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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2826/2021

ATA/954/2021 du 15.09.2021 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2826/2021-FPUBL ATA/954/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 15 septembre 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Annette Micucci, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, né le ______ 1988, a été engagé comme policier stagiaire au poste de B______, avec effet au 1er mars 2013.

2) Il a été confirmé en tant que gendarme avec effet au 3 mars 2015, et a été affecté à la police judiciaire, puis à la « police internationale » et enfin au poste de police de C______.

3) Le 16 avril 2018, alors qu'il n'était pas en service, M. A______ s'est rendu au Salon international de la haute horlogerie (ci-après : SIHH), qui se tenait à Palexpo, lors d'une journée non ouverte au public. Vêtu en civil, il a néanmoins obtenu un badge d'accès en présentant sa carte de police. Il était présent sur le stand D______ lorsque le vol d'une montre de cette marque, d'une valeur de CHF 6'500.-, a été remarqué. Une procédure pénale a été ouverte ; M. A______ a été interpellé le 24 janvier 2018, et a été placé en détention préventive jusqu'au 2 février 2018 (soit dix jours).

4) Le 2 février 2018, la commandante de la police a suspendu M. A______ tout en maintenant son traitement, ceci dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

5) Par ordonnance de classement partiel du 21 octobre 2019, le Ministère public a classé la procédure pénale 1______ engagée contre M. A______ en tant qu'elle portait sur le vol de la montre D______. Était réservée la suite de la procédure concernant deux autres complexes de faits, à savoir d'avoir présenté sa carte de police pour entrer au SIHH et d'avoir stocké une arme « soft air » dans son casier à la police (ce dernier fait ayant été découvert lors d'une perquisition sur le lieu de travail de l'intéressé).

6) Par jugement du 3 mars 2020, le Tribunal de police (ci-après : TdP) a reconnu M. A______ coupable d'abus d'autorité et d'infraction à l'art. 33 al. 1 de la violation de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 20 juin 1997 (RS 514.54 - LArm), le condamnant à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 170.- le jour, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 2'000.-.

7) M. A______, qui avait fait appel de cette condamnation, a été convoqué par le chef de la police de proximité à un entretien de service le 17 juin 2020.

Cet entretien s'est tenu par écrit en raison de la crise sanitaire. Il a été reproché à M. A______ des problèmes de rédaction et d'analyse, de faire preuve de nonchalance et de manquer d'autonomie.

8) Par arrêt de la chambre d'appel et de révision pénale de la Cour de justice du 18 septembre 2020, M. A______ a été acquitté de l'accusation d'abus d'autorité en lien avec l'utilisation de sa carte de police pour entrer au SIHH. Il a été reconnu coupable d'une violation par négligence de la LArm pour la possession du fusil « soft air » et condamné à une amende de CHF 500.-. À ce dernier égard, aucun élément du dossier ne permettait de contester sa version selon laquelle il avait trouvé le fusil « soft air » dans son casier lorsque ce dernier lui avait été attribué, puis en avait oublié l'existence.

9) Le Ministère public ayant recouru au Tribunal fédéral, ce dernier a confirmé l'arrêt précité le 27 avril 2021 (arrêt du tribunal fédéral 2______).

10) Par décision incidente du 18 août 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseiller d’État en charge du département de la sécurité de l'emploi et de la santé, devenu depuis lors le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département) a ouvert une procédure de reclassement à l'endroit de M. A______, considérant l'insuffisance de ses prestations et son inaptitude à remplir les exigences de son poste.

11) Par acte du 31 août 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu à son annulation et préalablement à la restitution de l'effet suspensif.

12) Le 24 novembre 2020, la psychiatre traitante de M. A______ a indiqué que ce dernier serait capable de travailler à 100 % à partir du 1er décembre 2020.

13) Par arrêt du 15 décembre 2020, la chambre administrative a rejeté le recours (ATA/1260/2020) portant sur l'ouverture de la procédure de reclassement.

14) Par décision du 24 juin 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d'État en charge du département a résilié les rapports de service de M. A______ avec effet au 30 septembre 2021.

Son comportement, à savoir le fait d'avoir utilisé son statut de policier dans le but d'accéder au SIHH pour des motifs privés, d'avoir agi de manière déloyale avec sa hiérarchie et ses collègues, de ne pas avoir agi comme devait le faire un policier, en service ou non, lorsque le vol de la montre avait été constaté et d'avoir ainsi porté atteinte à l'image de la police, d'avoir conservé une arme sans se soumettre aux prescriptions légales en la matière et sans en référer à sa hiérarchie, était propre à rompre le lien de confiance avec sa hiérarchie.

15) Par acte posté le 26 août 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que sa réintégration soit ordonnée ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

La décision de licenciement lui causait un grave préjudice en termes de santé, cette dernière s'étant gravement détériorée en raison non seulement de la procédure pénale, mais également du sort administratif qui lui avait été réservé. Ce préjudice était irréparable, aucune décision finale favorable ne permettant de réparer le préjudice subi dans l'intervalle, lequel s'aggraverait par ailleurs nécessairement avec l'allongement de la procédure. Le recours présentait au surplus des chances manifestes de succès.

À l'inverse, il n'existait aucun intérêt public prépondérant à l'exécution immédiate de la décision. L'autorité ne justifiait du reste dans sa décision nullement le recours à l'art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

M. A______ joignait à son recours diverses pièces, dont un certificat médical du 2 juin 2021 de sa psychiatre traitante, selon lequel « les démarches entreprises par les ressources humaines aggrav[ai]ent [son] état de santé psychique actuel ».

16) Le 8 septembre 2021, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

Selon certificat médical du 5 mars 2021, M. A______ avait rechuté en incapacité totale de travail. La détérioration de son état de santé remontait à son arrestation et à son emprisonnement. Il indiquait être encore souffrant à ce jour. De plus, le certificat du 2 juin 2021 précédait la décision attaquée. Les problèmes de santé de M. A______ étaient multifactoriels et ne pouvaient être attribués à la seule décision attaquée.

M. A______ ne prouvait nullement que la restitution de l'effet suspensif améliorerait son état de santé. Il ne retrouverait quoi qu'il en soit pas d'activité, étant suspendu.

La jurisprudence donnait de surcroît la préséance à la préservation des finances de l'État.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) En l'espèce, le recourant est encore en incapacité complète de travailler, et la décision de suspension le concernant est en force, si bien qu'en cas de restitution de l'effet suspensif, il ne pourrait pas reprendre d'activité au sein de la police. Le seul enjeu de la présente procédure sur effet suspensif est donc le maintien de son traitement pendant la procédure.

À cet égard, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'intérêt privé du recourant à conserver les revenus relatifs au maintien desdits rapports doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État (ATA/762/2021 du 15 juillet consid. 9 ; ATA/174/2021 du 18 février 2021 ; ATA/191/2019 du 26 février 2019).

La restitution de l'effet suspensif au recours sera dès lors refusée.

9) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Annette Micucci, avocate du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

 

 

 

 

Le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :