Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2562/2019

ATA/834/2020 du 01.09.2020 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 12.10.2020, rendu le 07.04.2021, REJETE, 8D_10/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2562/2019-FPUBL ATA/834/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2020

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Saskia Ditisheim, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) Madame A______ a été engagée le 1er septembre 1991 en qualité d'institutrice dans l'enseignement primaire au département de l'instruction publique, devenu depuis lors le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département ou le DIP). Elle a été nommée fonctionnaire le 1er septembre 1992.

Mme A______ a été promue dans la fonction de directrice d'établissement du primaire (ci-après : DIR-E) avec effet au 19 août 2013.

2) Dès le 19 janvier 2015, Mme A______ a été nommée à la fonction de directrice d'établissements spécialisés et de l'intégration (ci-après : DESI) à un taux d'activité de 100 % auprès de l'office médico-pédagogique (ci-après : OMP). Elle a été confirmée dans cette fonction dès le 1er octobre 2015.

Elle ne dispose pas d'un cahier des charges signé.

En sa qualité de DESI, Mme A______ avait la responsabilité hiérarchique des membres du personnel enseignant et des éducateurs ainsi que la responsabilité du suivi des élèves.

Le volet thérapeutique de la prise en charge des élèves ne lui incombait pas.

3) Le 28 mai 2015, soit trois mois après sa prise de fonction de DESI, Mme A______ a fait l'objet d'un avertissement pour avoir témoigné devant le Tribunal des mineurs sans avoir préalablement sollicité la levée de son secret de fonction.

4) Un entretien d'évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) s'est tenu en octobre 2015.

a. Son responsable hiérarchique direct, Monsieur B______, directeur de l'enseignement, de l'évaluation et du suivi des élèves (ci-après : DEESE), relevait que Mme A______ était entrée dans sa nouvelle fonction en investissant beaucoup de temps et d'énergie dans l'acquisition de nouvelles compétences et connaissances liées à l'OMP. Elle avait une grande capacité d'organisation et avait su faire face à toute la diversité des tâches qui étaient dédiées au DESI. Son souci d'assumer pleinement ses responsabilités la menait parfois à prendre le risque de s'exposer trop rapidement face à ses équipes, avant consultation de ses collègues plus expérimentés ou que les décisions aient été harmonisées dans leur pratique au sein des DESI. Elle se sentait très à l'aise dans sa nouvelle fonction au sein de l'OMP et avait su intégrer l'équipe de direction pédagogique avec une très bonne dynamique collaborative.

Dans les commentaires plus développés, était mentionné le fait que Mme A______ était particulièrement attentive au cadre légal, mais n'avait pas eu connaissance de la procédure de levée de secret de fonction lors de sa convocation devant le Tribunal des mineurs. À aucun moment, la procédure lui avait été rappelée lors du partage de cette situation au conseil des cadres. Par ailleurs, elle était particulièrement attentive et sensible aux situations complexes d'élèves, de parents ou de collaborateurs. Elle avait su conduire et assurer le suivi de situations extrêmement sensibles et conflictuelles avec beaucoup d'attention.

b. Mme A______ relevait qu'elle avait une bonne représentation de sa nouvelle mission de suivi des élèves et des collaborateurs compte tenu de sa fonction précédente de DIR-E. Elle estimait sa charge de travail beaucoup trop importante. Elle s'était bien approprié les outils à disposition et avait mis en place ses propres outils de gestion pour le suivi de ses élèves. Elle avait eu quelques difficultés à s'adapter à la culture, plus orale, pratiquée à l'OMP. Elle s'était parfois sentie gênée de devoir demander des informations à ses collègues. Elle s'était confectionnée un répertoire de notes de service à l'aide de ses collègues, mais il lui manquait un répertoire de notes et de réglementations plus officiel. Elle entretenait de très bons rapports avec sa hiérarchie à laquelle elle n'hésitait pas à faire appel en cas de besoin.

5) Le présent litige porte sur des faits qui se sont déroulés durant l'année scolaire 2016-2017 au centre médico-pédagogique de C______ (ci-après : CMP).

a. Pendant cette période, pour le CMP :

- Monsieur D______, médecin-chef de clinique, psychiatre et psychothérapeute, en était le responsable thérapeutique (ci-après : RT) ;

- Madame E______ en était la responsable pédagogique (ci-après : RP) ;

b. Madame F______ était directrice à l'OMP.

Monsieur G______ était directeur général de l'OMP.

6) Les faits concernent notamment quatre enfants, âgés de 12 ans au moment des faits. En conséquence, et dès lors que leur identité est connue des parties, le présent arrêt anonymisera leurs noms.

7) [résumé par la chambre administrative du point 7 en fait détaillant les notes prises par M. D______].

Le 28 avril 2017, Mme E_______ a été informée par un enseignant des soupçons de pénétration (sodomie) sous contrainte à l'encontre de l'élève B. par un autre élève. Ces soupçons ont fait l'objet de discussions au sein du CMP et des contacts ont été pris auprès de la Brigade des mineurs par D_______ pour obtenir un avis juridique sur la question de l'obligation de dénoncer les faits en question.  

8) Les 8 juin et 2 août 2018, le père de B, sous la plume d'un avocat, a adressé une dénonciation administrative à la conseillère d'État en charge du DIP. Il souhaitait que toute la lumière soit faite concernant des actes de contrainte sexuelle subis par son fils durant l'année scolaire 2016-2017. A aurait été victime de faits de même nature.

Selon la plainte, M. H______ et la DESI auraient été au courant des faits et n'auraient pas agi.

La plainte a été communiquée à M. G______ dès réception.

9) M. G______ a répondu n'avoir appris l'existence de la situation que par la plainte du père. Il ignorait que certaines personnes dans l'institution auraient eu connaissance de ce qui se passait entre les jeunes.

M. B______ pourrait donner des précisions.

10) Le 10 juillet 2018, M. B______ a transmis à la direction des affaires juridiques du secrétariat général du DIP (ci-après : DAJ-DIP) :

-          le compte-rendu établi par Mme A______ (intitulé « situation B ») ;

-          les notes de M. D______ intitulées « suite et traitement concernant B », précédemment décrites dans le consid. 7.

11) À réception des informations, le département a décidé de conduire des « entretiens individuels de clarification des faits » avec plusieurs collaborateurs de l'OMP. Mme A______ a été entendue le 29 août 2018.

12) À la demande du département, les échanges de courriels, internes à l'OMP, relatifs au document intitulé « suite et traitement concernant B » de Mme A______ ainsi que les courriels retrouvés dans ses archives relatifs à ladite situation ont été transmis le 30 août 2018 au département.

Ils seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

13) a. Le 9 octobre 2018, le département a convoqué Mme A______ à un premier entretien de service, lequel s'est finalement déroulé sous la forme écrite par courrier du 5 novembre 2018, conformément à la demande de son conseil.

La convocation, de huit pages, rappelle les faits, cite les dispositions légales relatives aux obligations du fonctionnaire et mentionne que lesdits faits sont susceptibles de conduire au prononcé d'une sanction disciplinaire.

b. Mme A______ a formulé des observations par courrier du 6 décembre 2018. Elle a contesté toute violation de ses devoirs de service. Elle a sollicité que le procès-verbal de l'entretien de clarification des faits du 29 août 2018 soit écarté du dossier, au motif qu'il ne se fondait sur aucune base légale. Elle a demandé copie intégrale du dossier, notamment de la dénonciation administrative du père de B et des pièces produites par celui-ci ainsi qu'un délai pour des observations complémentaires.

c. Le département a refusé de donner suite aux requêtes précitées par courrier du 12 mars 2019.

14) Par courrier du 14 mars 2019, Mme A______ a été convoquée à un second entretien de service.

Des faits nouveaux avaient été portés à la connaissance du département par notes internes des 19 et 25 février 2019 : lors de la préparation de l'année scolaire 2017-2018, entre avril et juin 2017, les DESI des établissements de deux écoles de formation professionnelle (ci-après : EFP), respectivement Messieurs K____ pour l'EFP de L____ et M____ pour l'EFP de N______, n'avaient été informés que très tardivement par l'intéressée que B et C ne devaient pas se trouver dans le même EFP. Mme A______ n'avait pas transmis de manière compréhensible les motifs de cette séparation, ce qui ne leur avait pas permis de mettre en place les mesures nécessaires à la protection de chacun des élèves. Par ailleurs, le 11 septembre 2017, B avait expliqué à Madame O______, responsable pédagogique de l'EFP L____, avoir été victime, une cinquantaine de fois, d'actes de sodomie par C.

Le même jour, Mme O______ en avait informé M. K____ qui avait relayé l'information à M. M____, en charge de l'EFP où C devait être scolarisé.

Mme O______ en avait aussi informé téléphoniquement Mme F______ qui lui aurait répondu que « cette histoire » était traitée par les personnes concernées et qu'elle n'avait pas à être connue de l'ensemble de l'équipe, la prise en charge de l'enfant n'en étant pas modifiée.

Contactée par MM. K____ et M____, Mme A______ avait notamment indiqué qu'il y avait effectivement eu quelque chose entre ces jeunes, mais qu'il s'agissait d'un « jeu de découverte sexuelle », que les directions pédagogique et médicale étaient au courant et que la situation était réglée.

Durant le mois de septembre 2017, les crises s'étaient enchainées. L'équipe avait assisté à une montée en puissance de colère et de mal-être chez B.

Le 2 octobre 2017, un épisode de violence de B avait nécessité une hospitalisation en urgence. La mise en place d'une médication et d'un suivi avait été prévue lors d'une réunion de réseau en octobre 2017.

Ce n'était qu'aux alentours de mars 2018 que les évènements passés pendant la période du CMP avaient été verbalisés au sein de l'EFP de L____, notamment par le biais du parrain de B, maître d'arts visuels au sein dudit EFP.

15) Le second entretien de service s'est tenu le 17 avril 2019.

Mme A______ a fait ses observations le 29 avril 2019. Il y sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

16) Par décision du 5 juin 2019, la conseillère d'État a prononcé une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme A______ sous la forme d'une suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée de trois années, ladite durée s'écoulant pour autant que le mécanisme des annuités n'ait pas été suspendu par le Conseil d'État.

Il était reproché à Mme A______ :

a. que, malgré la gravité des faits portés à sa connaissance le 28 avril 2017, qui faisaient par ailleurs suite à un épisode violent impliquant des couteaux, survenu un mois plus tôt entre les mêmes élèves du CMP, et les demandes de l'équipe pédagogique de séparer les élèves, elle n'avait pas adressé une information écrite, sous forme de note ou fiche de signalement ou sous toute autre forme (courriel notamment) à M. B______, à transmettre par voie hiérarchique au directeur général de l'OMP ;

b. d'avoir géré ladite situation principalement sous la forme d'une communication orale sans que des documents écrits ne soient intégrés au dossier concernant son suivi des élèves concernés, conduisant le secrétariat général à ne disposer que d'informations partielles, lacunaires et parfois contradictoires ne lui permettant pas d'avoir une vision globale et bien documentée de la prise en charge offerte par le DIP au jeune ;

c. de n'avoir pas pris sérieusement en compte les soupçons de sodomie à l'encontre de B pour solliciter une mesure de protection plus forte que ce qui avait été mis en place, par exemple en demandant que les élèves ne soient plus scolarisés dans le même établissement. Elle n'avait par ailleurs pas participé à la rencontre avec les parents de B ;

d. de n'avoir pas communiqué à ses collègues DESI de manière explicite à l'occasion de la préparation de l'année scolaire 2017-2018 entre avril et juin 2017, l'ensemble des motifs justifiant que B et C ne soient pas dans le même établissement scolaire, notamment en n'évoquant pas le soupçon d'acte de sodomie entre ces deux élèves et de n'avoir pas pris en compte le questionnement de MM. K____ et M____, l'interrogeant si elle était au courant que B s'était fait violer au CMP au cours de l'année scolaire 2016-2017. Ce faisant, elle n'avait pas envisagé que les faits allégués puissent être plausibles, ni questionné leurs sources d'information ou la teneur complète de l'information qui leur avait été communiquée. Elle leur avait au contraire précisé qu'il s'agissait de jeux de découverte sexuelle entre élèves hors du CMP, que cela avait été traité et que les directions pédagogique et médico-psychologique étaient au courant de l'événement.

Étaient également pris en considération le fait qu'elle exerçait son activité depuis vingt-sept ans, sans qu'aucun reproche n'ait été formulé et qu'aucun antécédent ne figure à son dossier, hormis l'avertissement du 28 mai 2015.

17) Par acte du 8 juillet 2019, Mme A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Elle a conclu à l'annulation de la décision et à ce qu'il soit constaté qu'elle n'avait pas violé ses devoirs de service. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé au département afin qu'il reprenne l'enquête. Préalablement, la nullité de l'entretien de clarification des faits du 29 août 2018 devait être constatée à l'instar des autres entretiens de clarification des faits menés par le DIP dans le cadre de la présente procédure. Cela fait, la chambre administrative devait ordonner que les comptes rendus d'entretiens susmentionnés soient retirés du dossier de Mme A______ et de la procédure, ordonner au DIP de produire l'intégralité du dossier relatif aux griefs formulés à son encontre, en particulier la dénonciation du père de B (ci-après : le père) du 8 juin 2018, son complément du 20 août 2018, toute pièce, document, note et procès-verbal produits par le père, les procès-verbaux d'audition de toute personne qui était intervenue de près ou de loin pour B, C ou A et les pièces produites ainsi que l'intégralité du dossier relatif à Mme F______ et à MM. B______ et D______ relatif aux trois jeunes précités pour le suivi du CMP durant l'année scolaire 2016-2017. Il devait enfin être ordonné au DIP de solliciter l'apport de la procédure pénale P/19195/2017 relatif à la plainte du père, respectivement de B et que la procédure lui soit communiquée. Enfin, le DIP devait procéder à l'audition notamment de huit témoins.

Le droit d'être entendue de l'intéressée avait été violé lors de l'entretien d'éclaircissement des faits du 29 août 2018. Elle avait été informée, sur demande, par Monsieur P______, directeur des ressources humaines
(ci-après : DRH), qu'il s'agissait d'un entretien ordinaire. Or, il s'était avéré qu'il s'agissait d'une forme d'enquête administrative en présence d'une juriste de la DAJ-DIP, d'ailleurs non présente lors de l'entretien de service du 17 avril 2019. Or, la convocation à l'entretien du 29 août 2018 mentionnait que l'entretien serait conduit par Madame R______, DRH. Suivaient différents griefs à l'encontre du déroulement dudit entretien.

La décision querellée ne précisait pas les faits susceptibles de constituer une violation des devoirs de service. Les manquements reprochés à l'intéressée n'étaient pas énoncés de manière claire et précise. La décision se limitait à citer abstraitement les dispositions légales pouvant être retenues à l'encontre de la recourante. De surcroît, la tenue des autres entretiens d'éclaircissement ou de clarification des faits, avec des tiers, pas toujours identifiés, dont seuls des extraits sélectionnés lui avaient été soumis, violaient son droit d'être entendue. Par ce procédé arbitraire, la recourante n'était pas en mesure de vérifier si les propos tenus par lesdits tiers avaient été entièrement rapportés ou si des propos à décharge avaient été écartés.

Les pièces qu'elle avait sollicitées n'avaient pas été versées au dossier.

Les faits avaient été constatés de façon inexacte et incomplète. Elle n'avait jamais eu accès au dossier médical de B et aux notes de M. D______.
Celui-ci, psychiatre, n'était par ailleurs pas sous sa responsabilité hiérarchique.

S'agissant du déroulement des faits, elle avait été mise au courant des événements du 28 avril 2017 par M. D______ suite à l'entretien téléphonique avec Mme E______. Mme F______ avait été prévenue le 28 avril 2017. C'était toutefois à une date ultérieure, mais dans les jours qui avaient suivi, que le contact avait été établi avec la brigade des mineurs. Le 2 mai 2017, des mesures de surveillance déjà mises en place à l'interne du CMP, - à savoir une surveillance accrue du groupe des quatre jeunes compte tenu de la violence récurrente sur l'un d'entre eux et sur les adultes -, avaient été étendues à l'accompagnement lors des trajets entre le tram et l'école. Une prise en charge individuelle et hebdomadaire, par son répondant, avait été décidée pour B. B n'avait jamais changé sa version des faits au cours des mois de mai et juin 2017. Les parents des enfants avaient refusé la mise à disposition de minibus du domicile des enfants au CMP matin et soir. Des entretiens référents/thérapeute/RP pour chaque enfant avaient été mis en place. Elle avait informé l'équipe être à disposition pour les rencontrer ou rencontrer les familles. Durant la semaine du 2 au 7 mai 2017, elle avait informé M. B______ de l'événement. Avaient suivi l'entretien du 4 mai 2017 de B et de son DT et celui du 11 mai 2017 avec les parents de B auquel elle n'avait pas participé.

Elle contestait en détail chacun des reproches mentionnés dans la décision. Il y sera revenu en détail dans la partie en droit du présent arrêt.

18) Le DIP a conclu à l'irrecevabilité des conclusions en apport de la procédure pénale et en audition, par lui-même, de différents témoins. Pour le surplus, il concluait au rejet du recours. Ses arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

19) La recourante a brièvement répliqué le 17 octobre 2019.

20) Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 21 novembre 2019 à huis clos. Il a été fait obligation aux parties et aux conseils de garder le secret sur les informations auxquelles ils avaient accès dans le cadre de la procédure, sous la menace des peines de l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) jusqu'à la fin de la présente procédure, en application du nouvel art. 20A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Mme A______ a précisé que le CMP accueillait dix-huit élèves entre 7 et 13 ans. L'équipe comptait neuf collaborateurs pour un équivalent entre cinq ou six équivalents temps plein. Il y avait à l'époque huit DESI à Genève. Elle avait sept CMP et quatre regroupements de classes spécialisées sous sa responsabilité. Le personnel desdites structures dépendait d'elle, à l'exception des RT. Les dossiers élèves ne comprenaient que les informations pédagogiques, à l'exclusion de celles thérapeutiques et médicales. Son bureau se situait à l'OMP à la rue David-Dufour, à l'instar des bureaux de Mme F______ et M. B______ qui étaient voisins du sien. Elle se déplaçait dans les douze structures qui la concernaient.

La recourante a détaillé à nouveau le déroulement des faits. Il y sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit.

La directive « La procédure de prise en charge dans le cadre scolaire ou de formation professionnelle d'une situation de maltraitance vis-à-vis d'un enfant ou d'un jeune », entrée en vigueur le 20 septembre 2018, a été versée à la procédure. Elle tient sur dix pages.

À l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

21) Par courrier du 30 avril 2020, le DIP a transmis à la chambre de céans copie d'un courriel de Mme A______ à M. D______ du 7 mars 2017 dont l'objet était « pratiques sexuelles entre B et C ».

La teneur en était la suivante : « Suite aux événements au CMP dont [ils] av[aient] brièvement parlé dans le couloir la semaine passée et les derniers éléments transmis par [la RP], [elle] a[vait] tenté de [le] joindre ce matin. [Elle le] remerci[ait] de mettre par écrit dans un mail, avec Jacqueline F______ en copie, les aspects factuels de ces pratiques sexuelles entre B et C (et d'autres selon ce qui est mis à jour) ».

Le DIP sollicitait une comparution personnelle des parties pour pouvoir interroger la recourante sur ces nouveaux éléments.

22) Lors de l'audience du 4 juin 2020, Mme A______ a expliqué qu'elle n'avait pas reçu de réponse de M. D______ audit courriel. Les « événements » dont ils avaient brièvement parlé faisaient suite à un échange qu'elle avait eu avec M. D______ la semaine précédente lors du passage de celui-ci dans les locaux de l'OMP. Il lui avait indiqué se poser des questions sur ce qui se passait entre les quatre jeunes. Il lui avait indiqué qu'il reprendrait cette problématique lorsqu'il retournerait, la semaine suivante, vers l'équipe du CMP.

L' « objet » du courriel aurait dû comporter un point d'interrogation. Il s'agissait d'une question. Les jeunes parlaient beaucoup de sexualité et de violence. Ils présentaient un trouble du développement et utilisaient souvent des terminologies d'ordre sexuel. Il n'existait pas à ce moment-là d'éléments concrets relatifs à des pratiques sexuelles entre eux. Elle avait essayé de joindre le RT sans y parvenir. Elle avait alors écrit ce courriel dans la précipitation en « allant droit au but ».

Dès le début de l'année, elle avait sollicité de l'équipe une vigilance maximale par rapport aux élèves de dernière année, parmi lequel le groupe des quatre enfants. Ils étaient connus de l'équipe, mais pas plus que d'autres enfants au sein du CMP. Le suivi s'était effectué de façon ininterrompue et intensive. Faisant suite à l'épisode des couteaux, des mesures avaient déjà été prises. Les parents de B avaient été vus le 20 mars 2017. Pour elle, il y avait vraiment eu deux événements factuels saillants, à savoir l'épisode des couteaux le 28 mars et l'épisode du 28 avril 2017.

Elle sollicitait l'audition de M. D______ lequel pourrait confirmer ses propos, notamment l'inadéquation des termes employés.

23) Lors de l'audience du 9 juillet 2020, le courriel du 7 mars 2017 a été soumis à M. D______ qui a expliqué qu'il ne s'en souvenait pas précisément. À son souvenir, cela devait faire suite à une préoccupation chronique de Mme E______. Ils ne partageaient pas toujours la même vision. Elle les avait souvent alertés, mais plutôt en lien avec des comportements violents. Il s'agissait d'enfants agités, qui dérangeaient beaucoup et étaient dans le rejet de l'autorité des adultes. Il y avait fréquemment des injures, y compris à caractère sexuel ou des gestes obscènes. Ce courriel se référait à cette « escalade dans le ras-le-bol » qu'avait l'équipe par rapport à ces enfants. L'équipe était plutôt dans le rejet de ces enfants et avait plusieurs fois demandé à ce qu'ils soient sortis du CMP, ce qui de son point de vue était inadéquat.

Ils n'avaient pas parlé à cette date-là de « pratiques sexuelles ». Le terme le choquait. À l'époque, il avait dû être surpris par ce terme, mais les choses avaient dû très vite se clarifier avec Mme A______ puisqu'ils se croisaient très souvent aux « tripartites » (DESI, RP et RT) ou à l'OMP. Il allait trois fois par semaine au CMP. Ils échangeaient régulièrement sur la situation. C'était probablement pour cette raison qu'il n'avait pas répondu.

Avant le 28 avril 2017, il n'avait pas le souvenir que quelqu'un lui ait parlé de pratiques sexuelles dans ce groupe d'élèves. Ce que l'équipe évoquait consistait en des insultes, des mimes ou des gestes obscènes, « du style doigt d'honneur ». Le groupe avait par exemple comme « private joke » de sortir le gros orteil par un trou de la chaussette.

Copie de ses notes concernant B lui a été soumise ("suites et traitements"), notamment le détail d'un courriel du 29 mars 2017 au Dr  S______, psychiatre privé traitant de B. La mention de « promiscuité sexuelle » de B avec ses copains correspondait aux comportements sus-décrits. Les enfants ricanaient beaucoup, avaient des propos obscènes, désignaient leur sexe. Deux difficultés se posaient : les enfants n'étaient pas assez différenciés au sein de leur groupe et il était dur pour les adultes d'avoir accès à chacun, individuellement, pour pouvoir s'en occuper. Par ailleurs, les enfants étaient tout le temps entre eux, créant une émulation.

Il confirmait avoir téléphoné le 28 avril 2017 à la brigade des mineurs. Il confirmait ses notes à ce propos. Par la suite, B avait nié les faits.

Il était en désaccord avec la RP. Il pensait que les enfants devaient pouvoir être auditionnés par la police. Or, Mme E______ avait confronté les enfants. À partir de là, leurs réponses étaient influencées.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) La recourante a pris plusieurs conclusions préalables qu'il convient d'analyser.

En premier lieu, elle conclut à ce qu'il soit ordonné au DIP de produire l'intégralité du dossier relatif aux griefs formulés à son encontre, en particulier la dénonciation du père du 8 juin 2018, son complément du 20 août 2018, toute pièce, document, note et procès-verbal produits par le père, les procès-verbaux d'auditions de toutes les personnes qui sont intervenues de près ou de loin pour B, C et A et les pièces produites ainsi que l'intégralité du dossier relatif à Mme F______ et à MM. B______ et D______ relatif à B, C et A pour le suivi du CMP durant l'année 2016-2017.

a. Toute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d'entraîner l'ouverture d'une procédure administrative (art. 10A 1ère phr. LPA).

La procédure disciplinaire consiste dans le processus qui vise à sanctionner une personne soumise à une surveillance étatique qui viole ses droits légaux afin de la faire revenir à une attitude conforme au droit (Thierry TANQUEREL, Les tiers dans les procédures disciplinaires in Les tiers dans la procédure administrative, Pratique du droit administratif, Genève, 2004, p. 97). L'autorité se saisit ainsi de dénonciations qui invoquent une violation susceptible d'être répétée, de dispositions claires du droit matériel ou d'une procédure, soit une situation qu'un État de droit ne peut pas tolérer de façon durable (Benoît BOVAY, Procédure administrative, Berne, 2015, p. 167).

En l'espèce, les courriers des 8 juin et 20 août 2018 répondent à la notion de dénonciation. Celle-ci consacre le droit, en l'occurrence du père, de dénoncer des faits qui appellent, dans l'intérêt public, une intervention d'office contre une autorité.

b. Le dénonciateur n'a aucun droit de partie, même si son action a initié la procédure. Seules sont parties à la présente procédure la recourante et l'autorité intimée (ATF 133 II 468 ; Thierry TANQUEREL, Le contrôle de l'administration par les citoyens suisses in Surveillance et contrôles de l'administration, Genève, 2008, p. 183).

Les parties ont le droit de consulter les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA).

En l'espèce, si la dénonciation du père est sans conteste à l'origine de la présente procédure, celle-ci n'est pas au dossier, ne sert pas de fondement à la décision querellée et n'est pas de nature à modifier l'issue du litige. De même, les procès-verbaux d'auditions de toutes les personnes qui sont intervenues de près ou de loin dans la situation des trois autres jeunes et les dossiers d'autres fonctionnaires de l'État ne font pas partie de la présente procédure, ne sont pas pertinents et ne sont pas utiles pour apprécier le bien-fondé de la décision querellée. La recourante n'indique d'ailleurs pas en quoi l'apport de ces pièces serait de nature à confirmer le bien-fondé de son recours. Tout au plus, peut-on voir là une démonstration de la difficulté à établir de façon précise le déroulement des faits dès le 28 avril 2017, argument qui plaiderait en faveur de l'autorité intimée qui reproche précisément à la recourante de ne pas avoir intégré au dossier des documents écrits lui permettant d'avoir une vision globale et bien documentée des faits. Il ne sera en conséquence pas fait droit aux requêtes de la recourante, pour ces raisons déjà.

3) La recourante conclut également à l'apport de la procédure pénale relative à la plainte du père, respectivement de son fils, et à sa communication à la recourante.

Elle n'indique toutefois pas la pertinence de cet acte d'instruction dans le cadre du présent litige. Non motivée, la requête sera écartée.

4) La recourante conclut en outre à l'audition par le DIP de huit témoins et réserve l'audition de tout autre intervenant dans la situation des trois jeunes concernés. Lors de la dernière audience de comparution personnelle, elle a sollicité l'audition du RT.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

b. En l'espèce, la recourante n'indique pas en quoi les témoignages requis pourraient être pertinents pour l'issue du présent litige. Elle n'indique pas non plus les raisons pour lesquelles il conviendrait de renvoyer le dossier pour complément d'instruction à l'autorité intimée. Par ailleurs, il a été donné suite à la demande d'audition du RT formulée lors de la dernière audience de comparution personnelle des parties. Pour le surplus, la chambre de céans considère qu'elle est en possession d'un dossier complet et en état d'être jugé. Il ne sera en conséquence pas donné suite à cette conclusion.

5) La recourante conclut au constat de la nullité de l'entretien de clarification des faits du 29 août 2018, au motif de la violation de son droit d'être entendue.

a. L'autorité a l'obligation d'établir d'office les faits (art. 19 LPA). Elle doit réunir les renseignements nécessaires et procéder aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie notamment les interrogatoires et renseignements des parties ainsi que les témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 1 et 2 let. b et c LPA). Avant la prise de la décision, l'autorité n'est pas obligée de tenir un procès-verbal des auditions auxquelles elle procède (arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.3 ; ATA/1287/2019 du 27 août 2019 consid. 18).

Selon la procédure administrative genevoise, le droit d'être entendu accorde aux parties à une procédure le droit de participer à l'audition des témoins
(art. 42 LPA). La chambre de céans a déjà eu l'occasion de préciser que cette disposition n'empêche toutefois pas l'employeur, dans le cadre du rapport de travail qui le lie à ses employés, d'entendre ces derniers au sujet d'une plainte qu'ils formulent, pour évaluer la situation et juger de la pertinence des faits soulevés et de l'opportunité d'ouvrir une enquête administrative. De tels entretiens relèvent de la gestion du personnel et du rôle hiérarchique que les représentants de l'institution assument à l'égard de leurs subordonnés. Ils se différencient, matériellement, de l'enquête administrative qui intervient subséquemment, avec pour fonction d'instruire la plainte et d'établir la réalité des reproches faits au fonctionnaire incriminé. Cette procédure ne peut se dérouler sans procès-verbaux et sans la présence des parties, sauf exceptions prévues par la loi. Les auditions préliminaires peuvent être versées au dossier dans la procédure subséquente, comme toute pièce en rapport étroit avec le litige. L'employé incriminé doit cependant pouvoir se déterminer à leur sujet, si les procès-verbaux de ces auditions ont été joints au dossier (ATA/421/2008 du 26 août 2008, consid. 5).

b. En l'espèce, l'entretien de clarification des faits du 29 août 2018 a servi à établir ceux-ci au sens des articles précités. Il a par ailleurs fait l'objet d'un procès-verbal, dont une copie a été transmise à la recourante laquelle a pu se déterminer à son propos.

La requête de la recourante tendant au constat de la nullité de l'entretien de clarification des faits du 29 août 2018 est infondée et en conséquence rejetée.

6) La recourante conclut au constat de la nullité des entretiens de clarification des faits menés par le DIP avec d'autres collaborateurs dans le cadre de la présente procédure.

S'agissant d'une conclusion qui concerne des tiers, non parties à la présente procédure, et au vu du considérant qui suit, cette conclusion est sans objet pour autant qu'elle soit recevable.

7) La recourante conclut à ce que les comptes rendus de tous les entretiens de clarification des faits soient retirés de son dossier et de la procédure.

Il ne sera pas fait droit à la requête de la recourante s'agissant de son propre compte-rendu d'entretien, le document étant conforme aux règles de procédure.

Les comptes rendus d'entretiens de tiers n'ayant pas été versés à la présente procédure, cette conclusion est sans objet.

8) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 5 juin 2019 de la conseillère d'État en charge du département prononçant la suspension d'augmentation du traitement de la recourante pendant une durée déterminée de trois années.

9) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

10) a. Chaque élève a droit, dans le cadre scolaire, à une protection particulière de son intégrité physique et psychique et au respect de sa dignité (art. 114 al. 1 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10).

b. L'école publique complète l'action éducative de la famille en relation étroite avec elle. Elle peut également solliciter des collaborations diverses de la part des milieux culturels, associatifs, économiques, politiques et sociaux (al. 1). Les parents d'élèves mineurs sont entendus avant toute décision importante concernant leur enfant (art. 13 al. 2 LIP).

11) Les art. 20 à 26 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) définissent les devoirs du personnel.

a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

b. Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) ; d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b) ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC).

Un fonctionnaire, pendant et en dehors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5).

c. Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Ils doivent se tenir au courant des modifications et des perfectionnements nécessaires à l'exécution de leur travail; ils peuvent, à cet effet, demander ou être appelés à suivre les cours de perfectionnement prévus à l'art. 12 (art. 22 al. 5 RPAC).

d. L'art. 23 RPAC précise que les membres du personnel chargés de fonctions d'autorité sont tenus en outre, notamment, de diriger leurs subordonnés, d'en coordonner et contrôler l'activité (let. b) d'assurer l'exécution ou la transmission des décisions qui leur sont notifiées (let. d), d'informer leurs subordonnés du fonctionnement de l'administration et du service (let. e).

12) En vertu de l'art. 16 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

13) a. Le droit disciplinaire se rattache au droit administratif, car la mesure disciplinaire n'a pas en premier lieu pour but d'infliger une peine : elle tend au maintien de l'ordre, à l'exercice correct de l'activité en question et à la préservation de la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (ATF 108 Ia 230 consid. 2b et consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 1.1 ; ATA/1255/2015 du 24 novembre 2015 consid. 7b ; ATA/632/2014 du 19 août 2014 consid. 14 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss).

Il n'a aucunement trait à la protection des intérêts de celui qui serait lésé par l'acte d'un agent public (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, n. 5.3.5.2).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., Zurich 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, Bâle 2014, n. 2249 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève 2018, n. 1228, p. 417).

Alors qu'en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (Ursula MARTI/Roswitha PETRY, La jurisprudence en matière disciplinaire rendue par les juridictions administratives genevoises, RDAF 2007 p. 227 ss, p. 235 ; Peter HÄNNI, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht I/2 - Personalrecht des Bundes, Bâle 2004, n. 231 ; Gabriel BOINAY, op. cit., p. 62 ss).

La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/808/2015 du 11 août 2015 consid. 5e ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 55, p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50, p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51, p. 14).

c. Même si un sujet de droit disciplinaire prête à une situation toute l'attention souhaitable, il n'est pas impossible qu'une erreur ou un malentendu se produise. Il peut ainsi, par exemple, se croire, à tort, délié du secret professionnel. Dans ce cas, si l'intéressé a pris les précautions voulues, la jurisprudence fait application de la règle pénale de l'erreur de fait (art. 13 CP) pour apprécier son comportement selon la manière dont il a compris la situation (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 53, p. 14).

Selon l'art. 13 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (al. 1). Quiconque pouvait éviter l'erreur en usant des précautions voulues est punissable pour négligence si la loi réprime son acte comme infraction par négligence (al. 2). Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240). L'intention délictuelle fait alors défaut. L'erreur ne peut conduire à un acquittement que si elle est excusable (Michel DUPUIS/Bernard GELLER/Gilles MONNIER/Laurent MOREILLON/ Christophe PIGUET/Christian BETTEX/Daniel STOLL [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2016, n. 18 ad art. 13). Si elle est évitable et que l'auteur n'use pas des précautions voulues pour l'éviter, il est punissable par négligence. Tout comme les infractions punissables par négligence, il convient de prendre en compte les circonstances et la situation personnelle de l'auteur (ATF 119 IV 255 consid. 2c). On assimile à l'erreur sur les faits le cas où l'auteur retient par erreur pour donné un état de fait qui, s'il était vraiment réalisé, serait de nature à rendre justifié son comportement (justification putative) (ATF 134 II 35 consid. 5.3).

14) L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l'intérêt du recourant à poursuivre l'exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l'intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 6a).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par
l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

15) Le département considère que la recourante a violé plusieurs de ses devoirs.

Dans un premier reproche, le DIP indique que : « Malgré la gravité des faits portés à votre connaissance le 28 avril - qui faisaient par ailleurs suite à un épisode violent impliquant des couteaux, survenu un mois plus tôt entre les mêmes élèves du CMP - et les alertes de l'équipe pédagogique précisant qu'elle n'était plus à même de garantir l'intégrité physique et psychique de ces élèves, ainsi que sa demande de séparer ces élèves, vous n'avez pas adressé ou transmis une information écrite au directeur général de l'OMP ».

Il est établi et non contesté que le directeur général de l'OMP a été mis au courant des événements qui s'étaient déroulés le vendredi 28 avril 2017 dans le courant de la semaine suivante. Le reproche ne porte que sur l'absence d'écrits. Le département n'indique pas sur quelle base légale ou réglementaire il se fonde. L'autorité intimée ne conteste pas qu'aucune directive claire, écrite, n'existait pour décrire la procédure à suivre dans ce type de situation à l'exception d'une note de service, datant du 11 octobre 2012, tenant en treize lignes, traitant de la suspicion de cas de maltraitance ou d'abus sexuel concernant des élèves de l'enseignement spécialisé.

Selon celle-ci, dans un tel cas, le RT de la structure devait être immédiatement informé. Il lui appartenait de contacter l'unité d'urgence pour avis ou traitement de ce cas et accompagnement de l'enfant concerné et de sa famille. Si le RT de la structure n'était pas disponible, le RP, voire l'enseignant ou l'éducateur concerné, en cas d'urgence, devait prendre contact directement avec l'unité d'urgence. Ladite procédure visait à protéger l'enfant qui ne devait pas se faire imposer de décrire de manière répétée ce qu'il avait ou aurait subi par « les différents adultes qui l'entourent ». La procédure devait permettre de réserver, dans les cas qui le justifiaient, l'audition de l'enfant par les services de police dans de bonnes conditions. En conséquence, même à appliquer cette directive, il n'en résultait pas l'obligation pour la recourante d'adresser une information écrite, sous forme de note ou fiche de signalement ou sous toute autre forme, courriel notamment, à M. B______ à transmettre par voie hiérarchique au directeur général de l'OMP.

Le grief de n'avoir pas transmis une information écrite au directeur de l'OMP n'est ainsi pas fondé.

16) Dans un deuxième reproche, l'autorité intimée critique le fait que la recourante ait géré la situation principalement sous la forme d'une communication orale sans que des documents écrits ne soient intégrés au dossier concernant son suivi des élèves concernés, conduisant le secrétariat général à ne disposer que d'informations partielles, lacunaires et parfois contradictoires ne lui permettant pas d'avoir une vision globale et bien documentée de la prise en charge offerte par le DIP au jeune.

Plus précisément, l'autorité intimée reproche à l'intéressée d'avoir transmis, par courriel du 2 juillet 2018, une première version de ses notes concernant la situation de B à l'attention de M. B______ tout en ayant relevé, par courriel du 6 juillet 2018, en réponse aux questions de celui-ci sur la cohérence des dates et des actions, avoir des doutes sur la description du 2 mai 2017, puis avoir, par courriel du 9 juillet 2018, reconnu un décalage à propos de la description de la journée du 28 avril 2017.

Il ressort du dossier deux versions du document établi par la recourante décrivant le déroulement des faits. La deuxième est plus détaillée, notamment sur les mesures décidées le 2 mai 2017, et l'information faite dans la semaine du 2 au 7 mai 2017 par elle-même au directeur pédagogique, en parallèle de l'information faite par le RT à la directrice médicale adjointe. La description des faits du 28 avril 2017 est assez succincte dans les deux versions. Selon les notes de la recourante, elles se fondent sur le compte rendu du RT.

Il ressort par ailleurs de l'échange de courriels entre la recourante et le DEESE qu'elle lui a soumis son premier compte rendu en indiquant qu'elle avait « fait un historique global », qu'elle avait « un doute » sur ce qu'elle avait « écrit en rouge », qui se rapportait aux faits du 2 mai 2017, qu'elle lui demandait de « confirmer ou non », puis qu'elle avait reconnu qu'il y avait « un décalage qu'elle [allait] reprendre avec [le RT], « afin que cela corresponde », transmettant finalement « le texte modifié selon les dernières remarques ».

En audience, la recourante a précisé que ce genre de situation d'abus sur mineur n'était pas fréquent. Elle y avait été confrontée une fois alors qu'elle était DIR-E. Au moment de comprendre le déroulement des faits, en 2018, elle n'était plus en mesure de fournir à sa hiérarchie le détail précis des faits.

Il peut en conséquence lui être reproché de n'avoir pas veillé à la réalisation des tâches incombant à son service au sens de l'art. 23 let. c RPAC dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de transmettre à sa hiérarchie les éléments pertinents sur le déroulement des faits de 2017, de sorte que celle-ci puisse appréhender la situation avec la précision nécessaire.

Le grief d'une gestion administrative lacunaire et inadéquate du suivi de cette situation est fondé.

17) Il est reproché à la recourante de n'avoir pas participé à la rencontre avec les parents du jeune B.

La recourante ne conteste pas n'avoir pas pris part audit entretien. Elle indique, sans être contredite, avoir fait valider, à l'époque, par son supérieur le fait de ne pas être présente à cet entretien. Le grief n'apparaît pas fondé.

18) Le département reproche à la recourante de n'avoir pas sérieusement pris en compte les soupçons d'acte de sodomie à l'encontre de B pour solliciter une mesure de protection plus forte, par exemple en demandant que B et C ne soient plus scolarisés dans le même établissement.

Il ressort du dossier que ce n'est qu'en septembre 2017 que B s'est ouvert de ce qu'il avait vécu auprès de Mme O______. À cette époque, les enfants n'étaient plus scolarisés dans le même établissement.

a. La question se pose de savoir si, comme le soutient le département, la recourante n'a pas sérieusement pris en compte les soupçons d'acte de sodomie.

Il ressort du déroulement des faits, tels que décrits dans les notes du RT, que dès le 28 avril 2017, l'information a circulé auprès des professionnels de l'établissement concerné. Le département n'indique d'ailleurs pas qu'un professionnel concerné par la situation n'aurait pas été informé.

Le RT a entendu, séparément et collectivement, les enfants concernés. À aucun moment de la contrainte n'a été évoquée, ni par B dans le cadre de l'entretien individuel, ni dans les entretiens menés par le RT avec les autres enfants, ni dans les confrontations menées par la RP et le référent de B, ni lors de l'entretien avec les parents de B et ce dernier.

Au vu des renseignements obtenus, le RT a pris conseil auprès de la brigade des mineurs. Toujours selon les notes du RT, le chef de la brigade des mineurs aurait retenu comme pertinents qu'il « s'agissait de faits rapportés, de dénonciation d'un tiers, que ce n'était pas l'intéressé qui s'était confié, qu'il n'y avait pas de différence d'âge ni de notion de contrainte ».

Le RT a dûment mis en avant le fait qu'il existait une dynamique particulière dans le groupe et qu'il pouvait y avoir « forçage, sentiment d'obligation, et qu'il y a[vait] des comportements d'emprise ». Le chef de la brigade des mineurs auraitprécisé qu'il ne « s'agissait pas de la contrainte au plan juridique, notion qui faisait intervenir la force ou la menace, d'une arme par exemple ». Enfin, « une information non vérifiée, que le jeune n'avait pas confirmée, ne pouvait pas être transmise aux parents ».

b. Tous ces renseignements ont été transmis à la recourante.

L'autorité intimée critique la prise en charge et reproche à la recourante de ne pas avoir suffisamment pris en compte les soupçons d'acte de sodomie à l'encontre de B.

Il ressort des récits ultérieurs de B que la représentation que les intervenants se sont faite, à l'époque, des faits litigieux ne correspondait pas à la réalité.

Conformément à l'art. 13 CP, appliqué par analogie (ATA/729/2016 du 30 août 2016 consid. 8c), il convient de déterminer si l'erreur pouvait être évitée et si l'auteur a usé des précautions voulues, en se plaçant au moment de la survenance des événements pour examiner si, à cette époque, la recourante a failli à ses devoirs.

La recourante a fondé son comportement sur les renseignements en sa possession, notamment les dénégations des enfants, la prise de position de la brigade des mineurs malgré l'insistance du RT, l'évaluation de celui-ci, lequel connaissait les enfants, les avait auditionnés et avait discuté de la situation avec la RP desdits enfants. Il ressort certes des documents que l'équipe n'était pas unanime sur la prise en charge. La principale divergence émanait de l'enseignant, remplaçant, qui avait recueilli la parole de l'enfant, étant rappelé que ceux-ci étaient jeunes puisqu'en âge de scolarité primaire.

Or, l'autorité intimée ne détaille pas les reproches concrets qu'elle adresse à la recourante dans cette prise en charge. Elle se limite à un reproche vague et n'indique ni ce que l'intéressée aurait fait faux, ni ce qu'elle aurait dû faire, ni quelles précautions elle aurait dû prendre et n'aurait pas prises. Elle ne se prévaut pas de ne pas s'être conformée à une directive que le département aurait émise.

De surcroît, la prise en charge faite par la recourante a été validée par la directrice de l'OMP, sa supérieure hiérarchique. Ladite supérieure n'a pas remis en cause la prise en charge proposée, ni immédiatement, ni ultérieurement, ce que le département ne conteste pas.

Si, certes, la chambre administrative s'interroge sur plusieurs points à propos de la qualité de la prise en charge et du suivi dès la survenance des faits, il ne lui appartient toutefois pas de déterminer, à la place du département, ce que l'employeur reproche précisément à sa collaboratrice. Il ne lui appartient de même pas, en l'absence de ces précisions, d'analyser ce que d'autres intervenants auraient dû faire.

c. S'agissant dès lors du seul reproche clairement formulé par le département, soit de ne pas avoir envisagé de séparer les enfants dans des établissements distincts, il ressort de l'audition de la recourante qu'une telle demande a été formulée pour les quatre enfants auprès d'autres DESI. Un déplacement était toutefois soumis à la disponibilité des places, lesquelles étaient rares. En l'espèce, aucune n'était disponible pour que les enfants concernés puissent être déplacés. Il n'était pour le surplus pas de la compétence de la recourante d'imposer un changement d'établissement entre deux EFP. Une telle décision revenait au supérieur hiérarchique de l'intéressée, en l'occurrence M. B______, dont il n'est pas contesté qu'il était au courant de la situation. Le reproche n'est en conséquence pas fondé.

d. Le courriel versé à la procédure en mai 2020 n'est pas de nature à modifier ce qui précède. La recourante a détaillé lors de l'audience les raisons de l'envoi de ce courriel et le fait que les termes employés étaient inadaptés en l'absence de tout élément concret relatif à des pratiques sexuelles entre deux des enfants. Les termes employés par ceux-ci étaient toutefois empreints de connotations sexuelles et violents, raison de l'envoi dudit courriel.

Entendu en audience, le RT a confirmé que les termes employés dans ledit courriel étaient trop forts. À l'époque, les intervenants n'avaient pas connaissance de pratiques sexuelles entre les enfants.

Par ailleurs, le suivi de B ressort du dossier. Le courriel date du 7 mars 2017. Il ressort des notes de la DESI qu'un temps de travail en commun (ci-après : TTC) s'est déroulé le 13 mars 2017. Il a réuni l'équipe, la RP, le RT et la DESI. La situation de B a été évoquée puisqu'il en est fait mention dans son suivi personnel. Toutefois, il est mentionné « TTC mensuel habituel ». De même un « Entretien de suivi courant et projet de sortie [au CMP] » est indiqué le 20 mars 2017. Cet entretien a réuni les référents enseignant et éducateur de B ainsi que les parents de B.

Les notes du RT évoquent cet entretien avec les parents. Il y est précisé « Nous évoquons les difficultés de B dans un groupe de quatre camarades à la dynamique particulière et où il peine à se différencier. Il a tendance à privilégier le lien à ses copains et peut se mettre en opposition face aux adultes. Son attitude est différente en individuel où il est respectueux et peut profiter du soutien ».

Les notes du RT font par ailleurs état de l'entier d'un courrier adressé par le RT au médecin psychiatre de l'enfant. Le RT l'informe des difficultés présentées par l'élève. Il évoque « la multiplication de barrières franchies ces temps : promiscuité sexuelle avec ses copains, coups sur les adultes, et ses parents, et dernièrement il est venu avec un couteau (canif) au CMP pour planter un voisin de quartier à qui il en veut, et voulait s'en servir contre l'un de ses copains ».

Le courriel versé à la procédure en mai 2020 n'établit pas le reproche formulé par l'autorité intimée, à savoir que la recourante n'aurait pas sérieusement pris en compte les soupçons d'acte de sodomie à l'encontre de B pour solliciter une mesure de protection plus forte.

19) Le département reproche à la recourante de n'avoir pas communiqué à ses collègues DESI, à l'occasion de la préparation de l'année scolaire 2017-2018, entre avril et juin 2017, de manière explicite l'ensemble des motifs justifiant que B et C ne soient pas dans le même établissement scolaire et de ne pas avoir mentionné qu'il y avait eu un soupçon d'actes de sodomie entre ces deux élèves dont B aurait été la victime.

Il ressort du dossier que le courriel initial sollicitant la séparation des enfants provient de la RP. La recourante est par la suite intervenue à plusieurs reprises, par des courriels relativement brefs, pour « éviter que ces deux élèves soient ensemble, afin de casser une dynamique entre eux qui n'est pas constructive ».

Dans la représentation des faits par tous les intervenants professionnels autour des enfants, ceux-là n'étaient pas punissables s'agissant d'enfants dont la différence d'âge était de moins de trois ans et pour lesquels il n'était pas connu d'éléments de contrainte. Par ailleurs, la RT de l'EFP dans lequel il était prévu que B soit transféré, rôle temporairement assuré par Mme F______, était déjà au courant de la situation en sa qualité de supérieure hiérarchique du RT du CMP concerné.

Il n'est pour le surplus pas reproché à la recourante de n'être pas intervenue afin que les enfants soient séparés, le reproche ne portant que sur l'absence de communication explicite. La nécessité de celle-ci, compte tenu de la personnalité de la RT ad interim dans l'EFP concerné et du fait que le résultat voulu a été obtenu même sans explications explicites, doit être en conséquence fortement relativisée. Le reproche n'est en conséquence que partiellement fondé.

20) Le département reproche à la recourante de n'avoir pas pris en compte les propos, en septembre 2017, de ses deux collègues DESI, la questionnant quant à savoir si elle était au courant du viol dont avait été victime B au cours de l'année scolaire 2016-2017 au CMP.

Lors de l'audience, la recourante a confirmé avoir eu une réaction de surprise, laquelle démontrerait sa bonne foi. Celle-ci ne saurait toutefois excuser l'absence d'écoute, de prise en considération et d'approfondissement des informations transmises par ses collègues sur la gravité de la situation. La présentation à ceux-ci, par la recourante, de la gestion effectuée par le CMP de la situation apparaît plus comme une réaction de défense et était inadéquate. Le reproche de l'autorité intimée à l'encontre de la recourante de n'avoir pas questionné ses collègues sur leurs sources d'information ou la teneur complète de l'information qui leur avait été communiquée ainsi que le fait qu'elle n'a pas envisagé que les faits allégués puissent être plausibles est indéniablement fondé. Même en se fondant sur la connaissance des faits de la recourante, ceux-ci, impliquant plusieurs enfants, fondés à l'origine sur les seuls dires de l'un d'entre eux, évoquant des faits graves, imposaient qu'une attention particulière y soit portée. Cette absence d'intérêt est inacceptable et a fortement entravé une prise en charge adéquate de l'enfant pendant plusieurs mois. La violation des devoirs de collaboration attendue de sa fonction à l'égard de collègues en charge du suivi des élèves de l'EFP et son refus de porter du crédit aux informations concernant les révélations faites par le jeune lui-même enfreint le droit de l'élève de bénéficier d'une protection de son intégrité physique et psychique, et au respect de sa dignité dans le cadre scolaire (art. 21 let. a RPAC). C'est à bon droit que l'autorité intimée relève que, pour le moins à ce moment-là, une réévaluation de la situation vécue par le mineur concerné aurait dû être effectuée, laquelle aurait dû tenir compte de la libération de la parole de cet élève.

Le reproche est fondé.

Il est en conséquence établi que la recourante a violé ses devoirs de service.

21) a. L'autorité intimée a, pour déterminer la sanction, retenu en faveur de l'intéressée le fait qu'elle exerçait son activité depuis vingt-sept ans sans qu'aucun reproche n'ait été formulé et qu'aucun antécédent ne figure à son dossier, hormis l'avertissement du 28 mai 2015.

En défaveur de l'intéressée, a été pris en compte chacun des manquements précités ainsi que leur gravité.

b. Il ressort du raisonnement qui précède que pas tous les manquements reprochés par le département ne peuvent être retenus à l'encontre de la recourante à l'instar de l'absence de transmission d'une information écrite à M. B______, l'absence de sollicitation d'une mesure de protection en faveur des enfants telle qu'une scolarisation dans un établissement différent. L'absence de communication à ses collègues DESI de manière explicite des mesures justifiant la séparation des enfants pour l'année scolaire 2017-2018 doit être relativisée.

Deux manquements apparaissent graves, à savoir l'absence de consignation du déroulement de faits importants avec précision, de façon à pouvoir, ultérieurement, de façon fiable, établir les faits et l'absence d'écoute et de prise en compte des dires de ses deux collègues en septembre 2017.

c. Toutefois, il ressort de l'audience de comparution personnelle des parties que les DIR-E bénéficient d'un accompagnement lors de leur prise de fonction, y compris d'un parrainage. Or, rien de tel n'existe à la prise de fonction de DESI. De même, les DIR-E bénéficient de nombreux documents et de directives à leur disposition. Rien de tel n'est mis à la disposition des DESI. Ces allégations n'ont pas été contestées par l'autorité intimée. De même, l'affirmation selon laquelle il existait dans l'enseignement des formulaires de signalement de situation, inexistants dans la filière de l'enseignement spécialisé, n'a pas été contredite par le département. La recourante a indiqué avoir été confrontée à une situation similaire alors qu'elle était DIR-E. La procédure était claire et s'était bien déroulée. Elle en avait référé à sa direction, en l'occurrence le service santé et jeunesse, et le suivi avait été mis en place. La procédure dans l'enseignement spécialisé n'était pas définie. La recourante n'avait retrouvé la directive de 2012 que dans le cadre de la préparation de sa défense dans la présente procédure. La directive n'était pas à sa disposition à l'époque, ce que le département n'a pas contesté. La procédure n'y est que sommairement décrite. La DESI n'apparaît que pour dire qu'elle doit être informée de la situation. Il n'existait en conséquence à l'époque des faits aucune directive claire sur la procédure à suivre et les responsabilités de chacun, notamment du RP, du RT, des DIR-E et DESI, du directeur médical ou de la direction générale de l'OMP. Le département ne le conteste pas, celui-ci ayant, depuis, rédigé un document de dix pages détaillant la prise en charge dans le cadre scolaire de formations professionnelles d'une situation de maltraitance à l'égard d'un enfant ou d'un jeune et indiquant le cadre, les principes de base ainsi que la procédure détaillée. Cette directive précise le rôle du collaborateur qui suspecte ou est informé d'un contexte de faits lié à la maltraitance ainsi que le rôle de l'établissement, sur deux pages, avant de traiter le rôle de la hiérarchie. À ce document est par ailleurs joint un formulaire de trois pages de « gestion et suivi par le supérieur hiérarchique ». Enfin, un visio-logigramme du signalement de maltraitance permet de visualiser, sur une page, les rôles et liens entre les RP, RT, des DIR-E et DESI, la direction générale, la directrice générale et la cellule maltraitance.

Sans excuser les fautes de la recourante, l'absence de directives claires de la part de son employeur quant à la prise en charge de ce type de situation doit être retenue à la décharge de la collaboratrice.

Doit de même être retenu en sa faveur le fait qu'elle ait relevé l'absence de telles directives et s'en soit inquiétée auprès de tiers. Elle a ainsi déclaré, sans être contredite, avoir essayé, avec un collègue, de récupérer des informations pour le suivi des élèves ainsi que sur la gestion des ressources humaines. Elle a précisé s'être « beaucoup battue pour que [nous] obten[ions] des directives écrites ».

Elle avait de même relevé, dans son EEDM d'octobre 2015, qu'il lui manquait un répertoire de notes de service et de réglementations plus officiel.

S'agissant de la mauvaise gestion administrative de la situation, et de son absence de notes fiables permettant d'établir le déroulement précis des faits, la recourante avait relevé, dans ledit EEDM, qu'elle avait eu quelques difficultés à s'adapter à la culture, plus orale, pratiquée à l'OMP. Elle avait de même mentionné la surcharge de travail. Dans ces conditions, la gravité de la faute doit être atténuée par le fait que la gestion plus orale des situations n'est pas le fait de la recourante, qu'elle a dû s'y adapter et que cette nouvelle pratique ne lui était pas aisée.

Dès lors l'absence de formation spécifique des DESI, l'absence de directives claires pour la gestion de ce type de situation, l'implication de la recourante aux fins d'obtenir une clarification des procédures, ainsi que la gestion orale des situations au sein de l'OMP doivent être retenues en faveur de l'intéressée dans le cadre de la fixation de la quotité de la sanction. Tel n'a toutefois pas été le cas.

Dans ces conditions, la sanction de suspension d'augmentation du traitement pendant une durée de trois ans apparaît disproportionnée, puisqu'elle retient, à tort, certains comportements comme fautifs et qu'elle n'a pas replacé les faits dans le contexte institutionnel de l'époque, principalement l'absence de directives claireset la culture orale du fonctionnement de l'OMP.

La sanction plus légère, à savoir le blâme, apparaît cependant insuffisante compte tenu de la gravité des fautes, singulièrement du manque d'écoute et de disponibilité aux évocations des DESI des EFP pour entendre la réalité des faits réellement vécus par l'enfant. En conséquence, la sanction de suspension d'augmentation du traitement subsistera, mais sera réduite à une période plus courte, soit deux ans, pour autant que le mécanisme des annuités n'ait pas été suspendu par le Conseil d'État.

22) Lors de la première audience devant la chambre de céans, il a été fait application de l'art. 20A LPA, selon lequel les autorités visées à l'art. 28 LPA peuvent obliger tous les participants à la procédure, ainsi que le conseil juridique, le mandataire professionnellement qualifié ou la personne de confiance à garder le secret sur les informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre de la procédure, lorsque la manifestation de la vérité ou la protection d'un autre intérêt public ou privé prépondérant l'exigent. Elles le font sous la commination de la peine prévue à l'art. 292 CP. Cette obligation doit, en principe, être limitée dans le temps.

En audience, la durée de l'interdiction a été fixée jusqu'à la fin de la présente procédure.

Compte tenu du fait que la présente procédure concerne quatre mineurs, ladite obligation de garder le secret sera maintenue pour ce qui concerne tous les éléments à même de les identifier, notamment leur identité (nom, prénom, date de naissance), celle de tous les intervenants ainsi que les coordonnées des établissements CMP et EFP concernés. L'obligation ne sera exceptionnellement pas limitée dans le temps au vu, principalement, de la gravité des faits dénoncés par B et du fait qu'ils concernent quatre enfants mineurs à l'époque des faits.

23) Vu l'issue du recours, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.-, à la charge du département, sera allouée à la recourante qui n'obtient que partiellement gain de cause.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2019 par Madame A______ contre la décision de la conseillère d'État en charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 5 juin 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

réduit la durée de la suspension d'augmentation du traitement à deux ans ;

la confirme pour le surplus ;

fait obligation à tous les participants à la présente procédure de garder le secret dès le prononcé du présent arrêt, sur tous les éléments permettant de déterminer l'identité des mineurs, celle des intervenants et les coordonnées des établissements concernés au sens des considérants, sous les menaces de la peine prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Madame A______ à la charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Saskia Ditisheim, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :