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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17106/2021

AARP/331/2025 du 04.09.2025 sur JTMI/1/2024 ( PENMIN ) , ADMIS

Descripteurs : ACTE D'ORDRE SEXUEL AVEC UN ENFANT;ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT;COMMISSION EN COMMUN;EXPERTISE DE CRÉDIBILITÉ
Normes : CP.191; CP.200; CPP.182
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17106/2021 AARP/331/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 septembre 2025

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

A______, comparant par Me B______, avocate,

appelants,

 

contre le jugement JTMI/1/2024 rendu le 10 janvier 2024 par le Tribunal des mineurs,

et

C______, domicilié c/o Mme D______, ______, comparant par Me E______, avocat,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) et A______ appellent du jugement du 10 janvier 2024 par lequel le Tribunal des mineurs (TMin) a acquitté C______ du chef d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance commis en commun (art. 191 et 200 du code pénal suisse [CP]).

b. Aux termes de leurs déclarations d'appel, tous deux concluent à un verdict de culpabilité, le MP requérant le prononcé d'une peine privative de liberté de huit mois, avec sursis, et A______ la condamnation du prévenu et de sa mère, conjointement et solidairement, à lui payer EUR 340.- (dommage matériel), CHF 30'000.- (tort moral) ainsi que CHF 15'316.65 (frais de défense), les deux premiers montants avec intérêts du 27 juillet 2019.

c. Selon l'acte d'accusation du 19 juillet 2023, il est reproché ce qui suit à C______ :

à Genève, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2019, dans sa chambre au sein du logement sis chemin 1______ no. ______, à tour de rôle et de concert avec F______, il a profité de ce que A______, née le ______ 2005, et partant âgée de 14 ans, était endormie sur le lit, de la sorte incapable de résister, pour la positionner sur le ventre, baisser sa culotte jusqu'à mi-cuisse et lui imposer les actes suivants : des caresses avec ses doigts au niveau du sexe de la victime, à même la peau ; une masturbation de son propre sexe en utilisant les mains de la jeune fille ; une tentative de fellation ; une pénétration vaginale avec son sexe.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 13 septembre 2019, G______ s'est présenté auprès de la compagnie de gendarmerie départementale de H______ (France) et a déposé plainte pénale. Sa fille, A______, avait été hospitalisée suite à un accident de scooter, le 1er août précédent. Le médecin qui l'avait prise en charge lui avait rapporté que l'adolescente avait révélé avoir été agressée sexuellement à Genève, dans un appartement. Elle s'était réveillée éprouvant des douleurs au vagin et ne portant plus sa culotte. Elle n'avait rien consommé et ne pensait pas avoir été droguée. A______ avait dit à son père qu'elle était avec un ami "mais après plus rien". Celui-ci lui avait fait part le jour de son audition de son intention de déposer plainte et elle avait marqué son désaccord, disant que ce n'était "pas vrai".

b.a.a. A______ a été entendue une première fois, par la gendarmerie française, le 10 octobre 2019. Le 27 juillet 2019, elle était allée passer la soirée à Genève avec I______, J______ et K______. Ils avaient tenté d'être admis au L______ [discothèque], où ils étaient arrivés une première fois aux environs de 23h30, sans succès, de sorte qu'ils s'étaient promenés et avaient rencontré, de retour devant l'établissement, d'autres jeunes, soit un groupe d'une vingtaine de jeunes hommes, qui avaient fini par proposer aux trois filles d'aller dormir chez eux. Ne souhaitant pas passer la nuit à l'extérieur, A______ les avait suivis jusqu'à M______ [GE] avec J______, tandis que I______ était partie avec K______, car les garçons avaient dit qu'ils ne voulaient pas de "gars". Sur le chemin, J______ marquait de la réticence, mais A______ la rassurait, disant qu'ils étaient "réglos". Un métis la "collait", lui caressant sans cesse la joue. Elle se détournait. À une reprise, il lui avait donné un bisou à cet endroit et elle avait dit "tu fais quoi". Lorsque les garçons lui avaient demandé de désigner le plus beau d'entre eux, elle avait parlé de son copain. En définitive, alors qu'ils étaient arrivés au pied de l'immeuble, l'autre jeune fille était partie. A______ était montée à l'appartement avec quatre garçons, soit deux métis, âgés d'environ 14 ans, et deux autres, à la peau noire, d'environ 17-18 ans. Ne les connaissant pas, et n'allant pas leur faire confiance "comme ça", elle était restée sur son téléphone, sans leur parler. Puis, fatiguée, elle s'était allongée sur "le coin du lit" et endormie. À son réveil, elle ne portait plus sa combinaison – un vêtement long, décolleté, de couleur noire avec des rayures blanches – et sa culotte Mickey était à moitié baissée. Sur question, elle ajoutera que son soutien-gorge était "mal mis" et qu'elle était décoiffée. L'un des garçons, qui venait de N______ [France], l'avait regardée et lui avait dit "j'en connais qui vont aller en zonz". À ces mots et parce qu'elle avait mal, elle avait compris ce qu'ils avaient fait. Durant la journée, elle avait eu quelques flashbacks et l'un des garçons qui l'avait raccompagnée, lui avait tout dit, ou plutôt avait tenté de lui faire comprendre. De retour chez elle, elle avait pris la pilule du lendemain. Elle s'était confiée à ses amis ainsi qu'à beaucoup de personnes, et cela était parti sur les réseaux sociaux.

Dans ses flashbacks, elle avait les yeux fermés mais entendait les sons et sentait le poids de "leurs" mouvements. Elle savait qu'ils avaient pris des photos car il y avait eu un flash, mais les garçons avaient dû les détruire, ayant entendu qu'elle allait se venger. Elle avait notamment retenu qu'ils s'étaient disputés pour prendre la place à côté d'elle. Ils avaient dit que ses fesses étaient trop douces et y avaient posé leurs têtes ainsi que pris des photos. Ils avaient tenté de la réveiller, se demandant si elle dormait ou faisait semblant. Ils lui avaient asséné des grosses claques, mais elle avait continué de dormir.

Le logement où les faits s'étaient déroulés était l'appartement de l'un des deux garçons plus jeunes. Elle l'avait entendu parler à quelqu'un mais n'avait vu personne. Elle y était retournée, une heure après en être partie, pour lui demander la vérité, en échange de quoi elle ne parlerait pas à la police. Il lui avait dit qu'il ne s'était rien passé, qu'il n'était pas un malade et qu'il "s'en foutait" si elle allait voir la police. Dans l'intervalle, elle était allée au centre commercial de O______ pour recharger son téléphone. Cette nuit-là, elle avait été très fatiguée car elle avait peu dormi durant les trois derniers jours. Elle n'avait rien consommé et personne ne lui avait donné de verre.

A______ a décrit les lieux. Dans la chambre, l'un des garçons avait regardé Netflix sur la télévision et celui qui y vivait lui avait proposé de venir se coucher, lui faisant de la place.

Elle savait qu'ils l'avaient "doigtée", qu'ils avaient pris ses mains pour "se branler avec" et qu'elle avait été pénétrée par une ou deux personnes. "Apparemment", ils avaient tenté de la "faire sucer" mais elle avait tourné la tête. Elle savait cela car l'un des deux garçons plus âgés le lui avait raconté, disant que les faits avaient été commis par les deux métis. Il n'avait pas vraiment raconté, s'exprimant en des termes très vagues, mais ils s'étaient compris. Pour sa part, elle se souvenait uniquement de certains dialogues et avait quelques flashs. Elle avait aussi compris à l'odeur de leurs pénis sur ses mains. Ce garçon lui avait dit que c'était lui qui lui avait donné des claques, pour la réveiller et prouver aux deux métis qu'elle n'était pas consciente.

À son réveil, elle s'était mise à pleurer et les garçons lui avaient demandé si elle était vierge. Elle avait répondu par l'affirmative et ils avaient été choqués. Ils l'avaient accompagnée à l'extérieur, puis jusqu'à la gare, s'agissant de celui qui lui avait parlé.

Elle n'avait pas présenté de traces de violence et pas remarqué la présence de sperme, étant précisé qu'elle portait un tampon. Elle avait d'ailleurs dit aux quatre individus que si son tampon était enfoncé, elle saurait qu'elle avait été violée. Or, elle avait constaté qu'il l'était en effet, lorsqu'elle était allée vérifier cela dans les toilettes d'un supermarché, à son retour en France.

Les garçons lui avaient dit qu'elle s'était elle-même déshabillée, ce qui était possible, car elle était somnambule et il avait fait très chaud, mais elle n'aurait pas déplacé sa culotte.

Pour elle, l'accident de scooter n'avait pas de lien avec ces faits, mais elle s'était confiée au médecin qui l'avait prise en charge. Elle n'en avait pas parlé à son père de crainte de le décevoir et qu'il ne pensât qu'il avait été un incapable qui avait "fauté". Elle lui avait dit qu'elle ne voulait pas déposer plainte. Elle ne voulait pas causer de problèmes et – sur question – avait peur de représailles. Les garçons pouvaient la retrouver via les réseaux sociaux. Elle avait tenté de faire de même de son côté, mais sans résultat.

A______ a déclaré qu'elle était bien vierge lors des faits.

L'adolescente a relaté, au sujet de sa situation personnelle, que ses parents étaient divorcés. Elle était placée sous la garde de son père et n'avait pas de contact avec sa mère. Celle-ci venait se poster sous le domicile familial pour voir ses enfants. Cela était "embêtant" et il fallait "tracer" son chemin en évitant de la regarder. A______ était en troisième [ndr : système français] mais ne se rendait plus en cours car elle pensait constamment à ce qu'il s'était passé et commençait à avoir peur de "tout le monde".

b.a.b. Le 4 décembre 2019, A______ est retournée à la gendarmerie pour décliner les prénoms de trois des quatre jeunes hommes en cause, soit C______, "F______ [prénom mal orthographié]" [recte : F______] et "R______" [recte : R______], précisant qu'elle avait échangé, après les faits, avec le premier et le troisième, sur Instagram et Snapchat. C______ lui avait envoyé un message d'excuses.

b.b.a. La poursuite ayant été déléguée aux autorités suisses, selon dénonciation officielle des autorités françaises du 23 décembre 2020 mais communiquée à l'Office fédéral de la justice par courrier du 10 février 2021, A______ a brièvement été entendue par la Brigade des mineurs le 4 juin suivant.

Le procès-verbal consigne les contacts entretenus par la police depuis la veille : elle s'était mise à pleurer en recevant un appel de la police, car elle avait pensé qu'elle n'entendrait plus parler de ce qu'il lui était arrivé. Elle avait envoyé aux inspecteurs les captures d'écran des messages d'excuses qu'elle avait reçus et les avait accompagnés afin d'identifier l'immeuble où les faits s'étaient déroulés, soit au domicile de C______.

A______ a, pour le surplus, indiqué que le message de ce dernier lui était parvenu le 28 juillet à 01h59 et que les faits avaient dû se dérouler dans la nuit du 26 au 27 juillet, non la suivante. Ce message faisait suite à ses demandes sur les réseaux afin d'obtenir de l'aide pour identifier les quatre garçons. Celui provenant du pseudo "Q______" était, à son sens, venu du compte de F______. R______ avait créé le compte d'un groupe composé d'elle-même, C______, F______ et lui. Il y avait des messages vocaux dans lesquels C______ lui demandait de ne pas aller à la police car ils avaient déjà assez de problèmes et R______ affirmait ne pas cautionner ce qu'il s'était passé mais lui demandait également de ne pas les dénoncer.

b.b.b. Le 7 juin 2021, A______ a identifié C______ et R______ sur planche photographique.

b.b.c. Ce même jour, elle a été entendue selon le protocole du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD). Son récit a en substance été le suivant, abstraction faite, autant que possible, des redites avec celui livré à la gendarmerie française :

Sur le déroulement des événements avant les faits à proprement parler

Le groupe des garçons rencontrés à Genève avait diminué au fil des atermoiements qui avaient précédé le déplacement à M______ [GE], de sorte qu'ils n'étaient plus que six, environ, lorsqu'ils s'étaient mis en route. Lorsqu'elle avait dit que le plus beau était son copain, elle avait montré des photos de lui. Comme il en était question, elle avait dit avec fermeté et en le répétant que les filles qui "couchaient" étaient "des putes". Quand ils avaient tenté de mettre leurs bras sur elle, elle s'était dégagée. A______ avait préféré dormir chez l'un d'eux plutôt que de passer la nuit dehors car cela lui faisait moins peur et elle ne se sentait pas en sécurité avec ses propres amis. En arrivant à l'appartement, ils avaient dû éviter de faire du bruit pour rejoindre la chambre. Sur invitation de C______, qui lui disait de se mettre à l'aise, elle s'était couchée au bord du lit, se disant qu'elle ne risquait rien tant qu'elle n'était pas au milieu, et s'était endormie "cash".

Sur les faits à proprement parler

Elle se souvenait de ce que, alors qu'elle était encore réveillée, le prévenu lui avait fait des "papouilles", soit des légères caresses, et elle avait déplacé sa main, disant "non", excepté lorsqu'il lui avait caressé la joue. Sauf erreur, comme il était "lourd", elle lui avait désigné les endroits où cela ne la dérangeait pas, et inversement. Ensuite, c'était comme si elle voyait tout ce qui arrivait alors même qu'elle dormait. Au début, C______ lui faisait des "papouilles" et les deux garçons plus âgés lui disaient d'arrêter, mais il continuait. Il avait recouvert leurs deux corps d'une couverture, afin qu'on ne les vît pas. Il avait essayé de la tirer vers lui mais elle était trop lourde. "Apparemment" elle avait elle-même enlevé sa combinaison, mais elle n'y croyait pas. Elle était étendue entre C______ et F______, tandis que les deux autres étaient assis, mais pas sur le lit. Ils l'avaient déplacée au centre de la couche et avaient pris ses mains pour se "branl[er]". A______ avait senti un "truc" et cela changeait à chaque fois. Elle avait compris que c'étaient … [leurs pénis]. Elle en avait un dans chaque main, les bras écartés et avait constaté la différence de taille, ce qui lui avait ensuite permis d'identifier qui la pénétrait. Ainsi, le membre de F______ était large et grand, celui du prévenu de taille moyenne et celui de R______ grand mais "pas normal au niveau de l'épaisseur" alors que le quatrième protagoniste n'avait "pas trop participé" lui semblait-il. Ou plutôt, il disait à ses amis d'arrêter mais filmait néanmoins. Puis il avait considéré que cela allait trop loin et avait entrepris, avec R______, de la réveiller, en lui donnant des claques, sans succès. Ensuite, la jeune fille avait été retournée sur le ventre, sauf erreur par F______, placée sur deux coussins, sa culotte avait été baissée et ils étaient "tous passés, un par un", ne s'interrompant qu'en apercevant sa serviette hygiénique. F______ avait commencé – elle avait senti son âme partir –, suivi par le prévenu – elle se sentait désormais comme un objet – et elle n'était pas certaine qu'il y eût eu une troisième pénétration par un autre agresseur. Curieusement, les trois garçons avaient agi en rang d'âge. Ils avaient chacun fait une dizaine de va-et-vient, soit donné une vingtaine de coups. Cela lui avait causé une forte douleur, à cause du tampon qui avait été enfoncé, mais cela ne l'avait pas tirée de son sommeil, ce qu'elle avait du mal à comprendre. En particulier, la première pénétration avait été très douloureuse. Il semblait à A______ que F______ avait dû forcer et elle avait senti comme une "petite déchirure" qui, dans les jours qui avaient suivi, avait été douloureuse lorsqu'elle urinait. Ils avaient pris à plusieurs reprises des photos, des vidéos ; en effet, elle avait perçu la lumière du flash. Alors même que dans cette position, elle était allongée sur le ventre, elle était couchée sur le dos à son réveil.

Interrogée sur sa combinaison, A______ a indiqué qu'elle ne savait toujours pas si elle l'avait enlevée elle-même ou non, précisant que le vêtement s'enlevait "par le haut".

Sur le déroulement des événements postérieurs aux faits à proprement parler

A______ ne savait pas ce qui l'avait réveillée. Elle avait aperçu C______ qui cachait son sexe avec un coussin tout en enfilant rapidement son caleçon, tandis que F______ était torse nu, et avait réalisé que sa propre culotte était baissée. Elle avait demandé des explications, tout en s'énervant. Les quatre individus étaient choqués et ne la regardaient pas dans les yeux. L'aîné des garçons avait mis ses bras en croix et dit qu'il ne voulait pas aller en "zonz" et "se cassait". Ils lui avaient demandé quelle était sa religion puis lui avaient dit de les suivre et l'avaient conduite à l'arrêt du bus, à l'exception de C______ qui était resté chez lui. En chemin, ils n'avaient pas répondu à ses questions, faisant ceux "qui ne savent pas". F______ et le quatrième protagoniste étaient descendus du bus. R______ lui avait demandé comment elle allait et elle s'était mise à pleurer, lui disant qu'elle savait ce qu'il s'était passé et qu'il devait lui dire la vérité. Il l'avait conduite au centre commercial de O______, afin qu'elle rechargeât son téléphone. Elle l'avait requis, s'il ne voulait pas lui dire la vérité, de la ramener chez C______, pour parler à un adulte, ce qu'il avait fait.

