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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2664/2010

ATA/1185/2020 du 24.11.2020 sur JTAPI/1274/2018 ( LCI )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2664/2010-LCI ATA/1185/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 novembre 2020

sur appel en cause

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______, Madame C______ et D______
représentés par Me Laurent Winkelmann, avocat

contre

E______
représenté par Me Alain Maunoir, avocat

et

F______, appelée en cause

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2018 (JTAPI/1274/2018)


EN FAIT

1) Début novembre 2009, Monsieur A______, Monsieur B______, Madame C______, fille du premier et épouse du second, ainsi que D______ - dont l'administrateur unique disposant de la signature individuelle est M. B______ - (ci-après : les requérants) ont obtenu l'autorisation de construire plusieurs immeubles d'habitation avec commerces, garage souterrain et des aménagements extérieurs, situés aux 9, 11, 13 et 15, chemin G______, sur la commune de la F______ (ci-après : F______), section H______, en zone de développement 3. Cette autorisation, enregistrée sous DD 1______, n'a pas fait l'objet de recours.

2) Le projet s'inscrivait dans le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 2______, précédemment adopté le 4 mai 2005 par le Conseil d'État et actuellement concrétisé. Ce PLQ, qui a donné lieu à d'autres autorisations de construire, porte sur un périmètre qui borde le cycle d'orientation G______ et le chemin I______, ce dernier se trouvant entre la route J______ et la route K______ et séparant F______ de la commune de L______. L'accès en voiture aux garages souterrains construits dans ce périmètre se fait par le chemin I______ et est limité aux ayants droit.

Trois autres PLQ nos 3______, 4______ et 5______ ont été, à ce jour, adoptés le long du chemin I______, sur le territoire de F______, le dernier, datant d'avril 2019, n'ayant encore donné lieu à aucune autorisation définitive de construire.

3) Le 2 juillet 2010, le département des constructions et des technologies de l'information (devenu depuis le 1er juin 2018 le département du territoire, ci-après : le département) a adressé, aux requérants de l'autorisation de construire DD 1______, une facture de CHF 535'933.65 y relative concernant la taxe d'équipement public, pour une surface brute de plancher (SBP) indexée de 12'057 m2 à CHF 44.45 le m2. Cette facture était exigible au plus tard à l'ouverture du chantier.

4) Le 5 août 2010, les requérants ont recouru contre cette facture auprès de l'ancienne commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à son annulation.

5) Suite à la modification de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) concernant la taxe d'équipement, une fondation de droit public dotée de la personnalité juridique a été instituée, soit le E______ (ci-après : E______), lequel a succédé au département en tant que partie dans la présente procédure.

6) L'aménagement du chemin I______ a fait l'objet d'une demande d'autorisation de construire accordée en janvier 2013 à F______. Cette autorisation a été contestée, entre autres personnes, par les requérants jusqu'au Tribunal fédéral, qui leur a dénié la qualité pour recourir par arrêt du 9 janvier 2015 (cause 1C_411/2014).

Le Conseil municipal de F______ a, par délibération du 14 mars 2016, décidé d'ouvrir un crédit brut de CHF 5'980'700.- pour le réaménagement du chemin I______, correspondant à un montant net de CHF 4'930'700.-, après déduction du « produit de la taxe d'équipement de CHF 1'000'000.- » et de la participation de CHF 50'000.- de la commune de L______ pour les travaux situés sur son territoire.

Le 19 septembre 2016, le département a informé F______ de la libération, en sa faveur, de la somme de CHF 1'000'000.-, au titre de participation initiale de 80 % aux travaux d'équipement relatifs à l'aménagement du chemin I______, en lien avec les PLQ nos 3______, 4______ et 2______.

Les travaux relatifs au réaménagement du chemin I______ ont commencé en janvier 2018 et ont duré environ une année.

7) F______ a demandé, le 22 mai 2018, à être appelée en cause dans cette procédure.

Elle avait la charge de réaliser les travaux d'équipement liés à la taxe d'équipement objet du recours des requérants. Elle devait par ailleurs bénéficier du montant de ladite taxe qui devait couvrir en partie le montant des travaux en question. Sa situation juridique était donc susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure.

8) Le 23 juillet 2018, le TAPI a rejeté cette demande.

9) Par jugement du 20 décembre 2018, le TAPI a rejeté le recours des requérants.

10) Saisie d'un recours contre ce jugement le 1er février 2019, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) l'a, par arrêt ATA/1713/2019 du 26 novembre 2019, rejeté et a par là-même confirmé que les requérants devaient payer une taxe de CHF 535'933.65 au E______.

11) Le Tribunal fédéral, saisi à son tour d'un recours par les requérants, l'a, par arrêt 2C_80/2020 du 15 octobre 2020, admis, a annulé l'arrêt ATA/1713/2019 du 26 novembre 2019 et a renvoyé la cause à la chambre administrative.

Celle-ci avait violé le droit fédéral en confirmant la taxe d'équipement réclamée, sans déterminer, dans un premier temps, qui, de F______ ou du E______, devait être considéré comme responsable de l'équipement et de son financement au sens du droit cantonal, ni vérifier, dans un second temps, de manière comptable, que le principe de la couverture des frais était en l'espèce respecté à l'échelle de cette entité.

Le Tribunal fédéral a, partant, renvoyé la cause à la chambre administrative afin qu'elle contrôle si la taxe d'équipement litigieuse respectait le principe de couverture des frais au sens des considérants précédents, et, si tel n'était pas le cas, qu'elle corrige cette contribution de façon à en assurer la conformité audit principe (consid. 6.7 et 7).

Le Tribunal fédéral a en particulier retenu en ses consid. 6.6.4. et 6.6.5. :

« En l'occurrence, ayant considéré, à tort, qu'il suffisait de constater, sous l'angle du principe de la couverture des frais, que le montant des taxes facturées aux propriétaires ayant construit dans le secteur du chemin I______ ne dépassait pas le total estimé des coûts du réaménagement dudit chemin effectué en 2018, sur la base duquel un crédit avait été adopté en 2016, la Cour de justice n'a pas jugé nécessaire d'établir les données comptables de la F______ ni d'ailleurs celles du E______. L'arrêt attaqué ne fait ainsi aucunement état des charges supportées en matière d'équipement par la F______ - qui avait pourtant déclaré son souhait d'être appelée en cause devant le Tribunal administratif de première instance - ni des revenus que cette commune retire de manière indirecte de la taxe d'équipement, en l'occurrence par le biais des aides octroyées par le E______. Il n'indique pas non plus les recettes obtenues par ce dernier grâce aux taxes d'équipement, ni les réserves dont cette fondation de droit public dispose. Il s'ensuit qu'il est en l'état impossible de déterminer si la taxe litigieuse respecte le principe de couverture des frais, lequel aurait en principe dû passer, comme cela a été dit, par un contrôle concret des postes comptables de l'entité étatique tenue pour responsable de l'équipement et de son financement au sens du droit cantonal, quelle qu'elle soit, ainsi que l'exige la jurisprudence (cf. supra consid. 6.4 et 6.6.3).

[...] Une démonstration comptable se serait d'autant plus imposée en la cause que le Tribunal fédéral a déjà considéré dans son arrêt 2C_226/2015 qu'il ne pouvait être exclu que la taxe d'équipement prévue par la LGZD/GE contrevienne au principe de la couverture des frais, eu égard à la thésaurisation importante de cette taxe, ce tant à l'échelle cantonale que communale (cf. supra consid. 6.5). Rien n'indique dans l'arrêt attaqué que cette jurisprudence ait perdu de son actualité. Bien au contraire, d'après les faits constatés par la Cour de justice, les taxes d'équipement facturées pour un montant total de 2'021'779 fr. 35 par le E______ aux différents propriétaires de terrains situés à proximité du chemin I______, dont les recourants, dépassent de plus d'un million de francs la subvention de 1'000'000 fr. que cette même fondation de droit public a accordée à la F______ pour le réaménagement de cette voie de communication. Sans autre explication de la part de la Cour de justice, cette différence entre les revenus obtenus par le E______ grâce à la taxe d'équipement et les dépenses qu'il a concédées en lien avec le chemin I______ laisse plutôt transparaître un risque persistant de thésaurisation de la taxe d'équipement dans le canton de Genève.

[...] On ne comprend dès lors pas en quoi la révision de la LGZD/GE suffirait à elle seule à renverser la présomption posée dans l'arrêt 2C_226/2015 selon laquelle le principe de la couverture des frais pourrait être violé à Genève en lien avec les taxes d'équipement, tant que les autorités cantonales n'en auront pas contrôlé le respect en procédant à un examen concret des postes de l'entité étatique considérée comme responsable de l'équipement et de son financement, en l'occurrence la F______ ou le E______. L'exigence d'un tel contrôle a au contraire été rappelée à maintes reprises lors de l'élaboration de cette révision législative, qui est intervenue peu après le prononcé de l'arrêt 2C_226/2015 précité (cf. Rapport du 17 mai 2016 de la Commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi modifiant la loi générale sur les zones de développement [LGZD], PL 11783-A, p. 15, 18 s., 21 et 26, consultable sur www.ge.ch/grandconseil, le 17 septembre 2020) ».

12) Des suites de cet arrêt, la chambre administrative a interpellé les parties, le 3 novembre 2020 quant à l'appel en cause de F______.

13) Le 13 novembre 2020, le E______ s'y est déclaré favorable. À la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, il permettrait de démontrer le respect du principe de la couverture des frais dans le cas d'espèce.

14) Le 16 novembre 2020, les requérants s'y sont opposés. L'appel en cause de F______ n'apparaissait ni justifié, ni possible.

Les données comptables de F______ pouvaient être obtenues par la voie de l'entraide administrative prévue à l'art. 25 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ce donc sans l'ajout à la procédure du tiers qui les détenait, lequel pourrait ensuite, cas échéant, être interrogé sur les données comptables fournies, si nécessaire.

Les conditions de l'art. 71 al. 1 LPA n'étaient pas réunies. La situation juridique de F______ n'apparaissait pas susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure. Dans l'hypothèse où les requérants obtiendraient gain de cause, le montant alloué à F______ par le E______ n'en serait aucunement modifié.

15) La cause a été gardée à juger le 19 novembre 2020 sur ce point.

 

EN DROIT

1) a. L'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure. La décision leur devient dans ce cas opposable (art. 71 al. 1 LPA). L'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 al. 2 LPA).

b. Cette disposition doit être interprétée à la lumière de celles relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L'institution de l'appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d'obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/664/2012 du 2 octobre 2012 consid. 3a ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 consid. 7 ; ATA/623/1996 du 29 octobre 1996 consid. 2a), mais a pour but de sauvegarder le droit d'être entendu des personnes n'étant pas initialement parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2 ; 1C_505/2008 et 1C_507/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2).

c. L'institution de l'appel en cause est aussi dictée par un souci d'économie de procédure dans la mesure où il a pour fonction d'éviter le déroulement d'une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses. Il permet en outre de prévenir le prononcé de décisions ou de jugements contradictoires. Lorsque le juge appelle en cause une partie, il n'a en principe pas besoin d'entendre les participants à la procédure (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 903 ss ad art. 71 LPA et les références citées).

2) En l'espèce, les recourants s'opposent à l'appel en cause de F______, considérant que sa situation juridique n'est pas susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure.

Cet avis ne saurait être suivi, d'autant plus depuis l'arrêt du Tribunal fédéral du 15 octobre 2020 ayant renvoyé la cause à la chambre de céans pour, dans un premier temps déterminer, qui, de F______ ou du E______, doit être considéré comme responsable de l'équipement et du financement des travaux concernés par la taxe litigieuse, au sens du droit cantonal, puis, dans un second temps, de manière comptable, si le principe de la couverture des frais était en l'espèce respecté à l'échelle de cette entité.

Or, F______ a indiqué devant le TAPI en mai 2018 qu'elle avait la charge de réaliser les travaux d'équipement liés à la taxe d'équipement objet du recours des requérants et devait bénéficier du montant de ladite taxe qui devait couvrir en partie le montant des travaux en question. Or, il est précisément question désormais qu'elle produise les calculs des charges supportées en matière d'équipement, respectivement les revenus qu'elle retire de manière indirecte de la taxe d'équipement, en l'occurrence par le biais des aides octroyées par le E______. Ce dernier doit de son côté indiquer les recettes obtenues grâce aux taxes d'équipement et les réserves dont il dispose.

L'apport de ces deux éléments doit permettre de déterminer si la taxe litigieuse respecte le principe de couverture des frais.

En conséquence, l'appel en cause de F______ sera ordonné et il lui sera imparti, tout comme au E______, un délai pour produire leurs observations et pièces en lien avec ce qui vient d'être mentionné.

3) Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne l'appel en cause de la F______ ;

communique à la F______ une copie du recours, de la décision attaquée et des écritures ;

dit que les pièces de la procédure peuvent être consultées au greffe de la chambre administrative ;

impartit un délai au 11 décembre 2020 à la F______ pour répondre au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent Winkelmann, avocat des recourants, à Me Alain Maunoir, avocat du E______, ainsi qu'à la F______, appelée en cause.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :