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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2112/2021

ATA/15/2022 du 11.01.2022 ( ANIM ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2112/2021-ANIM ATA/15/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 janvier 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



EN FAIT

1) Le 20 mars 2012, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a procédé à un contrôle au domicile de Madame A______, ______ à Genève, suite à une plainte selon laquelle elle pratiquerait l’élevage de chiens ______. La plainte portait aussi sur des odeurs et des aboiements, qui troublaient le voisinage.

2) Par courrier du 13 avril 2012, le SCAV a enjoint
à Mme A______ de placer, d’ici au 30 avril 2012, les cinq chiots nés le ______ 2011 de sa chienne « B______ », ______ femelle née le ______ 2009. Dans le même délai, elle devait, notamment, transmettre les marques de contrôles 2012 pour tous les chiens de plus de six mois.

3) Par courrier du 21 janvier 2013, le SCAV a fixé un délai pour recevoir les carnets de vaccination avec immunisation contre la rage valides et les quittances d’acquisition des marques de contrôles 2013 pour « B______ » et « C______ ».

Le SCAV avait procédé à un contrôle sur place le 11 janvier 2013 et s’était entretenu avec la propriétaire des chiens. Ceux-ci dérangeaient régulièrement et fortement le voisinage par leurs aboiements, notamment lorsqu’ils étaient seuls. « C______ » était le fils de « B______ » et était né le ______ 2011. Parfois, « D______ », le chien du compagnon de Mme A______, était aussi présent dans l’appartement. Lors du contrôle du 11 janvier 2013, aucun aboiement n’avait été entendu de l’extérieur. Lorsque le service avait sonné à la porte les chiens avaient gémi, puis gratté la porte et n’avaient aboyé qu’au moment de l’entrée de l’inspectrice, pour s’arrêter après trois ou quatre aboiements. « B______ » et « C______ » étaient sociables et recherchaient volontiers le contact.

Mme A______ avait déclaré travailler depuis la maison et être en conséquence présente dans l’appartement pendant la journée. Il n’était pas exclu que ses chiens aboient davantage lorsqu’elle était absente, mais ces situations étaient rares. Ils étaient promenés quotidiennement une heure et demie dans les bois, généralement à Jussy, en sus de petites sorties pour leurs besoins. Aucune marque de contrôle n’avait été acquise en 2012 et aucun cours pratique n’avait été suivi. Ces manquements s’expliquaient par des soucis privés d’importance. Elle ferait tout pour se mettre en conformité dans les semaines suivantes. Si, selon les informations du SCAV, les aboiements étaient particulièrement insupportables pendant la période entre Noël 2012 et Nouvel An 2013, selon l’intéressée, rien ne s’était passé de particulier pendant cette période et toute la famille avait été présente en permanence avec les chiens.

4) Par courrier du 7 août 2017, le SCAV a informé
Mme A______ que, dans la nuit du 13 au 14 juillet 2017, la police municipale de la Ville de Genève (ci-après : la police municipale) avait été réquisitionnée pour des aboiements de plusieurs canidés détenus dans son appartement. Sur place, les policiers avaient constaté non seulement que ces vocalisations canines troublaient la tranquillité publique, mais qu’une forte odeur d’urine envahissait les parties communes de l’immeuble. Selon des témoignages recueillis, les chiens « B______ », « C______ » et « E______ », ______ femelle, née le ______ 2013, aboyaient sans cesse depuis trois jours. Personne ne semblait s’en occuper. Plusieurs tentatives pour la joindre sur son téléphone portable avaient été effectuées en vain. De même, les messages laissés sur son répondeur étaient restés sans suite. Le 14 juillet 2017 vers 20h00, un policier municipal avait pris langue avec sa fille majeure, F______, domiciliée à la même adresse, pour l’avertir de leur intervention et de l’établissement de leur rapport à l’intention du SCAV. Cette dernière avait informé la police que sa mère devait rentrer de vacances et qu’elle rappellerait le SCAV, ce qui n’avait toutefois pas été fait.

De surcroît, du 13 mai au 15 juillet 2017, presque toujours au milieu de la nuit, la police municipale avait dû intervenir à huit reprises au domicile de Mme A______ en raison d’aboiements intempestifs.

Par ailleurs, aucune marque de contrôle n’avait jamais été acquise pour « C______ ». L’attention de l’intéressée était attirée sur différentes dispositions légales. Elle devait tout entreprendre pour faire cesser les aboiements gênants, au besoin en faisant appel à un vétérinaire comportementaliste. Il lui était par ailleurs vivement recommandé de promener ses chiens au moins trois fois par jour, pendant au minimum une heure pour l’une des sorties en liberté, dans un endroit autorisé, conformément à un « guide pratique du chien citoyen à Genève » qui était joint.

5) Par courrier du 13 mars 2020, le SCAV a sollicité de Mme A______ qu’elle adapte immédiatement les sorties de ses chiens en fonction de leurs besoins de mouvements, soit au moins trois sorties par jour, chacune d’une durée de quarante-cinq minutes minimum. Par ailleurs, le service lui enjoignait de se rendre d’ici au 20 mars 2020 au plus tard chez un vétérinaire praticien afin d’y contrôler l’otite de « E______ », de couper les griffes de ses trois chiens et de transmettre au SCAV le rapport vétérinaire dudit contrôle. Dans le même délai, différents documents devaient lui être fournis.

Le service avait été informé, suite à une plainte, le 6 mars 2020, que les conditions de détention de « B______ », « C______ » et « E______ » n’étaient pas conformes à la législation en vigueur. Selon l’enquête du 9 mars 2020 et sur la base des éléments à disposition, le service avait constaté qu’il y avait des traces d’urine canine dans le salon, que les griffes des trois chiens étaient « considérablement longues », que « B______ » était possiblement gestante, que « E______ » souffrait d’une otite sévère, qu’aucune marque de contrôle pour l’année en cours n’avait été acquise pour l’ensemble de ses chiens et que « B______ » n’avait pas de vaccination antirabique valable.

Lors de la visite domiciliaire du 9 mars 2020,
Mme A______ avait déclaré que les traces constatées dans le salon étaient du vomi, qu’elle sortait régulièrement ses chiens, qu’elle traitait l’otite de « E______ » avec un traitement prescrit par un vétérinaire praticien et ajoutait quelques gouttes d’huile d’olive dans ses oreilles conformément au conseil qui lui avait été donné. Enfin, elle était au courant des manquements administratifs.

6) Par courrier A+ du 28 juillet 2020, le SCAV a averti
Mme A______.

Le 8 juillet 2020, il avait été informé, à la suite d’une plainte, que les conditions de détention de ses canidés n’étaient pas conformes à la législation en vigueur, notamment qu’ils étaient détenus confinés pendant une grande partie de la journée et pendant des longues périodes sans avoir le droit à des sorties, ce qui les mettrait dans un état d’anxiété.

Selon l’enquête du 22 juillet 2020, le SCAV avait constaté que « C______ » et « B______ » montraient des griffes « considérablement longues », « E______ » souffrait encore d’une otite sévère, aucune marque de contrôle pour l’année en cours n’avait été acquise pour l’ensemble de ses chiens et aucun de ses trois canidés n’avait de vaccination antirabique valable.

Lors de cette visite, Mme A______ avait déclaré qu’elle soignait l’otite de « E______ » avec un traitement prescrit par un vétérinaire praticien.

En conséquence, le service la « priait d’adapter » immédiatement les sorties de ses canidés en fonction de leurs besoins de mouvements, soit au moins trois sorties par jour, chacune d’une durée d’une heure minimum. Pour le surplus, un délai était donné pour pallier aux manquements administratifs.

7) Le SCAV a averti Mme A______, par pli A+ du 23 mars 2021.

Le 10 mars 2020, il avait été informé, à la suite d’une plainte, que la détention des canidés n’était pas conforme à la législation en vigueur, notamment qu’ils étaient détenus confinés pendant une grande partie de la journée et pendant de longues périodes, sans avoir droit à des sorties, ce qui les mettraient dans un état d’anxiété. Ces informations étaient à l’origine des enquêtes des 9 mars et 22 juillet 2020 à la suite desquelles deux courriers avaient déjà été adressés à l’intéressée.

Il ressortait du rapport d’enquête du 15 mars 2021 que les trois chiens montraient des griffes « considérablement longues ». L’intéressée avait expliqué que, pour des raisons de santé, elle avait confié la tâche de promener ses animaux à son compagnon, Monsieur G______. Elle avait été agressive à l’encontre des collaborateurs du SCAV lorsqu’ils lui avaient demandé de pouvoir voir les documents sanitaires des chiens. Elle avait mis fin à la discussion en claquant la porte de son logement. Or, aucune marque de contrôle pour l’année en cours n’avait été acquise pour l’ensemble de ses chiens et aucun d’entre eux n’avait de vaccination antirabique valable.

En conséquence, le service la « priait d’adapter » immédiatement les sorties de ses canidés en fonctions de leurs besoins de mouvements, soit dans le cas spécifique, au moins trois sorties par jour, chacune d’une durée d’une heure minimum. Pour le surplus, un délai était donné pour pallier les manquements administratifs.

8) Par courrier du 5 mai 2021, remis en mains propres, le SCAV a informé Mme A______ du séquestre préventif de « B______ », « C______ » et « E______ ».

Il ressort du rapport d’entretien, d’enquête et d’intervention du 5 mai 2021 du SCAV que le mardi 4 mai 2021 à 23h10, un représentant du SCAV avait placé, entre le chambranle de la porte du logement de Mme A______ et le vantail de ladite porte un « témoin » visuel. À cet instant, le collaborateur avait relevé que l’atmosphère de l’allée dégageait une odeur pestilentielle émanant du logement en question. Le lendemain, à 6h25, il avait été constaté que le « témoin » visuel était toujours présent, ce qui démontrait que la porte du logement n’avait pas été ouverte depuis la pose dudit « témoin ». Quelques instants après cette constatation, Madame F______ avait quitté le logement de sa mère et déposé les clés de l’appartement dans la boîte aux lettres. Elle quittait manifestement les lieux pour se rendre à son travail sans avoir sorti les chiens. Les représentants du SCAV avaient assuré une surveillance depuis la rue, constaté que « C______ » était présent derrière la fenêtre fermée du salon, observant la rue et aboyant sans discontinuer à chaque passage de piéton, accompagné ou non d’un chien. Ses vocalises étaient audibles depuis la voie publique et avaient perduré toute la matinée. Le même jour, à 12h10, les représentants du SCAV avaient aperçu Mme A______ arrivant à pied devant chez elle, tractant une valise et portant un sac de voyage. Aux environs de 14h00, accompagnée de M. G______ qui l’avait rejointe, elle était partie en direction du centre-ville. Le couple, piéton, n’était pas accompagné de chiens. De retour à 15h00, ils s’étaient séparés, Mme A______ regagnant son logement. À 16h40, M. G______ s’était présenté devant l’immeuble de Mme A______ et avait été rejoint par celle-ci. Ils s’étaient rendus dans différents commerces alimentaires de la rue des Eaux-Vives avant de revenir au domicile de Mme A______. Ils n'étaient pas accompagnés de chiens. À 17h50, les représentants du SCAV avaient pu observer que M. G______ promenait ses propres chiens dans le quartier, passant à proximité de l’adresse de son amie qui se trouvait chez elle.

À 18h10, au vu des faits et constats effectués, les représentants du SCAV s’étaient présentés au domicile de Mme A______, accompagnés d’une unité du poste de police de Chêne, afin d’effectuer le séquestre préventif des trois canidés. Lors de cette intervention, Mme A______ avait démontré un comportement nerveux, additionné de spasmes ainsi que des difficultés à s’exprimer toutefois sans agissements ou paroles violentes à l’égard des intervenants. Calmée par sa fille, Mme A______ avait alors remis sans opposition les chiens aux autorités présentes alors que son compagnon les invectivait et contestait sans retenue leurs agissements qu’il considérait comme de l’abus de pouvoir. Lors de la prise en charge des chiens, ces derniers avaient démontré par leurs états d’excitation et leurs jappements et aboiements un désir sans retenue de sortir pour se soulager et s’ébattre à l’extérieur. Ils présentaient, tous, des griffes longues, en particulier celles de « E______ » dont il émanait du pelage une très forte odeur d’urine. Les constats concernant les conditions de détention des chiens à l’intérieur du logement n’avaient pas permis de relever la présence d’excréments. Toutefois, les sols étaient poisseux et une forte odeur d’urine régnait dans l’appartement et jusque sur le palier. Mme A______ avait toutefois eu tout le loisir et le temps avant le contrôle visuel de son logement pour éliminer les déjections des chiens. Elle détenait également un chat dans son logement.

9) Les trois chiens ont été soumis à un examen clinique par le SCAV auprès de la médecin vétérinaire H______. Il en ressortait notamment :

- pour « B______ » : « légèrement en surpoids, mal entretenue, dents avec beaucoup de tartre surtout sur les molaires, gingivite et parodontose sur les molaires, souffle cardiaque 3/6, ongles beaucoup trop longs » ;

- pour « C______ » : « légèrement en surpoids, mal entretenue, dents avec beaucoup de tartre surtout sur les molaires, début de gingivite, souffle cardiaque 4/6, ongles beaucoup trop longs » ;

- pour « E______ » : « légèrement en surpoids, masse musculaire diminuée, mal entretenue, bourre de poils (feutre sur les 4 pattes, croupe et la queue), peau sèche, poils non brossés, bourres de feutre, otite chronique à gauche avec un canal auriculaire complètement bouché, tympan pas visible et grosse inflammation du pavillon ; oreille droite otite moyenne, dents avec beaucoup de tartre surtout sur les molaires, ongles d’une longueur incroyable 4 cm !, les ongles se tordent sur le côté car ne sont pas coupés ni usés par les promenades.

Sous observations complémentaires, le praticien avait mentionné « chienne très mal entretenue ».

Des photos accompagnaient les rapports vétérinaires.

10) Selon un rapport d’entretien téléphonique du SCAV du 7 mai 2021, Mme A______ avait demandé des nouvelles de ses canidés. À la suite d’un long monologue, elle s’était emportée, suivie en cela par son compagnon.

11) Mme A______ a été entendue par le SCAV le 11 mai 2021.

Ses chiens étaient sortis deux fois par jour si ce n’était plus. Les durées variaient de quinze minutes à une heure par sortie, lesquelles étaient effectuées par elle ou son ami. Exceptionnellement, ses enfants se chargeaient de cette tâche. Les chiens avaient accès à l’ensemble du logement à l’exception de sa chambre à coucher sous réserve de « B______ ». Ses chiens aboyaient « de temps à autre », mais dès que cela se produisait, elle faisait « pscht » afin de les faire taire. Elle contestait que cette nuisance soit importante. Une dame du SCAV était venue faire un contrôle à son domicile quelques années auparavant. Elle avait elle-même relevé que les chiens n’aboyaient que lorsque l’on passait devant sa porte et la plainte avait été classée. Elle contestait que les chiens aient aboyé durant trois jours consécutifs mi-juillet 2017. Sa fille était présente au domicile pour s’en occuper. Elle était victime de harcèlement de la part d’une personne qui la dénonçait. Elle reconnaissait que ses canidés aboyaient, mais uniquement lorsqu’il y avait du passage sur le palier. Elle contestait les fortes odeurs d’urine et d’excréments émanant de son logement. À cette époque, la fosse septique de l’immeuble était en panne. L’odeur remontait jusque dans les appartements et ses toilettes avaient même débordé. Elle avait subi une fracture au genou en mars 2021 qui l’avait empêchée de se déplacer normalement. Ses chiens sortaient une fois dans la journée et le soir avec son ami. Elle n’arrivait pas à couper les ongles de ses chiens elle-même. Pour les vaccins, le traitement de l’oreille et la coupe des ongles, elle s’adressait à son vétérinaire. La longueur des griffes des chiens s’expliquait par le fait que son ami n’empruntait pas les trottoirs, son propre chien souffrant des coussinets. Les promenades s’effectuaient dans des terrains herbeux ou terreux. Elle soignait l’otite de « E______ » avec du kamillosan et une crème
vita-merfen ainsi qu’un produit conseillé par son vétérinaire de Frontenex. Pendant les vingt-quatre heures précédant l’intervention du SCAV, ses chiens avaient été promenés par son ami en son absence. Elle en ignorait les heures de sortie. Il avait promené les chiens deux fois par jour. Le mercredi, jour de l’intervention du SCAV, elle n’avait pas sorti les chiens dès lors que son ami lui avait assuré qu’il y avait procédé dans le courant de la matinée. Les animaux avaient été nourris par sa fille. Elle n’avait pas pu acquérir les marques de contrôles annuels en raison de ses problèmes financiers, depuis plusieurs années déjà.

12) Par courrier du 14 mai 2021, Mme A______ a formulé des observations complémentaires. Ses chiens sortaient régulièrement et tous les jours, peut-être pas à la fréquence journalière de trois fois, mais d’une durée proche des trois heures par chien. Elle joignait des photos prises par son compagnon pendant ces sorties. Elle regrettait d’avoir été agressive. Toutefois, le ton des collaborateurs lors de l’une de ces incessantes visites, le manque d’information sur ce qui lui était reproché, le dénigrement dont elle était victime, l’absence totale de reconnaissance de sa bonne foi y avaient contribué.

13) Selon un rapport d’entretien téléphonique du 18 mai 2021 du SCAV, le service de location de la régie en charge de l’immeuble du ______ a indiqué qu’il n’y avait pas eu de problèmes avec la fosse septique depuis 2017.

14) Par courriel du 20 mai 2021, la régie a confirmé avoir reçu des doléances de locataires se disant « écœurés des odeurs émanant du logement » de
Mme A______, en juillet, septembre, novembre 2017, février et mars 2020. Le concierge, qui vivait sur le même palier, avait confirmé la provenance des odeurs.

15) M. G______ a détaillé la situation, dans deux correspondances datées des 6 et 10 mai 2021.

Les trois chiens faisaient partie de la famille. Ils les accompagnaient en vacances ou en week-ends. Son amie souffrait de crise de polyarthrite rhumatoïde. Elle traitait ses animaux avec respect et amour et portait le plus grand soin à leur bien-être.

Dans le second courrier, il s’est étonné de la répétition des visites au domicile de sa compagne, de leur durée dans le temps, ressemblant à un véritable acharnement depuis neuf ans. Il avait assisté à certaines interventions du SCAV. Son amie avait toujours collaboré en acceptant de laisser entrer les agents à son domicile. Les éléments à la décharge de celle-ci n’étaient jamais relevés par les fonctionnaires concernés.

16) Par décision du 21 mai 2021, le SCAV a prononcé le séquestre définitif de « B______ », « C______ » et « E______ » (point 1) ; ordonné l’euthanasie de « B______ » d’ici au 22 mai 2021 au plus tard (point 2) ; prononcé une interdiction de détention d’animaux pour une durée de trois ans à
Mme A______ y compris d’animaux appartenant à des tiers et détenus de manière provisoire chez elle à l’exception du chat mâle castré trouvé dans son logement (point 3) ; informé Mme A______ qu’à l’échéance du délai de l’interdiction, toute nouvelle détention d’animaux serait soumise, pendant une durée de trois années supplémentaires, à une autorisation préalable du service (point 4).

Par ailleurs, il l’informait que tout éventuel animal qu’elle détiendrait indûment, à l’exception du chat mâle castré trouvé dans son logement, pourrait être immédiatement séquestré. La décision était prononcée sous les menaces de la peine de l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). La taxe d’entrée en fourrière ainsi que tous les frais de garde et de transport engendrés par le séquestre y compris le contrôle d’entrée et les frais vétérinaires lui étaient imputés, à l’instar d’autres frais administratifs détaillés sous points 9 à 11. La décision était exécutoire immédiatement, nonobstant recours (point 12).

17) Par acte du 15 juin 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision.

Elle contestait les faits qui lui étaient reprochés. Ses chiens étaient suivis depuis leur adoption par différents vétérinaires dont elle détaillait les adresses. Elle joignait leur dossier médical ainsi qu’un courrier du vétérinaire traitant, lequel s’étonnait de la décision querellée. Elle n’avait jamais eu la moindre remarque ou plainte directe sur les odeurs ou les aboiements. Elle reconnaissait certains manquements dans le respect de ses obligations administratives, avec des retards dans le paiement des impôts pour chiens et l’acquisition des médailles annuelles. Les dents de ses chiens avaient été régulièrement vérifiées, la dernière fois en avril 2020. À cette même date, elle leur avait fait couper les griffes par le vétérinaire de peur de les blesser en le faisant elle-même. Elle regrettait l’absence de dialogue constructif avec les collaborateurs du SCAV lors des visites à domicile. Elle n’avait jamais eu de plaintes directes, ni de ses voisins, ni de sa régie et encore moins de constatations à son domicile par celle-ci. Elle persistait à s’étonner des exigences de promener « B______ » trois fois par jour compte tenu du souffle au cœur de l’animal. Elle était prête à confier à l’avenir ses chiens à un chenil géré par des professionnels pendant ses congés puisque quatre des six signalements reçus par le SCAV l’avaient été lors de ses vacances (mars et juillet 2020, mars et mai 2021).

18) Par décision du 22 juin 2021 sur mesures provisionnelles, la présidence de la chambre de céans a ordonné que les animaux concernés restent, jusqu’à droit jugé, en mains du SCAV et ne soient pas donnés, vendus ou mis à mort.

19) Le SCAV a conclu au rejet du recours.

20) Dans sa réplique, la recourante a relevé être en litige avec la régie à la suite de sa dénonciation auprès du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants et de l’office des autorisations de construire pour non-conformité du bâtiment en raison des nuisances sonores du studio de danse situé au rez-de-chaussée, juste sous son appartement. Elle avait initié cette procédure en octobre 2019 après avoir essayé, pendant trois ans, de sensibiliser la régie et la locataire concernée, sans succès. Elle sortait toujours ses chiens par la porte du local située à l’arrière de l’immeuble, opposée aux arcades sises au rez-de-chaussée afin d’éviter de faire trop de bruit trop longtemps, si jamais ses chiens venaient à japper. Aucun crédit ne pouvait être accordé aux témoignages des locataires des arcades du rez-de-chaussée compte tenu du conflit sous-jacent les opposant pour des questions de nuisances sonores, du fait qu’elle sortait par l’arrière de l’immeuble et qu’il n’était pas crédible que les locataires du rez-de-chaussée restent derrière leurs vitres pour observer si elle sortait ses chiens. De même, les plaintes semblaient émaner d’une personne qui n’habitait pas son immeuble, mais qu’elle croisait au parc. Enfin, elle regrettait que le SCAV n’ait pas pris contact avec son vétérinaire pour prendre connaissance du dossier médical de ses animaux.

21) a. Lors de l’audience du 21 octobre 2021, la Dresse H______ a détaillé les constats faits sur les trois canidés au moment du séquestre.

Pour « B______ », l’état général était déplorable, notamment ses ongles très longs qu’elle avait dû couper entre 0,8 et 1,2 cm, ce qui était beaucoup. Si un chien se promenait sur l’herbe, cela pouvait avoir une incidence sur la longueur de griffes, toutefois jamais dans les proportions présentées par « B______ ». La dentition présentait un « tartre +++ » que la praticienne a qualifié d’« horrible ». L’état de la bouche s’était progressivement détérioré depuis plusieurs mois, voire années. Un détartrage sous narcose était indispensable. Compte tenu du souffle au cœur de l’animal, il aurait fallu procéder préalablement à une échographie cardiaque.

Les ongles de « C______ » étaient « très très longs » et elle avait enlevé environ 1 cm pour chaque ongle, sur les quatre pattes. La bouche était dans un état identique à celle de « B______ ».

L’état général de « E______ » était « déplorable ». La longueur des ongles ne venait pas en quelques semaines. Les otites étaient présentes depuis des semaines sans être traitées, à l’instar de la bouche. « E______ » n’avait pas dû voir le vétérinaire depuis son dernier vaccin, soit dix-huit mois plus tôt. Un ou deux de ses ongles présentaient 4 cm de longueur, ce qui était énorme. C’était « E______ » qui présentait le plus de tartre. Il y avait une otite bilatérale des tympans qui n’était pas visible, du pus dans les oreilles et le canal était complètement fermé suite à l’inflammation.

L’absence de sorties convenables était la seule explication pour la longueur des griffes des trois canidés. La qualité de vie d’un chien avec des griffes de cette taille était compromise. Des ongles très longs pouvaient impliquer une torsion des doigts, créant un inconfort. Cela pouvait devenir un cercle vicieux, le chien ayant dès lors moins envie de marcher par crainte de la douleur. Une otite telle que celle de « E______ » faisait très mal et pouvait induire une crainte du chien qu’on lui touche la tête. L’animal allait essayer de freiner les contacts sociaux et les câlins, de crainte d’avoir une douleur. Il retirerait la tête ou n’irait pas chercher le contact.

b. La recourante a relevé que « E______ » n’avait jamais manifesté de peur qu’on lui touche la tête et était très sociable. Son otite chronique avait été diagnostiquée en 2014. Les chiens étaient toujours très contents de sortir. Elle a reconnu avoir « fait des erreurs avec ses chiens », mais sans que cela ne puisse justifier un séquestre définitif. Elle avait d’ailleurs déjà perdu « B______ ». Elle ne contestait pas avoir reçu des courriers, qu’elle n’avait pas toujours ouverts. Elle ne contestait pas avoir reçu des avertissements. Les courriers n’étaient toutefois pas compréhensibles compte tenu de la vie de famille qu’elle menait, du fait que les chiens étaient régulièrement suivis par le vétérinaire et qu’elle faisait de son mieux au vu de ses problèmes de santé. Plusieurs mesures avaient été prononcées, qui avaient toutefois été levées. Il était de même arrivé que la police vienne et ne constate rien. Elle avait toujours été de bonne foi.

22) Entendu lors de l’audience du 3 novembre 2021, le Docteur I______, vétérinaire traitant des trois chiens, a confirmé qu’il s’occupait des animaux de la recourante depuis 2011. Il avait vu « E______ » pour la dernière le 14 avril 2020 pour un vaccin antirabique. Lorsqu’il procédait à un examen général avant un vaccin, il analysait usuellement le poids, la température éventuellement, la fréquence cardiaque parfois et posait certaines questions au propriétaire concernant les symptômes les plus habituels comme toux, vomissements, démangeaisons. Il examinait aussi les yeux, les oreilles et la bouche de l’animal, mais pas les griffes, sauf si le propriétaire en parlait.

À la vue des photos de « E______ » prises lors du séquestre définitif, il a confirmé le caractère « long » de certaines griffes et la présence d’une otite chronique dans l’oreille. Sa bouche présentait du tartre, mais les gencives étaient saines. Un détartrage pouvait être proposé, mais sans urgence.

À la vue des photos de « C______ », le praticien aurait proposé de couper les griffes de devant. Il y avait 6 ou 7 mm qui pouvaient être enlevés. Pour le tartre, la situation était plus ou moins identique à celle de « E______ ». Il s’agissait de cas très fréquents. On voyait sur les photos des pigments, tout à fait sains et normaux. C’était un petit peu enflammé, ce qui n’était pas le cas chez « E______ ».

Lorsque Mme A______ lui avait expliqué le séquestre de ses animaux, il avait été très surpris. Il n’avait pas constaté de problèmes particuliers avec les trois canidés. Il avait écrit l’attestation du 31 mai 2021 à la demande de la recourante et de son compagnon. Il l’avait intitulée « attestation vétérinaire et questions » dès lors qu’il ne comprenait pas certains points et avait en conséquence relayé les questions des propriétaires. Il connaissait la recourante et son compagnon depuis une dizaine d’années, avait de bons contacts avec eux et était désolé de ce qu’il leur arrivait. Les problèmes de tartre sur les photos n’étaient pas graves et étaient courants, étant aussi rappelé qu’un détartrage coûtait quelque CHF 200.-. Quant aux griffes, il n’avait rien remarqué de particulier jusqu’à ces photos.

23) a. Dans ses ultimes écritures, Mme A______ a regretté le harcèlement dont elle était victime, notamment par le SCAV. L’attitude dudit service avait entraîné une intervention dans la précipitation qui avait été fatale à « B______ » qui n’avait pas supporté le séquestre.

Elle avait enfin pu avoir accès à l’entier de son dossier, quand bien même certaines pièces avaient été caviardées par le SCAV, notamment les noms des dénonciateurs. Elle n’avait jamais laissé les chiens seuls chez elle. La seule idée qu’on l’accuse d’un tel comportement lui était insupportable. Elle se demandait comment une des dénonciatrices, qui habitait dans un immeuble sis à 100 m du sien, pouvait entendre des aboiements, pourquoi un employé de la régie, qui alléguait avoir constaté des odeurs de décomposition derrière la porte de son appartement, n’avait rien entrepris et depuis quand de telles odeurs n’étaient pas signalées immédiatement aux autorités ? De même, le rapport du SCAV se permettait d’émettre l’hypothèse qu’elle avait procédé au nettoyage d’hypothétiques excréments dans son appartement au tout début de leur intervention alors même qu’il n’avait rien constaté. Elle faisait l’objet d’accusations incessantes. Elle avait sorti ses chiens quotidiennement, malgré ses problèmes médicaux, notamment dans le sous-bois du parc La Grange ou dans les jardins en face de son immeuble, à la rue ______. « Le seul élément consternant », et constaté, étaient qu’ils n’avaient pas été sortis entre le 4 mai 2021 à 23h10 et le 5 mai 2021 à 18h10 alors qu’elle était réellement partie deux jours en vacances. Sa fille avait cependant été présente le 4 au soir jusqu’au 5 mai 2021 au matin. Ses chiens n’étaient donc pas seuls. Était-ce suffisant pour les lui enlever ? Les photos faites par son compagnon lors de ses sorties n’avaient pas été considérées par le SCAV. De même, on lui faisait le reproche de ne pas avoir procédé à certains soins sur ses animaux. Alors même que ceux-ci se trouvaient au SCAV depuis sept mois, ledit service n’avait pas non plus considéré que ces soins étaient indispensables et avait procédé de la même façon qu’elle-même pour l’otite, à savoir un traitement à la cortisone avec des lavements. Outre la douleur de ne plus avoir ses chiens et le sentiment de ne pas pouvoir se défendre face à des dénonciations calomnieuses et vagues, elle vivait dorénavant dans la peur, voire la panique de se voir surveillée par, notamment, une personne mal-intentionnée. Plus que jamais, elle souhaitait pouvoir récupérer ses chiens et pouvoir repartir sur une base sereine. La mort de « B______ » resterait douloureuse, mais elle souhaitait offrir à « C______ » et « E______ » de vieillir en paix dans leur famille.

b. Dans ses dernières écritures, le SCAV a persisté dans ses conclusions.

24) Sur ce, les parties ont été informées, le 23 novembre 2021, que la cause était gardée à juger.

25) Le contenu des pièces pertinentes du dossier sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 14 du règlement d'application de la loi fédérale sur la protection des animaux du 15 juin 2011 - RaLPA - M 3 50.02 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Les requêtes de comparution personnelle des parties et d’audition de témoins ont été satisfaites par la chambre de céans.

La recourante a implicitement requis de pouvoir connaître l’identité des dénonciateurs, seules des pièces caviardées lui ayant été soumises.

La LPA prévoit l'accès général au dossier, sauf si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants permettent de l'interdire (art. 44 et 45 LPA). Il n'existe pas en la matière de norme spécifique et concrète garantissant l'anonymat, et seule est interdite l'instruction d'une dénonciation anonyme (art. 10A LPA). Le Tribunal fédéral a précisé que l’intérêt de la personne dénoncée à connaitre l'identité de ses dénonciateurs peut se voir limiter par les intérêts publics de l'État ou les intérêts légitimes du tiers dénonciateur. Toutefois, il ne peut être accepté un intérêt général pour garantir la confidentialité de tout informateur ; il convient de se déterminer par une pesée des intérêts en examinant les intérêts du dénoncé et du dénonciateur (ATF 129 I 249).

Dans le cas d'espèce, le SCAV se prévaut des intérêts privés prépondérants des dénonciateurs. Si certes, l’origine des contrôles par le SCAV, en 2012, repose sur un dénonciateur qui semble unique, ces faits sont anciens et peu pertinents. De surcroît, d’autres personnes se sont plaintes depuis lors, que la recourante a en majorité reconnues compte tenu du caviardage parfois incomplet et des autres éléments du dossier. Il n’est toutefois pas nécessaire d’examiner l’intérêt particulier de chacun d’entre eux en comparaison de celui de la recourante, dès lors que le litige peut être tranché indépendamment de leurs plaintes, les faits pertinents ayant été constatés par d’autres tiers, à savoir le SCAV, la police, les vétérinaires, voire ressortent des pièces.

3) Le litige porte sur la décision de séquestre définitif du 21 mai 2021 des chiens « B______ », «C______ » et « E______ » (point 1) ainsi que sur l’interdiction de détention d’animaux pour une durée de trois ans à l’exception du chat mâle castré trouvé dans son appartement (point 3).

Les autres points de la décision constituent des menaces de sanctions et de mesures administratives ultérieures ou des rappels d’obligations imposées par la législation à tout détenteur de canidés. En tant que tels, ils ne déploient pas les effets visés à l’art. 4 al. 1 let. a à c LPA. Le recours est en conséquence irrecevable à l’encontre des chiffres 4 à 7 de la décision (ATA/1011/2015 du 29 septembre 2015 consid. 3 e).

Le chiffre 8 relatifs aux frais de garde et de transport engendrés par le séquestre ainsi que les frais vétérinaires ne sont pas contestés en tant que tels à l’instar des frais des marques de contrôles, des frais d’intervention du service et d’envoi de la décision (ch. 9 à 11).

L’euthanasie de « B______ » ayant été effectuée le 22 mai 2021 pour raisons médicales, le chiffre 2 du dispositif n’a plus d’objet.

Enfin, le chiffre 12, relatif à l’effet suspensif, a déjà été tranché.

4) a. La loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455) vise à protéger la dignité et le bien-être de l’animal (art. 1 LPA-CH). La dignité est constituée par la valeur propre de l’animal et peut être atteinte notamment lorsque la contrainte qui lui est imposée sans justification lui cause des douleurs ou des maux ou qu’elle le met dans un état d’anxiété (art. 3 let. a LPA-CH). Le bien-être des animaux est notamment réalisé lorsque leur détention et leur alimentation sont telles que leurs fonctions corporelles et leur comportement ne sont pas perturbés et que leur capacité d’adaptation n’est pas sollicitée de façon excessive, qu’ils ont la possibilité de se comporter conformément à leur espèce dans les limites de leur capacité d’adaptation biologique, qu’ils sont cliniquement sains et que les douleurs, les maux, les dommages et l’anxiété leur sont épargnés (art. 3 let. b LPA-CH).

Selon l’art. 4 LPA-CH, quiconque s’occupe d’animaux doit tenir compte au mieux de leurs besoins et veiller à leur bien-être (al. 1), personne n’ayant le droit de leur causer de façon injustifiée des douleurs, des maux ou de dommages, les mettre dans un état d’anxiété ou porter atteinte à leur dignité d’une autre manière (al. 2). Toute personne qui détient des animaux ou en assume la garde doit, d’une manière appropriée, les nourrir, en prendre soin, leur garantir l’activité et la liberté de mouvement nécessaire à leur bien-être et, s’il le faut, leur fournir un gîte (art. 6 al. 1 LPA-CH).

b. L’ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1) fixe en particulier les exigences minimales en matière de détention, d’alimentation, de soins, de logement ou d’enclos des animaux. Ceux-ci doivent, selon l’art. 3 OPAn, être détenus et traités de manière à ce que leurs fonctions corporelles et leur comportement ne soient pas gênés et que leur faculté d’adaptation ne soit pas sollicitée de manière excessive (al. 1). Les logements et les enclos doivent être munis de mangeoires, d’abreuvoirs, d’emplacements de défécation et d’urinement, de lieux de repos et de retraite couverts, de possibilité d’occupation, de dispositifs pour les soins corporels et d’aires climatisées adéquats (al. 2). L’alimentation et les soins sont appropriés s’ils répondent aux besoins des animaux à la lumière de l’expérience acquise et des connaissances en physiologie, éthologie et hygiène (al. 3). Le détenteur d’animaux doit contrôler aussi souvent que nécessaire le bien-être de ses animaux et l’état des installations. Si celles-ci sont défectueuses et diminuent le bien-être des animaux, il doit les réparer sans délai ou prendre les mesures propres à assurer la protection des animaux (art. 5 al. 1 OPAn). Il est interdit de maltraiter les animaux, de les négliger ou de les surmener inutilement (art. 16 al. 1 OPAn).

Les chiens doivent avoir tous les jours des contacts suffisants avec des êtres humains et si possible avec d’autres chiens (art. 70 al. 1 OPAn). Les chiens doivent être sortis tous les jours et en fonction de leur besoin de mouvement. Lors de ces sorties, ils doivent aussi, dans la mesure du possible, pouvoir se mouvoir librement sans être tenus en laisse (art. 71 al. 1 OPAn).

c. L’autorité compétente peut notamment interdire pour une durée déterminée ou indéterminée la détention d’animaux aux personnes qui ont été sanctionnées pour avoir enfreint à plusieurs reprises ou de manière grave des dispositions de la LPA-CH, des dispositions d’exécution ou des décisions d’application, ainsi qu’à celles qui, pour d’autres raisons, sont incapables de détenir ou d’élever des animaux (art. 23 al. 1 let. a et b LPA-CH). L'interdiction de détention des animaux a pour but de garantir ou de rétablir le bien-être de ces derniers ; il s'agit d'une mesure qui ne vise pas à punir le détenteur mais à protéger les bonnes conditions de détention et la dignité des animaux du point de vue de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_72/2020 du 1er mai 2020 consid. 5.1 et les références citées).

Elle intervient immédiatement lorsqu’il est constaté que des animaux sont négligés ou que leurs conditions de détention sont totalement inappropriées. Elle peut les séquestrer préventivement et leur fournir un gîte approprié, aux frais du détenteur ; si nécessaire, elle fait vendre ou mettre à mort les animaux. À cet effet, elle peut faire appel aux organes de police (art. 24 al. 1 LPA-CH). Cette disposition permet une protection rapide et efficace des animaux lorsque cela est nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A.33/2005 du 24 juin 2005 consid. 2.1). Par ailleurs, les autorités chargées de l’exécution de la LPA-CH ont accès aux locaux, installations, véhicules, objets et animaux et, pour ce faire, ont qualité d’organes de la police judiciaire (art. 39 LPA-CH).

d. À Genève, le SCAV est chargé de l’exécution de la législation sur la protection des animaux (art. 1, 2 let. b et 3 al. 3 du règlement d'application de la loi fédérale sur la protection des animaux du 15 juin 2011 - RaLPA - M 3 50.02). En particulier, il inspecte les conditions de détention des animaux de compagnie conformément aux exigences de la LPA-CH (art. 9 al. 1 RaLPA). Tout certificat, attestation, autorisation, refus et autre acte émis par les organes d'exécution compétents est soumis à émolument. Les contrôles, interventions et inspections des organes d'exécution dans le cadre de l'application de la LPA-CH sont également soumis à émolument (art. 11 RaLPA). Les contrevenants à la législation sur la protection des animaux sont passibles des mesures administratives énoncées à l’art. 23 LPA-CH (art. 14 RaLPA).

e. La loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45) a pour but de régir, en application de la LPA-CH, les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens, notamment en vue de garantir leur santé et leur bien-être conformément au droit fédéral (art. 1 let. a LChiens), d’assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (art. 1 let. b LChiens). Il résulte des travaux préparatoires ayant conduit à son adoption que la LChiens n’est pas une loi sur les chiens, mais sur leurs détenteurs et met en particulier l’accent sur la prévention (MGC 2002 2003/XI A-6561 ; ATA/1323/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2a).

Le département, soit pour lui le SCAV, est compétent pour l’application de la loi et de son règlement d’exécution (art. 3 al. 1 LChiens ; art. 1 al. 1 du règlement d’application de la LChiens du 27 juillet 2011 - RChiens - M 3 45.01).

Les art. 10 ss LChiens régissent les conditions de détention et énoncent diverses obligations à charge du détenteur, à savoir celui qui exerce la maîtrise effective sur le chien et qui a de ce fait le pouvoir de décider comment il est gardé, traité et surveillé (art. 11 al. 1 LChiens).

Tout détenteur doit satisfaire aux besoins de son chien, conformément aux prescriptions de la LPA-CH et aux conseils prodigués par l'éleveur, l'éleveur professionnel ou le commerçant, l'éducateur canin et le vétérinaire Il est tenu de disposer en permanence du matériel adéquat pour maîtriser son chien, d'être titulaire d'une assurance-responsabilité civile et de munir son chien d'une médaille indiquant le nom, l'adresse et le numéro de téléphone du détenteur. Conformément à la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, le détenteur doit également s'acquitter de l'impôt sur les chiens. Aux fins de la délivrance de la marque de contrôle, laquelle atteste de l'identification du chien, le détenteur doit présenter les documents suivants : a) une attestation d'assurance-responsabilité civile ; b) le carnet de vaccination comportant une vaccination contre la rage valable ; c) l'attestation de suivi du cours théorique ou le justificatif de sa dispense délivré par le département ; d) l'attestation de suivi du cours pratique ou le justificatif de sa dispense délivré par le département. Le département est compétent pour exiger la présentation des documents qui n'ont pas été remis à l'autorité chargée de la délivrance de la marque de contrôle; la collaboration entre ces autorités est définie par règlement (art. 16 al. 1 à 5 LChiens).

Selon l’art. 39 al. 1 LChiens, en fonction de la gravité des faits, le département peut prononcer et notifier aux intéressés notamment les mesures suivantes, seules pertinentes dans le cas d’espèce, lesquelles peuvent être cumulées : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a) ; le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. g) ; l’euthanasie du chien (let. i) ; le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. j) ; l’interdiction de détenir un chien (let. o).

Le catalogue des mesures prévues à l’art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l’animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le département dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la mesure qu’il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de proportionnalité (MGC 2008-2009 XI A 15096).

f. Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1102/2021 du 19 octobre 2021 consid. 4e).

5) En l’espèce, lors de la première visite à domicile du SCAV le 20 mars 2012, la recourante détenait huit chiens. Le service est intervenu principalement pour des questions administratives en lien avec la portée accidentelle de « B______ ». Le rapport mentionne à cette occasion que les conditions de détention sont conformes, que les chiens ont accès à l’ensemble de l’appartement et qu’ils sont promenés quotidiennement.

L’intervention du SCAV, lors du contrôle du 11 janvier 2013, fait suite à une dénonciation portant sur une pratique d’élevage évoquant des odeurs et des aboiements qui troublent le voisinage. Les observations finales du SCAV portent principalement sur des problèmes administratifs.

Dans la nuit du 13 au 14 juillet 2017, la police municipale a été réquisitionnée pour des aboiements de plusieurs canidés détenus dans l’appartement de la recourante. Sur place, les policiers ont constaté non seulement que les vocalisations canines troublaient la tranquillité publique, mais qu’une forte odeur d’urine envahissait les parties communes. Selon les témoignages recueillis à cette occasion, les chiens aboyaient sans cesse depuis trois jours et personne ne semblait s’occuper d’eux. De même, les tentatives de joindre la propriétaire sur son téléphone furent effectuées en vain et les messages laissés sur le répondeur sans suite. Par ailleurs, entre le 13 mai et le 15 juillet 2017, la police municipale a dû intervenir à huit reprises au domicile de la recourante en raison d’aboiements intempestifs. En l’occurrence, les constats ont été effectués par des agents de la force publique dûment assermentés. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/1086/2021 du 19 octobre 2021 consid. 6 ; ATA/1158/2020 du 17 novembre 2020 consid. 2d ; ATA/502/2018 du 22 mai 2018 ; ATA/295/2015 du 24 mars 2015), sauf si des éléments permettent de s'en écarter, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Lors de la visite du SCAV du 9 mars 2020, pour la première fois, l’absence de sorties et le manque de soins ont été relevés par les représentants de ce service. Des photos ont été prises à cette occasion, notamment de l’oreille gauche de « E______ » et des griffes des trois canidés. Par courrier A+ du 13 mars 2020, il a été exigé de l’intéressée qu’elle procède à des sorties de ses chiens au moins trois fois par jour chacune d’une durée de quarante-cinq minutes minimum. Lors de la visite du 22 juillet 2020 au domicile de la recourante, il a été constaté que si celui-ci était propre et l’ensemble des canidés avait de l’eau et de la nourriture à disposition, « C______ » et « B______ » avaient des griffes longues. Des photos n’avaient toutefois pas pu être effectuées, les chiens démontrant un comportement d’excitation. Le courrier relatant ces faits, le 28 juillet 2020, valait avertissement. Il était exigé des promenades à raison de trois sorties par jour chacune d’une durée d’une heure minimum. Un second avertissement a été infligé à la recourante, par pli du 23 mars 2021, à la suite de la visite du 15 mars 2021. À cette occasion, les représentants du service n’avaient pas pu entrer dans l’appartement. Ils avaient constaté que les griffes de l’ensemble des canidés étaient « considérablement longues ».

Au moment du séquestre, le 5 mai 2021, des photos ont été faites des trois canidés. Des ongles très longs ont été constatés sur les trois chiens allant jusqu’à 4 cm de longueur sur quelques doigts de « E______ ».

Les dossiers vétérinaires ont été produits par la recourante. Il en ressort que ceux-ci ont eu un suivi relativement régulier auprès de différents vétérinaires, principalement le Dr I______. Il n’est toutefois pas contesté que, pour les trois canidés, le dernier contrôle est intervenu le 14 avril 2020, soit plus d’une année avant le séquestre. Dans les trois cas, le médecin n’a mentionné qu’une vaccination. Il a expliqué avoir procédé, comme usuellement, à un examen général des animaux et n’avoir pas constaté de maltraitance ou d’absence quelconque de soins. À ce titre, son témoignage diverge de celui du vétérinaire du SCAV qui a procédé à l’examen des animaux au moment du séquestre. Toutefois, une force probante plus importante doit être accordée au témoignage du vétérinaire du SCAV, au motif principalement qu’il est le seul à avoir vu les animaux en mai 2021 et pu effectuer des constats. Le Dr I______ n’a pu se fonder que sur les photos prises par son confrère et n’avait plus vu les trois canidés depuis plus d’une année.

Par ailleurs, en ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). Le témoignage du Dr I______ doit en conséquence être apprécié avec retenue compte tenu du lien qui l’unit à son mandant. De surcroît, la principale divergence porte sur l’existence de tartre important. Ce point n’est toutefois pas déterminant, le séquestre se fondant principalement sur l’absence de promenades suffisantes pour chacun des canidés, évaluée depuis mars 2020 à tout le moins à trois fois quarante-cinq minutes par animal, porté à trois fois une heure depuis juillet 2020, ce dont la recourante a été dûment informée par des courriers du SCAV. Or, même le Dr I______ a admis que les ongles des animaux étaient longs. Or, de l’avis du vétérinaire du SCAV, une telle longueur ne pouvait que provenir d’un manque d’usure lors des promenades. Aucun des canidés n’avait les pattes plates et même les allégations de promenades sur des terrains herbeux ou terreux ne pouvaient justifier une telle longueur de griffes. Enfin, l’absence de sorties a été corroborée par les observations des collaborateurs du SCAV, dans un premier temps par le témoin posé devant la porte de la recourante dans la nuit du 4 au 5 mai 2021, puis par l’observation de son domicile jusqu’à 18h. À aucun moment, les canidés n’ont été sortis ni par l’intéressée ni par son compagnon ni par sa fille, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas tout en indiquant avoir fait confiance à ses proches qui avaient indiqué s’en être occupés.

Dans ces conditions et compte tenu du très large pouvoir d’appréciation du SCAV que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, la décision de séquestrer définitivement les chiens repose sur une base légale, est conforme à l’intérêt public de la protection des animaux et est proportionnée. En effet, elle est apte à atteindre le but de protéger le bien-être des canidés concernés, nécessaire pour ce faire et proportionnée au sens étroit, compte tenu des multiples correspondances que le SCAV avait précédemment adressées à la propriétaire, y compris des deux avertissements que la recourante ne conteste pas avoir reçus. Enfin, aucune autre mesure du catalogue des mesures administratives n’est suffisante pour garantir le respect de la loi. De même, l’interdiction de détenir des animaux pendant trois ans est proportionnée, l’intéressée pouvant conserver le chat qui était à son domicile.

Dans ces conditions, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 15 juin 2021 par Madame A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 21 mai 2021 ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :