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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/837/2018

ATA/502/2018 du 22.05.2018 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/837/2018-PRISON ATA/502/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mai 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon depuis le ______ 2018.

2) Un incident s’est déroulé le 25 février 2018 à 9h05.

Selon le rapport du gardien, M. A______ aurait, en se préparant pour la promenade, alors que le gardien lui avait demandé de mettre ses chaussures en dehors de la cellule pour qu’il puisse fermer la porte, commencé à râler et à hausser le ton. M. A______ aurait alors traité l’agent de « sale fils de pute », alors que celui-ci lui rappelait qu’il devait être prêt à l’heure pour les promenades.

M. A______ a été placé en cellule forte à 9h10.

Il a été entendu par le directeur de Champ-Dollon à 16h50 le même jour.

Une sanction de deux jours de cellule forte lui a été notifiée à 16h55. La décision était exécutoire immédiatement, nonobstant recours.

3) Par acte du 1er mars 2018, M. A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il la contestait. Lors de la promenade, il s’était trouvé confronté à un attroupement de codétenus. Leurs échanges verbaux avaient éveillé des suspicions d’insultes à l’égard du personnel. Il avait voulu apaiser les tensions mais il lui avait été reproché d’en être l’auteur.

Il y avait des témoins. Ses dires pouvaient être vérifiés grâce à la vidéosurveillance. L’exécution immédiate de la sanction, sans enquête préalable, était injuste.

4) En réponse à la demande du juge délégué, le directeur de la prison a précisé qu’en l’absence de violences et compte tenu du fait que le système de vidéosurveillance n’assurait pas l’enregistrement audio, les images n’avaient pas été sauvegardées.

5) Dans sa réponse au recours, le directeur de la prison de Champ-Dollon a conclu au rejet de celui-ci, avec suite de frais.

Le recours de M. A______ faisait état de faits qui se seraient déroulés pendant la promenade. Or l’intéressé avait été placé en cellule forte à 9h05 et n’avait pas participé à la promenade.

6) L’intéressé ne s’étant pas manifesté dans le délai imparti pour une éventuelle réplique, la cause a été gardée à juger le 8 mai 2018.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d).

e. En l’espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée à son encontre, la légalité devant pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, dans la mesure où cette situation pourrait encore se présenter (ATA/591/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2 ; ATA/183/2013 du 19 mars 2013 et la jurisprudence citée).

Le recours est donc recevable à tous points de vue.

3) Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

4) Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP), et n’a d’aucune façon le droit de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. h RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g).

5) De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/99/2014 précité), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

6) Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

7) En l'espèce, le recourant conteste avoir été insultant à l’égard du gardien.

Le détenu n’apporte cependant aucun élément qui irait à l’encontre des faits tels que relatés par le gardien. Il se contente d’opposer sa version à celle de l’agent de détention. Compte tenu de la jurisprudence précitée, la chambre administrative retiendra que l’incident s’est déroulé conformément à ce qui est décrit dans le rapport, rien ne permettant de s’en écarter.

Par ailleurs, le détenu se contredit puisqu’il mentionne dans son recours qu’il conteste la sanction du 25 février 2018 et décrit des faits qui se seraient déroulés « lors de la promenade » alors même qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a été mis en cellule forte le 25 février à 9h05, pour deux jours, et n’a pas participé à la promenade.

L’offre de preuves du recourant n’est par ailleurs pas apte à modifier le résultat puisqu’elle porte sur des faits non pertinents à la résolution du présent litige.

Dans ces conditions et compte tenu du pouvoir d’appréciation limité de la chambre administrative (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/504/2010 du 3 août 2010), le directeur de la prison n’a ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation en prononçant une mise en cellule forte pour deux jours pour injure envers le personnel.

8) Le recours est rejeté.

Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2018 par Monsieur A______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 25 février 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.


Genève, le

 


la greffière :