI).

L’hospice a pris connaissance des faits lors de l’enquête effectuée au début de l’année 2012. Dans la décision du 10 février 2013 et celle sur opposition du 19 juin 2014, il a demandé le remboursement des sommes perçues entre le 1er janvier 2008 et le 31 mai 2010 et du 1er février 2011 au 30 juin 2012.

La demande de remboursement respecte le délai de prescription de cinq ans à compter de la connaissance des faits de l’art. 36 al. 5 LIASI.

10) L’hospice a, dans la décision litigieuse, rejeté la demande de remise formulée par l’usager.

Le bénéficiaire, qui était de bonne foi, n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile. Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'hospice (art. 42 LIASI).

En l’espèce, il ressort de la jurisprudence constante de la chambre qu’un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière et notamment tait, lors de sa demande de prestations, l’existence de trois biens immobiliers, ne peut être considéré de bonne foi. Même si l’usager s’est, au fil des années, séparé de deux de ses trois propriétés, il en a conservé une qu’il a régulièrement tue à l’hospice. Ce seul manquement, qui s’est déroulé sur plusieurs années, exclut à lui seul la condition de la bonne foi. L’état de santé du recourant est sans incidence sur la solution du litige.

11) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 août 2014 par Monsieur A______ contre la décision du 19 juin 2014 du directeur de l’hospice général ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Georges Bagnoud, avocat du recourant ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :