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Décisions | Chambre civile

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C/15610/2015

ACJC/1300/2021 du 28.09.2021 sur JTPI/13291/2020 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.398.al2; CC.2; LBVM.11
En fait
En droit

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15610/2015 ACJC/1300/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 28 septembre 2021

Entre

1) A______ SA, sise ______, REPUBLIQUE DU PANAMA,

2) B______ CORP, sise ______, REPUBLIQUE DU PANAMA,

toutes deux appelantes d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 octobre 2020, comparant par Me Cédric BERGER, avocat, Köstenbaum & Associés SA, rue François-Bellot 12, case postale 3397, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elles font élection de domicile,

et

BANQUE C______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Daniel TUNIK, avocat, Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 

 

 

EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13291/2020 rendu le 29 octobre 2020, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance a débouté A______ SA et B______ CORP de toutes leurs conclusions en paiement dirigées contre BANQUE C______ (ci-après : C______; chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 229'320 fr. (ch. 2), compensés avec les avances fournies par A______ SA à concurrence de 136'490 fr., par B______ CORP à concurrence de 91'250 fr. et par C______ à concurrence de 1'580 fr. et mis à la charge de A______ SA et B______ CORP, condamné en conséquence A______ SA et B______ CORP, prises conjointement et solidairement, à rembourser à C______ 1'580 fr. (ch. 3), condamné A______ SA et B______ CORP à verser à C______ 130'000 fr. TTC à tire de dépens, ordonné en conséquence la libération de la garantie bancaire correspondante en faveur de C______ (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 30 novembre 2020 au greffe de la Cour de justice, A______ SA et B______ CORP ont formé appel de ce jugement et sollicité son annulation. Cela fait, elles ont conclu à ce que la Cour condamne C______ à payer 4'194'844 euros, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2012, à A______ SA et 790'774 euros, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2012, à B______ CORP, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, elles ont conclu à ce que la Cour condamne C______ à payer 3'989'478 euros, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2011, à A______ SA et 754'519 euros, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2011, à B______ CORP.

Elles ont produit un chargé comportant à la fois des pièces déjà produites en première instance et des pièces nouvelles.

b. Sur requête de C______, la Cour a, par arrêt du 26 janvier 2021 (ACJC/105/2021), condamné A______ SA et B______ CORP, prises conjointement et solidairement, à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel de C______ à hauteur de 58'700 fr.

Dites sûretés ont été payées dans le délai imparti.

c. Dans sa réponse, C______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

e. Par avis du 26 mars 2021, la Cour a informé les parties que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Les époux D______, née en 1940, et E______, né en 1941, sont tous deux ressortissants français.

La première a suivi des études de pharmacie en France, alors que le second est au bénéfice d'une formation de médecin généraliste, acquise en France également.

Les époux D______/E______ résident à F______ (Polynésie française), où ils ont fondé et dirigé durant de nombreuses années la clinique G______, établissement médico-chirurgical et obstétrical offrant des soins dans différentes spécialités de médecine et employant 200 personnes, dont 40 médecins.

Outre la clinique précitée, D______ exploitait la pharmacie G______, à F______ également. Elle est par ailleurs propriétaire, via une société civile immobilière, de l'immeuble occupé par la clinique G______.

D______, entendue comme témoin par le Tribunal, a déclaré ne pas avoir de formation particulière dans le domaine de la gestion d'entreprise, domaine qu'elle avait appris "sur le tas", en travaillant au quotidien dans sa clinique.

b. Depuis 2005, les époux D______/E______ détenaient notamment des comptes auprès de l'établissement bancaire H______ à Genève, soit les comptes n° 1______ et n° 2______, ouverts respectivement en août 2005 et mai 2007.

c. Ces comptes, sous mandat de gestion en faveur de H______, étaient détenus par l'intermédiaire de deux sociétés panaméennes, soit :

-          I______ CORP; et

-          J______ SA.

d. Les comptes n° 1______ (I______ CORP) et n° 2______ (J______ SA) auprès de H______ étaient gérés par K______.

e. Les comptes I______ CORP et J______ SA faisaient l'objet de mandats de gestion discrétionnaire.

L'objectif du placement était la "croissance du capital".

Les documents "Paramètres d'investissement", signés en 2007 par les époux D______/E______, prévoyaient notamment les points suivants :

Article 1 : "Le Client reconnaît que certains des placements qu'il/elle aura autorisés dans les présents Paramètres d'investissement dépassent le cadre des opérations bancaires ordinaires telles qu'elles sont définies dans les Directives concernant le mandat de gestion de fortune publiées par l'Association suisse des banquiers, et il/elle déclare expressément en accepter les risques".

Article 2 : "Stratégie de placement: Le Client a une tolérance au risque de perte du capital engagé au-dessus de la moyenne. L'objectif choisi par le Client est par conséquent la croissance du capital sur le long terme sans considération pour le rendement courant".

Article 5 : "Autres directives de gestion : [ ] Jusqu'à 100% (pour I______ CORP), respectivement 60% (pour J______ SA) des investissements en actions pourront être effectués dans des produits structurés avec protection à la baisse."

f. Les sociétés I______ CORP et J______ SA détenaient ainsi des fonds spéculatifs, des "Private Equity", des actions, des produits structurés, des obligations de sociétés et des options.

g. D______ se chargeait, au nom de I______ CORP et J______ SA, de l'intégralité des contacts avec les établissements bancaires et le gestionnaire.

h. Début 2009, K______ a informé D______ qu'il s'apprêtait à quitter H______ pour un autre établissement bancaire, soit L______, laquelle allait ouvrir une entité à Genève.

Bien que satisfaits de la gestion opérée par H______, les époux D______/E______ ont décidé d'ouvrir des comptes auprès de L______ (ci-après : L______ ou la Banque).

i. Il a été convenu qu'il n'y aurait pas de changement dans le profil ou le mode de gestion précédemment effectuée par K______ chez H______.

j. Le 20 février 2009, les époux D______/E______ ont résilié le mandat de gestion avec H______ pour transférer leurs avoirs auprès de L______.

k. M______, avocat au barreau de Genève et associé senior de son étude, a été chargé de la mise en place des nouvelles entités devant détenir les comptes auprès de L______, puisqu'il avait été décidé de remplacer I______ CORP et J______ SA par de nouvelles sociétés de droit panaméen. Entendu comme témoin par le Tribunal, l'avocat a déclaré avoir été mandaté et payé par les époux D______/E______, qu'il considérait comme ses clients, et n'agissait que sur instruction de D______. Il n'était pas l'avocat de la Banque.

Le nom de M______ avait été proposé aux époux D______/E______ par K______ : L______ disposait en effet d'une liste de plusieurs avocats genevois pouvant œuvrer en qualité d'administrateurs de sociétés.

La future épouse de M______, N______, occupait à cette époque un poste de directrice-adjointe auprès de L______.

l. En compagnie de M______, K______ s'est rendu à O______ [France] pour rencontrer D______ et entreprendre les démarches nécessaires à la constitution des entités financières appelées à ouvrir des comptes chez L______, soit A______ SA et B______ CORP, sociétés anonymes enregistrées au Registre du commerce du Panama les ______ 2009 et ______ 2009 respectivement.

Devant le Tribunal, M______ a déclaré qu'à l'origine, c'était L______, en la personne de K______, qui l'avait contacté pour créer des "structures" pour deux des clients de la Banque. Il lui avait été expliqué que cette démarche était rendue nécessaire à cause d'un problème relationnel entre les époux D______/E______ et l'une de leurs filles. Le rôle de M______ avait consisté à faire créer les sociétés A______ SA et B______ CORP, lesquelles étaient détenues via une fondation. Il avait ensuite eu un rôle d'intermédiaire financier classique, à savoir la détention de titres et un pouvoir de signature, avec la précision que D______ avait également un pouvoir de signature sur les comptes. A part recevoir la documentation bancaire, M______ n'avait aucun contact avec la Banque : seule D______ en avait directement. L'avocat n'effectuait aucun acte sans instructions de la précitée. Il avait également mis en place un règlement pour la fondation en cas de décès des époux D______/E______. Il ignorait si les époux D______/E______ possédaient déjà des "structures financières" au préalable.

L'avocat n'avait pas eu de relation avec D______ entre le moment de la création des sociétés A______ SA et B______ CORP et la signature des bien-trouvés en juillet 2011 (cf. infra attendu v.b.), ni ne l'avait revue. Il ne s'occupait pas du tout de la gestion des comptes, et ne savait rien des relations entre L______, les époux D______/E______ et les administrateurs de A______ SA et B______ CORP. Ces derniers étaient des administrateurs de service domiciliés au Panama, lesquels s'occupaient de milliers de relations du même type. Concrètement, la relation bancaire se décidait entre K______ et D______ : les administrateurs ne les avaient jamais rencontrés et ne savaient pas qu'ils existaient.

m. Le 26 juin 2009, A______ SA a ouvert un compte n° 3______ auprès de L______.

D______ était l'ayant droit économique de ce compte, et disposait en outre, depuis juillet 2011, d'une procuration générale. M______, désigné dans la documentation d'ouverture de compte comme représentant de A______ SA, détenait, en tant que mandataire, un pouvoir de signature individuelle.

Sous rubrique IV ("Correspondance"), il était prévu que toute la correspondance relative au compte serait adressée par courrier à M______ uniquement, de manière trimestrielle ("Quarterly").

La monnaie de référence était l'euro.

n. Le 27 octobre 2009, B______ CORP a ouvert un compte n° 4______ auprès de L______, dont E______ était l'ayant droit économique. M______ disposait d'un droit de signature individuelle. D______ a été mise au bénéfice d'un droit de signature individuelle sur le compte, ainsi que d'une procuration générale.

La correspondance devait être adressée par courrier à M______ uniquement, selon les mêmes modalités que pour le compte de A______ SA.

La devise de référence était l'euro.

o. Pour l'un et l'autre des comptes, la documentation d'ouverture de compte mentionnait notamment :

-          l'inclusion des conditions générales de L______ ("General terms and conditions"; ci-après, les Conditions générales);

-          le fait que la cliente avait reçu, lu, compris et accepté la brochure "Special risks in Securities Trading", publiée par l'Association suisse des banquiers.

Un "client investment questionnaire" a été signé le 8 juillet 2009 par A______ SA, selon lequel le montant qu'elle comptait initialement confier à L______ était de 20 à 30 millions de francs, représentant 25% à 50% de ses liquidités. L'horizon temporel de la gestion était de moins de trois ans et une croissance du capital était visée avec contrôle des risques ("capital appreciation with controlled risk"). Le risque était décrit comme "medium risk appetite", soit pas plus de 60% d'investissement en actions, le rendement acceptable étant de -10% à +15 %.

p. Aucun contrat de mandat de gestion écrit n'a été signé. Il a toutefois été convenu entre les époux D______/E______ et K______ que celui-ci continuerait de gérer les comptes de la même manière que par le passé auprès de H______.

q. Aux termes de l'article 4 des Conditions générales de L______ (intitulé "Bank Communications"), toute communication de la Banque était réputée avoir été dûment effectuée si elle était envoyée à la dernière adresse fournie par le client, et la date figurant sur les copies gardées en banque était considérée comme la date d'envoi.

L'article 7 des Conditions générales (intitulé "Client Complaints") avait la teneur suivante :

"Le Client peut contester, dans un délai de trente jours dès réception et par écrit, l'exécution ou la non-exécution d'instructions de quelque sorte que ce soit, les états de compte ou toute autre information qu'il reçoit [ ]. S'il n'adresse aucune réclamation ou objection par écrit dans ce délai, les transactions opérées par la Banque tout comme les états du compte sont réputés avoir été approuvés par le client".

("Clients shall have thirty days to make any complaint or objection in writing with respect to the execution or non-execution of instructions of any kind, or to statements of account or any other information provided by the Bank, starting from the date of receipt of the documents concerned [ ]. If no complaint or objection is made in writing to the Bank within the above period of thirty days, the transactions carried out by the Bank, as well as its statements of account and other notifications, shall be considered to have been approved by the Client [ ]").

Quant à l'article 24 des Conditions générales, il prévoyait l'application du droit suisse à toutes les relations entre la Banque et le Client, et la compétence à raison du lieu du siège genevois de L______.

r. L'approvisionnement des comptes de A______ SA et B______ CORP auprès de L______ s'est fait par virement des fonds (après liquidation des titres) appartenant à I______ CORP, respectivement J______ SA, déposés auprès de H______, qui ont transité par [la banque] P______ puis par [la banque] Q______.

Le 18 juillet 2009, L______ a ainsi réceptionné des fonds en 18'848'665 fr. pour A______ SA et, le 5 novembre 2009, en 4'885'015 fr. pour B______ CORP.

s. Durant la relation bancaire, D______ a été informée de la gestion des comptes directement par le "Relationship Manager", soit K______. Lorsqu'elle était de passage à O______ [France]_, soit une à deux fois par année, il lui rendait visite et lui présentait les chiffres des comptes de A______ SA et B______ CORP, sans toutefois entrer dans les détails, lesquels n'étaient d'ailleurs pas demandés par l'intéressée.

Chacun des contacts entre la cliente et le "Relationship Manager", qu'il s'agisse d'une rencontre en personne ou d'un entretien téléphonique, a fait l'objet d'une note interne ("Contact Report" ou "Call report").

Ces notes internes mentionnent notamment un dîner dans un restaurant de Genève le 10 juillet 2011, ainsi que de nombreux entretiens téléphoniques en date des 27 et 28 juin 2011, du 27 septembre 2011, des 1er, 2, 16, 17 et 28 novembre 2011, des 7, 23 et 28 décembre 2011, du 4 janvier 2012, des 6 et 23 février 2012, du 30 mars 2012, des 10 et 18 avril 2012 et des 9, 17 et 24 mai 2012.

M______ recevait les avis et relevés bancaires, ce qui est expressément admis par A______ SA et B______ CORP. Devant le Tribunal, M______ a déclaré qu'il recevait cette documentation "dans le cadre de la LBA". Conformément aux instructions reçues de D______, il n'avait jamais envoyé les relevés bancaires, ni aux administrateurs de A______ SA et B______ CORP, ni à D______, celle-ci lui ayant déclaré qu'elle prendrait directement connaissance des relevés bancaires auprès de la Banque. Il ne les avait jamais analysés.

t. Au cours des années 2009 et 2010, A______ SA et B______ CORP ont été pleinement satisfaites du résultat de la gestion pratiquée sur les comptes.

u.a Au premier semestre 2011, le compte de A______ SA a accusé une perte de 2 millions d'euros (soit une baisse de 14,24%), alors que B______ CORP a perdu un peu moins de 500'000 euros (soit une baisse de 12,77%).

D______ s'est plainte oralement auprès de K______ des performances décevantes de ses avoirs et a sollicité des explications.

Ni elle-même, ni son époux, ni les administrateurs de A______ SA et B______ CORP n'ont formellement contesté, par écrit, les relevés bancaires relatifs aux comptes n° 3______ et n° 4______.

Aux plaintes de D______, K______ répondait en substance que les pertes avaient été causées par la conjoncture économique et le marché.

u.b A cet égard, l'expert désigné par le Tribunal (cf. infra attendu D.d) a précisé que les marchés boursiers de la zone euro avaient connu une crise lors de l'été 2011. L'indice EURO STOXX 50 était une référence pour le marché des actions dans la zone euro et regroupait les 50 plus grandes capitalisations boursières de cette dernière. Sur les 50 titres, plus de 30 étaient français et allemands (soit près de 2/3 de l'indice). Début janvier 2011, l'indice avait ouvert à 2'807 points et était resté globalement stable jusqu'à mi-2011 (2'875 points au 1er juillet), malgré des fluctuations mensuelles parfois importantes entre 3'000 et 2'750 points. Au cours de la crise boursière de l'été 2011, cet indice avait connu son taux le plus bas le 12septembre 2011 à 1'995 points (soit environ -30% depuis le début 2011, respectivement le 1er juillet 2011). L'indice était ensuite remonté de 16% (depuis son plus bas) à fin 2011, mais finissait malgré tout à -17% sur l'année.

Les bourses des marchés émergents avaient chuté de 20% en moyenne en 2011, avec des volatilités importantes.

S'agissant de l'Europe, les valeurs bancaires (et françaises plus spécialement) avaient particulièrement chuté en 2011 (S______ -57%, T______ -54%,
U______ -36%) au vu de leurs expositions aux obligations souveraines des Etats de la zone euro. Les secteurs cycliques (automobile, industriel, construction, etc.) avaient également fortement baissé.

Le contexte économique de 2011 découlait de la crise de 2008 et le recul des PIB des Etats en 2009 et 2010. Des mesures d'austérité budgétaires décidées en 2010 dans certains pays européens (Espagne, Portugal, Grèce, Irlande) avaient créé des inquiétudes. Le déclencheur avait été la crise grecque, avec un plan de sauvetage (et même une éventualité de quitter la zone euro) et une dégradation de sa notation de dettes publiques pour défaut de paiement. Les banques de la zone euro avaient été particulièrement affectées, étant même classées en surveillance négative par des agences de notation. Le 20 juillet 2011, un nouveau plan d'aide à la Grèce avait été accepté par les dirigeants européens, qui se traduisait par un défaut de paiement partiel du pays. Le plan avait créé un précédent et envoyait des signaux très négatifs aux détenteurs d'obligations publiques européennes.

v. En juillet 2011, les documents suivants ont été signés par A______ SA et B______ CORP :

v.a Des courriers de décharge datés du 5 juillet 2011, émanant respectivement de A______ SA et B______ CORP (soit pour elles leur présidente et leur trésorière), adressés à L______, dont la teneur était la suivante :

"Nous, directeurs de la société A______ SA, donnons par la présente entière décharge à la L______, tant pour les actes de gestion que d'administration, depuis l'ouverture du compte jusqu'à ce jour.

Nous avons été complètement informés des transactions effectuées sur ce compte, et approuvons les décisions de L______".

("We, Directors of the company A______ SA, hereby give complete discharge to L______ for both management and administration acts, from the opening of the accounts until today's date.

We were fully informed of the transactions carried out on this account, and we approve L______'s decisions").

v.b Six "bien-trouvés" relatifs aux deux comptes signés le 11 juillet 2011, pour la période allant de l'ouverture des comptes jusqu'à cette date, par D______ et M______, à l'occasion d'une rencontre en l'étude de celui-ci, en présence de K______.

Ces bien-trouvés se présentaient, pour l'un et l'autre comptes, sous la forme de documents intitulés, respectivement "Estimation de portefeuille au 31 décembre 2009", "Estimation de portefeuille au 31 décembre 2010" et "Estimation de portefeuille au 11 juillet 2011.

Sur la première page de chacun de ces documents figurait de manière claire, sur la gauche, la "Répartition de la fortune", par catégorie de placements (soit actions, produits hybrides, options et futures, comptes espèces, devises à terme, marges sur options et futures), avec le total de la fortune nette en euros. Les placements étaient listés individuellement dans les pages suivantes.

Sur la droite de la page figurait la rubrique "Performance du portefeuille en EUR", avec la mention de la fortune initiale pour chacune des périodes concernées, la mention de la fortune pour la fin de chacune desdites périodes, la variation de la fortune en chiffres absolus, ainsi que la même variation exprimée en pourcentages (performance absolue). L'historique des performances était décrit sur une des pages suivantes.

Ces six relevés portaient la signature et la mention suivante de la main de M______ :

"Je valide par la présente toutes les opérations effectuées sur les compte jusqu'à la date du présent état de compte" ("I hereby validate all trades performed on the accounts up to the date of this financial statement").

Les six exemplaires des bien-trouvés conservés par M______ portaient également la mention manuscrite "Pour accord le 11 juillet 2011" et la signature de D______.

Lors de son audition par le Tribunal, D______ a confirmé avoir signé ces documents. M______ avait rédigé la mention susmentionnée et signé les bien-trouvés, qu'elle avait signés à son tour. A ce moment-là, les pertes avaient déjà eu lieu et elle était déjà mécontente des prestations de K______; toutefois, sur le moment, elle n'avait pas de "solution de secours" et n'avait rien pu faire d'autre que de signer ces bien-trouvés pour accord. Lors de la séance de signature du 11 juillet 2011, des explications techniques ou pratiques lui avaient été données, mais elle ne les avait pas comprises. Elle avait seulement compris qu'elle devait signer les bien-trouvés et que cette signature valait accusé de réception de ces documents, même s'il lui avait été demandé d'écrire "pour accord" avant de les signer.

En audience, M______ a confirmé que la séance avait eu lieu en son étude et précisé qu'elle avait duré une quinzaine de minutes. Il ne se souvenait pas ce qui s'était dit à cette occasion, mais il n'y avait pas eu d'analyse de la gestion des comptes ni de leurs performances.

La Banque a allégué avoir informé complètement les intéressés de la gestion des portefeuilles oralement lors de cet entretien, ce que contestent A______ SA et B______ CORP.

w. Deux contrats de mandat discrétionnaire ("Discretionary Portfolio Management Mandate") ont été signés au Panama le 5 juillet 2011 par A______ SA, respectivement le 25 septembre 2011 par B______ CORP, soit pour elle leur présidente. D______ a contresigné le mandat de A______ SA.

Ces documents prévoyaient, s'agissant du type de gestion attendu par le client ("Management type"), un profil "Dynamique" ("Dynamic"), avec la précision que le client pouvait opter entre quatre types distincts de gestions, à savoir :

-          Le profil "Preservation", qui prévoyait une basse tolérance au risque, et avait pour objectif la conservation des revenus et du capital, avec une faible volatilité.

-          Le profil "Balanced", avec une tolérance moyenne au risque, avec pour objectif la préservation du capital, avec une volatilité moyenne.

-          Le profil "Dynamic" – choisi par B______ CORP et A______ SA, et

-          Le profil "Alternative (Hedge Funds-Alternative products)", avec une haute tolérance au risque, et pour objectif une préservation modérée du capital et une volatilité variable.

Le mandat "Dynamic" choisi comprenait, aux termes dudit mandat, les investissements dans tout type de transactions bancaires, sans limite dans les proportions et le volume des transactions ("Investment in any kind of banking transactions, with no limits on the proportions and on the volume of transactions, with up to 100% in equities and /or in collective investments instruments invested in equities (including alernative investments)").

S'agissant de la "Tolérance au risque" ("Risk Tolerance"), elle était qualifiée de "Haute", et le profil était décrit comme pouvant provoquer des fluctuations importantes et durables dans la valeur des investissements et du portefeuille ("Large and lasting fluctuations in the value of investments and the Porfolio may occur").

L'objectif était la croissance ("Growth"), avec une grande volatilité.

Tant pour le compte de A______ SA que pour le compte de B______ CORP, D______ a apporté aux mandats la mention manuscrite suivante :

"Minimum de 20% investi dans des dépôts monétaires et en cash – jusqu'à 50% du portefeuille peut être investi dans des produits structurés avec des protections partielles" ("Minimum of 20% invested into monetary and cash deposit investment – up to 50% of the portfolio can be invested into sutructured products with partial protections").

x. Le 19 octobre 2011, A______ SA et B______ CORP ont signé les documents intitulés "Client Investment Questionnaire". Selon ces documents, A______ SA entendait confier à la gestion de L______ un montant de l'ordre de 12 à 15 millions d'euros, somme qui représentait moins du 25% de la totalité de ses avoirs en liquide ("this represents less than 25% of my liquid assets").

Quant à B______ CORP, elle entendait confier à la gestion de la Banque un montant de l'ordre de 3 à 4 millions d'euros, somme qui représentait moins du 25% de la totalité de ses avoirs en liquide ("this represents less than 25% of my liquid assets").

A______ SA et B______ CORP y confirmaient que les clients de la Banque disposaient de 15 à 20 années d'expérience dans les investissements traditionnels (actions et obligations), 10 à 15 ans d'expérience dans le marché des devises (forex) et 5 à 10 ans d'expérience dans les investissements spéculatifs (options, futures, dérivés, marchés émergents, fonds spéculatifs et de placement privés).

Dans ces mêmes questionnaires, les clientes confirmaient qu'elles comprenaient la situation du marché et tolèreraient une certaine volatilité de leur portefeuille en raison de la présente crise ("[they] understand the market environment and they tolerate some volatility in the management of the portfolio with the current crisis").

Les questionnaires "Know Your Client" ("KYC") de L______ relatifs aux deux sociétés portaient les précisions suivantes sous rubrique "potentiel d'affaires avec le client" ("Potential for Business with the Client"; chiffre 5) :

-          pour A______ SA : surface financière du client 100 millions fr. - montant attendu à l'ouverture du compte : 20-30 millions fr. - montant attendu après deux ans : 30-40 millions fr.

-          pour B______ CORP : surface financière du client 30 millions fr. - montant attendu à l'ouverture du compte : 5 millions fr. - montant attendu après deux ans : 10 millions fr.

y. La signature en juillet 2011 des mandats discrétionnaires précités n'a pas changé le mode de gestion convenu par les parties, mais a consisté en une formalisation de leurs relations.

K______, entendu comme témoin par le Tribunal, a décrit D______ comme une personne qui souhaitait s'orienter vers du rendement absolu. Elle était cliente auprès de plusieurs établissements bancaires et mettait ces derniers en compétition par rapport à la gestion des avoirs confiés : elle critiquait régulièrement ses autres banques à cause de leur manque de performance. D______ était dans une logique de croissance ou de "performance +". Elle avait confié un mandat "Dynamic" à L______ et elle comprenait les thématiques d'investissement de ce profil. Il aurait d'ailleurs été absurde de forcer quelqu'un à choisir ce type de profil. Elle était la coordinatrice pour l'ensemble des avoirs de la famille D______/E______ et elle s'occupait des deux comptes. Ce n'était pas une personne que l'on pouvait influencer.

Devant le Tribunal, D______ a affirmé qu'elle n'avait aucune connaissance en matière financière et qu'elle ne s'impliquait pas dans les choix de placement. Elle avait donné des directives générales, lesquelles n'avaient jamais varié depuis que les fonds étaient déposés chez H______ : il s'agissait de préserver le capital et de le faire fructifier. Elle n'avait jamais donné d'instruction quant à des opérations ou des placements en particulier : c'était K______ qui prenait ces décisions. Elle ne savait pas en quoi consistait un profil de gestion de type dynamique. Il lui avait été expliqué que le profil dynamique était nécessaire pour avoir un peu de rendement. Elle n'avait pas choisi la catégorie "Preservation" car on lui avait dit de choisir le profil "Dynamic" si elle voulait que ses fonds lui rapportent un peu.

z. Les performances des portefeuilles de A______ SA et B______ CORP ont continué de baisser durant la seconde moitié de l'année 2011. D______ s'est plainte par téléphone auprès de la Banque de la performance générale des portefeuilles.

Devant le Tribunal, D______ a admis avoir indiqué à K______ que les fonds déposés dans d'autres banques lui rapportaient plus. Elle l'avait fait pour "titiller" le gestionnaire; en réalité, elle n'avait pas déposé des fonds auprès d'autres établissements bancaires.

Dès fin septembre 2011, D______ a exigé d'être informée chaque semaine par téléphone sur les opérations réalisées, ce qui fut fait.

Selon les notes internes relatant les téléphones et les entrevues entre D______ et K______, rédigées par ce dernier - les enregistrements des échanges téléphoniques n'ont pas été conservés par la Banque -, les explications données par le gestionnaire étaient liées à la "volatilité du marché" (15 juillet 2011), à "la chute du marché" (27 septembre 2011) et à "la faible situation économique et l'environnement actuel très volatil" (1er novembre 2011). Le 22 décembre 2011, K______ a relaté avoir expliqué à D______, de manière précise et à plusieurs reprises, que les faibles performances de l'été 2011 étaient dues à la corrélation entre le pourcentage d'investissement élevé et la chute "dramatique" des marchés en action pendant cette période.

Dans un document interne du 2 avril 2012, V______, "Head of Legal & Compliance" chez L______, écrivait : " Je m'inquiète de ce que la cliente persiste à demander cette explication, alors qu'elle a signé le bien-trouvé, ce qui signifie a priori qu'elle a complètement accepté les pertes et ce qui devrait nous protéger" ("It worries me that the client still wants this explanation, if she has signed the waiver, which a priori means she has fully accepted the loss and which should protect us").

aa. Entre l'automne 2011 et le printemps 2012, le gestionnaire et D______ ont eu des entretiens téléphoniques quasi-hebdomadaires.

K______ a continué de rassurer oralement D______, en incriminant le marché et les circonstances.

D______ a persisté à se plaindre des performances et à solliciter des explications écrites - que L______ a renoncé à fournir -, sans toutefois contester formellement, par écrit, l'un ou l'autre des relevés bancaires.

ab. Par courriel du 9 mai 2012, D______ a demandé l'annulation des mandats de gestion, dans les termes suivants :

"Je confirme, pour moi et mon mari, de mettre fin dès réception de cet email au mandat de gestion et de passer à un statut de compte non discrétionnaire".

A compter de cette date, A______ SA et B______ CORP, d'une part, et L______, d'autre part, n'ont plus été liées que par un mandat d"execution only".

ac. Les 25 et 27 juin 2012, de nouveaux contrats formalisant l'ordre déjà donné par courriel ont été signés entre L______ et les représentants au Panama des sociétés A______ SA et B______ CORP.

ad. Par courrier du 12 septembre 2012, A______ SA et B______ CORP ont sollicité, par l'intermédiaire de leur nouveau conseil, un rendez-vous avec L______ pour discuter des pertes encourues.

ae. Selon publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) du ______ 2012, BANQUE C______, société anonyme inscrite au Registre du commerce du canton de Zurich, a repris l'intégralité des actifs et passifs de L______, par suite de fusion.

L______ a pour sa part été radiée suite à cette fusion.

af. K______ a quitté son poste au sein de la Banque juste après cette fusion.

ag. Entre septembre 2012 et l'été 2015, différents échanges de correspondances ont eu lieu entre l'avocat constitué pour A______ SA et B______ CORP, d'une part, et L______, respectivement C______, d'autre part.

En particulier, accompagnés par un courrier du 3 septembre 2013, des CD-ROM comprenant l'ensemble des avis de transactions des comptes n° 3______ (A______ SA) et n° 4______ (B______ CORP) ont été remis en mains propres par C______ au conseil de ces sociétés.

L'ensemble des "Contact reports", des "Call reports", décharges et profils clients en possession de C______ a été remis au conseil de B______ CORP et A______ SA par courrier du 14 mai 2015.

ah. B______ CORP et A______ SA ont confié à la société W______ SA à Genève, société spécialisée dans les domaines de l'investissement et de la gestion de fortune, le mandat d'analyser et observer les comptes précités auprès de L______, pour la période allant du 20 juillet 2009 au 1er juillet 2012 pour A______ SA, et du 30 octobre 2009 au 1er juillet 2012 pour B______ CORP.

Aux termes de cette expertise (privée) du 10 juin 2015, les associés X______ et Y______, Senior Partners, sont parvenus aux conclusions suivantes :

"Notre analyse et nos observations mettent clairement en évidence plusieurs déficiences graves dans la gestion pratiquée par L______, qui sont à l'origine des pertes importantes subies par la cliente:

-       Le barattage ("churning") [technique consistant à multiplier les commissions de mouvement au bénéfice du gestionnaire et au détriment du client]

-       La mauvaise gestion du risque;

-       L'utilisation de titres "pourris" et d'instruments à levier extrêmement spéculatifs qui, à eux seuls, génèrent des pertes importantes dans les deux portefeuilles;

-       La sous-performance d'environ 40%-50% réalisée par les portefeuilles par rapport à un indice de référence des plus basiques et à la gestion pratiquée par d'autres banques, avec pour résultat un manque à gagner dramatique pour la cliente".

D. a. Par demande du 29 juillet 2015, déclarée non conciliée le 12 octobre 2015 et introduite devant le Tribunal le 12 janvier 2016, A______ SA et B______ CORP ont assigné C______ en paiement des sommes suivantes :

-          9'339'000 euros avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2012 en faveur de A______ SA;

-          2'092'000 euros avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2012 en faveur de B______ CORP.

Invoquant la responsabilité contractuelle du mandataire, A______ SA et B______ CORP ont fait valoir que K______ et, partant, la Banque, avait violé ses obligations de gestionnaire, notamment en commettant du "barattage" ("churning"), en gérant mal les risques, et en procédant à des investissements dans des titres de piètre qualité et des instruments à levier extrêmement spéculatifs, ce qui avait conduit à des performances gravement insuffisantes par rapport à des portefeuilles comparables gérés par d'autres, ainsi que par rapport à un "Benchmark" [dans le domaine de la finance, le "benchmark" désigne tout élément qui peut servir de référence, de point de comparaison pour l'analyse de la rentabilité et du risque d'un portefeuille; il s'agira par ex. d'un taux, d'un indice boursier ou d'un portefeuille de référence]. A______ SA et B______ CORP ont également reproché à la Banque une violation de son devoir d'information.

Le dommage subi par A______ SA et B______ CORP devait être calculé en comparant le résultat du portefeuille (effectif) administré en violation du mandat avec celui d'un portefeuille hypothétique de même ampleur géré correctement pendant la même période. Selon l'expertise réalisée par W______ SA, le dommage subi s'élevait à 9'339'000 euros pour A______ SA et à 2'092'000 euros pour B______ CORP.

b. Dans le délai imparti pour répondre, C______ a, par requête du 20 avril 2016, sollicité des sûretés en garantie des dépens

Par ordonnance OTPI/264/2016 du 27 mai 2016, le Tribunal a condamné A______ SA et B______ CORP à fournir des sûretés en garantie des dépens en 130'000 fr., ce qui a été fait.

c. Sur le fond, C______ a conclu au déboutement de A______ SA et B______ CORP, sous suite de frais et dépens.

Elle a fait valoir que, faute de mandat de gestion écrit confié par A______ SA et B______ CORP à K______ lors de l'ouverture des comptes auprès de L______, la documentation contractuelle signée en été 2011 correspondait à ce que les parties avaient convenu les 26 juin et 27 octobre 2009, date de l'ouverture des comptes, soit notamment un mandat de gestion discrétionnaire. Ces relations de mandat avaient duré jusqu'au 9 mai 2012, date à laquelle les sociétés demanderesses avaient mis fin au mandat de gestion et passé à un statut de compte "non discrétionnaire". Entre le 9 mai et le 20 novembre 2012, les avoirs des demanderesses avaient été gérés selon un rapport "execution only".

C______ a contesté toute responsabilité pour cette seconde période (mai à novembre 2012). Pour la période courant de l'été 2009 à mai 2012, elle a contesté avoir manqué tant à son devoir d'information qu'à son obligation de diligence. Elle avait géré les risques de manière adéquate, selon une stratégie approuvée par A______ SA et B______ CORP, soit pour elles par D______. En tout état, l'ensemble des opérations effectuées avaient été ratifiées par les clientes, par la signature des courriers de décharge des 5 et 11 juillet 2011.

d. Une expertise judiciaire a été ordonnée par le Tribunal et confiée à Z______, expert-comptable diplômé, avec pour mission de déterminer le principe et la quotité des dommages qu'auraient subi A______ SA et B______ CORP, dans le cadre de la gestion de leurs comptes par L______.

L'expert, dans son rapport principal, son rapport complémentaire et lors de son audition par le Tribunal, a notamment retenu que les mandats de gestion de juillet 2011 étaient des mandats dynamiques, mais avec une volonté (écrite et spécifique des clients) de réduire les risques avec des liquidités minimales et des produits structurés (protection à la baisse). Il en ressortait une situation plutôt ambigüe en réalité, puisque l'on pouvait admettre une part d'actions importante, contrebalancée par des produits structurés (avec une protection partielle à la baisse) et des liquidités minimales. Une expérience préalable dans les produits financiers avait été validée par le cocontractant, et une volatilité certaine de la performance du portefeuille était donc attendue.

Avant le 11 juillet 2011, la variation de fortune négative constatée résultait principalement d'une perte sur "AA______" et d'une perte non-réalisée résultant des actions "AB______" et "AC______". La position sur l'action "AA______." durant le premier semestre 2011 était l'exemple d'une concentration excessive sur un seul titre, de plus fortement volatil, et était inacceptable même dans le cadre d'une gestion balancée/dynamique.

Du 11 juillet au 31 octobre 2011, alors que selon l'appréciation de l'expert le mandat de gestion "Dynamic" permettait d'investir dans la quasi-totalité des instruments financiers, de nouveaux investissements étaient apparus soit :

- Des produits structurés sur des titres de sociétés majeures pour la plus grande partie. Ces titres avaient subi de plein fouet la baisse des marchés de l'été 2011. Ainsi, leurs ventes semblaient inopportunes en termes de "market timing" et aucun effet protecteur n'avait joué. Certains de ces produits structurés avaient par ailleurs été investis en valeurs bancaires françaises qui avaient particulièrement baissé durant l'été 2011;

- Il avait été investi dans des "ETF" ("Exchange Traded Fund"), fonds répliquant des indices de marchés émergents, présentant une grande volatilité et pouvant être multipliés par un effet levier.

Au 11 juillet 2011, les deux comptes étaient investis à hauteur d'environ 80% en actions et produits structurés. Au 30 septembre 2011, la part d'actions avait diminué drastiquement à 16%, alors que les produits structurés avaient été vendus. La Banque avait donc massivement vendu à perte une part considérable des actions. Les pertes avaient été réalisées quasiment au plus bas des bourses européennes en septembre 2011, sans réinvestissement significatif, suite à l'intervention de D______. En effet, selon les courriels échangés, il semblait n'y avoir eu aucun contact entre les parties du 15 juillet au 27 septembre 2011. A partir de cette date, D______ avait exigé d'être informée de toutes les opérations significatives sur les deux comptes. Par la suite, il avait été convenu de ne pas dépasser 20% en actions sur la totalité du portefeuille.

Aucun investissement dans de grandes capitalisations américaines ou indices américains, qui aurait permis de réduire la perte, n'avait été effectué à cette période.

A la même époque, l'allocation par catégories de placement avait été modifiée; à titre d'exemple le nombre d'actions avait été réduit de moitié, passant de plus de 80 positions à 42 au 31 octobre 2011 pour le compte A______ SA. L'expert a par ailleurs souligné qu'il était impossible pour un gestionnaire de gérer de manière professionnelle autant de positions que 86 ou 84 à la fois.

L'expert a relevé que, durant l'été 2011, il y avait eu une concentration forte sur des titres très volatils et une gestion très agressive, alors que les marchés étaient en forte baisse précisément à cette époque, ce qui expliquait en grande partie les pertes. En effet, l'indice EURO STOXX 50, soit la référence du marché européen des actions, avait baissé de 30% lors de la crise boursière de 2011. Selon l'expert, la seule chose à faire aurait été pour le gestionnaire de ne pas investir sur les marchés européens des actions. En effet, les différences entre les "benchmarks" utilisés pour l'expertise, qui avaient moins baissé que les portefeuilles des deux comptes, s'expliquaient par le fait que les investissements dans des marchés extra-européens auraient permis d'amortir les pertes boursières européennes qui furent nettement plus importantes. L'effet protecteur des produits structurés était aussi un élément majeur de différence.

Dès octobre/novembre 2011, et ce même si les mandats de gestion étaient toujours valides, les deux comptes n'étaient quasiment plus "mouvementés". Les pertes réalisées étaient donc définitives, ce qui dans l'absolu et avec le recul, était une décision malheureuse car n'ayant pas permis de récupérer une partie des pertes grâce à la remontée progressive des marchés des actions (certes plus lente dans la zone euro). De fait, il n'y avait plus de gestion sur les comptes, les actions restantes en portefeuille avaient été conservées, puis graduellement vendues, souvent avec des pertes supplémentaires durant 2012. La plupart des positions ayant subi des baisses durant cette période étaient déjà acquises au moment de la signature des bien-trouvés en juillet 2011.

Ces remarques étaient aussi valables pour le compte B______ CORP.

Les deux résumés en tableaux suivants permettaient d'apprécier la situation pour l'année 2011 :

Portefeuille A______ SA - Année 2011

Estimation du portefeuille en euro au

31.12.2010

11.07.2011

31.12.2011

Actions

9'643'739

8'230'569

1'614'007

Produits hybrides

496'763

2'987'036

0

Options et futures / Marges sur options et futures

0

20'609

0

Dépôts à terme

0

0

1'947'294

Comptes espèces

6'016'227

2'645'229

3'995'276

Devises à terme

-131'983

-141'980

-14'443

Total

16'024'746

13'741'463

7'542'134

Variation de la fortune depuis le 31.12.2010

 

-2'281'945

-6'478'518

Total des apports-retraits nets depuis le 31.12.2010

 

-1'328

-2'004'094

Capital moyen investi

 

16'024'306

15'764'870

Portefeuille B______ CORP - Année 2011

Estimation du portefeuille en euro au

31.12.2010

11.07.2011

31.12.2011

Actions

2'413'944

1'783'436

448'476

Produits hybrides

106'917

769'644

0

Options et futures / Marges sur options et futures

0

7'492

0

Comptes espèces

1'294'973

765'866

2'047'303

Devises à terme

-31'744

-26'034

-2'328

Total

3'784'088

3'300'404

2'493'451

Variation de la fortune depuis le 31.12.2010

-483'088

-1'288'261

Total des apports-retraits nets depuis le 31.12.2010

-2'376

e. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 4 novembre 2019, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

f. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a qualifié les relations contractuelles des parties de contrat de gestion de fortune oral pour la période allant du 26 juin 2009 au 5 juillet 2011, pour A______ SA, et jusqu'au 25 septembre 2011 pour B______ CORP. A ces deux dernières dates, la relation contractuelle avait été formalisée par un "mandat écrit de gestion discrétionnaire" signé par les parties, sans pour autant modifier le contenu de leurs droits et devoirs. Enfin, dès le 9 mai 2012, il avait été mis fin aux mandats de gestion, remplacés dès lors par une relation "execution only", formalisée par la signature des documents correspondants les 25 et 27 juin 2012. Sous l'angle de la relation de gestion de fortune, le Tribunal a tenu pour acquis que des pertes avaient été subies par A______ SA et B______ CORP et que ces pertes auraient pu être moindres si des décisions d'investissement différentes avaient été prises, conformément au mandat confié. Cependant, D______, qui était l'unique interlocutrice de la Banque au nom et pour le compte de A______ SA et B______ CORP, disposait, malgré sa formation médicale, d'une bonne connaissance des stratégies d'investissement et d'une expérience de plusieurs années dans ce domaine. Les deux sociétés se présentaient comme ayant une surface financière importante - le Tribunal s'étant plus particulièrement référé aux "Client Investment Questionnaires" signés en octobre 2011 pour parvenir à cette conclusion (cf. attendu x. ci-dessus) - et des attentes élevées en termes de rendement. La stratégie de placement était agressive et supportée par des "structures ad hoc". Au vu du profil de gestion choisi ("Dynamic"), la tolérance au risque était haute et l'objectif de croissance élevé, assorti d'une grande volatilité. Or, les communications bancaires étaient adressées à un mandataire indépendant, soit un avocat, et aucun des relevés n'avait fait l'objet de contestation dans le délai de 30 jours prévu par les Conditions générales. L'information était complétée par des contacts réguliers entre le gestionnaire et D______. De simples plaintes orales concernant les mauvais résultats des portefeuilles étaient à cet égard insuffisantes. Par ailleurs, deux courriers de décharge et six bien-trouvés avaient été signés le 5 juillet, respectivement le 11 juillet 2011, par les administrateurs de A______ SA et B______ CORP, ainsi que par M______ et D______, celle-ci "[validant] toutes les opérations effectuées sur le compte". Des estimations de portefeuille au 31 décembre 2009, au 31 décembre 2010 et au 11 juillet 2011 étaient jointes à ces documents, qui étaient aisément compréhensibles. Ces courriers et bien-trouvés valaient ratification de la gestion du compte. Puis, entre juillet 2011 et mai 2012, les contacts téléphoniques réguliers entre D______ et le gestionnaire montraient une information complète, la gestion demeurant semblable à celle opérée précédemment. Aucune violation du mandat de gestion ne pouvait donc être retenue. S'agissant de la période durant laquelle l'activité s'était limitée à un mandat "execution only", aucune responsabilité de la Banque n'était envisageable, celle-ci s'étant limitée à exécuter les instructions de ses clientes.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi (art. 130, 131, 142 et suivants et 311 CPC) par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par la maxime des débats et le principe de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). Elle applique le droit d'office (art. 57 CPC).

Selon l'article 311 al. 1 CPC l'appel est motivé. Il s'agit d'une condition à sa recevabilité, laquelle est examinée d'office par le juge (arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2 et 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2). L'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée et que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Il ne suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, de reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, ni de se livrer à des critiques générales de la décision attaquée (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.2, 4A_376/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.2.1).

1.3
1.3.1
Devant la Cour, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis que lorsqu'ils sont produits sans retard et qu'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance, malgré toute la diligence requise (art. 317 al. 1 CPC).

1.3.2 En l'espèce, les pièces nouvelles 39 (directives de SWISSBANKING d'avril 2010), 68 (article disponible sur WIKIPEDIA.ORG) 69 et 70 (articles de presse de 2016) produites devant la Cour par les appelantes sont irrecevables, car antérieures à la clôture des débats principaux de première instance.

Certains des certificats médicaux produits comme pièces nouvelles (pièce 78 app.) sont postérieurs à la clôture des débats principaux de première instance et pourraient donc être, en tant que tels, recevables. Ces documents sont toutefois sans incidence sur la solution du litige, car ils ne se rapportent à aucun fait pertinent et ne concernent pas la période de l'administration des comptes par L______.

2. Les appelantes reprochent au Tribunal d'avoir mal apprécié le mode de gestion des fonds décidé par les parties, une gestion permettant une forte croissance avec pour corollaire des risques élevés n'ayant pas été convenue, et de ne pas avoir tenu compte du fait que l'information fournie aux appelantes était déficiente et ne leur permettait pas de valider les actes de gestion entrepris par la Banque.

2.1
2.1.1
En matière d'opérations boursières, s'agissant des devoirs contractuels de diligence et de fidélité de la banque envers son client, la jurisprudence distingue trois types de relations contractuelles : (1) le contrat de gestion de fortune, (2) le contrat de conseil en placements et (3) la relation de simple compte/dépôt bancaire ("execution only") (ATF 133 III 97 consid. 7.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.1; 4A_593/2015 du 13 décembre 2016 consid. 7).

De la qualification du contrat passé entre la banque et le client dépendent l'objet exact et l'étendue des devoirs contractuels d'information, de conseil et d'avertissement de la banque (arrêts du Tribunal fédéral 4A_593/2015 précité consid. 7; 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.2; 4A_364/2013 du 5 mars 2014 consid. 6.2; 4A_525/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1-3.2, in AJP 2012 p. 1317 ss; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1). Ces devoirs contractuels découlent des obligations de diligence et de fidélité ancrées dans les règles du mandat (art. 398 al. 2 CO), dans le principe de la confiance (art. 2 CC) ou encore dans l'art. 11 LBVM (arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2017 précité consid. 5.1.1).

Dans le mandat de gestion de fortune, le client charge la banque de gérer tout ou partie de sa fortune en déterminant elle-même les opérations boursières à effectuer, dans les limites fixées par le contrat en ce qui concerne la stratégie de placement et l'objectif poursuivi par le client (arrêts du Tribunal fédéral 4A_41/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.1; 4A_336/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.1; 4A_168/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.1, in SJ 2009 I 13). L'existence d'un contrat de gestion de fortune n'exclut nullement que le client puisse occasionnellement donner des instructions à la banque (arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1).

Dans le contrat de conseil en placements, le client sollicite des informations et conseils de la part de la banque, mais il décide toujours lui-même des opérations à effectuer; la banque ne peut en entreprendre que sur instructions ou avec l'accord de son client (arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.3; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1; 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.1).

Dans le contrat de simple compte/dépôt bancaire ("execution only"), la banque s'engage uniquement à exécuter les instructions ponctuelles d'investissement du client, sans être tenue de veiller à la sauvegarde générale des intérêts de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 4C_385/2006 du 2 avril 2007 consid. 2.1; 4A_369/2015 du 25 avril 2016 consid. 2).

2.1.2 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, c'est-à-dire conformément au principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1; 130 III 417 consid. 3.2). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2 et les arrêts cités).

2.1.3 Par la clause de courrier en banque restante, la banque accepte de conserver chez elle, dans le dossier bancaire du client, les avis qu'elle doit lui adresser, mais prévoit que les communications ainsi faites sont opposables à celui-ci comme s'il les avait effectivement reçues. Le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir reçu immédiatement les avis qui lui sont adressés de cette façon (fiction de réception); il sera traité de la même façon que le client qui aura réellement reçu le courrier, quant à la fiction de ratification d'une opération non contestée dans un certain délai (arrêts du Tribunal fédéral 4A_118/2019 du 9 août 2019 consid. 3.2.1; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.1; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.1; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.2.2; 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.3; 4C_378/2004 du 30 mai 2005, reproduit in SJ 2006 I 1, consid. 2.2). En effet, l'option banque restante n'est pas utilisée dans l'intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui, pour des raisons lui étant propres, n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. En pareil cas, la banque, qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication. Le client qui choisit l'option banque restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se réalise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_118/2019 du 9 août 2019 consid. 3.2.1; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.1; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.1; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.2; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 6.3; 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.3; 4C_378/2004 du 30 mai 2015 consid. 2.2).

Si l'application stricte de la clause de banque restante, entraînant fiction de réception, combinée avec la clause de réclamation, emportant fiction de ratification (cf. infra consid. 2.1.4), conduit à des conséquences choquantes, le juge peut exclure celles-ci en se fondant sur les règles de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.3; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.3; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.2.3; 4A_614/2016 du 3 juillet 2017 consid. 6.1; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2). Les fictions de réception et de ratification ne sont en effet opposables au client que pour autant que la banque ne commette pas d'abus de droit
(art. 2 al. 2 CC). Il y a notamment abus de droit lorsque la banque profite de la fiction de réception du courrier pour agir sciemment au détriment du client, ou lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément aux instructions orales du client, elle s'en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir (par exemple en cas de contrat de gestion de fortune), ou encore lorsqu'elle sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (par exemple lorsqu'elle agit sans instructions dans le cadre d'un contrat "execution only" ou de conseil en placements) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_118/2019 du 9 août 2019 consid. 3.2.1; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.1.3; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.3; 4A_386/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.2.3; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2; 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.3; 4C_378/2004 du 30 mai 2015 consid. 2.2).

Selon la jurisprudence, le client qui ne consulte pas pendant quatre ans son courrier en banque restante viole l'obligation de diligence, découlant des règles de la bonne foi, qui lui impose de relever le courrier qui lui était adressé en banque restante, pour pouvoir, cas échéant, contester les opérations qui lui paraissent irrégulières ou infondées, et empêcher ainsi l'aggravation du dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 6.2).

2.1.4 En vertu de la clause de "réclamation" généralement prévue par les conditions générales des banques, toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client dans un certain délai dès la réception de l'avis d'exécution de l'ordre ou du relevé de compte ou de dépôt, faute de quoi l'opération ou le relevé est réputé ratifié par lui. Une telle clause est valable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.1; 4A_119/2018 précité consid. 6.1.2; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2 et les références citées).

En effet, les communications de la banque ne servent pas seulement à l'information du client, mais visent aussi à permettre la détection et la correction en temps utile d'écritures erronées, voire d'opérations irrégulières, à un moment où les conséquences financières ne sont peut-être pas encore irrémédiables. Les règles de la bonne foi imposent au client une obligation de diligence relativement à l'examen des communications reçues de la banque et à la contestation des écritures qui lui paraissent irrégulières ou infondées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.1; 4A_119/2018 précité consid. 6.1.2 et les références citées).

La clause de réclamation - et sa fiction de ratification - est applicable aux clients auxquels les communications sont faites en banque restante (arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 6.1.2; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2).

S'il n'est pas d'accord avec les opérations non autorisées, le client ne peut pas se contenter d'une réclamation téléphonique auprès de son chargé de relation et attendre le développement de cet investissement non souhaité pour contester les opérations plusieurs mois plus tard, lorsque les pertes sont intervenues. Faute de contestation, même s'il n'a pas consciemment voulu ratifier les opérations par son comportement, le client doit se laisser opposer la fiction de ratification (contenue dans les conditions générales), même si le chargé de relation au sein de la banque ne s'était pas tenu à ses instructions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_556/2019 du 29 septembre 2020 consid. 5.2; 4A_449/2018 du 25 mars 2018 consid. 4.2; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2)

Lorsque le client réceptionne effectivement les communications qui lui avaient été adressées en banque restante, on peut se demander si l'art. 3 CC ne lui imposerait pas de contester immédiatement, et non dans le délai d'un mois prévu généralement, les opérations qui s'écartent de la stratégie convenue (en cas de gestion de fortune) ou qu'il n'a pas autorisées (en cas de contrat "execution only" ou de conseil en placements) et qu'il découvre ou devrait découvrir en y prêtant l'attention que les circonstances permettent d'exiger de lui. Le Tribunal fédéral a toutefois laissé la question ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.2).

2.1.5 L'intérêt d'un bien-trouvé est qu'il permet de faire un point régulier sur la gestion pratiquée d'une manière documentée, ratifiant ainsi, cas échéant, la gestion de la banque pour la période couverte par le bien-trouvé. Il va sans dire que la signature du client doit être apposée sur une page résumant sa situation patrimoniale de manière claire et complète (Bizzozero/Falleti, Le mandat de gestion de fortune, 2ème éd. 2017, p. 189).

La signature de bien-trouvés par le client constitue une forme de ratification des actes accomplis par le gestionnaire. En cas de modification de la stratégie de placement, elle marque le consentement du client quant à la nouvelle stratégie adoptée. Elle prive en principe ce dernier de la possibilité de se plaindre valablement d'une mauvaise exécution du mandat de gestion de fortune en cas de pertes. Dans certains cas, le client fera valoir avoir signé les bien-trouvés soumis par le gestionnaire sans les avoir lus ou compris. Selon la jurisprudence, cet argument n'est toutefois pas décisif, à tout le moins lorsque le client concerné est "rompu aux affaires". Selon la doctrine, ce principe ne vaut pas sans réserves, notamment en cas de dol actif ou passif du gestionnaire, quelle que soit la connaissance que le client a du monde des affaires ou celle des marchés boursiers. En outre, lorsque le client n'est pas "rompu aux affaires", la signature de bien-trouvés devra, pour être opérante, s'accompagner d'explications du gestionnaire de fortune au sujet des modifications opérées dans le portefeuille et, le cas échéant, le changement de stratégie poursuivie. À défaut, il y a lieu de considérer que la signature du bien-trouvé ne peut être valablement opposée au client. Cette solution est du reste en ligne avec les exigences posées par la jurisprudence en matière de changement de stratégie de placement par acceptation tacite, respectivement en matière de satisfaction du devoir d'information par la remise d'une brochure standardisée sur les risques, qui présupposent ( ) que le client ait effectivement été mis au bénéfice d'explications suffisantes (Béguin / Chappuis, Le mandat de gestion de fortune, 2ème éd. 2017, p. 477 et suivante).

Selon la jurisprudence, une personne s'étant occupée d'une concession automobile, ayant géré un parking multiplaces et ayant procédé à des opérations immobilières, a acquis des connaissances suffisantes du monde des affaires pour savoir que l'on ne signe pas un document contractuel (en l'occurrence : des bien-trouvés bancaires) sans l'avoir lu attentivement. Son expérience des affaires lui permet de comprendre ce que signifie un pourcentage parmi les vecteurs de placement choisis (i.e. la part des actions dans son portefeuille; arrêt du Tribunal fédéral 4A_380/2010 du 16 novembre 2010 consid. 2.3.2 publié in SJ 2011 I p. 309).

2.2 En l'espèce, les questions litigieuses sont celles de savoir si la Banque a violé ses devoirs contractuels et si les appelantes ont validé a posteriori certains actes de gestion.

Bien que les appelantes aient renoncé à réclamer la réparation d'un quelconque dommage pour la période antérieure au 11 juillet 2011, il convient néanmoins d'examiner la gestion opérée jusque-là, afin de déterminer l'étendue du mandat de gestion et de l'information fournie aux appelantes à cette date, qui détermine la situation postérieure, objet de leurs prétentions.

Les appelantes ne contestent pas qu'elles étaient liées à la Banque par deux mandats de gestion discrétionnaire de type dynamique depuis le 26 juin 2009, respectivement le 27 octobre 2009, ce jusqu'au 9 mai 2012. Cela étant, elles remettent en cause le contenu desdits mandats, soit, plus particulièrement, la tolérance au risque telle que retenue par le Tribunal. En outre, elles reprochent au premier juge d'avoir retenu à tort que l'information fournie par la Banque était suffisante, notamment pour la signature des bien-trouvés et pour la décharge fournie par les administrateurs. D______ s'était plainte auprès de la Banque de pertes, mais elle n'avait pu contester à temps la gestion déficiente faute d'informations. Enfin, postérieurement à la signature des bien-trouvés, la gestion avait été modifiée à l'insu des appelantes, engendrant des pertes supplémentaires.

2.2.1 S'agissant du profil d'investissement choisi par les appelantes, l'appréciation des connaissances financières de D______ a été effectuée correctement par le Tribunal, à savoir que celle-ci, femme d'affaires avisée à la tête (avec son époux) d'une entreprise employant près de 200 personnes, disposait de bonnes connaissances des stratégies d'investissements et d'une expérience de plusieurs années dans ce domaine, et qu'elle s'occupait depuis de nombreuses années de la gestion d'un patrimoine avoisinant les 100 millions d'euros. Les appelantes elles-mêmes ont déclaré, dans les formulaires transmis à la Banque, bénéficier d'une longue expérience, ce dont il faut comprendre qu'elles se référaient à celle de D______ qui agissait en leurs noms. Les contestations non étayées des appelantes sur leurs connaissances et expériences, y compris celles de D______, seront écartées, en particulier la question d'une prétendue limitation pour raison médicale qui n'est pas démontrée à l'époque des faits pertinents soit en 2012 et antérieurement.

Le Tribunal s'est ensuite livré à un examen détaillé des relations contractuelles entre les établissements bancaires successifs, tous représentés par K______ comme gestionnaire, et D______ en sa qualité d'ayant droit économique des entités successives et représentante de celles-ci, auquel il peut être renvoyé en tant que de besoin (jugement attaqué, consid. E.f.aa). Il a retenu que la surface financière des appelantes était très importante et que leur but avait été d'adopter une stratégie de placement agressive qui se confirmait au fil des options d'investissement choisies.

A ce sujet, les appelantes se limitent à des réfutations générales en affirmant qu'il était faux de retenir un objectif de croissance élevé, ainsi que l'acceptation d'une grande volatilité et d'une haute tolérance au risque.

Cette argumentation fait abstraction des éléments pertinents avancés par le Tribunal, à savoir que la surface financière importante des appelantes signifiait qu'elles n'exposaient pas plus d'un tiers de leur capital, ce qui était cohérent avec les choix d'investissement opérés au fil de la relation, y compris avec la banque précédente, et qui correspondent à ceux retenus par le premier juge. Il s'agissait d'une croissance du capital, sans exigence approfondie de rendement, avec une tolérance au risque importante et une volatilité marquée des investissements. Cela ressort déjà des rapports entretenus avec H______, aucun changement fondamental n'ayant été convenu lorsque les fonds ont été confiés à L______, ainsi que le révèlent les documents contractuels établis par la suite. En outre, pendant plusieurs années, soit jusqu'à fin 2010, les appelantes ont été pleinement satisfaites du résultat de la gestion opérée, ce alors qu'elles étaient informées de manière détaillée sur celle-ci, ainsi qu'il sera vu ci-après.

Les appelantes reprochent en outre au Tribunal d'avoir confondu un "client investment questionnaire", à savoir celui daté du 8 juillet 2009, avec deux autres documents de même intitulé signés en 2011 (cf. attendu o. et x. dans la partie EN FAIT ci-dessus). Il est vrai que le Tribunal n'a pas mentionné le "client investment questionnaire" daté de 2009 - signé par les appelantes contrairement à ce que celles-ci prétendent; il n'en demeure pas moins que les constatations du premier juge sur l'ampleur du patrimoine des appelantes ne sont, d'une part, pas contestées par les intéressées et, d'autre part, correspondent aux chiffres mentionnés dans tous ces documents, qui sont similaires.

Aussi, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ne saurait être retenu que la Banque, pour la période antérieure au 11 juillet 2011, se serait écartée de manière insoutenable des instructions données qui lui permettaient expressément d'investir dans des instruments financiers risqués et volatils, causant potentiellement des pertes. Seule une concentration excessive sur un seul titre a été pointée par l'expert durant cette période, de sorte que la Banque n'a pas agi sciemment au détriment des appelantes, ni ne s'est écartée de façon déloyale des instructions reçues, ni ne savait qu'elle effectuait des transactions que ses clients n'approuvaient pas.

2.2.2 Quoi qu'il en soit, s'agissant de la période allant jusqu'au 11 juillet 2011, des décharges et des bien-trouvés ont été signés. Il s'agit d'examiner ces documents et leurs effets à l'aune des griefs soulevés par les appelantes.

Celles-ci soutiennent que ces documents ont été signés alors qu'une information donnée sur la gestion de leurs portefeuilles était insuffisante. Ce moyen n'est pas fondé.

En effet, les Conditions générales de la Banque, opposables aux appelantes ce qui n'est pas contesté, comprennent une clause dite de "réclamation" qui impose au client de formaliser ses réclamations par écrit dans un délai de 30 jours dès qu'il a connaissance des opérations effectuées. Cette clause est valable et admise par la jurisprudence.

Or, en l'occurrence, l'avocat M______ disposait d'une procuration sur les comptes et a été désigné comme seul récipiendaire de la correspondance pour les appelantes vis-à-vis de la Banque. Les allégations des appelantes selon lesquelles l'avocat manquait d'indépendance ne sont pas étayées. Le simple fait que sa future épouse travaillait au sein de la Banque qui avait proposé son nom, parmi une liste d'avocats, à D______, ne permet pas de remettre en cause son indépendance. Ainsi qu'il l'a déclaré lui-même, ses clients étaient les appelantes - et non la Banque -, par le truchement de leurs ayants droit économiques.

Il n'est pas contesté que l'avocat a reçu l'intégralité de la documentation bancaire, sans que les appelantes ne formulent la moindre opposition à l'une ou l'autre des transactions effectuées. Les appelantes tentent vainement d'invoquer le fait que l'avocat ne leur avait jamais transmis les documents pertinents, ni d'ailleurs à leurs ayants droit économiques, ni ne les étudiait. Cet aspect est exorbitant à la relation contractuelle liant les appelantes à la Banque. Celle-ci ne saurait se voir opposer le fait que l'avocat avait décidé de ne pas transmettre le courrier ou qu'il avait été convenu de procéder ainsi avec ses clients. Il n'est pas démontré que la Banque avait connaissance de cet arrangement. Les appelantes ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes si elles ont choisi un mode de transmission déficient de la documentation bancaire et elles sont réputées en avoir eu connaissance, puisque l'on ne discerne aucun abus de droit commis par la Banque sur ce point.

En tout état, même à supposer que la Banque ait su que l'avocat ne transmettait pas les relevés aux appelantes, la situation serait assimilable à celle où le client opte pour la conservation du courrier en banque restante. En effet, dans ce dernier cas, la banque sait si le client consulte ou ne consulte pas son courrier, puisqu'il doit le faire dans les locaux de la banque. Ainsi que cela résulte des clauses usuelles des conditions générales bancaires, le simple fait que le client ne consulte pas son courrier ne le dédouane pas des conséquences de la clause de réclamation évoquée ci-dessus. D'ailleurs, le client qui s'abstient de consulter son courrier pendant une longue période viole ses devoirs contractuels. Ce n'est que si la banque commet un abus de droit, dont on a vu ci-dessus que les conditions n'en étaient pas réalisées, que ces clauses ne sont pas opposables au client. En l'occurrence, la clause en question n'a pas conduit à des conséquences choquantes, puisque les appelantes étaient dûment informées et en mesure de contester à temps les opérations effectuées, par la transmission du courrier bancaire à leur avocat.

Par ailleurs, les appelantes étaient, par l'intermédiaire de D______, régulièrement en contact téléphonique ou en rendez-vous avec le gestionnaire de la Banque qui l'informait de l'évolution du patrimoine. Les appelantes ne soutiennent pas devant la Cour que D______ n'aurait pas reçu suffisamment d'information par ce biais durant la période antérieure au 11 juillet 2011, leurs griefs (motivés) se concentrant sur la période postérieure.

Comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, il n'y a jamais eu d'opposition écrite, ainsi que le prévoient les Conditions générales, sur le contenu des extraits de compte transmis, alors que les appelantes étaient suffisamment renseignées sur la gestion de leurs portefeuilles. Les appelantes étaient donc forcloses à s'en plaindre lors de l'introduction de la procédure. L'on se trouve précisément dans la situation évoquée par la jurisprudence où le client, certes mécontent des pertes subies, laisse la banque continuer à agir et tente postérieurement, et alors que les pertes sont définitives, de lui reprocher une gestion à laquelle il a consenti.

La signature des bien-trouvés et des décharges vient encore renforcer ce qui précède. En effet, l'on conçoit mal qu'un avocat de la place genevoise, ainsi qu'une femme d'affaires expérimentée, signent des documents valant décharge pour l'entier de la gestion opérée par une banque pendant plus de deux ans sans chercher à se renseigner, si, comme ils le prétendent sans convaincre, ils se considéraient comme insuffisamment informés. Le fait que la réunion du 11 juillet 2011 ait été par hypothèse brève n'est guère pertinent, puisque l'intégralité de la documentation bancaire se trouvait en l'étude de l'avocat, là où la réunion pour la signature a eu lieu, et qu'elle était donc à disposition des parties. Bien plus, l'avocat avait pouvoir de signer les bien-trouvés et avait reçu l'intégralité de la documentation, de sorte que l'on ne saurait retenir que l'homme de loi était insuffisamment informé et ne disposait pas des connaissances nécessaires pour savoir à quoi il s'engageait. Il s'agit également de rappeler que le contexte de la signature des bien-trouvés était une situation de baisse de valeur des portefeuilles depuis plusieurs mois, connue de tous les intervenants, et que cette signature n'est pas survenue "par surprise" ainsi que le laissent entendre les appelantes. En outre, ainsi que l'a relevé le Tribunal, les documents signés contiennent un résumé, succinct mais complet, de la gestion des comptes, lequel permettait au vu des connaissances cumulées de l'avocat et de D______ de se faire une idée suffisamment précise des investissements effectués et de la portée des résultats obtenus. Ainsi, tant l'avocat que D______ avaient compris la portée des documents qu'ils signaient, lesquels valent acceptation expresse de la gestion des comptes par la Banque.

Il n'en va pas différemment de la signature des décharges par les administrateurs désignés comme des "administrateurs de paille" par les appelantes. Puisque ces administrateurs, dont il n'est pas contesté qu'ils sont expérimentés en ce qu'ils gèrent quantité de sociétés off-shore, ont affirmé avoir été suffisamment renseignés et ont signé une documentation à l'attention de la Banque, valant décharge, il convient de s'en tenir au texte de ces documents, en l'absence de tout allégué ou offre de preuve tendant à démontrer le contraire. La relation entre les appelantes et ses administrateurs est une res inter alios acta du point de vue de la Banque. Les appelantes ont choisi de se doter d'administrateurs de paille dont il n'est pas contesté qu'ils disposaient du pouvoir de signature idoine; un tiers n'a pas à en supporter les conséquences. Il n'existe pas d'indice au dossier permettant de retenir que la Banque savait que les administrateurs n'avaient pas été correctement renseignés, pour peu que ce fût le cas. D'ailleurs, les appelantes n'ont pas tenté de démontrer que les administrateurs n'auraient pas obtenu les informations qu'ils ont certifié avoir reçues.

Enfin, la Cour relèvera, à l'instar du Tribunal et ce qui n'est pas remis en cause en appel, qu'en septembre 2013, l'ensemble des avis de transaction a été remis en mains de l'avocat actuel des appelantes, sans qu'il ne soit jamais formulé de réclamation quant à l'une ou l'autre des transactions effectuées dans les 30 jours, ni d'ailleurs ultérieurement.

Par conséquent, la gestion opérée jusqu'au 11 juillet 2011, conforme ou non au mandat de gestion conclu, a été ratifiée, tant par l'absence de contestation formelle des appelantes que par la signature des bien-trouvés et des décharges, de sorte que la responsabilité de l'intimée ne saurait être engagée pour cette période. Les griefs soulevés par les appelantes seront donc rejetés.

2.2.3 Reste à déterminer si la gestion postérieure au 11 juillet 2011 jusqu'à la résiliation du mandat de gestion, remplacé en mai 2012 par un mandat "execution only", est conforme aux directives des appelantes, cas échéant si elle a été ratifiée, et ce plus particulièrement pour la période allant de juillet à octobre 2011 qui fait l'objet des griefs soulevés par les appelantes.

A ce sujet, le Tribunal a retenu que des contacts téléphoniques hebdomadaires avaient eu lieu entre D______ et le gestionnaire entre juillet 2011 et le 9 mai 2012, date à laquelle le mandat de gestion avait pris fin. Les appelantes étaient ainsi suffisamment renseignées et n'avaient élevé aucune plainte formelle durant cette période. La structure des portefeuilles était restée largement semblable, les pertes subies provenant pour l'essentiel de titres déjà acquis lorsque les bien- trouvés et les courriers de décharge avaient été signés. Aucune contestation formelle n'avait été formulée.

Les appelantes contestent ce raisonnement en exposant que la gestion pratiquée par la Banque avait été modifiée après la signature des bien-trouvés, plus particulièrement entre le 12 juillet et le 31 octobre 2011, la part d'actions chutant et des ventes étant réalisées à des moments inopportuns, alors que les contacts téléphoniques réguliers n'avaient débuté qu'à l'automne 2011.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il est exact qu'il n'y a eu ni contact téléphonique, ni courriel, ni rencontre entre le gestionnaire et D______ entre le 11 juillet et le 27 septembre 2011. Cela est cependant sans incidence sur la solution adoptée par le premier juge.

A titre liminaire, il sera relevé que les appelantes ne se sont pas prévalues devant le Tribunal du fait que la gestion de leur portefeuille se serait modifiée sans qu'elles le sachent dès le 11 juillet 2011, de sorte que ce fait nouveau s'avère irrecevable. Il convient néanmoins de déterminer si une violation contractuelle a été commise par l'intimée pour la période commençant à cette date.

Il n'est pas contesté que les parties ont formalisé leur relation contractuelle le 11 juillet 2011 par la signature de mandats de gestion discrétionnaire écrits, qui n'ont pas modifié le type de gestion convenu par le passé et laissé, comme c'était le cas précédemment, une grande latitude à la Banque dans la gestion des avoirs (cf. les développements au consid. 2.2.1 supra). Concrètement, la Banque était autorisée à investir dans tous les instruments financiers, sous réserve de certaines limites exprimées en pourcentage qui n'ont pas été dépassées en l'espèce. Ainsi, les investissements en actions, "ETF" et produits structurés critiqués par les appelantes n'étaient pas interdits par le mandat. Celles-ci échouent à démontrer que des actes de gestion auraient été exécutés sans respecter la marge de manœuvre laissée à la Banque.

Les appelantes se prévalent du fait que la part d'actions dans les portefeuilles a fortement diminué durant l'été 2011, en passant de 80% à 16% au 30 septembre 2011, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire. Il ne ressort pas du dossier qu'une instruction expresse dans le sens d'un tel changement de structure du portefeuille aurait été donnée par les appelantes ou leurs ayants droit. Néanmoins, cette modification doit s'apprécier dans le contexte de la crise financière survenue à l'été 2011 et au vu du caractère discrétionnaire du mandat confié. Il n'est plus contesté que cette crise a profondément affecté et péjoré les marchés boursiers mondiaux et européens. Il était donc conforme aux intérêts des mandantes de procéder à un ajustement des investissements, par comparaison avec les années 2009 et 2010, beaucoup plus prévisibles sur les marchés boursiers.

En toute hypothèse, il est établi que cette baisse de la proportion d'actions dans le portefeuille s'inscrit dans une approche qui a été dûment validée par D______ dès la fin septembre 2011. En effet, à partir de cette date, il est admis que les parties ont entretenu, à sa demande, des contacts hebdomadaires, lors desquels la prénommée était informée de toutes les transactions notables opérées sur les comptes. Cette intensité nouvelle dans la relation avec la Banque n'a pas suscité de modifications dans la stratégie d'investissement adoptée depuis l'été 2011, dès lors que la part en actions est demeurée plus basse qu'auparavant, soit environ 20%, ce jusqu'à la fin de l'année 2011 pour le moins.

Cette modification de la gestion, comprenant aussi la liquidation des produits structurés, qui n'apparaissent plus dans les comptes au 31 décembre 2011, était donc connue des appelantes, par le biais de D______, informée de façon détaillée et sur une base hebdomadaire dès septembre 2011, et était visible dans la documentation bancaire expédiée par la Banque au plus tard en fin d'année 2011.

Or, aucune plainte écrite n'est parvenue à la Banque sur ces corrections opérées dans les proportions d'actions détenues, voire sur l'acquisition d'"ETF" ou encore sur la vente des produits structurés.

Le fait que les comptes ne sont plus "mouvementés" depuis l'automne 2011 résulte de ce qui précède, cette issue étant connue des appelantes en raison des entretiens réguliers du gestionnaire avec D______, et ne peut donc être reprochée à l'intimée. Ainsi, si les pertes n'ont pas pu être compensées par la reprise des marchés à cette période, la Banque ne saurait en être tenue pour responsable, puisque l'abandon progressif d'une gestion active et la résiliation du mandat de gestion est le fait des appelantes.

L'existence d'investissements dans des titres qualifiés de "pourris" par les appelantes n'a pas été démontrée, puisque l'expertise judiciaire n'a pas détecté de tels investissements. A ce sujet, il est relevé que l'expertise privée produite par les appelantes n'a pas valeur de preuve, mais d'allégation de partie seulement (ATF 141 III 433 consid. 2.6; arrêts du Tribunal fédéral 4A_551/2015 du 14 avril 2016 consid. 4.2; 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1). D'ailleurs, la plupart des conclusions des experts privés ne sont pas corroborées par l'expert judiciaire, de sorte qu'elles n'ont pas été démontrées à satisfaction de droit. En effet, l'expert judiciaire n'a pas identifié les mêmes lacunes que les experts privés.

S'agissant du contenu de l'information donnée par le gestionnaire, il n'est pas contesté que celui-ci a imputé les pertes subies à l'état général du marché. Cette appréciation était exacte, puisque les pertes subies étaient presque exclusivement causées par les résultats des bourses en 2011, ce qui est en conformité avec les conclusions de l'expertise. Les chiffrés avancés par le gestionnaire selon les appelantes, soit des baisses de l'ordre de 30%, sont également conformes aux constatations de l'expert concernant l'indice applicable. Au demeurant, les appelantes n'exposent pas quelles informations leur auraient été dissimulées à cette époque : le simple fait que la Banque n'ait éventuellement pas comparé ses performances avec les "benchmarks" usuels n'est pas pertinent. Il ressort en effet de leurs témoignages concordants que D______ a affirmé à K______ que les avoirs qu'elle avait confiés à d'autres banques réalisaient de meilleures performances. Que D______ ait tenu de tels propos en plaisantant n'est guère crédible au vu de l'assise financière de près de 100 millions d'euros qu'elle indique être la sienne conjointement avec son mari. Il semble au contraire établi que la précitée - et les appelantes par son biais - étaient informées des performances moindres de leurs comptes auprès de L______ par rapport à d'autres établissements bancaires ou, pour le moins, qu'elles étaient en mesure, au vu de leurs moyens et de leur longue expérience en la matière, de se faire assister ou de trouver les comparatifs pertinents. En tous les cas, s'il était informé - même par plaisanterie - que les clientes détenaient d'autres comptes auprès de tiers qui affichaient de meilleurs résultats, le gestionnaire pouvait partir de l'idée qu'il était superflu de comparer les performances des comptes des appelantes à d'autres "benchmarks", afin de mieux informer celles-ci. Que la Banque ait refusé de fournir une information écrite à ce sujet ne paraît pas déterminant, au vu de l'expérience des appelantes, par le biais de D______, et demeure sans conséquence.

De surcroît, à l'instar de ce qui a été retenu précédemment (cf. consid. 2.2.2 supra), aucune contestation n'a été formulée dans le délai de trente jours, nonobstant l'information régulière et continue reçue par D______ et l'envoi de la documentation bancaire à M______ - ce sans même évoquer l'envoi renouvelé de l'intégralité de cette documentation en septembre 2013. Il s'ensuit que les appelantes étaient réputées avoir accepté la gestion des comptes par la Banque et l'avoir ratifiée. Les plaintes orales sont insuffisantes et insuffisamment précises pour être retenues. En effet, comme déjà rappelé ci-avant, le client ne peut pas se limiter à se plaindre de façon générale des résultats de la gestion, pour attendre ensuite le développement des investissements, puis, finalement, se retourner contre la banque une fois que les pertes sont définitives. Or, pour la gestion postérieure au 11 juillet 2011, c'est précisément de cette façon que les appelantes se sont comportées vis-à-vis de l'intimée.

Il suit de là que les appelantes sont réputées avoir accepté la gestion opérée par la Banque pour la période courant dès le 11 juillet 2011, de sorte que la responsabilité contractuelle de l'intimée ne saurait être engagée.

2.2.4 S'agissant de l'accusation de barattage ("churning") formulée par les appelantes, celles-ci ne concluent pas au remboursement d'éventuelles commissions perçues en trop - dont l'existence n'a pas été démontrée -, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point.

2.3 Les appelants ne se prévalent d'aucune violation par l'intimée de ses obligations contractuelles pour la période postérieure au mois de septembre 2011. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

3. 3.1 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 70'200 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC), mis à la charge des appelantes qui succombent, solidairement entre elles (art. 106 al. 1 et 2 dernière phr. CPC), et compensés avec l'avance fournie par celles-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

3.2 Les appelantes seront par ailleurs condamnées à verser à l'intimée la somme de 58'700 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1 LaCC).

Conformément à l'arrêt ACJC/105/2021 du 26 janvier 2021, les appelantes ont versé 58'700 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de sûretés en garantie des dépens. Ceux-ci seront donc invités à verser cette somme en faveur de l'intimée en paiement de ses dépens d'appel.

* * * * *

 


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 novembre 2020 par A______ SA et B______ CORP contre le jugement JTPI/13291/2020 rendu le 29 octobre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15610/2015-2.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de leurs conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 70'200 fr., les met à charge de A______ SA et B______ CORP, solidairement entre elles, et les compense avec l'avance de même montant versées par celles-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA et B______ CORP, solidairement entre elles, à verser 58'700 fr. à BANQUE C______ à titre de dépens d'appel.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à libérer les sûretés en 58'700 fr. versées par A______ SA et B______ CORP en faveur de BANQUE C______.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Roxane DUCOMMUN, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Roxane DUCOMMUN

 

 

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.