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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3720/2022

ATA/190/2023 du 28.02.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3720/2022-AIDSO ATA/190/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

_________



EN FAIT

A. a. Madame A______, née le ______ 1997, a bénéficié de l’aide sociale versée par l’Hospice général (ci-après : hospice) du 1er septembre 2018 au 30 septembre 2019, du 1er janvier 2020 au 30 avril 2021 et du 1er février au 30 juin 2022.

b. Lors de ses demandes d’aide, elle a indiqué être domiciliée chez ses grands-parents au ______, chemin B______ au C______. Ce domicile ressort également de la demande signée le 2 février 2022 ; elle a précisé que son frère D______ y vivait également et que ses parents étaient domiciliés en France. Chaque demande comporte, en caractères gras, l’indication selon laquelle la personne signant la demande atteste que les renseignements fournis sont exacts et complets.

c. Avec ses demandes d’aide des 11 août 2018, 25 août 2020 et 3 février 2022, elle a signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel elle s’est notamment engagée à donner immédiatement et spontanément à celui-ci tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique et d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière. Elle a également pris acte, par sa signature, que l’hospice se réservait de réduire ou de supprimer ses prestations d’aide financière en cas de violation de la loi, notamment de cet engagement, et qu’elle pouvait être amenée à rembourser toute prestation exigible selon l’art. 12 al. 2 et 36 à 41 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

d. Mme A______ ne s’étant pas présentée ni excusée aux rendez-vous prévus avec son assistante sociale les 24 février et 14 avril 2021, l’hospice a mis fin à ses prestations au 30 avril 2021 et, sans nouvelles de celle-ci, clôturé le dossier en juin 2021.

B. a. Le 29 octobre 2021, Mme A______ s’est présentée au centre d’action sociale E______ (ci-après : CAS). L’assurance-invalidité, qui avait versé des prestations à partir du 12 octobre 2020, avait mis fin à ses prestations en octobre 2021 du fait qu’elle s’était absentée de la mesure d’accompagnement en septembre 2021 et n’avait pas donné de nouvelles. Elle habitait toujours chez ses grands-parents où elle partageait une chambre avec son frère.

b. Le 3 février 2022, elle a déposé une nouvelle demande d’aide financière, qui a été acceptée. Lors de l’entretien du 17 février 2022 avec son assistante sociale, elle a indiqué être enceinte de cinq mois. Elle vivait toujours chez ses grands-parents. Le père de l’enfant à naître vivait et travaillait en France. Ils n’avaient pas encore décidé de leur mode de vie après la naissance de l’enfant.

c. Ce dernier, prénommé F______, est né le ______ 2022.

C. a. Lors d’un contrôle effectué le 12 juillet 2022 par le service des enquêtes de l’hospice, le contrôleur a constaté que figuraient sur la boîte aux lettres du domicile des grands-parents de Mme A______ les noms de « G______» et « Famille A______ ». La grand-mère de l’administrée, Madame G______, a expliqué que celle-ci vivait chez son compagnon à Gex depuis environ une année. L’adresse au C______ ne servait que de boîte postale pour elle et son frère, l’appartement étant trop petit pour les loger.

b. Le 13 juillet 2022, Mme A______ a envoyé un courriel à son assistante sociale indiquant que depuis la naissance de son fils, la cohabitation avec ses grands-parents était devenue difficile. Elle s’était installée quelque temps chez ses parents, puis chez son compagnon. Elle souhaitait savoir si elle pouvait « avoir un appartement ».

c. Lors de l’entretien au CAS le 20 juillet 2022, Mme A______ a confirmé les informations données dans le courriel précité. Confrontée aux constatations du contrôleur de l’hospice, elle a déclaré que sa grand-mère avait paniqué et s’était trompée.

D. a. Au vu du rapport d’enquêtes et du fait que la majorité des transactions bancaires de la bénéficiaire avait été effectuée en France, le CAS a retenu que celle-ci n’était pas domiciliée à Genève et a mis fin à ses prestations avec effet au 1er juillet 2022. Il lui a également réclamé le remboursement de ses prestations versées entre le 1er février et le 30 juin 2022.

b. Le 7 octobre 2022, l’hospice a rejeté l’opposition formée par l’intéressée, qui n’avait apporté aucun élément permettant de revenir sur la décision précitée.

c. Par acte expédié le 10 novembre 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation. Sa grand-mère n’avait jamais dit qu’elle vivait depuis une année en France ; elle avait dit qu’elle était partie quelque temps chez son compagnon après la naissance de son fils. Elle avait vécu chez ses grands-parents jusqu’à son accouchement. Elle effectuait ses achats en France, car les prix y étaient plus abordables. Les faits avaient donc été retenus de manière erronée.