Le prévenu avait joué la fatigue et fait l'innocent. A______ l'avait menacé d'envoyer "des gens" à sa porte, pour régler "ça", et il lui avait montré ses contacts sur son téléphone, lui disant de les appeler si elle pensait qu'il était un violeur tout en haussant la voix. Comme elle n'aimait pas "les gens qui crient", elle était repartie avec R______, qui l'avait accompagnée jusqu'à la gare. Discrètement, il avait mis en cause les deux métis et dit qu'il avait honte, puis avait cessé de parler.

Ce jour-là, A______ s'était rendue à une autre soirée, qui avait également mal tourné. Elle était encore "frustrée" de la veille et n'avait derechef rien consommé, ou, en fait, si, quelqu'un lui avait proposé un fond de verre qu'elle avait accepté. Elle était avec une amie mais celle-ci était rapidement partie. Toujours "trop préoccupée" par ce qu'il lui était arrivé, elle s'était mise à envoyer des messages pour tenter d'identifier ses agresseurs et avait à ce moment reçu ceux de C______ et F______ présentant des excuses. Elle s'était mise à pleurer et une jeune femme était venue la consoler. Elle l'avait conduite dans une chambre, lui proposant d'y rester et précisant qu'elle surveillerait, mais en définitive, A______ s'était réveillée dans une autre pièce, en présence de deux garçons, deux frères, dont l'un avait sorti son "zizi". Elle se disait que cela ne devait pas recommencer, leur avait demandé d'ouvrir la porte, qui était verrouillée, et était sortie en hurlant. Elle a donné divers détails sur ces faits puis a fini par dire qu'elle ne voulait pas en parler davantage.

b.c. Devant la Juge des mineurs, A______ a confirmé sa plainte. Le groupe de garçons comprenait initialement une dizaine de personnes puis, au fil de la marche en direction de M______ [GE], où elle pensait qu'ils étaient arrivés entre minuit et 5h00, s'était réduit aux quatre protagonistes. Dans la chambre, deux d'entre eux s'étaient disposés sur le lit, les deux autres sur des chaises, au fond de la pièce. Au bout d'un moment, C______ lui avait demandé de venir près de lui et l'avait installée sous la couette. Il lui faisait des "papouilles", soit des caresses du bout des doigts, et elle avait dit que cela la mettait mal à l'aise mais l'avait laissé faire, puis elle s'était rapidement endormie. Ils étaient alors positionnés "en cuiller", elle au bord du lit. F______ était à côté du prévenu. Elle a livré globalement le même récit des faits, les résumant. En ce qui concerne les événements ultérieurs, elle a précisé qu'elle ne savait plus si C______ l'avait également accompagnée à l'arrêt du bus ou était resté chez lui et indiqué qu'elle ignorait qui était Q______ mais avait pensé qu'il s'agissait de F______ parce que C______ et R______ avaient utilisé chacun son propre compte. Elle ne savait plus qui avait créé le groupe sur Snapchat et ne pouvait exclure l'avoir fait elle-même. Elle avait conservé les échanges avec les deux premiers, soit les captures d'écran, pas ceux avec R______ car il l'avait bloquée avant qu'elle ne pût en faire. Ce dernier avait été le seul qui avait été un peu sincère avec elle.

Elle ne comprenait toujours pas l'état dans lequel elle s'était trouvée, entendant et sentant tout ce qu'il se passait alors qu'elle était endormie. Cela était comme un "cauchemar extrême" et il lui était impossible de se réveiller. Elle avait cependant bien vécu ce qu'elle avait relaté ; il ne s'agissait pas de faits qui lui auraient été rapportés, ni de souvenirs reconstitués. A______ a réitéré qu'elle avait très peu dormi durant les trois jours qui avaient précédé, car elle passait ses nuits à échanger des messages avec son petit ami. Elle avait donc été très fatiguée. Par ailleurs, elle avait le sommeil profond.

Depuis les faits, tout avait changé dans sa vie. Les premiers temps, elle avait dormi constamment puis elle s'était mise à sortir, à boire et à sécher l'école avant d'interrompre ses études, à 16 ans. Elle était désormais sous antidépresseurs et prenait un traitement contre la migraine. Elle ne mangeait pas suffisamment. Elle était suivie par un psychologue et un médecin, étant précisé qu'un diagnostic de dépression n'avait pas été posé, selon elle. Elle ne voulait pas dramatiser, mais elle vivait un calvaire.

b.d. Le dossier comporte notamment les pièces suivantes relatives à l'état de santé de la partie plaignante :

- un rapport du 3 octobre 2019 selon lequel l'examen gynécologique n'avait pas révélé de fissure de l'hymen, mais que celui-ci était "festonné, large, laissant pénétrer un doigt pour le toucher vaginal sans douleur". Selon le résumé des propos de la patiente, les faits s'étaient déroulés durant son sommeil et lui avaient été relatés par l'un des protagonistes. Deux garçons lui auraient imposé un rapport sexuel avec un sexe, une pénétration vaginale et un doigter, ainsi qu'un essai de pénétration dans la bouche. Elle s'était réveillée "sans les vêtements en bas, en ayant juste les vêtements en haut". Elle avait mal et portait un tampon qui était enfoncé. La conclusion de la gynécologue était que l'examen était compatible avec les dires de la jeune fille ;

- une attestation du père de la partie plaignante, produite devant le TMin, exposant que les cauchemars et flashbacks de sa fille l'avaient conduite à abandonner ses études. Elle avait perdu du poids, ne dormait plus, enchaînait les soirées. Elle était depuis un an sous antidépresseurs et neuroleptiques mais avec cessé le suivi psychologique car il lui était trop difficile d'évoquer les faits. Il y avait eu une consultation en hôpital psychiatrique à laquelle elle n'avait pas voulu donner de suite puis avait fait un tentamen qui avait conduit à son hospitalisation. Elle était toujours traumatisée ;

- une attestation du 4 septembre 2023 de la tante de A______ avec le même récit. Sa nièce l'appelait tard la nuit lorsqu'elle avait des crises d'angoisse, avait des insomnies, disait ne pas comprendre ce qu'elle avait fait pour mériter cela. Elle était brisée, avait été privée de sa jeunesse et de scolarité ;

- des attestations d'un médecin généraliste suivant A______ pour un syndrome anxio-dépressif consécutif à une agression subie en 2019 ;

- un certificat médical du [centre de psychothérapie] S______ du 8 septembre 2023, auquel le médecin précité avait adressé la patiente pour la prise en charge d'un syndrome anxio-dépressif dans un contexte de stress post traumatique consécutif à un viol subi à l'âge de 14 ans. La prise en charge tardive était due au refus de la patiente qui craignait d'affronter la situation traumatique, de sorte que seul un traitement pharmacologique était en l'état dispensé. Les symptômes de stress post-traumatique (flashbacks quasi quotidiens, cauchemars, hypervigilance, perte de confiance en soi, détachement des autres et repli sur soi) étaient bien présents ;

- les bulletins scolaires indiquant que A______ n'avait rendu aucun travail, ni donné de nouvelles durant le troisième trimestre 2019-2020 ; ses résultats durant l'année scolaire 2020-2021 étaient bons mais son comportement laissait à désirer au cours du troisième trimestre ;

- un certificat du 18 juin 2025 du T______ (psychiatrie universitaire, U______ [France]) indiquant que A______ bénéficiait d'un suivi psychiatrique depuis le 31 mars précédent dans le cadre d'un stress post-traumatique et d'un trouble de la personnalité état-limite sous forme de consultations médicales et infirmières, ainsi que d'un traitement psychotrope. Un suivi régulier selon le dispositif V______, spécialisé dans la prise en charge et l'accompagnement de patients concernés par le second trouble avait aussi été mis en place. Elle était compliante, régulière et rapportait des épisodes de disrégulation émotionnelle intense avec impulsivité et difficultés dans ses relations interpersonnelles, une symptomatologie post-traumatique avec des reviviscences traumatiques, des épisodes de dissociation et une hypervigilance au quotidien ;

- un nouveau certificat du Centre psychothérapeutique du 17 juin 2024 évoquant un suivi depuis le 7 février 2022, pour une prise en charge consécutive à un tentamen. La patiente n'étant précédemment pas prête, le travail n'avait pu commencer qu'en mars 2024. Sont évoqués des symptômes de stress post-traumatique et la continuation d'un traitement médicamenteux (Olanzapine et Mirtazapine) déjà en place, puis son interruption par la patiente et son adaptation (Deroxat), avec néanmoins une recrudescence de la symptomatologie anxieuse et une aggravation du comportement impulsif (accident de la circulation) ;

- un courrier du 17 septembre 2024 de la W______ adressant A______ à un ou une médecin du travail et indiquant qu'elle était en arrêt pour un syndrome anxio-dépressif en lien avec un état de stress post-traumatique depuis le mois de février précédent. Des troubles anxieux importants avec une agoraphobie et un syndrome dépressif avec des idées noires persistaient. La reprise du travail ne paraissait pas envisageable de sorte que son licenciement pour inaptitude était envisagé ;

- un certificat de prise en charge par une sage-femme du 26 février 2025 par des séances de relaxation périnéale afin de réduire les symptômes décrits depuis 2019 et apparus dans le cadre d'un syndrome post-traumatique.

c.a.a. À l'occasion de son audition par la Brigade des mineurs, C______ a commencé par affirmer qu'il ne connaissait pas A______ et ne savait pas du tout qui était la fille qui les accusait. Il n'avait jamais échangé avec elle sur Snapchat. Le message d'excuses ne concernait pas un viol mais un "bail d'appartement", soit une fête, à laquelle ses amis n'avaient pas voulu inviter la destinataire du message parce qu'elle était moche, ce qui l'avait vexée car elle venait de loin. Elle les avait menacés de "ramener des gars" pour les taper. L'homme dont on lui montrait la photographie [ndr : le quatrième protagoniste] vivait en France ou en Belgique. C______ l'avait rencontré dans un parc alors qu'il était en vacances à Genève. Il ignorait qui utilisait le pseudonyme de Q______ et ne se souvenait pas du groupe sur lequel les messages d'excuses avaient été envoyés. C'était elle, soit A______, qui l'y avait ajouté. Elle était bourrée, ou bizarre, ce jour-là. Au pied de son immeuble, où devait se dérouler la fête, un garçon lui avait dit qu'elle était moche, puait et devait "se casser". Elle en avait pleuré. C______ avait organisé la fête au dernier moment et, voyant un attroupement, était descendu de chez lui, entre 22h00 et 23h00, pour vérifier qui était là. A______ était venue avec une ou deux copines, sans être invitée, et elles avaient été chassées parce qu'elles ne plaisaient pas physiquement.

c.a.b. Après une interruption au cours de laquelle il a pu s'entretenir avec son avocate d'alors, le prévenu a expliqué qu'il était en fait rentré chez lui avec F______, qu'il connaissait depuis qu'ils étaient petits, et que des connaissances les avaient rejoints. Comme ces personnes attendaient des filles, il était monté avec son ami puis était redescendu seul, lorsqu'il avait été informé de ce qu'elles étaient arrivées. Suite aux propos désagréables, les deux amies de A______ étaient parties alors que celle-ci avait insisté pour monter. En fait, les palabres avaient duré une vingtaine de minutes puis les trois filles étaient parties et ils s'étaient retrouvés à quatre garçons chez lui. F______ avait dormi sur place.

R______ n'était qu'une connaissance et il n'était pas présent ce soir-là.

Informé de ce que selon elle, A______ avait suivi à M______ quatre garçons rencontrés devant le L______ [discothèque], passé la nuit dans un appartement où elle s'était réveillée sans sa combinaison, la culotte baissée et avec des douleurs, C______ trouvait ce récit "illogique". Il n'avait pas l'âge de passer devant le L______ et ce n'était pas son chemin. "Dès le moment où tu montes avec quatre garçons, tu ne peux pas dire que tu n'es pas d'accord ma grande". Ce n'était pas un viol, mais en tout cas, lui n'avait rien fait. Il n'avait "pas de mots" face à la suite du récit : en bas de chez lui, A______ "criait et ensuite, si elle avait été violée, elle n'aurait rien dit ?" Les explications de F______ et R______ selon lesquelles A______ avait bien passé la nuit dans son appartement étaient mensongères. Son message d'excuses se retournait contre lui.

c.a.c. En fait, il n'était pas avec les deux autres garçons devant le L______, mais ils étaient ensuite bien venus chez lui. Ce qu'ils avaient dit n'était pas faux et il avait simplement voulu les couvrir.

Il allait donc tout expliquer : il avait été à une fête d'anniversaire à laquelle F______, R______ ainsi que le quatrième protagoniste avaient aussi été présents, puis ils étaient bien passés devant le L______ où ils avaient rencontré A______ et ses amies, vers 1h00 ou 2h00. Comme elles ne savaient pas où dormir, il les avait invitées chez lui. Lorsqu'ils étaient arrivés, les deux amies n'avaient pas voulu monter mais bien A______. Ils s'étaient installés dans sa chambre et, comme il était fatigué, il était allé dormir dans celle de sa mère, aux environs de 3h00, soit après une vingtaine de minutes ou, selon une nouvelle version, une bonne heure. Il ignorait ce qu'avaient fait les autres et avait été réveillé le lendemain matin par la partie plaignante qui sonnait à la porte, alors qu'il n'y avait plus personne chez lui. L'adolescente lui avait demandé son contact Snapchat de sorte qu'il s'était dit qu'il l'intéressait. Il lui avait donné l'information et elle était repartie. Un jour plus tard, elle l'avait contacté, lui demandant ce qu'on lui avait fait. Il n'avait pas compris et avait expliqué que, comme il n'avait pas été à côté d'elle, il ne pouvait pas le savoir. Elle se souvenait de ceci et cela, soit qu'à son réveil elle n'avait plus son bas et il lui avait dit qu'elle l'avait peut-être enlevé elle-même. Elle disait également qu'elle "ne voulait pas" ce à quoi il avait répondu qu'elle savait bien "qu'on n'allait pas enfiler des perles et qu'il allait se passer quelque chose avec l'un d'entre" eux. Il n'avait pas reparlé de cela avec l'un des trois autres garçons, se disant que "l'un d'entre eux avait fait son truc avec elle". Il était également d'avis que "lorsque tu es bourrée et on te fait l'amour, tu le sens. Nous sommes des hommes … si elle ne le veut pas, elle prend ses cliques et ses claques et elle sort". Toutefois, il s'était excusé pour ses "potes".

Pour sa part, il n'avait pas eu de rapport sexuel avec la partie plaignante, ne l'avait jamais touchée, pas même pour lui serrer la main. Ils n'avaient pas marché bras-dessus, bras-dessous pour se rendre chez lui.

Il était à l'époque encore puceau.

À teneur du procès-verbal, cette audition s'est déroulée hors la présence de la mère du mineur ["Représentant légal : Mme D______" ; "Date de la convocation et moyen utilisé : convocation orale du 02.09.2021" ; "Présent(e) : Non"]. Celle-ci l'a néanmoins signé.

c.b. Durant une première phase de l'instruction, C______ s'est tenu à la dernière version livrée à la police, précisant qu'il était bien installé sur le lit entre la partie plaignante et l'un des garçons, avant qu'il ne quittât la chambre. En fait non, c'était A______ qui était entre lui et l'un des autres garçons. Les deux derniers étaient assis sur le lit, dos au mur, à la hauteur de leurs jambes. A______ était en effet accompagnée de R______ lorsqu'elle était revenue. Sur le chemin depuis le L______, l'adolescente et lui avaient un peu fait connaissance. Quand bien même il n'avait rien fait, il lui avait adressé un message d'excuses car il ne voulait pas de problème, sachant que cela s'était passé chez lui et qu'elle connaissait son adresse. Il ne pensait pas ce qu'il avait dit à propos de la conduite de la jeune fille et s'était mal exprimé, sous le coup de l'énervement causé par l'accusation de viol, car il n'aurait jamais fait une chose pareille. R______ mentait, et voulait lui faire porter le chapeau, ainsi qu'à F______. Après les messages de A______, qui menaçait d'envoyer des copains pour une bagarre, il avait interrogé ce dernier, qui lui avait dit qu'il ne s'était rien passé. Il n'avait pas eu de contact avec les deux autres protagonistes.

C______ communiquait sur les réseaux avec le quatrième individu, Q______, et allait tenter de le retrouver et de fournir ses coordonnées. Il était vrai qu'il aurait dû réagir à son message, dès lors qu'il employait la première personne du pluriel, mais il n'avait pas voulu avoir de problèmes.

Il contestait que R______ se fût absenté. Ce n'était pas une gare chez lui, et il n'aurait pas laissé la porte ouverte, comme affirmé par celui-là.

c.c. Deux audiences de jugement ont été appointées par le TMin.

c.c.a. En effet, lors de la première, C______ est partiellement revenu sur ses déclarations, présentant une nouvelle version. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés devant le L______, A______ et lui s'étaient mutuellement plus. Il avait compris l'intérêt de la jeune fille du fait qu'elle avait accepté de le suivre, et il avait dit au garçon qui l'accompagnait qu'il n'était pas invité. Durant le trajet, ils avaient été proches, se faisant des compliments et marchant bras-dessus, bras-dessous. La dame qui gardait ses petits-frères et sœur devait passer la nuit chez lui, de sorte qu'il avait fait attendre les autres jeunes à l'extérieur tandis qu'il s'assurait qu'elle était endormie dans une chambre, car il n'avait pas le droit de ramener du monde. Ils étaient ensuite allés directement dans sa chambre. A______ s'était assise au bord du lit et il s'était installé derrière elle, F______ puis R______ se plaçant à côté de lui. Le quatrième individu s'était assis dans un fauteuil. L'adolescente ne paraissait pas détendue, sans doute parce qu'ils étaient quatre. Il lui avait dit de se mettre à l'aise et elle avait enlevé une jaquette puis s'était allongée, toute habillée, le dos contre lui, sous la couverture. Il s'était collé à elle et avait commencé à lui prodiguer des petites caresses, des "trucs mignons", discrètement afin que les autres ne le vissent pas. Il avait caressé ses parties intimes puis introduit un doigt, ou plutôt deux. Elle s'était retournée et lui avait également fait des "papouilles" avant de le "branler", étant précisé qu'il avait lui-même dirigé la main de la jeune fille sur son sexe. Il ne savait plus comment elle était vêtue mais il avait passé sa main sous un habit pour la "doigter". Il lui avait demandé d'aller dans la chambre d'à côté mais elle avait eu "un coup de mou" et avait dit "je suis fatiguée, demain …". Il avait répondu qu'il comprenait, regardé la télévision puis avait décidé d'aller dormir dans le lit de sa mère. Le lendemain, il avait été réveillé par la dame qui gardait les enfants, car A______ et R______ avaient sonné à la porte. L'adolescente avait changé d'humeur. Elle avait demandé ce qu'ils lui avaient fait et dit qu'elle enverrait des gars de X______ [France] à son domicile, qu'il ne la connaissait pas. Il avait voulu être plus malin et lui faire croire que rien n'était arrivé car il avait eu peur de ces menaces. Il voyait bien qu'elle ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé entre eux mais cela ne lui semblait pas possible. Il avait pensé qu'elle ne voulait pas que cela se sût. Il lui avait dit qu'il n'en parlerait pas mais elle avait retorqué qu'elle s'en fichait. À l'époque il était "une petite victime", n'avait pas confiance en lui, et avait eu peur.

Sur questions, C______ a ajouté que F______ savait qu'il se passait quelque chose sous la couverture, car il avait essayé d'également toucher la partie plaignante, et avait dû y parvenir au niveau des fesses, en tendant sa main par-dessus le prévenu, mais il l'avait rabroué. Il n'avait à aucun moment baissé la culotte de la jeune fille car il était passé "par le haut". Il ne connaissait rien à l'époque aux "trucs" de femmes (tampons, serviettes hygiéniques). Il avait "senti quelque chose" et ne savait pas s'il avait pu enfoncer le tampon. R______ avait essayé de filmer ce qu'il se passait entre A______ et lui, au moment où elle le masturbait, mais le prévenu l'avait aussitôt repris, en se levant. Il avait aussi reçu des messages menaçants de la jeune fille, qu'il n'avait pas conservés, n'en voyant pas l'utilité. De son côté, elle avait fait le tri. Il avait présenté des excuses parce qu'il avait peur et n'aurait pas dû, car cela laissait "une preuve" de ce qu'il avait quelque chose à se reprocher ce qui n'était pas le cas. Il voulait l'amadouer mais cela n'avait rien arrangé.

Il présentait ses excuses à A______ et au TMin, auquel il avait fait perdre son temps. Sur question de son (nouveau) conseil, le prévenu a indiqué avoir été gêné par la présence de sa mère lors de ses auditions à la police et durant l'instruction par la Juge des mineurs car il ne voulait pas qu'elle sût qu'il avait ramené du monde à la maison, notamment une fille. Il ne souhaitait pas que celle-là connût ses "problèmes de sexe" et il y avait beaucoup de pudeur en famille.

Deux mois plus tôt, le prévenu avait croisé R______ et lui avait demandé pourquoi il avait raconté "de la merde" à la police. Le garçon avait expliqué qu'il ne pouvait pas "prendre un truc pour viol, surtout avec sa mère", qu'il avait vraiment trop de problèmes à l'époque. Il avait ainsi clairement reconnu avoir menti. Il l'avait également fait lors de la séance de médiation organisée à la demande de la Juge des mineurs.

Le garçon de N______ [France] existait bien. Il l'avait connu quelques jours avant la soirée. Cet individu, qui se faisait appeler "P______", n'avait pas de téléphone. C______ avait tenté en vain de le retrouver.

Il ne s'était pas tout de suite souvenu de la présence de la nounou et n'avait pas songé à proposer son témoignage car il pensait qu'elle n'avait rien entendu.

Sur ce, le TMin a suspendu les débats et chargé la Juge des mineurs de compléter l'instruction, vu la nouvelle version de C______, la présence alléguée de la garde d'enfants et les rétractations de R______, aux dires du prévenu.

c.c.b. Au cours de l'audience d'instruction qui a suivi, C______ a persisté dans sa dernière version, de même que lors des seconds débats de première instance.

d.a.a. Devant la Brigade des mineurs, F______ a confirmé la présence du quatrième individu, qu'il ne connaissait pas, la participation de tous quatre à la fête d'anniversaire et la rencontre devant le L______. A______ et l'une de ses amies avaient accepté l'invitation à finir la soirée dans un appartement, mais à leur arrivée à M______ [GE], la seconde jeune fille était partie. Il a dit qu'il ignorait qui logeait là. Sur place, il avait fumé une cigarette sur le balcon puis était allé dormir dans la chambre voisine de celle où les autres, dont la partie plaignante, se trouvaient. Il s'était réveillé vers 6h00 ou 7h00 et était parti. Suite à cette soirée, il n'avait pas échangé avec A______ sur les réseaux ; sur question, il ne connaissait pas Q______.

d.a.b. "Après réflexion", F______ a souhaité revenir sur ses déclarations : il avait bien dormi dans la même pièce que les autres jeunes gens et avait touché les fesses de A______, "pour rigoler", non son sexe. Celle-ci avait chaud et avait enlevé ses vêtements mais, sauf erreur, conservé ses sous-vêtements. Il y avait les quatre individus mentionnés dans la procédure et la partie plaignante. Ils étaient dans le lit, la jeune fille couchée entre deux des autres garçons. Elle avait commencé à faire des attouchements et en avait reçus, mais F______ ne souhaitait pas dire de qui. Il lui avait pincé les fesses "moins d'une demi-seconde" et elle ne l'avait pas touché. Il avait regardé la télévision et s'était endormi.

d.b. Lors de l'instruction par la Juge des mineurs, ce prévenu a persisté dans sa seconde version livrée à la police, disant qu'il savait qu'il y avait eu des attouchements parce que "cela bougeait sous la couverture", mais qu'il ignorait "qui a[vait] fait quoi" et ce qu'il y avait eu exactement. À son réveil, tous étaient toujours dans le lit, endormis. Il avait peut-être dit "vas-y les gars" et était parti. Durant la nuit, il n'avait vu personne quitter la chambre. Il avait entendu quelqu'un demander à A______ si elle voulait ôter ses vêtements et elle avait acquiescé. Il n'avait jamais vu R______ avant cette soirée.

Entendant C______ affirmer qu'il avait quitté la chambre, F______ a dit qu'il n'avait pas regardé attentivement, pas compté, s'il y avait bien cinq personnes dans le lit à son réveil, comme il venait de le réitérer. R______ mentait et il ne l'avait pas vu quitter l'appartement.

Ce protagoniste avait en effet admis, lors de la tentative de médiation, qu'il avait menti dans la procédure en les accusant, C______ et lui, d'avoir violé A______.

e.a.a. R______ a également confirmé, à la police, que son groupe avait rencontré la partie plaignante et ses amis devant le L______. L'heure stricte de son couvre-feu, fixée par son père à 22h00, était passée, mais il savait qu'il pouvait encore essayer de rentrer, sa mère regardant souvent tard la télévision. Tout en hésitant à tenter cette option, il avait commencé à demander s'il pouvait dormir chez quelqu'un et C______ avait dit qu'il n'y avait personne chez lui. C______ et deux de ses amis, dont un métis [ndr : F______], étaient allés parler aux filles, qu'ils trouvaient jolies, et il avait été décidé d'aller chez celui-là, R______ précisant qu'il n'allait pas rester longtemps. Durant le déplacement, A______ paraissait vraiment bien aimer C______. Ils rigolaient beaucoup, se parlaient et se tenaient par les épaules. Ils étaient arrivés chez C______ aux environs de 3h15. L'amie de A______ était partie. Dans l'appartement, ils avaient fait des toasts et des sandwichs dans la cuisine puis étaient allés dans la chambre de C______. Comme il n'avait pas l'intention de rester, R______ s'était assis dans un fauteuil devant la télévision, de même qu'un autre individu, à la peau noire, tandis que C______, F______ et A______ s'installaient dans le lit, derrière eux. Tant à la cuisine qu'en arrivant dans la chambre, C______ et A______ avaient continué d'être proches, mais ensuite, ils avaient parlé tous ensemble. Ils avaient regardé un film sur Netflix durant 35 minutes puis étaient retournés chercher à boire et manger mais A______ était restée dans la chambre, de même que, selon une précision ultérieure, C______. Ils avaient encore regardé le film, durant une dizaine de minutes. Leur hôte et la partie plaignante s'étaient endormis. Sachant qu'il devait être présent à la maison à 6h00, sinon son père appellerait la police, il avait fait des efforts pour rester éveillé puis avait dit au quatrième homme de laisser la porte de l'appartement ouverte et qu'il allait voir s'il parvenait à rentrer chez lui, à une dizaine de minutes de distance.

Comme personne n'avait répondu à la maison, lorsqu'il avait sonné, il était revenu chez C______. Il était d'abord retourné dans la cuisine puis dans la chambre. F______ s'était endormi tandis que le quatrième individu était toujours réveillé. Ils avaient parlé un peu, puis cette personne s'était aussi endormie. Il était désormais près de 6h00 de sorte qu'il pouvait rentrer. R______ avait réveillé C______, pour qu'il vînt fermer la porte derrière lui, mais avait ce faisant également tiré F______ de son sommeil. La jeune fille était alors au bord du lit et C______ couché entre elle et F______. Pour finir, elle s'était aussi réveillée. Tous les protagonistes étaient habillés.

Ils étaient restés un peu puis étaient partis, lui le premier, avec A______. Celle-ci ne savait pas comment rentrer chez elle. C______ et les deux autres garçons étaient descendus, pour les saluer et les avaient accompagnés à l'arrêt du bus. L'adolescente était un peu paniquée, enfin pas paniquée mais elle posait des questions, ayant vu que C______ et F______ avaient quitté le lit dans lequel elle avait dormi. R______ lui avait dit que rien ne s'était passé. Il avait accepté de l'accompagner jusqu'à la gare.

Il souhaitait ajouter que soit C______, soit l'un de ses amis avait gardé contact avec A______. Ils lui avaient parlé et quelque chose s'était mal passé de sorte qu'elle avait porté des accusations, comme cela arrivait souvent dans leur "génération", lorsque cela se passait mal entre une fille et un garçon.

Confronté aux messages d'excuses, R______ a réitéré qu'il ne s'était rien passé dans la chambre.

La police lui demandant s'il avait peur de quelque chose, ce prévenu a expliqué avoir été traité de balance suite à un brigandage commis deux ans plus tôt. Il n'était plus sorti durant un an, par crainte des représailles. Sur ce l'audition a été suspendue.

e.a.b. À sa reprise, R______ a déclaré que seule A______ dormait lorsqu'il avait quitté l'appartement. À son retour, 20-25 minutes plus tard, C______ et F______ avaient des rapports sexuels avec elle, le quatrième garçon étant demeuré assis dans son fauteuil. Elle était couchée à plat ventre, la tête tournée de côté, et l'un des deux garçons était sur elle. Ils échangeaient des préservatifs. En fait, F______ attendait son tour, à côté de C______, lequel introduisait son pénis, sauf erreur, dans le vagin de l'adolescente. Ensuite, F______ avait fait de même. Il n'avait vu que cela. En fait, sur question de la police, il était possible que C______ eût tenté d'obtenir une fellation, sans succès, pas F______. En définitive, il avait vu la pénétration et la fellation. Il avait entendu le son de l'élastique tiré de la culotte de la partie plaignante. La jeune fille n'avait plus son bas, bien son haut. C'était cela qui l'avait mise en panique, à son réveil, et C______ lui avait dit qu'elle s'était déshabillée toute seule. F______ avait pu filmer car il tenait son téléphone à la main ou plutôt, lorsqu'il était arrivé, C______ tenait l'appareil puis son ami l'avait pris. R______ n'avait pas son propre téléphone, étant certain à 70% que son père l'avait alors confisqué. C'était C______ qui avait giflé A______ pour la réveiller, lorsque R______ avait dit qu'il voulait partir – au début de la seconde partie de sa déclaration, R______ avait dit qu'elle avait été réveillée par son annonce selon laquelle il allait rentrer. En effet, l'hôte avait vu l'heure et souhaité que tout le monde s'en allât. Le garçon à la peau noire voulait également quitter les lieux car, ayant vu ce qu'il s'était passé, il ne voulait pas avoir de problèmes.

Sur le moment, il avait pensé que la partie plaignante consentait, ayant constaté l'affinité entre elle et C______. Il s'était donc assis à l'écart. Après 10-12 minutes, il avait dit à C______ qu'il voulait rentrer. Il avait compris qu'elle n'avait pas été consentante car elle s'était mise à paniquer et poser des questions. Tout le monde lui avait dit qu'il ne s'était rien passé et il n'avait pas démenti, par crainte de représailles. Elle pleurait et disait qu'elle avait mal aux jambes. Voyant qu'il était plus calme que les autres, A______ était venue lui parler, tandis qu'ils empruntaient les escaliers. R______ avait continué de nier qu'il était arrivé quelque chose tandis que les autres disaient qu'il fallait lui parler le moins possible, afin qu'elle ne se souvînt pas de leurs noms. Ayant de la peine pour elle, il avait fait mine de rentrer chez lui mais l'avait rejointe à l'arrêt de bus. Connaissant l'adresse de C______, elle voulait savoir de quel quartier venait F______, ce qu'il ignorait. Il lui avait donné son propre contact sur Snapchat. N'ayant pas obtenu d'information sur le second garçon, elle était allée voir C______, ce qu'elle avait dit à R______.

Il avait sugéré à C______ d'au moins présenter des excuses, imaginant qu'il avait pu croire qu'elle était consentante.

Cette histoire pesait sur sa conscience, raison pour laquelle il avait fini par dire ce qu'il s'était passé. Du reste, il avait tiré des leçons des mois difficiles vécus suite à ses déclarations dans le contexte du brigandage.

e.b.a. R______ a réitéré ses dernières déclarations à la Juge des mineurs, indiquant cette fois qu'il était certain que C______ et F______ avaient, dans cet ordre, pénétré la partie plaignante, même s'il n'avait pas regardé avec attention, étant gêné. Il avait également vu le premier tenir la bouche de A______ et en approcher son pénis de sorte qu'il en avait déduit qu'il tentait d'obtenir une fellation. Ni C______ ni F______ n'étaient allés dormir dans une autre pièce ; ils n'avaient pas quitté le lit.

Lorsque C______ l'avait réveillée, en lui donnant des claques, mais pas fortes, A______ avait eu du mal à reprendre ses esprits. Elle avait demandé pourquoi elle n'avait pas son bas et celui-là lui avait dit qu'elle l'avait enlevé. Elle avait dit "ok" et s'était rhabillée. Quand elle avait paniqué et l'avait interrogé, dans les escaliers, R______ avait menti car sinon, les autres auraient su qu'il était celui qui avait parlé et il y aurait eu des répercussions. Il n'était pas retourné à l'appartement après l'avoir quitté, avec ou sans la jeune fille. En fait, il avait pu y retourner avec elle mais ne s'en souvenait pas et il n'était pas passé près d'un centre commercial. Il l'avait raccompagnée à la gare.

Par la suite, A______ avait créé un compte Instagram comprenant C______ et F______, ainsi que l'autre individu, lesquels avaient utilisé une fausse identité. À son sens, lui-même n'en était pas parce qu'il avait répondu aux questions de la partie plaignante et que celle-ci pensait qu'il n'avait rien fait. Il ignorait qui avait utilisé le nom de Q______. Pour lui, le quatrième protagoniste n'avait rien fait à la jeune fille, compte tenu de son attitude et de ce qu'il était toujours sur le fauteuil au retour de R______ – il y avait également une chaise dans la pièce, que C______ avait amenée de la cuisine, ce qui expliquait que l'autre jeune homme et lui avaient pu tous deux s'asseoir hors de la couche. Il n'avait pas entendu évoquer la prison.

Suite à l'audition, en confrontation, de A______, R______ a indiqué qu'elle avait raconté tout ce qu'il s'était passé, à quelques détails près.

e.b.b. Lors de l'audience de confrontation postérieure aux dernières déclarations de C______, R______ a confirmé l'avoir rencontré mais nié qu'ils eussent parlé des faits. L'ayant aperçu, C______ était venu lui dire qu'il ne lui en voulait pas et l'avait invité à un barbecue mais sa mère lui avait déconseillé de s'y rendre, trouvant cela bizarre. Lors de la séance de médiation, il avait en effet dit qu'il avait menti, ou plutôt qu'il n'était pas au courant de tout ce qu'il s'était passé, car c'était la seule façon de mettre un terme à l'affaire sans conséquences pour lui et que le processus était censé être confidentiel, de sorte qu'il avait pensé que les autres avoueraient. Cela étant, il maintenait sa version et s'"excusait d'avoir menti". Il a encore répondu à des questions, confirmant ses accusations.

f.a. Les recherches entreprises par la police pour identifier le quatrième individu n'ont pas abouti.

f.b. Celle-ci a, sur mandat d'actes d'enquêtes, entendu des amis de A______, dont :

f.b.a. I______, selon laquelle K______ et elle avaient mis en garde A______ et J______ lorsqu'elles avaient voulu suivre les garçons, leur disant même qu'elles allaient "se faire violer". Néanmoins, arrivée sur place, J______ avait changé d'avis. Elle lui avait dit le lendemain que A______ l'avait laissée toute seule. Elle croyait A______ et savait d'expérience que l'on pouvait tout lui faire lorsqu'elle dormait, même des farces.

f.b.b. Selon J______, A______ avait vraiment envie de suivre les garçons de sorte que I______ et elle avaient estimé qu'elles ne pouvaient pas la laisser seule. Elle l'avait donc accompagnée, dans l'idée de la dissuader. Elle avait feint de recevoir un appel de sa mère pour lui dire qu'elles devaient rentrer mais son amie ne l'avait pas écoutée. Il y avait une quinzaine de garçons, "tous sur A______" car elle-même ne leur parlait pas. Elle avait entendu l'un d'entre eux parler de la partie plaignante comme de "son steak". Le groupe s'était réduit à trois - cinq garçons, dont l'un avait passé son bras autour des épaules de A______. À leur arrivée au pied de l'immeuble, elle lui avait dit qu'il ne fallait pas monter et qu'elles allaient avoir des problèmes. Elle l'avait même tirée par le bras et lui avait expliqué qu'elle avait peur. La partie plaignante insistait pour monter mais ne voulait pas que J______ la laissât seule. Elle lui avait demandé de l'attendre, expliquant qu'elle allait se reposer, charger son téléphone et revenir après une demi-heure. Les garçons avaient également tenté de la convaincre de rester. En définitive, J______ avait attendu 45 minutes puis était partie, étant rappelé qu'il était déjà 2h00 ou 3h00.

La jeune femme a également affirmé que A______ avait une réputation, soit que les hommes savaient qu'elle couchait. Elle était en outre sanguine et avait souvent les yeux au beurre noir. Elle avait un scooter et se blessait fréquemment. Ce n'était pas son amie. Précédemment, elle la saluait lorsqu'elles se croisaient, mais elles s'étaient désormais éloignées.

f.c. La mère de C______, D______, a déclaré devant la Juge des mineurs qu'elle ne pouvait imaginer que son fils eût commis ce qui lui était reproché. Elle avait elle-même était violée dans son enfance et elle avait une fille. Elle était certaine que C______ serait intervenu pour protéger la partie plaignante s'il avait vu quelque chose. Il avait bien évolué depuis qu'il avait reçu des coups de couteau.

Lors des premiers débats de première instance, D______ a confirmé qu'après les dernières audiences, son fils lui avait dit qu'il avait omis certaines choses. Il n'avait pas violé la jeune fille mais ils avaient eu envie l'un de l'autre. Ils s'étaient réciproquement touchés les parties intimes. Il ne pouvait plus vivre avec cela et avait besoin de le lui confier. Il avait aussi expliqué qu'il savait désormais qu'une relation sexuelle ne devrait pas avoir lieu en présence de tiers. Il avait encore exposé avoir eu peur des menaces proférées par la partie plaignante. D______ continuait de lui faire confiance. Il avait beaucoup évolué, tandis que plus jeune, il avait eu "un peu une vie de débauche", sortant beaucoup avec ses amis. Il avait failli mourir sous des coups de couteau mais paradoxalement cela lui avait fait du bien, car depuis lors il s'était ressaisi.

Il était exact que la dame qui gardait les enfants et l'aidait avec le ménage logeait à l'époque chez eux, en échange de ses services. Désormais, elle vivait en France.

f.d. Cette personne n'a pas été entendue, le conseil de C______ ayant fait savoir qu'elle avait peur en raison de son statut administratif et était fâchée que son mandant eut évoqué sa présence.

g. Les messages d'excuses adressés à A______ sont les suivants :

- de C______, le 28 juillet 2019 à 1h59 :

"A______ en sahhhhhh scuse pour c qui c est passer j m excuse pour moi et mes pote moi j c est j t ai r fait mais vasy walla sa s fait pas moi au moin j me suis excuser la j ai la consiance trkl mais vasy si t es pote il veulent se hagar pour toi psertek"

"Il sont raison moi dit leur jVien dès Y______ [GE] et si il veulent s attrape pour s hagar qui vienne au cartier moi j suis là et si il y a r ba vasy"

"Mais walla scuse" ;

- de Q______ à 21h44 (sans indication de date) :

"A______ coran chul désoler pour ski ç passer ravi nous on pensai t'étais conciente tout sa coran chui désoler de ski c passer t'a vu mais steuplai dit pa au deck pasje si ya d problem avc lea shtart out sa chui vraiment fini mai sur ma mère chui désoler de ski c passer pardonne nous steuplai on est pa d ga comme sa on pensai tt conciente et vasi steuplai excuse nous steuplai".

C. a. Les premiers débats d'appel, appointés pour le 14 juin 2024, ont dû être reportés, à la requête du prévenu, lequel a produit un certificat médical attestant de son incapacité à comparaître en raison d'un état anxio-dépressif sévère.

b.a. Ayant constaté qu'elle manquait au dossier, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a mis à profit ce renvoi pour requérir la police d'établir une transcription de l'audition de la partie plaignante. En prévision de l'audience, elle avait déjà dû se faire communiquer le support vidéo de l'audition EVIG, qui ne figurait pas au dossier.

La juridiction d'appel a en outre diligenté une expertise a) de crédibilité de ladite audition ainsi que de celle effectuée par la gendarmerie française et b) destinée à indiquer s'il était scientifiquement possible d'expliquer le fait que la partie plaignante aurait pu, ou non, expérimenter des états de sommeil entrecoupés d'états de veille dans les circonstances qu'elle avait décrites et restituées. La CPAR envisageait deux mandats d'expertise, le second devant être confié à un spécialiste du sommeil, mais le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a suggéré l'établissement d'un unique rapport, ce qui rejoignait l'avis de la partie plaignante.

b.b.a. Le rapport d'expertise du 29 janvier 2025, rectifié le 26 mai 2025 suite à une remarque de celle-ci, retient que :

- l'audition effectuée par la gendarmerie française ne respectait pas le protocole NICHD de sorte qu'il n'était pas possible d'évaluer la crédibilité selon la cotation Statement Validity Assessment (SVA) des déclarations de la sorte recueillies ;

- celle effectuée par la police genevoise était conforme audit protocole et permettait une cotation de 10/19 [ndr : après correction] selon la SVA, soit un discours crédible. Néanmoins, ledit discours ne pouvait être tenu pour crédible car il n'était pas cohérent, faute d'explication scientifique concernant l'état de veille-sommeil décrit par la partie plaignante. En outre, un important risque de contamination et des discordances dans certains propos de la jeune fille appelaient une pondération négative. Relevant que le dossier mettait en évidence des "contacts sexuels" entre A______ et "certains des auteurs présumés", les experts indiquaient que la méthode SVA permettait uniquement de dégager une vraisemblance statistique, non de se prononcer sur les différentes hypothèses susceptibles d'expliquer que les déclarations de celle-là ne remplissaient pas les critères de crédibilité ("par exemple : A______ s'est engagée consciemment dans des rapports sexuels lors de la nuit du 27 juillet 2019 ; A______ a feint un état de conscience altérée ; A______ a subi un abus sexuel et a intégré certains éléments externes dans son discours …").

Dans leur discussion, les experts ont notamment indiqué que le processus de dévoilement ne mettait pas en évidence d'incohérences majeures ; les circonstances ne venaient ni renforcer ni affaiblir la crédibilité du discours.

En revanche, le contexte général mettait en évidence un haut risque de contamination. Relevaient de ce contexte, l'échange avec R______ aussitôt après les faits, ceux avec des nombreuses personnes sur les réseaux, y compris des inconnus, avec les auteurs présumés, avec des professionnels lors du dévoilement ou de l'examen par le médecin légiste, enfin les diverses auditions. Le risque de contamination était encore accru en raison du long laps de temps écoulé entre les faits et l'audition par la police genevoise ainsi que de l'évocation par la partie plaignante d'autres abus subis après les faits, ce qui augmentait le risque de confusion.

Les constations faites lors de l'examen gynécologique n'étaient pas une indication d'absence d'abus. Un tel examen ne mettait en évidence des signes spécifiques d'agression chez des enfants ou des adolescentes que dans moins de 5% des cas et la majorité des lésions génitales significatives guérissaient rapidement sans laisser de trace. En l'espèce, l'examen avait été effectué deux mois après les faits allégués.

Le retour de souvenirs "petit à petit" pouvait s'expliquer par une reconstruction, une dissociation ou un trouble du sommeil. La première hypothèse était la plus probable. En cas d'une dissociation ou d'un trouble du sommeil, soit A______ se serait endormie, mais alors les souvenirs revenant à la mémoire auraient dû être flous, soit elle aurait expérimenté une sidération traumatique mais elle ne se serait alors pas endormie, comme elle l'avait rapporté. A contrario, l'intégration d'éléments non vécus dans la mémoire et donc la création de "faux souvenir" était probable vu le haut risque de contamination.

Il y avait enfin certaines contradictions dans sa description des actes (énumérées en page 21 du rapport) ce qui soutenait l'hypothèse d'une certaine suggestibilité de la mineure ou d'une reconstruction a posteriori de souvenirs.

Le dossier présentait de nombreux indicateurs comportementaux pouvant évoquer une symptomatologie post-traumatique en lien avec les évènements relatés, y compris les abus ultérieurs, étant rappelé que deux tiers des enfants victimes sont victimisés à nouveau. Cela ne permettait cependant pas de déterminer la nature des faits, ni d'identifier l'agresseur, la possibilité d'une confusion avec un autre abus étant évoquée. En définitive, la crédibilité de la partie plaignante n'en était donc ni renforcée, ni affaiblie.

b.b.b. Statuant au titre de la direction de la procédure, la présidente de la CPAR a rejeté la requête de la partie plaignante tendant à l'établissement d'une contre-expertise mais a ordonné l'audition des experts, auxquels elle a communiqué les commentaires de celle-ci.

b.b.c. Lors des débats d'appel, les experts ont confirmé leurs conclusions, telles que déjà rectifiées s'agissant de l'erreur dans la cotation. Ils ont précisé qu'il fallait lire leur rapport en ce sens que l'état de sidération devait être exclu en raison de deux facteurs : 1) A______ avait décrit s'être endormie et 2) en cas d'état de dissociation traumatique, les souvenirs sont moins riches de détails que ceux de la partie plaignante. En effet, dans une telle situation, la victime soit n'a pas d'accès aux souvenirs, soit ceux-ci ne sont pas précis. La méthode SVA ne permettait pas de tester l'hypothèse, évoquée par la Cour, selon laquelle la jeune fille se serait en effet endormie, mais se serait réveillée alors qu'elle était en train de subir les actes reprochés par l'accusation et serait alors entrée dans un état de sidération lui permettant d'encoder ce qui se passait mais non de réagir. En effet, A______ n'avait pas relaté s'être réveillée. L'hypothèse était donc proactive, extrapolée du récit. Les experts avaient examiné toutes les explications qui pourraient scientifiquement expliquer que la partie plaignante se souvînt sans s'être réveillée et n'en n'avaient pas trouvé, pas davantage que les spécialistes réputés et rigoureux qu'ils avaient interrogés (neuro-pédiatre et spécialiste du sommeil, consulté téléphoniquement ; toxicologue appartenant à l'unité auquel la transcription de l'audition avait été soumise). Par ailleurs, une des hypothèses était qu'il y avait des éléments intégrés, soit des éléments de contamination.

Interrogés au sujet de certains passages de l'audition de A______ et des items de cotation, ils ont notamment précisé que les items 4 à 18 étaient spécifiques aux agissements reprochés eux-mêmes.

À l'issue de leur audition, les experts maintenaient leurs conclusions et insistaient sur le fait que leur mission n'était pas de dire ce qu'il s'était passé. Lesdites conclusions ne permettaient donc pas de retenir que les faits n'avaient pas eu lieu, uniquement d'affirmer que le récit n'était pas cohérent, qu'il y avait de nombreux éléments de contamination et qu'il se référait à des évènements relativement anciens. Ils avaient effectué une expertise de crédibilité, non de victimologie.

c.a. À l'ouverture des débats, sur question de la Cour, le MP et la partie plaignante ont indiqué que la procédure dirigée contre F______ était formellement suspendue dans l'attente de l'issue de la présente cause, tandis que le Juge des mineurs en charge de la poursuite dirigée à l'encontre de R______ avait annoncé son intention de prononcer un classement, ce à quoi la partie plaignante s'était opposée. Aucune décision n'était intervenue depuis cette prise de position de la partie plaignante en septembre 2023.

c.b. C______ a confirmé sa dernière version. A______ avait enlevé une jaquette ou quelque chose de ce type et s'était couchée pour le surplus entièrement vêtue. Il avait commencé à lui prodiguer des caresses "mignonnes" et atteint ses parties intimes. Il l'avait caressée et avait pénétré son vagin avec un doigt. À cette fin, il avait glissé sa main sous la jupe ou le short qu'elle portait, au niveau de la ceinture. Se voyant rappeler qu'elle avait indiqué avoir porté une combinaison, ce qu'il n'avait jamais contesté, il a affirmé que ce n'était pas possible et que durant l'instruction, il n'était pas là pour dire comment elle était vêtue.

Elle s'était ensuite retournée et avait commencé à le masturber. Son plaisir montant, il lui avait proposé d'aller dans la chambre de sa mère, mais elle avait dit qu'elle était fatiguée et qu'ils remettraient cela, le lendemain matin lui semblait-il. Il avait évidemment été un peu frustré mais il n'était pas "quelqu'un qui force". Il était resté dans la pièce peut-être une quinzaine de minutes puis était allé dormir dans l'autre chambre.

Il ne se souvenait pas si A______ avait dit qu'elle avait ses règles.

Lorsque la police était venue le chercher, mentionnant des accusations de viol en présence de sa mère, il s'était totalement braqué. Il n'avait que 14 ans et avait pensé qu'il devait nier en bloc, plutôt qu'admettre qu'il y avait bien eu une relation, mais consentie. Ensuite, à la police, sa mère était à côté de lui. Il avait dû reconnaître qu'il avait fait venir trois garçons alors qu'il n'en avait pas le droit et il était gênant de raconter ce que l'on a fait avec une fille en présence de sa maman. La Cour lui rappelant qu'il ne s'était pas contenté de nier en bloc mais avait été extrêmement dénigrant envers A______, C______ a dit le regretter sincèrement, réitérant qu'il n'avait alors que 14 ans. Confronté à des accusations très graves, il avait déclaré n'importe quoi. À l'époque, à ses yeux, il n'était pas plus simple d'admettre devant sa mère qu'il avait pu caresser une jeune fille avec son consentement que d'affirmer que celle-ci savait très bien à quoi s'attendre en venant dans l'appartement avec quatre garçons.

Il ne pouvait pas expliquer le message de Q______, dont il n'était pas l'auteur. Il ignorait la réelle identité de ce dernier, soit celle du quatrième garçon, et l'aurait donnée s'il l'avait pu, ce qui aurait notamment permis de l'interroger sur ce fameux message, en effet ambigu. Pour sa part, il avait présenté des excuses car A______ menaçait d'envoyer ses amis. Il avait pensé que c'était la façon la plus simple de régler la chose, pour protéger sa mère et sa famille.

c.c. La partie plaignante, dont la présence à l'audience, ainsi que celle de son conseil, avait été autorisée, le prévenu étant désormais majeur, a relaté avoir mis du temps à trouver un suivi adapté et s'être trouvée en décrochage scolaire. Elle était suivie par un psychiatre, des psychologues et des infirmiers, pour des thérapies en cabinet ainsi qu'à domicile, de la réintégration sociale et de la rééducation pelvienne. Il y avait un traitement médicamenteux, notamment contre l'agoraphobie, parmi d'autres troubles. Un avis d'inaptitude au travail lui avait été délivré le 22 novembre 2024. Elle avait été en formation d'aide à domicile, mais n'avait pas pu l'achever. Ne parvenant pas à vivre seule, elle cohabitait avec une amie. Son cercle social était restreint et elle n'avait pas de relation amoureuse. Ses parents n'étaient pas en mesure de la soutenir au niveau émotionnel.

A______ a maintenu ses déclarations. Il était exact qu'elle s'était opposée lorsque son père avait voulu déposer plainte pénale, mais ne se souvenait pas si elle lui avait dit avoir menti. Elle avait eu peur de représailles de la part des auteurs.

La combinaison qu'elle portait la nuit des faits avait une coupe en débardeur au niveau du haut et un pantalon long un peu évasé. Elle était noire, avec des rayures blanches. Il n'y avait pas de ceinture. Elle était près du corps au niveau du top, puis allait en s'élargissant. A______ n'avait pas consenti à ce que C______ la caressât au niveau du sexe et la pénétrât digitalement. Dans son souvenir, il y avait eu uniquement des caresses au niveau des épaules et elle avait dit qu'elle n'appréciait pas car elle avait un petit ami. Elle avait insisté à ce sujet et même montré sa photo à tout le monde sur son téléphone. Les quatre garçons étaient présents dans la pièce à son réveil. Selon ce qu'elle avait vu, personne n'avait quitté la chambre, notamment pas C______ pour aller dormir dans celle de sa mère, ni R______ pour tenter de rentrer chez lui. La partie plaignante n'avait pas eu l'occasion d'informer C______ de ce qu'elle avait ses règles, étant précisé que, de toute façon, il était clair pour elle qu'elle ne voulait pas tromper son petit ami. À l'époque, son expérience en matière sexuelle se limitait à des baisers.

A______ avait souvent pleuré et ressenti de la colère au fil de la procédure, en particulier lorsqu'elle avait pris connaissance du jugement du TMin.

d. Les parties ont persisté dans leurs conclusions, A______ chiffrant à CHF 24'450.- les frais de défense encourus jusqu'au 18 juin 2025 (60 heures et 15 minutes au taux horaire de CHF 400.-).

Les arguments plaidés seront discutés au fil des considérants qui suivent, dans la mesure de leur pertinence.

D. a. C______, de nationalité suisse, est né le ______ 2004, à Genève. Sans contact avec son père, qui vit à Neuchâtel, il a été élevé par sa mère, au sein d'une fratrie de quatre enfants, dont il est l'aîné. Tous vivent encore ensemble. Le jeune homme vient d'achever un apprentissage de conducteur poids-lourd et attend les résultats de l'examen final. Il souhaite accomplir ensuite son service militaire, à compter du mois de janvier 2026, comme chauffeur, si l'issue de la procédure le permet, car il doit présenter un casier judiciaire vierge. Son employeur, Z______, est d'accord de le garder jusqu'à la fin de l'année. Son salaire comme apprenti était d'environ CHF 2'000.- par mois et il ignore ce qu'il lui sera proposé après l'obtention du CFC, probablement environ CHF 4'000.- à CHF 4'500.- par mois. Il participe au loyer familial à concurrence de CHF 400.- par mois et paie sa prime assurance-maladie ainsi que ses charges courantes. Il lui arrive de participer également aux frais de nourriture lorsque sa mère, vendeuse dans une pâtisserie, ne parvient pas à joindre les deux bouts. Il indique avoir une petite amie depuis un an et demi et être heureux dans sa vie de couple.

Les troubles ayant motivé la demande de renvoi de la première audience étaient liés à l'agression à coups de couteau subie quatre ans plus tôt.

b. Le prévenu a les antécédents suivants :

- 4 septembre 2020, Juge des mineurs, trois jours de prestation personnelle, sous déduction de trois jours de détention provisoire, pour vol, conduites sans autorisation et sans casque, salissures, excès de bruit, injures, menaces, trafic et consommation de stupéfiants ;

- 21 avril 2022, Juge des mineurs, amende, pour violations simples des règles de la circulation routière ;

- 11 novembre 2022, Juge des mineurs, amende, pour violation simple des règles de la circulation routière ;

- 21 novembre 2022, MP, peine pécuniaire de 60 jours-amende et amende, pour délit et contravention à la Loi sur les stupéfiants commis la veille. C______ estime que cette condamnation est le fruit d'une erreur judiciaire, la police lui ayant à tort attribué la propriété d'un sac à dos contenant 200 ou 300 grammes de haschich et un agent ayant faussement affirmé l'avoir vu effectuer une transaction.

E. a. L'avocat du prévenu a déposé un état de frais facturant, sous des libellés divers, deux heures d'activité par lui-même et six heures par son collaborateur, hors débats d'appel, lesquels ont duré six heures et trente minutes et auxquels le collaborateur était présent. Le défenseur d'office avait été rémunéré par le TMin par CHF 8'711.15 soit, en toute hypothèse, pour plus de 30 heures d'activité.

b. L'avocate de la partie plaignante, plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire depuis le 19 juin 2025, a indiqué s'être, sous ce régime, entretenue avec sa cliente durant deux heures et avoir préparé l'audience durant six heures.

EN DROIT :

1. 1.1. La CPAR, juridiction d'appel des mineurs (art. 130 al. 2 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire [LOJ] et art. 7 al. 1 let. d de la loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs [PPMin]), statue sur les appels formés contre les jugements rendus en première instance par le TMin (art. 40 al. 1 let. a PPMin).

À teneur de l'art. 3 al. 1 PPMin, sauf disposition particulière de la procédure applicable aux mineurs, le Code de procédure pénale (CPP) est applicable.

1.2. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses pareillement probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

2.1.2. Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_366/2021 du 26 janvier 2022 consid. 2.1.2 ; 6B_579/2021 du 29 novembre 2021 consid. 1.1 ; 6B_332/2020 du 9 juin 2020 consid. 3.2 et les références citées), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (cf. ATF 129 IV 179 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_579/2021 du 29 novembre 2021 consid. 1.1).

Les déclarations successives d'un même témoin ne doivent pas nécessairement être écartées du seul fait qu'elles sont contradictoires ; il appartient au juge de retenir, sans arbitraire, la version qui lui paraît la plus convaincante et de motiver les raisons de son choix (arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2013 du 13 juin 2013 consid. 1.2 ; 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 consid. 4.2.3). Dans le cadre du principe de libre appréciation des preuves, rien ne s'oppose non plus à ne retenir qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3).

2.1.3. À teneur de l'art. 182 CPP, le ministère public et les tribunaux ont recours à un ou plusieurs experts lorsqu'ils ne disposent pas des connaissances et des capacités nécessaires pour constater ou juger un état de fait.

Conformément au principe de la libre appréciation des preuves, l'appréciation de la crédibilité des divers moyens de preuve relève en premier lieu de la compétence du juge du fait et aucun moyen de preuve ne s'impose à lui. Le magistrat ne saurait se soustraire à son devoir de libre appréciation en exigeant, sans nuance et quasi automatiquement, qu'une expertise de crédibilité soit ordonnée dès que des déclarations sont contestées, contiennent quelques imprécisions ou des contradictions mineures ou manquent de clarté sur des points secondaires (arrêts du Tribunal fédéral 6B_506/2016 du 22 juin 2017 consid. 1.4.1 ; 1B_36/2010 du 19 avril 2010 consid. 3.1). Le juge ne doit ainsi recourir à une expertise de crédibilité qu'en présence de circonstances particulières (ATF 128 I 81 consid. 2 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_58/2017 du 21 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_506/2016 du 22 juin 2017 consid. 1.4.1).

Pour déterminer s'il y a lieu d'ordonner une expertise de crédibilité d'un enfant, il faut prendre en considération, selon les circonstances spécifiques du cas, un certain nombre d'éléments parmi lesquels le degré de compréhensibilité, de cohérence et de crédibilité des dépositions à examiner. Il faut également observer dans quelle mesure ses déclarations sont compatibles avec les autres éléments de preuve recueillis. L'âge de l'auteur de la déposition, son degré de développement et son état de santé psychique de même que la portée de ses déclarations eu égard à l'ensemble des preuves administrées entrent également en considération. Une expertise de crédibilité effectuée par un spécialiste peut notamment s'imposer s'agissant de déclarations d'un petit enfant qui sont fragmentaires ou difficiles à interpréter, lorsqu'il existe des indices sérieux de troubles psychiques ou encore lorsque des éléments concrets donnent à penser que la personne interrogée a été influencée par un tiers (ATF 129 IV 179 consid. 2.4 p. 184 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_145/2019 du 28 août 2019 consid. 2.2.1 et les références citées ; 6B_1070/2017 du 20 avril 2018 consid. 2.1 ; 6B_58/2017 du 21 août 2017 consid. 2.1).

Dans le cadre de son examen, l'expert examinera si la personne interrogée, compte tenu des circonstances, de ses capacités intellectuelles et des motifs du dévoilement, était capable de faire une telle déposition, même sans un véritable contexte expérientiel. Cette procédure complexe est une sorte de mise à l'épreuve d'hypothèses dans le cadre de l'analyse de contenu (critères d'analyses appelés aussi axes d'orientation) et de l'évaluation de la genèse de la déclaration et du comportement complétée par l'analyse des caractéristiques du témoin, de son vécu, de son histoire personnelle, de sa constellation systémique et de divers éléments extérieurs (ATF 128 I 81 consid. 2 p. 85).

La méthode "Statement Validity Analysis" (SVA) est conforme à la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_714/2020 du 19 octobre 2020 consid. 1.3.1 ; 6B_288/2017 du 19 janvier 2018 consid. 2.2 ; 6B_693/2015 du 31 mars 2016 consid. 2.5 ; 6B_1008/2014 du 25 mars 2015 consid. 1.3).

2.2.1. L'art. 191 CP (dans sa teneur antérieure au 1er juillet 2024, la novelle n'étant en l'occurrence pas plus favorable à la défense) réprime la personne qui, sachant qu'une autre est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel.

Cette disposition protège, indépendamment de leur âge et de leur sexe, les personnes incapables de discernement ou de résistance dont l'auteur, en connaissance de cause, entend profiter pour commettre avec elles un acte d'ordre sexuel (ATF 120 IV 194 consid. 2a). Son but est de protéger les personnes qui ne sont pas en état d'exprimer ou de manifester physiquement leur opposition à l'acte sexuel. À la différence de la contrainte sexuelle (art. 189 CP) et du viol (art. 190 CP), la victime est incapable de discernement ou de résistance, non en raison d'une contrainte exercée par l'auteur, mais pour d'autres causes. L'art. 191 CP vise une incapacité de discernement totale, qui peut se concrétiser par l'impossibilité pour la victime de se déterminer en raison d'une incapacité psychique, durable (p. ex. maladie mentale) ou passagère (p. ex. perte de connaissance, alcoolisation importante, etc.) ou encore par une incapacité de résistance parce que, entravée dans l'exercice de ses sens, elle n'est pas en mesure de percevoir l'acte qui lui est imposé avant qu'il soit accompli et, partant, de porter un jugement sur celui-ci et, cas échéant, le refuser (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ss). La jurisprudence a ainsi admis une incapacité de résistance lorsqu'une personne est endormie (arrêts du tribunal fédéral 6B_1204/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1 ; 6B_685/2010 du 4 avril 2011 consid. 2.3) L'auteur doit avoir profité de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime, autrement dit avoir exploité l'état ou la situation dans laquelle elle se trouvait.

Sur le plan subjectif, l'art. 191 CP définit une infraction intentionnelle. La formule "sachant que" signifie que l'auteur a connaissance de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime. Il appartient par conséquent au juge d'examiner avec soin si l'auteur avait vraiment conscience de l'état d'incapacité de la victime. Le dol éventuel suffit. Agit donc intentionnellement celui qui s'accommode de l'éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de s'opposer à une sollicitation d'ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d'ordre sexuel (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175/2015 du 19 avril 2016 consid. 3.2 ; 6B_60/2015 du 25 janvier 2016 consid. 1.2.1 et les références). Il n'y a pas d'infraction si l'auteur est convaincu, à tort, que la personne est capable de discernement ou de résistance au moment de l'acte (arrêts du Tribunal fédéral 6B_996/2017 du 7 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_60/2015 du 25 janvier 2016 consid. 1.2.1).

2.2.2. L'art. 200 CP érige en circonstance aggravante la commission en commun, soit par plusieurs personnes, d'une infraction contre l'intégrité sexuelle. Tel est le cas de viols en série, à tout le moins lorsque les divers auteurs se trouvent dans le même logement et attendent leur tour. L'aggravation de peine est motivée par l'idée que l'action en commun renforce psychiquement et physiquement les auteurs et rend plus difficile un retour en arrière réciproque ou un renoncement, ce qui les rend particulièrement dangereux (ATF 125 IV 199 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 1.1.3).

2.3. Aux fins d'établir les faits, les éléments de preuve au dossier seront appréciés de la manière suivante :

2.3.1. L'intimé a présenté pas moins de trois – voire quatre si l'on tient compte de la toute première affirmation selon laquelle il ignorait même qui était l'appelante – versions des faits, commençant par nier que la jeune fille fût montée dans son appartement, puis qu'il s'y fût passé quoi que ce soit en sa présence, pour ne concéder que très tardivement qu'ils avaient échangé des caresses et des actes de masturbation réciproques, tout en soutenant avoir ensuite quitté la pièce où l'appelante s'était endormie.

Les justifications qu'il a données pour expliquer ses premiers mensonges et ses propos très dénigrants à l'égard de l'appelante (elle était vexée d'avoir été chassée parce que pas au goût des garçons ; elle savait très bien que si elle montait, ce ne serait pas pour "enfiler des perles" et du reste, n'avait qu'à ramasser "ses cliques et ses claques" et sortir, si elle n'était pas d'accord avec ce qu'il se passait) ne convainquent pas. Certes, les accusations dont il était l'objet étaient graves, mais la meilleure défense était d'admettre les actes consentis s'ils l'avaient été, plutôt que de s'enferrer dans des mensonges d'autant plus aisément décelables que les protagonistes étaient nombreux et, partant, grand le risque de contradiction, ce que même un adolescent de plus de 17 ans – lors de l'audition du 2 septembre 2021 ; non 14 ans, comme évoqué avec insistance lors des débats d'appel – est en mesure de comprendre, sans préjudice de ce qu'il avait déjà eu affaire à la justice des mineurs. L'inhibition induite par la présence de la maman n'est pas davantage crédible. D'une part, à lire le procès-verbal, celle-ci n'a pas assisté à l'audition de son fils, étant relevé que l'argument n'a été avancé que devant le Tribunal des mineurs, sur question du nouveau conseil du prévenu qui n'était pas constitué lors de l'audition par la police. D'autre part, à supposer même que la mention au procès-verbal serait erronée, il n'est pas plausible que le prévenu, dont on ne peut que souligner derechef qu'il avait alors plus de 17 ans, eût préféré s'exposer en mentant effrontément plutôt qu'avouer devant sa mère une bêtise mineure (avoir invité, deux ans auparavant, des amis malgré l'interdiction maternelle) et une exploration de la sexualité tout à fait banale à l'âge qu'il avait au moment des faits. On relèvera que l'explication de la gêne particulière ressentie du fait que la mère du prévenu a elle-même été violée dans son enfance n'a été avancée que par la défense, dans sa plaidoirie en appel. L'intéressé pour sa part ne l'a jamais évoquée.

À cela s'ajoute que la dernière version des faits se heurte, outre sa tardiveté, à des obstacles majeurs. Elle est tout simplement incompatible avec la tenue de l'appelante ce soir-là, soit une combinaison, car le prévenu ne peut, comme il le prétend, avoir glissé sa main sous ses vêtements à hauteur de la taille. Or, l'appelante a évoqué cet habit dès sa première audition par la gendarmerie française, alors qu'elle n'avait aucune raison de mentir sur ce détail, ne pouvant deviner l'importance qu'il prendrait et aucun des trois garçons ne l'a du reste jamais contredite. Cela n'a pas été plaidé mais on relèvera encore que le fait que le rapport d'examen gynécologique ou le récit de R______, selon lesquels l'appelante avait toujours ses "vêtements du haut" ou "son haut" à son réveil, n'affaiblit pas le propos de la jeune fille car cela peut se rapporter à son soutien-gorge, dont elle a précisé qu'il était présent mais "mal mis", également lors de sa toute première audition déjà. De même, lorsqu'elle a exposé que l'habit s'ôtait par le haut, l'adolescente a pu exprimer qu'il fallait d'abord dégager les épaules. Les dires de l'intimé sont ensuite hautement invraisemblables car la jeune fille avait ses règles ce soir-là, et portait un tampon et une serviette hygiénique. Or, dans une telle situation, l'expérience enseigne qu'une adolescente soit refuserait des caresses vaginales soit, a minima, préviendrait son partenaire.

Le simple fait que F______ a relaté qu'il y avait eu des attouchements consentis sous la couverture n'est pas suffisant pour surmonter ces obstacles. D'une part il a été très peu précis, d'autre part, et surtout, sa crédibilité est faible, ainsi qu'il sera discuté plus bas. Il en va de même de ce que l'appelante s'est couchée à côté du prévenu et a accepté ses "papouilles" – ce qui tend à confirmer qu'il y avait eu une certaine attirance entre eux, comme cela a été relaté par d'aucuns – car cela ne signifie pas encore qu'elle était disposée à recevoir des actes plus intrusifs ou à se montrer elle-même entreprenante au point de masturber le jeune homme, qui plus est en présence de trois autres garçons, bien que dissimulée par la couverture (cf. infra sur la crédibilité de l'appelante).

Le prévenu ne peut non plus être suivi en ce qu'il a affirmé, certes de manière constante à partir du moment où il a concédé que la jeune fille avait dormi dans sa chambre, qu'il avait pour sa part quitté la pièce. En effet, aucun des autres protagonistes n'a confirmé cette déclaration. L'appelante et R______ l'ont clairement démentie ; après avoir également déclaré que tout le monde était présent dans la pièce au réveil de la jeune fille, F______ n'a pu que tenter maladroitement de nuancer, en expliquant qu'il n'avait pas compté, ce qui prêterait à sourire si n'était le contexte. On relèvera encore que l'explication avancée pour justifier le refus de livrer les coordonnées de la femme qui gardait les puinés du prévenu, soit un témoin censé confirmer qu'elle avait trouvé le jeune homme dans le lit de sa mère lorsque l'appelante était revenue pour lui parler, interpelle. On peine en effet à croire que les égards pour cette dame face à ses craintes liées à son statut puissent avoir eu un poids l'emportant, aux yeux de la mère comme du prévenu, sur l'enjeu.

En prolongement, il peut encore être observé qu'il n'est pas vraisemblable que le prévenu ignore l'identité du quatrième protagoniste, qu'il avait pourtant rencontré avant les faits et avec lequel il avait passé la soirée avant de l'inviter chez lui. A minima, il aurait pu le retrouver via les réseaux sociaux. Cela étant, ce dernier élément ne lui sera pas opposé car s'il se peut que l'intimé n'a pas voulu faciliter son audition à cause de ce qu'elle révèlerait, il est possible aussi qu'il eût voulu éviter de l'impliquer dans la procédure pénale, par loyauté ou peur de représailles.

Aussi, et contrairement à ce qu'a retenu le TMin, au motif que l'intéressé avait certes varié mais été constant dans ses dénégations, la crédibilité de l'intimé est très mauvaise.

2.3.2.1. L'expertise de crédibilité est claire. Au-delà d'une erreur d'addition, admise et rectifiée par les experts, elle ne souffre d'aucune inexactitude ou contradiction. Elle a été menée de façon rigoureuse et très complète, selon la méthodologie SVA communément pratiquée et tenue pour adéquate par la jurisprudence. Ses auteurs ont été longuement interrogés lors des débats d'appel et ont répondu avec précision à toutes les questions, clarifiant un passage. Ils ont pris soin d'insister eux-mêmes sur les limites de la démarche. L'appelante, qui avait requis une contre-expertise, n'a d'ailleurs pas réitéré cette demande à l'ouverture des débats, suite au refus présidentiel, ou après ladite audition. Dans ces circonstances, il n'y a aucun motif de s'écarter des conclusions de l'expertise selon lesquelles 1) la crédibilité des déclarations de l'appelante telles que recueillies par la gendarmerie française ne peut être testée au moyen de la méthodologie SVA et 2) celles recueillies lors de l'audition à Genève, conforme au protocole NICHD, ne peuvent être tenues pour crédibles, malgré la cotation de 10/19, car le récit n'était pas cohérent, faute d'explication scientifique concernant l'état de veille-sommeil décrit par la partie plaignante, ainsi que vu le risque de contamination et des discordances dans certains propos de la jeune fille sur les faits eux-mêmes. Cela emporte qu'il n'est pas possible de s'appuyer sur le récit de l'appelante s'agissant des faits reprochés et, plus généralement, de ce qui se serait passé durant son sommeil.

2.3.2.2. Cela étant, les faiblesses mises en exergue par l'expertise ne s'attachent pas à la description par l'appelante des évènements antérieurs à son endormissement et de ceux postérieurs à son réveil. À cet égard, on relèvera plusieurs éléments :

-          la jeune fille a décrit, avec la précision dont elle pouvait encore être capable au regard du temps écoulé, la première partie de la soirée, la rencontre avec le groupe devant le L______, le déplacement jusqu'au logement du prévenu, le départ de son amie, la montée et l'installation des cinq jeunes restant dans la chambre, détaillant le positionnement de chacun, comment elle-même avait pris place aux pieds du lit puis s'était couchée, sur son invitation, aux côtés de l'intimé, enfin endormie. Le même constat peut être fait pour la narration des événements qui ont suivi son réveil. Elle a restitué son inquiétude, causée par sa tenue et les douleurs ressenties, les échanges avec les quatre garçons, avec la référence à des propos curieux, soit l'évocation de la "zonz" par l'individu demeuré non identifié et les questions sur sa virginité ou sa religion, leur attitude évasive, le départ de l'appartement, l'escorte par R______ et ses demi-aveux, le retour chez le prévenu, lequel s'était à nouveau montré évasif. L'appelante a encore avec constance mentionné le détail marquant du tampon menstruel enfoncé et a concédé des éléments susceptibles de la desservir, admettant avoir accepté des "papouilles" du prévenu, ou qu'elle avait proféré des menaces à son encontre. Son récit est ainsi globalement constant, détaillé, cohérent, exempt de contradictions intrinsèques et authentique ;

-          sous réserve des explications de l'appelante au sujet de sa motivation à suivre le groupe (cf. infra) ou de l'évocation de la peur de la prison par le dernier protagoniste – ce qui se comprend, car l'admettre impliquerait reconnaître que des faits illicites suscitant une telle crainte avaient été commis –, ledit récit est de surcroît, à tout le moins pour l'essentiel, corroboré par d'autres éléments du dossier, notamment les déclarations de R______ mais aussi celles du prévenu. En particulier, celui-ci n'a pas contesté sa description des lieux et a donné les mêmes indications concernant l'installation dans la chambre, puis dans le lit, confirmant qu'il avait invité l'adolescente, qu'il avait perçue mal à l'aise, à se détendre et à venir se coucher à côté de lui, tout comme il a reconnu avoir été celui qui lui avait suggéré qu'elle s'était déshabillée dans son sommeil et a corroboré qu'elle était revenue chez lui, flanquée de R______ ;

-          les seules véritables contradictions entre les dires de la jeune filles et les déclarations des autres personnes présentes, s'agissant des circonstances périphériques, tiennent à ses dénégations quant à un rapprochement avec le prévenu et son empressement à l'idée de terminer la nuit avec les garçons qu'elle venait de rencontrer. Il faut prendre acte de ce que sur ce point, l'adolescente paraît moins crédible que ses contradicteurs, vu la convergence entre ces derniers et ses propres explications confuses (par exemple : elle avait préféré dormir chez des inconnus car elle n'avait pas confiance en ses amis). Cependant, cette difficulté à concéder son intérêt ne suffit pas pour décrédibiliser le reste de ses propos. Une telle réticence peut en effet s'expliquer par le sentiment de culpabilité fréquent chez les victimes, sentiment que l'on retrouve en l'espèce dans le discours de l'appelante lorsqu'elle a expliqué pourquoi elle ne s'était pas confiée à son père ou s'interroge, selon sa tante, sur ce qu'elle a pu faire pour mériter ce qu'il lui est arrivé. Le sentiment de culpabilité est du reste encore plus susceptible d'être induit dans un contexte tel le présent, où d'aucuns pensent pouvoir affirmer que la jeune fille qui accepte de suivre plusieurs garçons dans un appartement ne le fait pas dans l'idée d'"enfiler des perles" ou que, dans la "génération" des parties, il est fréquent d'évoquer des abus simplement parce que "quelque chose s'est mal passé" avec un garçon. En tout état, pour avoir possiblement éprouvé davantage d'attraction pour le prévenu et/ou d'envie de terminer la soirée avec ses amis et lui qu'elle ne l'admet, la partie plaignante ne saurait être ipso facto tenue comme ayant été disposée à se livrer à des ébats avec le jeune homme, ce en présence de ses amis ;

-          la sincérité de l'appelante ne peut être mise en cause. Celle-ci n'avait aucun motif d'accuser, sciemment et faussement, des inconnus : elle n'avait pas de raison de leur en vouloir, étant observé que le prévenu a renoncé à la thèse absurde de la vengeance face à la vexation ; il ne lui était pas davantage nécessaire de mentir, qui plus est à large échelle, sur les réseaux sociaux, pour dissimuler à son petit ami qu'elle se serait livrée à des actes d'ordre sexuel avec un autre puisque, à le suivre, le prévenu lui aurait promis le silence. Tout au plus aurait-elle donc pu faire des accusations fausses, mais de bonne foi, car elle était, et demeure manifestement, convaincue de leur véracité – thèse de la contamination – ce qui ne saurait motiver des affabulations au sujet des circonstances ayant précédé ou suivi les faits, au contraire.

2.3.2.3. En conclusion, sous la seule réserve des motifs qui l'ont conduite à suivre le groupe à peine rencontré, les déclarations de l'appelante sont crédibles, en ce qui concerne les circonstances entourant les faits. On ne peut en revanche y prendre appui pour ce qui est de leur déroulement, intervenu durant son sommeil.

2.3.3. Les déclarations de F______, passé son premier mensonge selon lequel il n'aurait pas dormi avec ses comparses et l'intimé, rejoignent certes, comme retenu par le TMin, celles du prévenu, dans la faible mesure où il a évoqué des attouchements et a concédé avoir lui-même touché les fesses de l'adolescente, par jeu. Cependant, il a été très vague, se contentant d'indiquer que ces attouchements avaient eu lieu sous la couverture, ce qui ne signifie pas pour autant que la partie plaignante était éveillée et consentante, et avait même, à la police, refusé d'en désigner l'auteur. En outre, comme déjà mentionné, ce protagoniste a tenté de coller aux dires du prévenu, lorsqu'il a réalisé que celui-ci prétendait avoir quitté la pièce, en précisant qu'il n'avait pas compté les personnes présentes, sans aller jusqu'à confirmer ce que disait son ami. Enfin, lui-même mis en cause, il avait un intérêt évident à mentir ou à tout le moins à grandement minimiser. Sa crédibilité est donc faible.

2.3.4. Reste, au chapitre des protagonistes identifiés, R______.

Il est vrai que celui-ci a, comme ses coprévenus, commencé par mentir et que, comme eux, il avait un intérêt évident à le faire. On retiendra qu'il a persisté dans cette voie, en soutenant qu'il s'était absenté durant une partie de la nuit. Le propos n'est tout d'abord pas crédible car s'il avait vraiment espéré que sa mère, encore éveillée, lui ouvrirait la porte, le jeune homme serait rentré chez lui directement après l'arrivée du groupe à M______ [GE], plutôt que de s'attarder au domicile du prévenu, au risque que celle-là ne se couchât à son tour, étant rappelé qu'il était déjà fort tard. Il est également contradictoire de soutenir à la fois avoir envisagé, comme autre option, de passer la nuit chez le prévenu et d'affirmer qu'il devait absolument être de retour chez lui à 6h00, car à défaut son père aurait appelé la police. De plus, aussi bien le prévenu que F______ ont contesté sa version. R______ a donc menti sur ce point, dans une tentative d'éviter d'être tenu pour avoir participé aux faits reprochés ce qui, par ricochet, est déjà un indice de la réalité de ce que des actes illicites ont bien été commis. On peut du reste relever à cet égard que le prévenu lui-même ne l'exclut pas, s'attelant à soutenir que si tel était le cas, cela se serait passé hors sa présence. Curieusement, R______ n'a pas non plus confirmé avoir accompagné la partie plaignante lorsqu'elle est retournée au domicile du prévenu, alors que les deux autres jeunes gens en conviennent et que cela n'avait pas de portée, pénalement parlant.

Pour autant, et contrairement à ce qu'a retenu le TMin, cela ne disqualifie pas nécessairement le reste de son discours. Or, force est de constater que des trois mis en cause, R______ est le seul à avoir concédé, d'abord à l'appelante, dont la détresse l'avait touché, puis dans la procédure, la réalisation d'actes d'ordre sexuel alors qu'elle était endormie – tout en prétendant n'avoir compris qu'elle l'était qu'a posteriori –, et que ce faisant il a couru le risque de s'auto-incriminer. D'abord parce qu'on pouvait ne pas croire ses affirmations selon lesquelles il n'avait été qu'un spectateur – la partie plaignante ne l'a d'ailleurs pas fait – et ensuite parce que même dans cette hypothèse, l'admission d'une participation au titre des agissements commis en bande ne pouvait être exclue, explications qui, l'une comme l'autre, lui auront sans doute été données par sa défense. Ce nonobstant, il a maintenu ses dires, durant toute la procédure. Ce n'est que dans le cadre, censé confidentiel, de la médiation qu'il a apparemment nuancé son propos. Il a cependant expliqué ce revirement par l'espoir que la démarche aboutirait et permettrait de mettre un terme à la procédure pénale, ce qui est cohérent et très plausible ; puis, confronté à ses variations, il a réitéré ses accusations. R______ est également crédible dans ses motivations, pour avoir indiqué avoir été peiné par ce qu'il était arrivé à la partie plaignante et avoir tiré leçon de sa précédente mésaventure, soit la période difficile traversée après avoir "balancé" dans le contexte d'un brigandage.

En conclusion, il sera retenu, au contraire de ce qu'a fait le TMin, que le récit de R______ est crédible en ce qu'il décrit les faits commis sur la partie plaignante endormie et son état à son réveil.

2.3.5. Il y a enfin les autres éléments du dossier que ceux déduits des déclarations des parties et de deux autres garçons prévenus dans les procédures connexes.

2.3.5.1. Les deux messages adressés à la partie plaignante très rapidement après la nuit litigieuse, sont des éléments à charge très sérieux : l'intimé, tout en affirmant que lui-même n'aurait rien fait, présente des excuses au nom de ses amis et pour lui-même pour quelque chose qui ne "se fait pas" et le soi-disant Q______ fait de même, pour plusieurs personnes ("pardonne nous" ; "excuse nous"), en expliquant qu'"on" croyait qu'elle était consciente, tout en la suppliant de ne pas alerter la police.

Le prévenu concède le caractère accablant de son propre texte mais l'explique par la crainte de représailles fomentées par la partie plaignante. Cela ne convainc pas, d'une part parce que l'intéressé a également dit dans ledit message qu'il était prêt à la bagarre, se vantant d'être des Y______ [GE], d'autre part au vu de la teneur du second message, qui, lui, est clairement motivé par la peur d'une poursuite pénale. Certes, l'intimé n'en est pas l'auteur, mais les deux textos s'inscrivent dans le même contexte.

Peu importe qu'il manque au dossier la preuve matérielle de l'identité de l'auteur du second message. Au vu du contexte, il ne peut s'agir que de l'un des trois autres garçons présents la nuit des faits, le prévenu ayant utilisé son propre identifiant. R______ peut raisonnablement être exclu, dès lors qu'il appartenait également au groupe de chat sous son identifiant. Demeurent F______ et le quatrième protagoniste. Il est bien plus vraisemblable qu'il s'agissait du premier, comme soupçonné par la partie plaignante. Si, comme cela a été soutenu, elle était à l'origine de la création du groupe, on ne voit pas comment la jeune fille aurait pu se procurer les coordonnées du quatrième jeune homme, encore moins pourquoi elle ne les aurait pas communiquées, si elle les avait possédées. En toute hypothèse, celui-ci n'avait aucun intérêt à se manifester au risque de perdre son anonymat, au cas où la police parviendrait à remonter la piste.

Quoi qu'il en soit, il demeure que ces deux messages établissent que deux des quatre individus impliqués, dont le prévenu, ont ressenti la nécessité de présenter des excuses à l'adolescente, pour quelque chose d'inacceptable, qui lui avait été fait par plusieurs d'entre eux, alors qu'elle était inconsciente.

2.3.5.2. À lire le jugement de première instance, l'accusation serait contredite par le fait que l'hymen de la partie plaignante ne présentait pas de fissures lors de son examen gynécologique. Cette conclusion est insoutenable, des juges ne pouvant substituer leur propre appréciation à celle d'une spécialiste du domaine et la gynécologue qui a procédé à l'examen ayant conclu que celui-ci était compatible avec les dires de la jeune fille, ce alors même que la doctoresse avait notamment été informée de la présence du tampon. À cela s'ajoute que l'expertise de crédibilité, dont les auteurs n'ont certes pas consulté une ou un gynécologue mais ont fait appel aux données statistiques recueillies dans le contexte d'abus sexuels commis sur des enfants ou des adolescents, confirment qu'il est parfaitement possible que l'hymen d'une jeune fille paraisse indemne après une expérience telle celle décrite dans l'acte d'accusation. Il s'ensuit que le résultat dudit examen est un élément neutre dans la procédure, qui n'étaye pas l'accusation, mais ne la dément pas non plus.

2.3.5.3. Les déclarations des deux amies de l'appelante sur la rencontre devant le L______ et le déplacement jusqu'au domicile du prévenu n'apportent pas d'éléments significatifs. Certes, il en résulte que la partie plaignante a pu ressentir davantage d'intérêt pour le prévenu et/ou l'idée de poursuivre une soirée festive chez lui qu'elle n'a concédé, mais, comme déjà dit, cela ne signifie pas qu'elle était d'accord de recevoir et pratiquer les actes de masturbation réciproques qu'il décrit désormais. Le fait qu'elle eut fait la sourde oreille face aux mises en gardes des deux autres jeunes filles n'est pas pertinent. On peut uniquement en déduire qu'elle a été naïve ou imprudente, ce qui ne constitue en aucun cas un blanc-seing.

La défense tente en vain de tirer parti des propos de la témoin J______ relatives à la réputation de l'adolescente, selon elle. Outre qu'elles sont peu crédibles, aucun élément concret du dossier ne permettant de douter de ce que la partie plaignante était encore vierge, ainsi qu'elle l'a toujours soutenu, elles ne sont guère déterminantes car une jeune fille active sexuellement peut décider de se livrer à des actes d'ordre sexuel avec un garçon qu'elle vient de rencontrer, tout comme elle peut choisir de ne pas le faire, surtout si elle est en pleine période de menstruation. À tout le moins, comme déjà dit, elle aurait abordé cette question avec lui.

2.3.5.4. Les experts en crédibilité ont exposé que le processus de dévoilement et les nombreuses preuves au dossier de l'état de stress post-traumatique présenté par la partie plaignante depuis 2019 étaient compatibles avec les faits mais des facteurs neutres du point de vue de l'évaluation SVA.

Dont acte ; néanmoins, du point de vue du juge, il s'agit de deux indices à charge, à défaut d'être des preuves irréfutables. La sincérité du processus de dévoilement permet de retenir que la partie plaignante n'accuse pas intentionnellement faussement, ce que du reste personne ne soutient. L'atteinte sérieuse à sa santé mentale établit qu'elle a subi un traumatisme. Or, s'il est vrai que la partie plaignante a indiqué avoir été victime d'autres agressions, en particulier le lendemain des faits, il reste qu'il résulte de plusieurs des documents produits qu'elle évoque de manière constante le lien entre ses troubles et les actes objet de la présente procédure, ce auprès de son entourage et de ses thérapeutes, soit dans un cadre soutenant où elle peut s'exprimer librement. Par ailleurs, aucun de ces thérapeutes ne semble avoir remis ce lien en question.

2.3.5.5. Il faut enfin souligner que, bien que cela puisse surprendre, il n'est pas invraisemblable que l'adolescente eût pu subir les actes reprochés, selon l'acte d'accusation, dans son sommeil, sans en être tirée. Elle a en effet expliqué qu'elle était particulièrement fatiguée à cette période, outre qu'elle avait un sommeil très profond, ce que le témoin I______ a confirmé ; R______ a décrit qu'il avait fallu la gifler pour la réveiller ; enfin les experts, qui ont notamment consulté un spécialiste du sommeil, n'ont pas discuté cette circonstance ce qui permet de conclure qu'ils ne la remettent pas en cause.

2.4. Vu ce qui précède, il existe un faisceau d'indices très fort conduisant à la conclusion que les faits se sont déroulés de la manière suivante :

Au plus tôt après minuit le 27 juillet 2019, la partie plaignante accompagnée de trois amis a rencontré devant le L______ un groupe de plusieurs garçons, comprenant notamment le prévenu, R______, F______ et le quatrième protagoniste demeuré non identifié, lesquels avaient passé la soirée ensemble. L'adolescente et une autre jeune fille ont accepté de passer la nuit au domicile du prévenu, à M______ et le groupe s'est mis en marche. Au cours du déplacement, qui a été long, vu la distance à parcourir à pied, l'appelante et l'intimé ont fait plus ample connaissance, le jeune homme entreprenant même de passer son bras autour des épaules de la jeune fille et de lui déposer un baiser sur la joue. Elle a possiblement accepté le premier geste, pas le second – personne n'a soutenu le contraire, lui compris. À son arrivée au pied de l'immeuble, le groupe ne comprenait plus que ces protagonistes. L'amie qui accompagnait la partie plaignante a tenté de la convaincre de partir avec elle, sans résultat, puis a quitté les lieux. Les cinq jeunes gens restants sont montés et allés directement dans la chambre du prévenu, en évitant, à sa demande, de faire du bruit. Il était alors passé 2h00, voire 3h00 – le témoin J______ a dit être partie après 2h00 ; R______ a évoqué une arrivée à 3h15 ; le prévenu a affirmé être passé devant le L______ entre 1h00 ou 2h00 et que 20 minutes voire une heure s'étaient écoulée(s) entre le moment où le groupe s'était installé dans sa chambre et celui où il l'avait quittée pour aller se coucher dans celle de sa mère, à 3h00 –. La partie plaignante s'est assise au bord du lit, sur lequel se sont installés l'intimé et F______, tandis que R______ et le quatrième garçon prenaient place dans un fauteuil et sur une chaise, face à la télévision. Après un moment, le prévenu a convaincu la partie plaignante, qui ne paraissait pas à son aise, de venir se coucher à ses côtés, ce qu'elle a fait, en conservant la combinaison qu'elle portait. Les deux jeunes gens étaient alors sous la couverture, "en cuiller", soit couchés sur le côté, l'un contre l'autre, la jeune fille tournant le dos au garçon. F______ était de l'autre côté du prévenu. L'intimé a prodigué à la partie plaignante ce que tous deux ont appelé des "papouilles", c'est-à-dire des caresses légères à hauteur du visage et des épaules, puis l'adolescente s'est endormie.

Alors qu'elle était plongée dans son sommeil, soit elle a elle-même enlevé sa combinaison, étant rappelé qu'elle en doute mais ne l'exclut pas, expliquant être somnambule, soit le vêtement lui a été retiré. Sa culotte a ensuite été baissée par au moins l'un des deux garçons qui se tenaient dans le lit avec elle et l'adolescente a subi à tout le moins les actes décrits dans l'acte d'accusation, soit des caresses de son sexe, à même la peau par le prévenu, une masturbation du sexe de celui-ci au moyen de l'une de ses mains, dirigée par lui, une tentative de fellation, l'individu approchant son sexe de la bouche de la victime, et une pénétration vaginale par son membre. Il est à cet égard rappelé que l'intimé reconnaît les actes de masturbation réciproques, admettant même avoir guidé la main de la victime sur son pénis, même s'il soutient, en vain, qu'ils auraient été pratiqués alors que celle-ci était éveillée et consentante, et que tous ces faits ont été décrits par R______, dont les dires ont été jugés crédibles à cet égard. À un moment avant ou au début de la commission de ces faits, la jeune-fille a été placée sur le ventre, le précité ayant décrit qu'elle était dans cette position durant la tentative de fellation et la pénétration.

Personne n'a quitté la pièce avant ou durant ces actes, notamment pas le prévenu ou R______.

On sait également que d'autres actes encore ont été commis sur la partie plaignante, par d'autre(s) protagoniste(s), vu les déclarations, jugées crédibles, de R______. L'hypothèse selon lequel il s'est agi à tout le moins de F______, comme retenu dans l'acte d'accusation, apparaît la plus plausible, eu égard aux éléments suivants : ce protagoniste a concédé avoir touché les fesses de la jeune fille, ce qui paraît relever d'une tentative de minimiser son implication ; les deux garçons sont ceux qui se tenaient dans le lit avec la partie plaignante et ils sont proches l'un de l'autre, ce qui était de nature à créer un climat poussant F______ à suivre le mouvement lancé par le prévenu ; F______ a été clairement désigné par R______ comme ayant lui-même commis certains actes. Deux autres hypothèses ne peuvent certes être ici totalement exclues, soit que le second auteur serait R______, qui aurait attribué à F______ ses propres agissements, ou alors que ce protagoniste aurait lui-même commis certains actes, en sus des deux autres. Ce sera cependant dans le contexte des causes dirigées contre ces deux autres prévenus que leur rôle devra être jugé. Du point de vue de la présente procédure, il suffit de retenir que, comme décrit dans l'acte d'accusation, un second garçon a agi, à tour de rôle et de concert avec l'intimé, et qu'il s'agissait très vraisemblablement de F______.

La partie plaignante a fini par se réveiller, sous l'effet de gifles pratiquées par le prévenu pour la tirer de son sommeil. Constatant qu'elle ne portait plus sa combinaison, que sa culotte était baissée à mi-cuisse et qu'elle ressentait des douleurs vaginales – il s'avèrera par la suite que le tampon qu'elle portait en sus d'une serviette hygiénique, se trouvant en période de règles, avait été enfoncé – elle a évidemment aussitôt nourri le soupçon qu'elle avait été abusée. Elle s'est mise à pleurer et a demandé des explications, en vain. Le quatrième garçon a néanmoins conforté ses soupçons, en disant qu'il ne voulait pas aller en prison et quittait les lieux. La partie plaignante a été raccompagnée à l'arrêt du bus et R______, ému par sa détresse et le fait qu'elle ne savait pas comment regagner la gare, l'a prise en charge. Dans ce contexte, ils ont échangé et il a concédé qu'elle avait subi certains actes, tout en tentant de la convaincre de ce qu'il n'y avait pour sa part pas participé. Comme elle voulait davantage d'explications, ils sont, après un détour par un centre commercial pour recharger le téléphone de la jeune fille, retournés au domicile du prévenu, lequel a nié qu'il se fût passé quoi que ce soit mais a accepté de lui donner son identifiant Snapchat. Elle s'est mise en colère et a menacé d'envoyer des amis se battre pour elle, puis a quitté les lieux.

Un groupe Snapchat a par la suite été créé, probablement par la jeune fille qui continuait de tenter de découvrir ce qu'il s'était passé, sur lequel elle a reçu le message d'excuses du prévenu et celui d'un autre des trois individus, plus plausiblement F______.

2.5.1. À l'évidence, les faits retenus répondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction de l'art. 191 aCP, ce qui n'est du reste pas contesté. En particulier, la défense n'a pas soutenu, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, que le prévenu eût pu ignorer que la victime était profondément endormie et, partant, incapable de résistance. La totale inertie de l'appelante – passé, si cela est advenu, le moment où, somnambule, elle aurait elle-même retiré sa combinaison –, malgré les mouvements imprimés à son corps pour la placer sur le ventre et lui imposer les actes commis sur elle, ne pouvait que donner à penser, si ce n'est convaincre, qu'elle était inconsciente. À cela s'ajoutent l'heure tardive, propice au sommeil, et la faible probabilité qu'une adolescente de 14 ans acceptât de participer, mais de façon totalement passive, à des ébats sexuels avec des individus à peine rencontrés, en présence d'autres. Le message expédié par le soi-disant Q______, selon lequel les auteurs n'avaient pas réalisé qu'elle était inconsciente doit donc être compris comme une tentative de justifier les faits aux yeux de la jeune fille pour gagner son silence. Le prévenu a partant nécessairement envisagé qu'elle était endormie, de sorte qu'il a au moins accepté que pour agir comme il l'a fait, il exploitait l'incapacité de la victime.

2.5.2. À raison, la défense ne conteste pas non plus que les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation et en définitive retenus tombent sous le coup de la circonstance aggravante de l'art. 200 CP, le prévenu et un comparse, très vraisemblablement F______, ayant agi de concert et tour à tour – les deux autres protagonistes ne sont pas mentionnés dans l'acte d'accusation, ne serait-ce qu'au titre d'une éventuelle participation passive mais renforçant psychiquement la détermination des coauteurs directs.

2.6. En conclusion, les appels sont admis et le prévenu est reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance commis en commun.

3. 3.1.1. Selon l'art. 47 CP, applicable par renvoi de l'art. 1 al. 2 DPMin, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Elle doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1).

3.1.2. Le droit pénal des mineurs prévoit plusieurs types de sanctions (art. 22 à 25 DPMin) qui ne servent pas à punir mais poursuivent le but de détourner les mineurs condamnés de la commission de nouvelles infractions au sens de la prévention spéciale. Ainsi, l'art. 2 al. 1 DPMin prévoit que la protection et l'éducation du mineur sont déterminantes dans l'application du droit pénal des mineurs. L'art. 2 al. 2 DPMin dispose qu'une attention particulière doit être vouée aux conditions de vie et à l'environnement familial du mineur, ainsi qu'au développement de sa personnalité. Il en résulte que le choix de la sanction ne s'opère pas selon les mêmes critères dans le droit pénal des mineurs que dans le droit pénal des adultes. Les infractions commises ne doivent pas être comprises comme des violations de la paix sociale qui appellent une sanction réparatrice ou de rétorsion, mais comme des indices possibles d'un mauvais développement qu'il s'agit de rattraper. Ce qui apparaît dans un cas individuel comme important et opportun d'un point de vue éducatif se détermine d'après la structure de la personnalité du délinquant et d'après son "état d'éducation" (ATF 137 IV 7 consid. 1.3 = JdT 2011 IV 350 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_232/2010 du 20 mai 2010 consid. 3.3).

À teneur de l'art. 25 al. 1 DPMin, est passible d'une privation de liberté d'un jour à un an le mineur qui a commis un crime ou un délit s'il avait quinze ans le jour où il l'a commis, étant rappelé qu'en l'occurrence, le prévenu avait fêté ses 15 ans deux mois et demi plus tôt.

3.2.1. La faute de l'intimé est grave. Il a commis de multiples actes très intrusifs, y compris un acte sexuel complet, sur une adolescente, se trouvant donc dans une période cruciale de son développement, notamment en matière sexuelle, qui plus est dans des conditions particulièrement sordides, soit alors qu'elle était endormie et en commun avec un second individu au moins, ainsi qu'en présence d'un – si trois ont en réalité agi – ou deux autre(s) encore. La victime a ainsi été réduite à l'état d'objet et le fait qu'elle était inconsciente n'a en rien réduit sa souffrance, au contraire, car l'ignorance et la quête quasi obsessionnelle de vérité qui a suivi sont des facteurs supplémentaires de détresse. Le prévenu n'a eu aucun égard pour la malheureuse, que ce soit lors des faits, à son réveil, alors qu'elle tentait de comprendre ce qu'il lui était arrivé, ou au cours de la procédure.

Le mobile était nécessairement, celui, égoïste, d'assouvir ses pulsions sexuelles au détriment de la libre détermination en matière sexuelle de la victime et des conséquences possiblement graves pour elle, conséquences qui se sont hélas réalisées.

L'intimé n'a nullement collaboré à la procédure. Au contraire, il n'a cessé de varier, non sans tenir initialement des propos très dénigrants au sujet de la partie plaignante, et n'a fini par concéder qu'une version édulcorée des faits, selon laquelle elle aurait consenti à certains actes, tout en laissant entendre que si des agissements répréhensibles avaient été commis, ils l'auraient été par les autres garçons présents, après que lui-même aurait quitté la pièce. S'il a par la suite dit regretter ses déclarations initiales, il n'a jamais manifesté de réelle compassion pour la victime. La prise de conscience est donc tout au plus à l'état d'ébauche, soit limitée à l'admission de principe que les faits reprochés sont, par définition, graves et illicites.

Le prévenu était lui-même un adolescent de 15 ans – non 14 – au moment où il a agi. Il ne s'est guère plaint de sa situation, ce qui permet de penser que le cadre familial composé d'une mère travailleuse et aimante et d'une fratrie sans histoires, était adéquat. Néanmoins, il est permis de supposer que l'absence de la figure paternelle a dû peser, tout comme les difficultés financières, eu égard à la modeste capacité de gain de la maman.

Au moment où il a agi, le prévenu n'avait pas d'antécédent, ce qui est un facteur neutre pour la fixation de la peine, encore davantage pour un tout jeune homme. Il a par la suite commis d'autres infractions, certes moins graves, y compris alors qu'il se savait visé par la présente procédure et avait donc d'autant plus de raisons de veiller à avoir un comportement irréprochable. Le fait qu'il soutienne que la condamnation intervenue alors qu'il était majeur serait due non seulement à une erreur de la police, mais aussi à un mensonge d'un agent est un signal de préoccupation supplémentaire du point de vue de la prise de conscience.

Cela étant, il peut être donné acte à l'intéressé de ce qu'il s'est engagé avec détermination sur la voie de la formation professionnelle, ayant achevé son apprentissage de chauffeur poids-lourd et s'étant présenté à l'examen de CFC, dont il attend le résultat.

3.2.2. Compte tenu de ce qui précède, le prononcé d'une peine privative de liberté s'impose, étant relevé que la question n'a pas été disputée par la défense. Cela emporte que celle du concours rétrospectif avec les condamnations ultérieures aux faits ne se pose pas, les peines n'étant pas de même genre (art. 49 CP a contrario). La quotité de huit mois proposée par le MP est adéquate et sera retenue.

3.3. Dite peine doit être assortie du sursis, les conditions en étant réalisées, ce que le MP admet. La durée du délai d'épreuve sera de même durée, conformément aux art. 35 al. 2 et 29 al. 1 DPMin.

4. 4.1.1. La responsabilité délictuelle instituée à l'art. 41 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations) suppose la réalisation de quatre conditions cumulatives, soit un acte illicite ou contraire aux mœurs, une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'acte fautif et le dommage. La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO ; ATF 132 III 122 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_986/2008 du 20 avril 2009 consid. 4.2).

Conformément à l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.

L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites ; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 143 IV 339 consid. 3.1). Le juge en adaptera le montant à la gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime ; s'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 141 III 97 consid. 11.2; ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; 129 IV 22 consid. 7.2 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.1).

Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 125 III 269 consid. 2a).

Un ouvrage de doctrine s'est penché sur la question et aboutit à déterminer des fourchettes pour l'indemnisation du tort moral dans les cas d'atteintes à l'intégrité sexuelle. Aux termes d'une analyse détaillée et convaincante de la doctrine et de la jurisprudence, l'auteur recommande, en cas de viol consommé, une indemnité pour tort moral comprise entre CHF 20'000.- et CHF 50'000.- (BERGER, Die Genugtuung und ihre Bestimmung, in WEBER/MÜNCH [édit.], Haftung und Versicherung, 2ème éd. 2015, n 11.68 p. 521). La CPAR s'est ralliée à cette appréciation (AARP/35/2020 consid. 2).

4.1.2. Conformément à l'art. 122 al. 1 CPP, applicable devant les juridictions des mineurs par renvoi de l'art. 3 al. 1 PPMin, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.

Les prétentions civiles que peut faire valoir la partie plaignante sont exclusivement celles qui sont déduites de l'infraction. Elles doivent découler d'une ou de plusieurs infractions décrites dans l'acte d'accusation et retenues par le juge (ATF 148 IV 432 consid. 3.1.2).

4.2.1. Dans leur principe, les conclusions civiles prises par la partie plaignante sont fondées. Le, modeste, dommage matériel est justifié par pièces et le montant de CHF 30'000.- articulé au titre du tort moral est adéquat eu égard aux actes commis, aux circonstances particulièrement sordides – victime adolescente, endormie, réduite à l'état d'objet sexuel ; présence de plusieurs auteurs ou spectateurs – et, surtout, aux souffrances et aux conséquences lourdes subies par la jeune fille, toutes documentées. Certes, les circonstances antérieures, soit la rupture de relation avec la mère, et les violences subies postérieurement par l'appelante, selon ses déclarations, ont pu contribuer à la fragiliser, mais il demeure que l'élément déclencheur et facteur majeur réside dans les faits de la cause. En sa qualité d'auteur de l'infraction, le prévenu doit répondre de l'entier du dommage. Il lui appartiendra, le cas échéant, d'exercer contre son ou ses coauteur(s) les voies de recours internes consacrées par l'art. 51 CO.

4.2.2. Il n'y a en revanche pas de motif de condamner sa mère, solidairement et conjointement avec lui, à réparer le dommage matériel et le tort moral. D'une part sa responsabilité ne découlerait pas de l'infraction, en ce sens qu'elle ne l'a pas commise, alors qu'il s'agit de la seule cause admissible dans le contexte de l'action pénale par adhésion. D'autre part, si on peut supposer que la partie plaignante, qui n'a nullement motivé ses conclusions à cet égard, pense pouvoir prendre appui sur la responsabilité civile de la cheffe de famille, au sens de l'art. 333 du Code civil suisse (CC), la question n'a pas été instruite dans le respect des droits de partie de la détentrice de l'autorité parentale au moment des faits – et pour cause, puisqu'elle n'est pas personnellement partie à la procédure – de sorte que l'occasion ne lui a pas été donnée de se défendre, notamment d'établir avoir surveillé son fils de la manière usitée et avec l’attention commandée par les circonstances, au sens de l'art. 333 al. 1 in fine CC.

4.3. Les conclusions civiles de la partie plaignante sont ainsi admises, mais uniquement à l'encontre de l'intimé.

5. 5.1. La partie plaignante requiert aussi qu'il lui soit donné acte de la violation de ses droits de procédure au double motif que 1) l'enregistrement et la transcription de son audition EVIG ne figuraient pas au dossier de la procédure avant que la CPAR n'entreprît de se procurer le premier et de faire établir la seconde et 2) elle a été entendue davantage qu'à deux reprises (art. 154 al. 4 let. b CPP). Dans la plaidoirie de son conseil, elle s'est encore plainte du temps mis par les autorités françaises à déléguer la poursuite à la Suisse et de la décision des Juges des mineurs de soumettre les trois causes à la médiation.

5.2. Il est certes surprenant que le dossier communiqué aux parties puis à la Cour ne comprenait pas l'enregistrement EVIG et sa transcription. Cela étant, il est tout aussi surprenant que ni le défenseur d'office du prévenu ni l'avocate de la victime ne se sont inquiétés de cette situation, laquelle a dû être réparée d'office par la juridiction d'appel lorsqu'elle s'est aperçue, en préparant la première audience appointée, que les deux pièces en question manquaient au dossier. On ne se trouve pas ici dans un cas où une partie ne peut pas se rendre compte de ce qu'un élément est absent du dossier, parce qu'elle en ignore l'existence. Aussi, faute pour la partie plaignante d'avoir soulevé à temps la question, ce qui aurait permis à la Juge des mineurs ou au TMin de faire le nécessaire, son reproche ne saurait être admis.

5.3. À la suivre, la partie plaignante aurait été entendue, alors qu'elle était encore mineure, deux fois par la police française, trois fois par la police suisse et une fois par la Juge des mineurs.

Outre que la seconde occurrence à la gendarmerie française a eu lieu à la demande de la jeune fille et n'a pas porté sur les faits, ces deux auditions ne peuvent être tenues pour avoir été conduites dans la présente procédure, dès lors qu'elles ont été diligentées dans le cadre de celle instruite en France.

Les auditions des 4 et 7 juin 2021 (hors audition EVIG du même jour) n'ont pas porté sur les actes subis à proprement parler mais sur des éléments susceptibles de permettre d'identifier les auteurs et le lieu (remise de captures d'écran de messages ; indications sur l'identité des protagonistes et les moyens de les contacter ; déplacement, avec la police, à M______ [GE] pour désigner l'immeuble du prévenu ; identification sur planche photographique). Il ne s'est donc pas agi d'un interrogatoire sur les faits, source possible de victimisation secondaire, au sens de l'art. 154 al. 4 let. b CPP.

Aussi, il n'y a eu dans la présente procédure que deux interrogatoires de la victime sur les faits, alors qu'elle était encore mineure.

5.4. Selon l'art. 17 PPMin, l’autorité d’instruction et les tribunaux peuvent en tout temps suspendre la procédure et charger une organisation ou une personne compétente dans le domaine d’engager une procédure de médiation s'il n’y a pas lieu de prendre de mesures de protection ou si l’autorité civile a déjà ordonné les mesures appropriées et si les conditions fixées à l’art. 21, al. 1 DPMin ne sont pas remplies, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. Si la médiation aboutit à un accord, la procédure est classée.

Il est vrai que l'on peut douter de l'opportunité de soumettre à la médiation une cause telle la présente, vu le message de banalisation d'actes graves – supposés avérés – que la victime pouvait en déduire, ce qui a apparemment été le cas. Cela étant, les trois magistrats instructeurs ont pu envisager cette option eu égard à la mission particulière de la justice des mineurs et du fait que la quête de vérité de la partie plaignante pouvait peut-être recevoir une réponse dans un tel contexte, confidentiel et faisant appel à la bonne volonté des participants. En tout état, on ne saurait retenir qu'en ayant recours à une option prévue par la loi, les Juges des mineurs ont violé les droits de procédure de la victime.

5.5. Il n'appartient pas aux autorités suisses de porter un jugement sur le temps mis par les autorités françaises pour déléguer la poursuite et, en tout état, une éventuelle violation du principe de célérité par les secondes ne saurait être reprochée aux premières.

5.6. Aussi, sans nier que les aléas de la procédure ont été difficiles à vivre pour la partie plaignante, il demeure qu'il n'y a pas matière à lui donner acte d'une violation de ses droits procéduraux.

6. Vu l'issue, les frais de l'ensemble de la procédure, comprenant, s'agissant de ceux d'appel, un émolument d'arrêt réduit de CHF 1'000.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]) seront mis à la charge du prévenu, lequel succombe intégralement (art. 428 CPP applicable par renvoi de l'art. 44 al. 2 PPMin).

7. 7.1.1. La décision sur le sort des frais de la procédure préjuge de celle sur les indemnités de procédure au sens des art. 429, 433 et 436 CPP (ATF 147 IV consid. 4.1 et 137 IV 352 consid. 2.4.2).

7.1.2. L'indemnité est due si l'assistance d'un avocat était nécessaire, compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit. Le Tribunal fédéral considère, avec la doctrine majoritaire, qu'elle doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (ATF 142 IV 163 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, le Tribunal fédéral retient en principe qu'un tarif horaire de CHF 400.- pour un chef d'étude (ATF 135 III 259 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 2.3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 4.2.5) n'est pas arbitrairement bas pour le canton de Genève (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1078/2014 du 9 février 2016 consid. 4.3 et les références = SJ 2017 I 72). La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou moins, si l'avocat concerné a lui-même calculé sa prétention à un tarif inférieur (ACPR/377/2013 du 13 août 2013).

7.2. Il est incontestable qu'au vu du dossier et ne serait-ce qu'eu égard au principe de l'égalité des armes, le prévenu étant pourvu d'un défenseur d'office, il était justifié que la partie plaignante eut recours aux services d'un conseil juridique privé, jusqu'au moment où elle a préféré requérir l'octroi de l'assistance judiciaire. Le droit à l'indemnité est partant acquis, suite à la condamnation du prévenu, dans son principe, et cette indemnité doit couvrir l'ensemble des dépenses nécessaires occasionnées par la procédure, dans le prolongement de la décision sur la répartition des frais.

Reste à déterminer dans quelle mesure l'activité facturée par l'avocate de la partie plaignante répond à la condition de nécessité s'agissant de l'action pénale et civile contre l'intimé. Les opérations listées portent sur plus de 60 heures d'activité déployée entre le 21 avril 2022 et le 18 juin 2025. Jusqu'au 18 janvier 2024, soit à la réception du jugement dans la présente cause, il n'est pas possible de déterminer quel prévenu elles concernent, sous réserve de certaines, telles les activités du 16 août 2023 qui mentionnent expressément F______ et R______. Cela se comprend, vu l'étroite connexité entre les trois procédures et du fait que du point de vue de l'avocate, il s'agissait d'un mandat unique. Il demeure cependant qu'il eût fallu, dans le contexte des conclusions en indemnisation, indiquer et justifier dans quelle mesure l'activité déployée méritait d'être répercutée au prévenu, lequel n'a pas à prendre en charge des frais qui ne le concernent pas personnellement.

Ex aequo et bono, il sera retenu que l'activité antérieure au 18 janvier 2024, par 36 heures (arrondi), doit être supportée par l'intimé à concurrence d'un tiers, soit 12 heures auxquelles s'ajoutent les 25 heures postérieures au jugement de première instance, d'où un total de 37 heures, au taux pratiqué par l'avocate, de CHF 400.-/heure.

Le prévenu – et lui seul, les considérations qui précèdent s'appliquant mutatis mutandis à la demande visant sa mère – est ainsi condamné à payer à la partie plaignante la somme de CHF 14'800.- (la TVA ne s'appliquant pas selon la note d'honoraires, sans doute en raison du domicile à l'étranger de la cliente).

8. 8.1. Considéré globalement, l'état de frais produit par le défenseur d'office du prévenu satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 2'867.35 (= 2 heures au taux de CHF 200.- [CHF 400.-] + 12 heures et 30 minutes au taux de CHF 150.- [CHF 1'875.-) + le forfait couvrant les activités diverses, de 10%, vu le nombre d'heures consacré à l'ensemble de la procédure [CHF 227.50] + deux vacations aller-retour à l'audience, répartie sur deux demi-journées [CHF 150.-] + la TVA au taux de 8.1% [CHF 214.85]).

8.2. Les heures d'activité évoquées par la conseil juridique de l'appelante pour la période couverte par l'assistance judiciaire peuvent paraître excessives, eu égard au travail déjà déployé précédemment et par comparaison avec celui facturé par le défenseur d'office. Elles seront néanmoins exceptionnellement admises, vu notamment la nécessité de prendre du temps pour préparer la cliente et le fait que l'avocate n'avait pas pu participer aux débats de première instance et donc reprendre une partie de son travail. Sa rémunération sera dès lors fixée à CHF 3'351.10.- pour 14 heures et demie au taux horaire de CHF 200.- + la double vacation (CHF 200.-) + la TVA au taux de 8.1% (CHF 251.10), sans forfait pour les prestations diverses, dès lors qu'il n'y en a pas eu, après le 19 juin 2025, soit quasiment à la veille des débats.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels formés par le Ministère public et A______ contre le jugement JTMI/1/2024 rendu le 10 janvier 2024 par le Tribunal des mineurs dans la procédure P/17106/2021.

Les admet

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Reconnaît C______ coupable d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, commis en commun (art. 191 et 200 aCP).

Lui inflige une peine privative de liberté de huit mois (art. 25 al. 1 DPMin).

Assortit cette peine du sursis et arrête la durée du délai d'épreuve à huit mois (art. 35 et 29 al. 1 DPMin).

Avertit le condamné de ce que, s'il devait commettre une infraction durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué, et la peine suspendue exécutée, ce sans préjudice de la nouvelle peine encourue.

Condamne C______ à payer à A______ :

-                 EUR 340.-, plus intérêts au taux de 5% l'an du 27 juillet 2019, en réparation du dommage matériel (art. 41 CO) ;

-                 CHF 30'000.-, plus intérêts au taux de 5% l'an du 27 juillet 2019, à titre d'indemnisation du tort moral (art. 49 CO) ;

-                 CHF 14'800.- (exempts de TVA), en couverture de ses frais de défense (art. 433 et 436 CPP).

Rejette les conclusions de A______ tendant à la condamnation de D______, solidairement et conjointement avec C______, à payer les sommes susvisées, ainsi que celles en constatation de ce que ses droits procéduraux auraient été violés.

Prend acte de ce que le Tribunal des mineurs a arrêté à CHF 8'711.15 (TVA comprise) la rémunération de Me E______, défenseur d'office de C______, pour ses diligences durant la procédure préliminaire et de première instance.

Lui alloue un montant de CHF 2'867.35 (TVA comprise) pour celles déployées durant la procédure d'appel.

Fixe à CHF 3'351.10 (TVA comprise) la rémunération de Me B______ pour son activité de conseil juridique gratuite de A______ depuis le 19 juin 2025.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 9'246.25, y compris un émolument d'arrêt réduit de CHF 1'000.-, et met la totalité des frais de la cause, soit CHF 12'932.55, à la charge de C______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal des mineurs.

 

La greffière :

Sonia LARDI DEBIEUX

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal des mineurs :

CHF

3'686.30

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Expertise de crédibilité du 29 janvier 2025

CHF

5'824.50

Audition des experts en audience le 24 juin 2025

CHF

1'636.75

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

520.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

190.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

9'246.25

Total général (première instance + appel) :

CHF

12'932.55