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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3117/2018

ATA/405/2019 du 09.04.2019 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.60.al1; Cst.5.al2; Cst.29.al2; RRIP.42; RRIP.44; RRIP.45; RRIP.47
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3117/2018-PRISON ATA/405/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yaël Hayat, avocate

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est détenu à la prison de B______ (ci-après : la prison), depuis le 16 mars 2017 en détention provisoire.

2) Un incident l’impliquant est survenu le 13 août 2018. À teneur du rapport établi le même jour, lors de la remontée de la promenade, M. A______ et un codétenu avaient eu un échange verbal agressif. L’appointé avait entendu de la part de M. A______ « viens là si tu n’as pas peur, t’as qu’à venir ». Le codétenu avait alors asséné un coup de pied à M. A______ avant que les autres détenus présents les séparent.

3) M. A______ a été entendu par le gardien chef, le jour même à 17h00. Une sanction de deux jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement, refus d’obtempérer et attitude incorrecte envers des tiers lui a été signifiée oralement à 17h05.

4) La sanction lui a également été notifiée par écrit le même jour à 18h30. La décision était exécutoire immédiatement, nonobstant recours, et était signée par le directeur et le sous-chef cellulaire de la prison.

5) Son codétenu s’est vu signifier pour ces faits une sanction de trois jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement, refus d’obtempérer et violence physique exercée sur un détenu.

6) Le 22 août 2018, le directeur de la prison a répondu aux demandes d’explications du 16 août 2018 de M. A______ et a maintenu la sanction.

7) Par décision du 3 septembre 2018, M. A______ a été mis au bénéfice de l’assistance juridique, avec effet au 30 août 2018 limité à trois heures maximum d'activité d'avocat hors forfait courriers/téléphones et audiences et a commis un avocat à cette fin.

8) Par acte du 12 septembre 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 13 août 2018, concluant préalablement à ce qu’il soit dispensé des frais de procédure, à ce qu’il soit ordonné la production de toutes les images de vidéosurveillance du 13 août 2018 en lien avec les faits, et de tout rapport interne et autre document portant sur les faits de la présente cause, son audition et celle de tout témoin pertinent dans cette procédure, notamment les gardiens présents et tout autre acte d’instruction pertinent, avant de pouvoir compléter le recours ; principalement, à l’annulation de la décision précitée après constat de son illicéité. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens.

Face à des déclarations contradictoires, la direction de la prison devait accorder une importance particulière au droit d’être entendu. Or, il n’avait pas pu visionner les images de la vidéosurveillance avant le prononcé de la décision, si bien que pour cette seule raison la décision devait être annulée. De plus, celle-ci ne comportait aucun exposé précis des faits reprochés et des bases légales sur lesquelles elle se fondait.

Il contestait avoir violé ses obligations découlant du règlement. Il s’était contenté de répondre par deux courtes phrases, sans insulte, ni menace, aux provocations incessantes d’un codétenu agité, en raison de l’absence de réaction des gardiens.

La décision était disproportionnée et il aurait dû être mis au bénéfice du sursis.

9) Dans ses observations du 12 octobre 2018, la prison a conclu au rejet du recours et a transmis à la chambre administrative les images de vidéosurveillance.

La première séquence est prise par une caméra qui filme une partie de la cour et l’entrée du bâtiment. Elle ne permet pas de voir le début de l’altercation entre M. A______ et son codétenu. On y voit six gardiens se diriger vers un groupe de détenus visiblement agités mais se trouvant en dehors de l’image. Puis le codétenu se dirige vers la sortie du bâtiment accompagné par un tiers. M. A______, visiblement énervé, en fait de même. Il est accompagné par un tiers qu’il repousse à deux reprises alors que ce dernier tente de le calmer. Six gardiens le suivent de près. Le codétenu proche de l’entrée s’élance brusquement en direction de M. A______ dans le but de lui donner un coup de pied, mais les deux sont immédiatement séparés par les autres détenus présents, alors que les gardiens les entourent. Puis chacun rejoint le bâtiment.

La deuxième séquence est prise par une caméra filmant l’ensemble de la cour extérieure. On y voit le début de l’altercation. M. A______ marche en direction d’un groupe et de son codétenu, tourne légèrement la tête en direction de ce dernier lorsqu’il arrive à sa hauteur puis les deux hommes échangent visiblement des mots. Son codétenu poursuit son chemin avant de se retourner apparemment énervé en direction de M. A______. Alors que le codétenu se rapproche de M. A______, six gardiens en font de même. Les deux individus qui se font face front contre front sont immédiatement séparés par les autres détenus. Le codétenu s’éloigne de M. A______ et ce dernier se dirige vers l’entrée du bâtiment entouré des six gardiens.

10) Le 16 octobre 2018, le juge délégué a invité M. A______ à prendre contact avec la chambre administrative afin de convenir d’un rendez-vous pour venir visionner ces images et lui a imparti un délai au 15 novembre pour formuler toute requête complémentaire ou ses observations.

11) M. A______ ayant renoncé à faire usage de son droit à la réplique, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la chambre de céans, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ).

2) La sanction ayant déjà été exécutée, il convient d’examiner s’il subsiste un intérêt digne de protection à l’admission du recours (art. 60 al. 1 let. b LPA).

a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 139 I 206 consid. 1.1) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).

b. En l’espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité d’un placement en cellule forte doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée. En effet, cette situation pourrait encore se présenter (ATA/257/2018 du 20 mars 2018 et la jurisprudence citée), dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait quitté la prison à ce jour.

Le recours est donc recevable à tous points de vue.

3) a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3).

b. Le droit d’être entendu implique également l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités). Il suffit cependant, selon la jurisprudence, que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_997/2011 du 3 avril 2012 consid. 3 ; 1C_311/2010 du 7 octobre 2010 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4).

c. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1 ; ATA/747/2016 du 6 septembre 2016 consid. 4e et la doctrine citée). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; ATA/666/2015 du 23 juin 2015 consid. 2b et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/453/2017 du 25 avril 2017 consid. 5c ; ATA/747/2016 précité consid. 4e et les références citées).

d. En l’espèce, le recourant n’a pas pu prendre connaissance des images de vidéosurveillance avant la prise de décision. Toutefois, lors de son audition avant le prononcé de la décision querellée, il a été mis au courant des faits qui lui étaient reprochés et il a pu valablement faire valoir ses droits dans le cadre de son recours.

En tout état de cause, la chambre administrative, seule autorité de recours au niveau cantonal, connaît du présent contentieux avec un plein pouvoir de cognition. Dès lors, toute éventuelle violation du droit être entendu peut être réparée par l’instruction de la cause qui se déroule devant elle (ATA/1060/2018 du 9 octobre 2018 ; ATA/310/2017 du 21 mars 2017). Dans le présent cas, les images de vidéosurveillance ont été versées au dossier de la chambre de céans et le recourant a été invité, par son conseil, à répliquer après en avoir pris connaissance. Il a cependant indiqué n’avoir aucune observation complémentaire à formuler. Ainsi, même si une violation de son droit d’être entendu devait être admise, elle serait réparée.

S’agissant de sa propre audition et de celle des témoins, celles-ci ne sont pas susceptibles d’éclairer la chambre de céans sur la question à examiner, les images de vidéosurveillance versées au dossier étant suffisamment probantes.

L’audition des gardiens présents n’est pas nécessaire dès lors qu’ils ont décrit dans leur rapport avoir entendu un échange verbal agressif ainsi que les mots prononcés par le recourant.

Dans ces circonstances, la chambre administrative ne procédera pas aux actes d’instruction supplémentaires demandés, dans la mesure où de tels actes ne sont pas de nature à influer sur l’issue du litige et où elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause, y compris les rapports rédigés suite à l’incident.

Enfin, le recourant a eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés et les a valablement contestés dans le cadre de son recours.

Partant, ce grief doit également être écarté.

4) Est litigieuse la sanction de deux jours de cellule forte.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04) régit le statut des personnes incarcérées à la prison.

Les détenus doivent respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et du personnel pénitentiaire (art. 42 RRIP). Ils doivent en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Selon l'art. 45 RRIP, il est interdit notamment aux détenus, et d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (let. h).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Il peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions pour le placement en cellule forte de un à cinq jours à d'autres membres du personnel gradé (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public
(ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 19 septembre 2014 consid. 7b).

g. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une sanction de trois jours de cellule forte d’un détenu à la suite de la découverte d’un rasoir modifié en arme lors de la fouille complète d’une cellule (ATA/264/2017 du 7 mars 2017 (consid. 5). Ont également été jugées proportionnées des sanctions de cinq jours de cellule forte pour la détention d’un téléphone portable pour un détenu qui avait des antécédents disciplinaires (ATA/183/2013 du 19 mars 2013) et des sanctions d’arrêts de deux, voire trois jours de cellule forte pour des menaces d’intensité diverse (ATA/136/2019 du 12 février 2019).

5) a. En l’espèce, les images de la vidéosurveillance étant muettes, il n’est pas possible d’entendre l’échange verbal entre le recourant et son codétenu. Toutefois, ils sont observés comme étant très agités dans la cour de l’établissement et il peut être distinctement perçu qu’un tiers tente de retenir ou à tout le moins de calmer le recourant. Compte tenu de la jurisprudence précitée portant sur la valeur probante des constatations figurant dans un rapport établi par des agents assermentés et qu’aucun élément ne permet de remettre en cause la version décrite par les gardiens présents à proximité des détenus, la chambre administrative retiendra que l’incident s’est déroulé conformément à ce qui est décrit dans le rapport du 13 août 2018, largement corroboré par les images versées au dossier. Le recourant a ainsi adopté un comportement incitant à l’affrontement en prononçant la phrase « viens là si tu n’as pas peur, t’as qu’à venir ». Il se limite à opposer sa propre version des faits à celle constatée par l’agent de détention.

Il n’est pas besoin de déterminer qui porte la responsabilité de l’altercation qui a opposé les codétenus. En effet, le recourant ne devait pas répondre à la provocation verbale et faire courir à chacun le risque d’une bagarre qui aurait pu rapidement dégénérer en présence de nombreuses personnes. La présence des gardiens était à même de le sécuriser. Le contexte d’une prison recommande le strict respect du règlement afin que l’ordre et la sécurité soient assurés au sein de l’établissement. Son codétenu a été également et plus sévèrement sanctionné.

Le recourant allègue qu’il a été obligé de se défendre seul face à l’inaction des gardiens. Ces propos sont contredits par les images de la vidéosurveillance. En effet, on y voit les gardiens se diriger rapidement vers le recourant, si bien qu’il ne peut alléguer qu’ils ne sont pas intervenus. Dans tous les cas, il ne devait pas provoquer son codétenu mais s’en rapporter à ces derniers.

Au vu de ces éléments, le recourant a adopté un comportement enfreignant le RRIP. Ce grief sera ainsi rejeté.

b. Le recourant soutient que la sanction est disproportionnée. Toutefois, en disant « viens là si tu n’as pas peur, t’as qu’à venir » à un codétenu, le recourant l’a sans équivoque invité à une confrontation physique. De plus, dans les circonstances du cas d’espèce, il a également fait courir un risque aux agents et aux détenus présents dans la cour d’être confrontés à une bagarre qui aurait pu rapidement impliquer plus de deux personnes.

Dans ces conditions, la direction de la prison n’a ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation, ni violé le principe de la proportionnalité en prononçant le placement du recourant en cellule forte pour deux jours.

Pour ces motifs, le recours sera rejeté.

6) Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

*****

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2018 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 13 août 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yaël Hayat, avocate du recourant, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :