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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3075/2021

ATA/99/2023 du 31.01.2023 sur JTAPI/587/2022 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;RESSORTISSANT ÉTRANGER;SÉJOUR;AUTORISATION DE SÉJOUR;REGROUPEMENT FAMILIAL;ABUS DE DROIT;MARIAGE DE NATIONALITÉ;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : Cst.29.al2; LPA.42; Cst.9; Cst.5.al3; ALCP.7.letd; ALCP-I.3; LEI.64.al1.letd
Résumé : Refus d'octroi d'autorisation de séjour pour regroupement familial selon l'ALCP en raison de l'existence d'un mariage de complaisance. Faisceau d'indices dénotant l'existence d'un mariage fictif que le recourant n'a pas pu renverser. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3075/2021-PE ATA/99/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 juin 2022 (JTAPI/587/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, ressortissant du Bengladesh né leI ______, a épousé le 23 novembre 2015 au Danemark Madame B______, ressortissante d'Espagne née le ______ 1986, laquelle est ensuite arrivée en Suisse le 19 décembre 2015 et y a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour en tant que travailleuse européenne.

b. Le 4 mars 2016, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour avec prise d'emploi au restaurant C______ en tant que serveur. Le 13 septembre 2016, il a déposé une nouvelle demande d'autorisation de séjour avec activité salariée pour D______, également en tant que serveur. Dans les deux formulaires, il a indiqué être arrivé à Genève le 20 février 2016.

c. Le 29 novembre 2016, M. A______ a été interpellé par les gardes-frontière dans un train circulant de Domodossola, en Italie, vers Brig, en Suisse. Selon le rapport établi à cette occasion, il avait en premier déclaré être marié à une ressortissante de Suisse et y vivre, travaillant pour le restaurant C______ à Genève pour ensuite affirmer ne pas savoir où il vivait, vivre peut-être également en Italie et être marié à une ressortissante d'Espagne.

d. Le 8 mai 2019, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève à soixante jours-amende à CHF 70.- avec sursis et délai d'épreuve de trois ans pour blanchiment d'argent, ayant agi en tant qu'intermédiaire participant au blanchiment du produit de crimes préalablement commis par des tiers.

e. Le 11 octobre 2019, M. A______ a été condamné dans le canton de Berne à une peine pécuniaire de quarante jours-amende avec sursis et délai d'épreuve de deux ans et à une amende de CHF 500.- pour activité lucrative sans autorisation à de réitérées reprises.

B. a. Le 23 mars 2017, M. A______ a déposé auprès du consulat général de Suisse à Milan une demande de visa pour séjour long pour regroupement familial avec son épouse à Genève.

b. Le 11 septembre 2017, l'OCPM a mené un entretien avec Mme B______ tandis que le consulat de Suisse à Milan en a tenu un avec M. A______.

Selon M. A______, il avait rencontré son épouse sur Facebook en 2014 et ils s'étaient vus en personne en août de la même année à Milan. Après cela, ils s'étaient parlés par téléphone, sur Facebook et par WhatsApp et s'étaient revus à Milan en octobre. Ils avaient ensuite continué leur relation par le biais des réseaux sociaux jusqu'à leur décision de se marier en novembre 2015. Leur relation était devenue sérieuse en octobre et novembre 2015 et il lui avait proposé le mariage. Ils s'étaient mariés au Danemark car cela ne prenait pas beaucoup de temps. Il y avait voyagé deux jours en octobre 2015 puis à nouveau deux jours en novembre 2015. Il n'y avait que lui, son épouse et l'officier d'état civil. Sa femme n'avait pas de famille en Suisse mais beaucoup d'amis. Il ne se souvenait pas des noms, sauf R______, qui avait environ 32 ans. Il avait des amis, dont S______. Le père de son épouse, avec lequel elle n'avait pas de relation, vivait en Colombie, sa mère en Espagne. Cette dernière et sa famille au Bengladesh étaient au courant de leur mariage. Sa femme était venue en Suisse pour le travail. Avocate en Espagne, elle travaillait comme secrétaire à Genève. Elle était souvent retournée en Espagne. Lui n'y était jamais allé. Elle n'était jamais allée au Bangladesh. Il n'avait pas de diplôme. Il travaillait chaque jour comme cuisinier dans un restaurant milanais depuis février 2017. Il vivait à Milan en colocation. Durant son temps libre, il parlait à sa femme et allait en Suisse. Elle aimait les plats colombiens et espagnols, en particulier des pâtes avec du poulet. Ils aimaient la danse, la salsa et la musique disco. Ils aimaient aller à la discothèque et boire un verre ensemble. Ils allaient au cinéma mais il ne se souvenait pas du dernier film qu'ils avaient vu ensemble. Elle aimait lire, danser et faire du shopping. Il aimait le football, le shopping et manger.

Selon Mme B______, son mari l'avait ajoutée sur Facebook au milieu de l'année 2014 car ils avaient un ami commun, S______, qu'elle avait connu dans son activité d'avocate indépendante en Espagne. En octobre 2014, son mari était venu en Espagne pour travailler temporairement dans le magasin de leur ami commun. Ils avaient commencé une relation sérieuse et suivie au début de 2015. Au milieu de l'année 2015, ils avaient regardé comment « faire pour les papiers », pour être ensemble. Elle avait eu l'idée de venir en Suisse car elle y connaissait des gens. Elle avait proposé le mariage. Ils étaient allés au Danemark car c'était rapide. Il n'y avait pas de témoins. À sa connaissance, son mari n'avait pas de famille en Suisse et ses amis étaient les amis de son épouse qu'il avait connus en venant en Suisse. Ses amis proches étaient T______, qui avait environ 25 ans, et son mari U______, que son mari connaissait, ainsi que V______, un barman de 32 ans. Son époux connaissait sa mère qui vivait en Espagne. Il n'était jamais allé en Colombie, où vivaient son père et les six frères et sœurs de sa mère. Sa mère était au courant de leur mariage mais pas sa famille en Colombie, avec laquelle elle n'avait pas beaucoup de contacts. La famille de son mari était au courant du mariage mais elle ne les connaissait pas. Il l'avait suivie en Suisse mais était reparti en Italie, où il avait des papiers et pouvait travailler. Son mari n'était pas retourné au Bangladesh depuis leur rencontre. Elle retournait en Espagne chaque mois, mais sans son époux car elle y restait de très courts moments. Son mari travaillait comme cuisinier à Milan mais elle ne savait pas où et ne connaissait pas ses horaires. Ils s'appelaient tous les jours. Son mari avait son baccalauréat. Elle vivait au ______, chemin H______ depuis le milieu de l'année 2016. Après le mariage, ils avaient vécu un moment en Espagne. Ils étaient venus en Suisse en 2016. Son mari était reparti en février 2017. Elle n'avait pas eu le temps d'aller le voir depuis son départ pour l'Italie. Ils faisaient des sorties au cinéma et « des choses normales ». Leur dernier film était Spiderman. Elle ne lui connaissait pas vraiment de hobby. Elle essayait de lui apprendre la danse.

c. Le 10 octobre 2017, l'OCPM a entendu les époux, séparément.

Selon M. A______, il avait travaillé à la moitié de l'année 2015 pour Monsieur E______ dans son restaurant, dont il ne se souvenait pas le nom, pendant presque un mois. Il avait travaillé en 2016 à l'F______ Restaurant, jusqu'à son retour en Italie en 2016. En mars 2015, pour quatre ou cinq mois, il avait travaillé pour C______. Il avait menti dans son curriculum vitae en indiquant avoir travaillé comme serveur au restaurant G______ à Genève entre 2014 et 2016, pour faire croire qu'il avait de l'expérience. Il vivait au chemin H______ avec sa femme quand il venait. C'était un studio mais avec des séparations. Il y avait une cuisine séparée de la grande pièce et également une salle de bain. Il y avait un grand lit mais pas de canapé. Ils faisaient le ménage à tour de rôle et la lessive à l'extérieur. Ils cuisinaient tous les deux.

Mme B______ ne savait pas si son mari avait travaillé pour C______ en 2016. Il n'avait jamais travaillé à Genève car il ne pouvait pas y travailler. Il n'avait jamais vécu à Genève. Le studio était une grande pièce divisée en deux. C'était lui qui cuisinait et elle qui faisait le ménage. Les autres tâches ménagères étaient partagées. La lessive était faite à l'extérieur.

d. Lors d'une enquête menée les 3 et 7 juillet 2020, l'OCPM a constaté la présence des noms des deux époux sur la boîte aux lettres du chemin H______ et l'absence de noms sur la porte palière. Lors du contrôle, personne n'avait pu être atteint et il n'avait pas été possible d'obtenir des renseignements auprès du voisinage.

e. Le 20 avril 2021, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

f. Le 18 mai 2021, M. A______ a persisté dans sa demande d'autorisation de séjour.

Il a notamment versé à la procédure un contrat de bail pour la location d'un appartement au ______, rue de I______ dès le 16 mai 2021 sur lequel il figure avec son épouse, un contrat d'engagement en tant que serveur au restaurant C______ du 1er mars 2016, une attestation de D______ du 27 août 2021 selon laquelle il était employé depuis le 1er septembre 2016 en tant que cuisinier à 100 % dans le cadre d'un contrat de durée indéterminée à F______, le contrat correspondant du 29 août 2016 mais indiquant qu'il était engagé en tant que serveur, les bulletins de salaire dans ce poste de janvier à avril 2021, ainsi que cinq attestations génériques, non datées et complétées par le nom et la signature de personnes affirmant les connaître en tant que couple vivant sous le même toit

g. Par décision du 13 août 2021, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour à M. A______, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 30 septembre 2021 pour quitter la Suisse, le renvoi impliquant également le départ des territoires des États membres de l'Union Européenne et des État associés à Schengen, sauf permis de séjour valable dans l'un de ces États et consentement de celui-ci à sa réadmission sur son territoire.

Tout portait à croire que sa demande de regroupement familial constituait un abus de droit. Un faisceau d'indices démontrait que son mariage constituait un mariage de complaisance : l'enchaînement des procédures après le mariage, les incohérences et les contradictions dans leurs déclarations, la méconnaissance réciproque du couple, l'ignorance, le 10 octobre 2017, que son époux travaillait en Suisse alors qu'elle était censée vivre en ménage commun avec lui, l'absence de tout contact de Mme B______ avec la famille de son époux deux ans après le mariage. Les divers témoignages non-engageants et le bail conclu après le courrier d'intention de refus d'octroi d'une autorisation de séjour ne permettaient pas d'inverser le faisceau d'indices important.

C. a. Par acte du 13 septembre 2021, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour. Il a notamment produit dix courriers de recommandation de connaissances ou amis le concernant.

b. Le 22 mars 2022, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquêtes.

Invité à parler librement de son couple, M. A______ a expliqué être proche de son épouse, vivre ensemble, travailler tous les deux et vouloir fonder une famille. Par la suite, ils souhaiteraient avoir un bébé mais voulaient d'abord mieux se connaître et remettre ce projet à plus tard. Interrogé sur sa femme, il a expliqué qu'elle était calme, polie, intelligente, avait beaucoup d'expérience et d'espoirs et faisait du sport. Au début, elle n'aimait pas beaucoup sa cuisine mais avait fini par l'apprécier. Interrogé sur leurs dernières discussions, il a répondu qu'ils avaient été un peu stressés les derniers jours à cause de la perspective de l'audience. Questionné sur leur dernière dispute, il a indiqué qu'elle portait sur l'heure à laquelle elle terminait son travail mais sinon il ne se souvenait pas de leur dernière dispute, qui remontait à longtemps. Son épouse rentrait tard le soir car elle travaillait dans le service. Ses horaires variaient. Parfois, elle travaillait tôt ou parfois le soir jusqu'à environ 23h, la répartition entre les deux étant de moitié-moitié. Invité à parler plus précisément des envies, attentes, rêves ou craintes de son épouse, il a parlé des projets de couple de s'acheter une voiture et d'ouvrir leur propre restaurant. Elle aimait le patinage. Ils partageaient les charges. C'était généralement lui qui payait les factures à La Poste mais il arrivait qu’elle y aille aussi.

Mme B______ a été entendue à titre de renseignements, hors la présence de son époux, uniquement représenté par son avocat. Son mari était quelqu'un de calme. Elle-même avait un caractère plutôt fort. Il aimait s'occuper lui-même de la cuisine, chose pour laquelle elle n'avait pas beaucoup d'attirance, ce qui était donc très bien pour la cohabitation. Elle n'avait pas de goût ou intolérance alimentaire particulier. Elle aimait qu'il respecte sa religion et ses hobbies, le patinage et la salsa, et l'accompagne pour ces derniers. Pendant leurs balades, ils discutaient de sujet d'actualité générale, de leur travail ou de leurs familles respectives. Interrogée sur la famille de son époux, elle a répondu qu'ils restaient discrets sur leurs familles. Ils avaient des projets de voyage en Colombie. Son mari lui offrait parfois des cadeaux. Invitée à parler d'un cadeau que son époux lui aurait offert, elle a répondu qu'ils économisaient de l'argent ensemble et que quand ils sortaient, si elle lui montrait une robe qui lui plaisait, il la lui offrait. Ils avaient vu un film Marvel ensemble, mais elle ne se souvenait plus lequel. Ils n'avaient pas de genre de film préféré. Il n'y avait aucune petite habitude qui l'agaçait chez lui. C'était lui qui faisait les paiements, par internet. À part le fait de faire la cuisine, ils se répartissaient les tâches équitablement. Le samedi avant l'audience, ils étaient sortis boire un verre dans un établissement public, dont elle ne se souvenait pas du nom ni d'un signe distinctif. Elle travaillait le matin et exceptionnellement le soir, environ une fois par mois. Le fait qu'elle travaille tard le soir n'était pas source de dispute. Elle ne figurait pas sur le contrat de bail et ignorait s'ils étaient locataires ou sous-locataires.

c. Par jugement du 2 juin 2022, intervenu après un échange d'écritures, le TAPI a rejeté le recours.

Le mariage avait eu lieu avant les différentes demandes d'autorisation de séjour mais peu de temps après la rencontre du couple. Il y avait eu des contradictions dans leurs déclarations concernant leur rencontre physique et les débuts de leur vie d'époux. Les critiques d'erreur de traduction lors de son audition dans la procédure non contentieuse restaient vagues et n'emportaient pas la conviction, s'agissant d'un aspect ne devant en principe pas poser de problème de traduction, de même que celles concernant le rapport des gardes-frontière. Le souci d'extrême simplification des formalités et de la procédure de mariage ainsi que l'établissement simultané du lien de vie du couple pour des raisons économiques constituaient des indices non négligeables de mariage arrangé à d'autres fins que la simple union de deux personnes décidant de partager leur existence en raison de leur lien affectif. Au terme de la période s'étant écoulée après leur rencontre, courant 2014, leur mariage, en novembre 2015, et le demande de regroupement familial en mars 2017, les époux ne se connaissaient pas vraiment. Ils ne connaissaient pas le parcours et l'emploi du temps professionnel de l'autre, ni sa famille et à peine ses hobbys et habitudes, ou encore ses amis. S'il était probable que les époux se connaissent désormais mieux qu'en 2017, le contenu de leurs déclarations initiales ne devait pas être minimisé puisqu'ils revendiquaient déjà à ce moment l'existence d'un mariage voulu et effectif et d'un couple durant depuis plus de deux ans. L'épouse était arrivée en Suisse en 2015 et M. A______ en 2016, mais il était reparti en Italie au début 2017 au moins pendant sept mois. Le couple n'avait fait ménage commun que pendant une très courte période avant le dépôt de la demande d'autorisation de séjour pour regroupement familial. Les attestations comportaient des incohérences mettant en doute leur authenticité et ne permettaient pas d'apprécier l'authenticité de la relation entre l'intéressé et son épouse. L'audition des époux avait elle aussi suscité de très sérieux doutes sur le fait qu'ils partageait une vie de couple réelle et effective. Ils avaient été dans l'incapacité d'exprimer les éléments qui tissaient au quotidien une vie partagée et qui révélaient la connaissance qu'un partenaire avait de l'autre dans un certain nombre d'aspects particuliers de sa personnalité. Ils avaient également fait des déclarations totalement contradictoires sur deux aspects objectifs de leur existence. Il existait un faisceau d'indices suffisants et sérieux permettant de conclure à l'absence d'une union conjugale effective réellement voulue par M. A______. À défaut de contre preuves, le mariage était réputé avoir été contracté dans le but exclusif d'éluder les dispositions en vigueur en matière de séjour et d'établissement des étrangers.

D. a. Par acte du 28 juin 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à l'octroi en tant que de besoin de l'effet suspensif, à l'annulation du jugement attaqué, à l'octroi d'un titre de séjour et à la condamnation de l'OCPM aux dépens de première instance et de recours.

Le garde-frontière, qui ne parlait que français et allemand, n'avait rien compris à ses explications, lui-même ne parlant que le bengali et l'anglais. Devant le TAPI, il avait répondu normalement aux questions, même si, stressé, il était resté assez vague dans ses réponses, ce qui était aussi dû à son caractère réservé. Le but de l'interrogatoire était de le piéger et de trouver des contradictions dans les déclarations des époux, notamment sur des points de détail. Le mariage n'avait pas été célébré alors qu'une procédure de renvoi était en cours. Le fait que leur relation n'était devenue sérieuse que peu de temps avant leur mariage était le seul élément objectif en faveur du mariage de complaisance. Ils avaient presque le même âge. Elle n'appartenait pas à un groupe marginal. Ils communiquaient très bien en anglais. Si les époux n'avaient aucun contact avec leurs beaux-parents respectifs, c'était à cause de la barrière des langues et parce que son épouse avait quitté depuis longtemps la Colombie. Il vivait et travaillait à Genève depuis cinq ans, sous réserve d'une courte période. Il était forcé qu'il y ait eu des imprécisions et erreurs, en raison du stress et des problèmes de langue, dans les réponses et procès-verbaux des auditions de 2017. Il était inacceptable de revenir sur des interrogatoires intervenus quatre ans auparavant pour y dénicher des imprécisions et contradictions toutes relatives. L'OCPM aurait dû rendre une décision en 2017 ou 2018 et non attendre 2021 alors qu'il n'y avait pas de faits nouveaux. Il était aussi inadmissible que le TAPI ait interrogé l'épouse hors la présence de M. A______ et qu'elle ait été harcelée de questions. S'agissant des contradictions, il aurait fallu les confronter. Le mariage n'avait pas été conclu contre une somme d'argent ou contre de la drogue. Il n'y avait pas d'indices sérieux plaidant en faveur d'un mariage de complaisance. La décision de l'OCPM constituait un abus et un excès de pouvoir d'appréciation, violait les principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement, de la bonne foi et les principes généraux du droit et était arbitraire. Si les attestations étaient des formules-type, il n'en demeurait pas moins que ces témoins auraient pu apporter des éclaircissements sur le couple. Le TAPI ne pouvait retenir que les attestations produites étaient peu crédibles sans procéder à l’audition de leurs auteurs.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Convoqué en tant qu'auteur d'une des attestations versées à la procédure, Monsieur J______ a exposé, dans un courrier du 1er octobre 2022 adressé à la chambre administrative, ne pas connaître du tout M. A______, ce qu'il a confirmé lors de l'audience d'enquêtes du 5 octobre 2022. Il n'avait jamais habité à l'adresse indiquée sur l'attestation, ne connaissait pas l'F______ ni Mme B______, qui y étaient mentionnés. Il n'était pas l'auteur de l'attestation et ne l'avait pas signée. Il avait un homonyme, jurassien comme lui, mais qui n'avait jamais habité à Genève.

M. A______ ne s'est pas présenté à l'audience, faute, selon les déclarations de son conseil, d'avoir reçu la convocation. Atteint par téléphone, son conseil ne s'est cependant pas opposé à l'audition du témoin hors sa présence et celle de son client.

Lors de l’audience de comparution personnelle du 2 novembre 2022, interrogé sur les liens avec les personnes ayant rédigé les attestations produites en première instance, M. A______ a expliqué que cinq d’entre elles (Messieurs K______, L______, M______, N______ et O______) étaient en réalité des amis de son épouse.

Dans un courrier versé à la procédure lors de l'audience, il expliquait ne plus être en relation avec les auteurs des attestations, qui soit habitaient à l'étranger, soit n'avaient pas pu être joints. Il pouvait fournir une autre liste de témoins.

d. Le 8 novembre 2022, l'OCPM a indiqué qu'aucun des auteurs des attestations produites devant le TAPI ne figurait dans le registre cantonal des habitants, celles-ci n'ayant dès lors aucune valeur probante. M. A______ avait par ailleurs été très flou et évasif, avec des explications confuses et incertaines lorsqu'il avait été interrogé sur l'identité de ces personnes et sur ses liens personnels avec elles.

e. Le 22 novembre 2022, M. A______ a produit une nouvelle liste de témoins.

f. Le 24 novembre 2022, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Dans un grief de nature formelle, le recourant se plaint de ce que le TAPI a entendu son épouse hors sa présence et qu’il a écarté les attestations produites sans procéder à l’audition des leurs auteurs. Il a versé une nouvelle liste de témoins devant la chambre administrative.

2.1. 2.1.1. Tel qu'il est garanti par l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1).

2.1.2. Les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède (art. 42 al. 1 LPA). Lorsqu’un intérêt public ou privé prépondérant l’exige, les témoins peuvent être entendus en l’absence des parties et l’accès aux procès-verbaux d’auditions peut leur être refusé. Lorsque la nature de l’affaire l’exige, la comparution des personnes et l’examen auquel procède l’autorité ainsi que l’expertise peuvent être conduits en l’absence des parties (art. 42 al. 5 LPA). Toutefois, dans les circonstances évoquées à l’al. 5, le contenu essentiel de l’administration des preuves doit être porté à la connaissance des parties pour qu’elles puissent s’exprimer et proposer les contre-preuves avant que la décision ne soit prise. Dans le cas contraire, l’art. 42 al. 3 et 4 LPA, s’applique (art. 42 al. 6 LPA).

2.1.3. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 203 n. 568).

2.2. 2.2.1. Le recourant juge qu'il est inadmissible que l'instance précédente ait procédé à l'audition de son épouse hors sa présence.

Toutefois, le TAPI a proposé de procéder de la sorte dans le but d'établir le caractère fictif ou non du mariage du recourant, afin de pouvoir lui poser des questions découlant de l'audition de son épouse sans qu'il n'ait connaissance des déclarations de cette dernière. Il a donc proposé ce mode de procéder pour les besoins de la cause, ce qui constitue a priori un intérêt prépondérant au sens de l'art. 42 al. 5 LPA, étant précisé que le recourant a ensuite eu accès au procès-verbal de l'audience. En outre, le recourant était représenté pendant l'audition de son épouse et, surtout, a lui-même accepté de ne pas y assister, en dépit de l'avis de son avocat.

Le TAPI n'a par conséquent pas violé le droit d'être entendu du recourant en entendant son épouse hors sa présence.

2.2.2. En tant que le recourant reproche au TAPI d’avoir mis en doute l’authenticité de dix attestations d’amis produites sans entendre leurs auteurs, il se plaint en réalité du caractère arbitraire de l’appréciation anticipée des preuves effectuée par le TAPI.

Or, il est ressorti des enquêtes menées par la chambre de céans qu’aucun des auteurs des dix attestations, rédigées les 26, 30 août ou 1er septembre 2021, ne figurait au registre des habitants tenu par l’OCPM, d’une part. D’autre part, interrogé sur ses liens avec lesdits auteurs, le recourant a déclaré que cinq d’entre eux, à savoir MM. K______, L______, M______, N______ et O______ , étaient des amis de son épouse. Cette déclaration diffère fondamentalement du contenu des attestations signées par ces personnes, qui mentionnent toutes leur lien d’amitié avec le recourant (« depuis de nombreuses années », « amitié sincère », « un ami précieux », « une bonne relation amicale »). Entendu par la chambre de céans, M. VIATTE a déclaré ne pas connaître le recourant ni l’épouse de celui-ci. Enfin et comme l’a relevé le TAPI, le contenu parfaitement identique de certaines attestations quant au lien entretenu avec le recourant, la mention dans l’une d’elles d’une personne nommée « Kiko » ayant voulu rejoindre le recourant, suscitent des doutes sur leur authenticité.

Au vu de ces éléments, le premier juge n’a aucunement commis d’arbitraire en écartant le contenu des dix attestations sans procéder à l’audition de leurs auteurs.

2.2.3. Enfin, la chambre administrative a procédé à une audience d'enquêtes et à une audience de comparution personnelle. Elle dispose par ailleurs des dossiers de l'autorité intimée et de l'instance précédente, comportant les procès-verbaux des différentes auditions menées par ces autorités et le consulat de Suisse à Milan. Le recourant a pu verser à la procédure les pièces souhaitées et s'est exprimé oralement et par écrit tant devant l'autorité intimée et le TAPI que devant la chambre administrative. Celle-ci dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause

L'audition des témoins figurant sur la nouvelle liste du recourant n'est dès lors pas nécessaire pour trancher le litige. Il ne sera par conséquent pas donné suite à cette demande d'actes d'instruction.

3.             Le recourant conteste que son mariage serait fictif.

3.1. 3.1.1. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019, comme en l'espèce, sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.1.2. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

3.1.3. L'ALCP et l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE) du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s'appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'Union Européenne (ci-après : UE) et de l'AELE. La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'UE que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

3.2.       3.2.1. Le conjoint d'un ressortissant de la Communauté européenne ayant un droit de séjour en Suisse dispose, en vertu des art. 7 let. d ALCP et 3 par. 1 et 2 let. a annexe I ALCP, d'un droit à une autorisation de séjour en Suisse pendant la durée formelle de son mariage et ce quelle que soit sa nationalité.

Le droit au regroupement familial pour le conjoint du ressortissant UE/AELE qui séjourne légalement en Suisse est subordonné à la condition de l'existence juridique du mariage. Pour qu'un tel droit soit reconnu, il faut que le mariage soit effectivement voulu. Si le mariage a été contracté uniquement dans le but d'éluder les prescriptions en matière d'admission (notamment les mariages fictifs ou de complaisance), le conjoint ne peut pas faire valoir son droit de séjour au titre du regroupement familial (SEM, Directives et commentaires concernant l'ordonnance sur la libre circulation des personnes [ci-après : Directives OLCP], état en janvier 2023, ch. 7.4.1).

Lorsque le conjoint du détenteur du droit originaire est un ressortissant d’un Etat de l’UE/AELE, le danger qu’il contourne les prescriptions d’admission en matière de regroupement familial est plus faible car il peut se prévaloir régulièrement d’un droit de séjour autonome selon l’ALCP. Il en va autrement des membres de la famille qui proviennent de pays tiers (Directives OLCP, ch. 7.4.1).

3.2.2. Il y a abus de droit lorsqu’une institution juridique est utilisée pour réaliser des intérêts contraires à son but et que cette institution juridique ne veut pas protéger (ATF 121 I 367 ss ; 110 Ib 332 ss). S’agissant du regroupement familial, il y a abus de droit, notamment, lorsque les époux s’efforcent de donner l’apparence d’un certain contenu au lien conjugal, quitte à faire temporairement ménage commun (ATF 131 II 113 consid. 9.4).

3.2.3. Il y a mariage fictif ou de complaisance lorsque celui-ci est contracté dans le seul but d'éluder les dispositions légales, en ce sens que les époux (voire seulement l'un d'eux) n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale ; l'intention réelle des époux est un élément intime qui, par la nature des choses, ne peut guère être établie par une preuve directe, mais seulement grâce à un faisceau d'indices (ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 8.2). L'autorité se fonde en principe sur un faisceau d'indices autonomes, aucun des critères n'étant souvent à lui seul déterminant pour juger du caractère fictif du mariage (arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 du 16 juin 2016 consid. 2.2).

De tels indices peuvent résulter d'événements extérieurs tels un renvoi de Suisse imminent de l'étranger parce que son autorisation de séjour n’est pas prolongée ou que sa demande d’asile a été rejetée, la courte durée de la relation avant le mariage, l'absence de vie commune, une différence d'âge importante, des difficultés de communication, des connaissances lacunaires au sujet de l'époux et de sa famille ou le versement d'une indemnité (ATF 122 II 289 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_112/2019 du 26 février 2020 consid. 4.1). Une relation extra-conjugale et un enfant né hors mariage sont également des indices qui plaident de manière forte pour un mariage de complaisance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_900/2017 précité consid. 8.4).

3.2.4. En présence d'indices sérieux d'un mariage fictif, il appartient à l'intéressé de démontrer, par une argumentation circonstanciée, l'existence d'une relation conjugale réellement vécue et voulue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 précité consid. 8.2 ; 2C_1060/2015 du 1er septembre 2016 consid. 5.2 ; 2C_177/2013 du 6 juin 2013 consid. 3.4).

3.3. En l'espèce, le recourant conteste l'existence d'un mariage de complaisance, affirmant que le seul élément objectif en faveur d'un tel mariage serait le fait que les époux ne se seraient connus que peu de temps avant leur mariage.

Toutefois, comme l'a à juste titre constaté le TAPI, le dossier contient un faisceau d'éléments dénotant le caractère fictif du mariage du recourant et de son épouse. En effet, toutes les auditions successives du recourant et de son épouse, déjà prises isolément mais d'autant plus prises ensemble, conduisent à la conclusion d'un mariage de complaisance.

Les déclarations du recourant et de son épouse concordent sur leur rencontre sur les réseaux sociaux en 2014, mais se contredisent ensuite immédiatement.

L'une a affirmé qu'ils se seraient rencontrés en personne en Espagne et l'autre à Milan. Le recourant a indiqué dans la procédure non contentieuse ne jamais être allé en Espagne, alors que son épouse a expliqué, qu'après leur rencontre en personne, ils y auraient encore vécu un moment après leur mariage. Le recourant a affirmé qu'ils se seraient vus une deuxième fois à Milan avant leur mariage, alors que Mme B______ n'a pas même mentionné une seule rencontre à Milan. Il est pour le moins surprenant pour des époux d'avoir des versions à ce point différentes sur leurs premières rencontres en personne et sur leur lieu de vie après leur mariage. Par ailleurs, quant à leur venue à Genève, tous deux ont indiqué que le recourant avait suivi son épouse en Suisse, qui y était venue pour le travail. Toutefois, Mme B______ a indiqué qu'ils seraient venus en Suisse en 2016 et le recourant a déclaré avoir déjà travaillé à Genève en 2015. Ils divergent ensuite également sur le moment auquel leur relation serait devenue sérieuse. Le recourant a indiqué que leur relation serait devenue sérieuse en octobre ou novembre 2015, soit au moment de leur mariage, et qu'ils avaient jusque-là poursuivi leur relation sur les réseaux sociaux. Pour son épouse, leur relation serait devenue sérieuse au début de l'année 2015, ce qui les aurait poussés à chercher une solution pour vivre ensemble. Au-delà de ces incohérences et contradictions, il est incontesté que les époux se sont mariés rapidement, ceci d'autant plus au regard du fait que la relation préalable à leur mariage a été menée majoritairement via les réseaux sociaux, soit à distance. Par ailleurs, tous deux ont indiqué avoir décidé de se marier au Danemark, car cela ne prendrait pas beaucoup de temps. Or, comme l'a déjà été amenée à le constater la chambre administrative dans sa jurisprudence, ce pays est connu, à l'instar de Las Vegas, pour célébrer des mariages selon une « procédure express » (ATA/322/2022 du 29 mars 2022 consid. 10).

À ces éléments relatifs aux débuts de leur relation, s'ajoutent leur méconnaissance l'un de l'autre et l'existence d'indices démentant une vie de couple.

L'épouse du recourant ne connaît rien de la famille de ce dernier. La seule barrière de la langue invoquée par le recourant ne suffit pas à expliquer ce fait, d'autant plus qu’elle a affirmé devant le TAPI qu'ils évoquaient occasionnellement ce qu'il se passait dans leurs familles respectives, pour ensuite, incapable de donner un exemple à ce sujet, se contredire et indiquer qu'ils étaient plutôt discrets sur ce point. De plus, lors de la procédure non contentieuse, le recourant ne connaissait pas le nom des amis de son épouse, ayant simplement nommé une femme prénommée P______, alors qu'elle a mentionné une Q______. Comme l'a constaté le TAPI, il n'est pas crédible qu'il s'agisse en réalité de la même personne, le recourant ayant indiqué qu'elle avait environ 32 ans et son épouse 25 ans.

Au-delà du fait que Mme B______ a affirmé devant l'OCPM que son époux n'avait jamais travaillé à Genève – ceci, selon le recourant, car elle savait qu'il avait travaillé illégalement et voulait donc le protéger –, elle ne savait pas où il travaillait à Milan et ne connaissait pas ses horaires. Devant le TAPI, il est apparu que le recourant non plus ne connaissait pas les horaires de son épouse, puisque pour lui, elle finissait la moitié du temps tard le soir, ce qui était le sujet de leur dernière dispute, alors qu'elle a indiqué travailler principalement le matin, ne travailler qu'exceptionnellement le soir, environ une fois par mois, et que le fait de travailler le soir n'était pas sources de disputes.

Interrogé précisément par l'instance précédente sur les éléments caractérisant son épouse et sur leurs dernières discussions, le recourant a éludé les questions en donnant des réponses hors-sujet : ils n'avaient pas eu le temps de prendre leur petit-déjeuner avant l'audience et ils avaient été un peu stressés les jours précédents. Son épouse a de son côté affirmé qu'il n'y avait aucune petite habitude qui l'agaçait chez lui et, interrogée sur les cadeaux qu'il lui avait offerts, a répondu qu'ils économisaient ensemble et que si elle voyait une robe qui lui plaisait lorsqu'ils sortaient, il la lui offrait. Elle a aussi été incapable d'indiquer au TAPI l'établissement dans lequel ils étaient selon elle sortis le samedi précédent l'audience, ni même de donner un signe distinctif de celui-ci. Quant à leur organisation, pour lui, c'est principalement lui qui payait les factures à La Poste alors que pour elle, c'est lui qui s'occupait des paiements par internet. En outre, quant à leur projet de vie, comme l'a souligné l'instance précédente, le recourant n'a pu indiquer que des généralités. Il s'est d'ailleurs même sur ces banalités contredit, puisqu'il a affirmé que le couple souhaitait fonder une famille, puis a indiqué vouloir d'abord mieux se connaître et remettre donc ce projet à plus tard, alors qu'au moment de leur audition par le TAPI, ils étaient mariés depuis presque sept ans et étaient respectivement âgés de 34 ans et bientôt 36 ans. Il a signalé deux autres projets, soit d'acheter une voiture et d'ouvrir leur propre restaurant. Son épouse n'a mentionné aucun de ces trois projets, mais a parlé d'un autre, celui d'un voyage en Colombie, que lui n'a pas mentionné.

Tous les éléments qui précèdent, qui dénotent des contradictions entre les déclarations des époux, incohérences dans leurs propos et méconnaissance l'un de l'autre, dénotent l'absence de communauté conjugale et constituent autant d'indices de mariage de complaisance, démentant les allégations du recourant selon lesquelles l'autorité intimée et l'instance précédente se seraient acharnées contre lui.

Or, le recourant n'a pas pu renverser ce faisceau d'indices devant la chambre administrative, au contraire.

En effet, dans son acte de recours, le recourant affirme que les auteurs des attestations versées à la procédure devant le TAPI étaient des proches et connaissances du couple qui pourraient apporter des éclaircissements utiles sur ce dernier, reprochant au TAPI d'avoir écarté lesdites attestations sans procéder à l’audition de leurs auteurs. Cependant, ce dernier a relevé, correctement, les incohérences qui l'ont conduit à douter desdites attestations (textes identiques de différentes attestations, même date, nom de l'auteur d'une attestation figurant dans le corps du texte d'une autre attestation, référence à un autre prénom ou surnom dans certaines attestations), mais surtout, les enquêtes menées par la chambre administrative confirment ces doutes, les attestations apparaissant avoir été confectionnées pour les besoins de la cause. Le témoin convoqué par la chambre administrative, portant le prénom et le nom d'un auteur d'une des attestations, soit M. J______, a indiqué n'avoir ni rédigé, ni signé ladite attestation et ne pas connaître le recourant, ni son épouse. Aucun homonyme ne figure dans le registre cantonal de la population, selon les informations communiquées par l'autorité intimée. Il en va de même pour les autres auteurs d'attestations, qui n'apparaissent pas dans ledit registre. Les explications données par le recourant donnent à penser que ces personnes n'existent pas : il a perdu contact avec toutes ces personnes, sauf avec deux d'entre elles, qui auraient toutefois déménagé à l'étranger, ceci après avoir travaillé pour l'Organisation des Nations Unies. Or, si tel avait été le cas, elles figureraient dans les registres de l'OCPM. Enfin, même à supposer que les auteurs, hormis M. J______ dont la déposition a pu être recueillie, existent, ils ne seraient pas à même de renverser le faisceau d'indices précédemment relevé, puisqu'ils ne pourraient témoigner de la réalité du couple du recourant, ce dernier ayant en audience indiqué avoir perdu tout contact avec eux, hormis les deux personnes ayant quitté la Suisse.

Dans ces circonstances, la chambre administrative ne peut que rejoindre l'autorité intimée et l'instance précédente et conclure à un mariage de complaisance. L'OCPM était par conséquent fondé à refuser la délivrance d'une autorisation de séjour au recourant pour regroupement familial.

4.             Reste à examiner si le renvoi du recourant est fondé.

4.1. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/322/2022 du 29 mars 2022 consid. 11a). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2. En l'espèce, dès lors qu'elle a, à juste titre, refusé de renouveler l'autorisation de séjour du recourant, l'autorité intimée devait prononcer son renvoi.

Pour le surplus, le recourant n'allègue pas, et il ne ressort pas du dossier, que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

Le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

5.             Vue l'issue du litige, un émolument de CHF 800.-, tenant compte des actes d'instruction accomplis, sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Bernard Petitat, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.