d. L’hospice a conclu au rejet du recours. Il a précisé que, selon la base de données CALVIN relative au registre des habitants du canton, étaient domiciliés dans l’appartement de quatre pièces loué par M. et Mme G______ au C______ le couple ainsi que leurs trois petits-enfants, dont Mme A______, et leur arrière-petit-fils F______.

e. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai imparti pour répliquer.

f. L’hospice a encore fait parvenir à la chambre administrative un rapport d’entraide administrative du 17 octobre 2022, établi par la « cellule infrastructure logistique et enquêtes » (ci-après : CILE) de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il en ressort que, le 17 octobre 2022, Mme G______ avait confirmé ses propos tenus le 11 juillet 2022 et indiqué que sa petite-fille et son arrière-petit-fils ne vivaient pas chez elle. Elle ne connaissait pas l’adresse de sa petite-fille à Gex, ni le numéro de téléphone des parents de l’intéressée. Elle a confirmé qu’elle remettait le pli contenant le rapport à sa petite-fille dès réception.

g. Ce rapport a été adressé par la chambre administrative à la recourante, qui a été informée que la cause serait gardée à juger dès le 9 février 2023. Celle-ci ne s’est pas manifestée dans ce délai, ni par la suite.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante conteste que les conditions à la suppression des prestations et à la restitution des prestations perçues de février à juin 2022 soient remplies.

2.1 Selon l’art. 1 al. 1 LIASI, cette loi a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c). Il s’agit de conditions cumulatives (ATA/1787/2019 du 10 décembre 2019 consid. 3b)

2.2 La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 ab initio CC). Cette notion contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits, et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 ; 133 V 309 consid. 3.1).

2.3 La personne bénéficiaire est tenue de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Elle doit se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 1 et 3 LIASI). De même, elle doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

2.4 Selon l'art. 35 al. 1 let. d LIASI, les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées lorsque la personne bénéficiaire donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles. Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b ; ATA/1662/2019 précité consid. 7).

2.5 Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

2.6 De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées). Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/437/2022 précité consid. 2c ; ATA/93/2020 précité consid. 3c).

2.7 Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

2.8 En l’espèce, la recourante, qui a été bénéficiaire des prestations de l’hospice à plusieurs reprises depuis 2018, connaissait ses obligations de collaboration à l’égard de celui-ci, notamment celle de fournir des indications exactes, ayant signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » à trois reprises, encore début février 2022.

Selon cet engagement, elle devait fournir à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle et l’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière. Or, il ressort du dossier que l’indication par ses soins d’un domicile auprès de sa grand-mère en Suisse était erronée.

En effet, sa grand-mère a indiqué une première fois au contrôleur de l’hospice, le 11 juillet 2022, que la recourante n’était plus domiciliée chez elle depuis une année environ. Elle a, ensuite, confirmé ces propos au contrôleur de l’OCPM le 17 octobre 2022. À cela vient s’ajouter que bon nombre de dépenses relatives à l’achat de nourriture, voire d’habits ou encore de restaurant ont été effectuées en France, notamment à Thoiry, Gex et Ferney-Voltaire, à savoir dans la ville, respectivement près de la ville de Gex où habite l’ami de la recourante selon ses indications. Si, certes, le coût de la vie est (un peu) moins élevé en France dite voisine, la localisation régulière des achats à proximité du domicile de l’ami de la recourante tend également à confirmer les propos de sa grand-mère selon lesquels elle n’était plus domiciliée chez elle depuis environ une année avant le passage de l’enquêteur en juillet 2022.

L’indication donnée par la recourante dans le formulaire de demande d’aide, notamment celui signé le 2 février 2022, selon laquelle elle était toujours domiciliée chez ses grands-parents était ainsi fausse. L’intéressée n’étant plus domiciliée dans le canton de Genève depuis juillet 2021, l’hospice était fondé à mettre fin à ses prestations à compter de juillet 2022.

En donnant une fausse indication relative à son domicile, respectivement en n’informant pas l’hospice du fait qu’elle avait changé de domicile, la recourante doit se voir reprocher d’avoir violé ses obligations de collaboration à l’égard de l’hospice. Compte tenu des fausses indications données sur son domicile, elle a perçu des prestations auxquelles elle n’aurait pas eu droit, l’une des conditions aux prestations de l’hospice, à savoir le domicile et la résidence effective dans le canton, faisant défaut. La recourante a donc indûment perçu des prestations. En limitant la demande de remboursement des prestations versées du 1er février au 30 juin 2022, l’hospice a par ailleurs respecté le principe de la proportionnalité.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée ainsi que la décision du 3 août 2022 sont conformes au droit, y compris au principe de la proportionnalité, et ne consacrent aucun abus ou excès du pouvoir d’appréciation de l’hospice.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. La recourante succombant, elle ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 7 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :