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Décisions | Chambre civile

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C/8191/2020

ACJC/201/2024 du 13.02.2024 sur JTPI/12884/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8191/2020 ACJC/201/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 13 FEVRIER 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Arabie Saoudite, appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2022, représenté par Me Blaise STUCKI, avocat, Stucki Legal, rue Rousseau 5,
1201 Genève,

et

B______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Daniel TUNIK, avocat,
Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12884/2022 du 1er novembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur demande principale, a condamné A______ à payer à [la banque] B______, 1'422'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 mars 2019, 35'479'029 USD avec intérêts à 5% dès le 5 mars 2019, 1'169'210 USD et 471 USD (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 203'844 fr., mis à hauteur de 200'888 fr. à la charge du premier nommé et à hauteur de 2'956 fr. à la charge de la seconde, les a compensés avec les avances de 203'900 fr. fournie par la banque et de 1'700 fr. fournie par sa partie adverse, ordonné la restitution à la banque du solde des avances, soit 1'756 fr., condamné A______ à payer 199'188 fr. à la banque à titre de frais judiciaires (ch. 2) ainsi que 275'351 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Sur demande reconventionnelle, le Tribunal a débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 45'000 fr., mis à la charge du précité et condamné l'intéressé à verser ce montant à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 2), condamné le précité à payer 69'926 fr. à B______ à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 7 décembre 2022 au greffe de la Cour, A______ interjette appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation des chiffres 1 à 4 du dispositif sur demande reconventionnelle. Cela fait, il conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que la Cour condamne B______ à lui payer les sommes de 4'080'666.30 USD et de 133'629 fr. 04, avec intérêts à 5% l'an du 19 janvier 2021 jusqu'au remboursement complet des crédits en capital, intérêts et frais et à ce que la banque soit déboutée de toutes autres ou contraires conclusions. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

b. Statuant sur requête de B______, la Cour a, par arrêt ACJC/628/2023 du 11 mai 2023, condamné A______ à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel à hauteur de 35'000 fr.

Les sûretés ont été fournies le 27 juin 2023.

c. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du greffe de la Cour du 7 novembre 2023, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier :

a. Le 4 mai 2013, A______ a ouvert un compte bancaire (ci-après : le compte personnel) au sein de [la banque] B______ (ci-après : B______ ou la banque), sise à Genève, en signant à cette fin la documentation contractuelle usuelle (en langue anglaise), ainsi que :

– une demande de crédit (" Credit Request "), soit un accord-cadre permettant la mise à disposition du client par la banque, dans la limite du nantissement de ses avoirs et/ou de tierces sûretés fournies, de facilités de crédit sous la forme notamment d'avances à termes fixes jusqu'à une durée de douze mois (pièce n° 8 dem.);

– un acte de nantissement (" Pledge Agreement ") par lequel, en garantie de toutes les créances actuelles et futures de la banque à son encontre, le client nantissait en sa faveur tous les avoirs détenus ou à détenir par la banque pour son compte direct ou indirect (pièce n° 9 dem.).

a.a L'acte de nantissement précité, signé par A______, prévoyait notamment qu'en cas de défaut du client, après sommation de la banque, à rembourser des facilités de crédit ou à constituer des sûretés supplémentaires, circonstances entraînant l'exigibilité de toutes créances de la banque à son encontre :

" 7. (…) la Banque peut, à concurrence du montant de ses créances, soit réaliser immédiatement de gré à gré les sûretés de son choix (y compris s'en porter acquéreur) et cela sans aucune responsabilité de sa part et sans recourir aux formalités prévues par la [LP] (…), soit engager une poursuite par voie de réalisation de gage ou par voie de faillite, qu'il s'agisse d'un gage mobilier ou immobilier. (…)

11. La Banque ne peut pas être tenue responsable du fait qu'elle n'exercerait pas ou que partiellement les droits qui lui appartiennent en vertu du présent acte de nantissement. Le [Client] déclare d'ores et déjà renoncer à élever toute exception ou objection de ce chef. " (cf. pièce n° 9bis dem., soit une version française de la pièce n° 9 initialement produite par la banque).

Dans la version anglaise du contrat, qui a été signé par les parties, il est stipulé que "the Bank may not be held liable for failure to make use of all or any of the rights to which it is entitled under this pledge agreement". La traduction française ci-dessus n'a pas été remise en cause par A______ devant le premier juge.

a.b Le témoin C______ – ancien employé (jusqu'en 2016) de B______, en dernier lieu en qualité de responsable pour l'Arabie Saoudite – a affirmé qu'au moment de l'ouverture de la relation bancaire, la fortune de A______ devait globalement s'élever à 2 ou 3 milliards de dollars. Il a toutefois précisé qu'il y avait un problème d'équilibre entre le volume d'actifs liquides et illiquides et que la banque le savait depuis le début. Quant au témoin D______, CEO et gérant de fortune personnel de A______ depuis ______, chargé de sa relation avec B______, il a déclaré ne pas se souvenir du montant de la fortune du précité en 2013, précisant que les renseignements sur ce point avaient à l'époque été donnés à la banque. Selon lui, il s'agissait de centaines de millions de dollars.

D'après le témoin C______, A______ souhaitait notamment obtenir un financement dans le cadre de l'acquisition d'un yacht.

a.c Le témoin précité a exposé que A______ avait fourni diverses garanties en lien avec le compte personnel susvisé, soit des avoirs figurant sur d'autres comptes (auprès [des banques] E______ et F______), une collection d'arts, un avion ainsi que des garanties immobilières.

b. Le 20 novembre 2013, les héritiers de la défunte mère de A______ (ci-après : l'hoirie), représentés par ce dernier sur la base d'une procuration ad hoc que l'ensemble de ses cohéritiers lui a octroyée, ont ouvert un compte bancaire (ci-après : le compte de l'hoirie) au sein de B______, en signant à cette fin la documentation contractuelle usuelle.

Selon le témoin C______, A______ disposait d'un power of attorney saoudien selon la charia. A l'époque, un cabinet d'avocats de la banque en Arabie Saoudite avait fait des vérifications par rapport à ces pouvoirs, pour déterminer s'ils étaient acceptables ou non. La preuve de l'étendue des pouvoirs du précité était que sa procuration avait été acceptée. Selon le statut de patriarche de A______, il disposait d'un pouvoir total, conféré par ses frères et sœurs, de tout gérer en relation avec l'hoirie. L'étendue de ses pouvoirs était complète.

Pour la banque, A______ avait le pouvoir d'ouvrir, sous sa seule signature, un compte bancaire au nom de l'hoirie en sa qualité de représentant légal de la succession; il disposait des pouvoirs d'administration et de gestion sur ce compte, sans pour autant que cela signifie qu'il pouvait librement disposer des actifs composant la succession.

b.a Par acte de nantissement signé le 25 décembre 2013, l'hoirie, soit pour elle A______, a nanti en faveur de B______ tous les avoirs du compte de l'hoirie en garantie, notamment, de toutes créances actuelles et futures de la banque contre A______ au titre des facilités de crédits octroyées sur son compte personnel.

Les clauses de l'acte de nantissement précité du compte de l'hoirie, pré-formulées par la banque, sont identiques à celles de l'acte de nantissement signé le 4 mai 2013 par A______ pour son compte personnel (cf. supra let. a.a).

b.b Le 2 décembre 2013, la somme de 150'000'000 USD a été créditée sur le compte de l'hoirie.

A______ a fait valoir que c'était sur la base de ce dépôt que des avances à termes fixes lui avaient été accordées par la banque. Cela a été contesté par la banque, puisque les crédits octroyés au précité étaient également garantis par le nantissement de ses propres avoirs.

Le témoin C______ a notamment affirmé que le prêt pour le bateau était accordé à la condition sous-entendue que A______ alimente le compte de l'hoirie avec la somme de 150'000'000 USD. Selon le témoin, le but premier dudit compte était de donner un soutien au crédit du bateau. Le second but était d'investir des montants.

c. En application de l'accord-cadre de crédit signé le 4 mai 2013, B______ a consenti à A______ des avances à termes fixes en dollars américains et en francs suisses, régulièrement renouvelées jusqu'en été 2018, à concurrence de montants finaux s'élevant à 43'424'000 USD et 1'422'000 fr. en capital.

d. Dès l'été 2018, la banque a constaté que le compte personnel de A______ n'était plus alimenté et qu'il était fortement endetté (cf. notamment témoin G______, juriste au sein de la banque).

Le 4 septembre 2018, B______ a signifié à A______ qu'elle dénonçait au remboursement pour le 4 mars 2019 les avances à termes fixes, échues au 9 août 2018, qu'elle lui avait consenties sur son compte personnel, en lui précisant que ces avances ne seraient plus ni augmentées ni renouvelées.

Les sommes dues sur les avances en dollars américains et en francs suisses s'élevaient alors respectivement à 43'424'000 USD et 1'422'000 fr. en capital, intérêts en sus, tous montants que A______ était requis de payer d'ici le 4 mars 2019.

e. Le 26 février 2019, B______ a offert à A______ de reporter au 30 juin 2019 l'échéance fixée au 4 mars 2019 pour le remboursement des avances, moyennant paiement par le second de 15'000'000 USD avant le 4 mars 2019, date à laquelle le montant des intérêts échus, selon la banque, s'élèverait à 874'958 USD et 8'757 fr.

f. Aucun paiement de A______ n'étant intervenu au 4 mars 2019, B______ lui a indiqué le 15 mars 2019 que les sommes dues sur ses avances s'élevaient à 43'424'000 USD et 1'422'000 fr. en capital et, selon elle, à 877'957.51 USD et 8'762 fr. 25 en intérêts divers échus au 4 mars 2019.

Les 20 et 27 mars 2020, B______, par la voix de son conseil, a une nouvelle fois sommé A______ de lui rembourser ses avances dénoncées au remboursement pour le 4 mars 2019, en lui réclamant à ce titre le paiement, avant le 31 mars 2020, de 46'439'159.40 USD et 1'505'024 fr. 65 en capital, frais et intérêts divers échus.

g. Entre l'été 2018 et l'ouverture de la présente procédure, A______ n'a jamais proposé ou requis, dans le cadre de ses échanges avec la banque, que celle-ci se rembourse au moyen des avoirs nantis du compte de l'hoirie; celle-ci n'a pas non plus demandé à procéder de la sorte.

En 2019, A______ a demandé du temps pour régler ses difficultés financières (cf. témoin G______). A______ a allégué avoir tenté, sans succès, d'emprunter la somme nécessaire pour rembourser sa dette auprès d'un autre établissement financier.

h. Au 31 mars 2020, le compte de l'hoirie, nanti en faveur de B______ en garantie des découverts sur le compte personnel de A______, présentait un solde créditeur de 45'543'177 USD, en liquidités.

Le témoin D______ a déclaré ignorer pour quelle raison la banque n'avait pas utilisé le compte de la succession qui était nanti pour éteindre la dette de A______.

i. Par demande en paiement introduite devant le Tribunal de première instance le 29 avril 2020, B______, agissant en remboursement des avances à termes fixes octroyées à A______ en capital, intérêts divers et frais, a conclu à sa condamnation au paiement de 44'076'807 USD et 1'427'407 fr., avec intérêts moratoires à 5% dès le 5 mars 2019.

j. Par réponse et demande reconventionnelle du 19 janvier 2021, A______ a conclu :

– sur demande principale et principalement, qu'il lui soit donné acte de son acquiescement à payer à B______ 43'424'000 USD et 1'422'000 fr., avec intérêts moratoires à 5% dès le 5 mars 2019, et, subsidiairement, à lui payer en sus 652'807 USD et 5'407 fr., avec intérêts moratoires à 5% dès le 29 avril 2020;

– sur demande reconventionnelle et principalement, à la condamnation de B______ au paiement de 4'080'666 USD et 133'629 fr. de dommages-intérêts, subsidiairement de 4'104'364 USD et 133'825 fr., dans les deux cas avec intérêts compensatoires à 5% dès le 19 janvier 2021.

Sur reconvention, il a fait valoir que la banque avait engagé sa responsabilité contractuelle du fait qu'elle ne s'était pas remboursée les avances à termes fixes au moyen des avoirs nantis du compte de l'hoirie, et qu'elle était dès lors tenue de l'indemniser du préjudice ainsi causé, correspondant aux montants des intérêts moratoires courus depuis le 5 mars 2019 sur le capital dû.

k. Ayant pris connaissance de l'argumentaire de A______, B______ lui a proposé, le 4 février 2021, de procéder au remboursement des avances à termes fixes par le débit du compte de l'hoirie nanti à cette fin, moyennant autorisation de décaissement écrite des onze cohéritiers et ayant-droits économiques du compte de l'hoirie.

A______ n'a donné aucune réponse à cette invitation (cf. témoignage de G______). Selon le témoin précité, la demande effectuée par la banque le 4 février 2021 avait pour but de s'assurer que les héritiers confirment à nouveau ne pas avoir d'objections à ce que les avoirs de la succession soient réalisés pour éteindre la dette personnelle de A______.

l. A______ a fait valoir que la volonté commune des parties était que lui-même ne réponde de ses dettes à l'égard de la banque qu'à titre subsidiaire, soit seulement si le produit de réalisation des actifs du compte de l'hoirie ne suffisait pas à les couvrir (réponse ch. 12).

A______ a offert de prouver ses dires sur ce point par deux témoignages. Le témoin C______ a déclaré qu'il était clair depuis le début que le compte de l'hoirie garantissait les dettes sur le compte personnel de A______. A sa connaissance, il n'y avait pas d'ordre prévu concernant les garanties. La banque ne devait pas faire appel à l'une ou l'autre des garanties en premier. Il ne se souvenait pas s'il avait été convenu que A______ puisse demander à la banque de réaliser d'abord les gages plutôt que de le poursuivre lui. Quant au témoin D______, il a déclaré ignorer si quoi que ce soit avait été prévu en termes d'ordre entre les garanties et/ou si la banque était obligée ou non de réaliser en premier les actifs du compte succession ou ceux du compte personnel. Le témoin D______ a par ailleurs déclaré ne pas savoir pour quelle raison la banque n'avait pas utilisé le compte de la succession qui était nanti pour éteindre la dette de A______.

Pour sa part, la banque a contesté les allégués de A______, renvoyant sur ce point à la documentation bancaire signée par les parties, laquelle prévoyait qu'elle n'était pas tenue d'exercer son droit de gage.

m. Les montants de 7'941'803 USD et 3'168 USD ont été crédités sur le compte personnel de A______ les 28 janvier et 7 février 2022 (sur ordre de la société H______ LTD).

En conséquence, B______ a réduit, par pli du 19 mai 2022, sa conclusion en paiement de dollars américains à 36'131'836 USD avec intérêts à 5% dès le 5 mars 2019 et aux sommes correspondant à 5% d'intérêts dès le 5 mars 2019 sur 7'941'803 USD jusqu'au 28 janvier 2022 et sur 3'168 USD jusqu'au 7 février 2022, et persisté dans sa conclusion en paiement de francs suisses.

n. Se référant aux déclarations du témoin G______, A______ a fait valoir que les montants crédités sur son compte personnel ne provenaient pas de paiements de sa part, puisqu'il ne disposait d'aucune liquidité, mais de la réalisation d'œuvres d'art nanties en garantie du crédit.

Entendu par le premier juge, le témoin susvisé a affirmé qu'il existait une troisième relation bancaire (non mentionnée ci-dessus) dans les livres de B______, au nom de H______ LTD. Cette entité avait permis à A______ de financer l'achat de six toiles de maître au moyen d'un contrat de crédit remontant à septembre 2015. Ces toiles avaient été vendues aux enchères en raison du fait que les obligations de paiement de H______ LTD n'étaient pas respectées.

o. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience du 25 mai 2022.

D. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a rejeté les prétentions reconventionnelles émises par l'appelant.

Il a été retenu que l'art. 11 de l'acte de nantissement signé par A______ en faveur de la banque consistait en une convention exclusive de la responsabilité de la seconde à l'égard du premier (exclusion de responsabilité en principe valable sauf en cas de dol ou de faute grave de la banque) pour le cas où elle n'exercerait pas ses droits à garantie – soit pour le cas où elle renonçait à réaliser les avoirs nantis pour se payer sa créance. Dans la mesure où, par cette clause, le client renonçait à exiger par voie d'exception ou d'objection que la banque exerce les droits en question, le bénéfice de discussion réelle du client débiteur était exclu.

Selon le Tribunal, l'exclusion du droit de discussion réelle, prévue par la banque, avait été comprise et acceptée par le client. L'argumentation de A______ selon laquelle il aurait en réalité compris que la banque s'obligeait à exercer ses droits à garantie avant de s'en prendre à son patrimoine général n'était donc pas crédible, ce d'autant plus que cet allégué avait été infirmé et contredit par les deux témoins qu'il avait fait citer en vue de l'établir. La volonté commune des parties d'exclure, au choix de la banque, le droit de discussion réelle de A______ était pour le surplus corroborée par leur comportement postérieur à la dénonciation au remboursement des prêts jusqu'à l'ouverture du procès. Cette volonté était également attestée par le refus de A______, en cours de procédure, de donner suite à l'invitation de la banque de mobiliser le compte de l'hoirie pour rembourser ses avances. La réelle et commune intention des parties était ainsi de conférer à la banque, à son choix, la faculté de se rembourser des avances consenties à l'appelant au moyen notamment des avoirs nantis du compte de l'hoirie, mais non pas l'obligation.

En l'absence d'une obligation contractuelle de la banque de rechercher d'abord l'hoirie en garantie avant d'actionner A______ en paiement, aucune violation de ses devoirs ne pouvait lui être imputée. A cela s'ajoutait que le précité n'avait subi aucun dommage. Les intérêts moratoires, qu'il qualifiait de préjudice, courus depuis sa demeure de rembourser le capital dû, ne relevaient pas d'une diminution involontaire de son patrimoine causée par la banque; ils étaient la conséquence légale de sa propre violation fautive du contrat, soit de son défaut – incidemment inexplicable, si ce n'était pour des motifs de convenance, compte tenu de l'étendue de sa fortune – au remboursement des prêts.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 143 et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, rendue dans un litige dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.3 Les chiffres 1 à 4 du dispositif du jugement portant sur la demande principale n'étant pas remis en cause, ils sont entrés en force de chose jugée (art. 315 al. 1 CPC). Les chiffres 2 à 4 relatifs aux frais judiciaires et dépens de la décision relative à la demande reconventionnelle pourront, quant à eux, encore être revus d'office en cas d'annulation de tout ou partie du jugement entrepris dans le cadre du présent appel (art. 318 al. 3 CPC).

2. Compte tenu de l'élection de for et de droit prévue par les parties (cf. documentation contractuelle), il n'est à juste titre pas contesté que les juridictions genevoises sont compétentes pour connaître du litige et que le droit suisse est applicable (art. 5 al. 1 et 116 al. 1 et 2 LDIP).

3. L'appelant a émis diverses critiques à l'égard de l'état de fait du jugement entrepris.

3.1 Il a notamment fait grief au premier juge d'avoir omis de prendre en compte certains faits allégués par ses soins et prouvés, selon lui, par les éléments du dossier (art. 310 let. b CPC). L'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile (en particulier en ce qui concerne le montant crédité sur le compte de l'hoirie après son ouverture, la question de la démonstration des pouvoirs de disposition de l'appelant sur le compte de l'hoirie ou la situation financière du précité).

3.2 L'appelant reproche ensuite au Tribunal d'avoir traduit de manière incorrecte la première phrase du chiffre 11 des actes de nantissement. Selon lui, les termes "the Bank may not be held liable for failure to make use of all or any of the rights to which it is entitled under this pledge agreement" figurant dans le texte original, rédigé en anglais, devraient être traduits par "la banque ne peut être tenue pour responsable de sa défaillance de faire usage de tous ou d'un quelconque droit auquel elle est habilitée selon le contrat". Cela étant, la traduction retenue par le Tribunal (et reproduite à la lettre B.a.a de l'état de fait ci-dessus), en se fondant sur la version française des conditions générales de la banque, apparaît conforme au sens général qui peut être donné à la phrase litigieuse, étant relevé que l'appelant n'a pas remis en cause devant le premier juge les traductions des documents contractuels fournies par l'intimée. Au demeurant, dans ses écritures de première instance, l'appelant a lui-même indiqué que la clause susmentionnée visait à limiter la responsabilité de la banque "pour le cas où elle ne ferait pas usage de l'un ou l'autre des droits lui compétant" (cf. réponse et demande reconventionnelle du 19 janvier 2021 ch. 16 p. 6), ce qui revient au même que la formulation retenue par le Tribunal ("la Banque ne peut pas être tenue responsable du fait qu'elle n'exercerait pas…"). Pour le surplus, le sens à donner à la phrase litigieuse constitue une question de droit, qui sera examinée ci-dessous dans le cadre de l'interprétation de cette clause contractuelle.

3.3 Par ailleurs, l'appelant a également, implicitement, reproché au premier juge d'avoir violé la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) en retenant un fait non formellement allégué par les parties, à savoir qu'il aurait effectué des paiements en remboursement partiel de sa dette (cf. ch. 13 § 2 du jugement attaqué). L'intimé ayant seulement indiqué que des montants avaient été crédités sur le compte personnel de l'appelant, le précité considère qu'il ne pouvait être retenu que c'était lui qui les y avait versés, faute d'allégués sur ce point. L'état de fait ci-dessus a dès lors été rectifié pour reprendre les termes employés par l'intimée en première instance lorsqu'elle a réduit ses prétentions, étant relevé que cet élément factuel n'est de toute manière pas décisif pour l'issue du litige.

L'appelant ne peut en revanche être suivi lorsqu'il soutient, en se fondant sur les déclarations du témoin G______, qu'il faudrait retenir que les montants crédités sur son compte proviendraient de la réalisation d'œuvres d'art qu'il a nanties en faveur de la banque. A supposer que ce fait puisse être retenu sur la base d'un témoignage alors qu'aucun allégué correspondant n'a été formulé en première instance (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2014 et 4A_197/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.1 à 7.3 sur la prise en compte de faits exorbitants ressortant de l'administration des preuves), le témoin susvisé a exposé que les toiles de maître vendues aux enchères l'avaient été en raison du fait que les obligations de paiement de H______ LTD – et non de l'appelant lui-même – n'avaient pas été respectées.

3.4 L'appelant critique ensuite l'état de fait du jugement de première instance en tant qu'il ne retient pas que le compte bancaire détenu par l'hoirie n'était pas rémunéré. Or, ce fait, dont la véracité a été contestée par l'intimée, est dépourvu de pertinence. En effet, l'on peine à discerner en quoi il pourrait influer sur l'issue du litige, qui est circonscrit à la question de l'éventuel devoir de la banque de réaliser les sûretés qui lui ont été fournies (et sur les conséquences découlant d'une violation de ce devoir).

Il n'y a dès lors pas lieu de compléter l'état de fait sur ce point.

4. Invoquant diverses violations du droit, en particulier des art. 2 CC, 1, 2, 18, 41, 97 et 100 CO, l'appelant reproche en substance au Tribunal d'avoir retenu que le banque n'avait pas violé ses devoirs en s'abstenant de réaliser le gage et que les intérêts courus sur sa dette ne constituaient pas un dommage.

4.1
4.1.1
Dans la pratique bancaire, le prêt en espèces est appelé avance à terme fixe ou crédit ferme. Son montant est fixe et il doit être remboursé soit à une échéance fixe, soit ensuite de résiliation. Ce prêt peut être assorti de différentes garanties (arrêts du Tribunal fédéral 4A_286/2019 du 27 novembre 2019 consid. 3.2; 4A_69/2018 du 12 février 2019 consid. 4.1.1).

La nature juridique du contrat d'ouverture de crédit ou contrat de crédit est controversée, mais il est généralement qualifié de contrat de prêt avec un élément durable de mandat, imposant notamment à la banque des devoirs d'information et de conseil. Lorsque banque et client sont liés par une relation de crédit, les obligations de l'emprunteur sont soumises aux règles du prêt de consommation, mais ses prétentions en dommages-intérêts contre la banque à concurrence de tout ou partie de sa dette, déduites de la violation par la banque de ses devoirs contractuels, sont examinées à l'aune des règles du mandat, au sens des art. 394ss CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_286/2019 précité consid. 3.1).

En ce qui concerne la prétention en dommages-intérêts opposée en compensation par le client à concurrence de sa dette et fondée sur la violation par la banque de ses devoirs contractuels, la jurisprudence a déduit des devoirs d'information et de conseil de celle-ci, tant lors des pourparlers précontractuels en vue de l'octroi du crédit que pendant la durée du contrat, voire après la fin de celui-ci, de l'obligation de diligence et de fidélité de la banque de l'art. 398 al. 2 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_286/2019 précité consid. 3.3). Cependant, selon la jurisprudence, en l'absence de contrat de conseil en placement ou de mandat de gestion, la banque n'est pas tenue d'assurer une sauvegarde générale des intérêts de son client (arrêt du Tribunal fédéral 4A_369/2015 du 25 avril 2016 consid. 2.3; ACJC/778/2009 du 19 juin 2009 consid. 4.4.1 et la référence citée).

La mise en jeu de la responsabilité de la banque mandataire dispensatrice de crédit à l'égard du client suppose cumulativement (art. 398 al. 1, 321e al. 1 et 97 al. 1 CO; arrêts du Tribunal fédéral 4A_354/2020 du 5 juillet 2021 consid. 3.2; 4A_72/2020 du 23 octobre 2020 consid. 5.3) : une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat, notamment de ses obligations de diligence et de fidélité; un dommage subi par le client, compris comme une diminution involontaire de sa fortune nette; un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage; une faute de la banque, laquelle est présumée.

Une banque ne se trouve pas dans une situation de conflit d'intérêts du seul fait qu'elle perçoit des intérêts sur le prêt accordé. Un conflit d'intérêts n'existe que lorsque la banque privilégie ses propres intérêts au détriment de ceux de son client ou de tiers, par exemple lorsqu'elle encourage les crédits à une entreprise en danger dans le but de favoriser le remboursement de ses propres créances incertaines (arrêt du Tribunal fédéral 4C.205/2006 du 21 février 2007 consid. 3.4.2).

4.1.2 Les choses mobilières ne peuvent être constituées en gage que sous forme de nantissement (art. 884 CC).

Le nantissement est un contrat innommé par lequel le constituant du droit de gage – qui n'est pas nécessairement le débiteur – s'oblige à créer le droit de gage mobilier en faveur du créancier (Steinauer, Les droits réels, tome III, 5e éd., Berne 2021, n. 4976 ss). Le constituant doit avoir le pouvoir de disposer de l'objet qu'il grève; la protection du tiers acquéreur de bonne foi selon l'art. 884 al. 2 CC est toutefois réservée (Steinauer, op. cit., n. 4983 et 4990). Le créancier a la possession dérivée (et généralement immédiate) de l'objet grevé (Steinauer, op. cit., n. 5025).

Le créancier qui n'est pas désintéressé a le droit de se payer sur le prix provenant de la réalisation du gage (art. 891 al. 1 CC). En général, il déclenchera dans ce but une procédure de réalisation forcée (en principe, selon la procédure de réalisation du gage; cf. art. 41 LP). Les parties peuvent néanmoins convenir, dans le contrat de gage ou ultérieurement, que le créancier est autorisé à vendre l'objet grevé de gré à gré ou par la voie d'enchères volontaires publiques ou privées (Steinauer, op. cit., n. 5042 ss.).

Le créancier peut aussi fort bien intenter une poursuite ordinaire contre le débiteur de la créance garantie et s'en prendre ainsi à l'ensemble du patrimoine de ce dernier; il s'expose toutefois à ce que le débiteur de la créance garantie invoque le beneficium excussionis realis, exigeant ainsi du créancier qu'il réalise d'abord l'objet grevé (art. 41 al. 1bis LP; Foëx, CR CC II, 2016, n. 4 ad art. 891 CC). Les parties peuvent toutefois exclure l'exception de discussion réelle, de telle sorte que le créancier pourra poursuivre directement la créance causale, sans que le débiteur puisse s'y opposer en exigeant qu'il recherche en premier lieu la créance abstraite; une telle exclusion n'a rien d'insolite dans les relations bancaires (ATF 140 III 180 consid. 5.1.5; arrêt du Tribunal fédéral 7B.249/2003 du 7 janvier 2004 consid. 5).

Le beneficium excussionis realis peut être exclu, notamment en cas de convention de réalisation privée et de renonciation du débiteur à l'exception dans le contrat de gage (Jent-Sørensen, KUKO SchKG, 2014, n. 14 ad art. 41 LP) ou en cas de convention de "garantie subsidiaire", ce qui est particulièrement fréquent lorsque la chose grevée n'appartient pas au débiteur (Steinauer, op. cit., n. 5045 et les références citées). La garantie procurée par le gage revêt un caractère subsidiaire lorsque le créancier ne peut procéder à la réalisation de l'objet grevé qu'après avoir recherché le tiers débiteur de la créance garantie ou réalisé d'autres sûretés garantissant cette créance (Foëx, op. cit., n. 45 ad 884 CC). L'exception du bénéfice de discussion réelle ne peut pas être soulevée devant le juge civil, saisi de conclusions condamnatoires en paiement de la créance causale (ATF 140 III 180 consid. 5.2.2).

En cas de pluralité d'objets grevés, la banque est libre de déterminer l'ordre de réalisation, cette faculté ressortant en outre des contrats de gage général bancaire (Edouard, Le gage général de la banque, Réflexions sur un gage mobilier multiple, 2022, p. 418)

Cela étant, procéder à la réalisation est un droit du créancier gagiste et non une obligation: le constituant ne peut pas contraindre le créancier à exercer cette faculté (Foëx, op.cit., n. 4 ad art. 891 CC; Bauer/Bauer, BSK ZGB II, 2023, n. 4 ad art. 891 ZGB).

Une convention qui autorise le créancier à s'approprier purement et simplement l'objet nanti à défaut de paiement (pacte commissoire) est nulle (art. 894 CC). En revanche, une convention conclue après l'exigibilité de la créance et autorisant le créancier à s'approprier la chose grevée à titre de paiement (dation en paiement) est valable (Steinauer, op. cit., n. 5042 ss.).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs retenu que le contrat de gage n'impose au créancier-gagiste aucun devoir de veiller aux intérêts du constituant (arrêt du Tribunal fédéral 4A_494/2011 du 1er novembre 2011 consid. 2.2.3, Foëx, op. cit., n. 18 ad art. 884 CC; Edouard, op. cit., note de bas de page n° 264).

La banque créancière gagiste a un intérêt commercial certain à privilégier le blocage des avoirs grevés de ses clients plutôt que de se désintéresser sans autres mesures. La réalisation peut donc être considérée comme une ultima ratio, même s'il n'en demeure pas moins que ce blocage est souvent à l'origine de la découverte par les clients que leurs biens sont grevés et qu'il est également la source de la plupart des litiges relatifs au droit de gage général bancaire (Edouard, op. cit., p. 414).

4.1.3 Est nulle toute stipulation tendant à libérer d'avance le débiteur de la responsabilité qu'il encourrait en cas de dol ou de faute grave (art. 100 al. 1 CO).

L'art. 100 CO s'applique tant aux clauses qui exonèrent (excluent) la responsabilité du débiteur d'une obligation (clauses exonératoires ou exclusives) qu'à celles qui la limitent (clauses limitatives; Thévenoz, CR CO I, n. 2 ad art. 100 CO).

Au contraire des clauses restrictives de responsabilité au sens strict, qui s'attachent aux effets de la violation d'une obligation, les clauses qui excluent ou modifient certaines obligations modifient la nature juridique de la dette ou libèrent le débiteur du devoir même d'exécuter telle obligation dans certaines hypothèses. De ces clauses, il faut rapprocher celles qui modifient la répartition légale des risques indépendamment de tout manquement à une obligation contractuelle (par exemple : conditions générales des banques qui font supporter au tireur le risque des chèques faux ou falsifiés en dérogation à l'art. 1132 CO et au principe "qui paie mal paie deux fois"). Ces dernières transfèrent à une partie les risques, et donc les pertes, qui atteignent l'autre partie selon le cours ordinaire des choses ou en vertu du droit dispositif. Qu'elles modifient les obligations caractéristiques des parties ou qu'elles déplacent un risque entre celles-ci, ces clauses sont en principe compatibles avec la liberté contractuelle, à moins qu'elles n'excèdent les limites posées par l'art. 27 CC ou ne contreviennent à une disposition impérative de la loi. (Thévenoz, op. cit., n. 8-9 ad art. 100 CO).

De telles clauses, qui d'une manière ou d'une autre manière modifient la répartition typique des risques entre les parties, n'ont en général pas pour effet de créer, de modifier ou d'exclure une prétention en dommages-intérêts. Le Tribunal fédéral leur applique cependant les art. 100 et 101 CO par analogie lorsque la survenance du risque ou de la perte est causée par le comportement dolosif ou simplement négligent de la partie qui ne supporte pas le risque (Thévenoz, op. cit., n. 10 ad art. 100 CO).

4.1.4 En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1 et les références). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 140 III 86 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 précité consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1 et les références).

Savoir si les parties sont convenues d'adopter le bénéfice de discussion réelle ou, au contraire, de l'exclure est affaire d'interprétation de leur volonté. Comme toute manifestation de volonté, une clause de bénéfice de discussion réelle peut aussi être tacite, résulter des circonstances ou du contenu particulier du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 5A_686/2013 31 janvier 2014 consid. 5.1.5).

4.1.5 L'art. 2 CC énonce que chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi (al. 1). L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (al. 2). Il est notamment abusif d'adopter des comportements parfaitement incompatibles, ou d'invoquer un droit de façon contradictoire avec un comportement antérieur et de trahir ainsi les attentes légitimes qu'un tel comportement a suscitées (ATF 143 III 666 consid. 4.2). Selon la jurisprudence, le simple fait de tarder à faire valoir son droit en justice ne constitue toutefois pas un abus de droit. Il faut qu'à l'écoulement du temps s'ajoutent des circonstances qui font apparaître l'exercice du droit comme étant en contradiction irrémédiable avec l'inaction antérieure du créancier et donc comme contraire aux règles de la bonne foi. De telles circonstances doivent être admises lorsque le silence de l'intéressé permettait de conclure avec certitude à une renonciation à faire valoir son droit ou lorsque l'inaction a engendré des inconvénients pour l'autre partie (arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2019 du 19 août 2019 consid. 3.1.3 et les références citées).

L'abus de droit sert de correctif de secours pour le cas où l'application stricte du droit conduirait à une injustice crasse. Aussi ne doit-il être retenu qu'avec réserve. L'adoption d'une attitude contradictoire est susceptible de tomber sous le coup de cette clause, qu'elle conduise ou non à tromper la confiance suscitée de façon légitime par un certain comportement. Est par exemple abusif le fait d'exécuter un contrat - ou au moins la prestation principale - en connaissant le vice de forme, puis en refusant d'exécuter le solde sous couvert du vice (ATF 143 III 666 consid. 4.2).

La question d'un abus de droit doit se résoudre au regard des circonstances concrètes de chaque cas. L'art. 2 CC est un remède destiné à éviter que l'application de la loi conduise dans un cas particulier à une injustice flagrante. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement (ATF 143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1). 

4.2 En l'occurrence, l'appelant ne nie pas être débiteur de la banque à concurrence des montants qui lui ont été prêtés et qui ont été réclamés dans le cadre de la présente procédure. L'appelant reproche cependant à la banque de ne pas avoir fait usage des facultés que lui octroyaient les actes de nantissement. Il soutient que le fait que la banque ne se soit pas remboursée les créances qu'elle détient envers lui au moyen des avoirs nantis du compte de l'hoirie lui aurait causé un dommage en accroissant inutilement sa dette en raison des intérêts moratoires qui courent depuis le 5 mars 2019.

Les critiques de la décision entreprise portent sur plusieurs points: l'appelant fait en particulier valoir que la banque aurait été contractuellement obligée de se désintéresser au moyen des avoirs remis en nantissement (consid. 4.2.1 ci-après), et qu'elle aurait en tout état commis un abus de droit en se prévalant de l'art. 11 de l'acte de nantissement conclu au nom de l'hoirie (consid. 4.2.2).

4.2.1 L'appelant fait en particulier valoir que l'art. 11 de l'acte de nantissement n'est pas une clause de subsidiarité du gage, que la banque pourrait invoquer pour s'exonérer de toute responsabilité dans le cas d'espèce. Selon lui, cette disposition constitue une clause d'exclusion de responsabilité pour le cas où la banque lui causerait un dommage en ne réalisant pas un gage alors qu'elle en aurait l'obligation, ladite obligation résultant des devoirs de diligence et de fidélité de la précitée. Selon l'appelant, le risque d'encourir une responsabilité ne peut en effet exister qu'en cas de violation d'une obligation. Il conteste dès lors la position de la banque qui a soutenu – en étant suivie sur ce point par le Tribunal – que rien ne l'obligeait à procéder à la réalisation des actifs grevés.

Il n'est en soi pas contesté que les parties ont été liées par différents rapports juridiques dans le cadre de leur relation de crédit, cette dernière comprenant des éléments du mandat, imposant à la mandataire des devoirs de diligence et de fidélité. Cela étant, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il sous-entend que cette composante du mandat – qui concerne la relation de crédit – impliquerait pour la banque un devoir de réaliser les biens grevés (ou même une obligation de réaliser des biens déterminés, en l'occurrence les avoirs du compte de l'hoirie, alors que d'autres biens appartenant à l'appelant ont également été nantis en faveur de la banque).

Cette interprétation de l'appelant paraît d'autant plus erronée que, conformément aux principes rappelés ci-dessus, en l'absence de contrat de conseil en placement ou de mandat de gestion, la banque n'était pas tenue par un devoir général de sauvegarder les intérêts de l'appelant, que ce soit pendant que la relation de crédit était en vigueur ou postérieurement à sa résiliation. L'on ne voit donc pas sur quelle base l'appelant entend fonder une prétendue obligation de la banque d'agir de manière à sauvegarder les intérêts de son client lorsqu'elle souhaite obtenir le remboursement de ses créances, quand bien même celles-ci seraient garanties par un gage. Par ailleurs, le contrat de nantissement en tant que tel n'impose pas non plus à la banque un devoir spécifique de veiller aux intérêts du débiteur ou du constituant (sous réserve du devoir de diligence lorsqu'elle procède à la réalisation privée du gage, cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2013 du 20 mai 2014 consid. 4.2.1.1). Pour le surplus, les difficultés de trésorerie alléguées par l'appelant pour expliquer le non remboursement de ses dettes ne sont pas non plus de nature à fonder un devoir spécifique de la banque de sauvegarder ses intérêts.

Du point de vue légal, la banque n'était pas tenue de se désintéresser aux moyens des actifs nantis, puisque le fait de procéder à la réalisation du gage est un droit du créancier gagiste, mais non une obligation (sous réserve des cas où l'art. 41 LP trouve application en matière d'exécution forcée). En ce sens, le chiffre 11 de l'acte de nantissement signé par l'appelant en qualité de représentant de l'hoirie (qui a la même teneur que l'acte de nantissement signé pour son propre compte), qui dispose que la banque ne pouvait pas être tenue pour responsable du fait qu'elle n'exercerait pas ou que partiellement les droits qui lui appartiennent en vertu de ces actes et qui prévoit que le constituant renonce d'ores et déjà à élever toute exception ou objection de ce chef, ne contrevient pas aux principes légaux.

L'appelant ne peut donc être suivi lorsqu'il soutient que cette clause – qui n'est pas à proprement parler une clause exclusive de responsabilité – ne serait pas valable au sens de l'art. 100 CO, puisqu'elle respecte le cadre légal.

Comme retenu à juste titre par le premier juge, la clause précitée – dont l'appelant ne prétend pas qu'elle serait insolite – constitue une exclusion du bénéfice de discussion réelle, puisqu'en renonçant par avance à élever toute exception ou objection à l'égard du fait que la banque n'exerce pas les droits qui lui sont conférés par l'acte de nantissement, l'appelant a renoncé expressément à la possibilité d'exiger du créancier qu'il se désintéresse d'abord sur les biens remis en gage avant d'agir contre lui personnellement, en visant l'ensemble de son patrimoine. La circonstance que la clause litigieuse ne puisse pas être interprétée comme une convention de subsidiarité du gage (le premier juge ne l'a d'ailleurs pas qualifiée comme telle) est dépourvue de pertinence, puisqu'une telle convention ne constitue pas la seule manière de renoncer au bénéfice de discussion réelle.

Se livrant à une interprétation subjective des manifestations de volonté des parties, le Tribunal a, à juste titre, considéré que l'exclusion du droit de discussion réelle, voulue et prévue par la banque, avait été comprise et acceptée par l'appelant. En effet, comme en témoigne le contenu de ses écritures de première instance (cf. consid. I § 2 du jugement attaqué qui y renvoie), l'intéressé a parfaitement compris que la banque était exemptée de toute responsabilité pour le cas où elle n'exercerait pas son droit à réaliser l'un ou l'autre des objets grevés pour être remboursée. C'est également à bon droit qu'il a été retenu que cette appréciation était corroborée par le comportement des parties postérieurement à la dénonciation au remboursement des prêts : jusqu'à l'ouverture du procès, aucune d'elles n'a jamais proposé (du moins démontré avoir proposé) ou requis de l'autre le désintéressement de la banque au moyen des avoirs nantis du compte de l'hoirie. Le fait que l'appelant prétende (sans toutefois l'établir) avoir tenté de trouver d'autres solutions de remboursement (au lieu de demander à la banque de se rembourser au moyen des actifs nantis du compte de l'hoirie) ne fait que confirmer les éléments retenus ci-avant.

La volonté réelle des parties est suffisamment établie par les divers points mentionnés ci-dessus, étant relevé que les extraits de témoignages dont se prévaut l'appelant dans le cadre de son appel (cf. partie EN FAIT, let. C.n) n'apportent aucun éclairage utile sur la portée de la clause contractuelle présentement litigieuse et ne sont donc pas de nature à remettre en cause ce qui précède.

Indépendamment du fait que le bénéfice de discussion réelle n'a en soi de portée que du point de vue du droit des poursuites, il est indéniable qu'en ayant accepté d'exclure toute responsabilité de la banque pour le cas où elle ne ferait pas usage de la possibilité de réaliser les biens grevés, l'appelant ne peut pas reprocher à celle-ci une quelconque violation contractuelle – singulièrement une violation de ses devoirs de diligence et de fidélité – du fait qu'elle ne s'est pas remboursée les prêts consentis au défendeur au moyen notamment des avoirs remis en nantissement.

La circonstance que la banque ait – comme elle en avait le droit – renoncé à réaliser les actifs du compte de l'hoirie, possiblement en raison de ses doutes quant aux pouvoirs de l'appelant de disposer des actifs composant la succession, ne suffit pas à démontrer que ladite banque aurait adopté un comportement dolosif ou négligent susceptible d'entraîner l'application de l'art. 100 CO par analogie.

Pour le surplus, il sera relevé que la banque a tout à fait le droit de bloquer les actifs grevés à concurrence du montant de ses créances tant et aussi longtemps qu'elle n'a pas été remboursée (cf. art. 889 al. 2 CC). Il n'y a rien de contradictoire dans le fait que la banque sauvegarde ses propres intérêts en bloquant les avoirs grevés et qu'elle demande, par prudence, une simple confirmation de tous les cohéritiers de l'appelant avant d'éteindre la dette personnelle du précité au moyen des actifs ainsi bloqués.

Compte tenu de ce qui précède, l'appelant a échoué à démontrer que la banque créancière aurait engagé sa responsabilité en agissant par la voie judiciaire en vue d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû.

4.2.2 Il convient cependant encore d'examiner si, nonobstant ce qui précède, la banque aurait commis un abus de droit en ne réalisant pas les actifs du compte de l'hoirie nantis en sa faveur en garantie des crédits octroyés à l'appelant.

L'appelant fait valoir que dans l'hypothèse où l'art. 11 de l'acte de nantissement devrait être qualifié de "convention de subsidiarité du gage", une telle clause aurait été convenue dans l'intérêt de l'hoirie, propriétaire du gage. Or, la banque ne se prévalait pas de cette disposition dans l'intérêt de l'hoirie, mais dans "son seul intérêt égoïste, pour tenter d'échapper aux conséquences d'une violation de ses obligations". L'intimée aurait ainsi adopté un comportement incompatible avec la bonne foi en invoquant cette disposition "pour la réalisation d'intérêts que cette disposition n'a pas pour but de protéger". L'abus de droit serait, selon lui, d'autant plus crasse que la banque ne devrait pas pouvoir se retrancher derrière les doutes qu'elle aurait par la suite nourris au sujet de ses pouvoirs de constituer le gage au nom de l'hoirie, alors qu'il lui incombait de vérifier ses pouvoirs au moment de la signature de l'acte litigieux.

L'argumentation de l'appelant ne peut être suivie. Outre le fait qu'il ne peut être retenu que l'art. 11 de l'acte de nantissement signé par l'appelant au nom de l'hoirie serait une clause destinée à privilégier les intérêts de l'hoirie, rien ne permet de retenir que les conditions restrictives de l'abus de droit manifeste seraient réalisées en l'occurrence. La circonstance que la banque ait reconnu les pouvoirs de représentation de l'appelant pour ouvrir un compte bancaire au nom de l'hoirie et mettre en nantissement les avoirs dudit compte en garantie des créances que la banque pourrait avoir envers lui, puis qu'elle n'ait finalement pas réalisé les sûretés ainsi fournies – pour des motifs qui lui sont propres – après avoir dénoncé les prêts consentis en sa faveur, ne permet pas de retenir un abus de droit.

S'il est vrai que la non réalisation des sûretés a pour conséquence de laisser courir les intérêts moratoires légalement dus par l'appelant – du fait qu'il n'a lui-même entrepris aucune démarche, malgré l'importance de sa fortune, pour rembourser sa dette –, cela ne suffit pas non plus pour considérer que la banque aurait commis un abus de droit. Il convient en effet de rappeler que la jouissance d'une somme d'argent procure un avantage qui s'exprime, économiquement et juridiquement, par un intérêt. La perte de cette jouissance que subit le créancier d'un débiteur en demeure de paiement lui cause un dommage (Thévenoz, CR CO I, 2023, n. 1 ad art. 104 CO). Les intérêts moratoires correspondent ainsi à la rémunération qu'un créancier peut exiger pour la privation d'une somme d'argent qui lui est due (ATF 130 III 591 consid. 3). L'appelant est donc particulièrement malvenu d'invoquer l'art. 2 CC pour – si l'on reprend ses termes – tenter d'échapper aux conséquences d'une violation de ses propres obligations de rembourser la banque depuis que le contrat de prêt a été dénoncé. La mauvaise foi de l'appelant est d'autant plus patente que, comme déjà relevé par le premier juge et rappelé ci-dessus, l'intéressé n'a jamais requis de la banque, avant le début de la présente procédure, qu'elle se désintéresse en réalisant l'une ou l'autre des sûretés qui lui ont été fournies. Par la suite, l'appelant n'a aucunement réagi à la requête de la banque du mois de février 2021 (qui faisait suite à la demande reconventionnelle du premier nommé) visant à procéder au remboursement de sa dette par le débit du compte de l'hoirie, moyennant autorisation de décaissement écrite des onze cohéritiers et ayant-droits économiques dudit compte.

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, le grief de l'appelant tiré d'une violation de l'art. 2 al. 2 CC doit donc être rejeté. 

4.3 En définitive, l'appel, entièrement infondé, sera rejeté et le jugement entrepris confirmé.

5. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 45'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais du même montant versée par l'intéressé, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera, en outre, condamnée à verser 35'000 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1, 25 LaCC), débours et TVA compris. Les sûretés d'un même montant versées par l'appelant seront ainsi entièrement libérées en mains de l'intimée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 7 décembre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/12884/2022 rendu le 1er novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8191/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 45'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais versée, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 35'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Ordonne la libération des sûretés versées par A______, soit 35'000 fr., en faveur de B______.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.